Nation
RDC : un bilan politique en demi-teinte en 2024
Published
11 mois agoon
By
La redaction
L’année 2024 a été marquée par plusieurs événements socio-politiques en République Démocratique du Congo (RDC). En termes de gouvernance, le bilan semble mitigé. En économie, l’inflation a régné en maître. Sur le plan de la sécurité, l’Est du pays n’a pas toujours retrouvé la paix, ce qui a annihilé les efforts réalisés dans d’autres secteurs.
Dans la première moitié de l’année, le pays a d’abord connu un processus complexe d’installation de nouvelles institutions. Après les élections présidentielle et législatives de décembre 2023, l’année 2024 avait démarré par la mise en place de ces institutions issues des urnes. Le président de la République, Félix Tshisekedi, réélu avec 73 % des voix, selon les résultats définitifs proclamés par la Cour Constitutionnelle, a été investi le 20 janvier 2024. Le Parlement, également renouvelé, a élu de nouveaux dirigeants. Vital Kamerhe a retrouvé le perchoir du bureau de l’Assemblée nationale, poste qu’il avait occupé de 2006 à 2009 sous la présidence de l’ancien chef de l’État, Joseph Kabila. Ce renouvellement des institutions s’est poursuivi avec l’élection des gouverneurs de provinces. En août, Jean-Michel Sama Lukonde, après avoir quitté la Primature, a pris la tête du Sénat. Quant au gouvernement, un changement notable s’est opéré à la Primature. Judith Suminwa Tuluka, nommée le 1er avril, est devenue la première femme à occuper le poste de Premier ministre au pays. Son gouvernement a été investi par l’Assemblée nationale le 12 juin.
Un bilan mitigé
En 2024, l’installation des institutions a été lente, malgré l’écrasante majorité obtenue par l’Union sacrée lors des élections de 2023. Ce processus a pris la moitié de l’année 2024, érodant ainsi le temps d’action de Félix Tshisekedi et de son gouvernement. Lors de son investiture, le chef de l’État congolais avait présenté les grandes lignes de son second quinquennat, axé sur six engagements majeurs : la création de six millions d’emplois, la protection du pouvoir d’achat, l’amélioration de la sécurité, la diversification économique, l’accès aux services sociaux de base et l’efficacité des services publics. Pour l’année 2024, ces différents secteurs n’ont pas connu d’avancées majeures.
Protection du pouvoir d’achat
En 2024, comme bien avant, Félix Tshisekedi a fait face à une inflation galopante. Cette érosion de la monnaie nationale a absorbé des efforts économiques réalisés par le président de la République depuis son arrivée à la tête du pays. Parmi ces prouesses, il y a notamment l’accroissement du budget national, passant de 4 milliards à plus de 16 milliards de dollars. Lors de son discours bilan sur l’état de la nation en décembre, il a reconnu que l’inflation en 2024 a dépassé les prévisions. « Je reconnais cependant que l’inflation constitue une préoccupation réelle pour nos concitoyens. Elle a dépassé, au premier semestre, le seuil annuel prévu de 11,3 % », a noté Félix Tshisekedi.
Il a justifié cette situation notamment par la hausse des tarifs de transport, une hausse elle-même liée au rationnement des produits pétroliers, ainsi que l’augmentation du prix des denrées alimentaires et des boissons non alcoolisées. « Le franc congolais a également subi une dépréciation de 4,2 % par rapport au dollar américain depuis la fin décembre 2023, renchérissant le coût des biens importés et accentuant ainsi la pression inflationniste », a-t-il ajouté. Face à ce tableau, l’engagement pris dans son programme sur la protection du pouvoir d’achat des Congolais reste encore un mirage pour la majorité de la population. Pour faire face à la vie chère, due notamment à l’inflation, Félix Tshisekedi a rappelé l’instruction donnée à la Première ministre, Judith Suminwa, pour prendre des mesures sur la baisse des prix des biens de première nécessité afin d’inverser la tendance. Mais les Congolais ont passé les fêtes de fin d’année avec les prix des biens de consommation toujours en hausse. Les négociations avec les importateurs de ces produits n’ont pas abouti à la baisse des prix chez les consommateurs congolais.
Pas d’amélioration de la sécurité
La sécurité au pays a constitué un des problèmes majeurs en 2024. Le bilan dans ce secteur reste très préoccupante. Dans l’Est de la République, les offensives répétées du groupe armé M23, soutenu par le Rwanda, ont aggravé une situation humanitaire déjà désastreuse au Nord-Kivu. Cette insécurité a provoqué le déplacement de près de 7 millions de Congolais, dont la plupart vivent dans des conditions précaires, dans des camps de déplacés. La rencontre entre le président congolais, Félix Tshisekedi, et son homologue rwandais, Paul Kagame, qui avait suscité un espoir de paix, le 15 décembre, a été annulée. Le cessez-le-feu, en vigueur depuis le 4 août, n’est plus respecté par les rebelles qui continuent de bénéficier du soutien militaire de l’armée rwandaise. Au cours de la même année, ces rebelles ont élargi leur zone d’influence, prenant le contrôle d’une partie du territoire de Lubero et de Walikale, après Masisi, Rutshuru et Nyiragongo. Sur ce sujet, Félix Tshisekedi a souligné les efforts des Forces armées de la RDC (FARDC) ainsi que la mission militaire de la SADC (SAMIDRC) dans les efforts de rétablissement de la paix dans cette partie du territoire national. Malgré cette volonté, la RDC fait toujours face à des défis sécuritaires majeurs. L’état de siège dans les provinces de l’Ituri et du Nord-Kivu reste un sujet de controverse, bien que des efforts soient faits pour ramener la paix, comme en témoignent les visites fréquentes de la Première ministre, Judith Suminwa, dans ces zones.
