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Politique

FCC : retour sur la chute d’un clan

Face aux verrous constitutionnels contre un troisième mandat, Joseph Kabila était obligé de passer la main à un autre. Pour que le pouvoir reste dans son sérail, le prédécesseur de Félix Tshisekedi s’était choisi un dauphin. Un casting qui a, en réalité, sonné le glas du clan.

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« J’ai déjà gagné. Vous avez vu comment j’ai battu campagne ? Tout s’est bien passé. Je serai élu, c’est moi le président à partir de ce soir ». Ces phrases pleines d’orgueil prononcées par Emmanuel Ramazani Shadary, le 30 décembre 2018, avaient à la fois intrigué l’opinion et fait penser à un match électoral joué d’avance. Mais les faits qui ont suivi ont, à contrario, démontré une vraie déconfiture du clan Kabila.

 Mauvais casting du dauphin

Devant l’impossibilité de contourner la Constitution pour briguer un troisième mandat, Joseph Kabila avait, à la surprise générale, porté son choix sur Emmanuel Ramazani Shadary comme candidat à sa succession à la tête du pays. A quelques heures seulement de la fin du délai de dépôts des candidatures pour la présidentielle, l’ex-chef d’Etat, alors en fonction, a dévoilé, le 8 août 2018, le nom du candidat du Front commun pour le Congo (FCC), pour le scrutin du 23 décembre de la même année.

Ce dauphin, choisi in extremis, n’a malheureusement pas fait l’unanimité au sein du clan Kabila. Puisque lors de sa présentation au stade Tata Raphaël, à Kinshasa, plusieurs caciques du Front commun pour le Congo n’ont pas daigné arborer des chemises frappées à l’effigie de Ramazani Shadary. Ils ont, pour la plupart, préféré porter l’effigie de Joseph Kabila. Rien de surprenant car, avant ce casting, plusieurs noms étaient cités comme dauphin potentiel de l’exRaïs, sans vraiment s’attendre à un certain Shadary dont le pedigree – au-delà du FCC – dérangeait aussi au sein de l’opinion congolaise. Du coup, ses phrases peu honorables prononcées lors des meetings du Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD) refont surface. Des propos parfois emprunts de brutalité et qui l’ont également desservi tout au long de la campagne électorale.

Stratégie de campagne critiquée !

L’organisation et la stratégie de campagne mises en place par Ramazani Shadary ont été très critiquées par certains caciques du FCC. Au niveau interne, cette campagne électorale n’était pas portée à bout de bras par tous les caciques du clan Kabila. Tout au long de cette période électorale, l’on a vu certains caciques partir en campagne pour la députation nationale mais sans faire allusion à leur candidat président de la République. C’est le cas de Modeste Bahati qui n’a pas vraiment insisté sur son candidat président de la République qui était Ramazani Shadary. Dans beaucoup de fiefs acquis à l’opposition, les candidats députés FCC ont eu du mal à vendre Shadary auprès de leur électorat local, notamment des cadres qui ont battu campagne dans le grand Bandundu.

Une défaite sans tirer des leçons !

Pendant que d’aucuns pensaient que Joseph Kabila allait forcer le passage de son dauphin à la présidentielle, les Congolais ont appris – stupéfaits – la victoire d’un opposant à la tête du pays. Félix Tshisekedi est donc passé devant son principal challenger, Martin Fayulu mais aussi devant le candidat du pouvoir, Ramazani Shadary, arrivé troisième au classement.

Après cette défaite à la présidentielle, aucune sanction n’a été prise, ni aucune leçon n’a été tirée dans l’organisation du FCC, alors que plusieurs voix appelaient notamment au remplacement et à la redynamisation de la coordination de cette plateforme politique. A la place d’une introspection, le FCC va se lancer immédiatement dans la coalition dite FCC-CACH avec le nouveau pouvoir. Il s’observera frustration, déception, mécontentements de plusieurs partis membres et personnalités du FCC suite au partage jugé non équitable des postes au sein du premier gouvernement dirigé par le Premier ministre Sylvestre Ilunga Ilunkamba. Cela, sans que la plateforme n’implose.

Problèmes au FCC-CACH

Malgré les critiques de l’opinion, les deux nouveaux alliés ont mis en place une coalition pour éviter, répètent-ils, une cohabitation jugée trop conflictuelle. Mais cette aventure inédite en République démocratique du Congo va faire long feu. Tout au long de cette expérience, plusieurs comportements et attitudes vis-à-vis du nouveau pouvoir vont être à la base des conflits qui ont fini par tuer la coalition FCC-CACH.

