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James Kabarebe : de bras droit de Kagame à instigateur des massacres en RDC
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La redaction
Dans la tourmente qui secoue la région des Grands Lacs en Afrique depuis des décennies, une figure se détache, aussi emblématique que controversée : James Kabarebe. Cet officier militaire rwandais a gravi les échelons des Forces de Défense Rwandaises (RDF) pour devenir une pièce maîtresse des conflits qui ont ensanglanté la République démocratique du Congo (RDC). Heshima Magazine revient sur l’implication de Kabarebe dans ces événements, depuis la première guerre du Congo entre 1996 et 1997 jusqu’à son soutien à des groupes rebelles comme le M23, en passant par les sanctions américaines imposées récemment pour contrer son influence jugée déstabilisatrice.
La RDC, un géant aux ressources naturelles colossales avec le coltan, l’or, le diamant, le cuivre, etc., aurait pu prospérer. Mais depuis la chute de Mobutu Sese Seko en 1997, elle est devenue le théâtre de guerres brutales et complexes, dans lesquelles Kabarebe a joué et continue de jouer un rôle majeur. Ces conflits ont coûté la vie à des millions de personnes, chassé des populations entières de leurs terres et permis une exploitation systématique des richesses congolaises, souvent au profit d’acteurs étrangers, le Rwanda en première ligne.
Contexte historique et géopolitique
Pour comprendre l’ampleur de son rôle, il faut remonter au génocide rwandais de 1994, un drame qui a redessiné la géopolitique régionale. Entre avril et juillet de cette année-là, environ 800 000 Tutsis et Hutus modérés ont été massacrés par des extrémistes hutus au Rwanda. La victoire du Front Patriotique Rwandais (FPR), dirigé par Paul Kagame, met fin à cette tragédie et renverse le régime en place. Mais elle déclenche aussi un exode massif : plus de deux millions de Hutus fuient vers l’est du Zaïre, l’ancien nom de la RDC, parmi lesquels des membres des ex-Forces Armées Rwandaises et des milices Interahamwe, responsables des massacres.
Ces groupes s’installent dans des camps de réfugiés près de la frontière rwandaise, dans les provinces du Nord et du Sud-Kivu, et se mettent à lancer des attaques contre le nouveau pouvoir à Kigali. Pour le Rwanda, cette menace transfrontalière devient un prétexte pour intervenir militairement en RDC. Derrière cet argument sécuritaire, cependant, se cachent d’autres ambitions : accéder aux ressources minières congolaises et consolider l’influence rwandaise dans la région. James Kabarebe émerge alors comme le cerveau de cette stratégie, transformant la RDC en un champ de bataille où les intérêts rwandais dictent le cours des événements.
Un parcours militaire inédit
Son parcours militaire commence loin du Rwanda, en Ouganda, où il voit le jour en 1959 dans une famille de Tutsis rwandais exilés, fuyant les persécutions ethniques des années 1950. Comme beaucoup de Tutsis réfugiés dans ce pays, il grandit dans un climat de marginalisation et de discrimination, sous les régimes autoritaires d’Idi Amin puis de Milton Obote. Ces années difficiles forgent chez lui une détermination et une résilience qui marqueront sa carrière. Dans les années 1980, il rejoint la National Resistance Army, un mouvement rebelle ougandais dirigé par Yoweri Museveni, engagé dans une lutte pour renverser Obote. Là, il côtoie d’autres futurs leaders rwandais, dont Paul Kagame, lui aussi officier dans ce groupe. Cette période est décisive : Kabarebe y acquiert une formation militaire rigoureuse, affinant ses compétences en stratégie et en commandement, des atouts qui lui serviront plus tard. Lorsque Museveni prend le pouvoir en 1986, Kabarebe et Kagame se tournent vers un objectif commun : libérer le Rwanda du régime hutu qui opprime les Tutsis.
Ascension dans le FPR
En 1990, Kabarebe s’engage pleinement dans le FPR, fondé par des exilés tutsis pour défier le gouvernement de Juvénal Habyarimana. Dès le début de la guerre civile rwandaise, qui s’étend jusqu’en 1994, il se distingue par son efficacité et sa loyauté envers Kagame, qui prend la tête militaire du mouvement après la mort de Fred Rwigyema, tué en 1990. Kabarebe occupe des rôles clés, servant d’aide de camp à Kagame et commandant une unité stratégique basée à Mulindi, dans le nord-est du Rwanda.
Pendant le conflit, il orchestre des opérations audacieuses contre les forces gouvernementales et les milices hutues, contribuant à la progression du FPR. En juillet 1994, après la prise de Kigali et la fin du génocide, le FPR s’empare du pouvoir, et Kabarebe est récompensé pour son rôle décisif. Il intègre l’état-major des RDF, l’armée restructurée du pays, et gravit rapidement les échelons : chef d’état-major adjoint, puis chef d’état-major en 1997. Sa proximité avec Kagame et son talent stratégique en font une figure incontournable dans la politique sécuritaire rwandaise.
Une réputation ambivalente
Au Rwanda, Kabarebe est célébré comme un héros, un homme qui a aidé à mettre fin au génocide et à ramener la stabilité après des décennies de chaos. Mais à l’échelle régionale, son image est bien plus sombre. Dès 1996, il commence à diriger des interventions militaires en RDC, officiellement pour protéger le Rwanda des menaces hutues, mais en réalité pour servir des ambitions économiques et géopolitiques bien plus vastes pour son pays. Ces actions vont faire de lui un personnage central dans la tragédie congolaise, un homme dont le nom est synonyme de guerre, de pillage et de massacres.
La première guerre du Congo : Kabarebe, stratège de l’invasion
La première guerre du Congo, qui éclate en octobre 1996, survient dans un Zaïre affaibli par des décennies de dictature sous Mobutu Sese Seko. Au pouvoir depuis 1965, ce dernier a gouverné un régime gangréné par la corruption et le despotisme, laissant le pays dans un état de délabrement économique et social.
À l’est, les camps de réfugiés hutus, établis après le génocide rwandais, deviennent un foyer d’instabilité majeur. Parmi ces exilés se trouvent des dizaines de milliers de combattants des ex-FAR et des Interahamwe, qui exploitent le territoire zaïrois comme base pour préparer des incursions contre le Rwanda. Pour Paul Kagame et son gouvernement, cette situation représente une menace existentielle. Les appels à la communauté internationale pour démanteler ces camps restent lettre morte, et Mobutu, diminué par la maladie, est accusé de tolérer, voire de soutenir, ces groupes armés.
En 1996, le Rwanda décide de prendre les choses en main. James Kabarebe, alors chef d’état-major adjoint des Forces de Défense Rwandaises, est chargé de concevoir et de diriger une opération militaire visant à neutraliser cette menace tout en renversant Mobutu pour installer un régime favorable à Kigali.
Kabarebe joue un rôle déterminant dans la création de l’Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération du Congo (AFDL), une coalition rebelle officiellement dirigée par Laurent-Désiré Kabila, un opposant historique à Mobutu. Mais derrière cette façade congolaise, ce sont les forces rwandaises et ougandaises qui mènent l’offensive, avec Kabarebe comme principal stratège. L’Alliance voit le jour en octobre 1996 à Lemera, dans le Sud-Kivu, réunissant des combattants congolais souvent des Tutsis Banyamulenge et des milliers de soldats rwandais et ougandais.
Kabarebe supervise une offensive éclair qui débute le 6 octobre 1996. Les troupes franchissent la frontière rwandaise et zaïroise, s’emparant rapidement des villes de l’est comme Uvira, Bukavu et Goma. Cette avancée est facilitée par la faiblesse de l’armée zaïroise, mal équipée et démoralisée, ainsi que par le soutien tacite de certaines puissances occidentales, qui considèrent Mobutu comme un vestige encombrant de la Guerre froide. En novembre 1996, Kabarebe coordonne la prise de Kisangani, un carrefour stratégique au centre du pays, marquant une étape cruciale vers Kinshasa.
