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Gouvernance Tshisekedi : des signaux qui inquiètent…
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2 mois agoon
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La redaction
Gestion des ressources financières, construction des infrastructures, création des établissements publics… Depuis son accession au pouvoir en 2019, le président de la République démocratique du Congo (RDC), Félix Tshisekedi, a montré une énergie débordante pour résoudre de nombreux problèmes du pays. Mais certaines de ses méthodes de gouvernance renvoient des signaux inquiétants. C’est notamment le cas de la multiplicité des établissements ou organismes publics dont la plupart se sont révélés inefficaces au fil des ans. Heshima Magazine fait un tour d’horizon des structures qui posent problème et dont les attributions auraient pu être exercées par les ministères sectoriels.
Dans la mythologie grecque, il existe une saisissante histoire de cinquante filles appelées « les Danaïdes ». Elles étaient condamnées par les dieux grecs à remplir un tonneau d’eau troué. Ces filles de Danaos, roi d’Égypte, exécutaient ainsi une punition perpétuelle suite au meurtre de leurs maris, les fils d’Égyptos. Ce châtiment ininterrompu est resté célèbre et a donné naissance à l’expression « tonneau des Danaïdes » pour désigner une « tâche absurde, sans fin ou impossible » ou encore un travail déjà voué à l’échec. En RDC, plusieurs projets semblent ressembler au tonneau des Danaïdes. De l’Agence de prévention et de lutte contre la corruption (APLC) au Fonds national des réparations des victimes de violences sexuelles (FONAREV), ces structures au bilan mitigé ont contribué pour la plupart à la dilapidation des fonds de l’État. Une politique qui suscite des critiques au sein même de l’entourage du chef de l’État.
Après Kabund, Nicolas Kazadi porte la charge de la dénonciation
Les récentes révélations de l’ancien ministre des Finances, Nicolas Kazadi, font froid dans le dos. Cet ancien conseiller du chef de l’État congolais, Félix Tshisekedi, a jeté un pavé dans la mare le week-end dernier. Lors du premier quinquennat de Félix Tshisekedi (2019-2023), au total 53 nouveaux établissements publics ont été créés. Certains ont vu le jour pendant que l’année était en cours. Ce qui insinue qu’ils n’ont pas été pris en charge par le budget voté initialement par le parlement. « On les [ces établissements] paie en cours d’année, sans prévision budgétaire. Ils commencent à recruter, ils n’ont même pas de cadre limite », dénonce Nicolas Kazadi.
Cet ancien proche collaborateur de l’actuel président de la République, devenu député national, n’a pas mis des gants pour porter ses coups contre la gouvernance de Félix Tshisekedi tout en prenant soin de ne pas l’indexer. « Nous voulons trop de jouissance. S’il y a de l’argent, partageons d’abord et nous allons réfléchir après. L’argent du projet est arrivé, on se le partage d’abord et on va réfléchir plus tard. C’est ça le problème », a-t-il déclaré au cours d’une émission animée par la journaliste congolaise Paulette Kimuntu.
Malgré le fait d’avoir contribué, selon lui, à la hausse du budget, passant de 4 milliards de dollars à 16 milliards, Nicolas Kazadi s’est plaint de la multiplicité des primes et des rubriques, entravant ainsi la possibilité d’investir ces fonds dans des projets d’intérêt commun. S’agissant des dépenses du Parlement, cet ancien Conseiller à la Présidence de la République a relevé une forte hausse entre 2017 et 2023. « Pour le Parlement, 2017-2018, c’était environ 5 milliards FC par mois. En 2023, c’est autour de 45 milliards de francs congolais », a-t-il fait savoir. Comme pour dire que la hausse du budget national a créé également une élasticité des besoins de consommation des fonds au sein des institutions. Plus le budget augmente, plus les animateurs des institutions élargissent leurs parts dans le budget. Conséquence : les Congolais en général ne sentiront pas l’impact social de la hausse du budget, car déjà consommé par les institutions. Une gouvernance qui inquiète. En juillet 2022, Jean Marc Kabund avait formulé les mêmes critiques. « Nous avons essayé en vain de rappeler à l’ordre, jour et nuit, celui avec qui nous avons pensé incarner la vision du Sphinx résumée par la célèbre phrase : ‘‘le peuple d’abord’’ », avait déclaré l’ancien président a.i. de l’Union pour la démocratique et le progrès social (UDPS).
En réaction aux révélations de Nicolas Kazadi, l’opposant André Claudel Lubaya semble rejoindre les préoccupations de l’ancien ministre des Finances, accusant le régime de Félix Tshisekedi d’avoir multiplié les structures publiques inefficaces, budgétivores et déconnectées des besoins du peuple. Selon lui, ces entités, érigées sans planification rigoureuse, ont contribué à l’hémorragie des ressources de l’État, au bénéfice d’une minorité. Cet ancien député de Kananga considère ces aveux tardifs de Nicolas Kazadi comme « une lucidité retrouvée ». Pour lui, ces entités fondamentalement vaines ont relégué aux oubliettes le défunt projet social « le peuple d’abord ».
