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Nouveau chef d’état-major des FARDC : Qui est Jules Banza Mwilambwe ? 

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Pour plus d’efficacité au front, le président Félix Tshisekedi a procédé au remaniement de la haute hiérarchie militaire, en plaçant le lieutenant-général Jules Banza Mwilambwe à la tête de l’état-major général des FARDC. Un changement qui vise à renforcer l’efficacité de l’armée, optimiser sa coordination opérationnelle et à répondre aux défis sécuritaires. 

L’annonce de ce remaniement stratégique de la chaine de commandement de l’armée nationale congolaise, qui intervient dans un contexte de la montée des violences dans l’Est du pays où la situation sécuritaire s’est dégradée sur plusieurs fronts, a été faite le 19 décembre sur les antennes de la RTNC. Jules Banza Mwilambwe remplace ainsi le général d’armée Christian Tshiwewe Songesha qui, désormais évoluera comme conseiller militaire du chef de l’Etat.  

Qui est donc Jules Banza et avec qui va-t-il travailler ? 

Tête d’affiche, le lieutenant-général Jules Banza Mwilambwe est une figure emblématique des FARDC bien connue. Avant d’être promu à cette fonction, ce vaillant militaire était chef adjoint de la Maison militaire du Président de la République, chargé des opérations et des renseignements militaires. Il a eu à servir également comme commandant adjoint de la Garde républicaine, une unité d’élite qui assure la protection du président de la République. 

Né en 1971, Jules Banza Mwilambwe est originaire de la province du Tanganyika. Spécialiste en artillerie et en blindés, il a suivi les formations de commandement et d’état-major ainsi que celle de l’école supérieure de guerre de Yaoundé, au Cameroun. Le nouveau chef d’état-major des FARDC est également diplômé du Collège des hautes études de stratégie de défense (CHESD), à Kinshasa. 

Le numéro un de l’armée va, avec tous les éléments des FARDC, assurer par les armes la défense de la patrie et des intérêts supérieurs de la nation, surtout face à la montée de la violence dans les territoires de Rutshuru, Walikale et Lubero où les terroristes du M23 ont pris plusieurs localités. 

Dans un contexte de montée de violences et de la détérioration de la situation humanitaire dans l’Est du pays, le commandement ne devait pas rester le même. Selon les Nations-Unies, plus de 3 millions de personnes ont fui les affrontements au Nord-Kivu et d’après Médecins sans frontières, la situation dans cette partie du pays est déplorable et elle s’enlise.

Une série de nomination sur toute la chaine…

Le chef de l’Etat, pour qui la défense de l’intégrité nationale est une priorité absolue, a opéré des changements et des permutations tant en ce qui concerne les renseignements militaires que les zones de défense – toute la chaine de commandement et plusieurs officiers ont été promus aux grades d’officiers généraux et supérieurs. Dans sa lourde charge, Jules Banza Mwilambwe travaillera notamment avec le lieutenant-général Jacques Ichaligonza Nduru, à qui les fonctions de chef d’état-major général adjoint en charge des opérations et renseignements ont été confiées. 

Aussi, collaborera-t-il avec d’autres généraux, à savoir : le Major général Makombo Muinaminayi Jean-Roger comme responsable des renseignements militaires ; le général de brigade Mulume Oderwa comme chargé des opérations, et le général de brigade Mbuyi Tshivuadi comme chargé de l’administration. Pour sa part, le général-major Christian Ndaywel quitte les renseignements militaires pour le commandement des forces terrestres. 

Changement à la tête des zones de défense

Parmi les figures émergentes promues, le général-major Jérôme Chico Tshitambwe ; qui occupait le poste de sous-chef d’état-major des FARDC chargé des opérations et du renseignement, mais qui était également commandant des opérations contre les M23 dans le Nord-Kivu, est nommé commandant des forces armées pour la première zone de défense (qui inclut Kinshasa). Il est commandant d’une équipe comprenant le général de brigade Etienne Kabundi Beya (opérations et renseignements) et le général Ngunza Pico (administration et logistique). 