La vitesse de cette campagne est stupéfiante. Sous la direction de Kabarebe, les forces de l’AFDL parcourent plus de 1 500 kilomètres en sept mois, de l’est à l’ouest du Zaïre, un territoire aussi vaste que l’Europe occidentale. En mars 1997, elles capturent Lubumbashi, la capitale minière du sud, avant de converger sur Kinshasa. Le 17 mai 1997, Mobutu prend la fuite en exil, et Kabila entre dans la capitale, proclamant la naissance de la République Démocratique du Congo. Kabarebe, qui accompagne Kabila à Kinshasa, est nommé chef d’état-major des Forces Armées Congolaises, une position qui traduit l’influence écrasante du Rwanda sur le nouveau régime.
Officiellement, cette guerre avait deux objectifs : démanteler les camps de réfugiés hutus et renverser Mobutu pour instaurer un gouvernement stable. Mais des motivations plus profondes se révèlent rapidement. Le Rwanda cherche à sécuriser sa frontière, certes, mais aussi à accéder aux ressources minières de l’est du Congo, notamment le coltan, un minerai prisé par l’industrie électronique mondiale, ainsi que l’or et les diamants.
Dès les premières semaines de l’offensive, des unités rwandaises commencent à exploiter ces gisements, transportant les minerais vers Kigali pour les exporter sur les marchés internationaux.
Cette première guerre du Congo, souvent présentée comme une « guerre de libération », est entachée par des atrocités massives perpétrées sous la supervision de Kabarebe. Les forces de l’AFDL, dominées par des soldats rwandais, ciblent les camps de réfugiés hutus à l’est du pays. Si les combattants armés sont une cible légitime, les opérations dégénèrent vite en massacres indiscriminés de civils. Des dizaines de milliers de réfugiés, parmi lesquels des femmes, des enfants et des personnes âgées, sont tués alors qu’ils tentent de fuir vers l’intérieur du pays. Des événements particulièrement tragiques marquent cette période.
En février 1997, à Tingi-Tingi, un camp de réfugiés dans la province de Maniema, des milliers de Hutus sont massacrés par les troupes de l’AFDL. Des survivants racontent des attaques à la mitrailleuse et des exécutions sommaires orchestrées par des soldats rwandais. En mai 1997, près de Mbandaka, à l’ouest du pays, des centaines de réfugiés sont abattus alors qu’ils essaient de traverser le fleuve Congo pour échapper aux combats. Ces massacres, documentés par des rapports de l’ONU et des ONG comme Human Rights Watch, portent la marque d’une stratégie délibérée visant à éliminer toute présence hutue dans la région, qu’elle soit militaire ou civile.
Kabarebe, en tant que commandant opérationnel, est directement impliqué dans ces exactions. Bien qu’il ait toujours nié toute intention génocidaire, affirmant que ses troupes visaient uniquement les génocidaires hutus, les enquêtes internationales contredisent cette version. Le « Mapping Report » de l’ONU, publié en 2010, qualifie ces tueries de « crimes contre l’humanité » et suggère qu’elles pourraient constituer un génocide, une accusation que le Rwanda rejette catégoriquement.
Dès cette première guerre, les forces rwandaises mettent en place un système d’exploitation des richesses minières congolaises. Dans les zones contrôlées par l’AFDL, comme le Nord-Kivu et le Sud-Kivu, des mines d’or et de coltan sont pillées sous la supervision d’officiers rwandais. Ces ressources sont transportées à travers la frontière vers le Rwanda, où elles sont vendues à des entreprises internationales, souvent avec la complicité de réseaux mafieux et de sociétés écran. Ce pillage, bien que limité par rapport à ce qui suivra lors de la deuxième guerre du Congo, pose les bases d’une économie de guerre qui deviendra un pilier de l’ingérence rwandaise en RDC.
La deuxième guerre du Congo : Kabarebe au sommet de l’offensive rwandaise
La victoire de l’AFDL en 1997 installe Laurent-Désiré Kabila au pouvoir, mais cette alliance avec le Rwanda et l’Ouganda s’effrite rapidement. Kabila, conscient de sa dépendance envers ses parrains étrangers, cherche à affirmer son autorité et à réduire leur emprise.
En juillet 1998, il limoge James Kabarebe de son poste de chef d’état-major des Forces Armées Congolaises et ordonne le départ de toutes les troupes rwandaises et ougandaises du pays. Cette décision est perçue comme une trahison par Kigali et Kampala, qui décident de renverser Kabila pour le remplacer par un leader plus docile.
Après son éviction, Kabarebe retourne au Rwanda et se voit chargé de planifier une nouvelle offensive contre le régime de Laurent-Désiré Kabila. Le 2 août 1998, une rébellion éclate dans l’est de la RDC, menée par le Rassemblement Congolais pour la Démocratie (RCD), un groupe armé récemment créé et soutenu par le Rwanda et l’Ouganda. Cette rébellion sert de prélude à une offensive militaire plus large. Le même jour, Kabarebe lance l’opération « Ciel ouvert », une manœuvre ambitieuse visant à prendre Kinshasa par surprise, dont l’élément clé est le « Coup de Kitona », une expédition aéroportée.
Kigali utilise fréquemment le prétexte de la discrimination des Tutsis, qu’ils soient congolais ou rwandais, pour justifier ses ambitions géopolitiques, tant au Rwanda qu’en RDC. Ce discours sert à mobiliser l’opinion et à légitimer l’intervention rwandaise dans les affaires internes du Congo, un argument qui trouve un écho auprès de certains membres de la communauté Tutsie.
Dans son ouvrage « L’espoir au-delà de mes larmes« , le général de brigade Moustapha Mukiza, originaire de la communauté Banyamulenge et proche de James Kabarebe, décrit cette stratégie comme un « hameçon ». Selon lui, le 2 août 1998, alors qu’ils se trouvaient à Goma, les Banyamulenge, souvent perçus comme des alliés des Rwandais, furent menacés et tués à Kinshasa, une nouvelle qui bouleversa la communauté. C’est dans ce contexte qu’il raconte avoir d’abord reçu un appel téléphonique du général Jean-Pierre Ondekane du RCD, qui lui proposa de participer à l’opération Ciel ouvert. Moustapha Mukiza déclina cette proposition.
Peu après, il fut de nouveau contacté, mais cette fois par Kabarebe en personne. Le général rwandais lui annonça : « Commandant Moustapha, si tu refuses de participer à cette opération, sache que tes frères périssent ». Ce nouvel appel, fondé sur la peur et la solidarité ethnique, incita Mukiza à revoir sa décision. Cette manipulation de Kabarebe corrobore un autre témoignage d’un ancien espion du Front Patriotique Rwandais (FPR), qui affirmait que Paul Kagame n’hésitait pas à utiliser la mort des Tutsis pour atteindre ses objectifs politiques.
Ainsi, le 4 août 1998, Kabarebe mène l’assaut aéroporté sur la base militaire de Kitona, située à plus de 2 000 kilomètres de la frontière rwandaise, dans la province du Bas-Congo. Environ 3 000 soldats rwandais et ougandais, transportés par des avions commerciaux détournés à Goma, atterrissent à Kitona et désarment les troupes congolaises présentes. L’objectif est clair : marcher vers Kinshasa, distante de seulement 400 kilomètres, et renverser Kabila en quelques jours. L’opération semble initialement couronnée de succès. Les forces rwandaises capturent des ports stratégiques le long du fleuve Congo et progressent rapidement vers la capitale. En moins de deux semaines, elles se retrouvent à moins de 30 kilomètres de Kinshasa, semant la panique dans le camp de Kabila.
