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RDC : la CENCO et l’ECC confirment l’intention de négocier avec l’AFC/M23 

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La Conférence nationale épiscopale du Congo (CENCO) et l’Église du Christ au Congo (ECC) ont entamé des consultations avec la classe politique et la société civile. Après avoir rencontré le président de la République, Félix Tshisekedi, l’opposant Martin Fayulu et le président de l’Assemblée nationale, les prélats n’excluent pas de rencontrer l’AFC/M23 dirigée par Corneille Nangaa. Ce dialogue envisagé portera sur quoi ? C’est la grande question.

Après avoir rencontré le chef de l’État, le président de la CENCO, Monseigneur Fulgence Muteba, a échangé, le 3 février, avec le président de l’Assemblée nationale, Vital Kamerhe. Ce prélat a présenté à son hôte le plan de sortie de crise intitulé « Pacte social pour la paix et le bien-vivre ensemble », préparé par son organisation. Les prélats catholiques et protestants envisagent de faire le tour de la classe politique et de la société civile pour créer une adhésion à ce projet de paix. Ils ont également rencontré, le 4 février, l’opposant Martin Fayulu, président du parti Engagement pour la citoyenneté et le développement (ECIDé). D’après le révérend Eric Nsenga de l’ECC, ces rencontres préparent un « grand forum » à venir, sans donner plus de détails sur son format.

De son côté, le secrétaire général de la CENCO, Mgr Donatien Nshole, n’a pas fait mystère de la démarche de ces deux églises : dialoguer avec les rebelles du M23-AFC. « Nous voulons la paix. Nous voulons une solution alternative à la guerre. La guerre est menée par ceux qui ont pris les armes. Ça n’aurait pas de sens de les mettre à côté et d’espérer trouver la paix sans eux. », a déclaré Donatien Nshole, assurant que l’AFC/M23 sera aussi consultée dans le cadre des consultations menées par l’Église catholique et l’ECC.

Sur quoi portera le dialogue ?

Initier une démarche de paix et de cohésion nationale est une chose, trouver les points de divergence et les résoudre en est une autre. Le dialogue initié par les églises va porter sur quel sujet ? La remise en cause de la légitimité de Félix Tshisekedi ? L’application des accords du 23 mars pour le M23 ? L’amnistie après le massacre de près de 3000 Congolais à Goma ? L’entrée des belligérants dans les institutions, y compris l’armée et la police ? Voilà autant de questions complexes qui risquent de compliquer la démarche des prélats. 

Probablement, Corneille Nangaa ainsi que ses partenaires du M23 voudront trouver l’absolution des crimes commis tout au long de leur croisade militaire qui les a conduits jusqu’à Goma. Kinshasa, qui risque d’aller à cette table de discussion en position de faiblesse, n’aura pas assez de marges des manœuvres pour imposer de nouvelles lignes rouges après l’occupation de Goma.

Assemblée nationale obligée de se dédire

L’Assemblée nationale, qui a convoqué une session extraordinaire le 4 février, est obligée de se dédire après avoir interdit au gouvernement, en 2022, de négocier avec le M23. L’Assemblée nationale avait déclaré, à son tour, le M23 comme étant un groupe « terroriste » avec lequel le gouvernement ne devrait pas négocier. Cette décision est contenue dans une note de recommandation prise en novembre 2022 à l’intention du gouvernement. Avant le début des discussions avec l’AFC/M23, la chambre basse du parlement devrait alors délier les mains du gouvernement pour lui permettre de prendre langue avec ce groupe rebelle. à l’époque, Moïse Nyarugabo, alors député national, prévenait l’Assemblée nationale du risque d’une telle mesure. « Nous sommes un pays en guerre. On ne peut pas fermer toutes les portes de négociation. Ça ne serait pas sage de fermer les portes qui peuvent servir d’issue à un moment donné », avait-il déclaré après le vote d’adoption de cette recommandation. Aujourd’hui, l’évolution de la crise sécuritaire semble lui donner raison. L’enjeu majeur dans ce volet de discussion, c’est de savoir jusqu’où le gouvernement pourrait fléchir pour satisfaire aux revendications de l’AFC/M23.

Heshima

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RDC : les mouvements citoyens LUCHA et Filimbi sont-ils en perte de vitesse ?

