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Discours de Félix Tshisekedi  entre promesses et réalités

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Le 29 janvier 2025 restera gravé dans l’histoire de la République Démocratique du Congo (RDC). Ce jour-là, le président Félix Tshisekedi s’adressa à la nation et à l’opinion internationale avec une fermeté inédite, après la prise stratégique de Goma par le M23, un groupe armé soutenu par le Rwanda. Au-delà de la rhétorique martiale, ce discours se révèle être une fenêtre sur la politique sécuritaire du chef de l’État, une évaluation des promesses de paix faites au fil des années, une mise en perspective des mesures d’exception telles que l’état de siège et une analyse des difficultés rencontrées par l’armée congolaise, sans oublier la dimension diplomatique de la crise. Plongez, avec Heshima Magazine, au cœur des enjeux et des stratégies qui se dessinent dans ce contexte de tension accrue.

Depuis son accession au pouvoir, Félix Tshisekedi a tenté de repositionner la RDC sur le plan sécuritaire, mettant en avant la restauration de l’autorité de l’État dans les zones de conflit. L’exécutif a entrepris une refonte des dispositifs de défense, cherchant à moderniser les Forces Armées de la République Démocratique du Congo (FARDC) et à réorganiser l’appareil de sécurité. L’objectif affiché est double : d’une part, répondre aux agressions des groupes armés comme le M23 et, d’autre part, rassurer une population traumatisée par des années de violences et d’instabilité.

Un appel à l’unité nationale et à la mobilisation générale

Le discours du 29 janvier se distingue par son insistance sur l’unité nationale et l’appel à la mobilisation générale. Il incarne l’espoir d’un changement, tout en soulignant les limites d’une politique sécuritaire confrontée à des réalités multiples : un ennemi extérieur bien équipé, une armée fragilisée par des dysfonctionnements internes et les obstacles d’une diplomatie hésitante. Ce discours, fort de son apparente détermination, cache parfois des failles structurelles qui entravent une réponse plus efficace face à un ennemi aux appuis extérieurs bien armés et une armée qui peine à se réorganiser face à la complexité du terrain.

La mise en œuvre de mesures répressives comme l’extension de l’état de siège dans les provinces de l’Ituri et du Nord-Kivu est accompagnée d’une proposition de dialogue, quoique conditionnel, dans le cadre du processus de paix de Luanda. Cependant, malgré l’affichage d’une ferme volonté de restaurer l’autorité de l’État, la rhétorique martiale masque des défaillances qui ne permettent pas toujours d’atteindre les résultats escomptés.

Promesses de paix et réalité du terrain 

Dès ses premiers jours au pouvoir, Félix Tshisekedi s’était engagé à instaurer une ère de paix et de stabilité. Des annonces ambitieuses avaient alors été faites : réorganisation des forces de sécurité, engagement dans des processus de réconciliation et augmentation des effectifs de la police pour renforcer la lutte contre la criminalité. Ces engagements, largement relayés par les médias et salués par la communauté internationale, avaient suscité l’espoir d’un changement profond dans un pays trop souvent gangrené par l’insécurité.

Cependant, six ans plus tard, le constat demeure mitigé. La violence persiste et se renouvelle sous des formes imprévues. La reprise des hostilités dans l’est du pays, exacerbée par l’intervention de groupes armés étrangers et la multiplication des conflits intercommunautaires, montre que les réformes promises n’ont pas produit les effets escomptés. En particulier, la situation sécuritaire, notamment en Ituri et au Nord-Kivu, demeure préoccupante, avec des milliers de victimes civiles, des déplacements massifs et un tissu social en délitement.

Les experts estiment que ce décalage entre la promesse d’un avenir pacifique et la réalité des affrontements est en partie dû à une mauvaise anticipation des dynamiques régionales. En effet, l’implication du Rwanda, par le biais des Forces de Défense du Rwanda (RDF) et leur soutien au M23, a compliqué la donne. Cette ingérence extérieure, dénoncée avec véhémence par le président dans son allocution, témoigne d’une réalité géopolitique complexe où les rivalités et enjeux stratégiques dépassent largement le cadre national.

Les efforts pour instaurer le dialogue n’ont pas non plus porté leurs fruits à court terme. La diplomatie, bien que proactive, se heurte à l’inertie de certains acteurs internationaux qui, parfois, semblent paralysés face à la rapidité de l’escalade des violences. Ce décalage met en exergue la difficulté de transformer de belles intentions en actions concrètes sur le terrain.