APCL, une structure budgétivore et sans résultats probants
En créant certaines agences ou des établissements publics, le président Félix Tshisekedi a quasiment affaibli la mission de certains ministères ou des structures étatiques existantes. C’est le cas de l’Agence de prévention et de lutte contre la corruption (APLC). Créée par l’ordonnance du 17 mars 2020, l’APLC a pour mission principale la prévention et la lutte contre toute forme de corruption. Cet établissement public et service spécialisé au sein du cabinet de la Présidence de la République a remplacé le rôle joué par le conseiller spécial en matière de bonne gouvernance et de lutte contre la corruption, le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme. Mais cette mission est aussi assurée par une structure déjà existante : la Cellule Nationale des Renseignements Financiers (CENAREF). Celle-ci, placée sous l’autorité du ministre des Finances, est chargée du renseignement financier. Sa mission principale est de favoriser le développement d’une économie saine mais aussi de lutter contre les circuits financiers clandestins, le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Ce qui peut créer un chevauchement des compétences dans la pratique entre les deux structures.
En décembre 2020, Ghislain Kikangala, alors coordonnateur de l’APLC, avait été placé en garde à vue pendant 24 heures par le parquet général près la Cour d’appel de Gombe pour des soupçons de corruption. Il était interrogé sur l’extorsion des fonds chiffrés à 30 000 dollars perçus en liquide comme avance d’une caution de 50 000 dollars exigée à Access Bank pour libérer son directeur général en détention entre les mains de l’APLC. Deux directeurs de cette agence étaient également impliqués dans cette affaire. « C’est quand même assez grave de voir que ce sont des agents de la banque qui font des décharges à la main pour percevoir de l’argent, alors que ce sont des opérations qui peuvent être gérées de compte à compte. Cela pourrait soulever plusieurs soupçons de corruption. Cela reste quand même assez grave. », avait réagi Jean-Jacques Lumumba, un ancien banquier congolais et lanceur d’alerte, qui ne comprenait pas cette perception de la caution par le responsable de l’APLC en lieu et place de la Direction générale des recettes administratives, judiciaires, domaniales et de participations (DGRAD). Pourtant, la banque affirmait que le dossier de blanchiment d’argent sur lequel se penche l’APLC était déjà transmis à la CENAREF par la banque elle-même après avoir remarqué un mouvement suspect dans le compte d’un client. Depuis ce scandale, l’APLC a perdu de sa superbe au sein de l’opinion. Et son coordonnateur avait été limogé par Félix Tshisekedi quelques mois plus tard. A ce jour, ce service public est presque l’ombre d’elle-même, l’Inspection générale des finances (IGF) et la CENAREF font le gros lot du travail anti-corruption dans le pays.
FONAREV, une compétence du ministère des droits humains
L’une des 53 agences créées par Félix Tshisekedi, c’est le Fonds national des réparations des victimes de violences sexuelles liées aux conflits et des victimes des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité (FONAREV). Cette structure a été placée sous la tutelle du ministère des Droits humains. Pourtant, ses compétences pouvaient être exercées par les fonctionnaires de ce ministère sans toutefois créer des nouvelles structures budgétivores. Le FONAREV mobilise et optimise les différentes ressources financières qui lui sont allouées par la loi du 26 décembre 2022. Mais les attributions de cette structure auraient pu rester au ministère des Droits humains sans créer un personnel supplémentaire à payer et des frais de fonctionnement parfois pour des résultats mitigés.
FRIVAO, source d’enrichissement dans le dos des victimes
Créé par ordonnance présidentielle en décembre 2019, le Fonds spécial de réparation et d’indemnisation des victimes des activités armées de l’Ouganda en République Démocratique du Congo (FRIVAO) a été placé sous la tutelle du ministère de la Justice et Garde des Sceaux. Mais les animateurs de cet établissement seront vite accusés de détournement. La mission de cette structure était d’identifier et indemniser les victimes de la guerre de « 6 jours » menée entre l’armée ougandaise et celle du Rwanda sur le sol congolais, à Kisangani. Après un contrôle rigoureux des inspecteurs de l’IGF, il a été révélé « beaucoup d’écarts de chiffres entre ce qui a été réellement décaissé et le travail pour lequel ce décaissement a été opéré ». Ce qui a suscité la colère du ministre de la Justice, Constant Mutamba, lui-même victime de cette guerre de 6 jours.
Le 31 juillet 2024, à la veille de la commémoration du Genocost, Mutamba, autorité de tutelle du FRIVAO, a ordonné le gel de tout mouvement débiteur sur le compte de cette structure censée recevoir en cinq tranches, à partir de 2023, un montant de 325 millions de dollars d’indemnisation de la part de l’Ouganda.
Tshisekedi veut démanteler certains établissements…
Lors de la 42ᵉ réunion du Conseil des ministres, le 2 mai 2025, le président Félix Tshisekedi a exhorté le gouvernement à adopter des mesures urgentes pour redresser les finances publiques. Dans un contexte de guerre d’agression et de réduction du train de vie des institutions, le chef de l’État a insisté sur la nécessité d’un contrôle rigoureux du cadre macroéconomique, tout en demandant un audit des structures nouvellement créées afin d’en évaluer la pertinence. Celles qui seront inutilement budgétivores, après l’évaluation du gouvernement, vont être supprimées.