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Véritables porte-étendards des manifestations citoyennes lors de la dernière décennie en République démocratique du Congo (RDC), les mouvements Lutte pour le changement (LUCHA) et Filimbi, qui signifie « coup de sifflet » en swahili, semblent perdre leur cadence depuis le changement de régime politique à la tête du pays. Pourtant, malgré le départ de Joseph Kabila du pouvoir, les défis sociaux et sécuritaires demeurent. L’occupation de certaines villes du pays par les rebelles du Mouvement du 23 mars (M23) a affecté les activités de ces mouvements.

Engagés pour la démocratie, la justice sociale et la bonne gouvernance, les deux mouvements se sont montrés comme des acteurs influents de la société civile lors de la dernière décennie. Fondée en 2012, la LUCHA rassemble plusieurs centaines de jeunes à travers le pays, mais le mouvement a beaucoup fait parler de lui dans les villes de Goma, Beni, Butembo, Lubero et Kinshasa. Malgré les défis sécuritaires et politiques, leur présence et leur action témoignent de leur résilience et de leur détermination à défendre les droits des Congolais.

Cependant, il faut reconnaître que depuis la fin du régime de l’ancien président de la République Joseph Kabila, les actions de ces mouvements ont baissé d’intensité. « Ils avaient focalisé leurs actions notamment sur le départ du pouvoir de Joseph Kabila. Après avoir atteint cet objectif, le reste des actions de la LUCHA et Filimbi n’a pas eu un grand impact », explique un analyste sur les dynamiques politiques en RDC.

LUCHA : un engagement constant pour la démocratie

La LUCHA continue de défendre la dignité humaine, la justice sociale et la démocratie par des actions non violentes. Le mouvement reste actif dans plusieurs provinces, notamment au Nord-Kivu, où il soutient les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) et dénonce les violations des droits humains commises par les groupes armés, y compris le M23 soutenu par le Rwanda. Elle n’hésite pas également à critiquer la gouvernance du président Félix Tshisekedi, l’accusant de renforcer un système autoritaire et de ne pas améliorer les conditions de vie des Congolais.

Dialogue entre Kinshasa et AFC/M23, la LUCHA se positionne

Pour continuer à marquer sa présence dans le débat public, la LUCHA a livré sa position au sujet du dialogue entre le gouvernement congolais et les rebelles de l’AFC/M23, qui se tient à Doha, capitale du Qatar. « Nous tenons à mettre en garde contre des ‘‘accords de paix’’ récompensant les criminels au détriment des victimes, démantelant davantage les services de sécurité et compromettant les principes démocratiques », peut-on lire dans sa déclaration du 24 avril 2025. Ce mouvement se dit donc prêt à s’opposer à tout accord de paix qui viendrait consacrer « une amnistie générale » pour tous les responsables des crimes graves, une « intégration collective » des rebelles au sein de l’armée nationale ainsi qu’une représentation des rebelles au sein des instances politiques du pays.

Filimbi, un mouvement né de la colère socio-politique

Le mouvement citoyen Filimbi, dont le nom signifie « coup de sifflet » en swahili, est né le 15 mars 2015 à Kinshasa. Cette structure a été fondée par des jeunes Congolais issus de divers horizons professionnels, dont Floribert Anzuluni, un banquier, Franck Otete, un médecin, et Yangu Kiakwama Kia Kizi, un licencié en droit. Le lancement officiel a été marqué par une conférence de presse à laquelle ont assisté des représentants de mouvements tels que « Y’en a marre » (Sénégal), « Balai Citoyen » (Burkina Faso) et La Lucha (RDC). Trois des fondateurs de ce mouvement ont été exilés en Europe, après s’être cachés pendant plusieurs semaines à Kinshasa pour fuir la répression organisée par le régime de Joseph Kabila. Parmi eux figurait Floribert Anzuluni. Le jour même de son lancement, une quarantaine de personnes présentes à la conférence ont été enlevées par des militaires, dont certaines ne seront libérées que dix-huit mois plus tard. Les fondateurs ont été accusés de « terrorisme » et de vouloir préparer une insurrection violente, bien qu’ils se revendiquent résolument de la non-violence et du respect du cadre légal.

Cofondé par Carbone Beni, Filimbi agit comme un des acteurs clés de la société civile. Ce mouvement se positionne comme une structure non partisane et non violente, visant à stimuler la participation citoyenne, en particulier des jeunes, afin d’améliorer les conditions de vie en influençant les décisions des autorités. Le nom « Filimbi » symbolise un appel à la mobilisation et à la vigilance face aux injustices.

