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Discours de Félix Tshisekedi  entre promesses et réalités

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Le 29 janvier 2025 restera gravé dans l’histoire de la République Démocratique du Congo (RDC). Ce jour-là, le président Félix Tshisekedi s’adressa à la nation et à l’opinion internationale avec une fermeté inédite, après la prise stratégique de Goma par le M23, un groupe armé soutenu par le Rwanda. Au-delà de la rhétorique martiale, ce discours se révèle être une fenêtre sur la politique sécuritaire du chef de l’État, une évaluation des promesses de paix faites au fil des années, une mise en perspective des mesures d’exception telles que l’état de siège et une analyse des difficultés rencontrées par l’armée congolaise, sans oublier la dimension diplomatique de la crise. Plongez, avec Heshima Magazine, au cœur des enjeux et des stratégies qui se dessinent dans ce contexte de tension accrue.

Depuis son accession au pouvoir, Félix Tshisekedi a tenté de repositionner la RDC sur le plan sécuritaire, mettant en avant la restauration de l’autorité de l’État dans les zones de conflit. L’exécutif a entrepris une refonte des dispositifs de défense, cherchant à moderniser les Forces Armées de la République Démocratique du Congo (FARDC) et à réorganiser l’appareil de sécurité. L’objectif affiché est double : d’une part, répondre aux agressions des groupes armés comme le M23 et, d’autre part, rassurer une population traumatisée par des années de violences et d’instabilité.

Un appel à l’unité nationale et à la mobilisation générale

Le discours du 29 janvier se distingue par son insistance sur l’unité nationale et l’appel à la mobilisation générale. Il incarne l’espoir d’un changement, tout en soulignant les limites d’une politique sécuritaire confrontée à des réalités multiples : un ennemi extérieur bien équipé, une armée fragilisée par des dysfonctionnements internes et les obstacles d’une diplomatie hésitante. Ce discours, fort de son apparente détermination, cache parfois des failles structurelles qui entravent une réponse plus efficace face à un ennemi aux appuis extérieurs bien armés et une armée qui peine à se réorganiser face à la complexité du terrain.

La mise en œuvre de mesures répressives comme l’extension de l’état de siège dans les provinces de l’Ituri et du Nord-Kivu est accompagnée d’une proposition de dialogue, quoique conditionnel, dans le cadre du processus de paix de Luanda. Cependant, malgré l’affichage d’une ferme volonté de restaurer l’autorité de l’État, la rhétorique martiale masque des défaillances qui ne permettent pas toujours d’atteindre les résultats escomptés.

Promesses de paix et réalité du terrain 

Dès ses premiers jours au pouvoir, Félix Tshisekedi s’était engagé à instaurer une ère de paix et de stabilité. Des annonces ambitieuses avaient alors été faites : réorganisation des forces de sécurité, engagement dans des processus de réconciliation et augmentation des effectifs de la police pour renforcer la lutte contre la criminalité. Ces engagements, largement relayés par les médias et salués par la communauté internationale, avaient suscité l’espoir d’un changement profond dans un pays trop souvent gangrené par l’insécurité.

Cependant, six ans plus tard, le constat demeure mitigé. La violence persiste et se renouvelle sous des formes imprévues. La reprise des hostilités dans l’est du pays, exacerbée par l’intervention de groupes armés étrangers et la multiplication des conflits intercommunautaires, montre que les réformes promises n’ont pas produit les effets escomptés. En particulier, la situation sécuritaire, notamment en Ituri et au Nord-Kivu, demeure préoccupante, avec des milliers de victimes civiles, des déplacements massifs et un tissu social en délitement.

Les experts estiment que ce décalage entre la promesse d’un avenir pacifique et la réalité des affrontements est en partie dû à une mauvaise anticipation des dynamiques régionales. En effet, l’implication du Rwanda, par le biais des Forces de Défense du Rwanda (RDF) et leur soutien au M23, a compliqué la donne. Cette ingérence extérieure, dénoncée avec véhémence par le président dans son allocution, témoigne d’une réalité géopolitique complexe où les rivalités et enjeux stratégiques dépassent largement le cadre national.

Les efforts pour instaurer le dialogue n’ont pas non plus porté leurs fruits à court terme. La diplomatie, bien que proactive, se heurte à l’inertie de certains acteurs internationaux qui, parfois, semblent paralysés face à la rapidité de l’escalade des violences. Ce décalage met en exergue la difficulté de transformer de belles intentions en actions concrètes sur le terrain.

État de siège : un bilan contrasté après quatre ans

L’instauration de l’état de siège dans les provinces de l’Ituri et du Nord-Kivu avait pour objectif immédiat de rétablir l’ordre et de protéger les populations des incursions des groupes armés. Cette mesure exceptionnelle, censée renforcer le contrôle étatique sur des territoires devenus quasi autonomes, s’est révélée être une arme à double tranchant.

D’un côté, l’état de siège a permis une mobilisation rapide des forces de sécurité et a contribué à certaines victoires tactiques contre des milices isolées. Des dispositifs de surveillance renforcés et des opérations de grande envergure ont temporairement limité la progression de certains groupes hostiles. Pourtant, l’impact à long terme de cette mesure est loin d’être satisfaisant. Les chiffres évoqués par les organisations de défense des droits humains restent alarmants : plusieurs milliers de civils tués, des centaines de blessés et de nombreux cas de détentions arbitraires.

