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CENI-RDC : Entre crédibilité et contestation, comment restaurer la confiance électorale ?
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La redaction
Depuis sa création en 2006, la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI) de la République démocratique du Congo (RDC) joue un rôle clé dans l’organisation des élections, mais elle fait face à des critiques récurrentes sur ses défaillances. Malgré des innovations comme les technologies biométriques, les élections passées ont révélé des problèmes persistants : politisation, manque de transparence, retards logistiques. À l’approche des élections de 2028, des réformes sont nécessaires pour restaurer la confiance, notamment en garantissant l’impartialité, en modernisant l’infrastructure et en renforçant le contrôle citoyen.
La CENI tire sa légitimité de la Constitution du 18 février 2006, qui établit un organe public indépendant doté d’une autonomie financière et administrative pour organiser les élections nationales, provinciales, locales et les référendums. Une loi organique adoptée en juillet 2010, amendée en avril 2013 puis en juillet 2021, précise ses missions : tenir à jour le fichier électoral, superviser l’organisation des scrutins, assurer le dépouillement des votes et proclamer les résultats provisoires. Succédant à la Commission Électorale Indépendante (CEI), qui avait orchestré le référendum constitutionnel de 2005 et les premières élections multipartites de 2006, la CENI se compose de 15 membres, désignés par les forces politiques représentées à l’Assemblée nationale et la société civile sur la base d’un équilibre.
En théorie, la composition de la CENI vise à garantir un équilibre entre les forces politiques et à prévenir toute emprise partisane. Mais dans les faits, son indépendance reste souvent mise à mal. Les nominations, sous la responsabilité de l’Assemblée nationale, sont régulièrement marquées par d’intenses tractations politiques. Toutes les désignations des présidents de la CENI en portent la trace, à l’exception notable de celle de l’abbé Apollinaire Malu-Malu en 2003, fruit d’un consensus entre les parties prenantes du Dialogue intercongolais de Sun City, dans le cadre de l’Accord global et inclusif signé en décembre 2002.
Le parcours des présidents successifs de la CENI illustre les turbulences institutionnelles de l’organisme. L’abbé Apollinaire Malu-Malu, premier président, est officiellement décédé en 2016 des suites d’une maladie. Toutefois, certains remettent en question cette version : « Le pauvre Malu-Malu est mort d’empoisonnement et non d’une maladie », affirme Yvan Kambale, ancien séminariste devenu ingénieur à Kinshasa. Son successeur, Daniel Ngoy Mulunda, purge actuellement une peine de prison pour incitation à la haine et atteinte à la sûreté de l’État. Corneille Nangaa, qui lui a succédé, a été sanctionné en 2019 par les États-Unis pour sa responsabilité présumée dans des actes de corruption électorale. En 2023, il a annoncé la création d’un mouvement armé et contrôle, avec l’appui du Rwanda, certaines localités stratégiques des provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, alimentant de vives inquiétudes quant à ses ambitions réelles. L’actuel président, Denis Kadima, nommé en 2021 malgré les objections de plusieurs confessions religieuses, est régulièrement critiqué pour sa proximité supposée avec le président Félix Tshisekedi.
La dépendance financière de la CENI vis-à-vis des bailleurs internationaux, tels que l’Union européenne, les Nations unies et les États-Unis, constitue une autre vulnérabilité. Si ces financements permettent de pallier les insuffisances budgétaires de l’État congolais, ils exposent l’institution à des pressions externes, notamment sur les calendriers électoraux et les réformes à entreprendre. Ce paradoxe, une indépendance juridique mais une dépendance financière, fragilise la légitimité de cette institution.
Pour comprendre les forces et les failles de la CENI, un retour sur les scrutins majeurs de 2006, 2011, 2018 et 2023 est nécessaire. Ces élections, organisées dans des contextes politiques et logistiques variés, illustrent les progrès réalisés et les défis persistants.
Les élections de 2006 : un tournant post-conflit
Au terme d’une transition douloureuse, les élections générales de 2006 ont marqué un moment historique pour la RDC. C’était la première fois, depuis l’indépendance en 1960, que les Congolais votaient dans un scrutin présidentiel et législatif multipartite organisé sur l’ensemble du territoire. Le pays sortait à peine de la deuxième guerre du Congo, la plus meurtrière depuis la Seconde Guerre mondiale, avec un État fragilisé, des groupes armés encore actifs à l’Est, des institutions embryonnaires et une société civile en quête de paix.
La désignation de l’abbé Apollinaire Malu-Malu à la tête de la Commission électorale indépendante (CEI) en juin 2003 survient dans ce contexte chaotique. Le pays est alors profondément divisé, et le pouvoir central n’a que peu de contrôle sur l’ensemble du territoire. Plusieurs provinces échappent à l’autorité de Kinshasa et sont sous la domination de groupes rebelles, soutenus par des puissances étrangères comme le Rwanda et l’Ouganda. L’État, dévasté par plus de cinq années de guerre, se trouve dans une situation d’effondrement. Les milices armées prolifèrent, rendant difficile la mise en place de structures démocratiques.
C’est dans ce climat de fragmentation et d’instabilité que, suite aux accords de paix signés à Pretoria en décembre 2002, un gouvernement de transition est mis en place. L’accord global et inclusif réunit les belligérants, l’opposition politique et la société civile, avec l’objectif d’organiser des élections libres et transparentes pour sortir le pays du chaos. La création d’une CEI indépendante est l’un des jalons essentiels de cet accord.
La désignation de Malu-Malu, prêtre catholique et universitaire respecté, à la tête de la CEI se fait donc dans un contexte de grande fragilité, mais aussi de besoin impérieux d’organisation et de crédibilité. Bien qu’il soit perçu comme un choix neutre et respecté, sa nomination n’est pas exempte de tensions. Il parvient cependant à obtenir l’adhésion des principaux acteurs politiques et des confessions religieuses, qui voient en lui une personnalité impartiale, capable de mener le pays vers une transition démocratique. Ce choix est salué par la communauté internationale, mais reste sous haute surveillance, les défis logistiques et sécuritaires étant considérables.
Dans ce contexte de reconstruction chaotique, l’organisation des élections par la CEI dirigée par Malu-Malu relevait d’un défi logistique monumental. Il a fallu transporter du matériel électoral dans des zones enclavées, parfois à dos d’homme ou par voie fluviale, dans un pays grand comme l’Europe de l’Ouest. Malgré cela, la participation a dépassé les 70 % au premier tour, le 30 juillet, traduisant un véritable engouement populaire pour ce rendez-vous démocratique inédit.
Le 30 juillet 2006, à la clôture du premier tour, l’annonce imminente des résultats plonge Kinshasa dans une atmosphère électrique. Face à des menaces de troubles urbains, l’abbé Apollinaire Malu-Malu et plusieurs membres de la CEI doivent se rendre au palais du peuple pour la proclamation officielle, escortés à bord d’un char de combat de la Mission de l’ONU au Congo (MONUC), afin de garantir leur sécurité et de parer à toute tentative d’intimidation. Cette image, aujourd’hui restée dans les mémoires, symbolise le pari dangereux mais réussi de proclamer des scores jugés satisfaisants par plus de 70 % des électeurs.
Jean-Pierre Bemba, arrivé deuxième, a aussitôt contesté les résultats, dénonçant des irrégularités dans plusieurs provinces. Le second tour, tenu le 29 octobre, a vu s’affronter Joseph Kabila et Bemba dans un duel tendu, marqué par des discours clivants et une campagne polarisée. Lorsque la CEI proclame la victoire de Kabila avec près de 58 % des voix, les tensions politiques basculent brièvement dans la confrontation armée.
En novembre 2006, des affrontements violents éclatent à Kinshasa entre la garde républicaine de Joseph Kabila et les forces de sécurité privées de Jean-Pierre Bemba, installées dans son quartier général de la Gombe. Ces heurts, bien qu’alimentés par un climat post-électoral explosif, ne sont pas officiellement liés à une contestation directe des résultats, mais à des rivalités de commandement et des provocations sur fond de méfiance militaire réciproque. Ils soulignent toutefois combien la transition démocratique restait sous tension permanente, à la merci de la moindre étincelle.
Malgré les violences et les suspicions, les observateurs internationaux, dont l’Union européenne, l’EISA et les Nations unies, ont salué un scrutin jugé globalement crédible. La CEI a réussi, dans un contexte instable, à faire tenir un processus électoral inédit, posant les premières bases d’une légitimité démocratique. Mais ces élections, loin de marquer une rupture définitive avec les crises du passé, ont aussi révélé la fragilité d’un État encore en construction.
Les élections de 2011 : les premières controverses de la CENI
Avant même la tenue du scrutin, la nomination de Daniel Ngoy Mulunda à la tête de la CENI en février 2011 crée une onde de choc. Pasteur méthodiste et fondateur de l’ONG LINELIT, il est également connu pour sa proximité personnelle avec Joseph Kabila, dont il a été l’aumônier. Sa désignation, validée par l’Assemblée nationale dominée par la majorité présidentielle, est aussitôt contestée par l’opposition, une partie de la société civile, ainsi que par l’Église catholique. Ces voix dénoncent une mainmise du pouvoir sur une institution censée être indépendante, compromettant dès le départ la confiance dans le processus électoral.