État de siège : un bilan contrasté après quatre ans

L’instauration de l’état de siège dans les provinces de l’Ituri et du Nord-Kivu avait pour objectif immédiat de rétablir l’ordre et de protéger les populations des incursions des groupes armés. Cette mesure exceptionnelle, censée renforcer le contrôle étatique sur des territoires devenus quasi autonomes, s’est révélée être une arme à double tranchant.

D’un côté, l’état de siège a permis une mobilisation rapide des forces de sécurité et a contribué à certaines victoires tactiques contre des milices isolées. Des dispositifs de surveillance renforcés et des opérations de grande envergure ont temporairement limité la progression de certains groupes hostiles. Pourtant, l’impact à long terme de cette mesure est loin d’être satisfaisant. Les chiffres évoqués par les organisations de défense des droits humains restent alarmants : plusieurs milliers de civils tués, des centaines de blessés et de nombreux cas de détentions arbitraires.

Les restrictions imposées à la population, en plus d’alimenter un climat de méfiance, ont souvent favorisé un sentiment d’exclusion qui a renforcé la radicalisation de certains groupes. La prise de Goma par le M23 constitue un signal fort de l’échec de cette stratégie sécuritaire dans certaines zones. Elle révèle que, malgré des années d’efforts et une volonté affichée de restaurer la souveraineté sur l’ensemble du territoire, les méthodes employées peinent à contenir une menace qui a su se réinventer et se renforcer. Le bilan de l’état de siège doit ainsi être envisagé non seulement en termes de résultats opérationnels, mais aussi à la lumière des conséquences humanitaires et sociales qui en découlent.

L’armée congolaise face au défi de la guerre

Les FARDC, pilier central de la défense nationale, se trouvent dans une situation critique. Malgré des investissements conséquents dans le secteur de la défense, l’armée demeure en proie à une série de dysfonctionnements structurels qui compromettent sa capacité à faire face aux agressions. Les rapports de terrain font état d’un manque criant de moyens logistiques et d’équipements modernes, contrastant fortement avec la sophistication des armes mises à disposition des forces adverses, notamment celles fournies par le Rwanda au M23.

La corruption, omniprésente au sein de certaines strates de l’appareil militaire, nuit à la crédibilité des opérations et détourne des ressources indispensables à la modernisation des forces. Des enquêtes menées par des organismes indépendants ont révélé que des fonds alloués à l’achat d’équipements ont souvent été détournés, laissant des unités entières dans l’impossibilité de mener des actions coordonnées. Ce malaise interne se traduit également par un moral en berne chez les soldats, qui se sentent abandonnés par un système incapable de garantir leur sécurité sur le terrain.Les cas d’abandon de positions et de désorganisation observés lors des affrontements récents témoignent d’un effritement de la cohésion militaire.

Pour beaucoup d’analystes, cette démoralisation représente une menace aussi grande que l’ennemi extérieur, car elle fragilise la capacité de réponse des FARDC face aux offensives du M23. La situation exige ainsi une réforme en profondeur, non seulement en termes de moyens matériels, mais aussi dans l’organisation et la formation des troupes. L’urgence de renforcer la discipline et de restaurer la confiance au sein des forces armées apparaît comme un impératif stratégique pour inverser la tendance.

Quelle diplomatie pour contrer la guerre du M23 ?

Plutôt que de se concentrer exclusivement sur la diplomatie menée jusqu’à présent par le pouvoir à Kinshasa, il est pertinent de s’interroger sur les stratégies diplomatiques qui pourraient être déployées à une échelle plus large – régionale, africaine et internationale – pour résoudre ce conflit complexe.

En premier lieu, il est crucial de négocier pour obtenir le soutien renforcé de la SADC (Communauté de Développement de l’Afrique Australe), même après le départ de la mission militaire SAMIDRC, présente actuellement au Nord-Kivu. La diplomatie étant avant tout un jeu de rapports de forces et de compromis sur les intérêts respectifs des États, la RDC doit déployer une diplomatie proactive et efficace pour obtenir un renforcement de la mission, tant en termes de personnel militaire que de matériels adéquats.

