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Kasa-Vubu, Mobutu et les Kabila : Quel héritage politique ?

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Depuis l’indépendance en 1960, la République démocratique du Congo (RDC) a été profondément marquée par quatre figures centrales : Joseph Kasa-Vubu, Mobutu Sese Seko, Laurent-Désiré Kabila et Joseph Kabila. Ces dirigeants ont façonné, chacun à leur manière, l’histoire politique d’un pays en quête d’unité, de stabilité et de souveraineté. Leurs mandats ont laissé une empreinte durable, entre projets de construction étatique, dérives autoritaires, ambitions panafricaines et luttes pour la survie du pouvoir. À travers des réformes tantôt visionnaires, tantôt incohérentes, des choix cruciaux et des échecs profonds, ils ont contribué à forger les fondements mais aussi les failles d’un État complexe, tiraillé entre centralisme et désintégration, entre espoir démocratique et retour cyclique de l’autoritarisme. L’héritage qu’ils ont légué continue d’irriguer les tensions institutionnelles, les fractures régionales et les débats idéologiques qui traversent encore la nation.

Dans ce pays-continent, la lutte politique et sociale semble devenir perpétuelle. De Kasa-Vubu à Joseph Kabila, certains Congolais n’ont pas visiblement l’impression d’avoir passé ce cap. « Chaque président a marqué le Congo, pour le meilleur ou pour le pire », résume Marie Nzuzi, enseignante à Kinshasa. « Leur histoire est la nôtre. Comprendre leurs choix, c’est comprendre pourquoi nous luttons encore aujourd’hui. »

Joseph Kasa-Vubu : les premiers pas hésitants d’un État indépendant

Joseph Kasa-Vubu, né entre 1910 et 1917 à Kuma-Dizi, dans le Kongo-Central, incarne les balbutiements du Congo indépendant. Fils de l’ethnie Bakongo, formé par des missionnaires catholiques, il commence sa carrière professionnelle comme enseignant, avant de devenir comptable et leader du nationalisme congolais. À la tête de l’Alliance des Bakongo (ABAKO), il transforme cette organisation culturelle en un mouvement politique puissant dans les années 1950. Son élection comme maire de Dendale (actuelle commune de Kasa-Vubu) à Léopoldville en 1957 marque un tournant décisif. Dans son discours d’investiture, appelant à l’indépendance dans un horizon de trente ans, Kasa-Vubu heurte les autorités coloniales belges, mais renforce son image de leader.

Contrairement à Patrice Lumumba, plus radical et porté par un nationalisme panafricain enflammé, Kasa-Vubu adopte une posture plus modérée, prônant un fédéralisme qui garantit l’autonomie des Bakongo. « Il veut un Congo où chaque région a sa voix, mais certains y voient un manque d’audace », analyse Pierre Kisula, historien à Matadi. Cette approche, jugée parfois hésitante, se heurte à la montée de l’indépendantisme radical. Les émeutes de Léopoldville en janvier 1959, déclenchées lors d’un rassemblement interdit de l’ABAKO, illustrent cette tension. Après son arrestation, Kasa-Vubu est libéré deux mois plus tard, consolidant son aura de résistant.

L’indépendance et la crise congolaise

Le 30 juin 1960, Kasa-Vubu proclame l’indépendance de la République du Congo, un moment solennel et historique. Toutefois, cette fierté nationale est rapidement ternie par une série de crises. La mutinerie de l’armée, l’intervention militaire belge et les sécessions du Katanga et du Sud-Kasaï exposent la fragilité d’un État naissant, privé d’élites administratives formées et d’institutions solides.

Kasa-Vubu, premier président, tente de naviguer dans ce chaos amplifié par l’héritage colonial, marqué par l’insuffisance des investissements dans l’éducation et la gouvernance.

Kasa-Vubu–Lumumba, difficile cohabitation et sécessions congolaises

La cohabitation avec Patrice Lumumba, Premier ministre élu en 1960, devient rapidement conflictuelle. Kasa-Vubu, soucieux de stabilité, privilégie un fédéralisme modéré, tandis que Lumumba, résolument de gauche et déterminé à asseoir une unité nationale forte, cherche des alliances internationales, notamment avec l’Union soviétique, en pleine Guerre froide. À peine une semaine après l’indépendance, des mutineries éclatent, contraignant les deux dirigeants à intervenir personnellement pour calmer les soldats.

La sécession du Katanga moins de deux semaines après l’indépendance, proclamée par Moïse Tshombe le 11 juillet 1960 avec le soutien de la Belgique, aggrave considérablement la crise post-indépendance. Pourtant, bien avant la proclamation officielle de l’indépendance, le 30 juin, le Sud-Kasaï avait déjà fait sécession, quinze jours plus tôt. Le 8 août 1960, cet État fédéral, dont la capitale était Bakwanga (actuelle Mbuji-Mayi), déclare officiellement son autonomie. Albert Kalonji en devient président, et Joseph Ngalula est nommé chef de gouvernement dans un contexte de violences interethniques et de rejet des autorités centrales. Quelques mois plus tard, Kalonji se proclamera roi sous le titre de « Mulopwe », accentuant encore la singularité de son entreprise.

La spirale sécessionniste se poursuit au Katanga. Le 11 juillet 1960, Moïse Tshombe, leader de la Confédération des associations tribales du Katanga (CONAKAT), proclame l’indépendance de cette région riche en ressources naturelles. Appuyé par l’Union minière du Haut-Katanga, toujours contrôlée par des intérêts belges, Tshombe bénéficie du soutien de Bruxelles, désireuse de préserver ses intérêts économiques dans la région.

Kasa-Vubu et Lumumba tentent une mission conjointe à Élisabethville (actuelle Lubumbashi), mais Tshombe refuse de recevoir Lumumba, faisant obstacle à toute tentative de réconciliation. Trois ans plus tard, grâce à l’intervention militaire des Casques bleus des Nations unies, l’État du Katanga est finalement réintégré de force au Congo-Kinshasa, et Moïse Tshombe s’exile en Espagne.

Très engagé dans la recherche d’une solution à cette crise, le secrétaire général de l’ONU de l’époque, Dag Hammarskjöld, y laissera sa vie : il périt dans un crash d’avion le 18 septembre 1961, en Rhodésie du Nord (actuelle Zambie). La RDC lui rendra hommage en baptisant le pont Mondjiba à son nom. Il recevra, la même année, le prix Nobel de la paix à titre posthume.

Le conflit avec Lumumba : une rupture décisive

Les tensions entre Kasa-Vubu et Lumumba culminent en septembre 1960. Le 5 septembre, Kasa-Vubu destitue Lumumba, l’accusant de sympathies communistes et de provoquer des désordres, notamment au Kasaï. Lumumba, refusant cette décision, tente de révoquer Kasa-Vubu, ce qui plonge le pays dans une impasse constitutionnelle. La Loi fondamentale de 1960, adoptée précipitamment, instaure un régime semi-présidentiel, où les rôles du président et du Premier ministre sont mal définis, exacerbant la crise. Le coup d’État de Joseph-Désiré Mobutu, alors chef d’état-major, met fin à cette instabilité en arrêtant Lumumba, qui est livré aux forces katangaises et assassiné en janvier 1961. « Kasa-Vubu pense protéger le pays, mais il ouvre la voie à Mobutu », analyse Sophie Maketa, politologue à Matadi.

Cette rupture marque un tournant décisif dans l’histoire de la RDC. La dualité exécutive, source d’instabilité chronique, pose les bases de tensions institutionnelles persistantes, récurrentes jusqu’à aujourd’hui, notamment dans les conflits entre le président et le Premier ministre, comme ce fut le cas sous Mobutu avec Étienne Tshisekedi ou plus récemment avec Sylvestre Ilunga Ilunkamba et Félix Tshisekedi. Bien qu’il ait conservé son poste après le coup de force de Mobutu, l’autorité de Kasa-Vubu s’étiole face à la montée du pouvoir militaire.