Les restrictions imposées à la population, en plus d’alimenter un climat de méfiance, ont souvent favorisé un sentiment d’exclusion qui a renforcé la radicalisation de certains groupes. La prise de Goma par le M23 constitue un signal fort de l’échec de cette stratégie sécuritaire dans certaines zones. Elle révèle que, malgré des années d’efforts et une volonté affichée de restaurer la souveraineté sur l’ensemble du territoire, les méthodes employées peinent à contenir une menace qui a su se réinventer et se renforcer. Le bilan de l’état de siège doit ainsi être envisagé non seulement en termes de résultats opérationnels, mais aussi à la lumière des conséquences humanitaires et sociales qui en découlent.

L’armée congolaise face au défi de la guerre

Les FARDC, pilier central de la défense nationale, se trouvent dans une situation critique. Malgré des investissements conséquents dans le secteur de la défense, l’armée demeure en proie à une série de dysfonctionnements structurels qui compromettent sa capacité à faire face aux agressions. Les rapports de terrain font état d’un manque criant de moyens logistiques et d’équipements modernes, contrastant fortement avec la sophistication des armes mises à disposition des forces adverses, notamment celles fournies par le Rwanda au M23.

La corruption, omniprésente au sein de certaines strates de l’appareil militaire, nuit à la crédibilité des opérations et détourne des ressources indispensables à la modernisation des forces. Des enquêtes menées par des organismes indépendants ont révélé que des fonds alloués à l’achat d’équipements ont souvent été détournés, laissant des unités entières dans l’impossibilité de mener des actions coordonnées. Ce malaise interne se traduit également par un moral en berne chez les soldats, qui se sentent abandonnés par un système incapable de garantir leur sécurité sur le terrain.Les cas d’abandon de positions et de désorganisation observés lors des affrontements récents témoignent d’un effritement de la cohésion militaire.

Pour beaucoup d’analystes, cette démoralisation représente une menace aussi grande que l’ennemi extérieur, car elle fragilise la capacité de réponse des FARDC face aux offensives du M23. La situation exige ainsi une réforme en profondeur, non seulement en termes de moyens matériels, mais aussi dans l’organisation et la formation des troupes. L’urgence de renforcer la discipline et de restaurer la confiance au sein des forces armées apparaît comme un impératif stratégique pour inverser la tendance.

Quelle diplomatie pour contrer la guerre du M23 ?

Plutôt que de se concentrer exclusivement sur la diplomatie menée jusqu’à présent par le pouvoir à Kinshasa, il est pertinent de s’interroger sur les stratégies diplomatiques qui pourraient être déployées à une échelle plus large – régionale, africaine et internationale – pour résoudre ce conflit complexe.

En premier lieu, il est crucial de négocier pour obtenir le soutien renforcé de la SADC (Communauté de Développement de l’Afrique Australe), même après le départ de la mission militaire SAMIDRC, présente actuellement au Nord-Kivu. La diplomatie étant avant tout un jeu de rapports de forces et de compromis sur les intérêts respectifs des États, la RDC doit déployer une diplomatie proactive et efficace pour obtenir un renforcement de la mission, tant en termes de personnel militaire que de matériels adéquats.

En second lieu, la RDC, en tant que plus grand pays francophone du monde, pourrait jouer sur cet atout pour influer sur la diplomatie internationale. Un levier important pourrait être d’inciter la France à adopter des sanctions contre le Rwanda, puis de militer au sein des instances internationales, notamment au Conseil de sécurité de l’ONU, pour obtenir des sanctions plus larges. En effet, une pression pourrait être exercée par la RDC à la France en menaçant de quitter la Francophonie si la France persiste dans son inaction face à l’agression rwandaise. Un tel ultimatum serait bien plus percutant qu’une simple demande d’aide : il s’agirait d’un message fort sur le rôle central de la RDC au sein de l’espace francophone et sur l’impact de l’inaction de ses partenaires.

En troisième lieu, la RDC pourrait envisager une pression supplémentaire en menaçant de suspendre, pour une durée indéfinie, sa participation à l’Union Africaine (UA) si aucune mesure contraignante n’est prise contre le Rwanda. L’UA, en tant qu’institution continentale, a la responsabilité de promouvoir la paix et la stabilité en Afrique. 

Si l’inaction perdure, la RDC pourrait revendiquer son droit de revoir sa participation et d’exiger des actions plus fermes contre les agresseurs.

Enfin, pour les pays qui soutiennent le Rwanda, il est bien connu qu’ils ont tous des intérêts stratégiques et économiques et donc intérêt à maintenir des relations avec ce pays. Dans cette optique, la RDC doit être en mesure d’offrir à ces nations des alternatives économiques et diplomatiques plus avantageuses que celles dont ils bénéficient de la part du Rwanda. La question clé est : que peut proposer la RDC pour convaincre ces pays de se dissocier du Rwanda et soutenir des sanctions contre lui ? Cette question nécessite des réponses diplomatiques sur mesure, adaptées aux intérêts de chaque acteur régional et international.

Entre la parole et l’action

Le discours du président Félix Tshisekedi, prononcé dans un contexte de crise aiguë, est à la fois une déclaration de défiance et un appel à l’unité nationale. Il incarne l’espoir d’un changement, tout en soulignant les limites d’une politique sécuritaire confrontée à des réalités multiples : la persistance d’un ennemi extérieur bien équipé, la défaillance d’un système militaire en quête de modernisation et les obstacles d’une diplomatie hésitante.