En second lieu, la RDC, en tant que plus grand pays francophone du monde, pourrait jouer sur cet atout pour influer sur la diplomatie internationale. Un levier important pourrait être d’inciter la France à adopter des sanctions contre le Rwanda, puis de militer au sein des instances internationales, notamment au Conseil de sécurité de l’ONU, pour obtenir des sanctions plus larges. En effet, une pression pourrait être exercée par la RDC à la France en menaçant de quitter la Francophonie si la France persiste dans son inaction face à l’agression rwandaise. Un tel ultimatum serait bien plus percutant qu’une simple demande d’aide : il s’agirait d’un message fort sur le rôle central de la RDC au sein de l’espace francophone et sur l’impact de l’inaction de ses partenaires.

En troisième lieu, la RDC pourrait envisager une pression supplémentaire en menaçant de suspendre, pour une durée indéfinie, sa participation à l’Union Africaine (UA) si aucune mesure contraignante n’est prise contre le Rwanda. L’UA, en tant qu’institution continentale, a la responsabilité de promouvoir la paix et la stabilité en Afrique. 

Si l’inaction perdure, la RDC pourrait revendiquer son droit de revoir sa participation et d’exiger des actions plus fermes contre les agresseurs.

Enfin, pour les pays qui soutiennent le Rwanda, il est bien connu qu’ils ont tous des intérêts stratégiques et économiques et donc intérêt à maintenir des relations avec ce pays. Dans cette optique, la RDC doit être en mesure d’offrir à ces nations des alternatives économiques et diplomatiques plus avantageuses que celles dont ils bénéficient de la part du Rwanda. La question clé est : que peut proposer la RDC pour convaincre ces pays de se dissocier du Rwanda et soutenir des sanctions contre lui ? Cette question nécessite des réponses diplomatiques sur mesure, adaptées aux intérêts de chaque acteur régional et international.

Entre la parole et l’action

Le discours du président Félix Tshisekedi, prononcé dans un contexte de crise aiguë, est à la fois une déclaration de défiance et un appel à l’unité nationale. Il incarne l’espoir d’un changement, tout en soulignant les limites d’une politique sécuritaire confrontée à des réalités multiples : la persistance d’un ennemi extérieur bien équipé, la défaillance d’un système militaire en quête de modernisation et les obstacles d’une diplomatie hésitante.

Les promesses de paix et de stabilité formulées il y a six ans se heurtent aujourd’hui à une réalité complexe, où chaque avancée tactique semble rapidement compromise par une série de revers stratégiques. Au final, le chemin vers une RDC plus sûre et unifiée passe par une réforme globale, mêlant modernisation des forces armées, lutte acharnée contre la corruption et une diplomatie affirmée.

La gestion de cette crise, d’une ampleur sans précédent, exigera non seulement une mobilisation de toutes les ressources nationales, mais également un engagement résolu de la communauté internationale. Ce défi, qui dépasse le cadre d’un simple conflit territorial, interroge sur la capacité d’un État à transformer des promesses en réalités, dans l’intérêt de la paix et du bien-être de ses concitoyens.

La détermination affichée par le président Tshisekedi et les appels lancés à la population témoignent d’un désir ardent de rétablir l’ordre et la justice. Cependant, pour que ces ambitions se matérialisent, une synergie entre action militaire, réformes internes et diplomatie de terrain sera indispensable. Seul un engagement collectif, associant les pouvoirs publics, les forces armées et la société civile, pourra permettre à la RDC de franchir ce cap décisif et de tourner la page d’une période marquée par la violence et l’impunité.

Heshima

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En RDC, l’accès à l’électricité reste un luxe malgré le potentiel du pays

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Malgré son incroyable potentiel hydrique, la République démocratique du Congo (RDC) fait partie des pays africains qui ont un faible accès à l’électricité. Selon les chiffres de la Banque mondiale, moins de 22% de la population congolaise a accès à cette énergie, avec des disparités importantes entre zones urbaines (35%) et rurales (moins de 1%). Des solutions envisagées pour combler ce déficit traînent encore…

La RDC est à la traîne en matière d’accès à l’électricité sur le continent africain. Le pays représente un des taux d’électrification les plus bas d’Afrique subsaharienne, avec seulement 21,5% en 2022, comparé à une moyenne de 51,5% dans la région. Ce taux de 21,5 % est jugé exagéré par d’autres experts locaux qui nivèlent à 9% la desserte nationale en électricité. Dans ces chiffres, la ville de Kinshasa seule a 50% et moins de 1% pour le milieu rural. Le gouvernement congolais essaie de combler ce déficit mais les solutions proposées peinent à porter leurs fruits. La Banque mondiale travaille avec la RDC pour améliorer cet accès à l’électricité et prévoit d’augmenter le taux d’électrification à 62% d’ici 2030, avec un taux de croissance annuel de 6%.