La Constitution de Luluabourg et la chute

En 1964, Kasa-Vubu tente de stabiliser le pays en introduisant la Constitution de Luluabourg, qui instaure un régime fédéral avec 21 provinces autonomes et un président exécutif fort. Approuvée par référendum, cette constitution vise à répondre aux tensions ethniques et régionales mais échoue à pacifier le pays. L’accession de Tshombe au poste de Premier ministre en 1964, malgré ses antécédents sécessionnistes, est perçue comme pragmatique mais controversée. En novembre 1965, Mobutu renverse Kasa-Vubu par un coup d’État, suspendant la constitution et mettant fin à la première République.

Un héritage ambivalent

L’héritage de Kasa-Vubu est marqué par une ambivalence. Pionnier de l’indépendance, il pose les bases d’un État souverain, mais ses choix, comme la destitution de Lumumba, exacerbent les fractures politiques et institutionnelles du pays. Son projet fédéraliste, bien qu’innovant, échoue à résoudre les rivalités régionales. Son leadership, souvent perçu comme hésitant, contraste avec l’autorité et le charisme de Lumumba, mais ses efforts pour structurer l’État, à travers la Constitution de Luluabourg, continuent d’influencer les débats actuels sur la décentralisation et les tensions entre le pouvoir central et les provinces.

Mobutu Sese Seko : l’ère de l’autoritarisme centralisé

De 1965 à 1997, Mobutu Sese Seko impose un régime autocratique qui redéfinit radicalement la République du Zaïre. Né en 1930 à Lisala, cet ancien soldat de la Force Publique et journaliste grimpe les échelons militaires pour devenir chef d’état-major en 1960. Cinq ans plus tard, il orchestre un coup d’État qui le propulse au sommet du pouvoir. L’hebdomadaire The Washington Post décrira plus tard comment il façonne un système politique centré sur sa personne, illustré par le Mobutisme, une idéologie qu’il officialise en 1967 avec le Manifeste de la N’sele. Sous le slogan « ni gauche, ni droite, ni même centre », il préconise un nationalisme unique, rejetant à la fois le capitalisme occidental et le communisme soviétique.

Le Mouvement Populaire de la Révolution (MPR), devenu parti-État, constitue le pilier exclusif de la vie politique et sociale. Le culte de la personnalité prend une ampleur démesurée : statues, portraits géants et slogans omniprésents. Mobutu se proclame « Père de la nation », « Guide de la Révolution », voire « Messie ». « On ne pouvait allumer la télévision sans voir Mobutu, c’était oppressant », se souvient Jeanne Mukadi, ancienne fonctionnaire à Kinshasa. À certains moments, rapporte le HCR, les médias sont interdits de mentionner d’autres noms que le sien. Cette monopolisation de l’espace public écrase toute forme d’opposition, transformant les institutions en marionnettes soumises à la volonté du président.

Zaïrianisation : une ambition nationaliste virant au désastre

En 1971, Mobutu rebaptise le pays Zaïre et lance une campagne d’« authenticité » destinée à effacer les traces coloniales. Léopoldville devient Kinshasa, Élisabethville prend le nom de Lubumbashi, et les prénoms chrétiens sont bannis. Il adopte lui-même le nom de Mobutu Sese Seko Kuku Ngbendu Wa Za Banga, signifiant « le guerrier tout-puissant qui va de victoire en victoire ».

Mais c’est surtout la « zaïrianisation » économique, lancée en 1973, qui marque cette phase de son régime. Sous couvert de souveraineté économique, Mobutu nationalise les entreprises étrangères et les redistribue à une élite zaïroise, souvent constituée de proches sans aucune compétence en gestion. Le résultat est désastreux : les unités industrielles périclitent, le secteur minier s’effondre. La chute brutale des cours du cuivre en 1975 aggrave la crise, provoquant une contraction du PIB de 2,5 % et une explosion de la dette. « La zaïrianisation était une idée noble, mais elle a enrichi les amis de Mobutu et appauvri le peuple », déplore Paul Tshibangu, commerçant à Lubumbashi.

Cette politique, loin de libérer l’économie, installe une corruption systémique qui perdure. En 2024, le Corruption Perceptions Index de Transparency International attribue au Zaïre un score alarmant de 20/100, reflet d’un héritage toujours actif. La production de cuivre dans le Shaba (Katanga), qui culminait à 400 000 tonnes dans les années 1980, chute à 30 000 tonnes en 1993, selon Human Rights Watch.

Entre stabilité factice et répression de masse

Dans un pays aux 250 ethnies, Mobutu parvient à maintenir une paix relative. Mais celle-ci repose sur une surveillance constante et une répression implacable. En 1966, quatre figures politiques, dont l’ancien Premier ministre Évariste Kimba, sont exécutées publiquement à Kinshasa. Trois ans plus tard, la répression sanglante des manifestations étudiantes à Lubumbashi fait des dizaines de morts. Le HCR en fait un symbole du climat de terreur. « Vivre sous Mobutu, c’était marcher sur des œufs. On ne savait jamais qui écoutait », se souvient Esther Lubala, militante des droits humains.

Les Forces armées zaïroises (FAZ), politiquement dominées par des officiers de l’ethnie ngbandi, celle de Mobutu, sont marquées par une logique de clan qui nourrit la méfiance envers les autres composantes du pays. En 1980, The Washington Post révèle que les Ngbandi forment l’épine dorsale de l’armée. Lors des invasions du Shaba (1977 et 1978), les FAZ, incapables de défendre seules le territoire, doivent se résoudre à demander le soutien de troupes françaises et marocaines. Cette dépendance accélère la militarisation du pouvoir et introduit l’ethnicisation de l’armée, dont les effets se font encore sentir en RDC.

Un diplomate courtisé devenu paria

Durant la Guerre froide, Mobutu exploite habilement la carte de l’anti-communisme, se positionnant en rempart de l’Occident face à l’expansion soviétique en Afrique. Les États-Unis, la France et la Belgique lui accordent une aide substantielle. Les États-Unis, troisième bailleur du Zaïre à l’époque, le considèrent comme un allié stratégique dans la sous-région. Il dirige l’Organisation de l’unité africaine (OUA) entre 1967 et 1968 et se positionne comme médiateur en Angola en 1989, multipliant les apparitions en tant qu’homme fort du continent.

Mais avec la chute du Mur de Berlin en octobre 1989, sa position géopolitique se dégrade. Mobutu perd son rôle stratégique et, sous la pression internationale, annonce le retour au multipartisme en 1990. Cependant, cette ouverture reste factice, marquée par la cooptation et la violence.

Marasme économique et pillages de 1991 et 1993

Le début des années 1990 consacre le déclin irréversible du régime de Mobutu. L’économie zaïroise est frappée de plein fouet par deux vagues de pillages d’une ampleur inédite. « Des millions de Kinois ne le savent pas : l’avenue du Commerce était l’une des plus belles de la ville. Elle rivalisait même avec le boulevard du 30 Juin, grâce à ses boutiques bien éclairées et richement achalandées, une véritable invitation au lèche-vitrine dans la capitale. Son attraction principale était le cinéma Palace », se souvient Omer Nsongo, un vieux journaliste congolais. Il n’aura suffi que de quelques jours les 23 et 24 septembre 1991, puis le 28 janvier 1993 pour mettre le pays à genoux. L’ensemble du tissu industriel, commercial et social est alors gravement dévasté. Le Zaïre de Mobutu, déjà fragilisé, ne s’en relèvera jamais vraiment. Le régime entre dès lors dans une lente agonie.