Dans d’autres parties du pays, la sécurité n’a pas non plus été totale. À Kinshasa, le banditisme urbain a atteint des proportions inquiétantes. Une journaliste de la chaîne nationale a succombé à ses blessures après une violente agression de la part de présumés bandits appelés communément « Kuluna ». La tentative de coup d’État menée par Christian Malanga, en 2024, au Palais de la Nation, a aussi révélé des failles sécuritaires. Cette insécurité n’a pas épargné les villes de Lubumbashi et Kolwezi où la sécurité des personnes et de leurs biens n’a pas été totalement garantie, avec des vols à main armée à répétition.
Création d’emplois
Après avoir pris l’engagement de créer 6 millions d’emplois lors de la campagne électorale, Félix Tshisekedi a changé son langage lors de ses meetings devant les Congolais en provinces. À Tshikapa, chef-lieu de la province du Kasaï, le chef de l’État n’est pas allé par quatre chemins pour appeler les jeunes à se débrouiller pour créer des emplois. « Débrouillez-vous pour créer de l’emploi, l’État ne peut pas en donner à tout le monde », a-t-il balancé. Une phrase qui démontre la difficulté pour son gouvernement de créer les conditions propices à la création d’emplois afin d’atteindre le chiffre de 6 millions d’emplois promis aux Congolais.
Malgré ce défi majeur sur l’emploi des jeunes, Félix Tshisekedi note cependant « des progrès notables » réalisés par le pays. Il a vanté des réalisations économiques en dépit de ce contexte économique difficile. C’est notamment le cas de la construction de la Zone économique spéciale de Maluku, où une usine de fabrication de carreaux emploie plus de 1 000 Congolais et produit environ 50 000 mètres carrés de carreaux. Cela a permis d’arrêter l’importation de ce matériau de construction. Il a aussi évoqué le cas de l’usine de Pepsi qui produit à ce jour 1,2 million de bouteilles de boisson non alcoolisée. Ce qui renforce, selon lui, le concept de « made in RDC ». Il a aussi mis en avant la mine de zinc de Kipushi, dans le Haut-Katanga, qu’il a inaugurée récemment après plus de 30 ans d’arrêt. Cette mine a la capacité de produire 45 000 tonnes de zinc.
Accès aux services sociaux de base
Le gouvernement, sous la présidence de Félix Tshisekedi, a poursuivi ses efforts pour garantir la mise en œuvre du Programme de développement local des 145 territoires (PDL-145T). La mise en œuvre de ce projet a été ralentie notamment suite à l’effort de guerre, les agences habilitées pour l’exécution de ce projet n’ont plus reçu le reste des fonds pour le financement des travaux. Ce programme permet entre autres l’accès aux services sociaux de base, tels que la santé, l’administration et l’éducation, à travers la construction des centres de santé, écoles et bureaux des territoires.
Dans le volet de la santé, il a vanté la construction de 300 centres de santé, dont un à Kalemie, inauguré par lui-même après avoir été équipé. Il y a également la couverture santé universelle, dont le programme de la gratuité de la maternité couvre désormais 13 provinces dans son implémentation. Parallèlement, le gouvernement renforce l’efficacité des services publics avec les réformes au sein de la Fonction publique, notamment avec la maîtrise des effectifs des fonctionnaires et agents de l’État.
Diversification économique
Le pays dépend en majorité des ressources issues des minerais. Félix Tshisekedi s’est battu, en 2024, pour commencer à concrétiser son slogan sur la « revanche du sol sur le sous-sol » afin de diversifier l’économie nationale. En octobre 2024, dans le cadre de la coopération avec la Banque africaine de développement (BAD), la RDC avait lancé, par l’entremise du Fonds social de la RDC (FSRDC), le Programme de transformation de l’Agriculture (PTA-RDC), bénéficiant d’un financement de 6,6 milliards de dollars américains sur dix ans. « L’autosuffisance alimentaire ne doit pas demeurer un slogan. Elle doit devenir une réalité. Et nous avons les moyens », insistait Félix Tshisekedi. Il promet d’engager les moyens supplémentaires pour l’encadrement et l’accompagnement des pêcheurs et des éleveurs. Une campagne agricole 2024-2025 a été lancée au cours du même mois pour permettre d’exploiter d’autres richesses du pays, notamment ses terres arables.
Pour mieux diversifier l’économie, Félix Tshisekedi sait combien les routes sont importantes. Au cours de l’année 2024, des avancées significatives ont été constatées dans les relations sino-congolaises avec la modification du contrat chinois. Une négociation menée avec le concours de l’Inspection générale des finances (IGF). Parmi les points d’accord figure la révision à la hausse du montant d’investissement pour les infrastructures, passant de 3,2 à 7 milliards de dollars supplémentaires. Une grande partie de ce montant est affectée à la construction des routes aussi bien à Kinshasa qu’à l’intérieur du pays. Félix Tshisekedi a d’ailleurs lancé les travaux de construction des rocades dans l’Ouest de la ville de Kinshasa pour notamment mettre fin aux embouteillages grâce aux fonds issus de ce contrat renégocié.
Fayulu dresse un tableau sombre
De son côté, l’opposition peint un tableau sombre de la gestion de Félix Tshisekedi. Le leader de la coalition Lamuka, Martin Fayulu, a dressé un bilan sans complaisance en 2024. Infrastructures inexistantes, situation humanitaire dramatique et une faible diplomatie, l’ancien candidat à la présidentielle de 2018 et 2023 a accusé le régime de Félix Tshisekedi de mauvaise gestion et de complaisance face à la misère des Congolais, alors que, selon lui, le camp au pouvoir vide les caisses de l’État. « La pauvreté explose. L’éducation et la santé s’effondrent, les grèves de fonctionnaires, de médecins et d’enseignants se multiplient. La gratuité de l’enseignement demeure un mirage, le chômage est à son comble, la jeunesse abandonnée à elle-même voit son avenir compromis. », a déclaré Martin Fayulu. Il a aussi mis en garde contre un projet de changement ou de modification de la Constitution initié par Félix Tshisekedi, un débat qui a occupé la seconde moitié de l’année 2024. Pour Fayulu, « un régime incompétent peut changer la Constitution 100 fois, les mêmes maux produiront les mêmes effets ».