Les promesses de paix et de stabilité formulées il y a six ans se heurtent aujourd’hui à une réalité complexe, où chaque avancée tactique semble rapidement compromise par une série de revers stratégiques. Au final, le chemin vers une RDC plus sûre et unifiée passe par une réforme globale, mêlant modernisation des forces armées, lutte acharnée contre la corruption et une diplomatie affirmée.

La gestion de cette crise, d’une ampleur sans précédent, exigera non seulement une mobilisation de toutes les ressources nationales, mais également un engagement résolu de la communauté internationale. Ce défi, qui dépasse le cadre d’un simple conflit territorial, interroge sur la capacité d’un État à transformer des promesses en réalités, dans l’intérêt de la paix et du bien-être de ses concitoyens.

La détermination affichée par le président Tshisekedi et les appels lancés à la population témoignent d’un désir ardent de rétablir l’ordre et la justice. Cependant, pour que ces ambitions se matérialisent, une synergie entre action militaire, réformes internes et diplomatie de terrain sera indispensable. Seul un engagement collectif, associant les pouvoirs publics, les forces armées et la société civile, pourra permettre à la RDC de franchir ce cap décisif et de tourner la page d’une période marquée par la violence et l’impunité.

Heshima

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Échéance fiscale d’avril 2025 : Muakadi, ses performances inarrêtables à la tête de la DGI

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L’équipe dirigée par Barnabé Muakadi continue d’affoler les compteurs à la Direction générale des impôts (DGI). Malgré le contexte de la guerre dans l’Est de la République démocratique du Congo (RDC), cette régie a mobilisé 3 270 milliards de francs congolais, soit 97 % de ses assignations mensuelles fixées à 3 500 milliards de francs. Cette administration fiscale a battu son propre record d’avril 2024, où elle avait collecté 3 182,4 milliards de francs sur des assignations initiales de 2 709,6 milliards. Une performance saluée par le ministre des Finances, Doudou Fwamba.

Chaque année, au mois d’avril, la DGI mobilise ses équipes. L’échéance fiscale de ce mois est cruciale pour le directeur général des impôts, Barnabé Muakadi Muamba. Cette échéance est déterminante pour la suite de l’année budgétaire en matière de recettes pour la DGI. Amputée des recettes d’une bonne partie des provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, la DGI ne cesse d’opérer des miracles en matière de mobilisation des fonds pour le budget de l’État congolais.

Après la clôture de l’échéance fiscale du 30 avril, une obligation fiscale majeure à laquelle sont soumises toutes les catégories de contribuables gérées par la DGI, le ministre des Finances, Doudou Fwamba, a salué la performance de cette administration fiscale. Pour marquer sa satisfaction, l’argentier national s’est déplacé personnellement, le 1er mai, vers la DGI qui clôturait l’échéance fiscale de l’Impôt sur les bénéfices et profits (IBP) à Kinshasa, capitale de la RDC. Doudou Fwamba a tiré son chapeau aux agents et cadres de la DGI, les encourageant à maintenir le cap tout en respectant les lois fiscales du pays. Cette régie a déjà mobilisé plus de 2 milliards 700 millions de francs congolais sur les 3 milliards attendus pour le mois d’avril dernier. Ce montant collecté représente 97 % des assignations fixées pour la DGI.

Le ministre des Finances a aussi rappelé le contexte de la guerre imposée à la RDC, mais qui n’a pas empêché les régies financières de faire leur travail. « En dépit de l’agression subie par notre pays, les administrations financières n’ont pas abdiqué. Elles ont travaillé d’arrache-pied depuis le début de l’année pour mobiliser les recettes et doter notre gouvernement des moyens nécessaires à son action », a-t-il indiqué.

La DGI bat son record de 2024

Visiblement inarrêtable, le comité Muakadi poursuit ses performances à la tête de la DGI. En avril 2024, cette régie fiscale avait collecté 3 182,4 milliards de francs sur des assignations initiales de 2 709,6 milliards de francs, soit un dépassement de plus de 472 milliards de francs. Mais avril 2024 n’est pas le seul mois où la collecte des recettes a été performante.

Devant un parterre d’investisseurs américains, le 22 avril dernier à l’université de Washington, dans la ville de Seattle, aux États-Unis, le directeur général des impôts, Barnabé Muakadi, a rappelé l’évolution des performances de sa régie fiscale. Depuis l’arrivée au pouvoir du président de la République, Félix Tshisekedi, la DGI a réalisé des performances inégalées.

En six ans de gestion du pays par Félix Tshisekedi, les recettes ont été multipliées par cinq, voire par six. Jamais une telle performance n’avait été réalisée sous les présidents Kasa-Vubu, Mobutu et les deux Kabila (père et fils), a rappelé M. Muakadi. « Regardez bien la courbe en bleu, ce sont les prévisions budgétaires, et celles en orange, les réalisations de la DGI. De 2002 à 2018, voire jusqu’en 2019, les deux courbes se confondaient. Il n’y a pas eu pendant cette période de mobilisation accrue. Cependant, dès l’année 2020, il y a une montée spectaculaire des recettes de l’État. En 2020, par exemple, la DGI a réalisé à elle seule des recettes de l’ordre de 1 milliard 800 millions de dollars. En 2021, 3 milliards 200 millions de dollars. En 2023, 5 030 000 000 USD et en 2024, 6 000 000 000 USD », a vanté Barnabé Muakadi.