En mai 1997, affaibli par la maladie et lâché par ses anciens alliés, Mobutu est renversé par la rébellion de Laurent-Désiré Kabila, soutenue par le Rwanda et l’Ouganda. L’homme qui incarna l’État pendant trois décennies s’exile au Maroc, où il meurt quelques mois plus tard, le 7 septembre.

Un legs controversé, entre nostalgie et ruine

L’héritage de Mobutu est profondément divisé. Il laisse derrière lui une structure d’État centralisée, une diplomatie active, et une forme d’identité nationale postcoloniale. Mais son règne instaure aussi une kleptocratie dont les effets perdurent. Transparency International estime entre 4 et 15 milliards de dollars les sommes détournées durant son mandat. L’exclusion des provinces, l’ethnicisation de l’armée et l’effondrement de l’économie plongent le pays dans une instabilité durable.

À Gbadolite, son village natal devenu une cité luxueuse sous son règne, des voix expriment une certaine nostalgie. « Sous Mobutu, les agriculteurs vivaient de leurs récoltes, le pays avait une voix », se souvient Joseph Loka, fermier à Gemena. Mais d’autres dénoncent l’imposture d’un règne dispendieux. « Mobutu nous a appris à survivre dans le chaos, mais il a pillé nos rêves », conclut Esther Lubala, lucide et amère.

Laurent-Désiré Kabila : la révolution inachevée

Laurent-Désiré Kabila, président de la République Démocratique du Congo (RDC) de 1997 à 2001, incarne une figure révolutionnaire paradoxale, surgissant des coulisses après des décennies dans l’ombre. Né en 1939 à Jadotville (aujourd’hui Likasi), il se distingue dès les années 1960 par son engagement contre le régime de Mobutu, notamment au sein de la rébellion Simba, un groupe de guérilla qui s’opposa au dictateur dans les régions du Katanga. Pourtant, c’est dans les années 1990 qu’il prend réellement l’ascendant en dirigeant l’Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération (AFDL), soutenue par le Rwanda et l’Ouganda, dans le but de renverser Mobutu. L’AFDL capitalise sur l’impopularité croissante de Mobutu, exacerbée par la crise économique et l’arrivée massive de réfugiés hutus après le génocide rwandais de 1994.

Le 17 mai 1997, après une rapide avancée de ses troupes, Kabila entre dans Kinshasa, mettant fin au règne de Mobutu, qui fuit en exil. En proclamant la fin de l’ère Mobutu, Kabila renomme le pays République Démocratique du Congo, marquant symboliquement une rupture avec le passé. Mais cette victoire semble éclipser les doutes sur ses méthodes de conquête. Le soutien militaire des pays voisins, le Rwanda et l’Ouganda, soulève des interrogations sur la légitimité de sa prise de pouvoir. « On voulait un libérateur, mais on a eu un chef de guerre soutenu par des étrangers. Depuis, la guerre n’a jamais pris fin », regrette Paul Tshibangu, commerçant à Lubumbashi. Kabila tente de s’imposer comme un héros national, mais sa méthode violente pour accéder au pouvoir ternit son image.

Une gouvernance autoritaire

Laurent-Désiré Kabila arrive au pouvoir avec la promesse d’un renouveau démocratique. Cependant, ses premières décisions trahissent une dérive autoritaire. Bien qu’il remette le nom initial du pays, le Congo, symbole du retour à la démocratie, ses actions ont vite laissé place à l’autoritarisme. Il suspend la Constitution, dissous les institutions de la transition. Le pays est gouverné par décret. Et tout ceci rappelle Mobutu.

En quelques mois, il suspend les partis politiques et interdit toute activité partisane, tout en nommant lui-même les députés. Cela marque le début d’une gestion autocratique où toute forme de pluralisme est éradiquée. Selon Human Rights Watch, son régime est caractérisé par des arrestations arbitraires, des détentions illégales, des tortures et des disparitions forcées. Une répression qui crée un climat de terreur, rappelant bien des aspects du régime Mobutiste. « Kabila parlait de révolution, mais il gouvernait comme Mobutu », critique Sophie Maketa, activiste des droits humains.

En 1998, après plusieurs années de tensions avec ses anciens alliés rwandais et ougandais, Kabila décide de prendre une mesure radicale : l’expulsion des troupes étrangères. Ce geste, symbolique d’une volonté d’affirmer la souveraineté congolaise, provoque une réaction en chaîne. Le pays plonge alors dans la deuxième guerre du Congo, un conflit d’ampleur continentale impliquant neuf pays africains et de multiples groupes rebelles. Un nouveau front de guerre s’ouvre, et la RDC devient l’épicentre d’une instabilité qui durera plus de dix ans. Laurent-Désiré Kabila, pour contrer ses ennemis, s’allie avec des pays comme le Zimbabwe, l’Angola et la Namibie, redéfinissant les lignes de la géopolitique africaine.

Nationalisme économique et échecs structurels

Sous son régime, Mzee Kabila adopte un discours nationaliste fort, se présentant comme un défenseur des ressources naturelles du pays. Il promet de reprendre le contrôle des mines, un secteur clé dans un pays riche en cobalt, cuivre et diamants. Cependant, ses politiques se révèlent rapidement contradictoires. En 2000, il accorde un monopole sur l’exploitation des diamants à la société israélienne International Diamond Industries-Congo (IDI-Congo), dirigée par Dan Getler, en échange de fonds nécessaires pour financer la guerre, ce qui soulève de vives critiques. La gestion des ressources naturelles reste dominée par des intérêts étrangers, et Laurent Kabila échoue à instaurer les réformes structurelles nécessaires pour redynamiser l’économie et renforcer l’autonomie du pays.

Assassinat et mémoire fragmentée

Laurent-Désiré Kabila est assassiné le 16 janvier 2001 par l’un de ses gardes du corps. Sa mort laisse un vide politique qui sera comblé par son fils, Joseph Kabila, qui prendra la présidence. L’assassinat du père marque la fin d’un cycle révolutionnaire, mais aussi le début d’une dynastie politique qui marquera le pays pendant des années.

Son héritage reste complexe et contradictoire. La statue imposante de Laurent-Désiré Kabila, érigée en 2002 à Kinshasa, symbolise son image de libérateur, mais cette statue est loin d’effacer les dérives autoritaires de son régime. Sa gouvernance, marquée par la répression, la guerre et l’incapacité à transformer le pays, soulève encore des débats. D’un côté, certains congolais saluent sa victoire sur Mobutu, qu’ils perçoivent comme un mal nécessaire. De l’autre, le souvenir de l’injustice sociale, de la guerre et de la corruption qu’il a laissée dans son sillage trouble sa mémoire. « Kabila a mis fin à Mobutu, mais il n’a pas offert une autre alternative », conclut Félix Kasongo, un jeune activiste de Kinshasa.

Joseph Kabila : stabilisation et ombres persistantes

Arrivé au pouvoir en 2001, à la suite de l’assassinat de son père, Laurent-Désiré Kabila, Joseph Kabila devient président à seulement 29 ans, héritant d’un pays dévasté par la « guerre mondiale africaine » qui a fracturé le territoire et alimenté des conflits ethniques et politiques. En 2002, il joue un rôle central dans les Accords de Sun City, qui aboutissent à la formation d’un gouvernement de transition. L’objectif est de réunir les factions belligérantes, tout en amorçant une réforme de l’armée congolaise, le brassage des anciens rebelles dans les FARDC, l’armée nationale. Mais cette intégration, loin de pacifier l’armée, accentue les rivalités internes et l’indiscipline, affaiblissant l’institution militaire en difficulté.

Les élections de 2006 marquent un tournant démocratique avec des élections pluralistes, les premières depuis l’indépendance. Kabila remporte le second tour face à Jean-Pierre Bemba, mais la paix reste fragile. La situation dans l’Est du pays, où des groupes armés comme le M23, soutenu par le Rwanda, continuent de déstabiliser la région, demeure critique. Les Accords de Sun City, bien que salués comme un pas vers la paix, n’ont pas réglé les causes profondes du conflit, notamment les tensions ethniques et les rivalités géopolitiques régionales.