Sayiba dénonce des « promesses trompeuses »
Dans son message de vœux, Patient Sayiba, ancien directeur général de l’OGEFREM, paraît choqué par des promesses qu’il qualifie de « trompeuses » de la part du régime de Félix Tshisekedi. « Le peuple congolais, abandonné à son triste sort, vit au rythme des promesses trompeuses et d’une gouvernance centrée sur les intérêts personnels des dirigeants. Les conséquences de cette gestion irresponsable sont nombreuses et tragiques pour le pays et son peuple », a-t-il déclaré. Pour Patient Sayiba, la réalité démontre que la descente aux enfers continue de manière fatale et ce, sur fond d’une incompétence criante et d’un manque flagrant de vision. « Il n’est un secret pour personne que depuis 2019, la situation socio-économique, environnementale, professionnelle, sécuritaire et politique n’a cessé de se détériorer gravement. » Il cite au passage la baisse « drastique » du pouvoir d’achat des populations, des grèves répétées des enseignants et médecins, et une fracture sociale aggravée par « un tribalisme dévastateur jamais vécu dans l’histoire de notre pays. »
Sur le plan sécuritaire, ce proche de Joseph Kabila critique le traitement de faveur réservé aux mercenaires et aux armées étrangères au détriment des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC). « L’armée, jadis symbole de fierté et de cohésion nationale, est aujourd’hui humiliée, remplacée par des milices improvisées. Au moment où nos vaillants militaires survivent avec des soldes de misère, les troupes étrangères et les mercenaires du gouvernement bénéficient de traitements indécents, tels des princes dans le palais d’un roi fainéant », a-t-il dénoncé.
En 2025, Kabila veut signer un retour politique
Dans un message adressé aux Congolais, le 4 janvier, Raymond Tshibanda, coordonnateur de la cellule de crise du FCC, la plateforme politique de Joseph Kabila, a déclaré que l’ancien président de la République n’avait jamais pris sa retraite politique, mais qu’il était en « congé sabbatique », prêt à répondre à l’appel du peuple congolais afin de relever les défis de la RDC.
Face à ce qu’il qualifie de « dictature » du régime actuel, Raymond Tshibanda a indiqué que le devoir du Front Commun pour le Congo est de faire de chaque foyer, quartier et village, une « cellule de résistance » afin de rester digne des martyrs de l’indépendance. Il a assuré que l’ancien président reste encore dans le jeu politique malgré son silence. « Que ceux qui prennent le taiseux pour un muet et donnent le lion au repos pour mort se détrompent », a-t-il déclaré.
Heshima
You may like
-
Assemblée nationale : une session de mars potentiellement explosive
-
L’économie congolaise déjà impactée par la guerre
-
Opposition en RDC : Kabila, Katumbi et Fayulu, un front uni pour préserver la Constitution ?
-
Thérèse Kayikwamba, la « Kimpa Vita » de la diplomatie congolaise
-
Autosuffisance alimentaire Lovo, la nouvelle pépite du Service national
-
RDC : Goma assiégée par l’armée rwandaise, Washington promet des sanctions
Nation
Sous pression de la Présidence : Daniel Bumba sur un siège éjectable ?
Published
2 heures agoon
novembre 27, 2025By
La redaction
La gestion financière du gouverneur de la ville-province de Kinshasa est minutieusement examinée. Le vice-Premier ministre et ministre de l’Intérieur, Jacquemain Shabani, a lancé une mission de contrôle portant sur la gestion des ressources financières sous la responsabilité du gouverneur Daniel Bumba depuis 2014 jusqu’à aujourd’hui. Parallèlement, la Présidence de la République, par l’intermédiaire de son directeur de cabinet, a mis en place une autre mission chargée d’auditer la gestion des fonds d’assainissement de Kinshasa (FOSAK). Cependant, l’initiative du ministère de l’Intérieur alimente interrogations, attentes et débats au sein de la classe politique comme dans l’opinion publique. Cette mission aboutira-t-elle à l’éviction du gouverneur ? Voilà la grande question.
Dans un document signé le 24 novembre 2025, le directeur de cabinet du chef de l’État, Anthony Nkinzo, a ordonné une mission d’évaluation « circonstanciée » des opérations du Fonds d’assainissement (FONAK) de Kinshasa. Cette enquête, menée par quatre membres du cabinet présidentiel, se déroule du 27 au 28 novembre 2025. Cette action de la Présidence coïncide avec une autre mission de contrôle lancée le 13 novembre 2025 par le vice-Premier ministre et ministre de l’Intérieur, Jacquemain Shabani, pour superviser la gestion des ressources financières de la capitale par le gouverneur Daniel Bumba.
Dans une lettre adressée au gouverneur, Jacquemain Shabani informe qu’une mission de contrôle composée de l’Inspection Générale de la Territorialité, en collaboration avec les experts du Secrétariat Général aux Finances et de la Direction générale de la trésorerie et de la comptabilité publique (DGTCP), placée sous la supervision de son cabinet, a été mise en place. « Cette mission a pour objet d’effectuer un contrôle approfondi de la gestion des ressources financières de la ville de Kinshasa, notamment les modalités de perception et d’affectation de ces ressources pour la période allant de 2024 à aujourd’hui », précise Jacquemain Shabani.