Le potentiel congolais et ses paradoxes

La RDC reste un grand paradoxe pour ceux qui l’observent au regard du potentiel naturel que possède le pays. Situé au cœur du continent africain, la RDC compte plus de 50% des réserves d’eau douce de l’Afrique. Le pays est traversé par des cours d’eau avec des chutes et des rapides propices à la construction des barrages hydroélectriques. Mais le pays de Lumumba reste l’un des derniers pays dans la région africaine en termes d’électrification. Si des efforts ont été fournis ces dernières années, ils restent bien marginaux par rapport au potentiel et aux possibilités existantes. « J’ai demandé que l’accès à l’électricité soit inscrit comme la première priorité économique de mon quinquennat », avait rappelé Félix Tshisekedi à l’ouverture du premier forum national sur l‘électricité en RDC. Mais lors du deuxième forum, en août 2024, plus de 300 participants, réunis pour réfléchir à l’accès à l’électricité en RDC, dix ans après la promulgation de la loi N°14/011 du 17 juin 2014 relative au secteur de l’électricité, ont dressé un bilan largement négatif.

Malgré la libéralisation du secteur ainsi que le cadre légal et institutionnel mis en place, les avancées semblent maigres. Ces participants ont même estimé que le pays « naviguait à vue, sans planification rigoureuse ». La loi n’a pas permis l’essor du secteur de l’électricité en RDC. « Depuis sa promulgation en 2014, le taux de desserte a régressé, passant de 9 % à 7,14 %, au lieu de progresser », d’après les participants venus de toutes les provinces du pays. Quand une turbine tombe longtemps en panne ou un poste électrique est hors service, les statistiques aussi bougent.

Dans le diagnostic, des experts relèvent aussi plusieurs facteurs qui contribuent à cette situation de déficit énergétique. Il y a notamment des infrastructures vieillissantes, le manque d’investissements, et des défis liés à la distribution et à la gestion du réseau. Produire de l’énergie est un fait, mais l’acheminer dans des postes puis assurer sa distribution constitue aussi un autre problème. Par exemple, le barrage de Zongo, au Kongo Central, produit de l’électricité qui n’avait jamais été distribuée faute d’un réseau de transport.

Le gouvernement veut connecter 14 villes

En mars 2025, le ministre des Ressources hydrauliques et de l’électricité Teddy Lwamba avait lancé le projet d’Accès, de Gouvernance et de Réforme des Secteurs de l’Électricité et de l’Eau (AGREE). Financé à 600 millions de dollars par la Banque mondiale, ce projet vise à accroître l’accès à l’électricité et à l’eau potable à base d’énergie renouvelable dans 14 villes ciblées dans les zones d’intervention de la Banque mondiale. Il s’agit des villes de Kinshasa, Kikwit, Bandundu, Tshikapa, Kananga, Mbuji-Mayi, Mwene-Ditu, Kabinda, Bukavu, Goma, Butembo, Beni, Bunia et Boma. Ce projet pourrait renforcer la fourniture de l’électricité dans les milieux urbains.

Réduire le déficit entre milieu urbain et rural

Dans le cadre de la réduction de la fracture entre le milieu urbain et rural, Félix Tshisekedi avait créé l’Agence nationale pour la promotion et le suivi de l’électrification rurale (ANSER). Cette structure est impliquée dans l’électrification de quelques entités décentralisées telles que la ville de Lodja, dans la province du Sankuru. Dans cette entité, l’ANSER travaille à la construction d’une centrale solaire photovoltaïque de 400 kWc, dans le cadre de son programme de développement local et de projets d’électrification rurale.

Dans ce projet, les agents de l’ANSER ont procédé à l’électrification de Lumumbaville, autrefois appelé Wembonyama, le village natal de Patrice Emery Lumumba, le premier Premier ministre du Congo indépendant. « Nous avons connecté la maison familiale de Patrice Lumumba. C’était la première maison à être connectée à ce réseau électrique. C’est tout un symbole », a déclaré un ingénieur de ce service déployé dans cette partie du pays. En dehors de Lumumbaville, plusieurs entités de cet espace continuent à souffrir d’un manque d’électricité, notamment à Kabinda, chef-lieu de la province de Lomami et dans plusieurs territoires de l’espace Kasaï tels que Mueka, Lwiza, Lubefu et Lwebo où l’électricité demeure encore un luxe.