Dans l’entretemps, ce sont les fonds de l’État qui ont été dilapidés dans le fonctionnement de ces structures. Un véritable tonneau des Danaïdes. Une tache d’huile dans la gouvernance de Félix Tshisekedi qui risque d’entamer l’ensemble de son bilan au pouvoir. Penser au démantèlement de ces structures après plus de 6 ans d’exercice du pouvoir sonne comme un réveil tardif. Face à ces faits inquiétants de la gouvernance de Tshisekedi, André Claudel Lubaya a rappelé une confession publique faite par le secrétaire général de l’UDPS, Augustin Kabuya. Ce dernier reconnaissait publiquement le désenchantement populaire suite à leur gestion de la chose publique. « Le peuple croyait que ses souffrances prendraient fin avec l’UDPS au pouvoir. Aujourd’hui, il est trahi », avait-il déclaré d’un ton triste devant les combattants du parti présidentiel à Limete.
Heshima
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RDC : l’agriculture, seule arme pour vaincre l’insécurité alimentaire
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24 heures agoon
juin 24, 2025By
La redaction
La République démocratique du Congo (RDC) traverse une crise alimentaire importante. Des millions de citoyens peinent à se nourrir convenablement, alors même que le pays regorge de terres fertiles et de ressources naturelles à faire rêver tout investisseur agricole. Cette contradiction, criante, laisse entrevoir un paradoxe : comment un pays aussi riche en potentialités agricoles peut-il laisser une grande partie de sa population souffrir de la faim ? Plus qu’une interrogation, c’est un appel à repenser l’agriculture comme levier central de transformation sociale et économique.
En 2025, la situation reste préoccupante. D’après les chiffres publiés en janvier par l’Integrated Food Security Phase Classification, près de 27,7 millions de Congolais, soit environ un quart de la population évaluée, vivent en insécurité alimentaire aiguë. Parmi eux, 3,9 millions sont classés en situation d’urgence. Ces chiffres, derrière leur froideur statistique, traduisent une réalité implacable : des familles entières luttent pour survivre dans un pays qui pourrait, selon la Banque africaine de développement, nourrir jusqu’à deux milliards d’individus grâce à ses quelque 80 millions d’hectares de terres arables, dont à peine 10 % sont exploités.
La RDC, pourtant, ne manque pas de productions agricoles phares. Le manioc, avec 29,9 millions de tonnes récoltées en 2018, et les bananes plantains, avec 4,7 millions de tonnes, placent le pays parmi les tout premiers producteurs mondiaux, selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture. Mais ces chiffres ne suffisent pas à masquer les carences du système. « Nous avons les terres, l’eau, le climat. Il ne manque que la volonté de transformer ce potentiel en réalité durable », estime Jacques Malila, spécialiste du développement agricole.
Des freins structurels persistants
Le premier défi tient aux infrastructures. Trop de routes, impraticables pendant la saison des pluies, coupent les producteurs des circuits de distribution. Marie Nzola, agricultrice dans le Sud-Ubangi, confiait à un média local en mars 2024 : « Nous travaillons dur, nous récoltons, mais l’absence de routes fait pourrir nos produits. » Ce constat, malheureusement répandu, est appuyé par un rapport du Programme alimentaire mondial datant de 2022, qui identifie l’effondrement des infrastructures comme l’un des déclencheurs majeurs de la crise alimentaire actuelle. Le manque d’électricité, d’installations de conservation ou encore de systèmes d’irrigation freine lourdement la productivité, en particulier dans les zones reculées.
Autre obstacle : l’accès au financement. Une large majorité des exploitants, plus de 60 % de la main-d’œuvre agricole, évolue dans un contexte informel, sans filet de sécurité ni accès au crédit. Les possibilités d’investir dans de meilleures semences, des outils ou de l’engrais sont donc minces. En 2022, la Banque mondiale évoquait, dans l’un de ses blogs, un programme agricole doté de 500 millions de dollars censé bénéficier à 1,7 million de producteurs du pays. Mais sur le terrain, les retombées restent inégales. « Sans prêts adaptés à notre réalité, nous restons enfermés dans un cycle de faibles rendements », soupire Daniel Mbuyi, cultivateur de maïs dans le Kasaï.
Enfin, les politiques agricoles peinent à s’ancrer dans une vision cohérente. Un rapport des Nations unies paru en mars 2025 relève que les conflits persistants dans l’Est perturbent les cycles agricoles et déplacent des familles entières, rendant toute stratégie difficile à stabiliser. Une gouvernance éclatée, des priorités souvent brouillonnes et une absence de suivi concret paralysent les réformes structurelles pourtant urgentes.
Des initiatives porteuses d’espoir
Malgré ce tableau sombre, des projets ambitieux voient le jour. Le Programme de transformation agricole, lancé en 2023, prévoit de mobiliser 6,6 milliards de dollars sur dix ans. Il vise à moderniser l’agriculture congolaise tout en recentrant les efforts sur les petits producteurs, pierre angulaire de l’économie rurale. « L’objectif, c’est de faire de l’agriculture un moteur de croissance inclusive », a souligné un intervenant lors du Forum sur l’agribusiness organisé la même année par la Banque africaine de développement.
L’agroécologie, portée par plusieurs ONG, s’impose peu à peu comme un modèle viable et durable. L’ONG internationale SAILD, par exemple, a mené en 2024 une série d’ateliers promouvant des méthodes plus respectueuses de l’environnement, comme la rotation des cultures ou l’usage du compost naturel. Une étude publiée en 2023 dans la plateforme de publications scientifiques ScienceDirect démontre que dans la province du Maniema, ces pratiques ont non seulement amélioré la fertilité des sols, mais aussi accru les rendements agricoles. « Avec l’agroécologie, nous respectons la terre tout en assurant notre subsistance », témoigne Esther Baraka, cultivatrice dans le Kivu.
