Dans les cercles politiques congolais, une question émerge : et si les leaders du PPRD, alliés de Joseph Kabila, rompaient avec lui pour soutenir la cause nationale ? Cette hypothèse prend de l’ampleur alors que la République démocratique du Congo (RDC) fait face à une crise dans sa région orientale, où le M23 et l’AFC, soutenus par Paul Kagame, continuent de déstabiliser. Les dirigeants du PPRD se trouvent confrontés à un choix crucial : rester loyaux à Kabila ou privilégier la patrie.
Pour comprendre l’ampleur de cette hypothèse, il faut remonter aux racines de la crise actuelle. Joseph Kabila, qui a dirigé la RDC de 2001 à 2019, reste une figure énigmatique. Arrivé au pouvoir dans des circonstances tragiques après l’assassinat de son père, le président Laurent-Désiré Kabila, il a présidé pendant près de deux décennies un pays rongé par les conflits, la corruption et les ingérences étrangères. Après avoir quitté officiellement la présidence en janvier 2019, au terme d’un processus électoral contesté par une partie de l’opposition, Kabila s’était retiré dans une semi-retraite politique, conservant néanmoins une influence considérable à travers le PPRD et ses alliés du Front Commun pour le Congo (FCC).
Mais depuis quelques mois, les rumeurs vont bon train : l’ancien chef d’État, discret mais omniprésent, serait impliqué dans les troubles qui secouent l’Est du pays. Le M23, ce mouvement rebelle qui a refait surface en 2021, et l’AFC, une coalition hétéroclite apparue plus récemment dirigée par l’ancien président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), Corneille Nangaa, bénéficient de soutien total du Rwanda. Les regards se tournent vers Kabila, accusé par le président Félix Tshisekedi, certains analystes et même des voix au sein du gouvernement Suminwa de jouer un double jeu. « Prendre les armes contre un gouvernement légitime, s’associer à Kagame, responsable de millions de morts en RDC, pour déstabiliser son propre pays, ce serait une trahison qui dépasse l’entendement », confie un politologue basé à Goma, sous couvert d’anonymat. « Kabila a toujours cultivé une image de patriote discret. Si ces accusations sont fondées, elles pulvérisent cet héritage. », a-t-il ajouté.
Les caciques du PPRD : entre fidélité et dilemme
Au cœur de cette tempête se trouvent les figures emblématiques du PPRD, ces « caciques » qui ont bâti leur carrière sous l’aile protectrice de Kabila. Aubin Minaku, ancien président de l’Assemblée nationale, connu pour sa finesse juridique et son rôle dans la consolidation du pouvoir kabiliste ; Emmanuel Ramazani Shadary, dauphin désigné lors de la présidentielle de 2018, incarnation d’une loyauté indéfectible ; Néhémie Mwilanya, stratège discret et ex-directeur de cabinet de Kabila ; Raymond Tshibanda, diplomate aguerri et ancien ministre des Affaires étrangères, Alexis Thambwe Mwamba, ancien président du Sénat, Henry Mova Sakanyi, ancien ministre de l’Intérieur, … Ces hommes, parmi d’autres, ont été les piliers du système Kabila. Mais aujourd’hui, leur silence face aux accusations contre leur mentor interroge.
Rester fidèles à Kabila, c’est risquer d’être associés à une possible entreprise criminelle contre la nation. Rompre avec lui, c’est renier des années de loyauté et s’exposer à l’incertitude. Pourtant, l’idée d’une dissidence interne au PPRD commence à germer. Et si ces caciques, lassés de porter le fardeau des agissements de leur leader contre leur nation, décidaient de prendre leurs distances ? Et s’ils choisissaient la patrie plutôt que le parti ?
Une révolution au sein du PPRD : un scénario plausible ?