Pour essayer de changer la donne, l’ANSER mène des projets pilotes d’électrification dans ces milieux de l’espace Kasaï. Ces projets, tel que celui mené à Lodja, pourraient servir de modèle pour d’autres régions du pays. Mais parallèlement à ces projets de mini-barrages solaires, la construction de la centrale hydroélectrique de Katende, dans le Kasaï Central, pourrait booster l’approvisionnement en électricité de la région. Les travaux sont en cours et la centrale devrait fournir 32 mégawatts dans sa deuxième phase et 16 mégawatts dans la troisième.

Dans les Kivu, le défi reste le même

Comme d’autres régions du pays, les Nord et le Sud-Kivu n’échappent pas aux difficultés d’accès à l’électricité. Le taux d’électrification reste très faible, mais des projets de centrales solaires, hydroélectriques et à gaz méthane sont en développement pour augmenter l’accès à l’électricité. Certaines villes du Kivu telles que Goma, chef-lieu du Nord-Kivu, est alimentée en grande partie par des sociétés privées, Virunga Energie alimente une bonne partie de la ville. Les centrales hydroélectriques existantes, comme Ruzizi 1 et 2, souffrent parfois de la baisse du niveau d’eau du lac Kivu. La Société Nationale d’Électricité (SNEL) est le principal opérateur, mais elle fait face à des difficultés de production et de distribution.

D’autres projets sont explorés pour augmenter la production avec une ligne à moyenne tension reliant Kamanyola à Luvungi, puis vers Uvira et Fizi dans la province du Sud-Kivu. L’exploitation du gaz méthane du lac Kivu pour produire de l’électricité reste également une solution potentielle à la faible production hydroélectrique pour cette province.

Projet Inga 3, un espoir pour le pays

Conçu pour la première fois dans les années 1920, le projet Grand Inga compte la construction de huit barrages sur le fleuve Congo. Lancé à la fin des années 50, ce projet pharaonique a connu seulement l’inauguration de deux barrages, l’un en 1972 et l’autre en 1982. Inga est à l’étude depuis les années 1990. Longtemps mis en suspens, ce projet du barrage a été relancé. La Banque mondiale a annoncé début juin 2025 un premier financement de 250 millions de dollars pour permettre de réaliser les études préalables de faisabilité ainsi que les différentes projections. Objectif : passer de 21% de taux d’électrification de la RDC à plus de 60% d’ici à 2030. Cette enveloppe pourra atteindre jusqu’à plus de 1 milliard de dollars. La production énergétique projetée pourrait atteindre entre 2 et 11 gigawatts, suffisant pour alimenter le Kongo-Central, Kinshasa, et même exporter vers des pays comme l’Afrique du Sud, selon Radio Okapi.

D’après le média Africanews, la capacité de production d’Inga 3 devrait être l‘équivalent de la production de trois réacteurs nucléaires de troisième génération. Il y a plus d’une année, la RDC avait demandé à des consortiums rivaux, l’un dirigé par la société chinoise Three Gorges Corporation et l’autre regroupée sous la bannière de la société de construction espagnole ACS, de s’associer et de présenter une offre commune pour financer ce barrage prometteur. Mais ce projet semblait encore piétiner jusqu’à l’annonce du financement de la Banque mondiale.

Face à son potentiel extraordinaire, la RDC reste un géant énergétique endormi. La réalité est marquée par une injustice énergétique profonde. Tant que les réformes structurelles ne seront pas accélérées, et que l’accès ne sera pas démocratisé au-delà des grandes villes, le faible taux d’électrification continuera d’entraver le progrès social et économique du pays.

Heshima

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RDC : les revendications profondes du M23 et leurs possibles conséquences…

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Le retour en force du Mouvement du 23 mars (M23) dans l’Est de la République démocratique du Congo (RDC), après une décennie de relatif silence, pose avec acuité la question de la nature réelle de ses revendications et de leurs conséquences potentielles pour l’État congolais. Derrière le discours officiel de protection des minorités et de justice pour les populations marginalisées, le M23 mène une stratégie qui oscille entre la recherche de légitimité politique et la consolidation d’un pouvoir de fait sur des territoires clefs du Nord-Kivu et du Sud-Kivu. Cette dynamique, loin d’être un simple épiphénomène local, engage l’avenir de la souveraineté congolaise et la stabilité de toute la région des Grands Lacs.

