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Les églises dans l’arène politique congolaise : arbitres ou acteurs ?

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En République démocratique du Congo (RDC), les églises jouent un rôle central non seulement dans la vie spirituelle des Congolais mais aussi dans les dynamiques sociales et politiques. De grandes confessions religieuses comme l’Église catholique et l’Église du Christ au Congo (ECC) se sont imposées comme des voix influentes dans les moments clés de l’histoire politique du pays, surfant parfois sur une ligne floue entre arbitres et acteurs politiques. Heshima Magazine analyse ce rôle de pasteur à la frontière de la politique.

Complice de l’opposition, adversaire « redoutable » des régimes politiques, politiciens en soutane…, les adjectifs se multiplient pour tenter de qualifier certaines actions de l’Église catholique au pays. Face aux crises politiques récurrentes qui ont jalonné la marche du pays depuis l’indépendance en 1960, les églises ont souvent joué un rôle clé. Leur position oscille entre celle d’arbitres impartiaux et celle d’acteurs engagés. De cardinal Joseph Malula à Fridolin Ambongo, les archevêques de Kinshasa ont imprimé une identité dans les esprits des Congolais : celle d’un sermonneur immodéré du régime en place. Cette tradition ne semble pas changer, même quand un opposant politique d’hier devient chef de l’État, comme c’est le cas aujourd’hui du président Félix Tshisekedi. Dans ce sillage des catholiques, on retrouve aussi l’Église du Christ au Congo (ECC). Bien que moins virulente que les cathos, cette confession religieuse fait toutefois moins de cadeaux au pouvoir en place, contrairement aux églises dites de « réveil » qui, souvent, accompagnent les régimes politiques.

De Malula à Ambongo, une « opposition » en soutane

Né le 17 décembre 1917 à Léopoldville (actuelle Kinshasa), Joseph Albert Malula fut fait cardinal en 1969. Déjà en 64, comme archevêque de Kinshasa, il s’est fait remarquer par ses prises de position sur les questions politiques et sociales. Trois ans après avoir été fait cardinal, les relations entre le président Mobutu et le cardinal Malula s’étaient gravement détériorées. En 1972, Malula s’exile à Rome. Au cœur des divergences : les critiques du prélat sur certains discours liés à la politique d’authenticité évoqués par Mobutu. De retour de son congé en Suisse, le président zaïrois tient un grand meeting au stade du 20 Mai (actuel stade Tata Raphaël) où il consacre une grande partie de son discours à défendre sa politique d’authenticité, qu’il estime être plus un « recours » plutôt qu’un « retour aux sources ancestrales ». Dans la foulée, il annonce une série de mesures prises contre la communauté catholique de Kinshasa à qui il interdit de se rassembler pour prier Dieu afin qu’il assiste le cardinal Malula dans les épreuves vécues en ce moment-là. « Si des prières sont organisées dans une école catholique quelconque, je nationaliserai immédiatement cette école », avait-il menacé.

Certains médias proches de l’Église catholique, éditant en dehors du Zaïre, ont pris la défense de Malula. La charge du combat contre Mobutu a été portée notamment par La Semaine, publiée à Brazzaville, et Afrique Nouvelle, éditée à Dakar. Ces éditions ont immédiatement indiqué que la seule position possible était, à leur avis, une solidarité sans faille avec le prélat sur lequel le chef de l’État zaïrois avait jeté l’anathème. « Après Lumumba, Malula », titrait La Semaine, un journal plus libre dans ses propos sur le Zaïre que sur la République populaire du Congo. Pour la direction d’Afrique Nouvelle, le cardinal Malula est « victime d’une authenticité douteuse » de Mobutu.

Pourtant, les relations entre l’Église catholique et l’État zaïrois sont régulées par le Vatican. Mais le dictateur zaïrois n’en a cure. « Aussi longtemps que je serai chef de l’État et si le pape veut une collaboration avec l’État zaïrois, l’archevêque de Kinshasa ne sera plus Mgr Malula », avait-il tranché. « Mobutu dit le droit zaïrois avant le droit canon », ironisait un analyste. Un bras de fer qui a laissé des traces dans l’histoire des relations entre l’Église et l’État congolais. « Depuis toujours, l’Église mène une opposition en soutane sans toutefois prendre le pouvoir », explique un politologue de l’Université pédagogique nationale (UPN).

Laurent Monsengwo, un autre cardinal « têtu »

Piètre orateur mais très charismatique, le cardinal Laurent Monsengwo Pasinya avait repris le flambeau de l’opposition contre Mobutu avant même qu’il ne devienne cardinal ou archevêque de Kinshasa. Dans l’entourage de Mobutu, Monsengwo était déjà perçu comme un prélat « têtu ». « Quand il est décidé, il va jusqu’au bout », confiait en 2018 l’ancien sénateur Florentin Mokonda Bonza qui a aussi côtoyé Monsengwo. Cet ancien directeur de cabinet du président Mobutu se souvient des messages déjà très politiques de celui qui n’était encore qu’archevêque de Kisangani et président de la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO) dans les années 90.

Lorsque le vent de la perestroïka avait soufflé au début des années 90, faisant tomber le mur de Berlin et provoquant l’éclatement de l’Union soviétique (URSS), ce mouvement de démocratisation avait également affecté le Zaïre. Ce qui avait obligé Mobutu à ouvrir le pays à la démocratie et au multipartisme. Ce qui avait conduit à la conférence nationale souveraine pour décider notamment de la transition politique. À peine ouverte, la conférence nationale censée amener à une démocratisation du pays est suspendue par le parti-État devenu la cible de toutes les critiques. Le 16 février 1992, à l’appel des mouvements laïcs de l’Église catholique, des dizaines de milliers de personnes descendent dans la rue pour réclamer la réouverture des débats dans le cadre de cette Conférence nationale souveraine. Dépassé par l’ampleur des manifestations de chrétiens catholiques, le gouvernement zaïrois fait intervenir les forces de sécurité. Elles ouvrent le feu sur les manifestants. Le bilan officiel fait état d’une vingtaine de morts. L’opposition, elle, évoque un bilan plus lourd : une centaine de victimes. Mobutu va finir par céder à cette pression des laïcs catholiques encadrés par les prêtres. « Le président Mobutu s’est rendu compte à ce moment-là que l’Église était un adversaire redoutable, il ne voulait pas faire de l’Église un ennemi », se souvient Florentin Mokonda. Mais dans l’entre-temps, Mobutu ne voulait pas de Monsengwo à la tête de la Conférence nationale souveraine, cherchant désespérément à le faire remplacer par un autre évêque.

Mobutu finira par céder à la pression en nommant, quelques mois après, son grand rival, l’opposant historique Étienne Tshisekedi au poste de Premier ministre. Mais la pression politique, elle, ne faiblira pas. En 1994, le président zaïrois acceptera finalement la « troisième voie » proposée par Laurent Monsengwo et désigne Léon Kengo Wa Dondo comme chef de son gouvernement. « Aux yeux des Congolais, la première ‘‘marche des chrétiens’’ reste un tournant pour un régime qui n’en finira plus d’agoniser », explique la journaliste Sonia Rolley.

