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James Kabarebe : de bras droit de Kagame à instigateur des massacres en RDC

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Dans la tourmente qui secoue la région des Grands Lacs en Afrique depuis des décennies, une figure se détache, aussi emblématique que controversée : James Kabarebe. Cet officier militaire rwandais a gravi les échelons des Forces de Défense Rwandaises (RDF) pour devenir une pièce maîtresse des conflits qui ont ensanglanté la République démocratique du Congo (RDC). Heshima Magazine revient sur l’implication de Kabarebe dans ces événements, depuis la première guerre du Congo entre 1996 et 1997 jusqu’à son soutien à des groupes rebelles comme le M23, en passant par les sanctions américaines imposées récemment pour contrer son influence jugée déstabilisatrice.

La RDC, un géant aux ressources naturelles colossales avec le coltan, l’or, le diamant, le cuivre, etc., aurait pu prospérer. Mais depuis la chute de Mobutu Sese Seko en 1997, elle est devenue le théâtre de guerres brutales et complexes, dans lesquelles Kabarebe a joué et continue de jouer un rôle majeur. Ces conflits ont coûté la vie à des millions de personnes, chassé des populations entières de leurs terres et permis une exploitation systématique des richesses congolaises, souvent au profit d’acteurs étrangers, le Rwanda en première ligne.

Contexte historique et géopolitique

Pour comprendre l’ampleur de son rôle, il faut remonter au génocide rwandais de 1994, un drame qui a redessiné la géopolitique régionale. Entre avril et juillet de cette année-là, environ 800 000 Tutsis et Hutus modérés ont été massacrés par des extrémistes hutus au Rwanda. La victoire du Front Patriotique Rwandais (FPR), dirigé par Paul Kagame, met fin à cette tragédie et renverse le régime en place. Mais elle déclenche aussi un exode massif : plus de deux millions de Hutus fuient vers l’est du Zaïre, l’ancien nom de la RDC, parmi lesquels des membres des ex-Forces Armées Rwandaises et des milices Interahamwe, responsables des massacres.

Ces groupes s’installent dans des camps de réfugiés près de la frontière rwandaise, dans les provinces du Nord et du Sud-Kivu, et se mettent à lancer des attaques contre le nouveau pouvoir à Kigali. Pour le Rwanda, cette menace transfrontalière devient un prétexte pour intervenir militairement en RDC. Derrière cet argument sécuritaire, cependant, se cachent d’autres ambitions : accéder aux ressources minières congolaises et consolider l’influence rwandaise dans la région. James Kabarebe émerge alors comme le cerveau de cette stratégie, transformant la RDC en un champ de bataille où les intérêts rwandais dictent le cours des événements.

Un parcours militaire inédit

Son parcours militaire commence loin du Rwanda, en Ouganda, où il voit le jour en 1959 dans une famille de Tutsis rwandais exilés, fuyant les persécutions ethniques des années 1950. Comme beaucoup de Tutsis réfugiés dans ce pays, il grandit dans un climat de marginalisation et de discrimination, sous les régimes autoritaires d’Idi Amin puis de Milton Obote. Ces années difficiles forgent chez lui une détermination et une résilience qui marqueront sa carrière. Dans les années 1980, il rejoint la National Resistance Army, un mouvement rebelle ougandais dirigé par Yoweri Museveni, engagé dans une lutte pour renverser Obote. Là, il côtoie d’autres futurs leaders rwandais, dont Paul Kagame, lui aussi officier dans ce groupe. Cette période est décisive : Kabarebe y acquiert une formation militaire rigoureuse, affinant ses compétences en stratégie et en commandement, des atouts qui lui serviront plus tard. Lorsque Museveni prend le pouvoir en 1986, Kabarebe et Kagame se tournent vers un objectif commun : libérer le Rwanda du régime hutu qui opprime les Tutsis.

Ascension dans le FPR

En 1990, Kabarebe s’engage pleinement dans le FPR, fondé par des exilés tutsis pour défier le gouvernement de Juvénal Habyarimana. Dès le début de la guerre civile rwandaise, qui s’étend jusqu’en 1994, il se distingue par son efficacité et sa loyauté envers Kagame, qui prend la tête militaire du mouvement après la mort de Fred Rwigyema, tué en 1990. Kabarebe occupe des rôles clés, servant d’aide de camp à Kagame et commandant une unité stratégique basée à Mulindi, dans le nord-est du Rwanda.

Pendant le conflit, il orchestre des opérations audacieuses contre les forces gouvernementales et les milices hutues, contribuant à la progression du FPR. En juillet 1994, après la prise de Kigali et la fin du génocide, le FPR s’empare du pouvoir, et Kabarebe est récompensé pour son rôle décisif. Il intègre l’état-major des RDF, l’armée restructurée du pays, et gravit rapidement les échelons : chef d’état-major adjoint, puis chef d’état-major en 1997. Sa proximité avec Kagame et son talent stratégique en font une figure incontournable dans la politique sécuritaire rwandaise.

Une réputation ambivalente

Au Rwanda, Kabarebe est célébré comme un héros, un homme qui a aidé à mettre fin au génocide et à ramener la stabilité après des décennies de chaos. Mais à l’échelle régionale, son image est bien plus sombre. Dès 1996, il commence à diriger des interventions militaires en RDC, officiellement pour protéger le Rwanda des menaces hutues, mais en réalité pour servir des ambitions économiques et géopolitiques bien plus vastes pour son pays. Ces actions vont faire de lui un personnage central dans la tragédie congolaise, un homme dont le nom est synonyme de guerre, de pillage et de massacres.