Plusieurs organisations de la société civile dont la Synergie des missions d’observation citoyenne des élections (SYMOCEL) et la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO), réclament en vain une révision du choix ou, à tout le moins, des garanties d’indépendance. La méfiance est installée.
Organisé le 28 novembre 2011, le double scrutin présidentiel et législatif vire rapidement au chaos organisationnel. Des listes électorales incomplètes, des bulletins de vote égarés, des kits informatiques défaillants ou absents, des retards dans l’ouverture des bureaux de vote : les ratés logistiques sont massifs. Dans plusieurs zones, les dépouillements se font sans procès-verbal clair ou en l’absence d’observateurs.
Le Centre Carter Center, la SADC, l’Union européenne et de nombreuses organisations locales rapportent des anomalies systématiques, particulièrement dans les bastions du président sortant. Certaines circonscriptions du Katanga affichent des taux de participation proches de 100 %, soulevant des soupçons de bourrage d’urnes.
La CENI proclame Joseph Kabila vainqueur avec 48,95 % des voix, devant Étienne Tshisekedi (32,33 %) et Vital Kamerhe. Étienne Tshisekedi dénonce aussitôt une fraude électorale massive. Il se proclame président élu et, dans un geste sans précédent, prête serment depuis sa résidence à Limete, devant une foule restreinte mais symbolique. Il déclare :« C’est moi le président élu du peuple congolais. Joseph Kabila doit partir. »
Le pouvoir réagit avec fermeté : la résidence de Tshisekedi est encerclée par la police, transformée de fait en prison à ciel ouvert. Ses partisans sont empêchés de s’y rendre, des journalistes sont intimidés, et des manifestations à Kinshasa et Mbuji-Mayi sont violemment réprimées, causant plusieurs dizaines de morts.
L’Église catholique, à travers la CENCO, ainsi que l’Église du Christ au Congo (ECC), dénoncent un scrutin non crédible. Plusieurs évêques appellent à « ne pas sacrifier la vérité des urnes sur l’autel de la stabilité ». La société civile, des organisations de jeunes, des coalitions d’observation électorale et plusieurs chancelleries occidentales expriment des réserves profondes sur la transparence du processus. L’Union européenne déclare que les résultats « manquent de crédibilité », tandis que le Centre Carter évoque une opacité inquiétante dans la compilation des résultats.
La crise de légitimité née de ces élections plonge la RDC dans une impasse politique durable. Le dialogue entre majorité et opposition est rompu, les institutions s’en trouvent fragilisées, et la polarisation du paysage politique s’aggrave. C’est dans ce climat tendu que Joseph Kabila convoque, en 2013, les Concertations nationales, officiellement pour apaiser les tensions et réconcilier les forces vives du pays.
Mais pour une large partie de l’opinion, il s’agit avant tout d’une manœuvre visant à restaurer une légitimité contestée depuis le scrutin de 2011. Les principaux partis de l’opposition refusent d’y participer, dénonçant une opération de façade. Le pouvoir tente alors de sauver l’image du dialogue en débauchant quelques personnalités issues de l’opposition, dans le but de légitimer la démarche.
Les élections de 2018 : l’ombre des machines à voter et le spectre d’un deal
Le scrutin présidentiel du 30 décembre 2018 s’est tenu dans un climat de méfiance et de contestations, renforcé par des tensions politiques et sociales qui ont marqué la période. Ces élections étaient censées marquer la première alternance pacifique du pouvoir depuis l’indépendance, mais le processus électoral a été entaché de nombreux débats et accusations. Le pays venait d’être secoué par plusieurs reports successifs du scrutin, et une partie du territoire, notamment l’Est, était en proie à des épidémies et à une insécurité persistante. C’est dans ce contexte qu’a été désignée la CENI, sous la présidence de Corneille Nangaa, un choix qui allait rapidement devenir un point de friction majeur.
La nomination de Nangaa à la tête de la CENI en 2015 avait déclenché une onde de choc politique. Dès son arrivée, l’opposition et la société civile dénoncèrent un coup de force institutionnel, pointant du doigt ses « anciennes affiliations » au Parti du Peuple pour la Reconstruction et la Démocratie (PPRD) de Joseph Kabila. Pour ses détracteurs, dont les poids lourds Jean-Pierre Bemba et Moïse Katumbi, cette désignation scellait un scénario de mainmise sur le processus électoral.
Les critiques fusaient sur un point central : comment un ancien cadre du régime pourrait-il incarner la neutralité requise pour organiser des scrutins crédibles ? Les accusations de partialité structurelle prenaient corps, alimentant les craintes d’un scrutin taillé sur mesure pour assurer la pérennité du pouvoir en place. La polémique révélait une fracture plus profonde : la défiance historique envers une institution électorale perçue comme le prolongement de l’appareil d’État plutôt que comme son contre-pouvoir.
Les confessions religieuses, en particulier l’Église catholique par l’intermédiaire de la CENCO, ont également exprimé leur désaveu. Bien que l’Église catholique ait été historiquement un acteur clé dans l’observation des élections, elle n’a pas participé à la désignation de Nangaa, se distanciant ainsi du processus. L’abbé Léonard Santedi, secrétaire général de la CENCO, a clairement indiqué que la CENCO n’avait pas été associée à la nomination, et que cette absence de consensus interreligieux était source de méfiance. De nombreuses organisations de la société civile, quant à elles, ont dénoncé la partialité présumée de la CENI et ont mis en doute la capacité de Nangaa à organiser des élections transparentes.
Le climat de tension s’est intensifié avec l’introduction des « machines à voter », présentées comme une solution moderne pour accélérer et sécuriser le processus électoral. Mais rapidement, elles ont été perçues comme un outil de manipulation. L’opposition, y compris des figures comme Martin Fayulu, a dénoncé ces machines comme des « machines à tricher », estimant qu’elles étaient conçues pour favoriser le candidat du pouvoir. Des observateurs ont critiqué leur manque de transparence et les dysfonctionnements notables qui ont accompagné leur déploiement.
Quelques jours avant le vote, un incendie criminel a ravagé un entrepôt de la CENI à Kinshasa, détruisant une partie du matériel électoral, dont des machines à voter destinées à la capitale. Cet incident a alimenté les soupçons de sabotage et de manipulation politique. Le 3 janvier 2019, la CENCO a rendu public un communiqué où elle a dénoncé des incohérences entre les résultats compilés par son réseau d’observateurs et ceux annoncés par la CENI. La CENCO a exprimé des réserves sur la transparence du processus, mais n’a pas directement contesté la victoire de Félix Tshisekedi. Toutefois, ces préoccupations ont contribué à exacerber la polarisation du climat politique.
Lorsque la CENI a annoncé la victoire de Félix Tshisekedi avec 38,57 % des voix, devant Martin Fayulu (34,83 %) et Emmanuel Ramazani Shadary (23,84 %), la contestation a été immédiate. Fayulu a qualifié cette victoire de « volée », et a affirmé que des arrangements avaient été conclus entre Kabila et Tshisekedi pour écarter l’opposition radicale. Bien que cet appel à la mobilisation populaire n’ait pas eu le même impact qu’escompté, il a toutefois mis en lumière la fracture persistante entre les soutiens de Tshisekedi et ceux de Fayulu. En parallèle, les observations de missions internationales telles que le Centre Carter ont souligné les irrégularités dans la centralisation des résultats, mais ont estimé que ces problèmes n’étaient pas suffisants pour remettre en cause l’issue du scrutin.
Malgré ces critiques, la Cour constitutionnelle a validé la victoire de Tshisekedi, et la communauté internationale, dans un souci de stabilisation, a largement accepté les résultats. Toutefois, les élections de 2018, bien qu’elles marquent un tournant historique en raison de la passation pacifique du pouvoir, ont laissé le pays profondément divisé, et la question de la transparence des élections demeure une préoccupation centrale pour une partie de la population congolaise. L’ombre du deal politique et des manipulations électorales a plané sur ce processus, alimentant des doutes quant à l’avenir de la démocratie en RDC.
Les élections de 2023 : entre chaos logistique et victoire incontestée de Tshisekedi
Le scrutin du 20 décembre 2023, organisé sous la présidence de Denis Kadima à la tête de la CENI, s’est tenu dans un climat lourd de tensions et de méfiance, malgré l’enjeu crucial de consolider la jeune démocratie congolaise.
Bien avant cette échéance, la désignation de Denis Kadima à la tête de la Commission électorale cristallise les tensions. Expert électoral au profil internationalement reconnu, Kadima est néanmoins accusé par plusieurs figures politiques et religieuses congolaises d’entretenir des liens étroits avec le président Félix Tshisekedi. Sa nomination, entérinée en octobre 2021 par l’Assemblée nationale dans un climat d’absence de consensus, suscite une forte controverse.
Deux grandes confessions religieuses, la CENCO et l’ECC, rejettent fermement ce choix. Elles dénoncent un « passage en force » orchestré sous pression du pouvoir exécutif, et pointent un processus de désignation entaché d’irrégularités. L’abbé Donatien Nshole, porte-parole de la CENCO, parle d’un « processus biaisé dès le départ », tandis que le président de l’ECC alerte sur une nomination qui « compromet la transparence du processus électoral ». Cette rupture du consensus, pourtant indispensable à la crédibilité de la CENI, installe une méfiance durable chez de nombreux Congolais à l’approche du vote.