Monsengwo, un bourreau pour Joseph Kabila

Devenu cardinal en 2010 en remplaçant son prédécesseur Frédéric Etsou Nzabi Bamungwabi (décédé en 2007), Laurent Monsengwo n’avait pas toujours désarmé face aux dirigeants congolais. Sur son chemin, il croise un certain Joseph Kabila, taiseux mais dont les actes de mauvaise gestion du pays étaient assourdissants. À la différence de celui qui va lui succéder plus tard, Fridolin Ambongo Besungu, Monsengwo ne faisait pas de sortie médiatique intempestive. « Il calculait non seulement ses coups mais aussi quand il faudrait les porter », explique un ancien membre du Comité laïc de coordination (CLC). Un mouvement qui a porté la charge des revendications politico-sociales en 2016-2017 et dont Monsengwo avait placé sous protection du droit canon pour éviter sa dissolution par le régime de Joseph Kabila.

Après la répression sanglante des marches du 31 décembre 2017, approuvées par l’Église catholique, le cardinal Monsengwo va prononcer une phrase qui fera date : « que les médiocres dégagent ». Pour les partisans de Joseph Kabila, l’archevêque de Kinshasa a prononcé les mots de trop, il est accusé à demi-mot de « tentatives subversives » visant à perturber les élections prévues officiellement pour la fin 2018, après avoir dépassé la date officielle prévue en décembre 2016.

Le 5 janvier 2018, le gouvernement Tshibala a dénoncé les « propos injurieux » du cardinal Laurent Monsengwo « à l’endroit des dirigeants du pays ainsi que des forces de l’ordre ». Le cardinal venait de qualifier également de « barbarie » la sanglante dispersion de la marche des chrétiens, qui réclamaient pacifiquement l’application de l’Accord de la St-Sylvestre signé fin 2016, qui balisait le chemin vers des élections consensuelles, accord que le régime avait bafoué en nommant un dissident de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), Bruno Tshibala. Cette répression avait fait « au moins 5 morts », dont un fidèle catholique, de nombreux blessés, une centaine d’arrestations, 134 paroisses encerclées par des militaires ou policiers, dont dix visées par des tirs de gaz lacrymogènes, deux messes empêchées et cinq interrompues par les forces de l’ordre, selon la nonciature apostolique. À quelques jours de quitter le Palais de la Nation pour laisser la place à Félix Tshisekedi, Joseph Kabila, réputé taiseux, n’hésitera pas à extérioriser son aversion : l’Église catholique a toujours été le bras droit de la colonisation, a-t-il déclaré lors d’une interview exclusive à Jeune Afrique où il expliquait ses relations parfois tendues avec cette Église.

Après Monsengwo, l’ECC sermonne le régime Kabila

Après le cardinal Laurent Monsengwo, le régime de Joseph Kabila pensait mieux faire en se rapprochant de l’Église du Christ au Congo (ECC), une deuxième confession religieuse la mieux organisée du pays après l’Église catholique. Mais là aussi, les protestants vont utiliser leur nom. C’est le pasteur François-David Ekofo qui va porter le combat. Le 16 janvier 2018, lors de la commémoration de la mort de Laurent-Désiré Kabila, assassiné le 16 janvier 2001, le pasteur François-David Ekofo s’est livré à un discours très critique envers le gouvernement congolais, évoquant notamment la nécessité pour Joseph Kabila de « passer le relais » après près de 18 ans au pouvoir. Il avait délivré son message devant un parterre rassemblant plusieurs ministres et cadres politiques : parmi lesquels le Premier ministre, Bruno Tshibala, le ministre de la Justice, Alexis Thambwe Mwamba, le secrétaire général du Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD, parti présidentiel), Henri Mova Sakanyi, l’épouse de Joseph Kabila et plusieurs membres de la famille du président. Evoquant en direct de la télévision nationale la nature de l’héritage que les générations présentes devraient léguer aux futures générations, Ekofo a douté de l’existence même de l’État congolais. « Quel pays allons-nous léguer à nos enfants, à nos petits-enfants ? », s’était-il interrogé, avant de lâcher : « J’ai l’impression que l’État n’existe pas vraiment ». Une douche froide en direct de la RTNC. Le sort du révérend sera connu quelques jours après : l’exil.

Ces hommes d’église sont-ils des acteurs politiques ?
Face à l’immixtion des églises catholique et protestante dans l’arène politique, certains hommes politiques au pouvoir les considèrent comme de vrais acteurs politiques. Mais l’Église s’est toujours défendue : « Nous ne faisons pas de la politique mais nous défendons un peuple qui souffre. Cela fait partie de notre Doctrine sociale », explique un prêtre de Kinshasa.

Le maréchal Mobutu accusait Laurent Monsengwo d’être proche de l’opposant Étienne Tshisekedi et parfois de lui donner des béquilles politiques. Mais sous les arbres de la 10e Rue, à Limete, les combattants murmurent que l’homme en soutane était plutôt proche de Léon Kengo, ancien procureur général de la République et qui était devenu plus tard Premier ministre du pays sur proposition de Monsengwo. L’Église n’est pas derrière des individus, elle soutient plutôt les faibles, analysait Monseigneur Donatien Nsole, secrétaire général de la CENCO. « Nous avons soutenu Étienne Tshisekedi en 2018 lors de l’accord de la Saint-Sylvestre parce qu’il était dans le camp des faibles vis-à-vis du pouvoir », explique une autre source proche de la CENCO, jouant souvent un rôle d’arbitre dans les négociations entre politiques.

Heshima

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Décentralisation en RDC : l’autonomie des provinces reste encore un mirage

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La décentralisation, inscrite dans la Constitution de 2006, visait à accorder plus d’autonomie aux provinces pour rapprocher l’administration des citoyens, favoriser le développement local et améliorer la gestion des ressources, en particulier celles des provinces. Plus de 17 ans après le début de la mise en œuvre de cette réforme, l’autonomie des entités locales reste encore un mirage. Pourtant, cette forme « hybride » de l’État est un précieux compromis trouvé entre les partisans de l’unitarisme et ceux du fédéralisme. Heshima Magazine explore les principaux enjeux et défis rencontrés dans le cadre de cette réforme.

Après avoir traversé plusieurs crises institutionnelles, la RDC s’est dotée en février 2006 d’une Constitution qui a théoriquement réorganisé l’exercice du pouvoir. Elle institue deux échelons de son exercice : le pouvoir central et la province, à l’intérieur de laquelle se trouvent des entités territoriales décentralisées. Selon l’article 3 de la loi fondamentale, le pays compte la ville de Kinshasa, capitale des institutions nationales, et 25 provinces. Kinshasa a également le statut de province. Depuis 2015, la RDC compte 26 provinces. Il s’agit du Bas-Uele, de l’Equateur, du Haut-Lomami, du Haut-Katanga, du Haut-Uele, de l’Ituri, du Kasaï, du Kasaï Central, du Kasaï Oriental, du Kongo Central, du Kwango, du Kwilu, de Lomami, du Lualaba, de Mai-Ndombe, du Maniema, de Mongala, du Nord-Kivu, du Nord-Ubangi, du Sankuru, du Sud-Kivu, du Sud-Ubangi, du Tanganyika, de la Tshopo et du Tshuapa.

Ces provinces et les entités territoriales décentralisées sont dotées de la personnalité juridique et sont gérées par les organes locaux. Toujours selon la Constitution, ces entités territoriales décentralisées sont la ville, la commune, le secteur et la chefferie. Elles jouissent de la libre administration et de l’autonomie de gestion de leurs ressources économiques, humaines, financières et techniques. Ces réformes ont démarré en 2008 avec la Loi n° 08/012 du 31 juillet 2008 portant principes fondamentaux relatifs à la libre administration des provinces. Elles se sont poursuivies avec le découpage territorial de certaines provinces en 2015.