La première guerre du Congo : Kabarebe, stratège de l’invasion

La première guerre du Congo, qui éclate en octobre 1996, survient dans un Zaïre affaibli par des décennies de dictature sous Mobutu Sese Seko. Au pouvoir depuis 1965, ce dernier a gouverné un régime gangréné par la corruption et le despotisme, laissant le pays dans un état de délabrement économique et social.

À l’est, les camps de réfugiés hutus, établis après le génocide rwandais, deviennent un foyer d’instabilité majeur. Parmi ces exilés se trouvent des dizaines de milliers de combattants des ex-FAR et des Interahamwe, qui exploitent le territoire zaïrois comme base pour préparer des incursions contre le Rwanda. Pour Paul Kagame et son gouvernement, cette situation représente une menace existentielle. Les appels à la communauté internationale pour démanteler ces camps restent lettre morte, et Mobutu, diminué par la maladie, est accusé de tolérer, voire de soutenir, ces groupes armés.

En 1996, le Rwanda décide de prendre les choses en main. James Kabarebe, alors chef d’état-major adjoint des Forces de Défense Rwandaises, est chargé de concevoir et de diriger une opération militaire visant à neutraliser cette menace tout en renversant Mobutu pour installer un régime favorable à Kigali.

Kabarebe joue un rôle déterminant dans la création de l’Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération du Congo (AFDL), une coalition rebelle officiellement dirigée par Laurent-Désiré Kabila, un opposant historique à Mobutu. Mais derrière cette façade congolaise, ce sont les forces rwandaises et ougandaises qui mènent l’offensive, avec Kabarebe comme principal stratège. L’Alliance voit le jour en octobre 1996 à Lemera, dans le Sud-Kivu, réunissant des combattants congolais souvent des Tutsis Banyamulenge et des milliers de soldats rwandais et ougandais.

Kabarebe supervise une offensive éclair qui débute le 6 octobre 1996. Les troupes franchissent la frontière rwandaise et zaïroise, s’emparant rapidement des villes de l’est comme Uvira, Bukavu et Goma. Cette avancée est facilitée par la faiblesse de l’armée zaïroise, mal équipée et démoralisée, ainsi que par le soutien tacite de certaines puissances occidentales, qui considèrent Mobutu comme un vestige encombrant de la Guerre froide. En novembre 1996, Kabarebe coordonne la prise de Kisangani, un carrefour stratégique au centre du pays, marquant une étape cruciale vers Kinshasa.

La vitesse de cette campagne est stupéfiante. Sous la direction de Kabarebe, les forces de l’AFDL parcourent plus de 1 500 kilomètres en sept mois, de l’est à l’ouest du Zaïre, un territoire aussi vaste que l’Europe occidentale. En mars 1997, elles capturent Lubumbashi, la capitale minière du sud, avant de converger sur Kinshasa. Le 17 mai 1997, Mobutu prend la fuite en exil, et Kabila entre dans la capitale, proclamant la naissance de la République Démocratique du Congo. Kabarebe, qui accompagne Kabila à Kinshasa, est nommé chef d’état-major des Forces Armées Congolaises, une position qui traduit l’influence écrasante du Rwanda sur le nouveau régime.

Officiellement, cette guerre avait deux objectifs : démanteler les camps de réfugiés hutus et renverser Mobutu pour instaurer un gouvernement stable. Mais des motivations plus profondes se révèlent rapidement. Le Rwanda cherche à sécuriser sa frontière, certes, mais aussi à accéder aux ressources minières de l’est du Congo, notamment le coltan, un minerai prisé par l’industrie électronique mondiale, ainsi que l’or et les diamants.

Dès les premières semaines de l’offensive, des unités rwandaises commencent à exploiter ces gisements, transportant les minerais vers Kigali pour les exporter sur les marchés internationaux.

Cette première guerre du Congo, souvent présentée comme une « guerre de libération », est entachée par des atrocités massives perpétrées sous la supervision de Kabarebe. Les forces de l’AFDL, dominées par des soldats rwandais, ciblent les camps de réfugiés hutus à l’est du pays. Si les combattants armés sont une cible légitime, les opérations dégénèrent vite en massacres indiscriminés de civils. Des dizaines de milliers de réfugiés, parmi lesquels des femmes, des enfants et des personnes âgées, sont tués alors qu’ils tentent de fuir vers l’intérieur du pays. Des événements particulièrement tragiques marquent cette période.

En février 1997, à Tingi-Tingi, un camp de réfugiés dans la province de Maniema, des milliers de Hutus sont massacrés par les troupes de l’AFDL. Des survivants racontent des attaques à la mitrailleuse et des exécutions sommaires orchestrées par des soldats rwandais. En mai 1997, près de Mbandaka, à l’ouest du pays, des centaines de réfugiés sont abattus alors qu’ils essaient de traverser le fleuve Congo pour échapper aux combats. Ces massacres, documentés par des rapports de l’ONU et des ONG comme Human Rights Watch, portent la marque d’une stratégie délibérée visant à éliminer toute présence hutue dans la région, qu’elle soit militaire ou civile.

Kabarebe, en tant que commandant opérationnel, est directement impliqué dans ces exactions. Bien qu’il ait toujours nié toute intention génocidaire, affirmant que ses troupes visaient uniquement les génocidaires hutus, les enquêtes internationales contredisent cette version. Le « Mapping Report » de l’ONU, publié en 2010, qualifie ces tueries de « crimes contre l’humanité » et suggère qu’elles pourraient constituer un génocide, une accusation que le Rwanda rejette catégoriquement.