Les enquêteurs examinent particulièrement les dépenses relatives aux travaux d’infrastructures, à la gestion urbaine, à la passation des marchés publics ainsi qu’à la conduite des projets d’infrastructure. Parallèlement, la Présidence de la République a dépêché une équipe distincte pour auditer la gestion du Fonds d’assainissement de Kinshasa (FOSAK), un dispositif financier destiné à soutenir les opérations de nettoyage, de drainage et l’amélioration du cadre de vie des habitants. Cette démarche illustre la volonté de la haute hiérarchie étatique d’exercer un contrôle strict sur l’usage des fonds dédiés à l’assainissement, secteur clé pour la santé publique.
Des contrôles révélant les carences de l’Assemblée provinciale
Le Parlement de Kinshasa, chargé de contrôler l’action du gouvernement provincial, peine pourtant à jouer pleinement son rôle. Entre interpellations timides, commissions peu offensives et absence de suivi rigoureux, le contrôle parlementaire de l’Assemblée provinciale se montre faible, ce qui explique l’intervention de la Présidence et du ministère de l’Intérieur.
Théoriquement, l’Assemblée provinciale de Kinshasa jouit de prérogatives étendues pour surveiller la gestion du gouvernorat et évaluer la mise en œuvre des politiques publiques. Questions orales, interpellations, enquêtes et auditions parlementaires sont autant d’outils censés garantir la redevabilité des autorités provinciales.
Dans les faits, ces mécanismes sont rarement exploités efficacement. De nombreux analystes soulignent une tendance à la complaisance des députés provinciaux envers l’exécutif. Les sessions de contrôle sont souvent perçues comme formelles, sans véritables conséquences contraignantes, et les rapports issus des commissions aboutissent rarement à des sanctions ou mesures correctives. Cette situation engendre un sentiment d’impunité autour du gouverneur et de son équipe, fragilisant ainsi la démocratie locale. « Bien souvent, les contrôles parlementaires ne servent qu’à régler des comptes entre l’Assemblée et le gouverneur, plutôt qu’à exercer un vrai contrôle de gestion », commente un analyste politique.
Controverses autour de la légitimité du contrôle du ministère de l’Intérieur
Malgré les faiblesses de l’Assemblée provinciale, certains déplorent l’initiative du ministère de l’Intérieur, estimant que ce dernier n’a pas la compétence légale pour contrôler la gestion du gouverneur. « En RDC, la surprise est constante. Comment le vice-Premier ministre et ministre de l’Intérieur peut-il se permettre d’auditer les finances de la ville de Kinshasa ? Quelle loi lui confère ce pouvoir ? », s’interroge Jean-Claude Katende, président de l’Association africaine de défense des droits de l’homme (ASADHO). Ce représentant de la société civile considère que Jacquemain Shabani n’a aucun droit légal en la matière. « S’il s’inquiète de la gestion financière de la ville, il devrait saisir l’Inspection Générale des Finances (IGF) ou la Cour des comptes, organismes mandatés par la Constitution. Qui conseille le ministre de l’Intérieur ? Pourquoi l’a-t-on laissé commettre une erreur aussi grave ? », s’interroge-t-il. Pour lui, le gouvernement de la ville de Kinshasa devrait opposer un refus ferme à cette intervention.
Daniel Bumba face à une possible éviction
Cette double enquête suscite des spéculations sur une possible éviction du gouverneur Daniel Bumba. Entre manœuvres politiques, pressions institutionnelles et critiques liées à sa gestion, la question de son départ agite la classe politique et l’opinion kinoises. Une éviction ne pourrait toutefois intervenir sans passer par l’Assemblée provinciale. Gouverneur issu de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), Daniel Bumba semble peiner à répondre aux attentes du parti au pouvoir, un an après son investiture.
Depuis son arrivée, aucun programme clair n’a émergé pour améliorer la salubrité de la ville. Kinshasa étouffe sous les déchets qui, à chaque pluie, bloquent l’évacuation des eaux. Les routes secondaires sont jonchées de nids-de-poule. La capitale vit au rythme d’embouteillages monstrueux, où la circulation vire quotidiennement au chaos. Pour inverser cette tendance, le gouvernement central a lancé fin 2023 un vaste programme de réhabilitation des voiries secondaires. L’objectif est de réhabiliter plus de 200 kilomètres de routes dans les 24 communes, désenclaver les quartiers populaires et fluidifier une circulation étouffée. « Sur les deux priorités majeures, voirie et gestion des déchets, le gouvernement central s’est engagé à moderniser intégralement les routes urbaines. Sous la coordination de la Première ministre, tous ces projets sont financés via le ministère des Finances afin d’améliorer la mobilité urbaine et de créer les conditions d’une croissance durable », expliquait le ministre des Finances, Doudou Fwamba. La majorité des nouvelles voiries sont bâties en béton, dites « chaussées rigides », plus coûteuses à construire mais offrant une durée de vie nettement supérieure à l’asphalte : jusqu’à trente ans, contre dix à quinze ans pour une route bitumée. Pourtant, nombreux sont les chantiers qui piétinent alors que le ministre affirmait qu’ils étaient « entièrement » financés par le pouvoir central.
Pour le député national Aaron Bimwala, la gestion de Daniel Bumba n’a pas répondu aux attentes des Kinois, et il appelle à en tirer les conséquences. « Soyons réalistes : après deux ans, la politique menée à la tête de la ville n’a pas répondu aux urgences et attentes des habitants. Il est temps d’en tirer toutes les conclusions et d’ouvrir une nouvelle voie », déclare-t-il.
Face à ces contrôles, Daniel Bumba adopte une posture mêlant ouverture et contestation tacite, invoquant la loi sur la libre administration des provinces et entités territoriales décentralisées pour répondre à Jacquemain Shabani. Pour certains analystes, cette double mission s’inscrit dans une dynamique visant à restaurer la confiance entre les autorités kinoises et la population, souvent confrontée aux défaillances des services publics.