L’essor de l’agro-industrie constitue une autre piste prometteuse. Selon l’agence du département du Commerce des États-Unis Trade.gov, des partenariats public-privé sont en cours d’examen pour implanter des parcs agro-industriels capables de transformer sur place le manioc, le maïs ou les fruits, générant ainsi des emplois et réduisant la dépendance aux importations. Cette dynamique vise à créer de véritables pôles économiques régionaux, tout en valorisant les produits locaux.
L’innovation numérique n’est pas en reste. La plateforme NYUKI TECH, développée par l’entreprise spécialisée dans la production et la vente des produits apicoles et agricoles GRECOM-RDC, connecte les agriculteurs aux marchés, limite les pertes post-récolte et facilite la transparence des prix. Présentée dans un article de l’Index Insurance Forum publié en 2024, cette solution illustre le potentiel des technologies pour combler les failles logistiques.
Dans cette même logique, le Programme de promotion de l’entrepreneuriat agricole et de la sécurité alimentaire, financé par le Programme mondial pour l’agriculture et la sécurité alimentaire à hauteur de 1,65 million de dollars, cible cinq bassins de production pour renforcer les filières du manioc et du maïs. Il met l’accent sur la résilience locale et le renforcement des chaînes de valeur agricoles.
Un cap à maintenir
L’avenir alimentaire de la RDC ne dépend pas uniquement de sa fertilité naturelle, mais de sa capacité à aligner les efforts politiques, économiques et communautaires autour d’un objectif commun. La lutte contre la faim ne se gagnera pas uniquement dans les champs, mais aussi dans les institutions stables, sur les routes, dans les banques et jusque dans les écoles agricoles.
Comme le résume le docteur Rajabu, spécialiste des politiques agricoles : « Le moment est venu pour la RDC de se lever et d’exploiter pleinement ses richesses naturelles. L’agriculture, si elle est bien pensée, peut transformer ce pays. »
La tâche est immense, mais l’élan est enclenché. L’État, les partenaires techniques, les ONG et les paysans eux-mêmes commencent à bâtir des ponts là où il n’y avait que des fossés. Investir dans les infrastructures, faciliter le crédit rural, promouvoir l’agro-industrie locale et respecter les savoirs paysans : autant de pistes concrètes pour avancer.
Dans un pays où l’espérance se cultive aussi bien dans les esprits que dans les sillons, chaque semence devient un pari sur demain. Il ne reste plus qu’à irriguer cet espoir. Et à ne plus jamais laisser la faim dicter la loi d’un sol aussi généreux.
Heshima Magazine
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RDC : un trésor de plus de 24 000 milliards de dollars qui attend toujours ses investisseurs
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2 jours agoon
juin 23, 2025By
La redaction
La République démocratique du Congo (RDC) possède un potentiel économique qui donne le vertige : ses réserves de minerais critiques sont estimées à 24 000 milliards de dollars selon un récent rapport de la Banque mondiale. Premier producteur mondial de cobalt, regorgeant de cuivre, d’or, de diamants et de terres rares essentielles à la transition énergétique, le pays dispose d’atouts considérables pour devenir une puissance économique africaine. Pourtant, cette richesse extraordinaire contraste cruellement avec la réalité quotidienne des Congolais, dont plus de 70% vivent avec moins de 2 dollars par jour.
« Nous marchons littéralement sur des trésors, mais nos enfants n’ont pas d’écoles décentes et nos hôpitaux manquent de tout », confie Jeanne Mabika, commerçante à Kinshasa. « Comment expliquer ce paradoxe sinon par la corruption qui gangrène notre pays à tous les niveaux ? »
Ce paradoxe s’explique en grande partie par un climat des affaires défavorable qui dissuade les investisseurs privés. Selon l’Indice de Perception de la Corruption (IPC) 2023 de Transparency International, la RDC se maintient à un score de 20/100, la classant 162ᵉ sur 180 pays. Bien qu’il s’agisse d’une légère amélioration par rapport à 2022 (166ᵉ), cette stagnation confirme que la corruption reste endémique et structurelle, freinant le développement économique et décourageant les investissements.
Une bureaucratie paralysante
Le système judiciaire inefficace, la bureaucratie excessive, le faible accès au crédit et l’instabilité politique constituent les principales entraves au développement du secteur privé en RDC. La Banque africaine de développement (BAD) a identifié ces contraintes lors d’un atelier organisé à Kinshasa, soulignant également le déficit en infrastructures et une fiscalité complexe et peu transparente.
« Pour obtenir un simple permis d’exploitation, j’ai dû verser des pots-de-vin à sept fonctionnaires différents et attendre huit mois », témoigne Pascal Kilapi, entrepreneur dans le secteur agricole à Lubumbashi. « Comment voulez-vous développer une activité rentable dans ces conditions ? Les tracasseries administratives découragent même les plus motivés d’entre nous. »
Les affaires de corruption touchent régulièrement les plus hautes sphères de l’État. En juin 2025, le ministre de la Justice, Constant Mutamba, a été contraint de démissionner suite à des accusations de tentative de détournement d’argent public dans un projet de construction d’une prison à Kisangani, pour un montant d’environ 19 millions de dollars. Cette affaire n’est que la partie émergée de l’iceberg. En 2020, Vital Kamerhe, alors directeur de cabinet du président Félix Tshisekedi, avait été condamné pour avoir détourné près de 50 millions de dollars destinés à un projet de logement social, avant d’être acquitté deux ans plus tard et de réintégrer le gouvernement.