Dès cette première guerre, les forces rwandaises mettent en place un système d’exploitation des richesses minières congolaises. Dans les zones contrôlées par l’AFDL, comme le Nord-Kivu et le Sud-Kivu, des mines d’or et de coltan sont pillées sous la supervision d’officiers rwandais. Ces ressources sont transportées à travers la frontière vers le Rwanda, où elles sont vendues à des entreprises internationales, souvent avec la complicité de réseaux mafieux et de sociétés écran. Ce pillage, bien que limité par rapport à ce qui suivra lors de la deuxième guerre du Congo, pose les bases d’une économie de guerre qui deviendra un pilier de l’ingérence rwandaise en RDC.

La deuxième guerre du Congo : Kabarebe au sommet de l’offensive rwandaise

La victoire de l’AFDL en 1997 installe Laurent-Désiré Kabila au pouvoir, mais cette alliance avec le Rwanda et l’Ouganda s’effrite rapidement. Kabila, conscient de sa dépendance envers ses parrains étrangers, cherche à affirmer son autorité et à réduire leur emprise.

En juillet 1998, il limoge James Kabarebe de son poste de chef d’état-major des Forces Armées Congolaises et ordonne le départ de toutes les troupes rwandaises et ougandaises du pays. Cette décision est perçue comme une trahison par Kigali et Kampala, qui décident de renverser Kabila pour le remplacer par un leader plus docile.

Après son éviction, Kabarebe retourne au Rwanda et se voit chargé de planifier une nouvelle offensive contre le régime de Laurent-Désiré Kabila. Le 2 août 1998, une rébellion éclate dans l’est de la RDC, menée par le Rassemblement Congolais pour la Démocratie (RCD), un groupe armé récemment créé et soutenu par le Rwanda et l’Ouganda. Cette rébellion sert de prélude à une offensive militaire plus large. Le même jour, Kabarebe lance l’opération « Ciel ouvert », une manœuvre ambitieuse visant à prendre Kinshasa par surprise, dont l’élément clé est le « Coup de Kitona », une expédition aéroportée.

Kigali utilise fréquemment le prétexte de la discrimination des Tutsis, qu’ils soient congolais ou rwandais, pour justifier ses ambitions géopolitiques, tant au Rwanda qu’en RDC. Ce discours sert à mobiliser l’opinion et à légitimer l’intervention rwandaise dans les affaires internes du Congo, un argument qui trouve un écho auprès de certains membres de la communauté Tutsie.

Dans son ouvrage « L’espoir au-delà de mes larmes« , le général de brigade Moustapha Mukiza, originaire de la communauté Banyamulenge et proche de James Kabarebe, décrit cette stratégie comme un « hameçon ». Selon lui, le 2 août 1998, alors qu’ils se trouvaient à Goma, les Banyamulenge, souvent perçus comme des alliés des Rwandais, furent menacés et tués à Kinshasa, une nouvelle qui bouleversa la communauté. C’est dans ce contexte qu’il raconte avoir d’abord reçu un appel téléphonique du général Jean-Pierre Ondekane du RCD, qui lui proposa de participer à l’opération Ciel ouvert. Moustapha Mukiza déclina cette proposition.

Peu après, il fut de nouveau contacté, mais cette fois par Kabarebe en personne. Le général rwandais lui annonça : « Commandant Moustapha, si tu refuses de participer à cette opération, sache que tes frères périssent ». Ce nouvel appel, fondé sur la peur et la solidarité ethnique, incita Mukiza à revoir sa décision. Cette manipulation de Kabarebe corrobore un autre témoignage d’un ancien espion du Front Patriotique Rwandais (FPR), qui affirmait que Paul Kagame n’hésitait pas à utiliser la mort des Tutsis pour atteindre ses objectifs politiques.

Ainsi, le 4 août 1998, Kabarebe mène l’assaut aéroporté sur la base militaire de Kitona, située à plus de 2 000 kilomètres de la frontière rwandaise, dans la province du Bas-Congo. Environ 3 000 soldats rwandais et ougandais, transportés par des avions commerciaux détournés à Goma, atterrissent à Kitona et désarment les troupes congolaises présentes. L’objectif est clair : marcher vers Kinshasa, distante de seulement 400 kilomètres, et renverser Kabila en quelques jours. L’opération semble initialement couronnée de succès. Les forces rwandaises capturent des ports stratégiques le long du fleuve Congo et progressent rapidement vers la capitale. En moins de deux semaines, elles se retrouvent à moins de 30 kilomètres de Kinshasa, semant la panique dans le camp de Kabila.

Cependant, la progression rapide des forces rwandaises est interrompue par l’intervention d’un front de soutien à Kabila, composé de l’Angola, du Zimbabwe et de la Namibie. Ces alliés envoient des troupes et des avions pour défendre la capitale. Après de violents combats, les forces rwandaises sont repoussées et Kabarebe est contraint de battre en retraite, mettant ainsi un frein temporaire à l’offensive sur Kinshasa. Cette défaite marque un tournant dans la guerre, obligeant le Rwanda et ses alliés à revoir leur stratégie.

Le fiasco de Kitona marque le début de la deuxième guerre du Congo, un conflit d’une ampleur sans précédent, souvent surnommé la « guerre mondiale africaine ». Neuf pays africains et des dizaines de groupes armés s’y affrontent, divisant la RDC en zones d’influence. Dans l’est, le RCD, soutenu par Kabarebe et les RDF, contrôle de vastes territoires riches en minerais, notamment au Nord-Kivu, au Sud-Kivu et en Ituri. Pendant ce temps, Kabila s’appuie sur ses alliés régionaux pour résister à l’offensive rwandaise et ougandaise.

Kabarebe supervise les opérations militaires dans l’est, coordonnant les mouvements du RCD et des unités rwandaises déployées sur le terrain. Cette guerre, qui dure jusqu’en 2003, est marquée par une brutalité extrême : massacres de civils, viols collectifs, pillages et destructions de villages deviennent monnaie courante. Les affrontements ne se limitent pas aux combats entre armées régulières ; des rivalités éclatent également entre le Rwanda et l’Ouganda, alliés initiaux qui se disputent le contrôle des ressources, notamment lors des batailles de Kisangani en 1999 et 2000.