La deuxième zone de défense sera sous la direction du général-major Floribert Sadiki et la troisième zone de défense, qui comprend le Nord-Kivu et qui était commandée par le lieutenant-général Mbangu Mashita, affecté actuellement à la base militaire de Kitona, sera désormais commandée par le lieutenant-général Pacifique Masunzu, un homme pétri d’expériences et qui avait au début de l’an 2000 affronté le RCD Goma.

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RDC : Félix Tshisekedi, stratège ou instinctif ?

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Depuis son accession à la présidence de la République démocratique du Congo (RDC) en janvier 2019, Félix Tshisekedi gouverne dans un contexte d’une rare complexité, marqué par des conflits armés, des rivalités politiques internes, et des relations internationales tendues. Réélu en décembre 2023, son mandat soulève une question récurrente : Tshisekedi est-il un stratège méthodique, orchestrant ses décisions avec une vision à long terme, ou un leader instinctif, réagissant aux événements au fil des circonstances ? Ces actions relèvent-elles d’une stratégie bien pensée ou d’une adaptation spontanée ? En s’appuyant sur des faits, des analyses et des témoignages, Heshima Magazine dresse un portrait nuancé d’un président aux bonnes intentions mais confronté à des défis titanesques.

Une diplomatie audacieuse : le pari initial avec Kagame

Dès son arrivée au pouvoir, Félix Tshisekedi a surpris en tendant la main au président rwandais Paul Kagame, rompant avec l’approche distante de son prédécesseur, Joseph Kabila. Ce rapprochement, qualifié d’« inédit » par le site Africa Intelligence, s’est matérialisé par des gestes symboliques, comme l’invitation de Kagame aux obsèques d’Étienne Tshisekedi en 2019. Cette initiative semblait répondre à une logique stratégique : stabiliser la région des Grands Lacs, marquée par des tensions entre le Rwanda et l’Ouganda, tout en consolidant la position de la RDC dans les dynamiques régionales, selon le média The Africa Report.

Cependant, ce pari diplomatique s’est heurté à la résurgence du Mouvement du 23 mars (M23) en 2021, un groupe rebelle soutenu par Kigali. En 2025, les avancées fulgurantes du M23, notamment la prise des villes de Goma et Bukavu, ont exacerbé les tensions, Tshisekedi dénonçant publiquement l’implication rwandaise. Cette rupture suggère que Tshisekedi n’avait pas anticipé l’ampleur du conflit. Si le rapprochement initial était un calcul pour apaiser les relations et contrer l’influence ougandaise, la détérioration semble avoir poussé Tshisekedi à une posture plus instinctive, marquée par des discours fermes.

Au départ, cette ouverture diplomatique semblait pleine de promesses, mais la réalité sur le terrain a montré que la situation était bien plus complexe. « Tshisekedi a dû réagir de manière plus impulsive face à l’escalade du M23 », explique Léonard Mutombo, analyste politique à Kinshasa.

Cette prise de position plus directe se renforce par la reconnaissance internationale croissante de l’implication du président Kagame dans le soutien au M23. En effet, pour la première fois, la communauté internationale a officiellement désigné Kagame comme le commanditaire direct de ce groupe armé, une reconnaissance qui n’est pas sans conséquence. Elle a conduit à des sanctions ciblant son bras droit, ancien chef d’état-major et ancien ministre de la Défense, le général à la retraite James Kabarebe, actuellement ministre d’État chargé de la Coopération internationale. Cette avancée diplomatique majeure est le fruit d’un combat intense mené par Félix Tshisekedi pour faire entendre la voix de la RDC sur la scène internationale, un exploit que ses prédécesseurs n’ont pas réussi à accomplir malgré leurs tentatives.

Un tournant significatif a eu lieu en mars 2025, avec une rencontre surprise entre Tshisekedi et Kagame à Doha, où un cessez-le-feu a été évoqué, comme l’avaient révélé plusieurs médias. Cette initiative a culminé en avril 2025, lorsque le gouvernement congolais et le M23 ont annoncé un cessez-le-feu et des pourparlers de paix facilités par le Qatar. Bien que des combats sporadiques persistent, comme le note la chaîne d’informations Al Jazeera, cette trêve illustre une tentative stratégique de Tshisekedi pour reprendre l’initiative diplomatique après des revers militaires. Cependant, les échecs des trêves précédentes soulignent la fragilité de cette approche, suggérant une réponse partiellement instinctive face à une crise prolongée.

