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Opposition en RDC : Kabila, Katumbi et Fayulu, un front uni pour préserver la Constitution ?
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3 mois agoon
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La redaction
Dans un contexte politique marqué par la division historique, certains leaders de l’opposition congolaise semblent vouloir dépasser leurs anciennes rivalités pour contrer le projet de réforme constitutionnelle porté par Félix Tshisekedi et son camp, l’Union sacrée de la Nation (USN). Le défi reste de taille : parviendront-ils à forger un front capable de défendre les principes républicains face à ce que beaucoup perçoivent comme une manœuvre pour prolonger indéfiniment le pouvoir présidentiel ?
Autrefois farouches opposants, Joseph Kabila, Moïse Katumbi et Martin Fayulu amorcent un rapprochement qui surprend. Après une rencontre avec Fayulu le 7 décembre 2024 à Genval (Belgique), Katumbi a, peu avant Noël, dialogué avec Kabila à Addis-Abeba (Éthiopie). Cette nouvelle dynamique, en marge des échéances électorales, vise avant tout à contrer un projet de modification constitutionnelle perçu comme dangereux pour l’avenir du pays.
Unis contre le changement de la Constitution
« Nous sommes réunis parce qu’un danger imminent menace le Congo », affirme Prince Epenge, porte-parole de Lamuka. Selon lui, cette alliance – loin d’être électorale – est une réaction de circonstance face à une tentative de manipulation institutionnelle. Pour Katumbi, il s’agit d’éviter une extension indéfinie du pouvoir de Tshisekedi, tandis que Fayulu insiste sur le fait que le président « joue avec le feu » et promet de s’opposer fermement à toute dérive. D’autres figures de l’opposition, telles que Delly Sesanga, Matata Ponyo ou Denis Mukwege, soulignent que la révision constitutionnelle n’est pas problématique en soi. Ce qui est en cause, c’est la méthode employée, qu’ils jugent frauduleuse et destinée à servir des intérêts personnels. « Nous combattons non pas une réforme, mais une tentative de fraude qui menace nos institutions », déclare Sesanga.
Une alliance contre-nature ?
Selon des proches des leaders, la coopération actuelle ne viserait pas à permettre à l’un d’eux de revenir au pouvoir, mais à préserver un principe fondamental : la sauvegarde de la Constitution. Cette union, marquée par des expériences passées douloureuses, semble motivée avant tout par la défense d’un héritage démocratique que beaucoup jugent indispensable face aux défis sécuritaires et économiques du pays.
La controverse sur la révision de la Constitution
Félix Tshisekedi défend la nécessité d’une mise à jour des institutions pour moderniser le pays et améliorer la gouvernance provinciale. Lors d’interventions à Kisangani et au Grand Kasaï, il a rappelé que la Constitution de 2006 n’était plus adaptée aux réalités actuelles de la RDC. Pour ses détracteurs, cette réforme n’est qu’un prétexte pour instaurer un « coup d’État constitutionnel ». Face aux urgences dans l’Est – marquées par la résurgence du M23, à une crise économique persistante et à un chômage préoccupant – l’opposition estime que repenser la Constitution ne doit pas primer sur la stabilité des institutions. Prince Epenge évoque d’ailleurs un « suicide politique » si l’article 220, encadrant le mandat présidentiel, venait à être modifié. Pour lui comme pour d’autres, la question n’est pas de réviser la Constitution, mais de refuser toute manipulation visant à instaurer un pouvoir autoritaire.
L’Église et le spectre d’un passé récent
La Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO) s’est également prononcée sur ce sujet. Monseigneur N’shole a déclaré lors des États généraux de la Justice que « changer la Constitution serait irresponsable », rappelant que la charte actuelle a permis de résoudre d’importantes crises sécuritaires et reste un pilier de la stabilité nationale.
La situation actuelle rappelle tristement celle de 2016, lorsque des tentatives similaires de modification constitutionnelle avaient déclenché des manifestations violentes et plongé le pays dans une crise politique majeure. Face à la pression populaire et internationale, Joseph Kabila avait dû céder, soulignant l’importance de préserver les acquis démocratiques.