Le M23 s’appuie d’abord sur l’accord du 23 mars 2009, signé à l’issue de la précédente rébellion du CNDP, pour justifier sa lutte armée. À ses yeux, l’État congolais n’a jamais respecté ses engagements, en particulier l’intégration des ex-combattants dans l’armée nationale, la réinsertion socio-économique des populations affectées et la reconnaissance des droits des communautés tutsies et kinyarwandophones. Le mouvement affirme défendre ces groupes contre les violences de milices hutu et la marginalisation institutionnelle, tout en exigeant un statut administratif particulier pour les zones qu’il contrôle.

Cependant, l’analyse des faits sur le terrain et des rapports d’organisations telles que Human Rights Watch et Amnesty International met en lumière une instrumentalisation de la question ethnique. Le M23, tout en se présentant comme un rempart contre l’insécurité, a été impliqué dans de nombreuses exactions contre des civils, y compris des membres des communautés qu’il prétend protéger. Son contrôle des axes miniers stratégiques et des routes commerciales, notamment vers l’Ouganda et le Rwanda, révèle également une dimension économique majeure à ses revendications, qui dépasse largement la simple défense des droits des minorités.

Enjeux symboliques et politiques

Sur le plan symbolique, les revendications du M23 remettent en cause le principe d’égalité territoriale et d’unité nationale inscrit dans la Constitution congolaise. En exigeant un statut particulier pour certaines zones congolaises sur une base ethnique, le mouvement fragilise la cohésion nationale et ouvre la porte à d’autres revendications similaires dans un pays déjà fragilisé par des décennies de conflits. La reconnaissance d’une telle exceptionnalité, même temporaire, serait perçue comme un aveu de faiblesse de l’État central, risquant d’éroder la confiance des citoyens dans la capacité de Kinshasa à garantir l’équité et la justice pour tous.

Politiquement, le M23 cherche à se hisser au rang d’interlocuteur incontournable, imposant à l’État congolais un dialogue direct et une reconnaissance de facto de son pouvoir sur le terrain. Cette stratégie, qui a trouvé un écho lors de la médiation qatarie d’avril 2025, met en difficulté les institutions nationales et affaiblit la légitimité des autorités élues. Elle pose la question de la place des groupes armés dans le jeu politique congolais et du risque de voir la violence s’ériger en mode d’accès privilégié à la négociation et à la représentation institutionnelle.

Les conséquences potentielles de l’acceptation des revendications du M23

Si le gouvernement congolais venait à céder aux principales exigences du M23, les conséquences seraient lourdes à la fois pour la gouvernance interne et pour la position du pays sur la scène internationale. Sur le plan national, l’octroi d’un statut spécial à une entité contrôlée par un groupe armé créerait un précédent dangereux, susceptible d’encourager d’autres mouvements à suivre la même voie. La fragmentation administrative qui en découlerait risquerait d’alimenter les tensions intercommunautaires et d’affaiblir davantage l’autorité de l’État dans des régions déjà marquées par la défiance envers Kinshasa.

La sécurité nationale serait également menacée, car l’intégration de combattants du M23 dans les forces armées, sans garanties de loyauté et de discipline, pourrait reproduire les erreurs de 2009 et miner davantage la cohésion des FARDC. Sur le plan social, la polarisation ethnique serait exacerbée, avec un risque d’embrasement généralisé dans d’autres provinces où des griefs similaires existent.

À l’échelle internationale, une telle évolution serait perçue comme une victoire du fait accompli et de l’ingérence étrangère, notamment rwandaise, dans les affaires congolaises. Cela affaiblirait la crédibilité de la RDC dans ses relations diplomatiques et mettrait à mal le principe d’intangibilité des frontières, fondement du droit international africain. Les partenaires régionaux et internationaux, déjà divisés sur la question, pourraient voir leurs efforts de médiation et de stabilisation durablement compromis.

Vers une sortie de crise ou un enlisement durable ?