D’après lui, ces performances sont à mettre dans l’actif du chef de l’État, Félix Tshisekedi, pour sa bonne gouvernance. Il a aussi salué « le sens aigu » du management de l’équipe qu’il dirige depuis juin 2020.

Muakadi, une expérience qui paie

Chef de bureau jusqu’au moment de sa nomination au poste de directeur général de cette régie, Barnabé Muakadi est un fils de la maison qui connaissait déjà les rouages de cet établissement public. Il a une longue et riche expérience au sein de cette régie. Réputé discret, compétent, loyal et doté d’une probité morale sans reproche, ce travailleur acharné a motivé les agents et cadres de la DGI pour arriver à ces résultats. « De 2020 à 2024, les recettes de l’État ont presque triplé », a-t-il reconnu récemment depuis le pays de l’oncle Sam, avant de rendre hommage au président de la République pour sa vision de bonne gouvernance.

Cette année, après les premiers chiffres de l’échéance fiscale d’avril, le ministre des Finances pense aussi que la DGI est sur la bonne voie. « La tendance est positive : nous avons déjà mobilisé plus de 2 milliards 700 millions de FC, sur les 3 milliards attendus », a-t-il déclaré, exhortant ses collaborateurs à poursuivre leurs efforts pour consolider un environnement fiscal stable et équitable.

Pour l’échéance fiscale du 30 avril 2025, la DGI a innové avec l’obligation de certification des états financiers qui doit être déposée en annexe de la déclaration de l’impôt sur les bénéfices et profits le 30 avril dernier. Une innovation particulière pour les contribuables relevant du droit commun en RDC.

Heshima

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Deal RDC–USA : l’IGF, levier clé de la transparence exigée par Washington ?

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Un vent d’espoir souffle sur la République Démocratique du Congo (RDC) avec l’émergence d’un partenariat stratégique avec les États-Unis. Cet accord ambitieux, axé sur l’exploitation de minerais stratégiques comme le cobalt, le lithium et le cuivre, pourrait offrir aux entreprises américaines un accès privilégié en échange d’un soutien sécuritaire pour pacifier l’Est du pays, une région riche en ressources mais marquée par l’instabilité. Qualifié de « deal historique » par un diplomate américain lors d’une conférence à New York en avril 2025, cet accord pourrait redéfinir les relations géopolitiques en Afrique centrale et transformer l’économie congolaise. Cependant, la transparence dans la gestion des ressources et des finances publiques est une condition sine qua non pour les États-Unis. C’est dans ce contexte que l’Inspection Générale des Finances (IGF), dirigée par le chevronné Jules Alingete, devient un acteur clé. Depuis 2020, Alingete a transformé l’IGF en un rempart contre la corruption. Heshima Magazine explore comment l’IGF pourrait permettre à la RDC de se positionner comme un partenaire fiable et transparent sur la scène internationale.

La RDC est un géant minier, détenant environ 70 % des réserves mondiales de cobalt, d’immenses gisements de lithium et plus de 75 millions de tonnes de cuivre. Ces minerais, essentiels aux batteries des véhicules électriques, aux technologies renouvelables et aux infrastructures électriques, sont au cœur de la transition énergétique mondiale. Pourtant, l’Est du pays, où ces ressources abondent, est en proie à une insécurité chronique. Des groupes armés, comme le M23 appuyé par le Rwanda, exploitent illégalement ces minerais, privant l’État de revenus cruciaux tout en massacrant la population congolaise. Face à ce défi, le président Félix Tshisekedi a proposé un accord audacieux aux États-Unis : un accès privilégié à ces richesses en échange d’un appui militaire pour stabiliser la région et d’investissements massifs pour moderniser l’économie.

Ce partenariat ne se limite pas à une transaction économique. Il s’inscrit dans une compétition géopolitique mondiale, où les États-Unis cherchent à contrer l’influence chinoise, qui domine actuellement le secteur minier congolais. Mais pour que cet accord voie le jour, Washington exige une gouvernance irréprochable, appuyée par des institutions robustes comme l’IGF, dont la mission est d’assurer une gestion transparente des fonds et des ressources publics. « Ce deal est une chance pour la RDC, mais il repose sur la confiance », commente Alain Mulunda, analyste économique à l’Université de Lubumbashi.

Minerais, insécurité et rivalités internationales

La demande mondiale pour le cobalt, le lithium et le cuivre explose. Selon l’US Geological Survey, cette demande devrait quadrupler d’ici 2030, propulsant la RDC au centre de l’attention. Les gisements de cobalt du Lualaba et du Haut-Katanga, les réserves de lithium du Tanganyika et du Maniema, et les immenses dépôts de cuivre du Haut-Katanga font du pays un acteur incontournable. Jusqu’à récemment, la Chine exerçait une emprise quasi exclusive sur ces ressources, contrôlant 70 à 80 % de la production congolaise grâce à des entreprises comme China Molybdenum et Zijin Mining, selon une analyse de la Banque mondiale.

L’Est de la RDC, riche en minerais, est un paradoxe. Alors que ses ressources attirent les investisseurs, l’insécurité freine leur exploitation. Le M23, accusé par une résolution de l’ONU en février 2025 de recevoir le total soutien rwandais, exploite illégalement ces minerais, privant l’État de plus de 2 milliards de dollars par an, selon l’ONG Global Witness. « Sans sécurité, il n’y a pas d’investissement possible », a martelé Tshisekedi lors d’un sommet à Nairobi en janvier 2025.