Hubert Mwipatayi
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Nation
Deal minier RDC-USA : des doutes s’installent du côté américain
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9 heures agoon
juin 10, 2025By
La redaction
Depuis février, la République démocratique du Congo (RDC) est en pourparlers avec les États-Unis d’Amérique sur un possible accord sur les minerais stratégiques. Le président congolais, Félix Tshisekedi, tient à l’avancée de ces discussions. Mais à Washington, des doutes s’installent parmi les élus américains. Certains Congressmen exigent une transparence sur le contenu des discussions entre Kinshasa et l’administration Trump. Ces membres du Congrès craignent qu’un deal minier sans garantie de transparence puisse produire un effet inverse : l’aggravation des conflits armés dans l’Est du pays.
Premier pays producteur mondial de cobalt et premier producteur africain de cuivre, la RDC possède aussi la septième réserve mondiale de lithium et ambitionne de représenter 30 % des exportations mondiales de germanium. Tous ces minerais sont cruciaux pour la transition énergétique, notamment pour la fabrication de batteries électriques, de téléphones portables, ainsi que pour les industries aéronautique et militaire.
Ces ressources congolaises continuent d’attiser les convoitises. Alors que la Chine contrôle la plus grande partie de la production mondiale de terres rares, les États-Unis semblent être à la traîne à cet égard. D’où l’intérêt que porte l’administration Trump aux négociations d’un « deal minier » avec la RDC en échange notamment de la sécurité dans l’Est du pays miné par des conflits armés souvent soutenus par le Rwanda ou l’Ouganda. Seulement, les doutes commencent à apparaître chez certains Américains. Il y a quelques jours, cinq membres du Congrès ont adressé une correspondance à Massad Boulos, le conseiller spécial pour l’Afrique à la Maison Blanche. Dans cette missive, révèle RFI, ils expriment leur inquiétude sur la transparence dans les discussions en cours. Ces élus veulent savoir ce que contiennent précisément les discussions entre les États-Unis et la RDC sur ces minerais.
Risques d’aggravation des conflits en RDC
Ces Américains craignent que si les clauses de cet accord en discussion ne sont pas rendues publiques, cela pourrait aggraver les conflits armés dans l’Est de la RDC. Ces élus sont donc inquiets en raison du manque de transparence des discussions, notamment sur les conditions d’accès aux ressources congolaises, mais aussi sur la manière dont ces richesses seront gérées. Les élus américains demandent aussi un briefing officiel sur les négociations en cours. Ils veulent des précisions sur la « Déclaration de principes » signée en avril dernier entre Kinshasa et Kigali sous médiation américaine, mais aussi sur la manière dont les questions humanitaires seront prises en compte dans ce deal. Pour ces élus, sans garanties claires, ce partenariat pourrait aggraver les conflits et la corruption, au lieu d’apporter la paix et le développement.
Au pays, des doutes légitimes apparaissent également. « Nous constatons que le point de départ, ce n’est pas la reconnaissance de l’agression de la RDC par le Rwanda. Donc, on fait fi d’une réalité incontestable et on veut bâtir une autre réalité partant d’autres considérations essentiellement d’ordre économique. », fait observer Martin Ziakwau, professeur de l’Université catholique du Congo. Même si l’accord en discussion parait vital pour le gouvernement congolais qui espère obtenir au-delà des capitaux frais américains, une garantie sécuritaire notamment contre le Rwanda dans l’est du pays, le doute ne quitte pas encore les esprits des Congolais après avoir été témoins de 30 ans d’instabilité dans l’Est du pays. Mais pour trouver un tel accord, Washington associe Kigali dans les discussions. Au terme des négociations, il est fort probable qu’il y ait trois accords. Le premier concernera la RDC et le Rwanda, le deuxième portera sur les rebelles du Mouvement du 23 mars (AFC/M23) à Doha, au Qatar, et, enfin, un troisième accord liera Washington et Kinshasa sur les minerais stratégiques.
Quelles mines à offrir aux Américains ?