Le transfert de compétences vers les provinces reste incomplet

Après le passage de 11 à 26 provinces, la Constitution prévoit que ces entités bénéficient d’une autonomie, d’une libre administration, ainsi que du transfert de compétences et de ressources. En 2025, force est de constater que le pouvoir central continue d’exercer une influence sur les provinces et les autres entités. En 2018, le gouvernement avait initié un forum pour faire l’état des lieux de la décentralisation. Lors de la deuxième édition, en 2019, le gouvernement avait constaté une mise en œuvre mitigée de cette réforme. En instituant ce forum, le gouvernement cherche à identifier les acquis, les échecs et les éventuelles corrections. Parmi les recommandations pour renforcer la mise en œuvre de la décentralisation, le gouvernement du Premier ministre Sylvestre Ilunga Ilunkamba a prévu la création d’un projet d’appui. Ce projet vise à assurer une coordination plus efficace de la décentralisation, à favoriser la construction et la réhabilitation des bâtiments à usage administratif et résidentiel en province et dans les entités territoriales décentralisées, et à appuyer l’opérationnalisation de la Caisse nationale de péréquation.

Caisse nationale de péréquation presque abandonnée

Véritable outil d’équilibre entre les provinces nanties et les moins nanties, la Caisse nationale de péréquation (CNP) n’est toujours pas fonctionnelle à 100 %. Bien que prévue depuis 2006 (article 181), la Caisse n’a été légalement créée qu’en 2018 (Ordonnance n°18/037 du 24 novembre 2018). Sa mise en œuvre souffre de retards, de blocages politiques et d’un manque de volonté effective du pouvoir central. Cette caisse est un mécanisme clé prévu par la Constitution pour accompagner la décentralisation et réduire les inégalités de développement entre les provinces. Les provinces comme celles de Mai-Ndombe, Kwilu, Mongala, Haut-Lomami, Sankuru et tant d’autres restent très pauvres. Aucun projet de développement majeur n’est envisagé dans ces provinces. En juillet 2023, le Centre des recherches en finances publiques et développement local (CREFDL) a dénoncé les « intérêts obscurs » qui entravent le fonctionnement de cette caisse. Cette structure note qu’après analyse technique de plus d’une centaine de documents relatifs à l’opérationnalisation de cette caisse, le bilan reste catastrophique, y compris sous le président Félix Tshisekedi. « Le bilan reste catastrophique. La CNP n’a jamais été redynamisée malgré la nomination de nouveaux animateurs. Sur les 4,1 milliards USD alloués dans la loi des Finances (2019-2023) pour financer les investissements des provinces et des ETD, le Trésor public n’a décaissé que 76 millions USD, soit seulement 2,7 % », dénonçait CREFDL en 2023. Cette insuffisance de financement des provinces moins nanties, combinée avec les difficultés de rétrocession de 40 % des recettes nationales aux provinces, constitue des obstacles majeurs pour l’autonomie financière de ces entités.

Les ETD font figure de parent pauvre

Les Entités territoriales décentralisées (ETD), comprenant les communes, secteurs et chefferies, sont censées jouer un rôle clé dans le processus de décentralisation et dans la fourniture des services de base de proximité. Cependant, leur viabilité reste gravement compromise par une série de contraintes structurelles, financières, administratives et politiques. Ces entités souffrent de problèmes de financement. « Les frais de fonctionnement arrivent parfois à compte-goutte », révèle un administrateur du territoire au Kongo Central. « Tout en fragilisant la Caisse Nationale de Péréquation, des structures ad hoc sont utilisées pour mettre en œuvre des projets d’investissements dans les provinces et ETD, en violation de la loi sur la libre administration des provinces et de la Constitution », dénonçait CREFDL. Des projets censés être menés par des administrateurs des territoires sont parfois pilotés par d’autres structures. Ce qui éloigne davantage les administrés de leur administration de proximité.

Les ETD sont pourtant dotées de la personnalité juridique, de la libre administration, et sont supposées disposer de compétences propres en matière de développement local, gestion des ressources naturelles, voirie, éducation primaire, santé de base, etc. Mais à ce jour, elles dépendent encore en majorité du pouvoir central. Certaines ETD bénéficient d’un potentiel local important, comme les taxes locales, les ressources naturelles ou une population active. Mais la dynamique de développement devrait venir de l’autonomie légale leur conférée par la Constitution.

Risque d’un faible intérêt des citoyens des ETD

Le fait pour le gouvernement central de conduire la plupart des projets de développement local crée une faible implication des citoyens dans la gestion des affaires locales. Autre fait qui suscite le manque d’intérêt pour le pouvoir local, c’est l’absence d’élections locales depuis des décennies. Selon la Constitution, les chefs de secteur, bourgmestres et leurs adjoints devraient être élus par la population locale. Mais à ce jour, ils sont encore nommés par le président de la République. « L’arrivée de ces autorités locales nommées est perçue comme un cheveu dans la soupe. Elles ne créent pas une proximité avec les administrés locaux. Il faut respecter la loi en organisant des élections locales », explique un ancien chef de secteur à Masimanimba, dans la province du Kwilu. Pour lui, un tel processus permettra de résoudre aussi le problème de redevabilité et de transparence dans la gestion locale. D’après lui, s’il y a élections, les actions de ces élus locaux seront ainsi surveillées par leurs électeurs.

Une occasion de taire les divergences sur le fédéralisme

La décentralisation en RDC a permis des avancées législatives notables, mais des défis structurels, politiques et financiers persistent. Pour l’écrivain Michel Liégeois, le choix du constituant congolais en faveur d’un État fortement décentralisé constitue une évolution décisive de l’organisation politique et administrative de la RDC. « Cette orientation institutionnelle rapproche la RDC d’un État fédéral, sans pour autant adopter officiellement cette forme », affirme-t-il dans son ouvrage intitulé « La décentralisation en RD Congo : enjeux et défis ». Cela permet de surmonter les divergences entre les partisans du fédéralisme et ceux de l’État unitaire, tout en réduisant le risque de balkanisation du pays.

En avril, l’ancien ministre du Plan, Olivier Kamitatu, proche de l’opposant Moise Katumbi, avait relancé le débat sur le fédéralisme, suscitant une levée de boucliers de la part de ceux qui voient dans ce débat un séparatisme rampant. « Je m’y oppose », avait rétorqué Marie-Ange Mushobekwa, ancienne ministre des Droits humains. Ce cadre du Front commun pour le Congo (FCC) de Joseph Kabila avait souligné que la Constitution en vigueur, bien que théoriquement unitaire, présente des « éléments hybrides » proches du fédéralisme. « Le juste milieu pour tout le monde », avait-elle tranché, soulignant l’importance de mettre en œuvre ce compromis trouvé à Sun City en 2003 entre les belligérants.

Dans cette décentralisation, les assemblées provinciales devraient remplir correctement leur rôle de contrôle des exécutifs provinciaux pour une meilleure application de cette réforme majeure.

Heshima

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Immunités de Joseph Kabila sur la sellette en RDC : quel avenir pour l’ancien président ?