Kabila et son héritage de 5 chantiers

Après la fin de la transition (1+4), Joseph Kabila met en place un vaste programme de reconstruction du pays : les 5 chantiers. Ce programme quinquennal visait à améliorer l’accès à l’éducation, à la santé, à l’emploi, à l’eau et l’électricité et aux infrastructures de base. Avec le recul, certains observateurs pensent que le taux d’exécution de cinq chantiers a été faible. Une autre opinion pense plutôt que le bilan est relativement positif vu que l’exécution de ces projets s’est fait sur fond propres du gouvernement. Lors de son second mandat, Joseph Kabila va consolider ce programme par la « révolution de la modernité ».   

A côté de ces programmes de gouvernance, Kabila met en place une machine politique. En 2002, il fonde le Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD) et met en place une série d’alliances politiques, d’abord sous l’Alliance pour la Majorité Présidentielle (AMP), MP (Majorité présidentielle), puis sous le Front Commun pour le Congo (FCC) en 2018. Ces réseaux de pouvoir l’ont aidé à garder un contrôle politique, mais au prix d’une répression accrue. La liberté d’expression et la presse sont limitées, et les opposants sont systématiquement réprimés. En 2016, les manifestations contre le report des élections prévues pour cette année-là sont violemment réprimées, un tournant qui entame encore un peu plus la légitimité du régime de Kabila.

Les élections de 2011, marquées par des accusations de fraudes massives, et le report des élections de 2016 alimentent les critiques de manipulation électorale. Jean-Marc Kabund, alors leader de l’opposition, dénonce : « Joseph Kabila voulait rester au pouvoir à tout prix, et le peuple en a payé le prix ». Juste avant son départ en 2018, Kabila met en place le FCC, un instrument pour garder son influence même après la fin de son mandat, qui est prolongé à travers son héritage politique, notamment à travers des figures loyales dans les institutions clés.

L’économie du pays, riche en ressources naturelles, aurait pu être un levier pour le développement. En 2018, Kabila promulgue un nouveau code minier qui augmente les taxes sur les exportations pour maximiser les revenus de l’État. Cependant, la gestion de ces ressources est marquée par la corruption. Le clan Kabila, notamment à travers des contrats opaques comme celui signé en 2007 avec la Chine, a été accusé de détournements massifs de fonds. Le fameux « contrat du siècle » a échoué à transformer le pays malgré un investissement chinois de 6 milliards de dollars en infrastructures. Selon l’Inspection Générale des Finances, seulement 18,38 % de ces fonds ont été réellement investis dans des projets concrets. Cela contribue à la persistance de la pauvreté qui touche encore 73 % de la population, exacerbant les frustrations populaires face à une élite enrichie au détriment du développement national.

En 2025, l’image de Kabila est ternie par des accusations graves concernant son possible soutien à la rébellion du M23, active dans l’Est de la RDC. Plusieurs médias internationaux révèlent qu’il a séjourné à Goma, alors sous contrôle des rebelles, en provenance de Kigali. Dans une interview au The Sunday Times, il qualifie le conflit du M23 de « revendication du peuple congolais », une prise de position qui a scandalisé l’opinion congolaise et renforcé les soupçons de son implication dans cette guerre. Le gouvernement de Judith Suminwa réagit en suspendant le PPRD, annonçant la saisine des biens de Kabila et demandant la levée de son immunité de sénateur à vie. Kabila, malgré son absence aux élections de 2023, conserve une forte influence à travers le FCC et son parti le PPRD, et les rivalités politiques continuent d’animer les coulisses de la scène politique congolaise.

Institutions et gouvernance : un héritage d’ambiguïtés

L’histoire politique de la RDC est marquée par des institutions qui, depuis l’indépendance, ont oscillé entre centralisation et fragmentation, autoritarisme et tentatives de démocratisation. Les ambiguïtés qui caractérisent la gouvernance congolaise trouvent leur origine dans la loi fondamentale de 1960, instaurée sous Joseph Kasa-Vubu, et sont exacerbées par les régimes suivants, dont celui de Mobutu, avant d’être réintroduites sous Joseph Kabila. La Constitution de 2006, qui établit un système semi-présidentiel, où le président nomme mais ne révoque pas le Premier ministre, en est un témoignage vivant : elle a engendré des tensions entre la présidence et le Premier ministre, illustrées par la rivalité entre Félix Tshisekedi et Sylvestre Ilunga Ilunkamba, fidèle à Joseph Kabila.

La Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI), créée sous Joseph Kabila, a été largement critiquée pour sa politisation. Héritière des controverses des élections de 2006, 2011 et 2018, elle est perçue par beaucoup comme un outil au service du pouvoir en place. « La CENI est un instrument du pouvoir, pas de la démocratie », déclare Esther Lubala, observatrice des droits humains. Une institution dont l’indépendance, pourtant essentielle pour la légitimité électorale, reste souvent contestée.

L’ambition de fédéraliser le pays, entamée sous Kasa-Vubu avec l’idée de décentralisation, s’est heurtée aux réalités politiques de l’après-indépendance. Bien que la RDC compte désormais 26 provinces, un héritage de cette tentative fédéraliste, la méfiance entre le pouvoir central et les entités provinciales persiste. Les rivalités entre le gouvernement central et les provinces restent un frein majeur à la mise en œuvre des réformes nécessaires à un État inclusif.

Tensions ethniques et sécuritaires : des blessures non cicatrisées

Les tensions ethniques qui ont traversé l’histoire du pays, de Kasa-Vubu à Mobutu en passant par les Kabila, se sont intensifiées avec la militarisation du pouvoir. Sous Kasa-Vubu, l’ABAKO incarnait une forte composante ethnique, et Mobutu a intensifié cette politisation des identités régionales et ethniques. Le manque de gestion adéquate des conflits a laissé des cicatrices profondes. Dans l’Est, les groupes armés sont aujourd’hui majoritairement formés le long des lignes ethniques, une situation exacerbée par le M23 et les accusations de soutien implicite ou explicite à ces mouvements, notamment à l’égard de Joseph Kabila.

Plusieurs rapports onusiens et d’ONG comme Human Rights Watch documentent l’existence de plus de 100 groupes armés actifs dans l’Est du pays. Les violences intercommunautaires dans des régions comme le Kasaï et le Kwilu témoignent également de cette fracture sociale, alimentée par des politiques publiques déficientes. Sophie Maketa, analyste des conflits, résume ainsi la situation : « L’Est est un puzzle que personne n’a su résoudre, et chaque président y a ajouté une pièce cassée ».

La militarisation du pouvoir, héritée de Kasa-Vubu, renforcée par Mobutu et amplifiée par les Kabila, reste un défi majeur. Les FARDC, mal équipées, rongées par des rivalités internes et la corruption, peinent à sécuriser le territoire. L’impunité des forces de sécurité, bien qu’ouverte à des réformes, persiste, freinant les efforts pour une paix durable.

Diplomatie et économie : entre pragmatisme et dépendance

La diplomatie congolaise a toujours navigué entre plusieurs puissances. Sous Kasa-Vubu, la RDC était pro-occidentale, tandis que Mobutu, au plus fort de la guerre froide, a joué une carte anti-communiste avec succès, soutenu par l’Occident. Sous les Kabila, la diplomatie a été diversifiée, notamment avec la Chine, grâce au fameux « contrat chinois » signé en 2007, échangeant des droits miniers contre des investissements en infrastructures. Cette approche pragmatique a permis une stabilité apparente, mais la gestion des ressources minières est restée problématique. Selon le journal Cobalt and Corruption, sous le règne de Joseph Kabila, les richesses générées par l’exploitation minière profitent davantage aux multinationales qu’à la population congolaise.