Une autre préoccupation dans ce deal, c’est l’accès des Américains aux mines congolaises. La plupart des mines au pays sont tenues par des sociétés chinoises ou européennes. En dehors de la mine de Bisie gérée par l’Américain « Alphamin », troisième producteur mondial d’étain, située dans le territoire de Walikale au Nord-Kivu, les Américains n’ont plus un accès suffisant aux gisements du pays. Ils contrôlaient les mines de Tenke Fungurume Mining (TFM) via Freeport McMoRan au Lualaba, mais elles ont été rachetées en 2016 par le Chinois « China Molybdenum ».
Pour résoudre ce problème d’accès aux mines, le gouvernement congolais inventorie les gisements dans lesquels l’État a des parts pour, peut-être, les confier aux Américains. Au sein de l’opinion congolaise, les interrogations se multiplient. Quelles sont les offres faites aux Américains ? Et à quelles conditions ? Pour Jean-Pierre Okenda, chercheur sur la gouvernance minière, il faut connaître les intentions du gouvernement en matière d’offre. « Quelles sont les principales articulations de cette offre adressée aux Américains sur l’exploitation des ressources naturelles ? », s’interroge-t-il. Pour le professeur Martin Ziakwau, le premier problème est « l’opacité » autour des discussions qui engagent des États.
Avant le début des discussions autour de ce possible deal, l’administration américaine avait déjà commencé à s’intéresser aux gisements miniers de la RDC. Elle pourrait même négocier des mines déjà occupées par d’autres opérateurs. Sous sanctions américaines depuis 2017, Dan Gertler pourrait céder certains de ses actifs miniers aux Américains en contrepartie de la levée ou de l’allègement des sanctions qui pèsent contre lui. Proche de l’ancien président Joseph Kabila, le magnat israélien des mines en RDC pourrait négocier un tel accord. Ce qui pourrait permettre aux Américains de revenir dans la course aux minerais critiques face à une Chine qui a suffisamment marqué des pas.
Interrogé par Le Monde en octobre 2024, Jean Claude Mputu, directeur adjoint de l’ONG Resource Matters et porte-parole de la plateforme « Le Congo n’est pas à vendre » (CNPAV), estimait déjà que cette logique était plausible avant même la proposition du deal minier entre Kinshasa et Washington. Pour lui, Dan Gertler cherche à convaincre le gouvernement américain de signer l’accord qui conduira à un allégement des sanctions du Trésor qui le visent. Refus d’un partage des richesses avec le Rwanda Le Rwanda est accusé de participer à un commerce transfrontalier illicite de minéraux en provenance de la RDC. Des experts des Nations Unies ont rapporté que d’importantes quantités de coltan, en particulier, ont été exportées clandestinement de la RDC vers le Rwanda. Il en est de même pour l’or et d’autres minerais. Pour faire prospérer cette contrebande, Kigali est accusé de contribuer au soutien et au financement de groupes armés qui pillent les minerais congolais notamment l’AFC/M23 qui contrôle la mine de Rubaya, dans le territoire de Masisi, au Nord-Kivu. Ces accusations ont conduit à des tensions diplomatiques et à des appels à la suspension de certains accords entre l’Union européenne et le Rwanda sur les matières premières. Une bonne partie de l’opinion congolaise refuse de voir la RDC partager ses richesses avec le Rwanda, comme l’avait suggéré l’ancien président français Nicolas Sarkozy.
Dans ce deal, les détracteurs du président Félix Tshisekedi parmi lesquels Claudel Lubaya et Seth Kikuni l’accusent de vouloir devenir l’agent des Américains dans les Grands Lacs, comme au temps de Mobutu. « Il voudrait ainsi, à l’instar de Mobutu durant les années sombres de la guerre froide, devenir le nouvel agent américain », ont-ils écrit dans un communiqué en mars. Félix Tshisekedi a rejeté ces accusations de bradage des minerais pour s’attirer les faveurs des Américains. Lors d’une interview accordée le 19 mars à la chaîne américaine Fox News, un média réputé proche de l’administration actuelle de la Maison Blanche, le chef de l’Etat congolais avait rejeté toute accusation de bradage pour sauver son fauteuil. D’ailleurs, pour faire accélérer les discussions, la présidence congolaise a mis en place – fin mai – une cellule de coordination afin de suivre les négociations autour de cet accord sur les métaux critiques avec les États-Unis. Un deal qui peut peser jusqu’à 500 milliards de dollars, sans compter des avantages en termes de sécurité pour l’Est du pays. Le plus important pour le pays, c’est d’éviter de répéter les erreurs du passé, notamment avec le contrat chinois de 2008, signé sous la présidence de Joseph Kabila.