Le jour du scrutin, le pays fait face à une série de dysfonctionnements inédits : près de 25 % des bureaux de vote n’ouvrent pas à l’heure, voire pas du tout, et de nombreux électeurs peinent à retrouver leurs noms sur les listes. La CENI décide de prolonger le vote sur plusieurs jours dans certaines circonscriptions, une décision vivement critiquée par des missions d’observation telles que le Centre Carter, qui y voit une entorse aux standards électoraux internationaux. Malgré ces problèmes logistiques majeurs, la participation s’établit à environ 43 %, un recul notable par rapport aux scrutins précédents.
Félix Tshisekedi a été déclaré vainqueur de l’élection présidentielle avec plus de 73% des suffrages, distançant largement ses principaux concurrents Moïse Katumbi et Martin Fayulu. Cette victoire écrasante, bien que marquée par des irrégularités localisées signalées par les observateurs, n’a pas suscité de contestation majeure quant à la légitimité du résultat final. Les missions d’observation tant nationales qu’internationales, y compris le monitoring conjoint de la CENCO et de l’ECC, ont certes relevé des cas de bourrages d’urnes et des dysfonctionnements organisationnels, mais sans remettre en cause l’issue globale du scrutin. Aucune institution internationale ni capitale étrangère n’a émis de doute sérieux sur la proclamation du vainqueur ou avancé de résultats alternatifs, confirmant ainsi une acceptation générale du verdict des urnes malgré les imperfections du processus.
Toutefois, l’opposition rejette le processus électoral dans son ensemble, dénonçant un scrutin entaché d’irrégularités et le qualifiant de « parodie électorale ». Elle exige l’annulation des résultats, pointant notamment l’opacité du dépouillement et l’absence de publication des résultats dans certains bureaux. Ces critiques ravivent le débat sur la crédibilité de l’organisation, mais elles n’ébranlent pas la reconnaissance du gagnant. En dépit du climat chaotique ayant entouré le scrutin, cette élection consacre la réélection de Félix Tshisekedi.
Encore une fois, et en dépit de tout, cette élection a davantage divisé que rassemblé les Congolais. Certains candidats de l’opposition continuent de rejeter cette victoire et appellent toujours à son annulation.
Politisation et manque d’indépendance
La politisation de la CENI est un problème central. Les nominations de ses membres et du président, bien que prévues pour refléter un équilibre politique, sont souvent le fruit de marchandages entre la majorité et l’opposition. La désignation de Denis Kadima en 2021, malgré l’opposition des confessions religieuses, illustre cette problématique. La dépendance financière vis-à-vis des bailleurs internationaux expose l’institution à des pressions externes, tandis que les pressions internes, notamment de la part du pouvoir exécutif, limitent son autonomie. Cette perception de partialité érode la confiance des électeurs et des partis d’opposition.
Contraintes logistiques dans un pays immense
La RDC, avec sa superficie comparable à celle de l’Europe occidentale, pose des défis logistiques uniques. L’acheminement du matériel électoral : urnes, bulletins, machines à voter, vers des zones reculées est une tâche complexe, aggravée par des infrastructures routières souvent impraticables. En 2023, de nombreux bureaux de vote n’ont pas reçu le matériel à temps, et la formation des agents électoraux reste insuffisante, entraînant des erreurs dans le dépouillement et la transmission des résultats. Ces problèmes logistiques, bien que partiellement dus à la géographie du pays, reflètent également un manque de planification et de coordination.
Opacité et manque de transparence
Si la CENI a progressé en publiant les résultats bureau de vote par bureau de vote, une avancée notable par rapport aux scrutins de 2011 et 2018, elle reste loin des standards de transparence en vigueur dans d’autres démocraties africaines.
Au Ghana, par exemple, les résultats sont accessibles en temps réel sur des plateformes publiques, permettant un suivi citoyen et une vérification indépendante. En RDC, en revanche, la CENI maintient un système centralisé et opaque, où la compilation des données échappe à tout contrôle extérieur. Cette opacité nourrit les soupçons de fraude, comme lors des élections de 2011, 2018 et 2023, où des écarts inexplicables ont été relevés entre les chiffres officiels et ceux recueillis par les observateurs. Un manque de transparence qui, à chaque scrutin, alimente la défiance et les contestations.
Exclusion régionale et insécurité
Les conflits armés dans l’Est de la RDC, notamment au Nord-Kivu et en Ituri, privent des millions de citoyens de leur droit de vote. En 2018, le report du scrutin à Beni, Butembo et Yumbi, officiellement pour des raisons sanitaires et sécuritaires, a, en dépit de tout, été perçu comme une exclusion stratégique par l’opposition. En 2023, des régions entières n’ont pas pu voter en raison de l’insécurité, accentuant le sentiment d’injustice parmi les populations des provinces les plus touchées. Cette exclusion régionale compromet l’inclusivité des élections et renforce la perception d’un système électoral inégalitaire.
La société civile : un appel à la transparence
La société civile congolaise, représentée par des organisations comme la CENCO, l’ECC et plusieurs dizaines d’autres, milite pour des élections libres, transparentes et inclusives. En 2022, une déclaration conjointe de 61 organisations a appelé à une CENI indépendante, une révision du fichier électoral et un accès élargi aux observateurs. Ces organisations jouent un rôle crucial dans l’observation électorale, mais leur accès aux données reste limité par la CENI, ce qui entrave leur capacité à vérifier les résultats. La société civile insiste sur la nécessité d’une réforme institutionnelle pour garantir l’impartialité et la transparence.
Un rejet éternel des résultats ?
Les leaders de l’opposition congolaise ont régulièrement contesté les résultats électoraux, accusant les régimes successifs de frauder avec la complicité de la CENI. En 2023, ils ont réclamé de nouvelles élections sous une direction différente pour l’institution électorale, arguant que celle-ci manquait de légitimité. Ces critiques, profondément enracinées, témoignent d’une défiance persistante à l’égard du processus électoral en RDC.
Les observateurs internationaux : un regard critique
Les rapports du Centre Carter, de l’Union européenne et d’autres missions internationales ont constamment pointé du doigt les irrégularités dans les processus électoraux congolais. En 2023, l’Union européenne a déploré un manque de transparence et des irrégularités dans la collecte, la compilation et la publication des résultats. Ces critiques soulignent la nécessité d’une réforme structurelle pour aligner la CENI sur les normes internationales.
Modèles africains inspirants
Pour réformer la CENI, la RDC pourrait puiser dans les expériences de pays africains ayant réussi à instaurer la confiance dans leurs processus électoraux. Au Ghana, la Commission électorale est saluée pour sa transparence, en particulier grâce à la publication en temps réel des résultats bureau par bureau via des plateformes telles que LiveResult, gérée par CivicHive. Cette démarche permet à la population et aux observateurs d’accéder aux résultats, réduisant ainsi les risques de contestation. La RDC pourrait s’inspirer de ce modèle en mettant en place une plateforme numérique sécurisée, accessible à tous, pour publier les résultats des élections.
En Afrique du Sud, l’Electoral Commission of South Africa (IEC) constitue un modèle d’indépendance institutionnelle. Ses membres sont désignés par un comité parlementaire multipartite, et son financement est garanti par l’État, minimisant ainsi la dépendance aux bailleurs externes. Un mécanisme similaire pourrait être envisagé en RDC, en établissant un processus de nomination des membres de la CENI basé sur un large consensus, tout en renforçant l’autonomie budgétaire de l’institution.
L’Independent National Electoral Commission (INEC) du Nigeria, quant à elle, a instauré un système biométrique avancé pour l’enregistrement des électeurs, réduisant les risques de doublons et de fraudes. Bien qu’il puisse être perfectionné, ce système a contribué à améliorer la crédibilité des élections nigérianes. La RDC pourrait adopter une infrastructure biométrique similaire, accompagnée d’un plan de maintenance et de formation pour en assurer la fiabilité.
Des réformes pour restaurer la confiance
Des experts s’accordent sur l’urgence de repenser le processus électoral congolais en profondeur. Le politologue Christian Mulumba, de l’Université de Kinshasa, estime que « la CENI ne redeviendra crédible que si ses membres sont nommés selon une procédure transparente, reposant sur un consensus élargi et validée par des instances indépendantes telles que la société civile et les Églises ». Il propose un modèle inspiré de l’Afrique du Sud, où un comité multipartite élabore une liste de candidats, validée par le Parlement.
De son côté, la juriste Fatuma Kanyamanza souligne que « tant que la CENI sera perçue comme un instrument politique, les doutes subsisteront ». Elle préconise l’inscription dans la loi d’un processus de validation des nominations par une instance ad hoc réunissant ONG, confessions religieuses et observateurs internationaux.
Sur le plan technologique, l’économiste Jean-Baptiste Nzuzi, de l’Observatoire de la Gouvernance en Afrique, plaide pour l’utilisation de plateformes en ligne permettant la diffusion instantanée des résultats, à l’instar du Ghana. « Un système sécurisé, hébergé sur des serveurs tiers, offrirait un accès libre aux procès-verbaux, réduisant ainsi le risque de manipulation », explique-t-il. Quant à Sarah Mbuyi, experte en innovations électorales, elle propose d’explorer l’utilisation de la blockchain pour assurer la traçabilité du dépouillement des votes, comme cela est fait par la Commission électorale kényane.