Les ressources naturelles du pays, telles que le cobalt et le cuivre, sont des atouts économiques majeurs. Mais cette dépendance aux minerais a freiné l’essor d’une économie diversifiée et inclusive. La gestion de ces ressources reste opaque, et les abus de la famille Kabila dans le secteur minier n’ont fait que renforcer la perception de corruption à grande échelle. Paul Tshibangu, ancien membre de la société civile, résume cette frustration populaire : « Nos minerais font la richesse du monde, mais ici, on vit dans la misère ».

Une mémoire collective fragmentée

La mémoire de la gouvernance des présidents de la RDC demeure divisée. Joseph Kasa-Vubu est perçu comme un président discret, voire effacé, souvent éclipsé par la figure de Patrice Lumumba. Mobutu, quant à lui, reste une figure controversée : certains saluent la stabilité qu’il a imposée au pays, mais beaucoup dénoncent son régime kleptocratique et autoritaire. Laurent-Désiré Kabila est célébré pour sa victoire sur le régime de Mobutu, mais son autoritarisme et ses erreurs dans la gestion de la transition restent des sujets sensibles. Quant à Joseph Kabila, il polarise encore le pays : pour ses partisans, il a su ‘stabiliser’ un pays en guerre ; pour ses détracteurs, il a perpétué un système de corruption et d’instabilité.

Surmonter les héritages pour un Congo unifié

L’héritage des anciens présidents de la RDC, de Joseph Kasa-Vubu à Joseph Kabila, est marqué par une succession de promesses non tenues, de crises non résolues et de contradictions profondes. Kasa-Vubu a posé les bases d’un État souverain, mais fragile. Mobutu a assuré la stabilité à travers un régime autoritaire, au détriment des principes démocratiques. Laurent-Désiré Kabila a incarné l’espoir d’une révolution, mais ses échecs en matière de gouvernance sont notoires. Joseph Kabila, après avoir stabilisé le pays, laisse un bilan mitigé. si la RDC a connu un semblant de paix, ses pratiques autoritaires et les accusations de collusion avec des groupes rebelles restent des ombres pesant sur son héritage.

La RDC continue d’être façonnée par les héritages de ces présidences successives, où les défis de la gouvernance, de la sécurité et de la redistribution des richesses demeurent omniprésents. La véritable question reste celle de l’avenir : comment la RDC parviendra-t-elle à dépasser ces divisions et ces ambiguïtés pour répondre enfin aux aspirations profondes de son peuple ? « Le passé nous enseigne, mais c’est à nous de bâtir un Congo uni et juste », conclut Marie Nzuzi, enseignante à Kinshasa.

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RDC : les mouvements citoyens LUCHA et Filimbi sont-ils en perte de vitesse ?

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Véritables porte-étendards des manifestations citoyennes lors de la dernière décennie en République démocratique du Congo (RDC), les mouvements Lutte pour le changement (LUCHA) et Filimbi, qui signifie « coup de sifflet » en swahili, semblent perdre leur cadence depuis le changement de régime politique à la tête du pays. Pourtant, malgré le départ de Joseph Kabila du pouvoir, les défis sociaux et sécuritaires demeurent. L’occupation de certaines villes du pays par les rebelles du Mouvement du 23 mars (M23) a affecté les activités de ces mouvements.

Engagés pour la démocratie, la justice sociale et la bonne gouvernance, les deux mouvements se sont montrés comme des acteurs influents de la société civile lors de la dernière décennie. Fondée en 2012, la LUCHA rassemble plusieurs centaines de jeunes à travers le pays, mais le mouvement a beaucoup fait parler de lui dans les villes de Goma, Beni, Butembo, Lubero et Kinshasa. Malgré les défis sécuritaires et politiques, leur présence et leur action témoignent de leur résilience et de leur détermination à défendre les droits des Congolais.

Cependant, il faut reconnaître que depuis la fin du régime de l’ancien président de la République Joseph Kabila, les actions de ces mouvements ont baissé d’intensité. « Ils avaient focalisé leurs actions notamment sur le départ du pouvoir de Joseph Kabila. Après avoir atteint cet objectif, le reste des actions de la LUCHA et Filimbi n’a pas eu un grand impact », explique un analyste sur les dynamiques politiques en RDC.

LUCHA : un engagement constant pour la démocratie

La LUCHA continue de défendre la dignité humaine, la justice sociale et la démocratie par des actions non violentes. Le mouvement reste actif dans plusieurs provinces, notamment au Nord-Kivu, où il soutient les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) et dénonce les violations des droits humains commises par les groupes armés, y compris le M23 soutenu par le Rwanda. Elle n’hésite pas également à critiquer la gouvernance du président Félix Tshisekedi, l’accusant de renforcer un système autoritaire et de ne pas améliorer les conditions de vie des Congolais.

Dialogue entre Kinshasa et AFC/M23, la LUCHA se positionne

Pour continuer à marquer sa présence dans le débat public, la LUCHA a livré sa position au sujet du dialogue entre le gouvernement congolais et les rebelles de l’AFC/M23, qui se tient à Doha, capitale du Qatar. « Nous tenons à mettre en garde contre des ‘‘accords de paix’’ récompensant les criminels au détriment des victimes, démantelant davantage les services de sécurité et compromettant les principes démocratiques », peut-on lire dans sa déclaration du 24 avril 2025. Ce mouvement se dit donc prêt à s’opposer à tout accord de paix qui viendrait consacrer « une amnistie générale » pour tous les responsables des crimes graves, une « intégration collective » des rebelles au sein de l’armée nationale ainsi qu’une représentation des rebelles au sein des instances politiques du pays.

Filimbi, un mouvement né de la colère socio-politique

Le mouvement citoyen Filimbi, dont le nom signifie « coup de sifflet » en swahili, est né le 15 mars 2015 à Kinshasa. Cette structure a été fondée par des jeunes Congolais issus de divers horizons professionnels, dont Floribert Anzuluni, un banquier, Franck Otete, un médecin, et Yangu Kiakwama Kia Kizi, un licencié en droit. Le lancement officiel a été marqué par une conférence de presse à laquelle ont assisté des représentants de mouvements tels que « Y’en a marre » (Sénégal), « Balai Citoyen » (Burkina Faso) et La Lucha (RDC). Trois des fondateurs de ce mouvement ont été exilés en Europe, après s’être cachés pendant plusieurs semaines à Kinshasa pour fuir la répression organisée par le régime de Joseph Kabila. Parmi eux figurait Floribert Anzuluni. Le jour même de son lancement, une quarantaine de personnes présentes à la conférence ont été enlevées par des militaires, dont certaines ne seront libérées que dix-huit mois plus tard. Les fondateurs ont été accusés de « terrorisme » et de vouloir préparer une insurrection violente, bien qu’ils se revendiquent résolument de la non-violence et du respect du cadre légal.

Cofondé par Carbone Beni, Filimbi agit comme un des acteurs clés de la société civile. Ce mouvement se positionne comme une structure non partisane et non violente, visant à stimuler la participation citoyenne, en particulier des jeunes, afin d’améliorer les conditions de vie en influençant les décisions des autorités. Le nom « Filimbi » symbolise un appel à la mobilisation et à la vigilance face aux injustices.

Fred Bauma et Yves Makwambala, des visages devenus iconiques

Toujours en 2015, le jour du lancement de ce mouvement, Fred Bauma et Yves Makwambala, membres de Filimbi, ont été arrêtés lors d’un atelier organisé pour le lancement du mouvement. Ils ont été inculpés de complot contre le chef de l’État et de tentative de destruction ou de changement du régime constitutionnel. Un rapport d’enquête parlementaire a conclu que les militants de Filimbi n’avaient aucune visée terroriste. Malgré cette intervention du parlement, leur procès s’est finalement ouvert le 26 juin de la même année. La justice a repris les mêmes griefs, notamment celui d’avoir comploté contre la vie ou contre la personne du chef de l’État ; d’avoir tenté de détruire ou de changer le régime constitutionnel ; ou d’avoir incité des personnes à s’armer contre l’autorité de l’État. Les autorités ont aussi accusé Fred Bauma d’avoir troublé l’ordre public, et Yves d’avoir publiquement offensé le chef de l’État.