Heshima
Nation
Réforme de l’armée congolaise : un rempart pour la sécurité et la relance économique ?
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15 heures agoon
juin 10, 2025By
La redaction
Dans un contexte où la République démocratique du Congo (RDC) fait face à une recrudescence alarmante de la violence dans ses provinces orientales, la réforme des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) apparaît comme l’enjeu stratégique majeur pour l’avenir du pays. Alors que les dépenses militaires congolaises ont plus que doublé en 2023 pour atteindre 794 millions de dollars, cette augmentation budgétaire sans précédent interroge sur la capacité réelle du gouvernement du président Félix Tshisekedi à transformer structurellement une institution minée par des décennies de conflits, de corruption et d’inefficacité. La question n’est plus de savoir si cette réforme est nécessaire, mais plutôt si elle peut encore éviter l’effondrement total de l’autorité étatique dans certaines régions et débloquer le potentiel économique colossal du pays.
Dans les provinces orientales du Nord-Kivu, du Sud-Kivu et de l’Ituri, l’insécurité est chronique. Plus de 120 groupes armés, dont le M23, soutenu par le Rwanda, sévissent dans ces régions, provoquant des déplacements massifs et des violations des droits humains.
Les chiffres glaçants du HCR révèlent l’ampleur du drame : 6,1 millions de Congolais survivent aujourd’hui en tant que déplacés internes, un record mondial accablant. Ce bilan s’inscrit dans l’hécatombe persistante qui frappe le pays depuis 1996 avec plus de 10 millions de morts, soit le conflit le plus meurtrier depuis 1945 marquant la fin de la seconde guerre mondiale.
La réforme de l’armée congolaise s’impose aujourd’hui comme une priorité stratégique pour contenir l’emprise des groupes armés et réduire les ingérences venues de la région. Le M23, appuyé par un arsenal sophistiqué d’origine rwandaise, illustre crûment les failles persistantes des FARDC, comme le souligne un article de la chaîne allemande Deutsche Welle du 14 mars 2025. Une armée restructurée et crédible pourrait non seulement restaurer la confiance des populations, mais aussi assurer un meilleur contrôle des frontières, en particulier face au Rwanda, régulièrement accusé de soutenir des milices opérant sur le sol congolais.
« Une armée infiltrée ne peut pas défendre la nation. Le brassage a ouvert la porte à des loyautés divisées, et nous en payons encore le prix », déclare un colonel à la retraite à Kinshasa. Cette urgence sécuritaire est d’autant plus pressante que l’insécurité paralyse l’exploitation des ressources, un moteur potentiel pour l’économie congolaise.
Le brassage : une erreur stratégique aux conséquences durables
La politique de brassage, lancée en 2009 après les accords de Goma, visait à intégrer d’anciens rebelles, notamment ceux du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP), dans les FARDC. Présentée comme une solution pour unifier l’armée nationale, elle a eu l’effet inverse, affaiblissant gravement l’armée congolaise. L’intégration massive d’éléments du CNDP, majoritairement des Tutsis ayant combattu contre la RDC avec le soutien du Rwanda, a introduit des loyautés étrangères au cœur de l’armée. Ces ex-rebelles, formés, armés et soutenus en renseignements par Kigali, sont, pour la plupart, restés fidèles à leurs anciens parrains, compromettant la cohésion nationale.