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Dans les méandres de Kinshasa, où la politique se mêle à l’histoire tumultueuse de la République Démocratique du Congo (RDC), un débat brûlant agite les cercles du pouvoir : les immunités de l’ancien président Joseph Kabila, sénateur à vie, peuvent-elles être levées ? Alors que des accusations le lient à des groupes armés dans l’Est du pays, la question dépasse le simple cadre juridique pour toucher les fondations mêmes de la stabilité nationale. Entre une Constitution protectrice, une loi controversée sur les anciens chefs d’État, et un climat sécuritaire explosif, l’avenir de Kabila pourrait redéfinir les équilibres politiques congolais. Heshima Magazine plonge dans les arcanes du droit, explore les dynamiques politiques actuelles, s’inspire de précédents internationaux, et esquisse les scénarios possibles pour cet homme qui, après dix-huit ans à la tête du pays, reste une figure énigmatique.

La Constitution congolaise de 2006, révisée en 2011, est le socle sur lequel repose le statut de Joseph Kabila. Son article 104 stipule qu’un ancien président élu devient sénateur à vie, une disposition conçue pour garantir une transition pacifique et protéger les ex-dirigeants des représailles. Ce statut confère à Kabila les immunités parlementaires prévues à l’article 107, qui protège les sénateurs contre les poursuites pour leurs opinions ou votes exprimés dans l’exercice de leurs fonctions. Toute arrestation ou poursuite pendant les sessions parlementaires doit obtenir l’autorisation du Sénat, à l’exception d’un flagrant délit. En dehors des sessions, c’est le bureau du Sénat qui doit donner son aval, sauf en cas de flagrant délit, de poursuite autorisée ou de condamnation définitive. La Chambre haute a également la possibilité de suspendre une procédure judiciaire contre l’un de ses membres, bien que cette suspension ne puisse excéder la durée d’une session. »

Mais ce bouclier n’est pas absolu. « La Constitution protège les anciens présidents, mais ce n’est pas un chèque en blanc », explique Me Jacques Kalubi, constitutionnaliste à l’Université de Kinshasa. « Les immunités peuvent être levées pour des crimes graves, mais cela exige une volonté politique forte et une procédure rigoureuse. » En effet, les accusations récentes contre Kabila, notamment son probable soutien au groupe rebelle Mouvement du 23 mars (M23), pourraient justifier une telle démarche, à condition que des preuves solides soient présentées. Pourtant, le flou entourant ce qui constitue un « flagrant délit » ou une « poursuite autorisée » laisse place à des interprétations divergentes, alimentant les tensions entre juristes et politiques.

Le statut de sénateur à vie pose également une question plus large : est-il une garantie d’alternance démocratique ou un privilège anachronique ? Pour certains, comme Jean-Marc Kilwa, il s’agit d’un « vestige d’un passé autoritaire, conçu pour protéger une élite ». D’autres, proches de Kabila, y voient une nécessité pour éviter des chasses aux sorcières dans un pays où les transitions sont souvent violentes.

La loi n°18/021 : une protection sur mesure ?

Adoptée le 26 juillet 2018, la loi n°18/021, qui fixe le statut des anciens présidents élus et des anciens chefs de corps constitués, est au cœur du débat. Ce texte, élaboré dans les derniers mois du mandat de Kabila, visait à sécuriser sa sortie du pouvoir après les élections de 2018. Selon des analyses publiées par Actualite.cd, la loi accorde des « privilèges juridictionnels » aux anciens présidents, notamment une immunité contre les poursuites pour les actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions. Cependant, cette protection ne s’étend pas aux crimes graves tels que la corruption, le détournement de fonds, les crimes contre l’humanité, ou les crimes de guerre.

« Cette loi est un paradoxe », estime Nadine Lema, professeure de droit public à l’Université de Lubumbashi. « Elle cherche à protéger tout en ouvrant la porte à des exceptions pour des infractions majeures. Mais son application dépend du courage des institutions. » En effet, la loi précise que toute levée d’immunité doit suivre une procédure similaire à celle des parlementaires, dont le Sénat pour Kabila. Pourtant, cette loi alimente les suspicions d’une législation taillée sur mesure pour l’ancien président.

Le contexte de son adoption renforce cette perception. En 2018, alors que Kabila hésitait à quitter le pouvoir, la loi semblait être une assurance-vie politique. « C’était un compromis pour garantir l’alternance sans exposer Kabila à des représailles immédiates », confie un ancien député du Front Commun pour le Congo (FCC), sous couvert d’anonymat. Mais aujourd’hui, dans un climat de tensions croissantes, cette loi pourrait être mise à l’épreuve.

Le droit pénal congolais : une épée de Damoclès

En RDC, le code pénal est une arme redoutable, capable de frapper même les plus puissants, à condition que les barrières des immunités soient levées. Pour Joseph Kabila, ancien président et sénateur à vie, les accusations portées par le ministre de la Justice, relayées par des figures importantes comme Jean-Pierre Bemba, placent l’homme sous une pression croissante. Ces allégations, qui vont du soutien à des groupes armés à des infractions économiques, s’appuient sur un arsenal juridique précis. Dans un pays où la justice reste souvent un terrain miné, la levée des immunités de Kabila pourrait-elle marquer un pas vers la responsabilité, sans pour autant précipiter la nation dans le chaos ? Une chose est certaine : personne n’est au-dessus des lois. Les révélations des médias internationaux, parfois discrètement contredites par certains membres de son parti, le PPRD, viennent renforcer les soupçons qui pèsent sur l’ex-président. »

Les infractions au cœur des accusations

Les accusations portées contre Joseph Kabila, telles que formulées par le président Tshisekedi, Jean-Pierre Bemba, le ministre de la Justice et d’autres responsables, portent sur des infractions graves prévues par le code pénal congolais. En mars 2025, Bemba, vice-Premier ministre, a publiquement affirmé détenir des « preuves » liant Kabila au groupe rebelle M23, actif dans le Nord-Kivu et Sud-Kivu, et aux milices Mobondo, impliquées dans des violences dans l’Ouest du pays. Ces allégations, bien que non détaillées publiquement, pourraient tomber sous plusieurs articles du code pénal. Les articles 145 à 147 répriment la corruption et le détournement de fonds publics, des accusations récurrentes contre Kabila, notamment dans la gestion opaque des contrats miniers sous son mandat. L’article 149, quant à lui, sanctionne l’abus de pouvoir, un chef d’accusation potentiellement applicable si des liens avec des groupes armés sont prouvés.