Fred Bauma et Yves Makwambala, des visages devenus iconiques

Toujours en 2015, le jour du lancement de ce mouvement, Fred Bauma et Yves Makwambala, membres de Filimbi, ont été arrêtés lors d’un atelier organisé pour le lancement du mouvement. Ils ont été inculpés de complot contre le chef de l’État et de tentative de destruction ou de changement du régime constitutionnel. Un rapport d’enquête parlementaire a conclu que les militants de Filimbi n’avaient aucune visée terroriste. Malgré cette intervention du parlement, leur procès s’est finalement ouvert le 26 juin de la même année. La justice a repris les mêmes griefs, notamment celui d’avoir comploté contre la vie ou contre la personne du chef de l’État ; d’avoir tenté de détruire ou de changer le régime constitutionnel ; ou d’avoir incité des personnes à s’armer contre l’autorité de l’État. Les autorités ont aussi accusé Fred Bauma d’avoir troublé l’ordre public, et Yves d’avoir publiquement offensé le chef de l’État.

En décembre 2016, Carbone Beni, un des leaders du mouvement, a été arrêté lors de la mobilisation contre le maintien au pouvoir de Joseph Kabila après la fin de son mandat constitutionnel en décembre 2016. Il a été détenu pendant plus de neuf mois avant d’être condamné à douze mois de prison pour « atteinte à la sûreté intérieure de l’État », « offense au chef de l’État » et « publication et distribution d’écrits subversifs ».

Tshisekedi réchauffe ces mouvements avec le débat sur la Constitution

Comme la LUCHA, Filimbi va perdre son influence après la fin de ce combat politique, consacré par le départ du pouvoir de Joseph Kabila le 24 janvier 2019. Mais Félix Tshisekedi va redonner de l’eau au moulin de ces mouvements en relançant le débat sur la modification ou le changement de la Constitution en octobre 2024. En décembre de la même année, le mouvement s’est opposé fermement à toute modification de la Constitution, dénonçant une tentative de coup d’État masqué et appelant le gouvernement à se concentrer sur les priorités urgentes telles que la sécurité et le bien-être des Congolais. « Nous ne nous laisserons pas faire. Nous sommes prêts à défendre notre Constitution, qui est le fruit de longues luttes et de nombreux sacrifices », avait déclaré Christophe Muyisa, cadre de Filimbi à Goma.

Depuis l’occupation de Goma et de Bukavu par les rebelles du M23, les deux mouvements font face à des menaces, notamment à Goma, où la LUCHA a été explicitement menacée par des partisans de l’AFC/M23, soulignant la pression exercée sur les voix critiques par ces rebelles.

Depuis l’alternance pacifique, Filimbi mène diverses actions, telles que des campagnes de sensibilisation contre l’incivisme, des initiatives d’assainissement urbain, des formations sur la gestion de l’environnement et des mobilisations contre les dépenses publiques excessives. Ce mouvement se consacre maintenant à un autre combat : celui de la réduction significative des dépenses publiques, estimant que 70 % du budget national est consacré au fonctionnement des institutions, au détriment des secteurs essentiels comme l’éducation, la santé et la sécurité. Le mouvement organise des formations pour sensibiliser la jeunesse à la gestion de l’environnement, illustrant ainsi son engagement pour un développement durable.

Heshima

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Entre vitrine internationale et réalités locales, le pari risqué de « Visit DRC »

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La République démocratique du Congo (RDC) cherche à renforcer sa visibilité internationale en s’associant à un club de football européen reconnu. L’affichage du nom de la RDC sur les maillots de l’AS Monaco lors des matchs officiels constitue un vecteur de promotion touristique et culturelle. Cependant, le pays de Félix Tshisekedi peine à réunir les prérequis pour un meilleur accueil des touristes. L’état des services aéroportuaires, le manque de sécurité, l’état impraticable du réseau routier et surtout l’insalubrité constituent des problèmes à résoudre avant de lancer un tel partenariat.