D’un point de vue logistique, l’ingénieur Patrick Luhaka recommande à la CENI de collaborer avec le PNUD et la MONUSCO pour acheminer le matériel électoral vers les zones les plus reculées. « Un partenariat durable serait la clé pour éviter les retards et garantir le bon déroulement des scrutins », souligne-t-il.
Pour renforcer le suivi citoyen, l’ONG Regard Citoyen, représentée par Maître Gloria Lisenga, appelle à l’agrément automatique des observateurs nationaux et internationaux, sans quotas ni entraves. Enfin, l’ex-colonel Albert Mwamba, ancien responsable logistique de la MONUSCO, plaide pour des formations régulières à destination des personnels de terrain, indispensables pour assurer le bon fonctionnement des élections.
Comme le souligne Christian Mulumba, « si ces recommandations sont mises en œuvre, la RDC pourrait tourner définitivement la page des scrutins contestés ». Toutefois, il met en garde : « tout dépendra de la volonté politique de rompre une fois pour toutes avec les pratiques passées ».
Entre progrès et échecs : le temps des réformes
À l’approche des échéances de 2028, la RDC se trouve confrontée à une urgence démocratique. Les ombres des scrutins contestés de 2018 et 2023 planent toujours sur la CENI, érodant chaque jour un peu plus la confiance des citoyens dans le processus électoral. Sans une refonte en profondeur du système, le spectre de nouvelles violences post-électorales menace de replonger le pays dans le cycle infernal des crises politiques.
La construction d’une démocratie électorale crédible exige une mobilisation sans précédent. Autorités politiques, société civile, confessions religieuses et partenaires internationaux doivent conjuguer leurs efforts pour transformer la CENI en une institution réellement indépendante et transparente. Cet impératif dépasse les simples ajustements techniques : il appelle un dialogue national inclusif capable de définir de nouvelles règles du jeu acceptées par tous.
Si les élections passées de 2006 à 2023 ont permis certaines avancées, comme l’introduction de la biométrie, elles ont aussi exposé des failles criantes : instrumentalisation politique, manque de transparence, dysfonctionnements logistiques et marginalisation de certaines régions. Pourtant, des solutions existent. En s’inspirant des réussites ghanéenne et sud-africaine où transparence des résultats et indépendance institutionnelle font loi, la RDC pourrait réinventer son modèle électoral.
La voie est étroite mais claire : seule une CENI profondément réformée, dotée de moyens techniques modernes et soumise au contrôle citoyen, pourra restaurer la confiance. Les élections de 8 représenteront alors bien plus qu’une simple consultation, elles deviendront l’expression authentique de la souveraineté populaire. Le défi est immense, mais le prix de l’échec le serait encore plus.
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RDC : un développement des provinces toujours à géométrie variable
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2 jours agoon
juin 13, 2025By
La redaction
En République démocratique du Congo (RDC), la ville de Kolwezi a reçu la 12ème Conférence des gouverneurs des provinces. Malgré l’existence des instruments juridiques pour équilibrer leur gestion, toutes les provinces ne reçoivent toujours pas le même budget pour leur fonctionnement, ce qui déséquilibre le développement de ces entités. Le Lualaba et le Haut-Katanga semblent marquer le pas, laissant derrière eux le Haut-Lomami, le Sankuru, la Mongala et tant d’autres provinces moins nanties. La caisse de péréquation, conçue pour couvrir ces écarts, ne fonctionne plus depuis le dernier découpage territorial.
Seize ans après la décentralisation, les provinces ne sont pas toutes logées à la même enseigne. Lors de l’ouverture de la 12ème Conférence des gouverneurs, le 10 juin 2025 à Kolwezi, chef-lieu de la province du Lualaba, les gouverneurs ont adressé un mémorandum dans lequel ils insistent pour la mise en application de la Caisse nationale de péréquation. Si certaines provinces telles que le Lualaba et le Haut-Katanga ont hérité d’une activité minière florissante, d’autres parties du pays ne connaissent pas une attractivité économique susceptible de soutenir le développement de ces entités, bien qu’elles soient également dotées de ressources naturelles.
Pour essayer de renforcer le développement à la base, le président de la République, Félix Tshisekedi, avait initié le programme de développement local de 145 territoires (PDL-145T). Ce projet vise à améliorer le cadre de vie des populations rurales et à réduire la pauvreté et les inégalités sociales. Financé à hauteur d’environ 1,6 milliard de dollars, ce programme ambitieux vise à autonomiser les 145 territoires répartis dans les 26 provinces. Le gouvernement travaille également à renforcer la gouvernance locale et la planification du développement dans les provinces, avec l’appui du PNUD et d’autres partenaires locaux. Mais ce programme – encore inachevé – rencontre des défis notamment de financement. Lors de leurs précédentes résolutions, les gouverneurs ont notamment plaidé pour la rétrocession des 40 % dus aux provinces.
Etat des lieux des précédentes résolutions
Lors de la 11ème Conférence des gouverneurs organisée à Kalemie, dans la province du Tanganyika, ces responsables de provinces avaient formulé 68 recommandations. Elles visaient à améliorer la gestion publique dans leurs entités, à construire ou améliorer les infrastructures, à renforcer le financement et la fiscalité des provinces, à mieux gérer les risques locaux, à stabiliser les institutions provinciales et à accroître l’implication des exécutifs provinciaux dans le PDL-145T. Les gouverneurs avaient aussi recommandé de revoir le mode de scrutin pour l’élection des gouverneurs et des députés provinciaux, modifier les critères d’accession au pouvoir des administrateurs de territoires et des animateurs des entités territoriales décentralisées, assurer le paiement régulier des salaires des responsables politiques et des frais de fonctionnement des exécutifs provinciaux, et enfin achever les chantiers d’infrastructures du projet PDL-145T. Très peu de ces recommandations ont été mises en œuvre aussi bien du côté des gouverneurs que du gouvernement central. Félix Tshisekedi, lors de la clôture de ces assises, avait demandé au Secrétariat permanent de la Conférence des gouverneurs de province d’en assurer le suivi permanent.
Les gouverneurs insistent sur la Caisse de péréquation
Véritable outil d’équilibre entre les provinces nanties et les moins nanties, la Caisse nationale de péréquation (CNP) n’est toujours pas opérationnelle. Pourtant, la péréquation vise à atténuer les disparités de ressources entre provinces afin de favoriser une répartition plus équitable des charges et de garantir un niveau minimum de services publics, créant une solidarité nationale. Cette caisse était censée disposer d’un budget alimenté par le trésor public à concurrence de dix pour cent (10 %) de la totalité des recettes nationales revenant à l’État chaque année.
Prévue par la Constitution (article 181), la Caisse nationale de péréquation a été légalement créée en 2018 (Ordonnance n°18/037 du 24 novembre 2018), soit 10 ans après la promulgation de la Constitution. Malgré sa mise en œuvre, son fonctionnement continue à poser problème. Certains responsables provinciaux accusent le gouvernement central d’être à la base de ces retards et blocages politiques. « Le gouvernement central ne manifeste aucune volonté politique pour rendre opérationnelle la Caisse nationale de péréquation. C’est inadmissible que des provinces comme le Sankuru et le Maï-Ndombe continuent toujours de présenter un visage moyenâgeux alors qu’il y a une possibilité de suppléer ce manque de moyens », estime un élu provincial de Maï-Ndombe.
Lors de l’investiture du gouvernement de la Première ministre Judith Suminwa en 2024, les députés nationaux Ngoyi Kasanji et Paul Tshilumbu avaient dénoncé les difficultés de fonctionnement que connaissait la Caisse nationale de péréquation. Quelques jours plus tard, le président de l’Assemblée nationale, Vital Kamarhe, avait tenté de résoudre le problème en invitant le comité de gestion de la CNP à l’Assemblée nationale. « La Caisse ne bénéficie d’aucun financement du gouvernement », avait tranché le président de son conseil d’administration, Izato Nzege, ainsi que le Directeur général Coco-Jacques Mulongo Nzemba. Il était prévu que cette structure soit relancée dans le cadre du budget de l’exercice 2025. Mais ce budget a été voté, mais les gouverneurs ne voient toujours rien tomber dans leur escarcelle.
En juillet 2023, le Centre des recherches en finances publiques et développement local (CREFDL) avait dénoncé des « intérêts obscurs » qui freinaient le fonctionnement de cette caisse. Cette structure notait qu’après analyse technique de plus d’une centaine de documents relatifs à l’opérationnalisation de cette caisse, le bilan reste catastrophique, y compris sous le président Félix Tshisekedi. « Le bilan reste catastrophique. La CNP n’a jamais été redynamisée malgré la nomination de nouveaux animateurs. Sur 4,1 milliards USD alignés dans la loi de Finances (2019-2023) pour financer les investissements des provinces et ETD, le Trésor public n’a décaissé que 76 millions USD, soit 2,7 % », dénonçait CREFDL. Cette insuffisance de financement des provinces moins nanties combinée avec les difficultés de rétrocession de 40 % des recettes nationales aux provinces constitue des obstacles majeurs pour l’autonomie financière de ces entités.