Longtemps dépendante des partenariats chinois, la RDC cherche à diversifier ses alliances. Lors de l’Assemblée générale de l’ONU en septembre 2024, Tshisekedi a plaidé pour des partenariats « gagnant-gagnant » qui favorisent la transformation locale des minerais. Le deal avec les États-Unis s’inscrit dans cette stratégie, offrant une alternative pour attirer des investissements occidentaux tout en répondant aux défis sécuritaires.

Les contours du deal : minerais contre sécurité et investissements

Au cœur de l’accord, la RDC propose un accès privilégié à ses minerais stratégiques : le cobalt, extrait principalement dans le Lualaba et le Haut-Katanga, le lithium, dont les gisements du Tanganyika et du Maniema attirent l’attention des industriels, et le cuivre, dont les réserves massives positionnent le pays comme un leader africain. Des géants américains comme Tesla, Ford et Apple, selon un rapport de Bloomberg en avril 2025, négocient des contrats d’approvisionnement à long terme pour sécuriser leurs chaînes de production.

En contrepartie, les États-Unis s’engagent à soutenir la sécurité dans l’Est congolais. Cet appui comprend la formation et le renforcement des Forces armées de la RDC (FARDC) par des instructeurs américains, le déploiement d’un contingent limité de conseillers militaires pour coordonner les opérations contre les groupes armés, et la fourniture de technologies avancées, comme des drones et des systèmes de renseignement à la pointe de la technologie. « Notre objectif est de stabiliser l’Est pour sécuriser les investissements », a déclaré un officiel du Pentagone, cité par CNN en mars 2025.

L’accord inclut également un plan d’investissement ambitieux de 500 milliards de dollars sur 15 ans, financé par des entreprises privées et des institutions américaines comme la Development Finance Corporation (DFC). Ces fonds viseront à moderniser les infrastructures, avec la construction de routes, de ponts et de réseaux électriques pour faciliter l’exploitation minière. Des usines de raffinage seront établies pour transformer localement le cobalt et le cuivre, réduisant la dépendance aux exportations brutes. Enfin, des projets sociaux, comme la construction d’écoles et d’hôpitaux dans les zones minières, sont prévus pour améliorer les conditions de vie. « Ce projet pourrait transformer la RDC », a tweeté l’économiste de renommé international Jeffrey Sachs en avril 2025.

Où en sont les négociations ?

Les discussions entre Kinshasa et Washington avancent à grands pas confie à Heshima Magazine une source au sein du gouvernement. Côté congolais, Félix Tshisekedi pilote les négociations, épaulé par son conseiller économique Andre Wameso, le ministre des Mines, … Côté américain, le secrétaire d’État Marco Rubio, des officiels du Pentagone et des représentants de Tesla et General Motors jouent un rôle clé. En mars 2025, Wameso s’est rendu à Washington pour rencontrer des sénateurs, selon un article de Politico, afin de finaliser les termes de l’accord.

Le département d’État américain a confirmé, dans un communiqué du 29 avril 2025, que cet accord « renforcera la sécurité et la prospérité en Afrique centrale ». « Ce deal est une opportunité inespérée pour notre pays, enfin la RDC connaitra la paix et la prospérité », se réjouis Sophie Salama, experte en gouvernance à Kinshasa.

La transparence, condition sine qua non des États-Unis

Pour les États-Unis, tout investissement en RDC est subordonné à une gouvernance rigoureuse, assurée par des hommes et des femmes intègres du pays hôte, conformément aux exigences du Foreign Corrupt Practices Act (FCPA). Adoptée en 1977, cette loi interdit aux entreprises américaines de verser des pots-de-vin à des agents publics étrangers et impose une comptabilité rigoureuse et transparente. Les violations sont sévèrement sanctionnées, comme en témoigne le cas de l’entreprise Telia, condamnée en 2017 à une amende de 965 millions de dollars pour des faits de corruption en Ouzbékistan.

Les entreprises américaines impliquées dans le deal risquent gros en cas de corruption. Une infraction pourrait entraîner des amendes colossales, des peines de prison pour les dirigeants et l’exclusion des marchés publics américains. Pour répondre à ces exigences, Washington imposera des audits conjoints avec les autorités congolaises, des rapports trimestriels sur les revenus miniers et une surveillance étroite des flux financiers. La Securities and Exchange Commission (SEC) et le DOJ (Department of Justice) collaboreront avec des institutions locales en RDC pour détecter toute irrégularité, rendant la transparence non négociable.

L’IGF, pivot de la confiance américaine

L’IGF s’est imposée comme un acteur central dans la lutte contre la corruption et la promotion de la transparence. Créée par l’ordonnance n° 87-323 du 15 septembre 1987 et rattachée directement à la présidence, elle a pour mission de contrôler la gestion des finances publiques. Ses audits, enquêtes sur les détournements et patrouilles financières en font un rempart contre la corruption. « Nous sommes les gardiens de l’argent public », affirme Jules Alingete, Inspecteur Général Chef de Service, dans un entretien à Jeune Afrique en janvier 2025.

Sous la direction d’Alingete, l’IGF a intensifié ses efforts. En avril 2025, un audit des projets routiers à Kinshasa a révélé des surfacturations de 30 %, entraînant la suspension des responsables impliqués. En mars 2025, trois directeurs d’entreprises publiques ont été écartés pour détournement de fonds, une décision saluée par Transparency International. La relance de la « patrouille financière » en 2025 permet désormais un contrôle en temps réel des dépenses publiques, renforçant la crédibilité de l’institution. « L’IGF est devenue un acteur incontournable pour rassurer les partenaires internationaux », commente Pierre Kibati, militant écologiste congolais.