En septembre 2019, Félix Tshisekedi déploie des efforts pour mettre en place la gratuité de l’enseignement de base. Une mesure constitutionnelle mais qui n’a pas été appliquée sous le régime de Joseph Kabila. Curieusement, son ex-dauphin, Shadary, va faire une descente à Lubumbashi pour une matinée du PPRD au cours de laquelle il va crier urbi et orbi : « Le programme de la gratuité, c’est à nous. Qu’on ne nous l’arrache pas ! » Une sortie médiatique qui a étonné même dans les rangs de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), parti présidentiel.

Les erreurs de Mabunda

Bien avant cette sortie de Shadary, déjà au mois de juin 2019, un député du FCC avait poussé trop loin son bouchon. Alors que Jeanine Mabunda s’est emportée en autorisant le débat sur un acte du chef de l’Etat en pleine plénière du 7 juin 2019, le député national Charles Nawej Mundele a même traité le président de la République d’« inconscient » pour avoir signé les ordonnances de nominations des mandataires de la Gécamines et de la SNCC. Sidéré, le député Christophe Lutundula réplique en insistant sur le fait que la chambre basse du Parlement n’avait pas qualité pour juger les actes posés par le président de la République. Les propos de Nawej avaient déclenché la colère des députés du CACH ainsi que celle des militants de l’UDPS.

Autre fait, c’est la menace de Tshisekedi, devant la diaspora congolaise de Londres, de « virer » des ministres, voire de dissoudre l’Assemblée nationale, si ses partenaires de la coalition fidèles à son prédécesseur Joseph Kabila sapaient son pouvoir. « Les Congolais m’ont confié une mission et je dois rendre compte à ce peuple. Et celui qui ne va pas suivre mes instructions et qui s’attachera aux instructions de sa famille politique, il sera viré. Je ne peux pas dissoudre l’Assemblée nationale tant qu’il n’y  a pas crise. Mais en cas d’obstruction, je serai contraint, en fin de compte, de prendre la décision de dissoudre l’Assemblée nationale ».

Une menace qui n’a pas manqué de réplique dans les rangs du FCC. Et c’est Jeanine Mabunda, alors présidente de l’Assemblée nationale, qui s’est occupée de Félix Tshisekedi. Elle avait convoqué une conférence de presse où elle a répondu à cette menace demandant d’éviter les « malentendus » et les risques de « haute trahison », évoquant au passage l’article 165 de la Constitution. « Toute personne qui méconnaît notre loi fondamentale peut être exposée au cas de haute trahison pour violation intentionnelle de la Constitution » a-t-elle déclaré devant la presse et des élus nationaux présents. Des menaces à peine voilées de destitution de Félix Tshisekedi.

Au lendemain de cette sortie très médiatisée, le député national Crispin Mbindule a reproché à Mabunda de n’avoir pas consulté la conférence des présidents ni soumis la question à la plénière souveraine avant de répondre aux propos de Félix Tshisekedi. « Si elle ne retire pas ses propos, nous, députés acquis au bon sens, nous allons aider madame la présidente à ne pas chaque fois s’attaquer aux messages du chef de l’État », a-t-il renchéri. L’erreur fatale de Mabunda est de vouloir à tout prix montrer les biceps, s’exclamaient quelques analystes politiques. Un congrès avorté ! La prise de position de Jeanine Mabunda sur l’ordonnance du chef de l’Etat proclamant l’état d’urgence sanitaire en tenant en haleine l’opinion nationale et internationale a aussi contribué dans l’éclatement du FCC-CACH. Le président du Sénat Alexis Thambwe Mwamba (FCC) et la présidente de l’Assemblée nationale avaient pris la décision de convoquer un congrès afin de corriger ce qu’ils ont qualifié de « faute », accusant le président Tshisekedi d’avoir violé la Constitution en proclamant l’état d’urgence sanitaire. Le Président de la République a pris une ordonnance de fait proclamant l’état d’urgence sanitaire en violation de l’article 119.2 de la Constitution, avait déclaré Alexis Thambwe sur une radio locale.

Le congrès qu’ils s’apprêtaient à convoquer avec sa collègue de l’Assemblée afin de régulariser cette prétendue violation de la constitution et légiférer sur l’état d’urgence en RD Congo n’a jamais eu lieu, car détruit par un argumentaire de JeanMarc Kabund qui a dénoncé un complot contre le chef de l’Etat. Quelques jours après, le FCC punira Kabund par une destitution de son poste de premier vice-président de  l’Assemblée nationale.