L’un des problèmes majeurs du brassage fut l’absence de critères rigoureux pour l’intégration. Les rebelles du CNDP ont conservé leurs grades, souvent attribués sans respect des procédures militaires standard, ce qui a créé des tensions avec les officiers loyalistes. De plus, ces éléments refusaient systématiquement d’être mutés hors des provinces de l’Est, notamment le Nord et le Sud-Kivu, où ils pouvaient maintenir leur influence et leurs réseaux. « Ces officiers agissaient comme une armée dans l’armée, suivant leurs propres agendas », confie anonymement un sergent des FARDC.
Le Rwanda, qui cherche à maintenir une emprise régionale, n’avait aucun intérêt à voir les FARDC se renforcer au point de rivaliser avec son armée, voire le dépasser. Les incursions répétées de l’armée rwandaise et le soutien aux groupes rebelles comme le M23, suggèrent une stratégie délibérée pour affaiblir les FARDC. Le brassage a facilité cette infiltration, transformant l’armée congolaise en un outil vulnérable aux manipulations extérieures. « Le Rwanda voulait garder un contrôle indirect sur l’Est congolais. Le brassage leur a donné les clés », analyse Clara Palin, experte européenne en sécurité.
Cette politique, orchestrée sous la présidence de Joseph Kabila, est aujourd’hui perçue par certains comme une erreur monumentale, voire un acte de complaisance. En intégrant des éléments hostiles à l’État congolais, le brassage a non seulement affaibli les FARDC, mais a aussi semé les graines des conflits actuels, notamment la résurgence du M23.
Autres obstacles à la réforme
Au-delà du désastre du brassage, d’autres défis entravent la réforme des FARDC. Le budget de la défense, évalué à 796,56 millions de dollars en 2025, une première dans l’histoire de la RDC selon Global Firepower, est insuffisant pour équiper une armée d’environ 135 000 hommes. La corruption détourne une part importante de ces fonds, comme le souligne le Congo Research Group (GEC), laissant les soldats sous-payés et démotivés. Les équipements sont obsolètes, et les systèmes de communication, souvent limités, contrastent avec les technologies avancées des groupes comme le M23 équipé par le Rwanda. La formation, bien que soutenue par la MONUSCO et l’Union européenne, reste inadaptée aux défis asymétriques de l’Est.
Une armée réformée pour relancer l’économie
Une armée professionnelle, affranchie des influences étrangères, pourrait transformer la RDC en sécurisant les corridors miniers, les routes commerciales et les zones frontalières. Avec des réserves de cobalt, de cuivre et d’or estimées à plusieurs trillions de dollars, ainsi que plus de 80 millions d’hectares de terres arables, l’insécurité actuelle dissuade les investisseurs. Selon le Center for Strategic and International Studies (CSIS), plus de 90 % de l’or congolais était passé en contrebande via le Rwanda et l’Ouganda en 2022, privant le pays de revenus importants. Une armée réformée pourrait contribuer à la formalisation du secteur minier artisanal, qui emploie près de deux millions de personnes, réduisant la violence et attirant des firmes internationales.
« Sécuriser les mines et les routes créerait des emplois et augmenterait les recettes fiscales, mais cela exige une armée loyale à la nation, pas à Kigali », explique Marie Nzuzi, étudiante en Droit international à l’université de Kinshasa. La sécurisation de corridors comme la route Goma-Bukavu pourrait réduire les coûts logistiques, estimés à 30 % plus élevés qu’ailleurs, note la Banque mondiale. Cela stimulerait les exportations et l’économie locale, renforçant une croissance stagnante à 5,8 % en 2024.
Leçons des voisins africains
D’autres pays offrent des modèles contrastés. Le Rwanda a bâti une armée disciplinée post-génocide, soutenant une croissance de 8,5 % en 2024, selon des rapports d’experts, mais son modèle autoritaire est difficilement transposable. L’Angola, après sa guerre civile, a intégré les forces de l’UNITA de Jonas Savimbi dans une armée nationale unifiée, comme stipulé dans le mémorandum de Luena, attirant des investissements pétroliers pour une croissance de 3,8 % en 2024, selon la plateforme d’intelligence commerciale International Trade Portal. L’Ouganda a sécurisé ses ressources grâce à une armée centralisée, bien que critiquée. Ces exemples montrent qu’une armée cohérente peut soutenir la stabilité.