L’impact dévastateur sur l’économie et la population
La corruption systémique a des conséquences directes sur le développement économique du pays. Elle détourne les ressources qui devraient servir à construire des infrastructures essentielles, à améliorer les services publics et à créer des emplois. Elle renforce également les inégalités sociales et nourrit les conflits, notamment dans l’Est du pays.
L’économiste congolais Emmanuel Patela, analyse : « La corruption en RDC n’est pas un simple dysfonctionnement, c’est un système parallèle de gouvernance qui capte les ressources au profit d’une minorité. Les investisseurs étrangers hésitent à s’engager dans un environnement où les règles du jeu sont constamment faussées et où la sécurité juridique est inexistante. »
Cette situation explique pourquoi, malgré son potentiel extraordinaire, la RDC ne figure pas parmi les dix pays africains attirant le plus d’investissements privés. L’Afrique du Sud (5,07 milliards de dollars), le Nigeria (3,96 milliards) et l’Égypte (3,37 milliards) occupent le podium, tandis que des pays aux ressources bien moindres comme la Côte d’Ivoire (2,18 milliards) ou le Kenya (1,7 milliard) surpassent largement la RDC en termes d’attractivité pour les capitaux privés.
Des réformes prometteuses mais insuffisantes
Face à ce constat alarmant, le gouvernement congolais a entrepris plusieurs réformes pour améliorer le climat des affaires. Le 15 novembre 2024, sous l’égide de l’Agence nationale pour la promotion des investissements (ANAPI), une feuille de route des mesures et réformes gouvernementales a été validée lors d’une réunion du comité de pilotage présidée par le Vice-Premier ministre, ministre du Plan, Guylain Nyembo.
Cette feuille de route comprend notamment la digitalisation des procédures administratives et fiscales, la réduction des délais de traitement des actes administratifs et la simplification du cadre réglementaire. Des ateliers de formation ont également été organisés dans plusieurs provinces, comme au Kongo-Central en février 2025, pour outiller les cellules provinciales du climat des affaires.
« Ces initiatives sont encourageantes. Nous félicitons le gouvernement pour les progrès réalisés. La Feuille de route est un atout que nous pourrons promouvoir auprès de nos entrepreneurs et gouvernements », a déclaré Jennifer Imperator, Chargée d’Affaires de l’Ambassade des Pays-Bas.
Cependant, ces réformes se heurtent à la résistance d’une administration habituée aux pratiques de corruption. « Malgré le volontarisme dont il fait preuve, le président Tshisekedi aura difficile à réaliser son engagement d’assainir l’environnement des affaires en RDC, avec une administration publique et un système judiciaire remplis de fonctionnaires et de magistrats qui baignent dans la corruption jusqu’à la moelle », analyse le politologue Isidore Kwandja Ngembo.
Les modèles inspirants : quand l’absence de ressources devient un atout
Pour sortir de cette impasse, la RDC pourrait s’inspirer de pays qui ont réussi à transformer leur économie malgré des ressources naturelles limitées, voire inexistantes. Ces exemples démontrent que la gouvernance, l’innovation et la vision stratégique peuvent largement compenser l’absence de richesses minières.
LeSingapour constitue l’exemple le plus frappant de réussite économique sans ressources naturelles. Totalement dépourvu de ressources naturelles et agricoles, ce petit pays est devenu l’une des économies les plus prospères au monde avec un PIB par habitant d’environ 73 000 dollars, se classant au 2ème rang mondial derrière le Luxembourg.
« Singapour est sans doute la plus grande réussite économique d’après-guerre, dans un contexte au départ hostile », souligne le magazine d’actualité L’Express. Quand Lee Kuan Yew est devenu président en 1965, l’île accueillait une population hétérogène sans accès aux ressources naturelles. Le modèle économique singapourien repose sur une forte ouverture au commerce international et aux investissements étrangers, avec un environnement des affaires et une fiscalité très attractive.
La stratégie économique proactive du gouvernement a organisé la montée en gamme de l’industrie et des services en attirant le commerce (égal à environ trois fois le PIB), les investissements étrangers (quatre fois le PIB en stock d’IDE) et la main d’œuvre étrangère (un tiers de la population active). Près de la moitié (46%) des sièges régionaux asiatiques se trouvent aujourd’hui à Singapour.
La Corée du Sud offre un autre exemple remarquable de transformation économique. Selon les statistiques, le PNB par habitant est resté presque stagnant entre 1953 et 1960 (de 56 à 60 dollars), alors que la Corée du Nord avait quasiment quadruplé le sien sur la même période.
Le modèle de développement sud-coréen s’est basé sur des liens étroits entre le gouvernement et les milieux d’affaires, incluant le crédit dirigé, les restrictions aux importations, le financement de certaines industries, et un gros effort de travail. Le gouvernement a favorisé l’importation des matières premières et de la technologie aux dépens des biens de consommation et a encouragé l’épargne et l’investissement au détriment de la consommation.