En décembre 2016, Carbone Beni, un des leaders du mouvement, a été arrêté lors de la mobilisation contre le maintien au pouvoir de Joseph Kabila après la fin de son mandat constitutionnel en décembre 2016. Il a été détenu pendant plus de neuf mois avant d’être condamné à douze mois de prison pour « atteinte à la sûreté intérieure de l’État », « offense au chef de l’État » et « publication et distribution d’écrits subversifs ».

Tshisekedi réchauffe ces mouvements avec le débat sur la Constitution

Comme la LUCHA, Filimbi va perdre son influence après la fin de ce combat politique, consacré par le départ du pouvoir de Joseph Kabila le 24 janvier 2019. Mais Félix Tshisekedi va redonner de l’eau au moulin de ces mouvements en relançant le débat sur la modification ou le changement de la Constitution en octobre 2024. En décembre de la même année, le mouvement s’est opposé fermement à toute modification de la Constitution, dénonçant une tentative de coup d’État masqué et appelant le gouvernement à se concentrer sur les priorités urgentes telles que la sécurité et le bien-être des Congolais. « Nous ne nous laisserons pas faire. Nous sommes prêts à défendre notre Constitution, qui est le fruit de longues luttes et de nombreux sacrifices », avait déclaré Christophe Muyisa, cadre de Filimbi à Goma.

Depuis l’occupation de Goma et de Bukavu par les rebelles du M23, les deux mouvements font face à des menaces, notamment à Goma, où la LUCHA a été explicitement menacée par des partisans de l’AFC/M23, soulignant la pression exercée sur les voix critiques par ces rebelles.

Depuis l’alternance pacifique, Filimbi mène diverses actions, telles que des campagnes de sensibilisation contre l’incivisme, des initiatives d’assainissement urbain, des formations sur la gestion de l’environnement et des mobilisations contre les dépenses publiques excessives. Ce mouvement se consacre maintenant à un autre combat : celui de la réduction significative des dépenses publiques, estimant que 70 % du budget national est consacré au fonctionnement des institutions, au détriment des secteurs essentiels comme l’éducation, la santé et la sécurité. Le mouvement organise des formations pour sensibiliser la jeunesse à la gestion de l’environnement, illustrant ainsi son engagement pour un développement durable.

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La Cour constitutionnelle en RDC : arbitre impartial ou relais du pouvoir ?

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Dans une République démocratique du Congo (RDC) encore hantée par ses démons institutionnels, la Cour constitutionnelle cristallise à la fois les espoirs d’une démocratie en construction et les soupçons persistants d’un pouvoir sans contrepoids. Théoriquement investie du rôle de gardienne de la Constitution et d’arbitre des contentieux électoraux, cette haute juridiction se trouve au cœur d’une interrogation essentielle : défend-elle réellement l’État de droit ou s’est-elle muée, avec le temps, en auxiliaire de l’exécutif ?

L’origine de la Cour remonte à un tournant historique : l’adoption de la Constitution du 18 février 2006, fruit des accords de paix de Pretoria qui mirent un terme à la seconde guerre du Congo. Plus de cinq millions de morts, des institutions à rebâtir, et la promesse d’un nouvel ordre constitutionnel. L’article 157 crée alors une Cour constitutionnelle distincte, censée rompre avec les pratiques d’une justice inféodée, héritée de l’époque coloniale et prolongée sous le régime Mobutu.

À cette époque, le contrôle de constitutionnalité était confié à la Cour suprême, perçue comme une simple caisse de résonance du pouvoir en place. « Sous Mobutu, elle ne faisait qu’entériner les décisions de l’exécutif », résume Me Thierry Nlandu, avocat et constitutionnaliste. L’effondrement du régime en 1997, suivi d’une transition chaotique, met en lumière la nécessité d’un véritable contre-pouvoir judiciaire.

Mais il faudra attendre sept longues années pour que la Cour devienne réellement opérationnelle. Ce n’est qu’en 2013 qu’elle commence à exercer ses fonctions, révélant les résistances politiques à sa mise en œuvre. « Ce délai anormal témoigne de la méfiance des élites politiques face à toute forme de contrôle institutionnel », analyse le politologue Christian Moleka. Entre-temps, la Cour suprême a continué de trancher les litiges électoraux, notamment en 2006 et 2011 dans un climat de fortes contestations.

Alors que le pays s’avance vers de nouvelles échéances électorales, la Cour demeure sous étroite surveillance. Sur le papier, elle incarne l’équilibre des pouvoirs. Dans les faits, son indépendance continue de diviser.

Un mandat taillé pour l’exécutif ?

Neuf juges, neuf ans de mandat, un renouvellement par tiers tous les trois ans : la Cour constitutionnelle de la République démocratique du Congo affiche, sur le papier, tous les attributs d’une institution indépendante et pérenne. Sa composition tripartite, trois membres nommés par le président de la République, trois par le Parlement en Congrès, trois par le Conseil supérieur de la magistrature, semble garantir un savant équilibre des pouvoirs. La Constitution renforce cette exigence d’expertise en imposant que six des neuf juges soient des juristes chevronnés, dotés d’au moins quinze ans d’expérience.

Pourtant, derrière cette architecture juridique soigneusement calibrée, la réalité institutionnelle révèle des fissures préoccupantes. « Le système congolais de nomination des juges constitutionnels présente une faille majeure : le président conserve un pouvoir de validation finale excessif », analyse Bob Kabamba, professeur de sciences politiques à l’Université de Liège. Un constat partagé par de nombreux observateurs dans un pays où l’exécutif exerce traditionnellement une influence déterminante sur le législatif et où le Conseil supérieur de la magistrature peine à affirmer son autonomie.

Les nominations controversées de 2020 ont mis en lumière ces fragilités structurelles. Quand le président Félix Tshisekedi désigne 3 nouveaux juges Dieudonné Kaluba Dibwa, ancien avocat de la République auprès de la CPI, Alphonsine Kalume Asengo Cheusi et Kamula Badibanga, la réaction ne se fait pas attendre. L’opposition dénonce une « mainmise déguisée » sur l’institution, tandis que des manifestations spontanées, bien que très minimes, éclatent dans la capitale. « Ces nominations respectent strictement la Constitution », se défend l’entourage présidentiel. Un argument qui peine à convaincre sur le terrain politique, tant Kaluba est soupçonné d’être proche de Tshisekedi.

Le piège du renouvellement échelonné

Le système de renouvellement par tiers, conçu pour assurer une sage continuité, révèle ses limites dans la pratique. Retards chroniques dans les remplacements, marchandages politiques opaques, sièges laissés vacants : chaque cycle de nomination devient l’occasion de nouvelles batailles d’influence qui grèvent la crédibilité de l’institution.

Des contentieux électoraux aux décisions controversées

L’ère pré-Constitutionnelle de la justice électorale en RDC reste marquée par des décisions qui continuent de hanter la mémoire collective. Avant l’opérationnalisation de la Cour constitutionnelle, c’est la Cour suprême de justice qui endossait le rôle d’arbitre électoral, avec des verdicts lourds de conséquences.