Le P-DDRCS : une nouvelle chance ?
Le Programme de désarmement, démobilisation, réinsertion communautaire et stabilisation (P-DDRCS), lancé en 2021, ambitionne de démobiliser les combattants des groupes armés et de renforcer la cohésion nationale. Soutenu par l’agence des Nations Unies spécialisée dans les migrations (OIM), il promeut une approche nationaliste. En 2025, des centres de réinsertion sont opérationnels dans le Nord-Kivu et l’Ituri, mais le financement reste un défi. Contrairement au brassage, le P-DDRCS devra éviter d’intégrer des éléments non loyaux et investir dans la formation et la transparence. « Le P-DDRCS peut réussir là où le brassage a échoué, à condition de ne pas répéter les erreurs du passé », insiste Clara Palin.
Vers un avenir incertain
La réforme des FARDC est cruciale pour sécuriser la RDC et relancer son économie, mais le legs toxique du brassage de 2009 continue de hanter l’armée. En intégrant des éléments loyaux au Rwanda, cette politique a affaibli les FARDC, facilitant les ingérences régionales et prolongeant l’insécurité. Une armée professionnelle, purgée d’infiltrations, pourrait sécuriser les ressources et attirer les investisseurs. Le P-DDRCS offre une lueur d’espoir, mais son succès dépendra d’une volonté politique inébranlable et d’un soutien international. « La RDC paie encore le prix d’une décision qui, pour beaucoup, fut une erreur stratégique, sinon une trahison. », se désole Luc Kabati, spécialiste des questions sécuritaires de la région des Grands Lacs.
Heshima Magazine
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RDC : du parti-État à 910 partis plus tard, où va la démocratie ?
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1 jour agoon
juin 9, 2025By
La redaction
La République démocratique du Congo (RDC) est un kaléidoscope politique où s’entremêlent ambitions, identités et luttes de pouvoir. Avec 910 partis politiques enregistrés en 2023, selon le ministère de l’Intérieur, le pays détient un record qui fascine autant qu’il interroge. Cette profusion, loin d’être un simple chiffre, raconte une histoire tumultueuse, entre ferveur démocratique et fragmentation chaotique.
Sous la tutelle belge, les Congolais étaient privés de voix politique, mais des associations culturelles et des cercles d’ « évolués » ont jeté les bases d’une résistance discrète. En 1957, les réformes coloniales ouvrent la porte à la création de partis, et à l’aube de l’indépendance en 1960, plus de 200 formations émergent, souvent ancrées dans des identités ethniques. Le Mouvement national congolais (MNC) de Patrice Lumumba et l’Alliance des Bakongo (ABAKO) de Joseph Kasa-Vubu incarnent cette lutte pour l’émancipation. Malgré leur fragmentation, ces partis galvanisent la population, canalisant l’aspiration à la liberté face à l’oppression coloniale. Leur diversité reflète déjà la complexité d’un pays aux 200 groupes ethniques, mais aussi les germes d’une instabilité future.
Les premières années : un pluralisme explosif
L’indépendance de 1960 marque l’entrée dans une ère de foisonnement politique. Environ 250 partis se disputent 137 sièges lors des élections de cette année-là, un chiffre qui illustre l’effervescence mais aussi la fragilité de la jeune démocratie. Les rivalités ethniques et les luttes de pouvoir, comme la sécession du Katanga portée par Moïse Tshombe, plongent le pays dans le chaos. En 1965, 233 partis se présentent pour 167 sièges, mais cette surabondance paralyse la gouvernance. L’incapacité à forger un consensus ouvre la voie au coup d’État de Joseph-Désiré Mobutu, qui met fin à ce multipartisme désordonné, révélant les limites d’un pluralisme mal structuré.