L’IGF a également joué un rôle déterminant dans la renégociation du contrat minier sino-congolais signé en 2008 sous le régime de Joseph Kabila. Ce contrat, qui prévoyait un échange de minerais contre des infrastructures, s’est avéré déséquilibré au détriment de la RDC. Selon un rapport de l’IGF, les entreprises chinoises ont généré environ 76 milliards de dollars de gains, tandis que la RDC n’a bénéficié que de 3 milliards de dollars en infrastructures. Cette situation a conduit l’IGF à recommander une revisitation ou une résiliation du contrat.

Les efforts de l’IGF ont abouti à la signature d’un nouvel avenant en mars 2024, rééquilibrant les profits entre les deux parties. Le montant alloué aux infrastructures est passé de 3 à 7 milliards de dollars sur les dix-sept prochaines années, avec des décaissements annuels obligatoires de 324 millions de dollars. De plus, la part de la RDC dans la coentreprise Sicomines a été augmentée, renforçant ainsi son contrôle sur la gestion des ressources minières.

Dans le cadre du partenariat stratégique entre la RDC et les États-Unis sur les minerais critiques, l’IGF est appelée à jouer un rôle central. Elle auditera les contrats miniers, surveillera l’utilisation des fonds américains et collaborera avec la SEC pour garantir une transparence totale. Cette collaboration s’étendra forcément à d’autres institutions congolaises, telles que la Cour des comptes, la Cellule Nationale de Renseignements Financiers (CENAREF) pour lutter contre le blanchiment. « Sans l’IGF, ce partenariat n’aurait sûrement aucune crédibilité aux yeux de Washington », souligne Sophie Mutombo, étudiante en économie à Kinshasa.

Ainsi, l’IGF, sous la direction de Jules Alingete, s’affirme comme le pivot de la confiance américaine dans la gestion des ressources stratégiques de la RDC.

Félix Tshisekedi, architecte d’une nouvelle RDC

Félix Tshisekedi est le moteur de ce partenariat. Depuis son arrivée au pouvoir en 2019, il a fait de la lutte contre la corruption une priorité. En 2023, il a promulgué une loi anti-corruption renforçant les sanctions contre les détournements de fonds. L’année suivante, le budget de l’IGF a été augmenté de 50 %, lui donnant les moyens d’agir. « La corruption est un cancer que nous devons éradiquer », avait-t-il déclaré.

Sur le plan diplomatique, Félix Tshisekedi a déployé une série d’initiatives pour repositionner la République Démocratique du Congo (RDC) sur la scène internationale. Ses visites stratégiques aux États-Unis en 2023 et 2024, ainsi que son discours marquant devant l’Assemblée générale des Nations unies en septembre 2024, ont constitué des étapes clés dans cette démarche. Lors de ces occasions, il a mis en avant la nécessité de transformer localement les minerais afin de valoriser davantage les ressources naturelles du pays et d’attirer les investisseurs étrangers, notamment américains.

L’une des déclarations marquantes de cette période provient de Jules Alingete, l’Inspecteur général des Finances, qui a souligné les efforts constants du président pour améliorer la gouvernance publique en RDC. Lors de la Journée internationale de lutte contre la corruption en décembre 2024, il a affirmé : « Depuis son accession à la magistrature suprême de notre pays, Son Excellence Monsieur le président de la République et chef de l’État de la RDC, Félix Tshisekedi, ne cesse de s’employer pour améliorer la gouvernance publique dans notre pays. » Cette déclaration met en lumière l’engagement du président Tshisekedi à renforcer la transparence et à promouvoir une gestion plus rigoureuse des ressources publiques, des objectifs essentiels pour renforcer la crédibilité du pays à l’international.

Opportunités et défis

Le deal RDC-USA offre des perspectives prometteuses. La pacification de l’Est pourrait mettre fin à des décennies de conflits, tandis que les 500 milliards de dollars d’investissements prévus sur 15 ans permettraient de moderniser l’économie congolaise. La transformation locale des minerais, avec la construction d’usines de raffinage, pourrait créer des milliers d’emplois et réduire la dépendance aux exportations brutes.

L’IGF, clé d’un partenariat historique

Le partenariat entre la RDC et les États-Unis est une opportunité historique, mais son succès repose sur un pilier fondamental : la transparence. L’Inspection Générale des Finances, par son action rigoureuse et sa collaboration avec d’autres institutions, est le levier qui permettra à la RDC de gagner la confiance de Washington. Sous l’impulsion de Félix Tshisekedi, ce deal pourrait transformer le pays en un modèle de coopération internationale, à condition que les engagements de gouvernance soient tenus. Comme le résume Pierre Kibati, « l’avenir de la RDC se joue maintenant, et l’IGF est au cœur de cette bataille ».

Heshima Magazine

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Conflit RDC-Rwanda : Doha et Washington étalent l’impuissance de l’Union africaine

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Face à l’instabilité persistante en Afrique, notamment en République démocratique du Congo (RDC), au Soudan et dans le Sahel, l’Union africaine a largement montré ses faiblesses et son inefficacité à résoudre ces différentes crises sécuritaires. Pour le cas du conflit dans l’Est de la RDC, cette organisation n’a pas pris de mesures directes contre le Rwanda malgré les multiples preuves de la présence de l’armée rwandaise sur le sol congolais. L’Union africaine a abordé la question de manière diplomatique, sans prononcer une condamnation formelle du Rwanda, et a souvent évoqué la nécessité de dialogue. Il a fallu attendre l’implication des États-Unis et du Qatar pour voir les premiers signes d’une désescalade. Heshima Magazine analyse les raisons de l’impuissance de cette organisation panafricaine.