« Cette rencontre à Doha pourrait marquer un tournant si elle débouche sur une véritable paix, mais l’incertitude demeure », ajoute Éric Kapolo, spécialiste en relations internationales. « Les actions de Tshisekedi, même en réponse à un échec, montrent une détermination à trouver une solution. »

La guerre du M23 : un défi majeur pour Tshisekedi

La guerre du M23, relancée en 2021, reste l’un des défis majeurs du mandat de Tshisekedi. Il a adopté une approche combinant renforcement militaire et mobilisation diplomatique. En 2022, la RDC a rejoint la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC), une décision visant à intégrer une force régionale pour contrer les rebelles. Tshisekedi a également intensifié ses accusations contre le Rwanda, s’appuyant sur des rapports internationaux confirmant le soutien de Kigali au M23. « Le soutien de la communauté internationale est crucial pour soutenir l’effort militaire et diplomatique. Tshisekedi a compris cela dès le début », commente Thierry Kambale, expert militaire.

Cependant, les succès militaires du M23 en 2025, notamment la prise de villes stratégiques comme Goma, ont révélé les failles de cette stratégie. Tshisekedi a promis une « réponse vigoureuse », mais les revers ont poussé à des solutions externes, comme des négociations avec les États-Unis pour un soutien sécuritaire en échange de minerais stratégiques. Le cessez-le-feu d’avril 2025, bien que prometteur, reste précaire, avec des analystes comme ceux de The Guardian notant qu’il s’agit d’un pivot crucial mais risqué.

Cette approche mixte reflète une stratégie à long terme pour stabiliser l’Est, mais les résultats mitigés suggèrent une adaptation instinctive face à une crise échappant partiellement au contrôle de Tshisekedi. Les efforts diplomatiques, comme les pourparlers de Doha, montrent une volonté de gérer le conflit par des moyens non militaires, mais leur succès dépendra de la capacité à maintenir la trêve et à impliquer des acteurs régionaux.

Un leadership hybride : entre vision et pragmatisme

Félix Tshisekedi semble incarner un leadership hybride, oscillant entre stratégie à long terme et réactivité face aux crises immédiates. « Dans un pays comme la RDC, où les imprévus sont constants, un président doit savoir réagir rapidement tout en gardant une vision d’ensemble », analyse Bernard Mwepu, expert en géopolitique.

Son mandat a été marqué par des choix difficiles, comme sa gestion de la guerre du M23, ses relations avec le Rwanda et la manière dont il a navigué entre diplomatie et action militaire. À chaque étape, Tshisekedi a dû ajuster ses stratégies, se basant parfois sur son instinct tout en cherchant à poser des bases solides pour l’avenir. Mais cette dualité, entre stratégie et réaction, reste le propre d’un leader confronté à une gouvernance dans un environnement aussi complexe que la RDC.

À l’aube d’un nouveau mandat et face à des enjeux géopolitiques de plus en plus pressants, Félix Tshisekedi devra démontrer sa capacité à transformer ses décisions en résultats durables. Le cessez-le-feu avec le M23, bien que fragile, pourrait ouvrir la voie à une nouvelle dynamique de paix, mais le véritable test résidera dans la mise en œuvre de solutions concrètes à long terme.

La coalition CACH-FCC : un divorce calculé

Née des élections controversées de décembre 2018, la coalition entre le Cap pour le Changement (CACH) de Félix Tshisekedi et le Front Commun pour le Congo (FCC) de Joseph Kabila s’est imposée comme une alliance contraignante plutôt qu’un véritable projet commun. Ce mariage politique, scellé par la nécessité plutôt que par l’affinité, a rapidement montré ses limites, révélant une cohabitation marquée par les tensions, les jeux de pouvoir et des objectifs opposés.