Sous Mobutu : l’ombre du parti unique
En 1966, Mobutu fonde le Mouvement populaire de la révolution (MPR), qui devient en 1970 le seul parti autorisé. Chaque citoyen est membre d’office, et l’opposition est étouffée. Cette centralisation impose une stabilité de façade, mais au prix d’une liberté politique sacrifiée. En 1990, sous la pression internationale et des mouvements internes, Mobutu cède à une ouverture partielle, autorisant des partis comme l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS). Cette transition timide marque le retour d’une pluralité politique, mais dans un climat de méfiance et de répression persistante.
L’ère Kabila : une démocratie fragmentée
Après la chute de Mobutu en 1997, l’arrivée de Laurent-Désiré Kabila, puis de son fils Joseph en 2001, ravive le multipartisme. En 2006, 278 partis sont officiellement enregistrés auprès du ministère de l’Intérieur, un nombre qui grimpe à 599 en 2011, selon les données de la Commission électorale nationale indépendante (CENI). Les élections de 2011, marquées par 98 partis représentés à l’Assemblée nationale, illustrent cette fragmentation : 45 partis n’obtiennent qu’un seul siège, et 74 en ont moins de cinq. Les élections de 2018, toujours sous Joseph Kabila, confirment cette tendance, avec des tensions et des accusations d’irrégularités, soulignant les défis d’une démocratie encore fragile.
Sous Tshisekedi : une inflation record
Depuis l’arrivée de Félix Tshisekedi en 2019, le nombre de partis a explosé, atteignant 910 en 2023, selon le ministère de l’Intérieur. Les élections de décembre 2023, où Tshisekedi est réélu avec 73 % des voix, voient une participation massive de partis, mais beaucoup sont des « partis de tiroir » ou « mallettes », sans ancrage populaire. La coalition de l’Union sacrée de la nation domine l’Assemblée nationale, mais la gouvernance reste entravée par les conflits dans l’Est du pays et une fragmentation politique persistante. Ce chiffre de 910 partis, comparé aux 278 de 2006 et 599 de 2011, traduit une dynamique où la quantité l’emporte souvent sur la qualité.
Une profusion qui interroge
Plusieurs facteurs alimentent cette multiplication des partis. La diversité ethnique, avec plus de 200 groupes, favorise l’émergence de formations régionales ou communautaires. La loi n° 04/002 de 2004, qui régit l’enregistrement des partis, impose des exigences minimales, facilitant ainsi la création de nouvelles entités. L’opportunisme politique prospère également : certains partis naissent pour capter des financements publics ou négocier des alliances lucratives. La fragmentation de l’opposition, où les leaders préfèrent créer leur propre structure plutôt que de s’unir, accentue cette tendance. À l’approche des scrutins, comme en 2011, 2018 ou 2023, cette prolifération s’intensifie, chaque acteur cherchant à se positionner dans le jeu politique.
Un fardeau pour le pays
Cette abondance de partis a des conséquences profondes. Politiquement, elle complique la formation de gouvernements stables, obligeant à des coalitions précaires. Les électeurs, confrontés à des centaines de choix, sont souvent désorientés, ce qui se traduit par une participation en baisse : de 67 % en 2018 à 43 % en 2023. Économiquement, l’instabilité décourage les investissements, freinant le développement d’un pays riche en ressources. Sur le plan sécuritaire, la fragmentation politique peut exacerber les tensions, notamment dans l’Est, où les conflits armés persistent. Socialement, les partis ethniques risquent de creuser les divisions, menaçant la cohésion nationale avec risque de balkanisation. Ce paysage surchargé affaiblit la légitimité démocratique, les « partis mallettes » diluant la crédibilité des processus électoraux.
Dynamique démocratique ou chaos organisé ?
La profusion des partis peut sembler témoigner d’une liberté d’expression et d’une diversité d’idées, piliers d’une démocratie vivante. Mais dans le contexte de la RDC, marquée par des institutions fragiles et des conflits persistants, elle s’apparente davantage à un chaos organisé. Comparée à d’autres pays africains, la RDC se distingue par un nombre exceptionnel de partis : le Nigeria en compte 18, le Kenya 90, et l’Afrique du Sud 52 en 2024. À l’échelle mondiale, des démocraties comme les États-Unis, dominées par deux partis, ou le Royaume-Uni, avec une poignée de formations influentes malgré 393 enregistrées, montrent qu’un système resserré favorise la stabilité. En RDC, la multiplicité des partis, souvent sans programme clair, entrave la gouvernance et alimente la méfiance envers les institutions comme la CENI.