Imaginons un instant ce scénario : dans une salle de réunion à Kinshasa ou Lubumbashi, les ténors du PPRD se réunissent en conclave. Autour de la table, Minaku, Shadary, Mwilanya et d’autres poids lourds du parti. L’ambiance est lourde, les visages tendus. Après des heures de débats, une décision est prise : Joseph Kabila doit être écarté. Dans une déclaration solennelle, diffusée en direct à la télévision nationale, ils annoncent leur désolidarisation. « Nous, cadres du PPRD, refusons de trahir notre pays », proclament-ils. « Les agissements de l’ancien président Joseph Kabila constituent une haute trahison incompatible avec les valeurs que nous défendons. En conséquence, nous le révoquons du parti et de sa présidence. »
Ce geste, aussi spectaculaire qu’inédit, serait suivi d’une refondation interne. Une assemblée extraordinaire est convoquée pour élire une nouvelle direction. Le PPRD, débarrassé de l’hypothèque Kabila, se repositionnerait comme une force patriotique, tournée vers l’avenir. L’enjeu est de taille : en choisissant la patrie, ces caciques pourraient non seulement sauver leur propre crédibilité, mais aussi redonner au PPRD une popularité et une légitimité perdues.
Un signal pour la cohésion nationale
Au-delà des murs du PPRD, cette révolution interne aurait des répercussions profondes sur la scène nationale. Depuis son accession au pouvoir en 2019, Félix Tshisekedi peine à unifier un pays fracturé par des décennies de conflits et de méfiance politique. La guerre dans l’Est, alimentée par des ingérences rwandaises et ougandaises et des luttes intestines, reste une plaie ouverte. Dans ce contexte, un PPRD refondé, débarrassé de ses compromissions, pourrait devenir un allié inattendu dans la quête de cohésion nationale.
Le peuple congolais, épuisé par les guerres et les trahisons successives, pourrait voir dans ce geste une lueur d’espoir. « Si des hommes comme Minaku ou Shadary, longtemps perçus comme des apparatchiks du système Kabila, se dressaient pour défendre la nation, cela changerait la donne », estime une militante des droits de l’homme à Kinshasa. « Ce serait un message puissant : personne n’est au-dessus de la RDC, pas même Kabila. »
Félix Tshisekedi peut approcher le camp adverse
Et si Félix Tshisekedi saisissait cette opportunité historique ? En février 2025, le président avait évoqué la formation d’un gouvernement d’union nationale, une initiative visant à rassembler les forces politiques autour d’un projet commun. Cette annonce a été accueillie avec scepticisme par une bonne frange de l’opposition politique. Imaginons que Tshisekedi tende la main à ces caciques repentis. Lors d’une rencontre discrète, il pourrait leur proposer ce que Kabila, retranché dans l’ombre et discrédité, ne peut plus offrir : des postes de responsabilité au niveau national. Certains de ces caciques pourraient rejoindre le gouvernement d’union nationale annoncé et y jouer un rôle clé.
Ce marché, s’il était conclu, serait un coup de maître pas seulement pour Tshisekedi mais aussi et surtout pour une nation qui a risqué sa perte. En intégrant ces figures du PPRD, il projetterait une image d’unité face aux menaces extérieures, notamment celle du Rwanda. « Félix a tout à gagner », analyse un diplomate occidental basé à Kinshasa. « Il transformerait des ennemis en partenaires, tout en marginalisant Kabila une fois pour toutes. »
Les défis d’une alliance improbable
Bien sûr, une telle alliance ne serait pas sans obstacles. Au sein de l’UDPS, les fidèles de Tshisekedi pourraient voir d’un mauvais œil l’arrivée de ces anciens kabilistes, perçus comme des opportunistes cherchant à sauver leur carrière. Les victimes des années Kabila, celles des répressions, des guerres et des pillages, pourraient crier à l’impunité. Et pourtant, dans un pays où la realpolitik a souvent prévalu, ce compromis pourrait être perçu comme un mal nécessaire pour avancer et sauver le pays.
Un horizon possible
Malgré ces incertitudes, l’hypothèse d’un PPRD choisissant la patrie offre une perspective enthousiasmante. Si les caciques de Kabila faisaient ce pas audacieux, la RDC pourrait sortir grandie de cette crise. Un PPRD refondé deviendrait une force politique crédible, capable de contribuer à la reconstruction nationale. Félix Tshisekedi, en scellant cette alliance, prouverait sa capacité à transcender les clivages pour le bien commun. Et le peuple congolais, trop souvent otage des ambitions de ses dirigeants, pourrait enfin entrevoir un avenir de stabilité.
Et si tout cela n’était pas qu’un rêve ? Et si, face à l’abîme, les caciques de Kabila décidaient d’écrire une nouvelle page de l’histoire congolaise ? À eux, peut-être, de saisir cette chance. À Félix Tshisekedi de tendre la main. La patrie, elle, attend.
Heshima