Dès les premiers mois de ce partenariat, les désaccords ont été visibles. Le FCC, bien que battu à la présidentielle, conservait une majorité écrasante au Parlement ainsi qu’un contrôle stratégique sur les appareils judiciaires, sécuritaires et économiques. Ce déséquilibre institutionnel réduisait considérablement la marge de manœuvre de Tshisekedi, obligé de composer avec une administration dominée par les kabilistes. Un cadre du CACH se souvient : « Le président avait les clés du Palais, mais pas celles du moteur de l’État. »

Face à cette impasse politique, le chef de l’État a progressivement préparé une sortie. Le 6 décembre 2020, dans une allocution solennelle, Tshisekedi annonçait la fin de cette alliance devenue, selon ses mots, un frein aux aspirations populaires. « Je me dois de dénoncer les pesanteurs politiques qui plombent les ailes de l’espoir », avait-il déclaré, dans un ton grave mais résolu. Cette décision ne fut ni improvisée ni précipitée. Elle semblait résulter d’une lecture stratégique des rapports de force, doublée d’un calcul froid : pour gouverner efficacement, il fallait rompre avec l’ancien système.

Si certains observateurs y ont vu un pari risqué, d’autres ont salué une affirmation d’autorité. Dans les couloirs du Palais du peuple, le basculement a été perçu comme un acte de libération. Tshisekedi, jusque-là perçu comme un président sous tutelle, endossait enfin pleinement son rôle de chef d’État. L’ancien député proche du FCC, Daniel Kanku, le reconnaît avec amertume : « Nous pensions qu’il resterait sous contrôle. Il a surpris tout le monde. »

Cette rupture n’a cependant pas été sans turbulences. Des frictions ont émergé au sein même des institutions. Tshisekedi a dû manœuvrer avec habileté, recourant à une campagne de consultations nationales pour élargir sa base. C’est dans ce contexte que naît, en janvier 2021, l’Union sacrée de la nation, une nouvelle majorité parlementaire construite sur la recomposition des alliances.

La rapidité avec laquelle cette nouvelle coalition s’est formée témoigne d’un sens aigu de la tactique politique. En moins de trois mois, Tshisekedi est parvenu à renverser la majorité en sa faveur, obtenant le départ de la présidente de l’Assemblée nationale, Jeanine Mabunda, du Premier ministre Sylvestre Ilunga Ilunkamba, puis celui du Président du Sénat, Alexis Thambwe. Ce basculement du pouvoir institutionnel en sa faveur a permis à Tshisekedi d’imprimer plus librement sa marque sur la gouvernance du pays. Un politologue basé à Kinshasa, Jin Nawej, estime que « cette transition fut un moment charnière, révélant un homme d’État capable de déjouer les pièges tendus par une machine politique forgée contre lui ».

Si certains regrettent une centralisation croissante du pouvoir, d’autres y voient une nécessaire consolidation après des années d’immobilisme. « Nous étions fatigués des guerres intestines », confie Léonie Nsimba, professeure de droit constitutionnel à l’Université de Lubumbashi. « La rupture avec le FCC a clarifié les responsabilités. Pour la première fois depuis longtemps, le Congo a un président qui gouverne sans béquilles. »

Tshisekedi lui-même a reconnu, dans des entretiens accordés à la presse internationale, que cette séparation n’a pas été sans coût. Il a parlé de « regrets », notamment quant aux blocages institutionnels ayant ralenti les réformes promises. Mais en prenant ce virage, il a également montré une capacité à s’adapter, à reconstruire une majorité sans céder à la panique ni à l’arbitraire. Loin d’une fuite en avant, la dissolution de la coalition CACH-FCC s’apparente ainsi à un repositionnement calculé, révélateur d’une certaine maturité politique.

Aujourd’hui encore, le divorce reste un sujet de débat. L’ancien président Joseph Kabila a même lié la guerre du M23 à cette rupture, dans une tribune publiée dans le Sunday Times, un journal sud-africain. Pour certains, il incarne la fin d’un cycle de compromissions et la naissance d’un pouvoir plus cohérent. Pour d’autres, il marque une rupture de l’équilibre initial du scrutin de 2018. Mais tous s’accordent à reconnaître que ce choix, à la fois risqué et nécessaire, a ouvert un nouveau chapitre du quinquennat de Tshisekedi, où les responsabilités et les attentes reposent entièrement sur ses épaules.