Un développement à géométrie variable
L’absence de la Caisse nationale de péréquation et la rétrocession de 40 % effectuée à « dent de scie » ne permettent pas aux provinces d’avoir un même rythme de développement. Le Lualaba, qui a accueilli cette 12ème Conférence, a présenté 14 nouvelles infrastructures inaugurées par le chef de l’Etat, Félix Tshisekedi. Il s’agit de l’échangeur routier, de l’aérogare internationale de Kolwezi, une caserne anti-incendie, une salle de congrès de 1 500 places, des écoles publiques, des routes…
Avec une superficie bâtie de près de 10 000 mètres carrés, cette aérogare à 2 niveaux symbolise l’ouverture de Kolwezi au monde, selon Fifi Masuka, gouverneure du Lualaba. L’ouvrage intègre 2 ailes distinctes pour les vols domestiques, internationaux, des salons VIP, 2 bras satellitaires ainsi que d’autres commodités. Ce projet est conforme au standard de l’organisation de l’aviation civile internationale, précise Fifi Masuka, qui note également que ledit projet s’inscrit dans le cadre du programme d’investissement prioritaire 2024-2028 au travers du pilier 4 relatif aux infrastructures et à l’aménagement du territoire, sous l’axe 1 : infrastructure des transports.
Mais face à ce boom immobilier, d’autres chefs-lieux de provinces manquent même une simple piste d’aérodrome. A Lodja, dans le Sankuru, ce qui est présenté comme un aéroport laisse à désirer. L’ombre sous le feuillage des arbres est utilisée comme un lieu d’embarquement avec une piste presque en terre battue. Il y a un sérieux hiatus entre ce qui se fait à Kolwezi et ce qui s’observe à Lodja ou à Inongo. A Kinshasa, malgré l’avantage d’être une province-capitale, l’exécutif provincial peine aussi à mobiliser les ressources et se fait souvent assister financièrement par le gouvernement central. Lors de la première journée de la 12ème conférence des gouverneurs, le gouverneur Daniel Bumba a dressé un tableau contrasté de son propre programme « Kinshasa Ezo Bonga », un plan de développement chiffré à 10 milliards de dollars, aligné sur les trois initiatives et six engagements du quinquennat du président de la République. Il a vanté un plan global d’assainissement de la ville, la reconstruction de la voirie urbaine avec notamment la réhabilitation de 60 kilomètres de routes sur les 170 initialement prévus pour sortir Kinshasa de ses nombreux embouteillages.
Tant que la Caisse de péréquation et la rétrocession de 40 % ne seront pas totalement opérationnelles, le développement des provinces en RDC restera à géométrie variable. Plusieurs éléments confirment cette triste réalité, notamment les disparités économiques, l’inégalité des infrastructures, et les différences dans l’accès aux services sociaux de base, tels que les routes, les aéroports, les hôpitaux et les écoles publiques ou privées. Pour corriger cette situation, des politiques plus équitables de redistribution des ressources,
une véritable décentralisation, et des investissements ciblés dans les zones marginalisées seraient nécessaires.
Heshima
Nation
Procès ou justice spectacle : retour sur les grands procès politiques et leurs implications judiciaires
Published
2 jours agoon
juin 13, 2025By
La redaction
L’histoire de la République démocratique du Congo (RDC) est marquée par plusieurs procès politiques, souvent utilisés par les pouvoirs en place pour écarter des opposants, asseoir leur autorité ou répondre à des crises politiques. De Patrice Emery Lumumba à Moïse Katumbi ou Vital Kamerhe, les cas de politiciens poursuivis ou jugés sont nombreux. Retour sur des procès jugés politiques et leurs implications judiciaires.
Dans l’arène politique congolaise depuis l’indépendance, la justice est souvent utilisée pour régler des comptes à des adversaires politiques. Mais elle est aussi brandie par certains politiques comme un prétexte pour se soustraire à leurs obligations judiciaires après un abus ou une infraction, notamment de détournement des deniers publics. Depuis plus d’un mois, l’opinion congolaise assiste à un nouveau dossier impliquant le ministre d’Etat à la Justice et garde des Sceaux, Constant Mutamba. Ce dernier est soupçonné par le procureur général près la Cour de cassation, Firmin Mvonde, d’avoir détourné 19 millions de dollars destinés à la construction d’une prison à Kisangani, une ville du nord-est de la RDC. Mais, rapidement, le ministre de la Justice l’a perçu comme un procès politique, rejetant toute accusation de détournements. Constant Mutamba parle d’« acharnement » et de « complot politique ». Dans une correspondance consultée par Heshima Magazine, le ministre de la Justice annonce la récusation du procureur général près la Cour de cassation, Firmin Mvonde, qui le poursuit pour détournement. Il récuse également les magistrats placés sous son autorité. Pour l’heure, le procureur attend la réponse sur la demande d’autorisation des poursuites adressée à l’Assemblée nationale.
Dans l’histoire du pays, la justice et la politique sont longtemps perçues comme intimement liées. La justice semble influencée par le pouvoir politique. En effet, plusieurs politiciens ont été confrontés à la justice. Certains des procès ont été qualifiés de politiques car motivés par le souci d’écarter un adversaire gênant ou carrément de liquider des potentiels concurrents.
Procès non tenu de Patrice Lumumba (1960-1961)
Après l’indépendance en juin 1960, Patrice Emery Lumumba, premier Premier ministre du Congo indépendant, entre en conflit avec le président Joseph Kasa-Vubu et le chef de l’armée, Joseph-Désiré Mobutu. Après avoir échappé à la résidence surveillée et espérant rejoindre Stanleyville (actuelle Kisangani), son fief politique, Lumumba est battu par des soldats au camp militaire Hardy de Thysville (actuelle Mbanza-Ngungu) avant d’être transféré à Élisabethville (actuelle Lubumbashi) au Katanga, où il a été assassiné le 17 janvier 1961. Cette exécution extrajudiciaire sera perçue comme un assassinat politique. En 2021, le média belge RTBF n’hésite pas à qualifier cet assassinat de « crime politique avec des responsabilités belges ». L’élimination politique d’un dirigeant nationaliste orchestrée avec la complicité belge et américaine.
Procès du groupe de Pierre Mulele (1964-1968)

Pierre Mulele, ancien ministre de l’Éducation sous Patrice Lumumba, mène une insurrection maoïste, également appelée rébellion Simba ou muleliste. Plusieurs de ses partisans sont arrêtés et exécutés parfois sans procès. En exil, Mulele lui-même est trompé en revenant au pays en 1968. Il sera arrêté et torturé puis exécuté sans procès équitable. En réalité, il n’a même pas eu droit à un procès juridique au sens traditionnel du terme, mais plutôt à un procès politique suivi d’une exécution sommaire. Sa mort sera suivie d’une répression brutale d’une opposition idéologique au régime de Mobutu.
Procès des « Martyrs de la Pentecôte » (1966)
La pendaison en public de quatre acteurs politiques en 1966 sur ordre du président Mobutu fait partie des sentences et crimes judiciaires des plus inoubliables. Il s’agit de Jérôme Anany, ministre de la Défense dans le gouvernement de Cyrille Adoula ; Emmanuel Bamba, sénateur et dignitaire de l’Église kimbanguiste ; Évariste Kimba, Premier ministre jusqu’en novembre 1965 et Alexandre Mahamba, ministre des Affaires foncières dans le gouvernement de Cyrille Adoula. Les quatre acteurs étaient accusés de préparer un plan de destitution du président Mobutu et de son Premier ministre, le général Mulamba. Mobutu va signer le 30 juin une ordonnance-loi créant un tribunal militaire d’exception pour juger les quatre politiciens pour complot contre les institutions de l’Etat. Le jury est composé de trois officiers : le colonel Pierre Ingila, président, le colonel Ferdinand Malila, juge et le colonel Honoré Nkulufa, juge. Plus de 20 000 personnes sont conviées à assister à ce procès de visu où les quatre accusés comparaîtront ligotés et pieds nus. Dans un procès déséquilibré et dont le sort était déjà connu d’avance, les quatre « conjurés » vont être pendus en public sur le terrain où sera érigé plus tard le stade Kamanyola, débaptisé ensuite stade des Martyrs de la Pentecôte en référence à ces quatre martyrs. De nombreux observateurs ont vu dans ce procès une instrumentalisation de la justice pour consolider le pouvoir de Mobutu.
Le procès de Jean Nguza Karl-i-Bond (1977) : une purge sous Mobutu
En 1977, Jean Nguza Karl-i-Bond, ministre des Affaires étrangères et figure influente du régime de Mobutu Sese Seko, devient la cible d’un procès retentissant. Accusé de haute trahison pour son prétendu rôle dans l’invasion du Shaba par les gendarmes katangais et d’avoir tenté de séduire la première dame, il est arrêté en août 1977. Ces charges, largement considérées comme politiquement motivées, visent à neutraliser un rival perçu comme un possible successeur de Mobutu. Le 13 septembre 1977, un tribunal à Kinshasa, dans une mise en scène de justice spectacle, le condamne à mort. Deux jours plus tard, Mobutu commue sa peine en prison à vie, une décision qui reflète la stratégie du régime : punir pour intimider, mais préserver pour manipuler. Libéré en juillet 1978, Nguza est réintégré comme ministre des Affaires étrangères en 1979, puis nommé Premier ministre à deux reprises (1980-1981, 1991-1992), illustrant la volatilité des alliances sous Mobutu.