Aujourd’hui, la Corée du Sud tient sa force économique de son industrie manufacturière, qui représente 25% du PIB coréen, soit l’une des parts les plus importantes parmi les pays développés. Le pays est devenu le 4ème marché mondial de la robotique, avec des ventes qui devraient atteindre 4,5 milliards d’euros en 2024.
Le Vietnam est aussi un autre exemple qui illustre parfaitement comment un pays peut fonder son développement sur l’ouverture économique. Avec une croissance moyenne supérieure à 6% sur les vingt dernières années, et un PIB par tête qui dépasse maintenant celui des Philippines et de l’Indonésie, le Vietnam se place parmi les économies les plus dynamiques d’Asie du Sud-Est.
Le Vietnam a fondé son développement sur l’ouverture de sa balance des paiements, par le biais du commerce extérieur et des investissements directs étrangers (IDE). Les investisseurs étrangers plébiscitent surtout la stabilité politique du pays, son degré d’ouverture aux IDE, son appartenance à un réseau dense d’accords de libre-échange et le coût réduit de sa main d’œuvre assez bien formée.
Le cas le plus fascinant de transformation est sans doute économique est sans doute l’Irlande. Jusqu’aux années 1980, l’Irlande était l’un des pays les moins développés d’Europe occidentale, avec une économie largement basée sur l’agriculture, avec une majorité d’exploitation familiale, un taux de chômage élevé et une émigration massive.
Le « Programme de redressement national » lancé en 1987 visait à réduire le déficit budgétaire par des coupes dans les dépenses publiques, une modération salariale et des réformes fiscales. L’un des principaux moteurs de la croissance économique irlandaise a été l’attraction d’investissements étrangers, notamment des entreprises américaines, grâce à des taux d’imposition sur les sociétés très bas, une main-d’œuvre anglophone et bien éduquée, ainsi qu’un accès privilégié au marché européen.
Aujourd’hui, la croissance du PIB réel devrait s’établir à 3,7% en 2025, et l’Irlande a accompli des progrès impressionnants en matière de résultats économiques et de qualité de niveau de vie parmi les meilleurs.
L’exemple de la République d’Estonie montre comment la transformation numérique peut servir de catalyseur au développement économique. Ce petit pays d’environ 1,3 million d’habitants a fait des progrès incroyables dans sa transformation numérique, cultivant un environnement favorable à l’innovation qui a abouti à la création de dix entreprises technologiques d’un milliard de dollars au point d’être qualifiée par le Forum économique mondial de « pays le plus entrepreneurial d’Europe ». La première version des principes de la politique estonienne de l’information a été établie en 1994, autorisant l’allocation d’un pourcentage du PIB spécifiquement aux technologies de l’information. Elle a été la première nation à offrir la citoyenneté numérique, permettant aux entrepreneurs du monde entier de créer et de gérer des entreprises en ligne. En 2023, plus de 80% des services gouvernementaux sont accessibles en ligne, et le payement des impôts se fait en quelques minutes grâce à une interface simplifiée.
Le cas particulier du Botswana : la bonne gouvernance des ressources
Bien que le Botswana dispose de ressources naturelles (principalement des diamants), son modèle de développement offre des leçons précieuses sur la bonne gouvernance. C’est l’un des rares pays africains à avoir connu une transformation économique impressionnante depuis son indépendance en 1966.
Contrairement à d’autres nations riches en matières premières mais freinées par la mauvaise gouvernance comme la RDC, le Botswana a su éviter « la malédiction des ressources naturelles ». Toutes les mines de diamants du Botswana sont exploitées dans le cadre d’un accord de licence avec le gouvernement, en vertu duquel 80% des recettes liées aux diamants sont réinjectées dans l’économie du pays.
Le pays affiche une croissance soutenue depuis son indépendance, atteignant parfois plus de 10% par an grâce à une politique budgétaire rigoureuse qui limite le gaspillage des ressources publiques, des investissements dans les infrastructures et une gestion transparente des revenus miniers évitant la fuite des capitaux.
Les réformes indispensables pour transformer l’économie congolaise
Pour renforcer la confiance des investisseurs et libérer le potentiel économique de la RDC, plusieurs réformes structurelles s’imposent. Lors du Annual Investment Meeting Congress 2025 à Abu Dhabi, la délégation gouvernementale congolaise, conduite par la Première ministre Judith Suminwa Tuluka, a présenté une stratégie de diversification économique articulée autour de trois secteurs prioritaires : les infrastructures et BTP, l’énergie et l’industrialisation, et le numérique.
Parmi les mesures déjà mises en œuvre figurent la réduction des délais d’enregistrement des entreprises à 72 heures et l’adoption d’un nouveau code des investissements. Ces réformes s’accompagnent d’incitations fiscales pour les secteurs prioritaires et d’un programme ambitieux de développement des infrastructures.