Entérinement de Malonda et Lois Minaku-Sakata

L’autre problème ayant concouru à la chute de la coalition, c’est l’entérinement forcé de Ronsard Malonda pour présider la Commission électorale nationale indépendante (CENI). Ce technicien électoral dont le nom a été choisi par six des huit confessions religieuses chargées de désigner le prochain président de la centrale électorale, a été confirmé en plénière à l’issue d’une séance tendue. L’opposition, la société civile et même le parti au pouvoir ont dénoncé ce choix, accusant Ronsard Malonda d’avoir joué un rôle majeur lors du scrutin controversé de décembre 2018. La CENCO et l’ECC ont notamment dénoncé un « passage en force » de la majorité. Cette décision est intervenue alors que cette question ne figurait pas à l’ordre du jour de la plénière au sein de l’Assemblée nationale accusaient certains élus nationaux. Le matin même, plusieurs députés affirmaient ne pas en avoir été informés. Refusant de revenir sur sa décision, Jeanine Mabunda a appelé plutôt les confessions religieuses à s’apprêter à désigner les autres animateurs. Toujours dans l’Assemblée nationale dirigée par Jeanine Mabunda, trois propositions de lois vont faire grand bruit.

L’examen de ces trois propositions de lois dites « Minaku-Sakata » sur la réforme du système judiciaire congolais a rencontré une forte opposition aussi bien du CACH, Lamuka que des militants de l’UDPS en dehors de l’hémicycle. Les députés du Cap pour le Changement (CACH) et de l’opposition parlementaire Lamuka avaient dénoncé « l’obstination du FCC à opérer un passage en force ». Ils avaient, à cet effet, décidé de suspendre leur participation à ces travaux, vu « l’inconstitutionnalité et l’inopportunité » de ces trois propositions de loi. Les députés du CACH affirmaient avoir quitté la salle des travaux pour ne pas être complices du complot de « caporalisation de la justice », selon l’un d’eux, Tony Mwaba. Une épreuve qui a renforcé le clivage entre les alliés au point que le ministre de la Justice d’alors, Célestin Tunda ya Kasende, issu des rangs du FCC, a failli aider l’Assemblée nationale en donnant l’avis du gouvernement sur ces propositions de lois à l’insu de l’exécutif national.

 On ne peut pas nous intimider !

Après cette bévue, le ministre de la Justice sera interpelé par le parquet près la Cour de cassation. Avant d’être relâché dans la soirée, après avoir, selon lui, téléphoné précédemment à « Ye meï » ( Joseph Kabila). Réunis pour la circonstance avec les caciques du PPRD qui sont partis le soutenir au parquet, Tunda a fait le rapport de sa chaude journée. Et dans la foulée, Shadary va tenter de galvaniser ses troupes en criant : « on ne peut pas nous intimider ! » Phrase devenue ironique dans les réseaux sociaux à chaque fois que le FCC subissait des revers politiques.

Boycott du serment des juges ! En octobre 2020, Jeanine Mabunda, Alexis Thambwe Mwamba ainsi que plusieurs ministres du FCC avaient boycotté la cérémonie de prestation de serment des trois juges de la Cour constitutionnelle, à savoir Dieudonné Kaluba Dibwa, Kalume Yasengo et Kamulete Badibanga. Les présidents du Sénat, Alexis Thambwe, et la présidente de l’Assemblée nationale, Jeanine Mabunda, avaient déjà annoncé, dans une correspondance adressée la veille au chef de l’Etat, qu’ils boycotteraient cette cérémonie. Pourtant chargé par le dernier Conseil des ministres d’organiser cette cérémonie, le Premier ministre, Sylvestre Ilunga, avait été aussi absent du Palais du Peuple. Les trois responsables sont membres du FCC qui contestait la légalité des ordonnances présidentielles de juin 2020 nommant ces juges. Après cette étape, Tshisekedi suspendra les conseils des ministres jusqu’à ce que la  chute du bureau Mabunda intervienne le 10 décembre 2020 ainsi que celle du Bureau Thambwe Mwamba. Puis, plus tard, en janvier 2021, celle du gouvernement Ilunkamba. Ainsi, sonna le glas de la coalition FCC-CACH.

En marge de toutes ces péripéties, le FCC a poursuivi sa chute. Néhémie Mwilanya a été tardivement démis de ses fonctions de coordonnateur de la plateforme. Il a été remplacé par un comité de crise dirigé par Raymond Tshibanda. En dépit de ce changement, une fronde s’est ouvertement créée, demandant la mise à l’écart de plusieurs caciques. Face à ce remous, Joseph Kabila, lui, est resté éloigné du FCC, se contentant des rapports d’un groupe réduit, du reste contesté. Des responsables qui disaient parler en son nom et tout ramener vers lui. Ce manque de contact direct avec les partis et regroupements composant le FCC lui a été très défavorable. Aujourd’hui, l’homme vit retranché dans sa ferme située dans la périphérie Est de la ville de Kinshasa comme s’il n’avait pas de plateforme politique. Peutêtre qu’il médite sur une possible « remontada » en 2023 ! 