Heshima
Nation
Du Budget au Perchoir : le parcours insoupçonné de Boji Sangara
Published
7 jours agoon
novembre 20, 2025By
La redaction
Économiste de formation britannique, réservé mais d’une méthode implacable, Aimé Boji Sangara a gravi les échelons de la politique congolaise loin des projecteurs et des coups d’éclat. Son élection à la présidence de l’Assemblée nationale marque le couronnement d’un parcours où rigueur académique, loyauté stratégique et sens aigu du détail ont façonné un personnage rarement bruyant, mais dont l’influence est désormais centrale. Portrait d’un homme qui, loin de l’ostentation, privilégie l’efficacité structurelle et le travail de fond.
Le jour de son élection, le 13 novembre 2025, Aimé Boji Sangara n’a pas cédé à l’euphorie. Là où d’autres auraient levé les bras en signe de triomphe, il s’est simplement avancé vers le pupitre. Il affichait une concentration presque austère, révélant plus l’homme d’État mesuré que le vainqueur exubérant. Chez lui, la retenue n’est pas un artifice tactique : elle est l’expression profonde d’un trait de caractère qui est devenu sa marque de fabrique dans l’arène politique.
Lors de son discours d’investiture à la tête de la chambre basse, Boji a immédiatement cherché à rassurer et à projeter une image de réformateur pragmatique. Il a promis de transformer l’institution parlementaire en « un parlement plus fort, plus crédible et plus proche du peuple », des objectifs qui nécessiteront une refonte interne des méthodes de travail et une collaboration renforcée, mais équilibrée, avec les autres institutions républicaines. Il a ainsi posé d’emblée les bases d’un mandat axé sur la rationalisation de l’action législative.
L’héritage politique du Kivu et l’exil académique
Né en 1968 dans le territoire de Walungu, au Sud-Kivu, Aimé Boji a été bercé par l’atmosphère du service public et de la politique. Son père, Dieudonné Boji, fut une figure respectée, notamment en tant que gouverneur du Kivu avant son éclatement en plusieurs provinces. Cette immersion précoce dans le sérail du pouvoir, loin d’engendrer une ambition politique prématurée, l’a plutôt orienté vers l’exigence de la méthode. Il s’est d’abord passionné pour la discipline des chiffres et la logique du raisonnement structuré. Après un diplôme de math-physique obtenu à Bukavu, il choisit de s’éloigner du tumulte national et de l’héritage familial pour poursuivre sa formation au Royaume-Uni.
Son voyage académique le mène d’abord à Oxford Brookes, puis à l’éminente Université d’East Anglia. Ces années passées outre-manche sont décisives. Il y acquiert non seulement un master en économie du développement, mais aussi un rapport au travail singulier : un culte de la méthode, de la recherche approfondie et de la gestion publique axée sur les résultats. Il s’engage ensuite dans des projets académiques et associatifs à Londres, se forgeant une réputation de professionnel sérieux, dont la rigueur et la précision, presque obsessionnelle, sont incontestables. Ces fondations jetées loin de Kinshasa expliquent sans doute sa capacité à rester serein et analytique face aux turbulences politiques.
Le technocrate au cœur de l’État
Lorsque Boji revient au pays au milieu des années 2000, c’est avec la conviction que son expertise doit servir l’appareil d’État. Élu député national en 2006, il est réélu sans discontinuer à chaque cycle électoral jusqu’à celui de 2023, faisant de son mandat parlementaire le socle de sa carrière.
Cependant, c’est au sein de l’Exécutif qu’il va véritablement affirmer son profil de technocrate fiable. Ses passages successifs aux portefeuilles du Commerce extérieur, du Budget et de l’Industrie sont remarqués par leur sérieux. Chaque nomination renforce l’image d’un homme capable d’écouter, d’analyser et de produire des résultats concrets, souvent mieux préparé sur le fond des dossiers que la moyenne de ses homologues.
Son mandat de quatre ans comme ministre du Budget est particulièrement éclairant. Il lui a permis d’acquérir une compréhension microscopique du fonctionnement de l’État, des rouages de la gestion des finances publiques et des impératifs de la transparence budgétaire. Malgré son passage prolongé au gouvernement, il n’a jamais renié ses années de parlementaire. « J’ai eu le privilège de siéger 13 ans durant dans cet hémicycle », a-t-il rappelé aux députés, soulignant qu’il y a appris la « noblesse du débat démocratique » et la valeur inestimable du consensus. Boji compte bien s’appuyer sur cette expérience bicéphale pour régénérer l’Assemblée. Il a clairement affiché sa volonté de replacer le député au centre de l’action parlementaire en privilégiant le travail de terrain et la proximité avec les réalités locales. Il souhaite notamment exploiter de manière plus systématique les rapports issus des vacances parlementaires pour identifier les besoins réels des circonscriptions et proposer au gouvernement des projets d’urgence concrets à financer en faveur des populations.
L’ascension stratégique : l’ancre de Tshisekedi
Dans un environnement politique souvent dominé par la théâtralité, les joutes oratoires et l’agitation, Boji incarne une forme de politique posée, presque administrativement efficace, qui tranche singulièrement. Ses collaborateurs le décrivent comme un homme qui « travaille en silence ». Le député Michel Moto, son camarade du parti politique Union pour la nation congolaise (UNC), le dépeint comme « un homme posé, conciliant et surtout un homme de dialogue », soulignant la dimension consensuelle de son leadership. Même ses détracteurs, en coulisse, concèdent volontiers qu’il « ne fait pas de vagues, mais il avance avec une détermination tranquille et méthodologique ».