« Le pays doit absolument renforcer son système judiciaire pour garantir la sécurité juridique des investissements que recherche tout investisseur », souligne Me Bernardine Kongolo, avocate spécialisée en droit des affaires. « Sans un État de droit fonctionnel, toutes les autres réformes resteront lettre morte. Les investisseurs ont besoin de savoir que leurs contrats seront respectés et que les différends seront réglés de manière équitable sans interférences politiques. »
La lutte contre la corruption doit également s’accompagner d’une sensibilisation et d’une éducation de la jeunesse. « Il faut sensibiliser et éduquer la jeunesse congolaise aux méfaits de la corruption », plaide Saidi Mugunda, entrepreneur agricole à Goma. « Dans certains secteurs, les entrepreneurs s’approvisionnent auprès de sources peu sûres et corrompent les agents du service public de certification pour obtenir des autorisations malgré la qualité douteuse de leurs produits. »
Les bénéfices potentiels pour l’État et la population
Si la RDC parvenait à améliorer significativement son climat des affaires et à attirer davantage d’investissements privés, les bénéfices seraient considérables tant pour l’État que pour la population. Selon Nicolas Kazadi, ancien ministre des Finances, en termes d’opportunités d’affaires, il y a très peu de pays en Afrique et dans le monde qui ont autant d’opportunités d’investissement que la RDC.
L’afflux de capitaux privés permettrait de développer les infrastructures essentielles, de créer des emplois formels et de diversifier l’économie, actuellement trop dépendante du secteur minier. La Société américaine de financement du développement international (DFC) pourrait plus que doubler ses investissements dans le secteur minier en RDC pour atteindre environ 1,4 milliard de dollars, contre 750 millions de dollars investis en 2023.
« Nous nous appuyons sur nos propres financements, non seulement dans le secteur minier mais aussi dans des pays comme la RDC, dans l’espoir de pouvoir réduire les risques et attirer davantage de capitaux privés », a déclaré Nisha Biswal, directrice générale adjointe de la DFC.
La diversification économique est cruciale pour réduire la vulnérabilité du pays aux fluctuations des cours des matières premières. Comme souligné par l’ancien premier Ministre Jean-Michel Sama Lukonde, l’effort du gouvernement pour améliorer non seulement notre climat des affaires, mais surtout notre potentiel d’investissement va dans le sens de répondre à une question sociale du plus haut niveau, celle de la création des emplois et de la création des richesses.
Un tournant décisif pour l’avenir du Congo
La RDC se trouve à un moment charnière de son histoire. Avec ses ressources naturelles exceptionnelles et une population jeune et dynamique, le pays possède tous les atouts pour devenir une puissance économique africaine. Cependant, la corruption endémique et un climat des affaires défavorable continuent de freiner son développement.
Les réformes engagées par le gouvernement vont dans la bonne direction, mais leur mise en œuvre effective nécessitera une volonté politique très forte et un changement profond des mentalités. Comme l’affirmait Paul Nsapu, alors vice-président de la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH), « la corruption doit être érigée en crime économique, et crime contre l’humanité. Si le président Tshisekedi ose combattre cette corruption, nous serons là pour le soutenir ».
L’exemple de pays comme Singapour, la Corée du Sud, le Vietnam, l’Irlande ou l’Estonie montre qu’une transformation rapide est possible avec des politiques appropriées et une gouvernance transparente. Ces nations ont prouvé que l’absence de ressources naturelles peut même constituer un avantage, forçant les dirigeants à miser sur l’innovation, l’éducation et la création de valeur ajoutée.
Pour la RDC, l’enjeu est désormais de transformer ses immenses richesses naturelles en prospérité partagée pour l’ensemble de sa population. Le chemin sera long et semé d’embûches, mais l’avenir du Congo en dépend.
« Notre pays est comme un géant endormi », conclut Jean Mutomb, professeur d’économie. « Il est temps de le réveiller en libérant les énergies entrepreneuriales et en mettant fin à la corruption qui nous paralyse. Nos enfants méritent mieux que la pauvreté au milieu de tant de richesses. »
Heshima Magazine
Nation
Isolé à Doha et à Washington : Kabila attend la carte de la CENCO-ECC
Published
2 jours agoon
juin 23, 2025By
La redaction
L’ancien président de la République démocratique du Congo (RDC), Joseph Kabila, ne semble plus avoir les cartes en main. Revenu au pays via Goma, ville congolaise contrôlée par les rebelles du Mouvement du 23 mars (AFC/M23), soutenus par le Rwanda, l’ancien président s’est retrouvé isolé dans cette ville volcanique alors que Kinshasa et Kigali sont en passe de signer un accord de paix à Washington, aux États-Unis. Pendant ce temps, à Doha, capitale du Qatar, où se déroulent les discussions entre le gouvernement congolais et les rebelles, Kabila reste absent. Son entourage espère désormais jouer la carte du dialogue interne initié par les chefs religieux de la CENCO et de l’ECC.
Joseph Kabila est toujours à Goma. Après avoir consulté les rebelles de l’Alliance Fleuve Congo (AFC) plateforme dans laquelle se trouve le M23, puis la société civile locale et des chefs coutumiers de la zone environnante, Joseph Kabila n’a plus entrepris d’actions visibles à Goma. Les négociations officielles qui se déroulent aux États-Unis et au Qatar continuent de se dérouler sans lui. Pendant que Kinshasa se rapproche d’un accord minier avec Washington et d’un accord de paix avec Kigali, l’ancien président a dépêché son émissaire à Washington DC pour tenter de porter sa voix.