Cependant, la progression rapide des forces rwandaises est interrompue par l’intervention d’un front de soutien à Kabila, composé de l’Angola, du Zimbabwe et de la Namibie. Ces alliés envoient des troupes et des avions pour défendre la capitale. Après de violents combats, les forces rwandaises sont repoussées et Kabarebe est contraint de battre en retraite, mettant ainsi un frein temporaire à l’offensive sur Kinshasa. Cette défaite marque un tournant dans la guerre, obligeant le Rwanda et ses alliés à revoir leur stratégie.
Le fiasco de Kitona marque le début de la deuxième guerre du Congo, un conflit d’une ampleur sans précédent, souvent surnommé la « guerre mondiale africaine ». Neuf pays africains et des dizaines de groupes armés s’y affrontent, divisant la RDC en zones d’influence. Dans l’est, le RCD, soutenu par Kabarebe et les RDF, contrôle de vastes territoires riches en minerais, notamment au Nord-Kivu, au Sud-Kivu et en Ituri. Pendant ce temps, Kabila s’appuie sur ses alliés régionaux pour résister à l’offensive rwandaise et ougandaise.
Kabarebe supervise les opérations militaires dans l’est, coordonnant les mouvements du RCD et des unités rwandaises déployées sur le terrain. Cette guerre, qui dure jusqu’en 2003, est marquée par une brutalité extrême : massacres de civils, viols collectifs, pillages et destructions de villages deviennent monnaie courante. Les affrontements ne se limitent pas aux combats entre armées régulières ; des rivalités éclatent également entre le Rwanda et l’Ouganda, alliés initiaux qui se disputent le contrôle des ressources, notamment lors des batailles de Kisangani en 1999 et 2000.
La deuxième guerre du Congo voit l’exploitation illégale des richesses minières atteindre un niveau industriel. Sous la direction de Kabarebe, l’armée rwandaise met en place un système sophistiqué de pillage dans les zones qu’elle contrôle.
Le « Rapport sur l’exploitation illégale des ressources naturelles et autres formes de richesse en RDC », publié par l’ONU en 2001, détaille ce mécanisme : des minerais comme le coltan, l’or, le cuivre et les diamants sont extraits par des milices et des entreprises sous contrôle rwandais, puis acheminés à Kigali pour être vendus sur les marchés mondiaux. Kabarebe joue un rôle central dans cette économie de guerre. Les revenus générés estimés à des centaines de millions de dollars par an financent les opérations militaires rwandaises et enrichissent les élites politiques et économiques de Kigali. Des sociétés écran, souvent basées au Rwanda ou en Europe, servent à blanchir ces ressources, tandis que des officiers rwandais, dont certains sous les ordres directs de Kabarebe, supervisent les opérations sur le terrain. Ce pillage prive la RDC de ressources vitales pour son développement, aggravant la misère de sa population.
Les forces rwandaises et leurs alliés du RCD, sous la supervision de Kabarebe, sont responsables de nombreux massacres emblématiques. En août 1998, à Mwanga, dans le Nord-Kivu, plus de 1 000 civils sont tués lors d’une opération punitive visant à écraser toute résistance locale. Les victimes, principalement des femmes et des enfants, sont exécutées à la machette ou abattues par balles.
En mai 2000, à Kisangani, des affrontements entre les armées rwandaise et ougandaise pour le contrôle des mines de diamants font des centaines de morts parmi les civils pris dans les tirs croisés. Les violences sexuelles deviennent une arme systématique dans ce conflit. Des milliers de femmes et de filles sont violées par les soldats rwandais et les miliciens du RCD, souvent en public pour terroriser les communautés. Des témoignages recueillis par Amnesty International décrivent des scènes d’horreur où des familles entières sont forcées d’assister à ces atrocités. Kabarebe, en tant que chef militaire, est tenu responsable par la chaîne de commandement, bien qu’il n’ait jamais été jugé pour ces crimes.
Un bilan humain catastrophique
La première et la deuxième guerre du Congo figurent parmi les conflits les plus meurtriers de l’histoire moderne. Selon les estimations, plus de 6 millions de personnes ont perdu la vie entre 1996 et 2003, principalement des civils. Si les combats directs ont causé des milliers de morts, la majorité des décès sont attribuables à des causes indirectes : famine, maladies comme le choléra et la malaria, et déplacements massifs provoqués par la violence.
Plus de 5 millions de Congolais sont déplacés à l’intérieur du pays ou deviennent réfugiés dans les pays voisins, comme la Tanzanie et l’Ouganda. Ces populations, souvent regroupées dans des camps insalubres, vivent dans des conditions inhumaines, sans accès à la nourriture, à l’eau potable ou aux soins médicaux. Les enfants, qui représentent une grande partie des victimes, sont particulièrement vulnérables, beaucoup succombant à la malnutrition ou étant recrutés comme enfants-soldats par les groupes armés.
Une économie dévastée et pillée
La RDC possède certaines des plus grandes réserves mondiales de minerais stratégiques, qui auraient dû faire d’elle l’un des pays les plus riches d’Afrique. Pourtant, sous l’influence d’acteurs comme Kabarebe, ces richesses ont été systématiquement détournées. Le pillage organisé par le Rwanda et d’autres pays voisins a coûté à la RDC des milliards de dollars, empêchant tout investissement dans les infrastructures, l’éducation ou la santé. Des régions comme le Kivu, bien que dotées d’un potentiel économique énorme, restent parmi les plus pauvres du pays, leurs habitants survivant dans des conditions de dénuement extrême.
Le CNDP et la guerre de Jules Mutebusi
Après la fin officielle de la deuxième guerre du Congo en 2003, marquée par les accords de paix de Sun City, l’est de la RDC reste une zone de conflit chronique. Kabarebe, revenu au Rwanda comme chef d’état-major des RDF, continue d’exercer une influence déstabilisatrice à travers son soutien à des groupes rebelles.
En 2004, il est soupçonné d’appuyer le Congrès National pour la Défense du Peuple (CNDP), une milice tutsie dirigée par Laurent Nkunda, ainsi que la rébellion de Jules Mutebusi, un officier tutsi congolais dissident. Le CNDP, créé pour protéger les intérêts des Tutsis congolais face aux milices hutues comme les Forces FDLR et également les mines sous contrôle du Rwanda, devient rapidement un outil d’ingérence rwandaise. Des rapports de l’ONU accusent Kabarebe de fournir des armes, des financements et des conseillers militaires au CNDP, exacerbant les tensions ethniques dans le Kivu. En 2004, les forces de Mutebusi et du CNDP prennent temporairement le contrôle de Bukavu, provoquant des déplacements massifs de civils et des affrontements avec l’armée congolaise.
Le M23 : une menace renouvelée
En 2012, l’influence de Kabarebe atteint un nouveau sommet avec l’émergence du Mouvement du 23 mars (M23), un groupe rebelle issu d’une scission au sein du CNDP. Composé principalement de Tutsis congolais, le M23 lance une offensive dans le Nord-Kivu, prenant le contrôle de Goma en novembre 2012. Un rapport du Groupe d’experts de l’ONU, publié la même année, désigne Kabarebe comme l’un des principaux coordinateurs du soutien rwandais au M23, accusant Kigali de fournir des armes, des munitions et des entraînements aux rebelles.
Cette nouvelle rébellion ravive les souffrances des populations locales : massacres, viols et pillages reprennent de plus belle, tandis que des centaines de milliers de personnes fuient leurs foyers. Bien que le M23 soit défait militairement en 2013 par l’armée congolaise et la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en RDC (MONUSCO), son héritage persiste, et des soupçons d’ingérence rwandaise continuent de planer sur les conflits actuels dans l’est.
La reprise des armes par le M23 et le rôle persistant de Kabarebe
Après sa défaite en 2013, le M23 reste en sommeil pendant plusieurs années, ses combattants dispersés au Rwanda et en Ouganda. Cependant, en novembre 2021, le groupe reprend les armes dans le Nord-Kivu, lançant des attaques contre les forces armées congolaises près des villages de Chanzu et Runyonyi, à proximité des frontières rwandaise et ougandaise. Cette résurgence marque le début d’une nouvelle phase de violence dans l’est de la RDC, exacerbée par le soutien continu du Rwanda.