La deuxième guerre du Congo voit l’exploitation illégale des richesses minières atteindre un niveau industriel. Sous la direction de Kabarebe, l’armée rwandaise met en place un système sophistiqué de pillage dans les zones qu’elle contrôle.

Le « Rapport sur l’exploitation illégale des ressources naturelles et autres formes de richesse en RDC », publié par l’ONU en 2001, détaille ce mécanisme : des minerais comme le coltan, l’or, le cuivre et les diamants sont extraits par des milices et des entreprises sous contrôle rwandais, puis acheminés à Kigali pour être vendus sur les marchés mondiaux. Kabarebe joue un rôle central dans cette économie de guerre. Les revenus générés estimés à des centaines de millions de dollars par an financent les opérations militaires rwandaises et enrichissent les élites politiques et économiques de Kigali. Des sociétés écran, souvent basées au Rwanda ou en Europe, servent à blanchir ces ressources, tandis que des officiers rwandais, dont certains sous les ordres directs de Kabarebe, supervisent les opérations sur le terrain. Ce pillage prive la RDC de ressources vitales pour son développement, aggravant la misère de sa population.

Les forces rwandaises et leurs alliés du RCD, sous la supervision de Kabarebe, sont responsables de nombreux massacres emblématiques. En août 1998, à Mwanga, dans le Nord-Kivu, plus de 1 000 civils sont tués lors d’une opération punitive visant à écraser toute résistance locale. Les victimes, principalement des femmes et des enfants, sont exécutées à la machette ou abattues par balles.

En mai 2000, à Kisangani, des affrontements entre les armées rwandaise et ougandaise pour le contrôle des mines de diamants font des centaines de morts parmi les civils pris dans les tirs croisés. Les violences sexuelles deviennent une arme systématique dans ce conflit. Des milliers de femmes et de filles sont violées par les soldats rwandais et les miliciens du RCD, souvent en public pour terroriser les communautés. Des témoignages recueillis par Amnesty International décrivent des scènes d’horreur où des familles entières sont forcées d’assister à ces atrocités. Kabarebe, en tant que chef militaire, est tenu responsable par la chaîne de commandement, bien qu’il n’ait jamais été jugé pour ces crimes.

Un bilan humain catastrophique

La première et la deuxième guerre du Congo figurent parmi les conflits les plus meurtriers de l’histoire moderne. Selon les estimations, plus de 6 millions de personnes ont perdu la vie entre 1996 et 2003, principalement des civils. Si les combats directs ont causé des milliers de morts, la majorité des décès sont attribuables à des causes indirectes : famine, maladies comme le choléra et la malaria, et déplacements massifs provoqués par la violence.

Plus de 5 millions de Congolais sont déplacés à l’intérieur du pays ou deviennent réfugiés dans les pays voisins, comme la Tanzanie et l’Ouganda. Ces populations, souvent regroupées dans des camps insalubres, vivent dans des conditions inhumaines, sans accès à la nourriture, à l’eau potable ou aux soins médicaux. Les enfants, qui représentent une grande partie des victimes, sont particulièrement vulnérables, beaucoup succombant à la malnutrition ou étant recrutés comme enfants-soldats par les groupes armés.

Une économie dévastée et pillée

La RDC possède certaines des plus grandes réserves mondiales de minerais stratégiques, qui auraient dû faire d’elle l’un des pays les plus riches d’Afrique. Pourtant, sous l’influence d’acteurs comme Kabarebe, ces richesses ont été systématiquement détournées. Le pillage organisé par le Rwanda et d’autres pays voisins a coûté à la RDC des milliards de dollars, empêchant tout investissement dans les infrastructures, l’éducation ou la santé. Des régions comme le Kivu, bien que dotées d’un potentiel économique énorme, restent parmi les plus pauvres du pays, leurs habitants survivant dans des conditions de dénuement extrême.

Le CNDP et la guerre de Jules Mutebusi

Après la fin officielle de la deuxième guerre du Congo en 2003, marquée par les accords de paix de Sun City, l’est de la RDC reste une zone de conflit chronique. Kabarebe, revenu au Rwanda comme chef d’état-major des RDF, continue d’exercer une influence déstabilisatrice à travers son soutien à des groupes rebelles.

En 2004, il est soupçonné d’appuyer le Congrès National pour la Défense du Peuple (CNDP), une milice tutsie dirigée par Laurent Nkunda, ainsi que la rébellion de Jules Mutebusi, un officier tutsi congolais dissident. Le CNDP, créé pour protéger les intérêts des Tutsis congolais face aux milices hutues comme les Forces FDLR et également les mines sous contrôle du Rwanda, devient rapidement un outil d’ingérence rwandaise. Des rapports de l’ONU accusent Kabarebe de fournir des armes, des financements et des conseillers militaires au CNDP, exacerbant les tensions ethniques dans le Kivu. En 2004, les forces de Mutebusi et du CNDP prennent temporairement le contrôle de Bukavu, provoquant des déplacements massifs de civils et des affrontements avec l’armée congolaise.

Le M23 : une menace renouvelée

En 2012, l’influence de Kabarebe atteint un nouveau sommet avec l’émergence du Mouvement du 23 mars (M23), un groupe rebelle issu d’une scission au sein du CNDP. Composé principalement de Tutsis congolais, le M23 lance une offensive dans le Nord-Kivu, prenant le contrôle de Goma en novembre 2012. Un rapport du Groupe d’experts de l’ONU, publié la même année, désigne Kabarebe comme l’un des principaux coordinateurs du soutien rwandais au M23, accusant Kigali de fournir des armes, des munitions et des entraînements aux rebelles.