Un chaos à maîtriser d’urgence
Loin de traduire une vitalité démocratique, la prolifération incontrôlée des partis politiques en RDC fragilise les institutions, fragmente les suffrages et nourrit un clientélisme endémique. À ce jour, plus de 900 partis sont enregistrés, pour une poignée seulement disposant d’une réelle assise nationale. Un tel éclatement mine la cohérence des coalitions, rend le parlement ingouvernable, et pousse de plus en plus de voix à appeler à une réforme profonde du système.
Parmi les pistes les plus sérieusement évoquées : le durcissement des critères de reconnaissance des partis. Il s’agirait notamment d’exiger une implantation nationale avérée et continue. Une commission indépendante, composée de magistrats et de représentants de la société civile, pourrait être instituée pour auditer régulièrement l’activité et la conformité des partis existants. À la clé, des radiations automatiques en cas d’infractions ou d’inactivité prolongée.
Autre levier essentiel mais encore inexploité : le financement public. Bien que prévu par la loi de 2008, celui-ci n’a jamais été appliqué, laissant les partis dans une précarité structurelle qui alimente les logiques d’allégeance au pouvoir ou de survie clientéliste. Mettre enfin en œuvre ce financement, selon des critères de représentativité mesurables, inciterait les formations les plus fragiles à se regrouper ou à se retirer, et récompenserait les projets enracinés dans la population. Il conviendrait, par ailleurs, d’exiger qu’un parti ayant présenté des candidats obtienne au moins un siège pour demeurer légalement reconnu, sous peine de radiation.
Pour rompre avec la personnalisation excessive des formations politiques, la loi devrait également imposer des élections internes régulières : tous les cinq ans, sous supervision indépendante. Nul ne devrait pouvoir diriger un parti plus de dix ans d’affilée. Limiter la longévité des présidences internes contribuerait à faire émerger de nouvelles générations de cadres et à renforcer la démocratie interne.
Le mode de scrutin lui-même est sur la sellette. Le système proportionnel intégral actuellement en vigueur favorise l’émiettement du paysage politique et rend la formation de majorités stables quasi impossible. Une réforme instaurant un scrutin mixte, combinant uninominal majoritaire à un tour et proportionnelle avec un seuil d’éligibilité de 5 %, permettrait de rationaliser la représentation, de favoriser des coalitions durables et de recentrer le débat sur les idées plutôt que sur les individus.
Enfin, le maintien de la mesure symbolique : la perte automatique du mandat pour tout élu qui changerait de parti en cours de législature, afin d’en finir avec l’opportunisme et l’instabilité parlementaire chronique.
Mais la régulation juridique, aussi rigoureuse soit-elle, ne suffira pas. C’est une culture politique nouvelle qu’il faut bâtir. Cela passe par l’imposition de la transparence financière, l’obligation de rendre publics les comptes des partis, mais aussi par une éducation civique intégrée dès le cursus scolaire et soutenue par les médias. Redonner du sens à l’engagement politique passe par l’assainissement du système, mais aussi par une prise de conscience collective des dérives d’un multipartisme devenu incontrôlé.
Vers un avenir politique apaisé
L’histoire des partis politiques en RDC reflète les aspirations et les défis d’une nation en quête de stabilité. De la ferveur anticoloniale des années 1950 à l’explosion actuelle de 910 partis, le pays navigue entre pluralisme et désordre. Si cette diversité peut symboliser une vitalité démocratique, elle constitue en réalité un frein à une gouvernance efficace. En adoptant des réformes audacieuses et en s’appuyant sur une vision collective, la RDC peut transformer ce foisonnement en une force, bâtissant une démocratie plus cohérente et inclusive, au service de ses citoyens et de son avenir.
Heshima Magazine
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