Bien que la grave crise sécuritaire qui sévit en République démocratique du Congo (RDC) commence à trouver des dénouements politico-diplomatiques, l’épisode militaire en cours a permis de constater des alliances autour de deux principaux protagonistes, à savoir : Kinshasa et Kigali. Retour sur l’atlas de ces soutiens de part et d’autre de la ligne de front.
Le pays de Félix Tshisekedi bénéficie du soutien de plusieurs alliés militaires dans sa lutte contre le groupe rebelle M23 et les Forces rwandaises de défense (RDF) qui le soutiennent. Face à la menace, les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) collaborent étroitement avec des troupes burundaises, estimées à environ 1 500 soldats.
Burundi, une alliance pour une cause commune
Depuis l’arrivée au pouvoir, au Burundi, du général Evariste Ndayishimiye, un rapprochement a été observé avec le pouvoir de Félix Tshisekedi, à Kinshasa. Cette alliance politique et militaire n’est pas anodine. Kinshasa et Bujumbura font face à une menace commune : le pouvoir de Kigali. Le président rwandais, Paul Kagame, dans sa politique de déstabilisation des régimes qui ne sont pas issus de la communauté tutsie dans les Grands Lacs, menace constamment le Burundi, dirigé actuellement par un Hutu.
Après avoir pris goût à l’AFDL de Laurent-Désiré Kabila, qui avait même installé un chef d’état-major rwandais à la tête de l’armée congolaise, Paul Kagame et l’Ougandais Yoweri Museveni – deux régimes proches sur le plan identitaire – mènent des actions de déstabilisation à la fois en RDC et au Burundi. Conscient du danger, le président burundais ne cesse d’avertir son peuple des dangers liés à la situation en RDC, estimant qu’il risque d’être la prochaine cible. D’où son soutien militaire à la RDC.
Une guerre identitaire dans l’EAC
Devant les diplomates accrédités au Burundi, Évariste Ndayishimiye a alerté, fin janvier, sur le risque d’un embrasement régional du conflit dans l’Est congolais. Il a accusé le Rwanda de « préparer quelque chose contre le Burundi », en soulignant que son pays n’allait pas « se laisser faire ». Selon Aymar Nyenyezi, spécialiste des Grands Lacs à l’université de Mons en Belgique, le message du président burundais est clair. « C’est un conflit régional qui va opposer différents groupes : d’un côté le Rwanda, l’Ouganda et le Kenya et de l’autre côté, en tout cas, au niveau de l’EAC, un bloc RDC, Burundi et Tanzanie », a-t-il estimé. En observant les deux blocs militaires, on peut constater qu’ils sont composés au sommet de leurs États de Nilotiques d’un côté et de Bantous ou des Hutus de l’autre. L’axe Kigali-Kampala-Nairobi mène une guerre identitaire pour inféoder les autres groupes, principalement les Hutus. « Il suffit d’observer que si le Kenya change de régime et qu’un Bantou prend le pouvoir, Nairobi quittera cet axe », analyse un observateur qui rappelle que William Ruto est seulement le deuxième Kalendjin (nilotique de l’ouest du Kenya) à devenir chef de l’État depuis l’indépendance du pays.
Kigali et Tel Aviv
Paul Kagame s’est davantage rapproché d’Israël. Le dirigeant rwandais s’est lié d’amitié avec le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, en « faisant valoir ce que leurs peuples respectifs ont en commun : le génocide ! Oui, mais aussi leurs visées expansionnistes, le premier dans le Kivu, le second en Palestine… », explique un enseignant de l’Institut facultaire des sciences de l’information et de la communication (IFASIC). Ce chercheur congolais est allé puiser dans le constat du psychiatre algérien, Frantz Fanon, pour expliquer un tel rapprochement entre Tel Aviv et Kigali. « Médecin-psychiatre à Blida, dans une Algérie sous occupation française, Frantz Fanon, après avoir longtemps examiné ses patients algériens, est arrivé à ce terrible constat clinique : «L’opprimé rêve en permanence de devenir l’oppresseur !» », a-t-il rappelé. Ce qui explique, selon lui, la violence de Paul Kagame et de Benjamin Netanyahu.
L’Afrique du Sud avec la SADC
En dehors du Burundi, la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) a déployé une force régionale en RDC, la SAMIDRC, composée de contingents tanzaniens, malawiens et sud-africains, pour soutenir les efforts de stabilisation et contrer les actions du M23. Dans cette mission militaire, l’Afrique du Sud détient un important contingent. Le Rwanda a tenté de le dissuader en tirant sur ses soldats via les rebelles du M23, mais l’Afrique du Sud a tenu bon.
Après la mort de ses 14 soldats dans les violents combats à Goma, le président sud-africain a précisé que « la mission prendra fin lorsque le cessez-le-feu auquel nous avons appelé prendra effet ». Pretoria a promis de ne pas lâcher la RDC. « L’Afrique du Sud ne lâchera pas son soutien au peuple de la RDC », a averti, le 3 février, le président Cyril Ramaphosa. Après une conversation avec Paul Kagame sur la mort des soldats sud-africains en RDC, le leader rwandais s’est emporté en dénonçant la version du communiqué produit par Pretoria autour de cet entretien téléphonique, menaçant de mener une guerre contre l’Afrique du Sud si ce pays le souhaitait.
L’Angola dans la neutralité
Allié de longue date de la RDC, notamment lors de la première guerre du Congo en août 1998, Luanda s’est présenté dans l’actuel conflit comme un médiateur. Fort de son histoire aux côtés de la RDC, Kigali se méfie de ce pays facilitateur. Paul Kagame a préféré le président turc, Recep Tayyip Erdoğan, en lieu et place d’un Africain, João Manuel Gonçalves Lourenço, le président angolais. Kinshasa et Luanda ont des accords militaires conjoints.
Des rumeurs ont circulé dans les rues de la capitale congolaise, laissant croire à une intervention militaire angolaise dans le conflit en RDC. Rien de tel n’est vrai, malgré l’amitié qui existe entre l’Angola et la RDC.
Des soutiens locaux, Wazalendo
Parallèlement, des milices locales, souvent appelées « Wazalendo » (patriotes en swahili), se sont alliées aux FARDC pour défendre leurs territoires contre les incursions du M23 et de l’armée rwandaise. Cependant, certaines de ces milices ont été accusées de collaborer avec l’ennemi, ce qui a conduit l’armée à exiger leur identification et leur intégration formelle au sein de la grande muette comme réservistes. Enfin, des entreprises militaires privées, notamment des contractants européens, ont été impliquées aux côtés des forces congolaises, bien que leur efficacité et leur rôle exact restent sujets à débat. La chute de Goma risque bien de provoquer l’arrêt de leur contrat de prestation en RDC.
Heshima