 Heshima

Politique

Suspension de 13 partis d’opposition en RDC : un précédent fâcheux pour la démocratie ? 

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Fin octobre, le gouvernement congolais a annoncé la suspension des activités de treize partis politiques de l’opposition ayant participé au conclave de Nairobi autour de l’ancien président de la République démocratique du Congo (RDC), Joseph Kabila. Ce dernier a été condamné à mort par contumace – fin septembre – par la justice militaire notamment pour « trahison » et « crimes de guerre ». La décision de suspendre ces partis suscite des réactions diverses au sein de la classe politique, dans un contexte où le pays fait face à une agression dans l’Est par la rébellion du M23 soutenue par le Rwanda.

Le vendredi 31 octobre, l’État congolais a annoncé la suspension, sur l’ensemble du territoire, d’une dizaine de partis classés dans l’opposition, une décision qui a aussitôt suscité des réactions au sein de la classe politique. Selon le communiqué du ministère de l’Intérieur, ces mesures visent des formations dont les dirigeants ont pris part à une réunion à Nairobi – quelques semaines seulement après la condamnation de Joseph Kabila pour haute trahison – et qui auraient enfreint les règles régissant l’activité des partis et mis en péril la sécurité nationale. Cette décision, relayée par la RTNC, a été confirmée par le porte-parole du gouvernement, Patrick Muyaya, à l’issue du Conseil des ministres.

Selon le gouvernement, cette mesure exceptionnelle s’appuie sur des « faits avérés de troubles à l’ordre public » imputés à plusieurs structures politiques au cours des dernières semaines. Patrick Muyaya a précisé que cette suspension s’appliquait « jusqu’à nouvel ordre », en attendant les conclusions d’enquêtes initiées par les services compétents pour établir la nature des activités de ces formations et leurs éventuels liens avec des menaces à la sécurité de l’État.

Un contexte sécuritaire préoccupant

Cette décision intervient alors que la RDC traverse l’une des crises sécuritaires les plus graves de son histoire récente. L’Est du pays est le théâtre d’une agression du M23, un groupe armé dont le soutien par le Rwanda a été documenté par plusieurs rapports d’experts de l’ONU. Des millions de personnes ont été déplacées et des milliers de vies ont été perdues dans ce conflit qui menace l’intégrité territoriale du pays.

C’est dans ce contexte que Joseph Kabila a été condamné par la justice militaire pour des accusations incluant la haute trahison, les crimes de guerre et l’atteinte à la sûreté de l’État. Les attendus du jugement font état de présomptions de liens entre l’ancien président et des entités hostiles à la RDC. Quelques semaines après cette condamnation, les treize partis désormais suspendus ont choisi de participer à un conclave organisé autour de cette même personnalité, créant ainsi la plateforme « Sauvons la RDC ».

Les partis concernés et leurs réactions

Les treize partis concernés par la suspension sont le PPRD (Parti du Peuple pour la Reconstruction et la Démocratie), LGD (Leadership et Gouvernance pour le Développement), Piste pour l’Émergence (PISTE), AAP (Action Alternative du Peuple), UDA (Union des Démocrates Africains), MPCR (Mouvement du Peuple Congolais pour la République), ATD (Alliance pour la Transformation et le Développement), COFEDEC (Congrès des Fédéralistes Démocrates du Congo), PNEC (Parti National pour l’Émergence du Congo), MLP (Mouvement Lumumbiste Progressiste), UPC (Union du Peuple Congolais) et ADCP (Alliance des Démocrates Chrétiens du Peuple).

Dans les heures qui ont suivi l’annonce, plusieurs voix se sont élevées pour contester la mesure. Seth Kikuni, porte-parole du mouvement « Sauvons la RDC » et leader de « Piste pour l’émergence », a publiquement « rejeté » la décision, la qualifiant de manifestation de la peur d’un pouvoir « aux abois ». D’autres figures ont annoncé la tenue d’actions politiques pour contester la mesure.

Toutefois, d’autres observateurs soulignent le timing problématique de ce conclave de Nairobi, organisé autour d’un homme fraîchement condamné pour haute trahison, alors même que le pays fait face à une agression extérieure. Pour ces analystes, s’associer publiquement à Joseph Kabila dans ces circonstances soulève inévitablement des questions sur les intentions réelles de ces formations politiques.