Dès 2022, le M23 intensifie ses opérations, s’emparant de territoires stratégiques comme Bunagana et Rutshuru, et multipliant les affrontements avec l’armée congolaise et les milices locales. Des rapports de l’ONU et d’organisations comme Human Rights Watch documentent des exactions contre les civils, exécutions sommaires, viols, pillages, ainsi qu’un recrutement forcé, y compris d’enfants-soldats, dans les zones sous son contrôle.
En 2023, le M23 poursuit son expansion, prenant des villes clés comme Rubaya, un centre minier riche en coltan, et générant des revenus importants par la taxation de ce commerce lucratif.
Malgré des tentatives de médiation régionale, notamment via le Processus de Nairobi et de Luanda, le groupe refuse de désarmer, accusant Kinshasa de ne pas protéger les Tutsis congolais face aux milices hutues comme les FDLR. La situation s’aggrave encore en janvier 2025, lorsque le M23, appuyé par trois à quatre mille soldats rwandais selon des estimations de l’ONU, s’empare de Goma, la capitale du Nord-Kivu, après une offensive éclair qui fait près de 3000 morts selon les sources. Cette prise spectaculaire, suivie en février 2025 par la capture de Bukavu, la capitale du Sud-Kivu, et de l’aéroport stratégique de Kavumu, plonge la région dans une crise humanitaire sans précédent, avec plus d’un million de déplacés en quelques semaines. Le leader de l’Alliance Fleuve Congo (AFC), l’ancien président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) Corneille Nangaa, qui inclut le M23, proclame alors son intention de marcher sur Kinshasa pour renverser le président Félix Tshisekedi, défiant les appels internationaux à un cessez-le-feu.
James Kabarebe, bien que retiré officiellement des fonctions militaires en 2018, reste une figure centrale dans cette nouvelle vague de violences. Des rapports de l’ONU et des sanctions américaines imposées en 2023 au mouvement rebelle, renforcées en février 2025, le désignent comme le principal orchestrateur du soutien rwandais au M23. Selon ces sources, Kabarebe agit comme une liaison clé entre Kigali et les rebelles, supervisant la logistique, le recrutement, la formation des combattants et la gestion des revenus tirés des minerais pillés, notamment le coltan de Rubaya, estimé à 800 000 dollars par mois.
En tant que ministre d’État chargé de la coopération régionale depuis 2023, il utilise sa position pour coordonner les opérations du RDF aux côtés du M23, assurant un soutien militaire direct avec des troupes et des armes sophistiquées. Ces accusations sont étayées par des preuves visuelles, comme des images géolocalisées de soldats rwandais à Sake près de Goma en 2025, et par des témoignages de recrues formées sous supervision rwandaise. Malgré les dénégations de Kigali, qui rejetait toute implication, Kabarebe est vu comme le pivot d’une stratégie visant à maintenir l’influence rwandaise sur l’est de la RDC, mêlant objectifs sécuritaires et économiques pour exploiter illégalement les ressources congolaises.
Sanctions américaines : une mesure inédite
Le 20 février 2025, le Département du Trésor des États-Unis impose des sanctions contre James Kabarebe pour son rôle dans la déstabilisation de l’est de la RDC. Ces mesures, qui incluent le gel de ses avoirs aux États-Unis et l’interdiction de transactions avec des ressortissants américains, sont une réponse directe à son soutien avéré au M23 et à d’autres groupes armés. Cette décision marque une rupture dans la politique internationale envers le Rwanda, longtemps perçu comme un allié stratégique de Washington en Afrique de l’Est.
Signification géopolitique
Les sanctions reflètent une prise de conscience croissante des conséquences de l’ingérence rwandaise en RDC. Elles visent à envoyer un message clair à Kigali : les actions de ses hauts responsables ne resteront plus impunies. Cependant, leur impact réel reste incertain. Kabarebe, qui opère principalement en Afrique, pourrait contourner ces mesures grâce à des réseaux régionaux, et le Rwanda a dénoncé les sanctions comme une tentative d’ingérence dans ses affaires internes.
Implications pour la paix régionale
Pour les défenseurs des droits humains, ces sanctions sont un pas vers la justice, mais elles ne suffisent pas. Elles soulignent la nécessité d’une coopération internationale plus large pour mettre fin au cycle de violence dans l’est de la RDC, notamment en démantelant les réseaux de pillage et en poursuivant les responsables de crimes de guerre, dont Kabarebe.
Un héritage de destruction
James Kabarebe a laissé une empreinte indélébile sur la RDC, orchestrant des guerres qui ont coûté des millions de vies, détruit des communautés et permis le pillage systématique des ressources du pays.
De la première guerre du Congo, où il a renversé Mobutu, à la deuxième guerre, où il a tenté de destituer Kabila, en passant par son soutien aux rebellions comme le RCD, le CNDP et le M23, ses actions ont transformé l’est de la RDC en une zone de chaos permanent. Pourtant, malgré les preuves accablantes de massacres, de viols et d’exploitation illégale, Kabarebe bénéficie d’une impunité quasi totale. Protégé par son statut au Rwanda et par l’absence de mécanismes judiciaires internationaux efficaces, il incarne les défis de la lutte contre les crimes de guerre en Afrique.
Pour que la RDC retrouve la paix, il est impératif que des figures comme lui répondent de leurs actes, que les racines économiques des conflits soient démantelées et que la coopération régionale soit renforcée. Les sanctions américaines, bien qu’historiques, ne sont qu’un début : la justice et la stabilité exigeront des efforts bien plus ambitieux.
Heshima
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Diplomatie RDC vs Rwanda : l’autre grande guerre
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1 jour agoon
juin 19, 2025By
La redaction
Alors que les combats font rage dans l’Est de la République démocratique du Congo (RDC), Kinshasa mène une guerre silencieuse mais décisive : celle des couloirs diplomatiques. Entre 2021 et 2024, face à un Rwanda soutenant le mouvement rebelle M23, la RDC a déployé une stratégie diplomatique audacieuse, transformant sa vulnérabilité en arme stratégique. Sanctions internationales, condamnations multilatérales, rapports accablants de l’ONU, pressions institutionnelles et une ascension remarquée au Conseil de sécurité : Kinshasa a multiplié les victoires, isolant progressivement Kigali sur la scène mondiale. Mais ces succès, aussi retentissants soient-ils, suffisent-ils à apaiser une crise humanitaire qui s’aggrave ?
Si le M23 est un poignard dans le flanc de la RDC, les sanctions internationales sont une tenaille serrant le Rwanda. Depuis 2021, Kinshasa a su mobiliser ses partenaires pour faire reconnaître le rôle déstabilisateur de Kigali. En août 2023, les États-Unis ont frappé fort en sanctionnant le ministre rwandais de l’Intégration régionale, James Kabarebe, le Brigadier Général Andrew Nyamvumba et d’autres responsables militaires rwandais pour leur implication aux côtés du M23. Selon un article de RFI de mars 2024, ces mesures ont gelé 50 millions de dollars d’actifs rwandais liés au conflit, un coup dur pour l’économie de Kigali. L’Union européenne, bien que plus prudente, a emboîté le pas avec des déclarations cinglantes. En décembre 2022, Bruxelles exhortait le Rwanda à cesser tout soutien au M23, menaçant de suspendre des aides cruciales. Ces pressions ont culminé en 2025 avec des sanctions formelles de l’Union européenne, mais c’est l’offensive diplomatique congolaise de 2021 à 2024 qui a préparé le terrain.