Plus préoccupant encore, la loi n°09/003 de 2009, accordant une amnistie pour les faits de guerre et d’insurrection commis dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, exclut expressément les crimes de génocide, les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité. Elle définit également les faits de guerre et d’insurrection, pouvant potentiellement concerner des actes survenus sous la présidence de Kabila, notamment les violences dans l’Est du pays. Le soutien présumé au M23, accusé de massacres et de déplacements forcés de millions de personnes, pourrait être qualifié de complicité dans des crimes de guerre ou contre l’humanité, des infractions également couvertes par le Statut de Rome, dont la RDC est signataire. « Ces accusations, si étayées, placeraient Kabila dans une position juridiquement intenable », analyse Me Alain Mukendi, avocat spécialisé en droit pénal à Kinshasa. « Le défi est de transformer des soupçons en preuves admissibles devant un tribunal. »

Les révélations des médias internationaux : un faisceau d’indices

Les soupçons contre Kabila ne se limitent pas aux déclarations politiques. Des médias internationaux de renom, tels que RFI, TV5 Monde, et France 24, ont rapporté une information troublante : Joseph Kabila est entré à Goma le 18 avril 2025, dans l’Est de la RDC par la grande barrière, pour un bref passage en provenance de Kigali, la capitale rwandaise. Cette révélation, largement relayée, n’a jamais été rectifiée ni démentie par ces médias, une situation qui, pour beaucoup, renforce sa crédibilité. « Si ces informations étaient erronées, des organes comme RFI ou France 24, soumis à des standards journalistiques rigoureux, auraient publié des correctifs ou des excuses », note Justine Mbuyi, journaliste congolaise d’investigation. « Leur silence est éloquent : ils maintiennent leurs allégations. »

Ce séjour présumé à Goma, une ville sous occupation du M23, alimente les spéculations sur les liens de Kabila avec des acteurs régionaux, notamment le Rwanda, accusé par l’ONU de soutenir le M23. Selon le site Africa Intelligence, Joseph Kabila a effectué un passage discret à Kigali en avril 2025 et un saut à Kampala en mars 2025, coïncidant avec un déplacement de Corneille Nangaa, chef de l’Alliance du Fleuve Congo (AFC), une alliance dont le M23 fait partie. Par ailleurs, le site de la chaîne française de la radio-télévision publique flamande VRT NWS, rapporte des rumeurs selon lesquelles Kabila pourrait soutenir le M23 dans le but de provoquer un changement de régime à Kinshasa, bien que ces allégations soient qualifiées de « difficiles à prouver ». La suspension des activités du Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD), le parti de Kabila, en mars 2025, pour des liens présumés avec le M23, renforce l’idée d’une implication indirecte. « Ce ne sont pas des preuves au sens strictement judiciaire, mais des signaux forts. Il faut toutefois attendre l’ouverture du procès, car il ne faut pas oublier que la RDC dispose de ses propres services de renseignement, et bénéficie également des informations partagées par la Monusco présente à Goma », confie un analyste sécuritaire européen sous couvert d’anonymat. « Le puzzle commence à prendre forme. », a-t-il ajouté.  

Preuves indirectes et soupçons persistants

D’autres éléments, bien que circonstanciels, jettent une ombre sur l’ancien président. Des témoignages recueillis par des ONG locales dans le Nord-Kivu rapportent que des miliciens affiliés au M23 auraient mentionné des « soutiens de haut niveau » à Kinshasa, sans nommer explicitement Kabila. Eric Nkuba, conseiller stratégique de l’AFC dirigée par Corneille Nangaa, présenté à la presse le 5 avril 2024, est passé aux aveux lors de son audition au quartier général des renseignements militaires. A cette occasion, l’interpellé a cité l’ex-président de la République, Joseph Kabila, et John Numbi comme étant des contacts internes de l’AFC qui s’occupent de l’aspect militaire. Un rapport de l’ONG Enough Project de 2023, bien que non spécifique à Kabila, soulignait que des réseaux financiers liés à d’anciennes élites congolaises continuaient de bénéficier des ressources minières dans les zones contrôlées par le M23. Ces réseaux, selon des sources proches du dossier, incluraient des associés de longue date de Kabila.

Le comportement de l’ancien président alimente également les soupçons. Depuis son départ du pouvoir en 2019, Kabila s’est fait discret, résidant souvent à l’étranger. Cette distance, perçue comme une stratégie d’évitement, contraste avec son rôle de sénateur à vie, qui lui permet théoriquement à participer aux travaux du Sénat. « Son silence et son absence sont interprétés comme une volonté de se soustraire aux regards », observe Delly Sesanga, président du parti de l’opposition Envol. « Cela ne prouve rien, mais cela ne joue pas en sa faveur. »

Minimiser les risques d’une levée des immunités

Si les immunités de Kabila étaient levées, les risques de déstabilisation, bien réels, ne sont pas insurmontables. Les craintes d’une mobilisation de ses partisans, notamment dans le Katanga, ou d’une escalade des tensions avec le Rwanda, doivent être tempérées par une gestion judiciaire transparente. « Une procédure bien encadrée, avec des preuves solides et une communication claire, peut limiter les réactions négatives », estime Nadine Lema, professeure de droit public à l’Université de Lubumbashi. Une enquête ciblée, évitant les apparences de règlement de comptes politiques, pourrait même renforcer la crédibilité des institutions congolaises.

La levée des immunités, si elle aboutit à des poursuites, enverrait un message puissant : personne n’est au-dessus des lois, pas même un ancien chef d’État. « C’est une question de principe », insiste Me Mukendi. « Si la RDC veut bâtir un État de droit, elle doit montrer que les puissants répondent de leurs actes, sans exception. » Des précédents, comme les poursuites contre des anciens ministres sous Tshisekedi, montrent que des actions judiciaires ciblées peuvent être menées sans provoquer un chaos généralisé.

Une justice sous pression

Le droit pénal congolais, avec ses articles rigoureux et son intégration des normes internationales, est une épée de Damoclès suspendue au-dessus de Kabila. Les accusations portées par le ministre de la Justice, combinées aux révélations des médias et aux indices indirects, forment un tableau préoccupant. Pourtant, transformer ces soupçons en condamnations nécessite de surmonter des obstacles majeurs : lever les immunités, rassembler des preuves solides, et naviguer dans un climat politique explosif. Si la justice congolaise parvient à relever ce défi, elle pourrait marquer un tournant historique, prouvant que même les ombres du passé ne peuvent échapper à la lumière de la loi.

Le Sénat : gardien ou juge des immunités ?

Le règlement intérieur du Sénat, mis à jour pour la législature 2024-2028, détaille la procédure de levée d’immunité dans son article 218. Lorsqu’une demande est formulée, le bureau du Sénat constitue une commission spéciale pour examiner les faits. Le sénateur concerné, en l’occurrence Kabila, est auditionné et peut être assisté par un avocat ou deux collègues. La commission soumet ses conclusions à l’assemblée plénière, qui délibère à huis clos, limitant les interventions aux rapporteurs et aux parties concernées. Hors session, le bureau décide après avoir entendu le procureur général et le sénateur visé.

Ce processus, bien que formel, est éminemment politique. « Le Sénat est un espace de compromis, pas un tribunal », note un diplomate européen basé à Kinshasa. La suspension des activités du PPRD, parti de Kabila, en mars 2025, pour des liens avec le M23, pourrait toutefois influencer les dynamiques internes du Sénat.

Un pays au bord du gouffre : le contexte politique et sécuritaire

En 2025, la RDC est un volcan prêt à entrer en éruption. L’Est du pays, notamment le Nord-Kivu et le Sud-Kivu, est ravagé par les conflits. Le M23, soutenu par le Rwanda, a intensifié ses offensives. Selon le plan de réponse de l’OIM (Organisation internationale de migrations) pour 2025, 6,9 millions de Congolais sont déplacés, dont 5,5 millions dans l’Est, avec des besoins humanitaires estimés à 3,4 milliards de dollars. Les obstacles bureaucratiques et l’insécurité entravent l’aide, tandis que les tensions entre Kinshasa et Kigali aggravent la crise.