Envoyé dans la capitale américaine, son ancien conseiller diplomatique, Barnabé Kikaya Bin Karubi, a déclaré au journaliste Stanis Bujakera que son camp politique était parvenu à susciter des réserves parmi les facilitateurs de ces discussions. « Résoudre la crise congolaise par un simple accord avec le Rwanda serait une erreur. Il faut à tout prix aborder la question congolaise, interne, par un dialogue pacifique. Monsieur Kabila, c’est un homme de paix, un homme de dialogue », a déclaré Barnabé Kikaya.
Pour l’heure, la vision de la crise défendue par Joseph Kabila n’a pas été prise en compte par le gouvernement congolais. Kinshasa l’accuse d’avoir refusé de participer aux dernières élections (en 2023) pour « préparer une insurrection » avec la rébellion de l’AFC coordonnée par l’ancien président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), Corneille Nangaa. D’où son isolation par le gouvernement congolais dans les discussions en cours. Interrogée en mars dernier en Afrique du Sud sur la participation de l’ancien chef de l’État au processus de paix en cours, la ministre d’État aux Affaires étrangères, Thérèse Kayikwamba Wagner avait répondu qu’aucun rôle n’avait été prévu pour Joseph Kabila dans les discussions de paix.
La CENCO-ECC reçue par Tshisekedi, Kabila attend ce dialogue
Le samedi 21 juin 2025, le président de la République, Félix Tshisekedi, a reçu la délégation des chefs religieux de la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO) et de l’Église du Christ au Congo (ECC). Après avoir longtemps attendu cette audience, ces hommes d’église lui ont remis le rapport de leur mission relative au Pacte social, qui s’inscrit dans le cadre de la recherche de la paix dans la région de Grands Lacs, en général, et en RDC, en particulier.
Ce projet évoque un dialogue national inclusif entre tous les acteurs de la crise, une initiative qui a suscité la polémique, notamment en raison des soupçons de partialité des évêques dans cette crise. Ce rapport fait état de la mission effectuée tant au pays qu’à l’étranger à l’initiative des évêques de ces deux confessions religieuses. Félix Tshisekedi a mis en place une équipe de travail pour réfléchir autour de ce rapport. Ce dialogue – s’il se tient – pourrait être le dernier rempart pour Joseph Kabila afin d’influencer à nouveau le cours de la politique congolaise.
Kabila supporte mal sa marginalisation sur la scène politique, alors qu’il avait joué un rôle central dans l’alternance pacifique au pouvoir en 2019. « Toute tentative de résolution de cette crise qui ignorerait ses causes profondes – en premier lieu la gouvernance actuelle de la RDC – ne pourra pas apporter une paix durable », avait écrit Joseph Kabila dans une tribune publiée par Sunday Times, un journal sud-africain.
Pour lui, les innombrables violations de la constitution ne prendront pas fin « après une simple négociation entre la RDC et le Rwanda ou une défaite militaire du M23 ». Après avoir été exclu des processus de Doha et de Washington, Joseph Kabila espère se rattraper avec l’initiative de la CENCO-ECC qui pourrait inclure plusieurs acteurs politiques. « Il faut qu’il y ait une structure qui organise ce dialogue. Les évêques ont essayé. Le président Kabila, dans son discours, a applaudi cette initiative », a déclaré Kikaya Bin Karubi, faisant allusion aux consultations menées ces trois derniers mois par les Églises catholique et protestante en RDC et à l’étranger. « Si l’initiative des évêques aboutissait demain, vous verrez M. Kabila autour de la table », a-t-il annoncé.
Kabila a-t-il été l’objet de pression de Kigali ?
Étant passé par le Rwanda avant d’atteindre Goma – quartier général des rebelles – Joseph Kabila avait fait de la fin de la « tyrannie » de Félix Tshisekedi son objectif numéro un lors de son allocution à la nation congolaise le 23 mai 2025. Ayant passé par le Rwanda avant d’atteindre Goma, l’ancien « raïs » semblait peut-être compter sur ce pays agresseur de la RDC pour réaliser son plan à 12 recommandations. Mais la perception du Rwanda de l’action de Joseph Kabila semble tout autre. Selon François Soudan, rédacteur en chef de Jeune Afrique, l’ancien président semble « bien décidé à obtenir un changement de régime à Kinshasa », alors que ses alliés sont dans une « logique de contrôle des deux Kivu comme zone tampon sécuritaire pour le Rwanda, et comme zone d’influence communautaire pour le M23 ». D’après François Soudan, « dans le jeu de Kigali, Joseph Kabila apparaît comme une carte pour faire pression sur Félix Tshisekedi, rien de plus. »
Selon Jeune Afrique, Félix Tshisekedi « est en train de compenser, sur les plans diplomatique et politique, les revers de son armée sur le plan militaire ». Outre l’obtention de la résolution de l’ONU demandant le retrait du M23, le chef de l’État congolais a pu se présenter en rassembleur par le biais d’une « accolade spectaculaire avec Martin Fayulu », pourtant l’un de ses opposants les plus acharnés. Cette ouverture montrée avec Martin Fayulu peut amener à décrisper les rivalités au sein de la classe politique et faire le lit à un dialogue politique interne. Dans ces discussions, Joseph Kabila aurait pu avoir une place de choix compte tenu de son statut d’ancien président de la République et de sénateur à vie. Mais son possible soutien à la rébellion, qui a entraîné la levée de ses immunités au Sénat, lui nuit actuellement. Dans un tel contexte, la carte du dialogue de la CENCO-ECC reste sa seule planche de salut, sauf un coup de théâtre…
Heshima
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