L’élection présidentielle de 2006, censée tourner la page des conflits, a révélé les failles du système. Lorsque Joseph Kabila est déclaré vainqueur face à Jean-Pierre Bemba avec 58% des voix, les contestations éclatent immédiatement. Le challenger dénonce des irrégularités massives dans le processus de dépouillement. Pourtant, la Cour suprême valide les résultats en un temps record, sans véritable examen des preuves avancées. « C’était une mascarade judiciaire », confie encore aujourd’hui un ancien collaborateur de Bemba, sous couvert d’anonymat.

Cinq ans plus tard, le scénario se répète avec une intensité accrue. Le face-à-face entre Kabila et Étienne Tshisekedi donne lieu à l’un des scrutins les plus controversés de l’histoire du pays. Malgré les rapports accablants des observateurs internationaux, l’Union européenne parlant de résultats « non crédibles », le Centre Carter dénonçant un processus « dépourvu de transparence », la Cour suprême confirme une nouvelle fois la victoire du sortant. Les violences qui s’ensuivent à Kinshasa et dans d’autres régions marquent durablement les esprits et sonnent le glas de la crédibilité de l’institution.

Ces épisodes douloureux ont pesé comme une chape de plomb sur les épaules de la nouvelle Cour constitutionnelle lors de sa mise en service en 2013. « Nous héritions d’une défiance systémique envers la justice électorale », reconnaît un ancien membre de l’institution. La tâche était immense : il fallait à la fois se démarquer des pratiques passées et imposer une nouvelle culture de l’indépendance judiciaire dans un paysage politique encore marqué par les réflexes autoritaires.

2018 : La Cour constitutionnelle face au test décisif

L’élection présidentielle de décembre 2018 devint le banc d’essai tant redouté pour la jeune Cour constitutionnelle. Après des années de reports sous Joseph Kabila, ce scrutin historique opposait trois figures emblématiques : Félix Tshisekedi, héritier politique de l’opposant historique Étienne Tshisekedi ; Martin Fayulu, candidat d’une coalition hétéroclite ; et Emmanuel Shadary, dauphin de Kabila.

La proclamation des résultats par la CENI le 10 janvier 2019 déclencha une onde de choc. Alors que Tshisekedi est annoncé vainqueur avec 38,57% des voix, des fuites publiées par le Financial Times révèlent des chiffres radicalement différents, allant jusqu’à attribuer près de 60% des suffrages à Fayulu.

Fayulu saisit immédiatement la Cour constitutionnelle, dénonçant un « coup d’État électoral » et exigeant un recomptage complet. Le 20 janvier, après dix jours d’audiences tendues, la Cour rendit sa décision. D’une voix ferme, elle rejeta toutes les requêtes de Fayulu, validant l’élection de Tshisekedi. Le verdict, rédigé dans un jargon juridique impeccable, ne parvint pas à masquer le malaise ambiant. Dans les coulisses, des sources judiciaires confièrent à Jeune Afrique que plusieurs juges avaient exprimé des réserves, mais s’étaient finalement rangés à l’avis majoritaire.

Bien qu’il y ait eu des scènes de liesse parmi la population congolaise à la suite de la confirmation de la victoire de Félix Tshisekedi, l’onde de choc de cette décision s’est propagée bien au-delà des frontières congolaises. Tandis que Fayulu qualifiait la Cour d’« instrument de légitimation d’une mascarade », certains partenaires internationaux ont adopté une position ambiguë, reconnaissant officiellement la victoire de Tshisekedi tout en exprimant des « préoccupations sérieuses ».

L’ombre de 2018 continue de planer sur la Cour constitutionnelle. Si l’institution a depuis rendu d’autres arrêts notables, c’est bien ce jugement qui reste gravé dans la mémoire collective comme son heure de vérité, ou son occasion manquée. Alors que le pays s’achemine vers de nouvelles échéances électorales, nombreux sont ceux qui s’interrogent : la Cour saura-t-elle tirer les leçons de ce passé récent, ou reproduira-t-elle les mêmes schémas qui ont entaché sa crédibilité ?

2023 : La Cour constitutionnelle face au paradoxe de la légitimité

Le dernier scrutin présidentiel de décembre 2023 a placé la Cour constitutionnelle face à un dilemme familier. La réélection de Félix Tshisekedi, avec un score sans appel (73,47 %) face à Moïse Katumbi (18 %) et Martin Fayulu (4,9 %), a ravivé le débat sur le rôle de l’institution dans la validation des processus électoraux.

Le jour du scrutin, certains bureaux de vote n’ont pas ouvert à l’heure et de nombreux électeurs ont peiné à retrouver leurs noms sur les listes. En réponse, la CENI a prolongé le vote sur plusieurs jours dans certaines circonscriptions, une décision vivement critiquée par des missions d’observation.

Félix Tshisekedi est déclaré vainqueur de l’élection présidentielle avec plus de 73 % des suffrages, distançant largement ses principaux concurrents, Moïse Katumbi et Martin Fayulu.

Lorsque Théodore Ngoy, un candidat marginal, dépose un recours détaillant des irrégularités, la Cour adopte une position nuancée. Tout en reconnaissant la réalité de certaines anomalies, elle estime dans son arrêt du 9 janvier 2024 que celles-ci n’étaient pas « d’une ampleur susceptible d’influer sur l’issue globale du scrutin ».

Cette décision en demi-teinte n’a pas convaincu l’opposition. Le boycott judiciaire de Katumbi témoigne de la défiance ambiante : « Plutôt que de recourir à une Cour complice, nous choisissons de dénoncer par d’autres moyens », déclare-t-il à RFI, dans un cinglant désaveu de l’institution.

Cependant, contrairement à 2018, la Cour a fait des efforts notables de transparence. Son jugement de 2023 s’appuie sur un dispositif argumenté détaillant méthodiquement chaque grief, citant les rapports d’observation et fournissant des analyses statistiques. « C’est une évolution positive dans la forme, même si le fond reste discutable », admet un expert électoral sous couvert d’anonymat.

Toutefois, cette victoire écrasante, bien que marquée par des irrégularités localisées relevées par les observateurs, n’a pas suscité de contestation majeure quant à la légitimité du résultat final. Les missions d’observation, tant nationales qu’internationales, y compris le monitoring conjoint de la CENCO et de l’ECC, ont certes signalé des cas de bourrages d’urnes et des dysfonctionnements organisationnels, mais sans remettre en cause l’issue globale du scrutin. Aucune institution internationale ni capitale étrangère n’a émis de doute sérieux sur la proclamation du vainqueur, ni avancé de résultats alternatifs, confirmant ainsi une acceptation générale du verdict des urnes malgré les imperfections du processus.

Les défis dans le contexte des élections

Le rôle de la Cour constitutionnelle est central dans le traitement des recours électoraux. Pourtant, cette fonction se révèle problématique, notamment à cause des délais prolongés dans la prise de décision, de l’absence de transparence dans les délibérations, et du manque d’explications détaillées concernant les jugements rendus. Par exemple, lors des élections de 2011 et 2018, la Cour a été accusée de ne pas avoir pris en compte les préoccupations relatives aux fraudes électorales et aux irrégularités constatées durant le scrutin.

De plus, la Cour constitutionnelle est souvent accusée de manquer de l’indépendance nécessaire pour garantir une justice équitable. L’absence de diversité dans la composition de ses membres, et l’influence perçue du pouvoir exécutif, sont autant de facteurs qui renforcent la perception d’une institution partiellement alignée sur les intérêts politiques en place. Dans un contexte aussi chargé politiquement, les décisions de la Cour doivent impérativement être perçues comme transparentes et crédibles pour que la démocratie puisse se renforcer.

Nécessité d’une réforme

Face à ces multiples critiques, une réforme de la Cour constitutionnelle s’avère essentielle pour redonner confiance au peuple congolais. Plusieurs réformes sont envisagées pour renforcer l’indépendance et la transparence de cette institution. Parmi celles-ci, le renouvellement du mode de nomination des juges semble crucial. Actuellement, les membres de la Cour sont nommés par le Président de la République, ce qui suscite des inquiétudes quant à leur impartialité. Un processus de nomination plus inclusif, impliquant plusieurs institutions et acteurs de la société civile, pourrait garantir une plus grande légitimité.