Politiquement, Félix Tshisekedi, réélu haut la main en 2023, mène une lutte pour la souveraineté et la réunification du pays. Son alliance avec des partis comme le MLC, l’UNC, l’AFDC-A, ainsi que d’autres formations issues de dissidences du FCC, reflète une coalition solide. Les accusations portées contre Joseph Kabila, relayées notamment par Jean-Pierre Bemba, s’inscrivent dans un climat de rivalités croissantes. « C’est une stratégie risquée », analyse Delly Sesanga, président du parti Envol. « Accuser Kabila peut galvaniser l’opposition à Tshisekedi, mais aussi radicaliser ses partisans, surtout dans l’Est. »

 Mais pour Patrick Rafiki, habitant de Bunia, en Ituri, la réalité est tout autre : « C’est exactement l’inverse. Les populations de l’Est, premières victimes des violences orchestrées par le régime de Paul Kagame, ne peuvent soutenir un candidat perçu comme proche du Rwanda, ou soupçonné de complicité avec Kigali. C’est d’ailleurs ce qui a nui à Moïse Katumbi lors de la dernière présidentielle : son refus de dénoncer explicitement le rôle du Rwanda dans la rébellion du M23 a été très mal perçu. Cela explique en partie son faible score au Nord-Kivu, au Sud-Kivu et en Ituri. »

Leçons du passé : anciens chefs d’État face à la justice

À travers le monde, d’autres anciens chefs d’État ont vu leurs immunités levées, offrant des leçons pour la RDC. Au Soudan, Omar el-Béchir, renversé en 2019, a été poursuivi par la CPI pour génocide et crimes de guerre. Sa chute a précipité une transition chaotique, marquée par des luttes entre factions militaires. En Afrique du Sud, Jacob Zuma, accusé de corruption dans l’affaire des commissions Zondo, a été emprisonné en 2021 après avoir été poussé à la démission par son parti de l’époque, le Congrès national africain (ANC). Cette décision a renforcé l’état de droit, mais provoqué des émeutes meurtrières, révélant les divisions au sein de l’ANC.

En Côte d’Ivoire, Laurent Gbagbo, poursuivi par la CPI pour crimes contre l’humanité, a été acquitté en 2019, mais son procès a exacerbé les tensions internes et alimenté les critiques contre la justice internationale. Au Tchad, Hissène Habré, jugé par un tribunal spécial au Sénégal, est devenu un symbole de la justice africaine, bien que son impact local soit resté limité. En France, Nicolas Sarkozy, condamné pour corruption en 2021, illustre que même dans des démocraties établies, les anciens dirigeants peuvent être tenus responsables, sans pour autant déstabiliser les institutions. « Si cela a été possible ailleurs, pourquoi ne le serait-ce pas en RDC ? » interroge Clément Mbala, un militant pour les droits de l’homme à Kinshasa.
« Les exemples de la Côte d’Ivoire, du Tchad ou de la France montrent que même les anciens dirigeants peuvent être tenus responsables de leurs actes. La RDC ne doit pas craindre de s’engager dans cette voie, à condition que les preuves soient irréfutables. Au contraire, cela pourrait renforcer la crédibilité de notre système judiciaire et envoyer un message fort contre l’impunité. La déstabilisation n’est pas une fatalité si le processus est mené de manière transparente et équitable. »

Ces cas montrent que poursuivre un ancien chef d’État est un exercice d’équilibre. « La justice peut renforcer la légitimité d’un État, mais elle doit être perçue comme impartiale », observe Aïssatou Diallo, analyste à l’Institut d’études de sécurité de Pretoria.

Scénarios pour l’avenir : entre justice et stabilité

Plusieurs chemins s’offrent à la RDC dans l’affaire Kabila, chacun avec ses promesses et ses périls. Le premier scénario est le statu quo : le Sénat refuse de lever les immunités, par manque de consensus ou pour éviter de potentiels  troubles. Cela préserverait une stabilité précaire, mais alimenterait les accusations d’impunité, sapant la confiance dans les institutions. « Ne rien faire, c’est aussi un choix politique », prévient Nadine Lema.

Un deuxième scénario verrait les immunités levées, suivies de poursuites pour corruption ou complicité avec des groupes armés. Si des preuves solides sont présentées, cela pourrait marquer un tournant pour l’État de droit. Mais les partisans de Kabila, influents dans certaines régions, pourraient riposter, exacerbant les tensions. « Une poursuite mal gérée sans suffisamment de preuves pourrait rallumer des conflits dormants », craint un diplomate à Kinshasa.

Un troisième scénario impliquerait une saisine de la CPI, notamment si des crimes internationaux sont établis. Cela contournerait les obstacles nationaux, mais nécessiterait une coopération internationale complexe. Enfin, un compromis politique pourrait émerger : des négociations permettant à Kabila de bénéficier d’une sortie honorable avec la récupération de ses biens visés par une saisine, peut-être en échange d’un engagement à ne pas soutenir des puissances étrangères derrière le M23. Ce scénario privilégierait la stabilité, mais au prix de concessions sur la justice, un choix controversé dans un pays où l’impunité reste un fléau.

Un tournant pour la RDC

La question des immunités de Joseph Kabila va au-delà d’un simple débat juridique : elle reflète les défis profonds auxquels la RDC est confrontée. Dans un pays marqué par des décennies de conflits, de corruption et de fragilité institutionnelle, chaque décision porte des répercussions majeures. Lever ses immunités pourrait constituer un précédent historique dans la lutte contre l’impunité, mais au risque d’exacerber des tensions latentes. Maintenir le statu quo, en revanche, pourrait apaiser les esprits à court terme, mais au prix d’une érosion de la confiance dans l’État et d’un sentiment d’impunité à certains niveaux, compromettant ainsi l’État de droit prôné par Tshisekedi.

Alors que la RDC navigue entre ces écueils, le sort de Kabila reste incertain. Comme le souligne Delly Sesanga, « ce n’est pas seulement l’avenir d’un homme qui est en jeu, mais celui d’un pays qui cherche encore sa voie ». Dans ce jeu d’équilibre, la prudence et la transparence seront essentielles pour que justice et paix, si souvent opposées, puissent enfin se rejoindre.

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Accords de paix en RDC : le long chemin vers une difficile stabilité

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Cinq millions de morts, des dizaines de groupes armés, et des minerais qui valent de l’or. La République démocratique du Congo (RDC), indépendante depuis 1960, porte les stigmates de guerres où se mêlent rivalités ethniques, convoitises transnationales et impuissance de l’État. Trois accords majeurs Lusaka (1999), l’Accord Global de 2002 et Pretoria (2002) ont tenté, en vain, de rompre ce cycle infernal. Actuellement, Kinshasa et la rébellion du M23 sont en pleine négociation sous l’égide du Qatar et des États-Unis. Retour sur des traités qui ont buté sur les mêmes écueils : application partielle et défiance régionale.

La chute de Mobutu Sese Seko en 1997, après la première guerre du Congo, n’a pas sonné l’heure de la stabilité. Bien au contraire. Entre 1998 et 2003, la RDC s’enfonce dans un conflit régional dévastateur : neuf pays africains et des dizaines de milices s’affrontent dans ce qui deviendra la deuxième guerre du Congo, qualifiée par les experts de « guerre mondiale africaine » en raison de son ampleur. Aujourd’hui encore, l’Est du pays, notamment les Kivu, reste un baril de poudre. Le Mouvement du 23 mars (M23), soutenu par le Rwanda, y mène des offensives meurtrières. « Ces guerres ne sont jamais vraiment terminées. Elles se transforment », analyse un rapport de l’United States Institute of Peace (2024), pointant l’échec des mécanismes de désarmement et la persistance des « économies de guerre » liées à l’exploitation illégale des ressources congolaises.