Durant son incarcération, Nguza subit des tortures brutales, y compris des sévices sexuels, qui le laissent physiquement diminué, selon des témoignages d’époque (Der Spiegel, 1977). Ce procès met en lumière l’instrumentalisation de la justice par Mobutu pour maintenir son emprise, éliminant les rivaux tout en renforçant son image de maître absolu. « C’était une leçon pour tous : Mobutu pouvait détruire ou gracier à sa guise », confie un ancien diplomate congolais. Ce cas, emblématique de l’arbitraire judiciaire, souligne les tensions ethniques – Nguza étant Lunda – et les luttes internes au sein de l’élite zaïroise. Il incarne une justice au service du pouvoir, une pratique récurrente dans l’histoire congolaise, où les tribunaux deviennent des arènes de règlements de comptes politiques.
Procès de Jean-Bertrand Ewanga (2014)
A l’époque, secrétaire général de l’Union pour la nation congolaise (UNC), la troisième force de l’opposition représentée au Parlement, Jean-Bertrand Ewanga avait été brutalement arrêté au lendemain d’un rassemblement de l’opposition tenu à la place Sainte Thérèse de N’djili, dans l’Est de Kinshasa. Il sera condamné à un an de prison ferme pour « outrage au chef de l’État », mais aussi au président du Sénat, de l’Assemblée nationale et du Premier ministre sans possibilité de faire appel. L’opposant se savait condamné d’avance dans ce procès que ses avocats qualifiaient déjà de politique et d’arbitraire. Avant la sentence, Jean-Bertrand Ewanaga savait déjà ce qui l’attendait. Dans sa prise de parole, il déclarera laconiquement aux juges : « Faites ce que vous devez faire et envoyez-moi à Makala, mais je ne cautionne pas cette parodie de justice ». Des ONG des droits de l’homme dénonceront également un « procès politique » intenté contre un opposant qui dérange.
Procès Katumbi, sous l’ère Joseph Kabila (2016-2019)
Après son départ de la majorité présidentielle fin 2014, Moïse Katumbi devient l’un de plus grands opposants au président de la République, Joseph Kabila. Il se positionne aussi comme un challenger politique pour la présidentielle qui devrait se tenir en 2016. L’homme sera poursuivi dans deux affaires différentes : spoliation d’un immeuble d’un sujet grec et recrutement des mercenaires étrangers. Dans le dossier des mercenaires, il était donc poursuivi pour « atteinte à la sûreté intérieure de l’Etat » avec six autres co-accusés dont un Américain. A Lubumbashi, ses partisans vont dénoncer un « procès politique » et un « acharnement » contre leur leader. Mais l’ancien gouverneur du Katanga sera contraint à l’exil. Officiellement, le procureur l’autorisera à quitter le pays pour aller se faire soigner à l’étranger. Dans l’entre-temps, Moise Katumbi sera condamné à 3 ans de prison ferme dans le premier dossier lié à la spoliation d’un immeuble appartenant à Alexandros Stoupis, un sujet grec. En exil à Bruxelles depuis plus de deux ans, l’ex-gouverneur du Katanga avait décidé en 2018 de revenir au pays pour déposer sa candidature à la présidentielle entre le 24 juillet et le 8 août 2018. En RDC, les autorités politiques préviennent qu’il doit toujours répondre de sa condamnation à trois ans de prison dans cette affaire d’immeuble dont il contestait d’ailleurs tout fondement. D’ailleurs, plus tard, après l’accession de Félix Tshisekedi au pouvoir, il a été innocenté dans les deux affaires. Ces procès ont été jugés comme « politiquement motivés » par de nombreuses ONG et organisations internationales. Selon ces organisations dont la Voix de sans voix (VSV), ces manœuvres judiciaires étaient une tentative d’écarter un opposant majeur avant les élections de 2018. Katumbi tentera un forcing en essayant de rentrer au pays par la frontière de la Zambie, sans succès.
Ernest Kyaviro, 17 mois de prison pour des infractions politiques (2015)
Cadre du RCD/KML, parti d’Antipas Mbusa Nyamwisi, l’ancien député Ernest Kyaviro avait purgé 17 mois de prison au Centre pénitencier et de rééducation de Makala à Kinshasa. Il avait été arrêté à Goma, au cours d’une manifestation initiée par l’opposition le 22 janvier 2015 contre le pouvoir de Joseph Kabila. Après son arrestation, il avait été transféré à Kinshasa, avant d’être condamné à 3 ans de prison pour « incitation à la désobéissance civile ». En appel, sa peine avait été réduite à 17 mois. En avril 2016, lors d’un constat du reporteur de Radio Okapi, l’homme purgeait sa peine dans l’hôpital pénitencier de Makala où il était retenu pour des raisons de santé. Il clamait toujours que son arrestation était politique. Dans un rapport publié quelques mois après, Dans un rapport publié jeudi 26 novembre, Amnesty International dénonce la répression qui l’ONG Amnesty International dénonçait une répression qui « s’abat sur la société civile et l’opposition en République démocratique du Congo ». Cette organisation de lutte pour les droits de l’homme critiquait une justice congolaise « instrumentalisée pour « réduire au silence ceux qui sont en désaccord avec l’idée d’un troisième mandat pour le président Kabila ».
Jean-Claude Muyambo, condamné pour « abus de confiance » (2015)
Arrêté en janvier 2015 dans la foulée des manifestations contre la modification de la loi électorale, l’ancien bâtonnier Jean-Claude Muyambo a été condamné à 5 ans de prison. Mais curieusement, lors du procès, les faits pour lesquels il a été arrêté ne seront pas évoqués. Le tribunal brandit plutôt un dossier d’abus de confiance et de stellionat dans le cadre d’une affaire d’immeuble appartenant toujours au même sujet grec (Alexandros Stoupis) qui avait fait condamner Moise Katumbi. Depuis son incarcération à la prison de Makala, il se plaignait de l’état de son pied gauche tuméfié à la suite du traitement qu’il aurait subi lors de son arrestation. Jean-Claude Muyambo sera finalement gracié après l’arrivée de Félix Tshisekedi au pouvoir en 2019, soit une année avant la fin de sa peine.
Christopher Ngoyi, un activiste derrière les barreaux (2015)
Militant de la société civile, Christopher Ngoyi Mutamba faisait partie des personnalités arrêtées en janvier 2015 lors des manifestations contre la modification de la loi électorale qui conditionnait l’organisation des élections de 2016 au recensement général de la population. Pour plusieurs de ses proches, Christopher Ngoyi n’était rien d’autre qu’un « prisonnier d’opinion ». Il sera libéré plus d’une année après au même moment que Fred Bauma et Yves Makwambala, deux activistes du mouvement citoyen Lutte pour le changement (LUCHA). Ils avaient été relâchés sur décision de la Cour Suprême de Justice, bénéficiant d’une « liberté provisoire » après 18 mois et 15 jours de détention sans procès. Officiellement, Christopher Ngoyi était accusé d’incendie volontaire, actes de pillage et incitation à la haine raciale.
Procès Franck Diongo (2016)
Jugé en procédure de flagrance pour séquestration de trois militaires de la Garde républicaine en marge d’une manifestation populaire contre le maintien de Joseph Kabila au pouvoir, l’opposant Franck Diongo a été condamné le 28 décembre 2016 à cinq ans de prison ferme. Les sympathisants du leader du Mouvement lumumbiste progressiste (MLP) avaient déployé devant la Cour suprême de justice à Kinshasa plusieurs banderoles avec ces inscriptions : « Libérez Franck Diongo », « Franck Diongo innocent », « Franck Diongo héros vivant », rapportait RFI lors du procès en révision de sa condamnation. Même des journalistes ont été interdits d’accéder dans la salle d’audience le jour de ce procès en révision de sa peine. Mais Franck Diongo ne sera libéré qu’en mars 2019 après la prise de pouvoir par Félix Tshisekedi.
Proche de Tshisekedi, Kamerhe devant la barre (2020)
A l’époque directeur de cabinet du président de la République, Félix Tshisekedi, Vital Kamarhe a été arrêté et emprisonné pour détournement de fonds publics dans le cadre du programme des “100 jours”. Ce programme d’urgence a été présenté comme une initiative visant à répondre aux besoins de la population et à apporter des changements positifs dès l’entame du mandat du président Félix Tshisekedi en 2019. Cependant, des accusations d’irrégularités, de corruption et d’utilisation abusive du pouvoir ont été formulées. Pour la première fois depuis l’indépendance du pays, un directeur de cabinet du chef de l’Etat en fonction est non seulement mis en cause par la justice mais aussi condamné. Certains y ont vu un signal fort contre la corruption, d’autres une lutte de pouvoir interne. Avec la mort soudaine du juge Raphaël Yanyi qui dirigeait l’affaire, ce procès a été perçu comme un règlement de comptes politique contre Vital Kamerhe par certaines personnes dans l’entourage de Félix Tshisekedi. Condamné à 20 ans de prison en 2020, la peine sera réduite à 13 ans après un second jugement en appel.