Après la signature de la déclaration de principes entre la RDC et le Rwanda le 25 avril 2025, une nouvelle étape devrait intervenir, ce vendredi 2 mai 2025 à Washington, aux États-Unis. L’administration Trump a quitté le pouvoir en janvier 2021, et il est donc impossible qu’elle soit impliquée dans des négociations de paix en mai 2025. Il faudrait mettre à jour cette information en précisant que l’administration Biden pourrait être impliquée dans le processus de paix ou bien reformuler pour refléter une implication d’acteurs d’après 2021.

Si cette échéance du 2 mai est respectée, les deux parties vont faire des amendements à distance sur ce projet d’accord jusqu’au 19 mai. Il est improbable que des amendements sur un accord de paix majeur se fassent exclusivement à distance. Les négociations directes sont généralement nécessaires pour ce type de processus. Une fois le document final prêt, le président congolais Félix Tshisekedi et son homologue rwandais, Paul Kagame, vont se rendre aux États-Unis, en juin prochain, pour la signature officielle de l’accord de paix.

Une fois signé, cet accord de paix pourrait marquer un tournant décisif dans ce conflit entre la RDC et le Rwanda, tournant ainsi une page sombre d’environ trente ans d’instabilité dans l’Est de la RDC. Parallèlement, à Doha, capitale du Qatar, les discussions se poursuivent entre le gouvernement congolais et les rebelles du Mouvement du 23 mars (M23) allié de l’Alliance Fleuve Congo (AFC).

Bien que l’UA n’ait pas été impliquée dans ces négociations précises, elle est toujours consultée dans des processus de médiation en Afrique. Il est donc inexact de dire que l’UA est totalement exclue. Ces démarches de paix sont menées loin des frontières de l’Union africaine, un organe panafricain censé résoudre les questions qui touchent les Etats membres. S’il y a un défi majeur qui reste l’épine dorsale de l’Union africaine, c’est bien les conflits et crises sécuritaires qui plombent le continent et sur lesquelles l’organisation montre toujours très peu d’autorité. De la RDC au Sahel en passant par la Libye et le Soudan, l’UA n’arrive pas à imposer l’image d’un organe de règlement des différends entre les Etats ou au sein des Etats. Cette incapacité de l’Union africaine à résoudre les crises politiques et sécuritaires du continent trouve ses racines dans plusieurs facteurs.

De l’OUA à l’UA, les tares persistent…

Le 25 mai 1963, trente-deux chefs d’État africains se réunissent à Addis-Abeba, en Éthiopie, pour créer l’Organisation de l’unité africaine (OUA). Le ton a été donné par un panafricaniste de renom : le ghanéen Kwame Nkrumah aux côtés de l’empereur éthiopien Haïlé Sélassié Ier. Dans ce format, l’OUA avait pour mission de faciliter l’union et la solidarité entre les pays africains pour parachever le combat de la décolonisation et se libérer du racisme de l’apartheid qui sévissait encore en Afrique du sud (de 1959 à 1991) et en Namibie (de 1959 à 1979). L’OUA ne réussira pas à atteindre cette mission, minée par des clivages liés notamment à la guerre froide. Les puissances coloniales ont tout fait pour créer ces clivages afin d’empêcher toute action coordonnée par cette organisation continentale.

À cette époque, les Etats africains suivaient les positions des blocs des pays colonisateurs. Par exemple, la RDC – alors Zaïre – s’était alignée derrière le Bloc de l’Ouest composé en majorité des États-Unis et des pays de l’Europe occidentale alors que d’autres États africains soutenaient le Bloc de l’Est tenu par l’Union des républiques socialistes soviétiques (URSS) et ses États satellites. Dans cette configuration de clivage, l’OUA n’avait pas réussi à empêcher les conflits ni à révoquer les régimes dictatoriaux. En 1999, l’organisation n’a pas connu un autre “Kwame Nkrumah”. Ce passage est ambigu. Mouammar Kadhafi a proposé une réforme, mais le lien avec Nkrumah reste discutable. Il serait préférable de reformuler pour indiquer que Kadhafi a inspiré la réforme, sans faire un parallèle direct avec Nkrumah.

C’est le guide libyen Mouammar Kadhafi qui va inciter ses pairs africains à créer une nouvelle organisation adaptée à la nouvelle réalité africaine des années 90. Au total, 53 chefs d’État de l’OUA vont signer la « Déclaration de Syrte », en Lybie, lançant ainsi le projet de l’Union africaine. Contrairement aux missions dévolues à l’OUA, la nouvelle structure se fixe comme objectifs de renforcer l’union politique et le développement socio-économique du continent, de promouvoir la démocratie et les droits humains, et de favoriser l’intégration de l’Afrique sur la scène internationale. Près de 40 ans après la fondation de l’OUA, l’Union africaine est officiellement lancée en 2002 à Addis-Abeba, en Éthiopie, et non à Durban, en Afrique du Sud. Depuis 2017, elle réunit l’ensemble des 55 pays africains non sans difficultés.