Pour Pascal Kalaba, activiste d’une ONG basée à Goma, ces sanctions sont un symbole : « Elles sont un baume pour notre dignité, mais les armes continuent de traverser la frontière. » Les chancelleries occidentales, historiquement proches du Rwanda, commencent à vaciller face aux preuves accumulées. Kinshasa, jadis perçue comme un géant désordonné, a su transformer ces sanctions en levier, obligeant Kigali à justifier ses actions sur la scène internationale.
La CEEAC, champ de bataille institutionnel
La Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC) est devenue un théâtre inattendu de cette guerre diplomatique. Lors de sa présidence de la CEEAC, de février 2023 à février 2024, la RDC a manœuvré avec habileté pour marginaliser le Rwanda. Kinshasa a dénoncé sans relâche l’instrumentalisation de l’organisation par Kigali, accusé de bloquer les initiatives régionales pour la paix. Ces tensions, documentées dans les communiqués officiels de la CEEAC, ont atteint leur paroxysme en juin 2025, lorsque le Rwanda a annoncé son retrait de l’organisation. Selon Jeune Afrique, ce départ est une « capitulation face à l’offensive diplomatique congolaise », un revers majeur pour Kigali, qui perd ainsi une plateforme d’influence régionale.
Dr. Simone Tenda, chercheuse au Centre d’études stratégiques de Kinshasa, analyse : « La RDC a transformé sa présidence en une arme, montrant que Kigali ne peut plus agir impunément dans les institutions africaines. » Ce succès, fruit d’une diplomatie patiente, illustre la capacité de Kinshasa à rallier ses voisins autour d’une cause commune : la dénonciation du rôle du Rwanda dans l’instabilité régionale.
New York, nouvelle forteresse congolaise
L’élection de la RDC au Conseil de sécurité de l’ONU en juin 2025 en qualité de membre non-permanent, marque un sommet dans cette bataille diplomatique. Obtenue avec 183 voix sur 188, cette victoire reflète les efforts soutenus de Kinshasa pour amplifier la voix des Congolais sur la scène mondiale. Entre 2021 et 2024, la RDC a obtenu le soutien de trois résolutions onusiennes condamnant les violences dans l’Est du pays, un record qui a consolidé sa crédibilité. Ces textes pointent invariablement vers le M23 et, par ricochet, vers son soutien rwandais.
Cette ascension au Conseil de sécurité n’est pas un hasard. Elle découle d’une campagne diplomatique méthodique, où Kinshasa a su mobiliser le Groupe des États africains et ses alliés bilatéraux. Pour la RDC, New York est désormais une tribune pour maintenir la pression constante sur Kigali, un atout qui pourrait influencer les futures décisions internationales.
Condamnations multilatérales : l’Afrique s’élève
Au-delà des Nations unies, la RDC a remporté des victoires significatives auprès des organisations africaines. L’Union Africaine (UA), via son Conseil de paix et de sécurité, a adopté en février 2023 un communiqué cinglant, condamnant les abus des groupes armés dans l’Est de la RDC et exigeant leur retrait immédiat. Bien que le Rwanda ne soit pas nommé directement, le message est clair : les soutiens externes, comme ceux dont bénéficie le M23, sont dans la ligne de mire. La SADC, quant à elle, a multiplié les sommets extraordinaires, notamment en novembre 2024, pour condamner les violations du cessez-le-feu par le M23. Ces positions, soutenues par des leaders régionaux, ont renforcé l’isolation de Kigali.
Ces condamnations multilatérales sont le fruit d’une diplomatie congolaise active, capable de transformer une crise locale en enjeu continental. « Le Rwanda se retrouve dos au mur : ses alliés lui tournent le dos », note une analyse du Congo Intelligence Group. Kinshasa a su exploiter ces forums pour construire un consensus africain, un exploit qui, il y a quelques années, semblait hors de portée.
Les rapports de l’ONU : une vérité irréfutable
Rien n’a été plus déterminant que les rapports du Groupe d’experts de l’ONU. En août 2022, un premier document révélait des « preuves solides » du soutien militaire rwandais au M23, confirmant les accusations portées par Kinshasa. Le rapport de décembre 2023 enfonce le clou, présentant des « preuves irréfutables » d’un soutien logistique et financier de Kigali au groupe rebelle. Ces conclusions, basées sur des témoignages, des images satellites et des documents saisis, ont donné à la RDC un atout maître : une validation internationale incontestable.
Ces rapports ont servi de socle à toutes les actions diplomatiques de Kinshasa, des sanctions aux condamnations multilatérales. Ils ont transformé les accusations en faits, obligeant Kigali à se retrancher dans une position défensive. « Ces documents sont notre bouclier, mais aussi notre lance », confie une source diplomatique congolaise restée anonyme. Grâce à eux, la RDC a pu construire un narratif solide, crédibilisant ses revendications sur la scène mondiale.
Une victoire à quel prix ?
Les victoires diplomatiques de la RDC sont indéniables. Le 18 juin, les deux Etats ont paraphé un accord de paix, prélude à la signature prochaine de ce document qui prévoit le retrait des troupes rwandaises du sol congolais. En trois ans, Kinshasa a réussi à transformer sa position de victime en celle d’un acteur géopolitique redoutable, capable d’isoler un Rwanda autrefois intouchable. Les sanctions, le retrait de la CEEAC, l’élection au Conseil de sécurité, les condamnations multilatérales et les rapports de l’ONU forment un arsenal diplomatique impressionnant. Pourtant, une question lancinante demeure : à quoi servent ces succès lorsque des millions de Congolais restent déplacés, pris en étau dans une crise humanitaire sans fin ?
Le paradoxe est cruel. Si les sanctions sont une tenaille et les résolutions un bouclier, elles n’ont pas encore désarmé le M23. Les combats persistent et la souffrance des populations s’aggrave. « Nous savons que Kinshasa gagne des batailles diplomatiques, mais la dignité ne se mange pas. C’est tout de même un pas vers la paix .», soupire le Dr Simone Tenda. La RDC devra transformer ces victoires en paix concrète, une tâche qui exigera bien plus que des mots et des votes. La guerre silencieuse est un pas, mais le chemin vers la victoire finale reste semé d’embûches.
Heshima Magazine
International
Accord de paix RDC-Rwanda : le point sur l’intégration des rebelles fait grincer des dents
Published
1 jour agoon
juin 19, 2025By
La redaction
Un accord de paix entre la République démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda a été paraphé, le 18 juin 2025, à Washington, aux Etats-Unis d’Amérique. Sa signature au niveau ministériel est prévue pour le 27 juin. Le texte, qui vise à mettre fin au conflit entre les deux pays, prévoit notamment le désengagement des groupes armés et le respect de l’intégrité territoriale. Mais parmi les cinq points retenus dans cet accord sous la médiation américaine, il y a aussi l’intégration des rebelles. Un point qui fait réagir en RDC.
Après près de trois mois de négociation, la RDC et le Rwanda ont enfin paraphé le texte d’un accord de paix, sous la médiation des États-Unis et en présence d’un représentant du Qatar. Ce document sera soumis à l’appréciation des ministres des Affaires étrangères de ces deux pays, avant sa signature, le 27 juin, en présence du secrétaire d’État américain Marco Rubio. Ce même document sera ensuite signé par les deux chefs d’Etat, le Congolais Félix Tshisekedi et son homologue rwandais Paul Kagame à Washington, D.C. en présence du président américain Donald Trump.
Le texte paraphé par les équipes techniques de ces deux pays s’appuie sur la « Déclaration de principes » signée le 25 avril 2025 toujours à Washington. Cet accord, rédigé en cinq points majeurs, porte sur les enjeux politiques, sécuritaires et économiques. Il comprend notamment des dispositions sur « le désengagement, le désarmement et l’intégration conditionnelle des groupes armés non étatiques » mais aussi la facilitation du retour des réfugiés et des personnes déplacées à l’intérieur du pays, ainsi que l’accès humanitaire, d’après le communiqué conjoint publié par le Département d’Etat américain. Il y figure aussi la création d’un cadre d’intégration économique régional mais également un mécanisme conjoint de coordination pour la sécurité. Ce mécanisme va incorporer le CONOPs (Concept des opérations) décidé autrefois à Luanda. En clair, c’est un cadre d’échange de renseignements entre les deux pays pour restaurer la confiance entre les deux parties.