Lusaka 1999 : un cessez-le-feu en trompe-l’œil pour la RDC

La signature de l’accord de cessez-le-feu de Lusaka en juillet 1999 devait marquer la fin de la deuxième guerre du Congo. Pourtant, les armes continueront de parler pendant quatre années supplémentaires. Ce paradoxe résume à lui seul l’échec d’une diplomatie pressée mais incapable de résoudre les causes profondes du conflit.

Tout commence par la rupture entre Laurent-Désiré Kabila et ses anciens parrains rwandais et ougandais. Le président congolais, porté au pouvoir grâce à leur soutien en 1997, cherche à s’émanciper de leur influence. Les rancœurs s’accumulent : Kigali reproche à Kinshasa sa passivité face aux FDLR, ces milices hutues issues du génocide rwandais qui opèrent depuis l’Est congolais. Kampala, de son côté, convoite ouvertement les richesses minières du Kivu.

Lorsque éclate la rébellion en août 1998, le conflit prend immédiatement une dimension régionale. D’un côté, le gouvernement congolais s’appuie sur les troupes angolaises, zimbabwéennes et namibiennes. De l’autre, les mouvements rebelles du RCD et du MLC, soutenus respectivement par le Rwanda et l’Ouganda, progressent vers Kinshasa. La capitale ne doit son salut qu’à l’intervention tardive des alliés de Kabila.

C’est dans ce contexte tendu que le président zambien Frederick Chiluba entre en scène. Médiateur infatigable, il parvient à réunir autour d’une même table belligérants et observateurs internationaux après onze mois de combats acharnés. Les discussions, marathon diplomatique ponctué de menaces et de marchandages, aboutissent finalement à un texte ambitieux signé le 10 juillet 1999.

L’accord prévoit un cessez-le-feu immédiat, le retrait des troupes étrangères et la création d’une commission militaire mixte sous supervision onusienne. Sur le papier, toutes les conditions semblent réunies pour ramener la paix. Mais sur le terrain, les violations commencent avant même l’achèvement du processus de signature. A Gemena comme à Gbadolite, les combats reprennent de plus belle.

Les raisons de cet échec sont multiples. L’exclusion initiale des groupes rebelles des négociations a nourri leur méfiance. Le MLC, dirigé par Jean-Pierre Bemba, refuse de s’engager tant que le RCD n’aura pas fait de même. La MONUC, mission de paix mandatée par l’ONU, tarde à se déployer faute de moyens et de volonté politique. Surtout, aucun des signataires ne semble vraiment prêt à renoncer à ses ambitions.

« Lusaka était un accord négocié dans la mauvaise foi par des acteurs qui n’avaient pas renoncé à la solution militaire », analyse le professeur sud-africain Hussein Solomon dans une étude pour le compte de la World Mediation Organization. Ce constat sévère ne doit pourtant pas occulter l’héritage de cet épisode diplomatique. Pour la première fois, la communauté internationale prenait la mesure de l’ampleur de la crise congolaise. Et le cadre posé à Lusaka servira de base aux négociations ultérieures.

Restait à comprendre pourquoi, malgré cette prise de conscience, les conflits allaient persister dans l’Est de la RDC. Une question que l’Accord Global et Inclusif de 2002 tentera à son tour et sans plus de succès, de résoudre.

2002 : L’Accord Global et Inclusif, ou l’impossible réconciliation

Sun City, février 2002. Le complexe hôtelier sud-africain, habitué aux congrès d’affaires, accueille une négociation autrement plus périlleuse : mettre fin à la plus grande guerre qu’ait connue l’Afrique depuis 1945. Le Dialogue Inter-Congolais s’ouvre dans un climat de défiance mutuelle, un an après l’assassinat de Laurent-Désiré Kabila et l’arrivée au pouvoir de son fils Joseph, jugé plus malléable par la communauté internationale.

La tâche est herculéenne. Malgré le cessez-le-feu de Lusaka, les combats n’ont jamais vraiment cessé dans l’Est du pays. Les différents belligérants : gouvernement, rébellions soutenues par le Rwanda et l’Ouganda, milices locales, continuent de se disputer le contrôle des richesses minières tout en affichant publiquement leur volonté de paix.

Pendant dix-neuf mois, les négociations vont connaître des avancées et des reculs spectaculaires. A Pretoria puis à Sun City, les délégations se déchirent sur la composition du futur gouvernement de transition. Le RCD de Azarias Ruberwa exige la vice-présidence et des ministères clés. Jean-Pierre Bemba, leader du MLC, campe sur ses positions. La société civile, prise en étau, tente d’imposer des garde-fous démocratiques.

Le 17 décembre 2002, après d’ultimes marchandages, l’Accord Global et Inclusif est enfin signé. Il prévoit un partage du pouvoir inédit : Joseph Kabila reste président, entouré de quatre vice-présidents issus des principales factions. Une nouvelle constitution doit être rédigée, des élections organisées dans un délai de deux ans. Sur le papier, le compromis semble tenir la route.

Mais la réalité est plus âpre. L’intégration des rebelles dans l’armée nationale tourne au fiasco. A Bunia comme à Bukavu, des combats éclatent entre anciens ennemis censés servir sous le même drapeau. Les Mai-Mai, ces milices locales, refusent de rendre les armes. « L’accord de 2002 a réussi à mettre fin à la guerre interétatique, mais il a échoué à construire une paix positive », analysera plus tard le chercheur congolais Freddy Mulumba.

Les élections de 2006, premières consultations démocratiques depuis l’indépendance, marqueront officiellement la fin de la transition. Pourtant, dans les Kivu, la violence persiste. Le M23 émergera quelques années plus tard, prouvant que les racines du conflit, faiblesse de l’Etat, ingérences régionales, exploitation des ressources, n’ont jamais été réellement extirpées.

L’Accord Global et Inclusif restera comme une tentative ambitieuse mais incomplète. Il aura permis de sortir le pays du chaos de la guerre totale, sans pour autant lui offrir les fondations d’une paix durable. Une leçon que les négociateurs de Doha, vingt ans plus tard, auraient peut-être intérêt à méditer.

Pretoria 2002 : un accord bilatéral sous haute tension

Dans l’ombre des négociations inter-congolaises de Sun City, un autre front diplomatique s’ouvre à Pretoria au cœur de l’été 2002. Cette fois, il ne s’agit plus de réconcilier les factions congolaises, mais de désamorcer la bombe régionale que représente l’affrontement entre Kinshasa et Kigali. Le Rwanda, acteur-clé de la deuxième guerre du Congo depuis 1998, campe sur ses positions : sa présence militaire en RDC serait une légitime défense face à la menace des génocidaires hutu réfugiés dans l’Est congolais. 

La délégation congolaise, menée par un Joseph Kabila, oppose un contre-argumentaire implacable. Les 20 000 soldats rwandais stationnés sur son territoire ne feraient que masquer une entreprise de pillage systématique des ressources minières, tout en soutenant la rébellion du RCD. Les preuves s’accumulent sur les convois de coltan transitant vers Kigali, tandis que les rapports onusiens documentent les exactions contre les civils. 