Le 10 mai, le ministre des Sports et Loisirs, Didier Budimbu, a signé un protocole d’accord avec Thiago Scuro, directeur général de l’AS Monaco, portant sur la promotion du football congolais et du tourisme. Ce contrat, d’une valeur de 1,6 million de dollars par saison, devrait concerner le développement du football congolais, avec un accent particulier sur le football. Il s’agit notamment de la formation d’entraîneurs, l’exécution de programmes de développement des jeunes talents, l’amélioration des infrastructures sportives et le renforcement des ligues locales. Une part du contrat est consacrée à la visibilité de la RDC à travers ce club de la principauté. Un autre aspect de cet accord est la contribution financière additionnelle de 200 000 euros prévue pour couvrir les frais de déplacement et de coordination de l’AS Monaco dans le cadre de ses interventions en RDC.

Sur le plan de la visibilité, le gouvernement tente d’imiter la politique rwandaise dur le tourisme avec Visit Rwanda. Une stratégie jugée mimétique par certains observateurs congolais, qui y voient une copie mal adaptée du modèle rwandais. « Ils veulent ‘‘Visit Congo’’ pendant qu’ici, routes, sécurité et aéroport sont à l’agonie. On vend une vitrine sans boutique, un rêve sans socle. Avant d’acheter des slogans, qu’on construise un pays. Sinon, c’est inviter au festin dans une maison en feu », a réagi un Congolais sur X. Beaucoup voient dans ce mimétisme du gouvernement une volonté de mettre la charrue avant les bœufs. « Ces touristes qu’on invite vont atterrir à l’aéroport de N’djili avec toutes les tracasseries qui caractérisent cette frontière ? Un travail d’image du pays devrait être fait en amont avant de signer de tels partenariats », a déclaré Sylvestre Kabongo, un analyste sportif. « Nous serons témoins de l’échec de ce partenariat. », ajoute un autre Congolais, estimant que le gouvernement devrait commencer par rendre le pays attractif avant d’inciter les touristes à venir visiter la RDC. L’insalubrité persistante, la corruption endémique et les embouteillages chroniques sont autant d’obstacles évoqués à ce projet de soft power.

De son côté, le gouvernement tente de tempérer. « Il ne s’agit pas forcément d’un contrat de visibilité mais plutôt d’un contrat de transfert de compétences pour l’amélioration du football en RDC et non Visit DRC », a déclaré une source citée par 7SUR7.CD.

Entre coopération sportive et image de marque

Ce partenariat s’inscrit dans une volonté de renforcer les relations entre la RDC et la France, en particulier dans le domaine du sport. Il ouvre la voie à de futures collaborations dans d’autres secteurs tels que l’éducation, la santé et la culture. Le succès de ce partenariat, selon certains, pourrait inciter d’autres clubs européens à collaborer avec la RDC, favorisant ainsi une diplomatie sportive active. Certaines sources au sein du ministère des Sports évoquent déjà des contacts avec des clubs espagnols majeurs comme le Real Madrid et le FC Barcelone. Avec ce partenariat, il est envisagé d’étendre ce type de projets sportifs à d’autres provinces de la RDC et de pérenniser les événements sportifs organisés.

Cette collaboration a été initiée par l’ancien international congolais Distel Zola, un ancien joueur de l’AS Monaco et fondateur de la Fondation « Bana Zola », qui œuvre en faveur des enfants défavorisés en RDC. En 2022, l’AS Monaco avait soutenu un tournoi de football organisé à Kinshasa, fournissant des tenues de match et du matériel sportif. Cet événement, soutenu par le Programme Alimentaire Mondial (PAM), visait à sensibiliser les jeunes à l’importance d’une alimentation équilibrée tout en leur offrant un moment d’évasion à travers le sport.

Une stratégie de marketing du Rwanda

Le Rwanda a établi des partenariats stratégiques avec plusieurs clubs de football européens dans le cadre de sa campagne de promotion touristique « Visit Rwanda ». Ces accords visent à renforcer la visibilité internationale du pays et à stimuler son secteur touristique. Depuis 2018, le Rwanda est le premier sponsor de la manche du maillot d’Arsenal, avec un contrat d’une valeur de 10 millions de livres sterling par an. Ce partenariat a été prolongé en 2021 pour quatre années supplémentaires. Il en est de même pour le club français du Paris Saint-Germain (PSG).