Cette nouvelle rébellion ravive les souffrances des populations locales : massacres, viols et pillages reprennent de plus belle, tandis que des centaines de milliers de personnes fuient leurs foyers. Bien que le M23 soit défait militairement en 2013 par l’armée congolaise et la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en RDC (MONUSCO), son héritage persiste, et des soupçons d’ingérence rwandaise continuent de planer sur les conflits actuels dans l’est.

La reprise des armes par le M23 et le rôle persistant de Kabarebe

Après sa défaite en 2013, le M23 reste en sommeil pendant plusieurs années, ses combattants dispersés au Rwanda et en Ouganda. Cependant, en novembre 2021, le groupe reprend les armes dans le Nord-Kivu, lançant des attaques contre les forces armées congolaises près des villages de Chanzu et Runyonyi, à proximité des frontières rwandaise et ougandaise. Cette résurgence marque le début d’une nouvelle phase de violence dans l’est de la RDC, exacerbée par le soutien continu du Rwanda.

Dès 2022, le M23 intensifie ses opérations, s’emparant de territoires stratégiques comme Bunagana et Rutshuru, et multipliant les affrontements avec l’armée congolaise et les milices locales. Des rapports de l’ONU et d’organisations comme Human Rights Watch documentent des exactions contre les civils, exécutions sommaires, viols, pillages, ainsi qu’un recrutement forcé, y compris d’enfants-soldats, dans les zones sous son contrôle.

En 2023, le M23 poursuit son expansion, prenant des villes clés comme Rubaya, un centre minier riche en coltan, et générant des revenus importants par la taxation de ce commerce lucratif.

Malgré des tentatives de médiation régionale, notamment via le Processus de Nairobi et de Luanda, le groupe refuse de désarmer, accusant Kinshasa de ne pas protéger les Tutsis congolais face aux milices hutues comme les FDLR. La situation s’aggrave encore en janvier 2025, lorsque le M23, appuyé par trois à quatre mille soldats rwandais selon des estimations de l’ONU, s’empare de Goma, la capitale du Nord-Kivu, après une offensive éclair qui fait près de 3000 morts selon les sources. Cette prise spectaculaire, suivie en février 2025 par la capture de Bukavu, la capitale du Sud-Kivu, et de l’aéroport stratégique de Kavumu, plonge la région dans une crise humanitaire sans précédent, avec plus d’un million de déplacés en quelques semaines. Le leader de l’Alliance Fleuve Congo (AFC), l’ancien président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) Corneille Nangaa, qui inclut le M23, proclame alors son intention de marcher sur Kinshasa pour renverser le président Félix Tshisekedi, défiant les appels internationaux à un cessez-le-feu.

James Kabarebe, bien que retiré officiellement des fonctions militaires en 2018, reste une figure centrale dans cette nouvelle vague de violences. Des rapports de l’ONU et des sanctions américaines imposées en 2023 au mouvement rebelle, renforcées en février 2025, le désignent comme le principal orchestrateur du soutien rwandais au M23. Selon ces sources, Kabarebe agit comme une liaison clé entre Kigali et les rebelles, supervisant la logistique, le recrutement, la formation des combattants et la gestion des revenus tirés des minerais pillés, notamment le coltan de Rubaya, estimé à 800 000 dollars par mois.

En tant que ministre d’État chargé de la coopération régionale depuis 2023, il utilise sa position pour coordonner les opérations du RDF aux côtés du M23, assurant un soutien militaire direct avec des troupes et des armes sophistiquées. Ces accusations sont étayées par des preuves visuelles, comme des images géolocalisées de soldats rwandais à Sake près de Goma en 2025, et par des témoignages de recrues formées sous supervision rwandaise. Malgré les dénégations de Kigali, qui rejetait toute implication, Kabarebe est vu comme le pivot d’une stratégie visant à maintenir l’influence rwandaise sur l’est de la RDC, mêlant objectifs sécuritaires et économiques pour exploiter illégalement les ressources congolaises.

Sanctions américaines : une mesure inédite

Le 20 février 2025, le Département du Trésor des États-Unis impose des sanctions contre James Kabarebe pour son rôle dans la déstabilisation de l’est de la RDC. Ces mesures, qui incluent le gel de ses avoirs aux États-Unis et l’interdiction de transactions avec des ressortissants américains, sont une réponse directe à son soutien avéré au M23 et à d’autres groupes armés. Cette décision marque une rupture dans la politique internationale envers le Rwanda, longtemps perçu comme un allié stratégique de Washington en Afrique de l’Est.

Signification géopolitique

Les sanctions reflètent une prise de conscience croissante des conséquences de l’ingérence rwandaise en RDC. Elles visent à envoyer un message clair à Kigali : les actions de ses hauts responsables ne resteront plus impunies. Cependant, leur impact réel reste incertain. Kabarebe, qui opère principalement en Afrique, pourrait contourner ces mesures grâce à des réseaux régionaux, et le Rwanda a dénoncé les sanctions comme une tentative d’ingérence dans ses affaires internes.

Implications pour la paix régionale

Pour les défenseurs des droits humains, ces sanctions sont un pas vers la justice, mais elles ne suffisent pas. Elles soulignent la nécessité d’une coopération internationale plus large pour mettre fin au cycle de violence dans l’est de la RDC, notamment en démantelant les réseaux de pillage et en poursuivant les responsables de crimes de guerre, dont Kabarebe.

Un héritage de destruction

James Kabarebe a laissé une empreinte indélébile sur la RDC, orchestrant des guerres qui ont coûté des millions de vies, détruit des communautés et permis le pillage systématique des ressources du pays.