La question juridique : entre légalité et sécurité nationale

La suspension « jusqu’à nouvel ordre » de ces partis tels qu’indiqué par le porte-parole du gouvernement n’est effectivement pas reprise dans la loi n° 04/002 du 15 mars 2004 portant organisation et fonctionnement des partis politiques. L’article 29 de cette loi stipule que lorsque l’activité d’un parti politique menace ou porte atteinte à l’unité et à l’indépendance nationales, à l’intégrité du territoire de la République, à la souveraineté de l’État congolais, à l’ordre institutionnel démocratique, ou trouble gravement l’ordre public, l’autorité territoriale du ressort décide la suspension immédiate des activités du parti incriminé dans sa juridiction par décision motivée, pour une durée qui ne peut excéder 15 jours.

Au regard de cette disposition, le gouvernement aurait dû procéder comme ce fut le cas initialement pour le PPRD qui était suspendu 15 jours au départ avant de soumettre son cas à la justice. Même dans le cas où la justice intervient, le juge peut prolonger la suspension, mais elle ne peut excéder 30 jours selon le texte de loi.

Cependant, certains juristes font valoir que cette loi a été conçue en 2004, dans un contexte différent, et n’envisageait pas une situation où des partis politiques pourraient s’organiser autour d’une personnalité condamnée pour haute trahison en temps de crise sécuritaire majeure. La gravité exceptionnelle des accusations portées contre Joseph Kabila – notamment la trahison envers la nation – et le contexte d’agression extérieure que subit le pays pourraient justifier, selon cette interprétation, une approche plus ferme de l’État.

Un précédent historique dans un contexte inédit

Cette suspension de 13 partis politiques marque un fait inédit depuis l’instauration du multipartisme en 1990 par le maréchal Mobutu Sese Seko. Jamais, depuis cette ouverture démocratique, un aussi grand nombre de partis d’opposition n’avait été suspendu simultanément.

Mais le contexte actuel est lui-même sans précédent. La RDC fait face à une menace existentielle avec l’agression du M23 soutenu par le Rwanda, qui contrôle désormais des portions importantes du territoire de l’Est. Dans ce contexte, l’organisation d’un conclave politique autour d’un homme condamné pour haute trahison pose la question de la responsabilité de l’État dans la protection de sa souveraineté.

Le poids de l’histoire : trois décennies de déstabilisation

L’histoire récente de la RDC est marquée par une série de trahisons politiques qui ont coûté cher au pays. Depuis les années 1990, plusieurs personnalités politiques congolaises ont choisi de s’allier à des rébellions soutenues par des pays voisins, notamment le Rwanda et l’Ouganda, en échange de promesses de pouvoir. Ces alliances ont maintenu le pays dans un cycle de violences qui a causé des millions de morts.

Le gouvernement semble vouloir rompre avec cette dynamique en envoyant un signal fort : dans un contexte d’agression extérieure, toute association avec des forces ou des personnalités accusées de liens avec l’ennemi sera considérée comme une menace à la sécurité nationale. Cette approche, bien que controversée sur le plan des libertés démocratiques, trouve un certain écho auprès d’une population lassée des trahisons politiques répétées.

Entre défense de la démocratie et protection de la souveraineté

Pour Seth Kikuni, le gouvernement congolais a franchi un seuil « dangereux » en suspendant les 13 partis. « Par sa décision de suspendre nos partis et de saisir le Conseil d’État pour les dissoudre, le gouvernement Tshisekedi a franchi un seuil dangereux. Il a démontré ses limites, sa peur d’une opposition responsable, qui lui indique la voie à suivre », a-t-il écrit le 4 novembre sur son compte X.

Tout en rejetant ces décisions qu’il qualifie de « puériles », Seth Kikuni interpelle sur la création d’un « précédent fâcheux » pour l’histoire. Le mouvement « Sauvons la RDC » estime qu’il s’agit d’un acte de guerre contre le pluralisme politique, l’État de droit et la liberté d’association et de réunion, qualifiant ces mesures d’« arbitraires et disproportionnées ».

Néanmoins, d’autres voix dans la société congolaise se demandent s’il est raisonnable, en temps de guerre, de permettre à des formations politiques de s’organiser autour d’une personne accusée de complicité avec les forces qui agressent le pays. Ces voix rappellent que dans plusieurs démocraties occidentales, des mesures exceptionnelles ont été prises contre des formations politiques jugées menaçantes pour la sécurité nationale, notamment en temps de conflit.

Le dilemme gouvernemental

Le président Tshisekedi se trouve face à un dilemme complexe : maintenir les libertés démocratiques tout en protégeant l’État d’une menace qu’il juge existentielle. Certains observateurs notent que le gouvernement est placé dans une position délicate où toute inaction pourrait être interprétée comme une faiblesse face à des forces qui déstabilisent le pays depuis trois décennies.