En août 2023, Kigali a signé un partenariat de cinq ans avec le Bayern Munich, axé sur le développement du football des jeunes et la promotion du tourisme. Ce partenariat comprend la création d’une académie de football FC Bayern au Rwanda. Début mai 2025, Kigali a conquis aussi l’Atletico Madrid, troisième club espagnol au classement actuel de la Liga.

Heshima

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Les églises dans l’arène politique congolaise : arbitres ou acteurs ?

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En République démocratique du Congo (RDC), les églises jouent un rôle central non seulement dans la vie spirituelle des Congolais mais aussi dans les dynamiques sociales et politiques. De grandes confessions religieuses comme l’Église catholique et l’Église du Christ au Congo (ECC) se sont imposées comme des voix influentes dans les moments clés de l’histoire politique du pays, surfant parfois sur une ligne floue entre arbitres et acteurs politiques. Heshima Magazine analyse ce rôle de pasteur à la frontière de la politique.

Complice de l’opposition, adversaire « redoutable » des régimes politiques, politiciens en soutane…, les adjectifs se multiplient pour tenter de qualifier certaines actions de l’Église catholique au pays. Face aux crises politiques récurrentes qui ont jalonné la marche du pays depuis l’indépendance en 1960, les églises ont souvent joué un rôle clé. Leur position oscille entre celle d’arbitres impartiaux et celle d’acteurs engagés. De cardinal Joseph Malula à Fridolin Ambongo, les archevêques de Kinshasa ont imprimé une identité dans les esprits des Congolais : celle d’un sermonneur immodéré du régime en place. Cette tradition ne semble pas changer, même quand un opposant politique d’hier devient chef de l’État, comme c’est le cas aujourd’hui du président Félix Tshisekedi. Dans ce sillage des catholiques, on retrouve aussi l’Église du Christ au Congo (ECC). Bien que moins virulente que les cathos, cette confession religieuse fait toutefois moins de cadeaux au pouvoir en place, contrairement aux églises dites de « réveil » qui, souvent, accompagnent les régimes politiques.

De Malula à Ambongo, une « opposition » en soutane

Né le 17 décembre 1917 à Léopoldville (actuelle Kinshasa), Joseph Albert Malula fut fait cardinal en 1969. Déjà en 64, comme archevêque de Kinshasa, il s’est fait remarquer par ses prises de position sur les questions politiques et sociales. Trois ans après avoir été fait cardinal, les relations entre le président Mobutu et le cardinal Malula s’étaient gravement détériorées. En 1972, Malula s’exile à Rome. Au cœur des divergences : les critiques du prélat sur certains discours liés à la politique d’authenticité évoqués par Mobutu. De retour de son congé en Suisse, le président zaïrois tient un grand meeting au stade du 20 Mai (actuel stade Tata Raphaël) où il consacre une grande partie de son discours à défendre sa politique d’authenticité, qu’il estime être plus un « recours » plutôt qu’un « retour aux sources ancestrales ». Dans la foulée, il annonce une série de mesures prises contre la communauté catholique de Kinshasa à qui il interdit de se rassembler pour prier Dieu afin qu’il assiste le cardinal Malula dans les épreuves vécues en ce moment-là. « Si des prières sont organisées dans une école catholique quelconque, je nationaliserai immédiatement cette école », avait-il menacé.

Certains médias proches de l’Église catholique, éditant en dehors du Zaïre, ont pris la défense de Malula. La charge du combat contre Mobutu a été portée notamment par La Semaine, publiée à Brazzaville, et Afrique Nouvelle, éditée à Dakar. Ces éditions ont immédiatement indiqué que la seule position possible était, à leur avis, une solidarité sans faille avec le prélat sur lequel le chef de l’État zaïrois avait jeté l’anathème. « Après Lumumba, Malula », titrait La Semaine, un journal plus libre dans ses propos sur le Zaïre que sur la République populaire du Congo. Pour la direction d’Afrique Nouvelle, le cardinal Malula est « victime d’une authenticité douteuse » de Mobutu.

Pourtant, les relations entre l’Église catholique et l’État zaïrois sont régulées par le Vatican. Mais le dictateur zaïrois n’en a cure. « Aussi longtemps que je serai chef de l’État et si le pape veut une collaboration avec l’État zaïrois, l’archevêque de Kinshasa ne sera plus Mgr Malula », avait-il tranché. « Mobutu dit le droit zaïrois avant le droit canon », ironisait un analyste. Un bras de fer qui a laissé des traces dans l’histoire des relations entre l’Église et l’État congolais. « Depuis toujours, l’Église mène une opposition en soutane sans toutefois prendre le pouvoir », explique un politologue de l’Université pédagogique nationale (UPN).