L’analyse des revendications du M23, replacées dans le contexte plus large de l’histoire congolaise et des dynamiques régionales, invite à la prudence. Si certaines de ses demandes trouvent un certain écho dans les frustrations d’une ethnie, la stratégie du mouvement, marquée par la violence et l’instrumentalisation de l’ethnicité, porte en elle les germes d’une déstabilisation durable. La légitimité de ses revendications ne saurait justifier les exactions commises ni l’affaiblissement de l’État congolais. Prendre les armes contre l’État pour des revendications ethniques est un schéma dangereux à même de provoquer la balkanisation de la RDC

La solution à cette crise ne pourra être que politique et inclusive, fondée sur le respect de la souveraineté nationale, la justice pour toutes les victimes et la reconstruction d’un pacte social qui transcende les clivages ethniques. Toute concession faite sous la contrainte militaire ouvrirait la voie à de nouvelles crises, un cycle infini, tant pour la RDC que pour l’ensemble de la région des Grands Lacs. C’est à ce prix seulement que la paix et la stabilité pourront être durablement restaurées dans l’Est du Congo.

Heshima Magazine

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RDC : l’artisanat minier toujours au cœur des vives tensions

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Qualifiée de scandale géologique, la République démocratique du Congo (RDC) ne capte pas encore son plein potentiel dans le secteur des mines. Si au niveau de la production industrielle les choses s’améliorent, l’artisanat reste cependant un terrain où l’anarchie règne en maître malgré la réglementation en vigueur. Dans les Kivu, les minerais sont exploités en plein conflit armé, dans certaines régions comme le grand Katanga, la concurrence avec les industriels crée souvent des tensions. Ce qui influe sur la rentabilité du secteur.

En 2024, le secteur minier a généré 4,36 milliards de dollars, selon l’agence de notation financière standard & Poor’s (S&P). Cela représente environ 41,3% des recettes courantes de la RDC, estimées à 10 milliards de dollars en 2024. « Notre pays détient 80 % des réserves mondiales de cobalt. Il représente actuellement autour de 65 % de la production mondiale, soit 95 000 tonnes par an, dont 18 000 tonnes, soit 800 millions de dollars de revenus au cours actuel, proviennent de sites miniers artisanaux », a déclaré Albert Yuma, alors président de la Gécamines, lors d’un forum en Afrique du Sud.

Dans ces recettes, boostées par la production de cobalt et de cuivre, l’artisanat représente une part non négligeable, mais le secteur reste désorganisé et marqué par des tensions quasi permanentes. Pourtant, le Code minier de 2002, révisé en 2018, consacre une section entière à l’exploitation artisanale. Cette loi impose aux mineurs artisanaux de se regrouper en coopératives agréées afin de solliciter une licence d’exploitation artisanale. L’État a aussi l’obligation de créer des Zones d’exploitation artisanale (ZEA) supervisées par des coopératives minières agréées.

Depuis un temps, dans le Lualaba et le Haut-Katanga, des milliers de coopératives se sont créées, mais beaucoup ne sont que des façades pour accéder à des licences. Peu de coopératives assurent un encadrement réel, technique ou social des creuseurs. « Certaines coopératives sont contrôlées par des élites politiques ou militaires. Elles créent des coopératives juste pour faire main basse sur les mines artisanales sans se soucier des creuseurs artisanaux », affirme Moise Kapia, un creuseur vivant à Kolwezi, chef-lieu du Lualaba.

Les creuseurs accusent également les industriels de ne pas respecter les limites de leurs sites et d’empiéter régulièrement sur les carrés miniers artisanaux. D’après un rapport de l’ONG Crisis Group publié en 2020, les industriels reprochent à leur tour aux creuseurs artisanaux d’occuper leurs mines. Par exemple, lorsque les activités industrielles ont repris à Tenke Fungurume Mining (TFM), à la fin des années 1990, le nouvel opérateur a trouvé environ 20 000 mineurs artisanaux, selon certaines estimations, sur le site pour lequel il détenait un permis.  Ceci a mené à plus de vingt ans de tensions et à des violences intermittentes entre les mineurs artisanaux, l’armée et la police des mines. Cette dernière a régulièrement procédé à l’expulsion des mineurs artisanaux de certaines parties de TFM, mais n’a pas pu les empêcher de revenir sur le site de manière durable.

En 2019, note la même source, l’armée est intervenue pour expulser plus de 10 000 mineurs artisanaux qui empiétaient sur deux des plus grands sites industriels miniers dans le Haut-Katanga et au Lualaba.