Le président de l’Association africaine des droits de l’Homme (ASADHO) a alerté sur les risques de cette approche : « La stratégie du régime Tshisekedi d’asphyxier les partis politiques de l’opposition, en leur privant de l’espace démocratique, va les pousser à agir en clandestinité et à recourir aux moyens illégaux pour résister et pour accéder au pouvoir. »

Cependant, le gouvernement semble parier sur un autre calcul : que l’affirmation de fermeté dans la défense de la souveraineté nationale découragera d’autres formations politiques de s’allier, directement ou indirectement, aux forces hostiles au pays. Dans cette logique, le risque de voir ces partis basculer dans la clandestinité serait moins dangereux que de les laisser opérer librement tout en étant associés à un homme condamné pour trahison.

Une décision qui divise, dans un pays qui cherche sa stabilité

Cette suspension suscite donc des débats passionnés sur la place de la démocratie en temps de crise sécuritaire. Pour ses détracteurs, il s’agit d’une dérive autoritaire qui établit un précédent dangereux. Pour d’autres, c’est une mesure de sauvegarde nécessaire dans un contexte où la survie même de l’État est menacée.

Ce qui est certain, c’est que cette décision reflète les tensions profondes qui traversent la société congolaise : entre aspiration démocratique et besoin de sécurité, entre liberté politique et protection de la souveraineté nationale, entre respect de la loi et réponse à une menace jugée existentielle.

L’avenir dira si cette mesure exceptionnelle aura contribué à stabiliser le pays ou si elle aura, au contraire, radicalisé une opposition déjà marginalisée au Parlement. Une chose est sûre : dans un pays qui a trop souffert de l’instabilité et des trahisons politiques, la question de la loyauté envers la nation est devenue un enjeu central du débat politique.

Heshima

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Tshisekedi-Kagame-AFC/M23 : un novembre décisif pour la crise congolaise ?

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Ce début novembre pourrait s’avérer déterminant dans la crise sécuritaire qui secoue l’Est de la République démocratique du Congo (RDC) depuis quatre ans. Sauf revirement, le gouvernement congolais et les rebelles de l’Alliance Fleuve Congo/Mouvement du 23 mars (AFC/M23) doivent signer un accord cette semaine. Toujours en novembre, le président américain Donald Trump prévoit de réunir à Washington le chef de l’État congolais Félix Tshisekedi et son homologue rwandais Paul Kagame afin d’entériner deux accords de paix : ceux de Doha et de Washington.

Un compromis entre le gouvernement congolais et l’AFC/M23 est en cours de négociation à Doha, avec le soutien des États-Unis. Le président congolais Félix Tshisekedi l’a confirmé le 2 novembre au Caire, lors d’un échange avec la communauté congolaise vivant en Égypte. Il a également indiqué que la conclusion de l’accord de Doha ouvrirait la voie à une rencontre à Washington avec son homologue rwandais. « Ce n’est qu’après cela que Washington, qui attend la conclusion de cet accord, convoquera le président rwandais et moi-même pour que nous nous rendions auprès du président Donald Trump afin d’entériner les deux accords : Doha et Washington », a-t-il expliqué à la diaspora congolaise en Égypte.

Malgré la main tendue à Paul Kagame pour faire « la paix des braves » lors du forum économique Global Gateway, le chef de l’État congolais ne cache pas ses critiques vis-à-vis des intentions de son voisin rwandais : « Ses intentions sont belliqueuses et hégémoniques. Son objectif est de scinder notre pays et d’occuper, voire d’annexer la partie Est, terre très riche en ressources minérales et agricoles. »

Au-delà de ces divergences, les deux dirigeants sont contraints de faire la paix. Et malgré les combats qui se poursuivent sur le terrain en violation du cessez-le-feu, les discussions progressent.

Entre Washington et Doha, Paris trouve son créneau…

Face au processus de résolution de la crise mené par Washington et Doha, Paris manquait de leadership. Emmanuel Macron a finalement trouvé son créneau : pallier l’arrêt du financement humanitaire dans l’Est de la RDC consécutif à la suppression par Donald Trump de l’agence américaine USAID. Organisée le 30 octobre à Paris, la conférence « de soutien à la paix et à la prospérité » devait permettre de débloquer plusieurs dossiers liés à la situation dans la région. Le président Emmanuel Macron a annoncé la mobilisation de plus de 1,5 milliard d’euros en faveur des populations les plus vulnérables de la région des Grands Lacs.