De la première guerre du Congo, où il a renversé Mobutu, à la deuxième guerre, où il a tenté de destituer Kabila, en passant par son soutien aux rebellions comme le RCD, le CNDP et le M23, ses actions ont transformé l’est de la RDC en une zone de chaos permanent. Pourtant, malgré les preuves accablantes de massacres, de viols et d’exploitation illégale, Kabarebe bénéficie d’une impunité quasi totale. Protégé par son statut au Rwanda et par l’absence de mécanismes judiciaires internationaux efficaces, il incarne les défis de la lutte contre les crimes de guerre en Afrique.

Pour que la RDC retrouve la paix, il est impératif que des figures comme lui répondent de leurs actes, que les racines économiques des conflits soient démantelées et que la coopération régionale soit renforcée. Les sanctions américaines, bien qu’historiques, ne sont qu’un début : la justice et la stabilité exigeront des efforts bien plus ambitieux.

Heshima

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Dialogue direct avec le M23 : l’inattendu rétropédalage de Tshisekedi

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Après la brève visite à Luanda du président de la République démocratique du Congo (RDC) Félix Tshisekedi, la partie angolaise, en tant que médiateur dans le conflit qui touche l’Est de la RDC, a annoncé le 11 mars 2025 des négociations directes entre Kinshasa et les rebelles du Mouvement du 23 mars (M23). Une position inattendue du chef de l’État congolais après plus de 3 ans de refus d’un dialogue direct. Pourquoi une telle volte-face ? Tentative de réponse…

Après avoir longtemps placé une ligne rouge aux rebelles, Félix Tshisekedi cède… Depuis Luanda, la Présidence angolaise a balancé un communiqué qui semble avoir glacé le camp politique du régime en place. « Après la brève visite de travail de Son Excellence Félix Tshisekedi à Luanda, la partie angolaise, en tant que médiateur dans le conflit qui touche l’Est de la République démocratique du Congo, établira des contacts avec le M23, afin que des délégations de la RDC et du M23 mènent des négociations directes qui auront lieu à Luanda dans les prochains jours, en vue de négocier une paix définitive », peut-on lire sur le compte de la Présidence angolaise.

En une phrase : Tshisekedi accepte le dialogue direct avec les rebelles. Pourtant, il y a 13 jours, devant l’Union sacrée, sa plateforme politique, le chef de l’État congolais avait donné des raisons de son refus d’un dialogue direct, considérant le M23 comme une « coquille vide » qui risque de reprendre les revendications du Rwanda. Félix Tshisekedi avait donc préféré dialoguer directement avec le Rwanda, le mentor de cette rébellion. Mais que s’est-il passé dans l’entre-temps pour assister à une telle volte-face ?

Quelles pourraient être les raisons ?

Certains observateurs expliquent cette volte-face par des pressions que Félix Tshisekedi subirait à l’interne tout comme à l’international. En interne, les hommes de l’Église ont sillonné toute la région pour vendre leur projet de Pacte social pour la paix et le bien-vivre ensemble dans la région des Grands Lacs, ainsi que l’opposition politique au régime de Tshisekedi. Les dirigeants de la région, à commencer par l’Angolais João Lourenço, en passant par l’Ougandais Yoweri Museveni et le Congolais Sassou Nguesso, n’ont de cesse de recommander à Tshisekedi de dialoguer avec le M23. Dernièrement, lors du sommet conjoint EAC-SADC, le 9 février à Dar es Salaam, il avait été recommandé à Kinshasa de dialoguer avec tous les acteurs, y compris le M23. Même des partenaires occidentaux comme Londres et Washington ont aussi recommandé un dialogue direct avec ces rebelles. Face à de telles pressions internationales et en n’ayant pas une armée capable de faire la différence sur les lignes de front, l’option ultime serait celle d’un dialogue direct avec les acteurs de cette instabilité sécuritaire.

Un dialogue pas facile à engager pour Kinshasa

Accepter un dialogue est un premier pas. Mais il faudra aussi attendre la réaction de la rébellion du M23 qui, jusqu’à la mise sous presse de cette analyse, n’a pas encore pris la parole. La rébellion doit probablement consulter ses alliés à Kigali, à Kampala et dans d’autres capitales africaines pour donner leur position. Les futures négociations entre Kinshasa et le M23 – si elles sont engagées – ne signent pas automatiquement la fin du conflit, dont la résolution s’avère être un sérieux casse-tête. Le gouvernement congolais se retrouve face à un monstre à trois têtes : le M23, le Rwanda et l’AFC de Corneille Nangaa que Félix Tshisekedi associe à Joseph Kabila. Chacun a ses propres agendas ou revendications. Il y a tout d’abord le M23, qui demande le respect des accords de 2013, à savoir leur réintégration dans l’armée, leur transformation en mouvement politique, et le retour des réfugiés d’origine tutsi du Rwanda et d’Ouganda.

Il y a ensuite le Rwanda, qui soutient en hommes et en armes la rébellion, et qui réclame la neutralisation des Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR), ce groupe armé hostile à Kigali. Et puis, il y a ce qu’on peut qualifier d’un intrus dans les revendications traditionnelles du M23 : l’AFC de Corneille Nangaa. Cette branche est apparue comme un uppercut en plein conflit. L’AFC a des revendications plus radicales et demande le départ de Félix Tshisekedi du pouvoir. Un monstre à trois têtes qui risque d’être difficile à gérer pendant les discussions. Si l’Angola est maintenu comme médiateur dans ce conflit, Luanda pourrait avoir du pain sur la planche pour conduire ces discussions.

Le discours de Muyaya pris au dépourvu !