Laurent Monsengwo, un autre cardinal « têtu »

Piètre orateur mais très charismatique, le cardinal Laurent Monsengwo Pasinya avait repris le flambeau de l’opposition contre Mobutu avant même qu’il ne devienne cardinal ou archevêque de Kinshasa. Dans l’entourage de Mobutu, Monsengwo était déjà perçu comme un prélat « têtu ». « Quand il est décidé, il va jusqu’au bout », confiait en 2018 l’ancien sénateur Florentin Mokonda Bonza qui a aussi côtoyé Monsengwo. Cet ancien directeur de cabinet du président Mobutu se souvient des messages déjà très politiques de celui qui n’était encore qu’archevêque de Kisangani et président de la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO) dans les années 90.

Lorsque le vent de la perestroïka avait soufflé au début des années 90, faisant tomber le mur de Berlin et provoquant l’éclatement de l’Union soviétique (URSS), ce mouvement de démocratisation avait également affecté le Zaïre. Ce qui avait obligé Mobutu à ouvrir le pays à la démocratie et au multipartisme. Ce qui avait conduit à la conférence nationale souveraine pour décider notamment de la transition politique. À peine ouverte, la conférence nationale censée amener à une démocratisation du pays est suspendue par le parti-État devenu la cible de toutes les critiques. Le 16 février 1992, à l’appel des mouvements laïcs de l’Église catholique, des dizaines de milliers de personnes descendent dans la rue pour réclamer la réouverture des débats dans le cadre de cette Conférence nationale souveraine. Dépassé par l’ampleur des manifestations de chrétiens catholiques, le gouvernement zaïrois fait intervenir les forces de sécurité. Elles ouvrent le feu sur les manifestants. Le bilan officiel fait état d’une vingtaine de morts. L’opposition, elle, évoque un bilan plus lourd : une centaine de victimes. Mobutu va finir par céder à cette pression des laïcs catholiques encadrés par les prêtres. « Le président Mobutu s’est rendu compte à ce moment-là que l’Église était un adversaire redoutable, il ne voulait pas faire de l’Église un ennemi », se souvient Florentin Mokonda. Mais dans l’entre-temps, Mobutu ne voulait pas de Monsengwo à la tête de la Conférence nationale souveraine, cherchant désespérément à le faire remplacer par un autre évêque.

Mobutu finira par céder à la pression en nommant, quelques mois après, son grand rival, l’opposant historique Étienne Tshisekedi au poste de Premier ministre. Mais la pression politique, elle, ne faiblira pas. En 1994, le président zaïrois acceptera finalement la « troisième voie » proposée par Laurent Monsengwo et désigne Léon Kengo Wa Dondo comme chef de son gouvernement. « Aux yeux des Congolais, la première ‘‘marche des chrétiens’’ reste un tournant pour un régime qui n’en finira plus d’agoniser », explique la journaliste Sonia Rolley.

Monsengwo, un bourreau pour Joseph Kabila

Devenu cardinal en 2010 en remplaçant son prédécesseur Frédéric Etsou Nzabi Bamungwabi (décédé en 2007), Laurent Monsengwo n’avait pas toujours désarmé face aux dirigeants congolais. Sur son chemin, il croise un certain Joseph Kabila, taiseux mais dont les actes de mauvaise gestion du pays étaient assourdissants. À la différence de celui qui va lui succéder plus tard, Fridolin Ambongo Besungu, Monsengwo ne faisait pas de sortie médiatique intempestive. « Il calculait non seulement ses coups mais aussi quand il faudrait les porter », explique un ancien membre du Comité laïc de coordination (CLC). Un mouvement qui a porté la charge des revendications politico-sociales en 2016-2017 et dont Monsengwo avait placé sous protection du droit canon pour éviter sa dissolution par le régime de Joseph Kabila.

Après la répression sanglante des marches du 31 décembre 2017, approuvées par l’Église catholique, le cardinal Monsengwo va prononcer une phrase qui fera date : « que les médiocres dégagent ». Pour les partisans de Joseph Kabila, l’archevêque de Kinshasa a prononcé les mots de trop, il est accusé à demi-mot de « tentatives subversives » visant à perturber les élections prévues officiellement pour la fin 2018, après avoir dépassé la date officielle prévue en décembre 2016.