Tensions communautaires entre Kasaïens et Katangais

Dans cette partie du pays, l’exploitation minière a aussi d’autres facteurs rendent ce secteur explosif. Les mines artisanales attirent également des travailleurs originaires d’autres provinces de la RDC, notamment des Kasaïens. Cela renforce le mythe selon lequel des Congolais, notamment du Kasaï, « voleraient » la richesse minérale de la région du Katanga. Cette perception exacerbe des tensions communautaires entre ces communautés présentes dans les zones minières. Le gouvernement, censé jouer un rôle d’arbitre, reste souvent éloigné de ces réalités. Ces tensions dégénèrent parfois en affrontements physiques ou verbaux. « Certains Congolais originaires du Katanga perçoivent la présence des autres Congolais venus du Kasaï comme une intrusion dans leur pré-carré », explique Eric Mukendi, creuseur originaire de l’espace Kasaï.

Les Kivu : une autre dimension de tensions

Si dans le Katanga les tensions se résument souvent par des rivalités entre industriels et artisanaux ainsi que les communautés entre elles, dans les Kivu, c’est une toute autre tension qui y règne. Les mines artisanales du Kivu, en particulier dans le Sud-Kivu, sont marquées par une exploitation majoritairement informelle. Des minerais tels que l’or, la cassitérite et le wolframite sont extraits par des creuseurs dans l’informel.

Dans le Nord-Kivu, l’exploitation minière artisanale est souvent associée à des conflits armés. Certains conflits sont alimentés par la concurrence pour l’accès aux ressources, les mauvaises conditions de travail des mineurs artisanaux et l’implication de groupes armés dans l’exploitation illicite de ces minerais sont autant des causes de ces tensions. Le site de Rubaya, qui produit 20 % du coltan mondial, dans le territoire de Masisi, au Nord-Kivu, est depuis plus d’un an entre les mains du Mouvement du 23 mars (M23), une rébellion soutenue par le Rwanda. Malgré cette instabilité, l’exploitation artisanale des mines continue dans cette zone riche en coltan (tantale), étain (cassitérite) et manganèse.

Des milliers de creuseurs artisanaux extraient chaque jour le coltan, essentiel à la fabrication des téléphones portables et d’autres outils de technologie de pointe. Rubaya est aujourd’hui un point névralgique dans la chaîne d’approvisionnement mondiale de ce métal. L’extraction minière dans cette zone est donc sujette à des tensions liées à ce conflit toujours en cours, en dépit d’un cessez-le-feu fragile entre les Forces armées de la République démocratique du Congo et les rebelles du M23 appuyés par l’armée rwandaise.

Tshisekedi veut mettre fin aux tensions dans l’artisanat

En marge de la 12ᵉ Conférence des gouverneurs organisée du 10 au 13 juin 2025 à Kolwezi, le président Félix Tshisekedi a exprimé sa préoccupation face à la précarité des creuseurs artisanaux et appelé à des mesures urgentes pour encadrer leur activité et prévenir les conflits avec les opérateurs industriels. Le chef de l’Etat congolais a épinglé les difficultés rencontrées par les creuseurs artisanaux dans l’exercice de leurs activités. Ces difficultés, Félix Tshisekedi, sont principalement liées à l’absence de zones d’exploitation artisanale clairement définies et viabilisées, obligeant ainsi les creuseurs à empiéter régulièrement sur les concessions attribuées aux entreprises industrielles. Une situation à l’origine de fréquents affrontements, d’abus, et de conflits d’intérêts. Pour mettre fin à cette situation, le chef de l’Etat a demandé au gouvernement d’élaborer « sans délai » des mesures correctives, respectueuses des lois nationales et des standards environnementaux et sociaux, afin de garantir une meilleure cohabitation entre exploitants artisanaux et opérateurs industriels.

Pour combler le besoin sans cesse croissant en minerais afin d’assurer la transition énergétique, le gouvernement congolais – détenteur d’une plus grande réserve de cobalt au monde – devrait prendre en compte tous les acteurs miniers, y compris les plus petits qui évoluent dans le secteur informel. Cela n’est possible qu’en organisant l’artisanat tout en travaillant à l’élimination des groupes armés mais aussi de l’influence militaire qui pèse sur ce secteur vital.

Heshima

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