La nouvelle du dialogue est une surprise quasiment pour tous les membres du gouvernement qui répétaient à l’envie qu’ils ne s’assiéraient jamais autour de la table avec les « marionnettes de Kigali », tous qualifiés de « terroristes » et tous condamnés à mort par la justice congolaise. Lorsque Félix Tshisekedi avait dit qu’il ne dialoguerait pas avec le M23, même s’ils arrivaient devant la porte de sa résidence de la Cité de l’Union africaine, située à l’ouest de Kinshasa, c’était également au regard de cette dimension éthique liée au fait que les rebelles étaient déjà qualifiés de « terroristes ». Pendant que le porte-parole du gouvernement Patrick Muyaya avait même mis en place un discours bien huilé sur ce refus de dialoguer avec ces « terroristes », Tshisekedi change subitement d’avis. Comment alors réorienter la communication ? Quel argument apporter à l’opinion publique congolaise pour la convaincre de cette volte-face ? Le porte-parole du gouvernement semble aujourd’hui un peu coincé, évoquant l’obligation d’un dialogue faite dans la Résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies sur la crise en RDC. Il faudra donc à Patrick Muyaya retravailler un autre discours pour l’adapter à la nouvelle réalité, celle d’essayer de ne plus trop critiquer les rebelles, devenus des interlocuteurs valables. Une acrobatie difficile à exécuter face aux milliers de morts causés par cette rébellion dans la ville de Goma et dans d’autres territoires des provinces du Nord et du Sud-Kivu.

Heshima

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International

Grands Lacs: Paul Kagame, un catalyseur de crise ?

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L’homme a le profil d’un dirigeant tribal. Depuis son accession à la tête de l’État rwandais, Paul Kagame mène une guerre à la fois ethnique et économique dans la région des Grands Lacs. Il combat systématiquement des régimes politiques qui ne sont pas d’obédience tutsie. Deux États des Grands Lacs africains demeurent des foyers de tension, dont l’Est de la République démocratique du Congo (RDC) constitue le lieu de reflux de leurs politiques bellicistes : il s’agit du Rwanda et de l’Ouganda. Toutes les agressions armées qu’a subies le territoire congolais depuis 1996 sont parties du Rwanda, de l’Ouganda et parfois du Burundi. Mais la situation a changé pour Bujumbura depuis la prise de pouvoir dans ce pays par un Hutu, Pierre Nkurunziza suivi de Evariste Ndayishimiye

En février dernier, Paul Kagame a reconnu un fait qui n’est pas une révélation : sa proximité avec le Mouvement du 23 mars (M23). Ce mouvement, qui exerce une violence rare dans l’Est de la RDC, est composé en majorité de rebelles Tutsis. Depuis 30 ans, c’est Paul Kagame qui tire les ficelles des conflits à répétition en RDC. 

Une politique souvent soutenue par son mentor, Yoweri Museveni, de l’Ouganda. Dans une interview à Jeune Afrique, M. Kagame a avoué que le Rwanda est « impliqué depuis trente ans » dans le problème de l’Est de la RDC.

Sans le dire ouvertement, le chef de l’État rwandais semble être en quête d’une sorte de foyer national tutsi dans l’Est du Congo. « Le point de départ des revendications par le M23, c’est d’abord la protection et la sauvegarde de la communauté tutsi du Congo. C’est la racine de la conflictualité dans cette région des Grands-Lacs », a-t-il expliqué. Mais ce n’est pas uniquement en RDC qu’il applique une telle politique. Paul Kagame est dans une logique ethnique. Son souci, c’est de dominer les Grands Lacs avec des dirigeants de son obédience ethnique.

Empire Hima-Tutsi

Le nœud du problème des Grands Lacs, c’est aussi cette tendance suprématiste d’une ethnie qui semble vouloir trouver sa sécurité en dominant d’autres. C’est le sens de la construction théorique d’un empire dit « Hima-Tutsi ». Pour parvenir à cette fin, Paul Kagame et le président ougandais Yoweri Museveni n’hésitent pas à fomenter des rébellions dans l’Est de la RDC ou encore au Burundi pour déstabiliser des régimes qui ne sont pas de leur obédience. Pour certains Hutu, ces guerres à répétition justifient la légendaire intention des Tutsi de créer cet « empire Hima-Tutsi » en Afrique centrale.

Burundi aussi visé

Depuis la fin du régime tutsi au Burundi, ce pays est entré dans l’œil du cyclone de Paul Kagame. En 2015, une tentative de coup d’État menée par des individus en majorité tutsis avait échoué. Les putschistes – armés par Kigali – s’étaient repliés au Rwanda, avant de venir s’installer au Congo, devenant des rebelles Red Tabara. Le Burundi avait accusé le Rwanda de vouloir renverser le régime politique démocratiquement établi à Bujumbura. Depuis, les relations bilatérales entre les deux pays ne sont plus au beau fixe. En 2021, Kigali a refait la même tentative, toujours sans succès, obligeant le Burundi à fermer ses frontières terrestres avec le Rwanda. Par la voix de son président, Evariste Ndayishimiye, ce pays a menacé d’attaquer le Rwanda à la moindre nouvelle provocation. « Le Burundi a accusé le Rwanda de soutenir le coup d’État de 2015. Le Rwanda est aussi reproché de soutenir le groupe rebelle burundais Red Tabara au Sud-Kivu, qui menace la sécurité du régime burundais », note un analyste burundais.

RDC, la paix après Kagame ?

Depuis ses premières incursions au Congo lors de la croisade de l’AFDL, le Rwanda a mis en place une véritable économie de prédation. Celle-ci porte particulièrement sur l’extraction des minerais de colombo-tantalite, la matière première des gadgets électroniques. Mais aussi de l’or congolais et d’autres minerais stratégiques. Cette prédation n’aura pas de fin tant que la RDC restera une passoire pour des armées étrangères.