Si l’accord paraphé peut être salué par des Congolais, un point dans ce document suscite l’inquiétude : c’est l’intégration conditionnelle des groupes armés. « L’évocation d’une « intégration conditionnelle » sans les détails nécessaires risque fort de générer une vive indignation. Pour cette raison, il est crucial de fournir des explications exhaustives », a réagi Jonathan David Mbombo à la publication de l’annonce de cet accord par Tina Salama, porte-parole du chef de l’Etat. Celle-ci est revenue pour expliquer qu’une « intégration conditionnelle » sera faite « uniquement sur la base du Programme de Désarmement, démobilisation, relèvement communautaire et stabilisation (P-DDRCS) qui, en réalité, reflète notre position sur le respect du processus de Nairobi ». Ce processus, faut-il le rappeler, prévoyait l’intégration des groupes armés « au cas par cas ».
Une intégration qui rappelle les démons du passé
Les Congolais se souviennent des épisodes douloureux liés à l’intégration des rebelles au sein des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC). Au terme de la deuxième guerre du Congo, le dialogue intercongolais avait conduit à l’Accord global et inclusif de Pretoria signé en 2002. Cet accord visait, entre autres, l’unification des différentes factions armées dans une armée nationale réformée : les FARDC. Ce brassage avait donc mis ensemble les combattants issus de différents groupes armés (gouvernementaux, rebelles, milices). Ils ont été formés ensemble dans des centres militaires afin de créer une armée républicaine unifiée, disciplinée, apolitique et professionnelle. Ce premier cycle de brassage n’avait pas épargné le pays d’une nouvelle rébellion. En 2007, certains anciens rebelles brassés ont créé avec Laurent Nkunda une nouvelle rébellion : le Congrès national pour la défense du peuple (CNDP). Ce mouvement rebelle dirigé par Laurent Nkunda sera de nouveau intégré dans les FARDC suite à des négociations avec le gouvernement. C’est le fameux accord du 23 mars 2009. Ce processus a donné lieu à une intégration sans brassage effectif, souvent appelée « mixage », qui sera fortement critiquée.
Failles et fragilité du mixage de 2009
Beaucoup d’anciens rebelles intégrés au sein de l’armée nationale avaient conservé leurs chaînes de commandement parallèles. La discipline et la loyauté à l’État étaient devenues problématiques. Le cas du général Bosco Ntaganda, ex-CNDP devenu officier FARDC, illustre bien ces défaillances. Des officiers mixés comme le colonel Jules Mutebusi, nommé commandant adjoint de la 12ème région militaire, refusaient d’obéir aux ordres de son titulaire. Ce qui avait provoqué des affrontements à Bukavu, chef-lieu de la province du Sud-Kivu mais aussi dans les localités environnantes. L’échec de ce brassage avait contribué à la naissance du Mouvement du 23 mars (M23), un groupe issu de l’ancien groupe rebelle le CNDP. Les éléments du M23 se mutinent et affrontent les FARDC en 2012, au point de faire chuter la ville de Goma pendant environ une semaine. Ils s’étaient retirés sans affrontement après des appels de la communauté internationale mais aussi de l’Ouganda voisin.
La crainte d’un cercle vicieux…
Après avoir vécu une telle expérience sur l’intégration des éléments rebelles, plusieurs Congolais perçoivent l’annonce d’une nouvelle intégration quoique « conditionnelle » comme étant une mauvaise répétition de l’histoire. « C’est un cercle vicieux », commente un internaute à l’annonce de ce point dans le nouvel accord de paix paraphé à Washington.
Dans la marche de la RDC post-AFDL, le processus de brassage dans les FARDC a été une tentative importante de reconstruction nationale, mais ses résultats ont été mitigés. Il a permis d’éviter un éclatement total du pays après la guerre, mais n’a pas réussi à forger une armée réellement unifiée, professionnelle et disciplinée. Les FARDC qui commencent une nouvelle réforme avec la loi sur la programmation militaire risque de prendre un nouveau coup d’arrêt si ce volet du nouvel accord n’est pas bien pris en charge afin d’éviter une mauvaise répétition de l’histoire.
Heshima
International
Afrique : ces anciens chefs d’État qui ont réussi à revenir au pouvoir
Published
3 jours agoon
juin 17, 2025By
La redaction
En Afrique, certains chefs d’État sont revenus aux commandes après avoir quitté le pouvoir. Certains ont réussi à le faire en utilisant les armes. Du Congolais Denis Sassou-Nguesso au Ghanéen Jerry Rawlings, Heshima Magazine revient sur la ‘‘short list’’ de ces présidents qui ont retrouvé les palais présidentiels par des moyens pacifiques ou par la force.
Dans le microcosme politique africain, les comportements des chefs d’État varient considérablement, allant parfois de l’autoritarisme à la démocratie. Ces attitudes sont influencées par des facteurs historiques, culturels et politiques des différents pays. Certains chefs d’État ont utilisé l’autoritarisme pour consolider leur pouvoir, limitant ainsi la participation politique. Dans d’autres régions du continent, certains mettent l’accent sur le développement économique et la consolidation des institutions démocratiques. Ces attitudes et comportements sont également dictés par une influence des anciennes métropoles de certains pays hier colonisés. Ces anciennes puissances coloniales exercent souvent une influence depuis l’Occident.
Denis Sassou Nguesso, un retour par les armes
Denis Sassou Nguesso est né le 29 novembre 1943 à Edou, dans le district d’Oyo, au nord de la République du Congo, alors appelée Moyen-Congo, dans le cadre de l’organisation de l’Afrique équatoriale française (AEF), une fédération coloniale regroupant quatre territoires : le Tchad, l’Oubangui-Chari (actuelle Centrafrique), le Moyen-Congo (actuel Congo-Brazzaville), et le Gabon. Après l’assassinat du président Marien Ngouabi, le 18 mars 1977, Denis Sassou-Nguesso, alors colonel au sein de l’armée et membre influent du Parti congolais du travail (PCT), joue un rôle majeur.
Avant la normalisation de la vie politique du pays, la Constitution de 1973 est d’abord abrogée. C’est un Comité militaire du parti, dont il est membre, qui assume l’intérim du pouvoir. Dans ce comité, le colonel Denis Sassou Nguesso occupe les postes de premier vice-président et de ministre de la Défense. Mais au fil des jours, un bras de fer s’engage entre lui et le président Joachim Yhombi-Opango. Ce dernier sera vite accusé de corruption et écarté de son poste lors d’une séance du Comité central du PCT, le 5 février 1979.
Reconnu comme l’un des instigateurs de ce renversement indolore du président Yhombi-Opango, Sassou Nguesso est nommé président provisoire le 8 février, soit trois jours après la réunion du comité central du PCT. En mars, il sera confirmé dans ses fonctions lors d’un congrès spécial. Ainsi, Denis Sassou Nguesso devient le président de la République du Congo. Pour consolider son mandat de 5 ans, il organise des élections le 8 juillet, lors desquelles le PCT, parti unique, monopolise les sièges. Un référendum appuie également la nouvelle Constitution. Et dans son discours après sa prestation de serment, le 14 août, le président amnistie les prisonniers politiques, incluant ceux accusés de l’assassinat du président Marien Ngouabi en 1977. Il va rapprocher le Congo du communisme tout en gardant d’excellentes relations avec l’Occident, principalement la France. Sassou va ainsi diriger le pays pendant toute une décennie, jusqu’en 1990. Au cours de cette année, le Congo-Brazzaville n’échappera pas au vent de la perestroïka qui souffle depuis l’Union soviétique jusqu’en Afrique. Sur l’autre rive du fleuve Congo, au Zaïre d’alors, Mobutu s’est tiré d’affaire en autorisant le multipartisme, chez lui, ce mouvement des réformes démocratiques lui apportera une défaite cuisante à la présidentielle de 1992, entraînant aussi son parti, le PCT.