Le 5 janvier 2018, le gouvernement Tshibala a dénoncé les « propos injurieux » du cardinal Laurent Monsengwo « à l’endroit des dirigeants du pays ainsi que des forces de l’ordre ». Le cardinal venait de qualifier également de « barbarie » la sanglante dispersion de la marche des chrétiens, qui réclamaient pacifiquement l’application de l’Accord de la St-Sylvestre signé fin 2016, qui balisait le chemin vers des élections consensuelles, accord que le régime avait bafoué en nommant un dissident de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), Bruno Tshibala. Cette répression avait fait « au moins 5 morts », dont un fidèle catholique, de nombreux blessés, une centaine d’arrestations, 134 paroisses encerclées par des militaires ou policiers, dont dix visées par des tirs de gaz lacrymogènes, deux messes empêchées et cinq interrompues par les forces de l’ordre, selon la nonciature apostolique. À quelques jours de quitter le Palais de la Nation pour laisser la place à Félix Tshisekedi, Joseph Kabila, réputé taiseux, n’hésitera pas à extérioriser son aversion : l’Église catholique a toujours été le bras droit de la colonisation, a-t-il déclaré lors d’une interview exclusive à Jeune Afrique où il expliquait ses relations parfois tendues avec cette Église.

Après Monsengwo, l’ECC sermonne le régime Kabila

Après le cardinal Laurent Monsengwo, le régime de Joseph Kabila pensait mieux faire en se rapprochant de l’Église du Christ au Congo (ECC), une deuxième confession religieuse la mieux organisée du pays après l’Église catholique. Mais là aussi, les protestants vont utiliser leur nom. C’est le pasteur François-David Ekofo qui va porter le combat. Le 16 janvier 2018, lors de la commémoration de la mort de Laurent-Désiré Kabila, assassiné le 16 janvier 2001, le pasteur François-David Ekofo s’est livré à un discours très critique envers le gouvernement congolais, évoquant notamment la nécessité pour Joseph Kabila de « passer le relais » après près de 18 ans au pouvoir. Il avait délivré son message devant un parterre rassemblant plusieurs ministres et cadres politiques : parmi lesquels le Premier ministre, Bruno Tshibala, le ministre de la Justice, Alexis Thambwe Mwamba, le secrétaire général du Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD, parti présidentiel), Henri Mova Sakanyi, l’épouse de Joseph Kabila et plusieurs membres de la famille du président. Evoquant en direct de la télévision nationale la nature de l’héritage que les générations présentes devraient léguer aux futures générations, Ekofo a douté de l’existence même de l’État congolais. « Quel pays allons-nous léguer à nos enfants, à nos petits-enfants ? », s’était-il interrogé, avant de lâcher : « J’ai l’impression que l’État n’existe pas vraiment ». Une douche froide en direct de la RTNC. Le sort du révérend sera connu quelques jours après : l’exil.

Ces hommes d’église sont-ils des acteurs politiques ?
Face à l’immixtion des églises catholique et protestante dans l’arène politique, certains hommes politiques au pouvoir les considèrent comme de vrais acteurs politiques. Mais l’Église s’est toujours défendue : « Nous ne faisons pas de la politique mais nous défendons un peuple qui souffre. Cela fait partie de notre Doctrine sociale », explique un prêtre de Kinshasa.

Le maréchal Mobutu accusait Laurent Monsengwo d’être proche de l’opposant Étienne Tshisekedi et parfois de lui donner des béquilles politiques. Mais sous les arbres de la 10e Rue, à Limete, les combattants murmurent que l’homme en soutane était plutôt proche de Léon Kengo, ancien procureur général de la République et qui était devenu plus tard Premier ministre du pays sur proposition de Monsengwo. L’Église n’est pas derrière des individus, elle soutient plutôt les faibles, analysait Monseigneur Donatien Nsole, secrétaire général de la CENCO. « Nous avons soutenu Étienne Tshisekedi en 2018 lors de l’accord de la Saint-Sylvestre parce qu’il était dans le camp des faibles vis-à-vis du pouvoir », explique une autre source proche de la CENCO, jouant souvent un rôle d’arbitre dans les négociations entre politiques.

Heshima

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