Lorsque l’Union Sacrée de la Nation (USN) le désigne candidat au perchoir en septembre 2025, le choix n’est pas perçu comme audacieux, mais comme éminemment stratégique. Certains observateurs y voient un geste de prudence visant à installer une figure non clivante capable de gérer les dossiers techniques. D’autres y lisent une manœuvre pour stabiliser une institution qui a connu des périodes de crises internes et de vives tensions. Fidèle à lui-même, Boji mène sa campagne loin de l’agitation : il consulte, écoute, prend des notes méticuleuses et propose un programme centré sur la modernisation de l’institution. Son score, 413 voix sur les 423 votants, est un plébiscite qui témoigne de sa capacité à rallier un large consensus au-delà des chapelles politiques.
Un secret de polichinelle : la loyauté au Président
Le rapprochement entre Aimé Boji et le chef de l’État, Félix Tshisekedi, est l’élément fondamental qui explique cette ascension. Longtemps discret, il est devenu un secret de polichinelle au lendemain de sa démission du ministère de l’Industrie pour se présenter au Perchoir.
Un politologue souligne l’évidence de la stratégie : « Personne ne risque de quitter un portefeuille ministériel, surtout d’État, s’il n’a pas la certitude absolue d’avoir le soutien total du chef de l’État pour le Perchoir. Le fait qu’il ait quitté ses fonctions était le signe irréfutable de l’aval présidentiel. » Boji est l’homme clé chargé de garantir la cohésion et la productivité du pouvoir législatif au service de la vision présidentielle. Cette nouvelle proximité a d’ailleurs éclipsé l’influence de son mentor politique historique, Vital Kamerhe (VK), chef de l’UNC. Pressenti pour succéder à VK qui avait démissionné du Perchoir, Boji a réussi, depuis 2019, à gagner la confiance durable de Félix Tshisekedi, se positionnant comme un pilier fiable et loyal au sein de l’USN, essentiel à la matérialisation des ambitions de la majorité.
Des dossiers explosifs et un leadership à affirmer
Aimé Boji arrive à la tête de l’Assemblée nationale à un moment charnière. Les défis qui l’attendent sont considérables :
Il devra d’abord œuvrer en étroite collaboration avec l’Exécutif pour soutenir les efforts visant au rétablissement urgent de la paix et de la sécurité dans l’Est du pays. C’est la priorité nationale absolue qui pèsera sur tous les travaux législatifs. Au-delà, l’examen du budget 2026 est un travail technique colossal qui attend immédiatement la chambre basse pour garantir un budget réaliste, social et transparent, conforme aux promesses de l’Union Sacrée.
Enfin, un dossier potentiellement explosif pourrait faire un retour remarqué dans le débat parlementaire : la modification ou le changement de la Constitution. Dans son premier discours, Boji a déjà fixé un cap, sans éclats, mais avec une conviction de fer : moderniser l’institution et renforcer le dialogue constructif avec l’Exécutif. S’il réussit à créer un environnement de travail serein et à mettre les députés à l’aise par son style non conflictuel, un projet sensible comme celui de la révision constitutionnelle pourrait être abordé au sein de l’Union Sacrée avec moins de friction et plus de consensus technique.
En attendant, l’homme a fait des promesses sobres, presque techniciennes, mais parfaitement cohérentes avec sa personnalité. Aimé Boji n’est pas de ceux qui cherchent la lumière. Pourtant, le voici propulsé au cœur battant de la scène politique congolaise. Son défi majeur sera d’imposer son style : calme, méthodique, et parfois déroutant de discrétion, mais d’une efficacité que l’on dit redoutable. Reste à savoir si cette ascension tranquille saura se transformer en un leadership audacieux et assumé face aux enjeux colossaux qui attendent la République. Le Congo, lui, n’attend que de voir.
Heshima
Nation
RDC : Les forces et les faiblesses de l’Accord-cadre signé entre Kinshasa et l’AFC/M23 à Doha
Published
1 semaine agoon
novembre 17, 2025By
La redaction
Réunis sous l’égide du Qatar, le gouvernement de la République démocratique du Congo (RDC) et les représentants de l’Alliance Fleuve Congo/Mouvement du 23 mars (AFC-M23) ont signé le 15 novembre 2025 un Accord-cadre inédit visant à ouvrir la voie à un cessez-le-feu durable dans l’est du pays. Ce texte, qualifié de « première étape décisive » par les médiateurs, doit maintenant être suivi de discussions techniques sur la démobilisation et le retrait des combattants. Heshima Magazine explore les différents points de ces protocoles.
Après plusieurs sessions de discussions sans issue, les autorités congolaises et les rebelles de l’AFC/M23 ont finalement franchi une nouvelle étape dans le processus de paix que pilote le Qatar depuis le mois de mars. Cet Accord-cadre comporte 8 protocoles qui déterminent les matières à traiter et les modalités de leur mise en œuvre afin d’aboutir à un accord de paix définitif. Heshima Magazine explore chaque engagement souscrit par les parties dans cet accord-cadre.
Échange de prisonniers sous supervision internationale
Bien que toutes les négociations impliquent des concessions de la part des parties, l’engagement sur l’échange des prisonniers est délicat pour le gouvernement. La plus grande préoccupation sur ce point réside dans la nature des prisonniers à échanger. Si le gouvernement peut s’attendre à la libération des militaires arrêtés par la rébellion lors des combats, l’AFC/M23, de son côté, pourrait élargir la liste à des individus auteurs de crimes graves. Certaines sources évoquaient même des personnalités comme le député Edouard Mwangachuchu, condamné notamment pour détention d’armes à feu. Pour le gouvernement, il est hors de question que tous les individus soient libérés dans ce cadre. « Nous allons nous assurer qu’on applique les critères d’exclusion sur des personnes soupçonnées d’avoir commis des crimes graves selon le droit international », avait déclaré le nouveau ministre de la Justice, Guillaume Ngefa.