Pascal Lisouba, renversé militairement par Sassou
En 1992, c’est un homme du sud du pays qui prend le pouvoir : Pascal Lisouba. Après s’être débarrassé tour à tour du président en fonction, Denis Sassou-Nguesso, et d’un grand adversaire politique, Bernard Kolelas, Pascal Lisouba devient le sixième président du Congo indépendant mais le premier à être élu au suffrage universel direct dans un scrutin ouvert. Réputé comme un intellectuel de haut vol, Lisouba ne connaitra malheureusement pas un quinquennat tranquille. L’ombre de son prédécesseur va continuer à planer sur le pays. Certains observateurs accuseraient même l’ex président Sassou de mettre des bâtons dans les roues de son successeur. Dans ce contexte, le nouveau président doit alors faire face au mécontentement grandissant des fonctionnaires, qui accusaient plusieurs mois de retard dans leurs salaires. Il y a aussi une question sécuritaire majeure : la prolifération de milices à base ethnique. Mais la grande question qui aurait provoqué plus tard le come-back de Denis Sassou-Nguesso serait celle de la gestion de la manne pétrolière du pays. Pascal Lisouba a fait face « aux blocages du pétrolier français Elf, qui lui refuse des avances sur la manne pétrolière, indispensable au paiement des salaires, tout en lui reprochant de brader le brent congolais, notamment à la firme américaine Occidental Petroleum (Oxy) », explique le journal Le Monde. Sous son mandat, le pays connaitra deux guerres. La première en 1993, qualifiée de « guerre du pétrole », puis la seconde en 1997, qui entraînera son départ du pouvoir au profit d’un retour de Denis Sassou-Nguesso. Cette deuxième guerre civile sera particulièrement meurtrière avec des dégâts collatéraux à Kinshasa, la capitale de la RDC, voisine de Brazzaville. Pascal Lisouba fuit au Gabon, laissant le pays aux mains des milices de l’ancien président Denis Sassou-Nguesso. « Ce sont eux qui ont pris Brazzaville puis Pointe Noire avec l’aide de l’armée angolaise », explique la journaliste Dorothée Olliéric, envoyée spéciale d’un média français en 1997. Ainsi, Denis Sassou-Nguesso va retourner au pouvoir pour ne plus le quitter jusqu’à présent. « En 2015, il a modifié la constitution pour s’accorder une possibilité de se représenter à plusieurs reprises à la tête du pays », explique un politologue du Congo-Brazzaville en exil.
Denis Sassou-Nguesso est donc redevenu officiellement président de la République du Congo depuis le 25 octobre 1997, après avoir déjà été au pouvoir de 1979 à 1992. Il a également été chef de l’État par intérim de 1977 à 1979 suite à l’assassinat de Marien Ngouabi. Il a été réélu en 2002, 2009 puis 2016 avec une opposition parfois réprimée. Son dernier challenger politique, le général Jean-Marie Michel Mokoko – ancien chef de l’armée – purge depuis 2018 une peine de 20 ans de prison ferme après les élections de 2016. Il est accusé d’« atteinte à la sûreté intérieure et détention illégale d’armes et munitions de guerre ».
Une bonne partie de l’histoire postcoloniale de ce pays s’est jouée avec le personnage politique de Denis Sassou-Nguesso. Malgré sa proximité avec la France et la multinationale Total, le régime de Denis Sassou-Nguesso est souvent critiqué pour son autoritarisme, la répression de l’opposition, et la corruption. Son pays, riche en pétrole, souffre malgré tout d’une économie fragile et d’une forte dette publique. Et pendant ce temps, la famille biologique du président de la République occupe des postes clés au sein de l’Etat et dans l’économie. Le chef de l’Etat a fait l’objet, avec ses proches, de poursuites en France dans l’affaire dite des « biens mal acquis », concernant l’achat de propriétés de luxe en Europe avec des fonds publics présumés détournés.
Au Burundi, les coups d’Etat de Pierre Buyoya
Pierre Buyoya est une figure politique majeure de l’histoire du Burundi. Comme Denis Sassou-Nguesso, lui aussi a dirigé le pays à deux reprises, dans un contexte de tensions ethniques entre Hutus et Tutsis. Né le 24 novembre 1949 à Rutovu, dans une famille tutsie de la région de Bururi, Pierre Buyoya a suivi une formation militaire, notamment en Belgique et en France, et gravi les échelons de l’armée burundaise. Il est perçu comme un officier brillant, loyal et modéré. Mais le 3 septembre 1987, il mène un coup d’État sans effusion de sang contre le président Jean-Baptiste Bagaza, accusé de dérive autoritaire et de persécutions religieuses. Pierre Buyoya devient président du Burundi. Il instaure un régime militaire mais avec une légère ouverture politique. En 1992, une nouvelle Constitution multipartite est adoptée par référendum. En 1993, Buyoya organise les premières élections libres du pays. Malheureusement, il sera battu par Melchior Ndadaye, un Hutu. Ce qui marque un tournant historique dans un pays longtemps dirigé par un Tutsi. C’est d’ailleurs la première fois qu’un Hutu accède au pouvoir. Pourtant, les Hutu représentent environ 85 % de la population du Burundi.
En octobre 1993, peu après son élection, le président Ndadaye est assassiné par des militaires tutsis, provoquant une guerre civile entre Hutus et Tutsis dans le pays. Le Burundi entre alors dans une période d’instabilité, avec plusieurs gouvernements de transition et de brefs coups de force militaires. Cette période sera aussi sanglante pour le pays.
Deuxième prise de pouvoir de Buyoya (1996–2003)
Le 25 juillet 1996, Buyoya revient au pouvoir par un second coup d’État, renversant le président Sylvestre Ntibantunganya, en pleine guerre civile. Son retour est condamné par la communauté internationale, notamment par les pays africains, qui imposent des sanctions économiques contre le Burundi. Pour calmer tout le monde, il initie un processus de paix, notamment des négociations avec les groupes armés et les partis politiques. En 2000, il signera les Accords d’Arusha, qui visent à mettre un terme à la guerre civile (300 000 morts entre 1993 et 2006), et quitte le pouvoir en 2003 conformément à ces accords. En partant, il a cédé pacifiquement le pouvoir à Domitien Ndayizeye, un Hutu, conformément aux accords de paix. Ces Accords d’Arusha pour la paix et la réconciliation ont été signés avec l’aide de médiateurs comme Nelson Mandela et le Tanzanien Julius Nyerere. Buyoya décède à Paris à l’âge de 71 ans, des suites du Covid-19.
Au Ghana, des violents coups d’Etat de Jerry Rawlings
Au Ghana, Jerry Rawlings représente une figure emblématique de l’histoire contemporaine du pays. Né le 22 juin 1947 à Accra, au Ghana, d’un père écossais et d’une mère ghanéenne, il intègre l’armée de l’air du Ghana et obtient son diplôme en 1969. Il devient lieutenant d’aviation puis va gravir les échelons au sein de la grande muette. En 1979, il tente son premier coup d’État contre le régime militaire du général Fred Akuffo, dénonçant la corruption et les inégalités. Mais son action échoue. Jerry Rawlings est arrêté, jugé et condamné à mort, mais il devient très populaire parmi la population et les jeunes soldats. Le 4 juin 1979, de jeunes officiers le libèrent et le placent à la tête du pays après un coup d’État réussi. Il dirige brièvement le Conseil des Forces armées révolutionnaires (AFRC). Le nouveau chef d’Etat militaire a de l’aversion pour la classe politique ghanéenne qu’il estime corrompue. Alors, il aura comme mot d’ordre : « nettoyer » les écuries d’Augias de ce pays anglophone d’Afrique de l’Ouest. Pour ce faire, il va faire exécuter plusieurs anciens chefs d’État et généraux de l’armée dont le général Fred Akuffo (son prédécesseur) pour corruption après des procès. Mais quelques années plus tard, il va exprimer ses regrets concernant ces exécutions. Trois mois seulement après ce putsch, soit en septembre 1979, il remet le pouvoir à un président civil élu, Hilla Limann, mais reste influent dans l’ombre.