Cette rencontre, qui a réuni plusieurs dizaines de pays et d’organisations internationales, visait à relancer les efforts diplomatiques et humanitaires dans une région en proie à des décennies de conflits. Mais ces chiffres avancés par Emmanuel Macron méritent d’être nuancés. Sur ce montant, environ 500 millions d’euros avaient déjà été engagés cette année, et une partie correspond à des promesses anciennes, réaffirmées à l’occasion du sommet. Le plan de 1,2 milliard d’euros prévu pour la région n’est couvert pour l’heure qu’à hauteur de 14 %. L’accroissement des financements s’avère donc nécessaire dans un contexte d’aggravation de la crise humanitaire. L’an dernier, 70 % de l’aide provenait des États-Unis, tandis que la France n’a couvert que 0,5 % des besoins, selon Oxfam.

Dans la foulée de ces promesses, Félix Tshisekedi a également évoqué un plan de reconstruction des provinces du Nord et du Sud-Kivu une fois les rebelles partis. Ce plan est chiffré à 5 milliards de dollars, sans toutefois préciser comment il compte réunir cette somme.

Aéroport de Goma, une réouverture qui énerve le Rwanda   

Autre annonce d’Emmanuel Macron : la réouverture de l’aéroport de Goma pour des vols humanitaires. Cette décision a provoqué de vives réactions du côté du Rwanda et de l’AFC/M23. Présent à Paris, le ministre rwandais des Affaires étrangères, Olivier Nduhungirehe, n’a pas tardé à contester cette décision. Pour le chef de la diplomatie rwandaise, l’aéroport étant situé sur un territoire contrôlé par l’AFC/M23, sa réouverture doit être discutée avec les rebelles dans le cadre des négociations de Doha, aux côtés des autorités congolaises et du médiateur qatari. Il a ajouté que « ce n’est pas à Paris qu’on va décider de la réouverture de l’aéroport de Goma » et que « cette réouverture ne peut se faire dans le contexte sécuritaire actuel ».

Une position confirmée par l’AFC/M23 dans la soirée. Pour Corneille Nangaa, coordonnateur de l’AFC/M23, dont le mouvement n’a pas été invité à la conférence de Paris, la décision est « inopportune, déconnectée de la réalité du terrain et prise sans consultation préalable ». Ce dernier met au défi le gouvernement congolais d’ouvrir l’aéroport sans consulter la rébellion, démontrant ainsi qu’il sera difficile de rouvrir l’accès d’un coup de baguette magique.

Le porte-parole du gouvernement, Patrick Muyaya, affirme pour sa part que l’aéroport a été fermé par le gouvernement et qu’il lui revient de décider de sa réouverture partielle, uniquement pour des vols humanitaires.

Dans cette conférence de Paris, le dernier volet abordé était diplomatique. L’idée pour Paris est de faire avancer la paix et renouer la confiance entre tous les acteurs. La mobilisation de la communauté mondiale est importante face à l’urgence humanitaire dans l’Est de la RDC, la présence de différents pays africains peut renforcer et soutenir la médiation en cours menée par les États-Unis et le Qatar dans le conflit entre Kinshasa, Kigali et l’AFC/M23.
Parallèlement au processus de Washington qui a débouché sur un accord de paix entre la RDC et le Rwanda en juin dernier, des négociations sont en cours depuis plusieurs mois entre Kinshasa et l’AFC/M23 sous médiation du Qatar. En juillet, les deux parties ont signé une déclaration de principes en faveur d’un cessez-le-feu qui n’a pas non plus mis fin aux affrontements, même si le front s’est stabilisé. Plus de 80 % des structures de santé connaissent des ruptures de stocks, alors que les blessés continuent à « affluer » dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, a alerté le Comité international de la Croix-Rouge.
Ce conflit, qui a démarré en 2021 avec la résurgence du M23 soutenu par le Rwanda, a atteint des proportions inégalées en 2025 avec l’occupation de la ville de Goma et de Bukavu par les troupes rwandaises en appui aux rebelles. Depuis le début des discussions à Washington ou à Doha, les progrès sont minimes. L’accord de Washington renvoie aux dispositions d’un concept d’opérations (Conops) signé par les deux parties fin octobre 2024. Ce dernier prévoyait dans un court délai de trois mois la « levée des mesures défensives du Rwanda », c’est-à-dire le retrait des soldats rwandais de la RDC, ainsi que la neutralisation par Kinshasa des FDLR, un groupe de rebelles rwandais accusé par Kigali de menacer sa sécurité depuis l’Est de la RDC. Sur le terrain, la neutralisation de ces rebelles se fait attendre malgré l’appel de l’armée congolaise à leur reddition volontaire. Résiduel, ce groupe armé n’a pas la capacité d’opération pouvant inquiéter le Rwanda d’après plusieurs rapports. Ses éléments – moins d’un millier – étaient en majorité dans la zone occupée actuellement par l’armée rwandaise et les rebelles du M23. Ces divergences d’approche sur la présence de ces rebelles ainsi que la présence des troupes rwandaises continuent de brouiller le signal de la paix dans l’Est de la RDC. Mais Washington continue d’espérer à un retour de la paix, peu importe le temps. « La paix, c’est un processus, pas un interrupteur qu’on allume ou qu’on éteint », a déclaré Massad Boulos, conseiller spécial pour l’Afrique de Donald Trump.  