C’est dans cette atmosphère électrique que Jacob Zuma, alors vice-président sud-africain, tente de jouer les médiateurs. Pendant cinq jours, les pourparlers achoppent sur la question de la chronologie : Kigali exige le démantèlement préalable des FDLR, Kinshasa veut un retrait immédiat des troupes rwandaises. Le compromis final, scellé le 30 juillet sous l’égide de l’ONU et de l’Union Africaine, tient en trois mots : retrait contre désarmement. 

Les mois suivants révèlent les limites de cet équilibre précaire. Si le Rwanda semble respecter son engagement en retirant ses troupes avant la fin 2002, le désarmement des FDLR tourne au fiasco. La MONUC, chargée de superviser le processus, se heurte à l’immensité du territoire et à la complexité des alliances locales. Dans les couloirs de l’ONU, on chuchote que certains commandants rwandais n’auraient, en réalité, jamais vraiment quitté l’Est congolais, se contentant de troquer leurs uniformes contre ceux du RCD. 

L’accord de Pretoria laisse ainsi un goût amer. En surface, il a réussi à éteindre le volet international du conflit. En profondeur, il n’a rien réglé des contentieux historiques entre les deux pays. La menace des FDLR, brandie comme justification par Kigali, apparaît de plus en plus comme un prétexte commode : ces milices, militairement insignifiantes depuis des années, n’ont jamais constitué une réelle menace pour la sécurité rwandaise. Pendant ce temps, l’Est de la RDC sombre dans une nouvelle ère de violence, où se mêlent conflits et compétition pour les ressources et ingérences étrangères déguisées. 

Vingt ans plus tard, le spectre de Pretoria plane toujours sur les négociations actuelles. Les mêmes acteurs, sous des étiquettes renouvelées, continuent de jouer la même partition. Seul le décor a changé : Doha et Washington ont remplacé Sun City et Pretoria, mais la mélodie reste étrangement familière.

L’Accord du 23 mars 2009, un tournant manqué

Goma, mars 2009. Dans un hôtel de la ville en état de siège, le gouvernement congolais et la rébellion du CNDP (Congrès national pour la défense du peuple) signent un accord sous haute pression internationale. L’objectif affiché est clair : mettre fin aux violences dans le Nord-Kivu en intégrant les combattants tutsis du CNDP au sein de l’armée régulière. Mais derrière les promesses de paix, les rancœurs persistent.

Le texte prévoit l’amnistie pour les combattants du CNDP et leur incorporation dans les FARDC (Forces armées de la RDC). En échange, le mouvement rebelle accepte de déposer les armes. Une clause prévoit même la transformation du CNDP en parti politique. « C’était un compromis pragmatique », se souvient un ancien négociateur onusien. « Mais personne n’a vraiment cru à la sincérité des parties. »

Très vite, l’application patine. Les combattants du CNDP, intégrés nominalement à l’armée, conservent leurs structures parallèles. Certains dénoncent des discriminations dans les promotions. D’autres, comme Bosco Ntaganda alias « Terminator », continuent de contrôler des mines d’or au nom du pouvoir tout en préparant leur revanche et en refusant toute mutation en dehors des zones de l’Est.

En 2012, la rupture est consommée. D’anciens cadres du CNDP forment le M23, accusant Kinshasa d’avoir violé l’accord. Les combats reprennent, plus violents que jamais. « Le 23 mars 2009 était une trêve, pas une paix », analyse un officier congolais sous couvert d’anonymat. « On a juste donné trois ans de répit aux belligérants pour se réarmer. »

L’échec de cet accord étale cruellement les limites des solutions purement militaires aux crises congolaises. Il révèle aussi un schéma récurrent : des rébellions recyclées plutôt que démobilisées, des compromis de façade, et une communauté internationale trop pressée de cocher des cases. Des dynamiques qui, en 2025, pèsent encore sur les négociations de Doha.

2025 : Négociations à double étage pour une paix fragile

L’Est de la RDC continue de brûler en 2025. La résurgence du M23, ce groupe rebelle à dominante tutsi, a transformé les Kivu en poudrière. Depuis janvier, l’offensive s’est intensifiée : Goma et Bukavu tombent tour à tour, provoquant un exode massif de populations et une crise humanitaire sans précédent. Dans les coulisses diplomatiques, deux capitales émergent comme scènes de négociations parallèles : Doha et Washington, où se joue peut-être le dernier acte de cette interminable tragédie.

C’est sous les ors des palaces qataris que le gouvernement congolais et le M23 engagent des pourparlers en avril 2025. La rencontre surprise entre Félix Tshisekedi et Paul Kagame en mars a créé l’électrochoc nécessaire. Le Qatar, nouveau venu dans le jeu congolais mais déjà influent grâce à ses accords économiques avec les deux pays, joue les médiateurs improbables. L’accord du 24 avril, arraché après des nuits blanches de négociation, prévoit un cessez-le-feu immédiat et l’abandon des discours de haine.

Pourtant, sur le terrain, les combats continuent de gronder. « Cette trêve tient du miracle précaire », souffle un diplomate européen présent à Doha. Les observateurs notent surtout l’absence criante des représentants des communautés locales autour de la table, pourtant premières victimes du conflit.

Washington : le poker menteur américain

À 12 000 km de là, le département d’État américain organise sa propre partie d’échecs. Le 25 avril, la ministre congolaise des Affaires étrangères Thérèse Kayikwamba Wagner et son homologue rwandais Olivier Nduhungirehe signent une déclaration de principes sous l’œil satisfait de Marco Rubio. Le texte, aussi vague qu’ambitieux, promet le respect mutuel des souverainetés et l’abandon du soutien aux groupes armés.

Les motivations américaines transparaissent à travers les promesses d’investissements milliardaires dans le secteur minier. « Washington veut sécuriser son approvisionnement en minerais critiques tout en contenant l’influence chinoise dans la région », analyse un expert des questions africaines sous couvert d’anonymat.

Les ombres au tableau

L’histoire récente donne peu d’espoirs. Depuis 2021, pas moins de six cessez-le-feu ont été violés. À Washington, le refus des deux ministres de se serrer la main en dit long sur la défiance persistante. Dans le Sud-Kivu, des combats éclatent encore malgré les déclarations officielles.

« Nous avons toutes les raisons de douter », résume amèrement une habitante de Goma contactée par téléphone. Les experts comme Delphin Ntanyoma de l’Université de Leeds soulignent l’impossible équation : « Comment surveiller un cessez-le-feu dans une région où les frontières entre armée régulière, milices et groupes rebelles sont si poreuses ? »

Un espoir malgré tout ?

L’implication inédite du Qatar et des États-Unis, ajoutée aux pressions croissantes de la SADC et de l’Union Africaine, pourrait marquer un tournant. Les propositions de mécanismes sécuritaires conjoints et d’intégration économique régionale offrent une lueur d’espoir.

Mais comme le rappelle douloureusement l’histoire congolaise, les accords de paix ne valent souvent que par la volonté politique qui les sous-tend. En 2025 comme en 2002, la paix durable se heurte aux mêmes démons : convoitises étrangères, faiblesse de l’État, et cette malédiction des ressources qui transforme l’or et le coltan en sang et en larmes.

La balle est désormais dans le camp des belligérants. Et comme le murmure un vieux proverbe congolais : « On ne construit pas la paix avec des signatures, mais avec des cœurs sincères. »

Heshima

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