En septembre, Kinshasa et l’AFC/M23 ont signé ce « mécanisme d’échange de prisonniers ». Dans le cadre de ce dispositif, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) jouera le rôle d’intermédiaire neutre pour l’identification, la vérification et la libération sécurisée des détenus des deux camps. Le mouvement rebelle évoque environ 700 personnes arrêtées par Kinshasa. La mise en œuvre du mécanisme implique l’établissement et la certification des listes de prisonniers, avec l’aval de toutes les parties.
Si l’AFC/M23 s’attend à des têtes couronnées telles que Éric Nkuba alias Malembe, arrêté en Tanzanie puis condamné à mort à Kinshasa notamment pour participation à un mouvement insurrectionnel, le gouvernement, quant à lui, s’attend à la libération d’environ 1500 militaires congolais capturés et envoyés par la rébellion en janvier et février derniers au camp militaire de Rumangabo pour un « reconditionnement ». Même si plus d’une centaine d’entre eux ont réussi à s’échapper des mains de la rébellion, certains restent encore captifs. D’autres combattants cantonnés au quartier général de la MONUSCO avaient déjà été transférés de Goma à Kinshasa en avril grâce à la médiation du CICR. Sur ce point de libération des prisonniers, il reste à savoir si le gouvernement s’en tiendra toujours à son caractère « rigoureux » dans le choix des prisonniers à libérer en faveur de l’AFC/M23.
Mise en place d’un mécanisme conjoint de surveillance du cessez-le-feu
Depuis le 14 octobre, le gouvernement congolais et les rebelles de l’AFC-M23 ont signé ce « mécanisme de surveillance et de vérification du cessez-le-feu » dans les provinces du Nord et du Sud-Kivu. Ce mécanisme institue un comité constitué d’un nombre égal de représentants du gouvernement congolais et de l’AFC/M23 afin d’enquêter sur les violations signalées. Les membres de ce comité devraient se réunir à la demande de l’une des deux parties en cas de violations signalées. Le Qatar, les États-Unis et l’Union africaine pourront y prendre part en tant qu’observateurs et la MONUSCO lui fournira un appui logistique. La première réunion du comité était censée se tenir dans les sept jours suivant son institution.
Lors de la signature de cet engagement, Doha avait qualifié la mise en œuvre de ce comité de suivi d’« étape cruciale vers le renforcement de la confiance et la conclusion d’un accord de paix global ». De son côté, le porte-parole du M23, Lawrence Kanyuka, avait salué sur le réseau social X « une avancée significative ». Mais sur le terrain, ce mécanisme a accusé des faiblesses. Les deux camps ont continué à s’affronter sans que le mécanisme de surveillance et de vérification du cessez-le-feu ne puisse s’activer. Par communiqué interposé, les deux camps s’accusent mutuellement de violation de ce cessez-le-feu. Tant que l’accord global n’aura pas intervenu, ce mécanisme – sans la bonne foi des parties – aurait du mal à fonctionner.
Restauration progressive de l’autorité de l’État dans les zones occupées
Ce point, qui figure dans l’Accord-cadre qui vient d’être signé, reste le plus difficile à digérer pour les rebelles de l’AFC/M23. Au début des discussions à Doha, cette rébellion voulait obtenir la gestion des zones conquises en collaboration avec le gouvernement à Kinshasa. Une option qui était dénoncée par l’opinion publique, la percevant comme une balkanisation du pays. La restauration de l’autorité de l’État, l’un des points clés de divergence dans les discussions, passe pour un arrêt de mort pour l’AFC/M23 dont l’avenir post-occupation n’est toujours pas décidé à Doha. Sur la question de la restauration de l’autorité de l’État, la Déclaration de principes signée entre les deux parties en juillet dernier notait que cette restauration de l’autorité de l’État allait constituer une conséquence logique du règlement « des causes profondes » du conflit. L’accord de paix global attendu devra préciser les modalités et le calendrier de cette restauration sur l’ensemble du territoire national.
Retour sécurisé et volontaire des réfugiés et déplacés
C’est l’un des sept points de la Déclaration de principe publiée le 19 juillet. Il a été également repris dans l’Accord-cadre du 15 novembre 2025. Les deux parties s’engagent à faciliter le retour sûr, volontaire et digne des réfugiés et des personnes déplacées vers leurs zones ou pays d’origine. Mais combien sont-ils de part et d’autre de la frontière entre la RDC et le Rwanda ? Ce retour, qui doit se faire en conformité avec le droit humanitaire international et dans le cadre des mécanismes tripartites associant la RDC, les pays d’accueil et le HCR, pourrait aussi constituer l’un des problèmes dans la mise en œuvre de l’accord final. Ce sujet est aussi l’un des points les plus sensibles. Le retour des réfugiés congolais fait partie des revendications historiques du M23, déjà présentes dans l’accord de paix signé en 2009 entre Kinshasa et le Congrès national pour la défense du peuple (CNDP), l’ancêtre du mouvement actuel. Problème : qui est Congolais et qui ne l’est pas ? Ces réfugiés, défendus bec et ongle par le M23, sont-ils en nombre conséquent ? Sur ce point, il faut d’abord régler la question des chiffres. Selon les dernières estimations avancées par RFI, le Rwanda accueille près de 137 000 réfugiés, principalement en provenance de la RDC et du Burundi. D’après le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), environ 80 000 Congolais vivraient aujourd’hui au Rwanda. Mais pour Kinshasa, le problème reste l’identification : les autorités congolaises affirment ne pas connaître avec précision ni le nombre, ni l’identité de ces réfugiés. Pour le gouvernement congolais, on ne peut pas rapatrier des réfugiés dans une zone encore en conflit ou sous contrôle des rebelles du M23. Le gouvernement voudrait avoir le pouvoir nécessaire de contrôler l’identité de ceux qui veulent revenir au pays. Le vice-premier ministre, ministre de l’Intérieur et Sécurité, Jacquemain Shabani, alertait déjà sur une « transplantation » des populations venues d’ailleurs dans les zones contrôlées par les rebelles du M23.