Arrêté le 8 avril 2020, Vital Kamerhe sera « totalement acquitté » le 23 juin 2020. « Il n’y a pas de preuve contre lui. C’en est définitivement fini avec cette affaire », avait clamé son avocat, Jean-Marie Kabengela. La Cour de cassation a cassé la condamnation à treize ans de prison prise par la Cour d’appel, demandant à celle-ci, constituée d’autres juges, de rejuger l’affaire. Mais le dossier n’a plus jamais été rejugé. En décembre 2021, cette haute juridiction avait déjà accordé une libération conditionnelle à Vital Kamerhe pour raisons de santé, lui permettant d’effectuer un déplacement en France.
Condamné dans le même procès, l’homme d’affaires libanais Samir Jammal avait également été « acquitté par la cour d’appel de Kinshasa/Gombe », selon son avocat, Tshitsha Bokolombe. Dans l’entretemps, les maisons préfabriquées pour lesquelles ces personnes avaient été arrêtées n’ont jamais été rendues totalement à l’Etat congolais qui avait déboursé 57 millions de dollars pour ce volet du programme de « 100 jours ».
Jean-Marc Kabund : un ancien chef du parti présidentiel en procès (2022)
Fin 2021, l’ancien président intérimaire de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) Jean-Marc Kabund commence à prendre des positions contraires à la ligne de son parti, dénonçant notamment une « justice à deux vitesses ». En 2022, Kabund s’en prend directement au chef de l’État, Félix Tshisekedi, l’accusant d’« incompétence notoire » et de « dérive monarchique ». Le 18 juillet 2022, lors d’une conférence de presse pour le lancement de son nouveau parti, l’Alliance pour le changement, il indique que Félix Tshisekedi est un « danger au sommet de l’État » et qu’il fallait s’en débarrasser. C’était visiblement des mots de trop adressés contre le régime en place. Arrêté en août 2022, Kabund a été condamné, en septembre 2023, à une peine de sept ans de prison par la Cour de cassation. Cette condamnation faisait suite à une série d’accusations, notamment « d’outrage au chef de l’Etat », « offense aux institutions de la République » et « propagation de faux bruits ».
Pilier du parti présidentiel, l’homme était tombé en disgrâce en janvier 2022. Passé dans l’opposition après sa mise à l’écart de l’UDPS et son éviction de son poste de premier vice-président de l’Assemblée nationale, il avait progressivement radicalisé son discours vis-à-vis des autorités congolaises. En 2025, il sera finalement libéré de la prison. Des rumeurs évoquent une grâce présidentielle accordée par Félix Tshisekedi. Mais son entourage se défend. « Dans le cadre d’un recours extraordinaire introduit par le biais d’une procédure en révision, la Cour de cassation a rendu son arrêt d’acquittement en faveur du Président Jean-Marc Kabund le 21 février. Ainsi, les infractions retenues dans le précédent arrêt de sa condamnation sont effacées et son casier judiciaire devient désormais vierge », avait déclaré en février Me Emmanuelli Kahaya, un de ses avocats.
Procès Salomon Kalonda (2023)
Accusé par l’Auditorat militaire supérieur d’être en intelligence avec quelques officiers rwandais dans un contexte d’agression rwandaise contre la RDC, Salomon Kalonda, conseiller politique de l’opposant Moise Katumbi avait été arrêté le 30 mai 2023 à l’aéroport de N’djili, à Kinshasa. Plusieurs fois, ses avocats contestaient les accusations portées contre leur client et remettaient en question la légalité de la procédure ayant conduit à sa détention. Salomon Kalonda était aussi accusé de détention d’arme à feu. Mais cette prévention avait été élaguée car l’arme appartenait au garde du corps de l’ancien Premier ministre, Augustin Matata Ponyo. Des accusations de collusion avec des officiers rwandais ont été aussi rejetées par le parti de Katumbi. Son secrétaire général, Dieudonné Bolengetenge avait qualifié de « mensonges et des affabulations » ces accusations « fantaisistes » criant à un procès politique visant à affaiblir Moise Katumbi avant les élections de décembre 2023. Plus tard, élu député provincial du Maniema puis sénateur du Haut-Katanga sans battre campagne, Salomon Kalonda sera relâché par la justice militaire après la validation de son mandat de sénateur au Sénat. Il sera d’abord autorisé à aller se faire soigner en Belgique, avant de revenir siéger au Sénat.
Condamné à 10 ans de travaux forcés, Matata évoque un procès politique
Premier ministre de 2012 à 2016 sous le régime du président Joseph Kabila, Augustin Matata Ponyo a été condamné, le 20 mai 2025, à 10 ans de travaux forcés. La Cour constitutionnelle l’a reconnu coupable de détournements de fonds publics d’un montant de 247 millions de dollars, selon le président de la haute cour, Dieudonné Kamuleta. Ces fonds étaient destinés au projet du parc agro-industriel de Bukanga-Lonzo, un projet pilote à 250 kilomètres au sud-est de Kinshasa.
Tout avait commencé en novembre 2020, lorsque l’inspection générale des finances (IGF) avait conclu dans un rapport que 205 millions de dollars, sur 285 millions décaissés par le Trésor public pour ce projet avaient été égarés.
Matata Ponyo, qui clamait son innocence, avait cessé de participer aux audiences, accusant la justice de n’avoir pas sollicité la levée de ses immunités à l’Assemblée nationale. De son côté, la Cour affirme l’avoir déjà fait pendant que l’incriminé était sénateur. Mais l’ancien chef du gouvernement ne l’entend pas de cette oreille et accuse la cour de lui intenter un procès politique parce qu’il aurait refusé de choisir l’Union sacrée de la nation, plateforme politique de la majorité au pouvoir. Actuellement député et président du parti d’opposition Leadership et gouvernance pour le développement (LGD), Matata Ponyo est porté disparu depuis ce verdict rendu par la Cour constitutionnelle. D’après Laurent Onyemba, son avocat, par sa « décision inique » de condamnation de Matata, la « Cour a démontré que c’est une affaire politique ».
Dans l’histoire de la justice congolaise, d’autres personnalités politiques ont eu à crier au « procès politique » à tort ou à raison. C’est le cas de l’ancien ministre des Mines, Eugène Diomi Ndongala arrêté en 2013 après une période de clandestinité. Devenu opposant à Joseph Kabila, il avait été condamné le 26 mars 2014 par la Cour suprême de justice à 10 ans de servitude pénale principale pour viol avec violence, exposition d’enfants à la pornographie, détention d’enfants et tentative de viol d’enfants. Lors de sa libération conditionnelle en 2019, le ministre de la Justice avait interdit à l’intéressé de pénétrer dans un rayon de 500 mètres d’une école de filles. Il y a également le cas du procès de François Beya, conseiller spécial en matière de sécurité du président Félix Tshisekedi. Accusé de complot contre la sûreté de l’État, son procès avait été critiqué pour son opacité et son caractère politique. L’affaire était perçue comme un règlement de compte interne au sein du pouvoir.
Heshima
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Députés provinciaux en RDC : entre impuissance et conflits institutionnels
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3 jours agoon
juin 12, 2025By
La redaction
Ils sont élus pour représenter leurs provinces, mais en République démocratique du Congo (RDC), les députés provinciaux se retrouvent souvent relégués à un rôle marginal, pris en étau entre les contraintes imposées par Kinshasa, les conflits avec les gouverneurs provinciaux et leurs propres pratiques parfois controversées. La décentralisation, inscrite dans la Constitution de 2006, promettait une autonomie accrue pour les provinces, mais les réalités institutionnelles, financières et politiques entravent leur capacité à agir. Selon un rapport du Congo Research Group publié en 2024, près de 70 % des édits votés par les assemblées provinciales sont bloqués ou annulés par le gouvernement central. Pendant ce temps, les citoyens, comme Roger Nzuzi, agriculteur du Kwilu, s’interrogent : « À quoi servent nos élus s’ils ne peuvent même pas décider du budget d’un hôpital ? » Heshima Magazine explore les limites institutionnelles, les blocages politiques, les comportements problématiques des acteurs provinciaux et les conséquences pour les populations locales, révélant une démocratie congolaise encore en quête d’équilibre.
La Constitution de 2006 établit un cadre ambitieux pour la décentralisation, conférant aux provinces des compétences exclusives dans des domaines comme l’éducation, les taxes locales, les infrastructures et la gestion des ressources naturelles. L’article 204 énumère ces compétences, tandis que l’article 197 définit les assemblées provinciales comme des organes délibératifs élus au suffrage universel direct pour un mandat de cinq ans, chargés de légiférer par des édits. Cependant, cette autonomie est limitée par l’article 205, qui stipule que dans les domaines de compétence partagée, les lois nationales priment sur les édits provinciaux en cas d’incompatibilité. « Le système actuel réduit les assemblées provinciales à des chambres d’enregistrement », explique Miché Kanimbu, politologue à l’Université de Lubumbashi. Cette prééminence du pouvoir central freine les initiatives locales, rendant les députés provinciaux dépendants des décisions de Kinshasa.