Il est également nécessaire de revoir les processus décisionnels au sein de la Cour. La transparence des délibérations et la publication des motifs des décisions sont des mesures qui pourraient aider à apaiser les tensions et à renforcer la confiance du public. Lorsque la Cour rend une décision sur un recours électoral, il est crucial que celle-ci soit accompagnée d’explications claires et détaillées afin que la population comprenne les raisons qui ont conduit à un jugement spécifique, surtout lorsqu’il s’agit de résultats électoraux hautement contestés.

Rôle crucial dans la stabilité politique

Le rôle de la Cour constitutionnelle va au-delà de la simple validation des élections. Elle incarne également un gage de stabilité politique en période postélectorale, lorsque les tensions sont exacerbées et que les résultats sont remis en cause. Si la Cour prend des décisions éclairées et justifiées, elle peut contribuer à apaiser les tensions politiques et à éviter les dérives violentes qui ont marqué le passé du pays.

Cependant, cette fonction de régulateur de la vie politique n’est possible que si la Cour joue pleinement son rôle d’arbitre impartial. Si les décisions rendues sont perçues comme étant motivées par des intérêts politiques, cela risque d’aggraver les conflits et de déstabiliser davantage le pays. En ce sens, une réforme de la Cour constitutionnelle est une condition sine qua non pour renforcer l’état de droit en RDC et garantir un climat politique apaisé.

Vers une réforme nécessaire

La Cour constitutionnelle de la RDC doit se réinventer pour répondre aux attentes des Congolais et garantir le bon fonctionnement de la démocratie. Les réformes envisagées, tant au niveau de la composition de l’institution que de son fonctionnement interne, doivent permettre de restaurer sa crédibilité et son indépendance. Le renforcement de la transparence dans ses décisions et la promotion de l’intégrité de ses juges seront des éléments-clés pour assurer une justice électorale fiable.

En fin de compte, la confiance en la Cour constitutionnelle est essentielle pour la consolidation de la démocratie en RDC. C’est en garantissant l’indépendance de cette institution et en redonnant à ses décisions une légitimité incontestée que la RDC pourra espérer avancer sur la voie de la stabilité politique et du progrès démocratique. Les réformes de la Cour ne sont pas seulement une question de politique intérieure, mais une nécessité pour l’avenir du pays.

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Entre vitrine internationale et réalités locales, le pari risqué de « Visit DRC »

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La République démocratique du Congo (RDC) cherche à renforcer sa visibilité internationale en s’associant à un club de football européen reconnu. L’affichage du nom de la RDC sur les maillots de l’AS Monaco lors des matchs officiels constitue un vecteur de promotion touristique et culturelle. Cependant, le pays de Félix Tshisekedi peine à réunir les prérequis pour un meilleur accueil des touristes. L’état des services aéroportuaires, le manque de sécurité, l’état impraticable du réseau routier et surtout l’insalubrité constituent des problèmes à résoudre avant de lancer un tel partenariat.

Le 10 mai, le ministre des Sports et Loisirs, Didier Budimbu, a signé un protocole d’accord avec Thiago Scuro, directeur général de l’AS Monaco, portant sur la promotion du football congolais et du tourisme. Ce contrat, d’une valeur de 1,6 million de dollars par saison, devrait concerner le développement du football congolais, avec un accent particulier sur le football. Il s’agit notamment de la formation d’entraîneurs, l’exécution de programmes de développement des jeunes talents, l’amélioration des infrastructures sportives et le renforcement des ligues locales. Une part du contrat est consacrée à la visibilité de la RDC à travers ce club de la principauté. Un autre aspect de cet accord est la contribution financière additionnelle de 200 000 euros prévue pour couvrir les frais de déplacement et de coordination de l’AS Monaco dans le cadre de ses interventions en RDC.

Sur le plan de la visibilité, le gouvernement tente d’imiter la politique rwandaise dur le tourisme avec Visit Rwanda. Une stratégie jugée mimétique par certains observateurs congolais, qui y voient une copie mal adaptée du modèle rwandais. « Ils veulent ‘‘Visit Congo’’ pendant qu’ici, routes, sécurité et aéroport sont à l’agonie. On vend une vitrine sans boutique, un rêve sans socle. Avant d’acheter des slogans, qu’on construise un pays. Sinon, c’est inviter au festin dans une maison en feu », a réagi un Congolais sur X. Beaucoup voient dans ce mimétisme du gouvernement une volonté de mettre la charrue avant les bœufs. « Ces touristes qu’on invite vont atterrir à l’aéroport de N’djili avec toutes les tracasseries qui caractérisent cette frontière ? Un travail d’image du pays devrait être fait en amont avant de signer de tels partenariats », a déclaré Sylvestre Kabongo, un analyste sportif. « Nous serons témoins de l’échec de ce partenariat. », ajoute un autre Congolais, estimant que le gouvernement devrait commencer par rendre le pays attractif avant d’inciter les touristes à venir visiter la RDC. L’insalubrité persistante, la corruption endémique et les embouteillages chroniques sont autant d’obstacles évoqués à ce projet de soft power.

De son côté, le gouvernement tente de tempérer. « Il ne s’agit pas forcément d’un contrat de visibilité mais plutôt d’un contrat de transfert de compétences pour l’amélioration du football en RDC et non Visit DRC », a déclaré une source citée par 7SUR7.CD.

Entre coopération sportive et image de marque

Ce partenariat s’inscrit dans une volonté de renforcer les relations entre la RDC et la France, en particulier dans le domaine du sport. Il ouvre la voie à de futures collaborations dans d’autres secteurs tels que l’éducation, la santé et la culture. Le succès de ce partenariat, selon certains, pourrait inciter d’autres clubs européens à collaborer avec la RDC, favorisant ainsi une diplomatie sportive active. Certaines sources au sein du ministère des Sports évoquent déjà des contacts avec des clubs espagnols majeurs comme le Real Madrid et le FC Barcelone. Avec ce partenariat, il est envisagé d’étendre ce type de projets sportifs à d’autres provinces de la RDC et de pérenniser les événements sportifs organisés.

Cette collaboration a été initiée par l’ancien international congolais Distel Zola, un ancien joueur de l’AS Monaco et fondateur de la Fondation « Bana Zola », qui œuvre en faveur des enfants défavorisés en RDC. En 2022, l’AS Monaco avait soutenu un tournoi de football organisé à Kinshasa, fournissant des tenues de match et du matériel sportif. Cet événement, soutenu par le Programme Alimentaire Mondial (PAM), visait à sensibiliser les jeunes à l’importance d’une alimentation équilibrée tout en leur offrant un moment d’évasion à travers le sport.

Une stratégie de marketing du Rwanda

Le Rwanda a établi des partenariats stratégiques avec plusieurs clubs de football européens dans le cadre de sa campagne de promotion touristique « Visit Rwanda ». Ces accords visent à renforcer la visibilité internationale du pays et à stimuler son secteur touristique. Depuis 2018, le Rwanda est le premier sponsor de la manche du maillot d’Arsenal, avec un contrat d’une valeur de 10 millions de livres sterling par an. Ce partenariat a été prolongé en 2021 pour quatre années supplémentaires. Il en est de même pour le club français du Paris Saint-Germain (PSG).

En août 2023, Kigali a signé un partenariat de cinq ans avec le Bayern Munich, axé sur le développement du football des jeunes et la promotion du tourisme. Ce partenariat comprend la création d’une académie de football FC Bayern au Rwanda. Début mai 2025, Kigali a conquis aussi l’Atletico Madrid, troisième club espagnol au classement actuel de la Liga.

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