Ce sujet fait craindre au gouvernement et à l’opinion l’arrivée d’une population compacte qui pourrait, un jour, exiger l’autonomie d’une des régions congolaises. Ainsi donc, Kinshasa insiste : le retour des réfugiés dans les zones aujourd’hui sous administration du M23 ne pourra avoir lieu qu’après le cessez-le-feu, la restauration de l’autorité de l’État et la vérification de la nationalité des candidats au retour. Autrement dit, cette question est loin d’être close. Elle pose aussi d’autres défis : quand ces réfugiés rentreront-ils ? Et où seront-ils installés ? Car il y a parmi eux des individus qui n’ont jamais mis les pieds en RDC. Des questions qui montrent, selon plusieurs experts, qu’il ne suffit pas de régler le volet sécuritaire, il faut un accord global, incluant aussi les aspects sociaux, fonciers et économiques. Les populations congolaises qui avaient fui l’arrivée du M23 dans leur zone avaient trouvé à leur retour des occupants venus d’ailleurs installés dans leurs maisons, cultivant également leurs champs.
Mesures de confiance
Ce point implique entre autres la communication entre parties, la fin de la propagande « haineuse » selon l’AFC/M23 et les libérations des prisonniers. Sur ce point, paradoxalement, rien ne rassure au regard des premières communications faites après la signature de cet Accord-cadre à Doha. « Cet accord ne comporte aucune clause contraignante », déclare Benjamin Mbonimpa, chef de la délégation de l’AFC/M23. Une communication qui annonce déjà que tout peut basculer à n’importe quel moment. « Il n’y a rien qui va changer sur le terrain », estime Bob Kabamba. Selon lui, il y a eu deux signatures qui n’ont pas produit des résultats sur le terrain. « Il faut s’inquiéter pour la suite car les deux parties se sont réarmées, elles se sont réorganisées », a-t-il expliqué, soulignant la mise en place par le M23 d’une administration parallèle qui fonctionne comme un État.
La relance économique et les services sociaux
Ce point du protocole de l’Accord-cadre est étroitement lié à la restauration de l’autorité de l’État. Un point qui reste parmi les plus difficiles à obtenir à Doha. Les rebelles ne veulent pas encore céder les zones sous leur contrôle sans connaître au préalable leur avenir politique et sécuritaire.
La justice, la vérité et la réconciliation
Alors que les combats se poursuivent dans l’Est du pays, Kinshasa et les rebelles laissent entrevoir, malgré des positions opposées, quelques signaux de réconciliation. Mais la méfiance reste profonde, et les conditions d’une véritable réconciliation demeurent toujours fragiles. La part de la justice dans cette démarche est essentielle pour ne pas laisser les bourreaux côtoyer les victimes. Cette réconciliation entre le gouvernement congolais et les rebelles AFC/M23 n’est pas impossible ; elle est simplement suspendue à une constellation de facteurs politiques, militaires et diplomatiques encore instables. Dans un conflit où chaque camp cherche une position de force, la paix reste pour l’instant un horizon plus qu’une réalité, mais un horizon que beaucoup, épuisés par des années de guerre, espèrent voir enfin se rapprocher.
Élaboration d’une feuille de route vers un accord de paix global
L’Accord-cadre de Doha fixe les bases d’un processus destiné à mettre fin aux hostilités, à rétablir l’autorité de l’État et à consolider la stabilité nationale. Il réaffirme la détermination du Gouvernement à placer la paix, la sécurité et la dignité du peuple congolais au centre de son action. C’est dans ce cadre que la protection des populations civiles, en particulier les femmes, les enfants et les personnes déplacées internes, demeure une priorité. Les protocoles qui découleront de cet Accord-cadre permettront notamment de sécuriser les corridors humanitaires, de faciliter l’accès des organisations humanitaires, et d’engager des actions urgentes pour répondre aux besoins essentiels des communautés affectées.
De son côté, le gouvernement précise que les six protocoles, en dehors de ceux relatifs au Mécanisme de libération des prisonniers ainsi qu’au Mécanisme de surveillance et de vérification du cessez-le-feu, feront l’objet de discussions deux semaines après la signature de l’Accord-cadre. Il s’agira de préciser les modalités techniques, les calendriers d’exécution et les engagements respectifs des parties. Dans le communiqué du gouvernement, Kinshasa note qu’aucun statu quo n’est compatible avec cet objectif de paix : le processus engagé vise à créer, dans les plus brefs délais, les conditions d’un changement réel et mesurable pour les populations affectées. Les deux prochaines semaines vont permettre de percevoir les nouveaux efforts entre les deux parties.
Heshima
Trending
-
International2 semaines agoRDC-Nigeria : un barrage sous haute tension pour un billet aux intercontinentaux
-
Politique3 semaines agoSuspension de 13 partis d’opposition en RDC : un précédent fâcheux pour la démocratie ?
-
Non classé3 semaines agoTshisekedi-Kagame-AFC/M23 : un novembre décisif pour la crise congolaise ?
-
Nation2 semaines agoKabila isolé : Katumbi va-t-il se rapprocher de Tshisekedi ?
-
Non classé2 semaines agoRDC : La DGI rappelle l’échéance du 15 novembre 2025 aux assujettis à l’IPR, l’IERE et la TVA
-
Nation4 semaines agoRDC : face aux embouteillages, comment bâtir une industrie du rail ?
-
Nation1 semaine agoRDC : Les forces et les faiblesses de l’Accord-cadre signé entre Kinshasa et l’AFC/M23 à Doha
-
Nation2 semaines agoNeutralisation des FDLR en RDC : quels résultats en 30 ans ?




























