Un exemple frappant est la difficulté des assemblées à faire appliquer leurs édits. Selon un rapport de l’Institut d’Études de Sécurité, entre 2007 et 2013, seulement 6 à 7 % des revenus nationaux ont été transférés aux provinces, loin des 40 % prescrits par la Constitution. Cette rétention financière limite la capacité des assemblées à financer des projets, les obligeant à quémander l’approbation du gouvernement central. « Nos propositions sont systématiquement bloquées par l’administration centrale », confie un ancien député provincial dans un article de Jeune Afrique publié le 15 mars 2024.
L’Étau financier de Kinshasa
Le manque de ressources financières est un obstacle majeur. L’article 175 de la Constitution stipule que 40 % des recettes nationales doivent être retenues à la source par les provinces, mais cette disposition est rarement respectée. Un rapport de la Banque mondiale publié en 2023 indique que seulement 12 % des budgets provinciaux sont exécutés sans l’aval de Kinshasa. Cette centralisation financière paralyse les provinces, qui peinent à payer les salaires des fonctionnaires ou à financer des projets d’infrastructures. Par exemple, dans le Nord-Kivu, un article de Global Press Journal rapporte qu’en 2016, 6 millions de dollars alloués à la construction de routes n’ont jamais été décaissés en raison de « problèmes financiers » au niveau provincial.
Les retards dans le paiement des émoluments des députés provinciaux aggravent leur marginalisation. En septembre 2023, des députés provinciaux ont organisé un sit-in devant la primature à Kinshasa pour protester contre quatre mois d’arriérés de salaire. « Nous passons des mois sans salaire, ce qui nous empêche de travailler efficacement », témoigne un député provincial du Haut-Katanga. Ces retards, souvent dus à des lenteurs bureaucratiques ou à des détournements présumés, sapent la légitimité des élus aux yeux des citoyens. Un rapport de la Cour des Comptes de 2021 souligne des dépassements budgétaires massifs au niveau national, suggérant des problèmes similaires dans les provinces, où les budgets d’investissement sont souvent sous-exécutés au profit des dépenses courantes comme les salaires.
Conflits entre gouverneurs et Assemblées provinciales
Les relations entre les gouverneurs et les Assemblées provinciales sont marquées par des tensions fréquentes, souvent exacerbées par des motions de censure ou de défiance. Selon un rapport du Sénat adopté en juin 2021, 15 gouverneurs ont été destitués par les assemblées provinciales en une seule année, illustrant une instabilité chronique. Les assemblées justifient ces destitutions par des accusations de mauvaise gestion ou de corruption. Par exemple, en 2017, l’Assemblée provinciale du Haut-Katanga a destitué le gouverneur Jean-Claude Kazembe pour des « irrégularités dans la gestion des fonds publics et des marchés publics ». De même, en 2021, Zoé Kabila, gouverneur du Tanganyika, a été destitué pour « mauvaise gestion » et « manque de respect » envers l’assemblée provinciale.
Cependant, ces destitutions sont souvent controversées. Certains observateurs, comme ceux cités dans un article du site belge La Libre, suggèrent que les motions de censure sont parfois utilisées comme des outils de chantage ou de règlement de comptes politiques. « Les députés provinciaux, toujours en quête d’argent et dépendants financièrement du gouverneur, peuvent être tentés de monnayer leurs votes », explique Élodie Ndiya, experte en gouvernance à l’Université de Kinshasa. Un article de Forum des As va plus loin, décrivant les assemblées comme des « espaces de guerre » où les députés passent leur temps à initier des motions de défiance pour des raisons opportunistes, parfois après avoir été « achetés » par des acteurs extérieurs.
Les gouverneurs, de leur côté, se plaignent de cette instabilité. Lors de la huitième conférence des gouverneurs en décembre 2021, ils ont recommandé un moratoire de deux ans sur les motions de censure pour garantir la stabilité de la gouvernance provinciale. Cette proposition reflète leur frustration face à la menace constante de destitution, qui entrave leur capacité à mettre en œuvre des politiques à long terme. « Les assemblées provinciales devraient contrôler les gouverneurs, pas les déstabiliser pour des gains personnels », déclare un gouverneur sous couvert d’anonymat.
Interventions du gouvernement central
Face à ces conflits, le ministre de l’Intérieur intervient parfois pour suspendre les activités des assemblées provinciales, une mesure qui soulève des questions sur l’autonomie provinciale. En octobre 2023, l’ancien vice-premier ministre et ministre de l’Intérieur, Peter Kazadi, a suspendu toutes les activités de l’Assemblée provinciale de Kinshasa, y compris les tentatives de convocation de plénières, en raison de tensions internes entre le Bureau et les députés. De même, en 2012, Adolphe Lumanu, alors ministre de l’Intérieur, a suspendu les plénières de l’assemblée du Nord-Kivu après que certains députés ont quitté leurs partis politiques, une décision qualifiée d’« assassinat de la démocratie » par le rapporteur de l’assemblée de l’époque. Ces interventions, bien que parfois justifiées par la nécessité de rétablir l’ordre, sont critiquées pour leur impact sur la décentralisation. « Le gouvernement central utilise ces suspensions pour maintenir son contrôle sur les provinces », analyse Dr. Kabeya.
Dans les provinces de Nord-Kivu et Ituri, l’état de siège décrété en mai 2021 a suspendu les assemblées provinciales, transférant leurs prérogatives à des autorités militaires. Prolongé à plusieurs reprises, cet état d’exception illustre comment le gouvernement central peut neutraliser les institutions provinciales sous prétexte de sécurité. « Nous sommes élus, mais sans pouvoir réel sous l’état de siège », déplore Aline Furaha, étudiante en Droit.
Une faible participation électorale
La frustration des citoyens se reflète dans les taux de participation aux élections provinciales. Selon l’International Foundation for Electoral Systems, les élections provinciales de 2023 ont vu une participation d’environ 40 millions d’électeurs inscrits, mais les irrégularités et la désillusion ont conduit à une abstention significative, notamment dans les provinces en conflit comme le Nord-Kivu. « Nous votons pour des députés qui ne peuvent impulser la construction même d’une école. À quoi bon ? » s’interroge Julienne Mbuyi, commerçante à Mbuji-Mayi. Cette désaffection menace la légitimité des institutions provinciales et renforce la centralisation du pouvoir.
Des lois provinciales sous contrôle central
Les assemblées provinciales ont le pouvoir de légiférer par des édits dans leurs domaines de compétence, mais ces initiatives sont souvent bloquées ou annulées par le gouvernement central. Le Congo Research Group estime que 70 % des édits provinciaux sont contestés ou invalidés par Kinshasa, souvent pour des raisons de conformité avec les lois nationales. Par exemple, dans le Haut-Katanga, un édit visant à réguler les taxes minières a été suspendu par le ministère des Mines en 2022, arguant d’une incompatibilité avec la législation nationale. Cette situation limite la capacité des provinces à répondre aux besoins locaux et renforce leur dépendance envers Kinshasa.
Conséquences pour les populations locales
L’impuissance des députés provinciaux et les conflits avec les gouverneurs ont un impact direct sur les citoyens. Dans le Kasaï, par exemple, les écoles et les hôpitaux manquent de financement, car les budgets d’investissement sont souvent sous-exécutés. Un rapport du Fnds monétaire international (FMI) de 2024 note que seulement 13 % des investissements prévus dans l’éducation ont été réalisés en 2022, contre 111 % des dépenses courantes, principalement des salaires. Cette priorisation des dépenses courantes au détriment des investissements limite le développement local et alimente la méfiance des citoyens envers leurs élus.
Dans le Nord-Kivu, la suspension de l’assemblée provinciale sous l’état de siège a exacerbé l’insécurité, les habitants se sentant abandonnés face aux groupes armés. « Nos élus sont invisibles, et Kinshasa décide de tout », témoigne Pierre Kahindo, habitant de Masisi. Cette situation renforce les tensions sociales et le sentiment d’exclusion dans les provinces éloignées de la capitale.
Un avenir incertain pour la décentralisation
L’impuissance des députés provinciaux, les conflits avec les gouverneurs et les interventions du gouvernement central soulèvent une question cruciale : la décentralisation en RDC peut-elle devenir une réalité ? Les obstacles institutionnels, financiers et politiques suggèrent que sans réformes majeures, les assemblées provinciales resteront des institutions marginalisées. La proposition de révision constitutionnelle annoncée par le président Tshisekedi en octobre 2024 pourrait offrir une opportunité de renforcer l’autonomie provinciale, mais elle suscite aussi des craintes de recentralisation. « Si la révision renforce Kinshasa au détriment des provinces, la décentralisation ne sera qu’un slogan », prévient Dr. Ndaya, médecin à Kinshasa.
Pour les citoyens congolais, l’enjeu est clair : sans une décentralisation effective, les provinces resteront sous la tutelle de Kinshasa, les gouverneurs seront fragilisés par des destitutions fréquentes, et les députés provinciaux, tiraillés entre impuissance et pratiques controversées, peineront à représenter leurs électeurs. La question demeure : la RDC parviendra-t-elle à libérer ses provinces des chaînes d’un système dysfonctionnel, ou la décentralisation restera-t-elle une promesse non tenue pour des millions de Congolais ?
Heshima Magazine
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