Absence de volonté politique commune entre Etats

Les États membres de l’UA ont souvent des intérêts divergents. Dans le cas de la RDC et du Rwanda, certains pays membres peuvent avoir des affinités politiques, économiques ou militaires avec l’une ou l’autre partie, ce qui bloque souvent le consensus nécessaire pour une position commune ou une action forte. Conséquence : l’UA n’a jamais condamné le Rwanda pour son agression contre la RDC. Souvent, cette organisation tente de privilégier la diplomatie de prévention et de médiation, au détriment d’une prise de position ferme. Dans le conflit entre la RDC et le Rwanda, cette posture de neutralité limite sa capacité à désigner clairement un agresseur ou à imposer des sanctions. D’ailleurs, dans la palette de sanctions, l’UA n’a pas grand-chose à brandir contre un État, faute d’une intégration économique et politique entre les pays membres. L’Union africaine n’arrive même pas à imposer des sanctions politiques. Son président de la Commission, Moussa Faki Mahamat cité par l’Institut d’études de sécurité (ISS), avait avoué que l’Union africaine ne répond pas aux attentes, en partie du fait du comportement des États membres.

Selon lui, l’exercice excessif de leur souveraineté entrave le transfert de pouvoirs à la Commission de l’UA. La force de l’UA, en tant que groupement des pays africains, repose sur le pouvoir que les États membres lui confèrent pour mettre en œuvre leurs décisions. Un pouvoir que l’organisation n’a jamais eu de la part des États. Aucun pays africain n’a voulu concrètement céder une partie de sa souveraineté à l’Union africaine comme l’ont fait les 27 pays de l’Union européenne. Certains États africains ont inscrit dans leur constitution qu’ils étaient prêts à céder une partie de leur souveraineté au profit de l’unité africaine, mais aucun État ne l’a fait concrètement. Ces assertions sont restées théoriques dans leurs lois fondamentales. Au cours des années 2021, 2022 et 2023, environ 93 % des décisions de l’Union africaine n’ont pas été mises en œuvre, révèle une source interne. Ce qui démontre qu’au cours de ces années, l’institution n’a existé que de nom. Bien avant ces années, en 2019, après la publication provisoire des résultats de l’élection remportée par Félix Tshisekedi, l’Union africaine avait exigé de sursoir la publication des résultats définitifs par la Cour constitutionnelle. Une délégation de cette organisation conduite par le président rwandais, Paul Kagame, devrait se rendre à Kinshasa pour évoquer un dialogue entre les parties au processus électoral. Mais personne n’a pris en considération ce voyage de Kagame en RDC. La Cour constitutionnelle avait confirmé les résultats définitifs de cette élection présidentielle, rendant inutile l’initiative de l’UA.

Influence des puissances régionales

L’UA a des organisations régionales avec qui elle collabore. Souvent la question des conflits entre États est d’abord traitée dans ces organisations, avant de remonter vers Addis-Abeba. Même dans ce cas de figure, la puissance économique ou militaire de chaque État peut dicter la ligne à suivre sans se référer à l’Union africaine. Des pays influents comme l’Afrique du Sud, le Nigeria, ou encore l’Égypte peuvent exercer une influence importante sur les décisions de cette organisation panafricaine. Leur propre agenda géopolitique peut entraver une réponse unifiée ou décisive à des crises comme celle de la RDC. C’est le cas de la CEDEO (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest) avec la crise de certains pays du Sahel. C’est aussi le cas de l’influence d’Afrique du Sud au sein de la SADC ou du Rwanda dans l’EAC. Une autre influence, celle des chefs d’États. Les positions des chefs d’États sont les plus dominantes au détriment de celles de la Commission de l’Union africaine. Cette hégémonie des dirigeants étatiques au sein de l’organigramme de l’union plombe les performances de l’organisation. C’est d’ailleurs très critiqué par une certaine opinion africaine. « On dit par exemple que [l’UA] est un ‘‘syndicat de chefs d’États’’ qui protège les uns et les autres, » a rappelé le journaliste Seidik Abba.

L’autre talon d’Achille de l’Union africaine, c’est son manque de moyens financiers et militaires. L’organisation dépend fortement du financement extérieur (notamment de l’Union européenne, de la Chine ou d’autres organisations internationales). Cela limite son autonomie et sa capacité à intervenir rapidement ou efficacement dans des crises régionales. Même son siège d’Addis-Abeba a été construit par des fonds extérieurs à l’Afrique. Ce qui crée une forme de dépendance de cette organisation vis-à-vis de ses bailleurs de fonds comme l’Union européenne ou la Chine.

Associer l’UA dans les pourparlers de Doha et Washington

Malgré son impuissance, plusieurs acteurs autour de la crise rwando-congolaise appellent à associer l’Union africaine dans la résolution de la crise à travers le schéma de Washington et de Doha. Johan Borgstam, représentant spécial de l’Union européenne a insisté sur la mise en œuvre concrète des engagements et de ce que sera le contenu du projet d’accord attendu à Washington entre Kinshasa et Kigali. Pour lui, il est nécessaire que toutes les initiatives actuelles assurent et renforcent le processus régional de l’EAC et de la SADC dans le cadre de l’Union africaine. « Nous nous encourageons vraiment la conclusion d’un accord de paix qui soit coordonné avec les efforts en cours dans la région, dans l’esprit de ce qu’on appelle des solutions africaines pour des problèmes africains », a déclaré Johan Borgstam.

Heshima

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