Pour parvenir à la paix dans la région des Grands Lacs, le pays de Lumumba doit changer son fusil d’épaule. Ce pays, qui constitue le ventre mou de la région, devrait construire une armée forte et dissuasive pour éviter que son territoire soit continuellement un champ de bataille du Rwanda et de l’Ouganda. Si une telle armée n’est toujours pas mise en place, le pays doit compter sur le départ de Paul Kagame de son pouvoir pour espérer respirer un air de paix. Même si le chef de l’État rwandais cherchera à placer son fils à la tête du Rwanda, ce dernier pourrait ne pas appliqué la même politique que son père.

Heshima

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International

Grands Lacs : l’Occident commence-t-il à lâcher Paul Kagame ?

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Depuis quelques jours, les relations entre le président rwandais Paul Kagame et ses partenaires occidentaux ont fluctué. L’implication de Kigali dans la déstabilisation de la République démocratique du Congo (RDC) a eu des conséquences. Plusieurs sanctions sont tombées contre le Rwanda. Devrait-on penser à la fin de la protection occidentale de cet autocrate ? Difficile de répondre par l’affirmative tant que l’Occident ne lui a pas trouvé de successeur.

Chéri par l’Occident, le président rwandais est perçu comme un agent loyal des intérêts occidentaux dans la région des Grands Lacs. Certains Africains l’accusent de piller les richesses de la RDC au profit des Occidentaux. En échange, son régime est financé et protégé par ces partenaires. Depuis des décennies, Paul Kagame a agi, souvent en toute impunité. Il n’hésite pas à violer à plusieurs reprises l’intégrité territoriale de la RDC. Ses troupes coalisées avec les rebelles du mouvement du 23 mars (M23) ont attaqué les villes de Goma et Bukavu, faisant plus de 3000 morts en janvier dernier. Depuis quelques jours, on assiste à une salve de sanctions dirigée contre le Rwanda. Est-ce un signe de la fin ? Difficile d’y penser, car Paul Kagame a toujours réussi à revenir dans le jeu occidental.

2025 et 2012, une répétition ?

En 2012, certaines analyses prédisaient aussi la fin du régime de Kigali lorsque ses partenaires occidentaux avaient pris des sanctions contre lui en raison de son soutien aux rebelles du M23. Parmi les accusations formulées contre le Rwanda par un rapport du groupe d’experts des Nations Unies, on peut notamment citer le meurtre de dizaines de milliers de personnes en RDC, le soutien à de violentes révoltes dans ce même pays et le contrôle illégal du très lucratif commerce des minerais de la RDC. Après ce rapport, un grand nombre de pays donateurs ont, fait incroyable à l’époque, décidé de demander des comptes au président rwandais. Plusieurs sanctions avaient été prises contre Kigali. Mais l’homme avait réussi à revenir dans les bonnes grâces de ses parrains les années qui ont suivi. Cela, au point de signer, en février 2024, un accord sur les minerais critiques avec l’Union européenne. Ce qui laisse penser que les sanctions de 2025 pourraient être une répétition de l’histoire et que Paul Kagame reviendra dans le jeu occidental. « L’Occident est derrière ce pillage des minerais de la RDC et Paul Kagame joue le rôle de nègre de maison », pense un analyste. Ce qui fait que les Occidentaux ne le lâcheront pas facilement.

Kagame, une garantie contre un nouveau génocide

À travers les années, Kagame a été un allié stratégique pour plusieurs pays occidentaux, notamment en raison de son rôle central dans la stabilisation de la région des Grands Lacs après le génocide tutsi de 1994. Son gouvernement a été perçu comme un acteur clé dans la lutte contre l’extrémisme et pour le développement économique de son pays. Les avancées économiques, mais aussi la construction des infrastructures dans son pays, séduisent ses partenaires. Bien que les tensions politiques aient existé, les relations économiques et commerciales entre le Rwanda et les pays occidentaux sont souvent restées relativement solides. Kagame a été vu comme un leader capable de maintenir la stabilité économique du Rwanda, avec un taux de croissance impressionnant, et il a travaillé à renforcer la position du pays dans les forums économiques mondiaux. Cela a pu amener certains pays occidentaux à garder une approche pragmatique vis-à-vis de son gouvernement.

La question des droits de l’homme

Le président rwandais a été souvent critiqué par les organisations de défense des droits de l’homme pour ses pratiques autoritaires, notamment pour la répression de l’opposition, les restrictions sur la liberté de la presse et les arrestations de dissidents. Ces préoccupations ont progressivement attiré l’attention de certains acteurs occidentaux. Par exemple, les rapports sur les violations des droits de l’homme au Rwanda et les accusations concernant l’implication du gouvernement rwandais dans des conflits dans les pays voisins (notamment la RDC) entachent son image. Mais l’Occident n’en fait pas trop un problème tant que le business passe. Surtout que le mythe d’un Occident moralisateur est déjà tombé, notamment à cause de sa politique de deux poids deux mesures face à certaines dictatures.

Même s’il est difficile de tirer une conclusion sur la fin ou non du régime rwandais, il est cependant clair que les relations entre lui et ses partenaires sont de plus en plus marquées par des tensions, surtout en ce qui concerne la question des droits de l’homme et la stabilité régionale. Toutefois, ses rapports économiques avec l’Occident et son rôle stratégique en Afrique centrale et orientale pourraient encore lui permettre de maintenir certains soutiens, notamment la France, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne. Pour Paris, Kigali reste un pion majeur dans la sécurisation des intérêts français dans certaines régions d’Afrique. C’est notamment le cas de Total au Mozambique, où l’armée rwandaise joue le rôle de gendarme face au terrorisme.

Heshima

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