Un deuxième coup d’Etat pour un long règne (1981–2001)
Deux ans après son premier coup d’Etat, soit le 31 décembre 1981, Rawlings organise un deuxième coup d’État, renversant le président Limann, qu’il juge inefficace. Il établit le Conseil provisoire de défense nationale (PNDC) et dirige un régime autoritaire fondé sur des principes révolutionnaires et populistes. Face à une grave crise économique, il opère un revirement en politique économique, ouvrant la voie à des collaborations notamment avec la Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI). Il applique des programmes d’ajustement structurel, avec des résultats mitigés : croissance relancée mais une forte pauvreté persiste dans le pays. Sur le plan de la politique étrangère, il tisse des liens avec Fidel Castro et Mouammar Khadafi, devenant presque l’ami de ces leaders. En 1992, il introduit d’élections multipartites, date à laquelle il est lui-même élu pour la première fois président de la République. Réélu pour la dernière fois en 1996, puisque, selon les termes d’une constitution dont il est lui-même l’auteur, aucun président ne peut se représenter une troisième fois.
Après deux mandats officiels, il quitte ainsi le pouvoir en 2001, et, fait rare en Afrique, de manière pacifique et volontaire. Après quasiment dix-neuf années d’exercice ininterrompu, il apporte son soutien à son dauphin et vice-président, John Atta-Mills. Mais ce dernier ne réussit à remporter le scrutin face à John Kufuor, candidat du parti d’opposition New Patriotic Party (NPP). Il décède en 2020, à Accra, à l’âge de 73 ans. En Afrique et particulièrement au Ghana, il passe pour un modèle. Son charisme, son franc-parler et sa proximité avec les classes populaires l’ont rendu populaire. Grâce à lui, le Ghana a stabilisé sa démocratie et le cycle électoral a régulièrement continué jusqu’à l’élection en 2025 du président John Dramani Mahama. Ce dernier a battu Nana Akufo-Addo, qui était en poste depuis 2017. Aux yeux de certains médias, Jerry Rawlings a incarné une extraordinaire carrière. « Peu de dirigeants, même parmi les plus colorés d’Afrique, ont pu égaler l’extraordinaire carrière de Jerry Rawling : deux fois chef d’un coup d’État militaire et deux fois élu à la présidence du Ghana », commente la BBC à l’occasion des funérailles de cette personnalité politique ghanéenne à Accra. Rawlings est resté une figure influente de la vie politique ghanéenne et souvent sollicité comme médiateur en Afrique.
Amadou Toumani Touré au Mali : du putschiste à un élu civil
Dans l’histoire post-indépendance du Mali, un dirigeant a aussi marqué son époque parmi tant d’autres : Amadou Toumani Touré. Souvent surnommé « ATT », il fut une figure politique majeure du pays. Né le 4 novembre 1948 à Mopti, au centre du Mali, Amadou Toumani Touré suit une formation militaire au Mali, en Union soviétique, et en France (École d’application de l’infanterie à Montpellier). Il est arrivé au pouvoir en participant à un coup d’État militaire contre le général Moussa Traoré qui dirigeait le Mali d’une main de fer.
Arrivé au pouvoir par un coup d’État en 1968, le président Moussa Traoré impose un parti unique, l’Union démocratique du peuple malien (UDPM), fortement contesté en raison de graves crises économiques. Cette contestation s’intensifie à la fin des années 1980 avec des crises économiques récurrentes et la soif de démocratie dans un contexte de multipartisme en Afrique de l’Ouest. Plusieurs grèves syndicales et estudiantines s’enchaînent et paralysent le pays. Le régime militaire du parti unique réprime dans le sang toutes velléités démocratiques. Ce qui ouvre la voie à un coup d’Etat. Le 26 mars 1991, un groupe de militaires mené par le lieutenant-colonel Amadou Toumani Touré renverse le général président et le met aux arrêts. Il sera jugé et condamné à mort en 1993. Un Comité transitoire pour le salut du peuple (CTSP) est créé et l’UDPM, le parti de l’ex président, est dissous. Soumana Sacko a été nommé chef du gouvernement d’Amadou Toumani Touré. Après ce putsch, ce président de transition avait pris des engagements pour organiser les élections. Quatre mois plus tard, une tentative de putsch, qui visait le nouvel homme fort de Bamako, échoue. Soupçonné d’avoir participé à cette conjuration, le ministre de l’Intérieur est arrêté le 15 juillet 1991. En 1992, des élections législatives ont lieu conformément aux engagements du président putschiste. Organisé en avril 1992, le second tour de cette élection a vu Alpha Oumar Konaré l’emporter face à Tieoule Mamadou Konaté, son rival.
ATT revient au pouvoir par les élections en tant que civil
Après la victoire d’Alpha Oumar Konaré, ce dernier organise le Mali en engageant le pays sur la voie de la démocratie. Après des réformes politiques et économiques, l’année 1997 sera marquée par sa réélection à la tête du pays et la victoire aux législatives de son parti, l’Alliance pour la démocratie au Mali-Parti africain pour la solidarité et la justice (Adema-Pasj). Même si des irrégularités et la controverse ont entaché les résultats contestés par l’opposition, le pays se dirigera tout de même vers la fin du dernier mandat de Konaré. En 2002, ATT réapparaît dans la sphère politique. Cette fois-ci, il est devenu civil après sa retraite anticipée de l’armée. Il va concourir à la présidentielle de 2002 et l’emportera le 1er septembre de cette année. Il restera célèbre pour avoir joué un rôle central dans la démocratisation du pays dans les années 1990, après avoir renversé une dictature militaire, puis pour avoir dirigé le pays comme président élu. Son parcours se distingue par sa réputation de « soldat de la démocratie » jusqu’à sa chute en 2012. Cette année, le pays a malheureusement sombré dans un nouveau putsch. Le 22 mars, le général Amadou Haya Sanogo prend le pouvoir. ATT va mourir le 10 novembre 2020 à Istanbul, en Turquie, à l’âge de 72 ans, à la suite d’une opération cardiaque.
Une situation qui guette certains pays africains
En Afrique, cette tendance à revenir au pouvoir après avoir fait son temps guette certains anciens chefs d’Etat. En Afrique du Sud, Jacob Zuma, après avoir été forcé à la démission, tente de revenir aux affaires de plusieurs manières. Ecarté de l’ANC, parti principal du pays, il a créé son propre parti pour tenter de revenir aux affaires grâce aux résultats des législatives. Ce qui a émietté les sièges de l’ANC qui, pour la première fois de son histoire, a perdu la majorité absolue au parlement. Ce qui l’a obligé à créer des alliances pour gouverner le pays. À défaut de revenir à la tête du pays qui nécessite une majorité des sièges confortables, Jacob Zuma cherche toutefois à influencer la politique sud-africaine et à regagner une position de force. En RDC, l’ancien président Joseph Kabila semble également être dans cette logique. Ce dernier a presque rallié la rébellion du Mouvement du 23 mars (AFC/M23) qui occupe une partie du pays dans les provinces du Nord et Sud-Kivu. Lors d’une interview aux États-Unis, son conseiller, Barnabé Kikaya, n’a pas mâché ses mots : « Les objectifs du président Kabila ne sont pas en contradiction avec ceux de la rébellion. Ils visent tous à mettre fin à la tyrannie de Tshisekedi ».
Heshima
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