Heshima

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Politique

FORMATION DU PROCHAIN GOUVERNEMENT UNE BOITE DE PANDORE ?

Au terme de la mission d’informateur d’Augustin Kabuya, il ne sera probablement pas facile, au sein de l’Union sacrée de la nation, de trouver un compromis autour du Premier ministre et de la formation du gouvernement. De quelle province sera originaire le Premier ministre et quelles seront ses priorités ? Avec qui devra-t-il composer ? Analyse.

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Tout porte à croire que l’informateur Augustin Kabuya n’aura pas besoin de voir son mandat prorogé pour boucler le travail qui lui a été confié par le chef de l’Etat, d’autant plus qu’il l’avait déjà commencé en coulisses. Comme l’a dit Vital Kamerhe avec qui ils se sont rencontrés dans le cadre de ces consultations, la majorité est bel et bien effective et il suffit simplement de la comptabiliser et la consigner sur papier.

En examinant bien le contexte, le rapport du secrétaire général de l’UDPS devait normalement atterrir sur la table du chef de l’Etat dans les dix premiers jours de mars – sa nomination étant intervenue le 7 février.

A qui la Primature ?

En tout état de cause, la gestion des ambitions ne sera pas aisée avec 44 regroupements politiques dont deux grandes forces parmi eux, à savoir l’UDPS et sa mosaïque (140 sièges), et le Pacte Républicain pour un Congo Retrouvé (PCR) de Kamerhe et consorts qui compte environ 115 députés nationaux – sans oublier la plateforme de Jean-Michel Sama Lukonde et celle de Bahati Lukwebo. L’UDPS arrive en tête selon les résultats provisoires des législatives nationales du 20 décembre 2023 et ce décompte lui donne automatiquement droit au poste de Premier ministre, mais il faut quelqu’un d’une autre province que le Kasaï. L’informateur, dans sa peau de secrétaire général du parti présidentiel, a toutefois annoncé le 10 mars que le poste de Premier ministre reviendra à l’UDPS.

On se doit ainsi de désigner une personne compétente et en tenant compte de sa province d’origine, conformément au principe de la représentativité nationale consacré dans la Constitution. Les deux précédents chefs du gouvernement, Ilunga Ilunkamba et Sama Lukonde, ayant été originaire du Grand Katanga, les autres provinces veulent aussi voir leurs fils accéder à cette fonction prestigieuse. Sans attendre, des chefs coutumiers du Kasaï central demandent que la Primature et quatre ministères leurs soient accordés. Sur ce point, Kabuya a été aussi clair: la primature reviendra à l’UDPS mais pas à un originaire du Kasaï.

Un partage difficile en vue

Mais, il n’y a pas que la Primature que la classe politique brigue. Parce que les partis ayant remporté les plus grands scores aimeront se taper la part du lion, la tâche de répartition des ministères s’avère délicate et requiert du tact. Le nœud du problème se pose surtout autour des quotas. Or, pour avoir soutenu la candidature de Félix Tshisekedi, tout le monde estime avoir voix au chapitre. Comment donc faire pour que tous les partis, les regroupements et les personnalités politiques de l’Union sacrée trouvent chacun son compte ? Telle est la pertinente interrogation. Seulement, s’il faille considérer l’exigence de la formation d’un gouvernement resserré, la frustration ne manquera pas, particulièrement du côté des poids plumes.

Dans ce lot, il ne faudra pas négliger non plus ceux de l’USN qui ont atteint le seuil de représentativité lors des dernières élections, mais qui n’alignent pas d’élus dans les assemblées délibérantes. Faisant partie de cette catégorie, l’Alliance des partis politiques extraparlementaires de l’Union sacré de la nation réclame d’être associée à la gouvernance. Peut-être que certains ne pourront trouver leurs comptes que lorsque la question de la répartition des postes dans les entreprises publiques, à la Banque centrale du Congo (BCC)… fera l’objet de négociations.

lDans tous les cas, dès sa formation, le prochain gouvernement aura véritablement du pain sur la planche. Il devrait s’occuper le plus rapidement et prioritairement de la guerre que le Rwanda impose à la RD Congo dans sa partie Est et aussi de la situation socioéconomique alarmante de la population.

Hubert MWIPATAYI

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