L’Union sacrée de la nation : une alliance pour le pouvoir

Lancée officiellement en décembre 2020, l’Union sacrée de la nation est vite devenue le cœur battant du nouveau paysage politique congolais. Sous l’impulsion de Félix Tshisekedi, cette large plateforme a rassemblé des personnalités issues de différentes familles politiques, dans une dynamique de recomposition du pouvoir. En 2024, avec environ 450 sièges sur 500 à l’Assemblée nationale, cette coalition s’est imposée comme une force parlementaire quasi hégémonique, consacrant l’autorité de Tshisekedi sur les institutions.

Des figures majeures comme Jean-Pierre Bemba, Vital Kamerhe, Modeste Bahati ou encore Christophe Mboso ont rejoint cette plateforme, contribuant à en faire un véritable carrefour d’intérêts politiques. Cette diversité, si elle élargit l’assise du pouvoir, témoigne également d’une volonté stratégique : fédérer les élites autour du leadership de Tshisekedi pour gouverner sans entrave. Comme le souligne Josiane Kipulu, analyste politique à Kinshasa, « l’Union sacrée n’est pas seulement une alliance, c’est un bouclier construit pour durer au-delà des conjonctures électorales ».

La structuration de l’Union sacrée, avec la mise en place récente d’un présidium censé équilibrer les sensibilités internes, illustre cette ambition de long terme. Le 23 janvier 2025, le site Actualite.cd rapportait la composition élargie de cette instance dirigeante, destinée à éviter les ruptures internes en distribuant les rôles entre les poids lourds de la coalition. Une initiative saluée par plusieurs ténors de la majorité, tel un député UDPS qui affirme sous anonymat : « Le président a compris qu’il ne peut pas tout centraliser. Il faut que chacun se sente respecté. »

Mais l’équilibre demeure fragile. Cette vaste mosaïque politique, formée parfois davantage par opportunisme que par adhésion idéologique, comporte des lignes de fracture. Trésor Kibangula, analyste pour Ebuteli et intervenant sur TV5Monde, le rappelait récemment : « Chacun a son agenda dans l’Union sacrée. L’unité repose sur le pouvoir, pas toujours sur un socle programmatique commun. » Ce constat renforce l’idée que la cohésion de la plateforme dépend largement de la capacité de Tshisekedi à concilier les ambitions divergentes de ses alliés.

En dépit de ces tensions latentes, l’Union sacrée permet à Tshisekedi de gouverner dans un cadre institutionnel plus fluide que celui qu’imposait l’ancienne coalition CACH-FCC. Libéré de l’influence directe de Joseph Kabila, il peut désormais orienter l’action publique sans blocages parlementaires majeurs. Le glissement d’une logique de partage vers une logique de centralisation maîtrisée témoigne d’un exercice du pouvoir plus assumé. « Il ne s’agit pas d’un repli autoritaire, mais d’une volonté d’efficacité », estime l’universitaire Léon Mavungu. « Ce que cherche Tshisekedi, c’est une gouvernance lisible et réactive. », ajoute-t-il.

En consolidant son camp, le président Félix Tshisekedi répond aussi à une opposition qui, bien que fragmentée, reste active. Les figures de Martin Fayulu et Moïse Katumbi, bien qu’éprouvées par les dernières joutes électorales, continuent de revendiquer une alternative. Dans ce contexte, le rassemblement des forces politiques autour de Tshisekedi ne relève pas uniquement d’une logique de domination, mais également de prévention : éviter les recompositions adverses et verrouiller l’espace politique jusqu’en 2028.

Pour autant, l’Union sacrée n’échappe pas aux critiques. Certains y voient un outil de clientélisme, où les nominations et les répartitions de postes primeraient sur les programmes et la compétence. D’autres dénoncent une forme de dilution idéologique, dans laquelle les anciennes lignes politiques s’effacent au profit d’un consensus de circonstance. « C’est une plateforme qui ressemble à une pyramide inversée », note une journaliste politique congolaise. « Solide en haut, mais sans fondation idéologique claire. »

Tshisekedi, de son côté, assume pleinement cette configuration mouvante. Il a déclaré, à plusieurs reprises, préférer une union fonctionnelle à une opposition de principe. Ce pragmatisme, critiqué par certains, est vu par d’autres comme une réponse réaliste à la complexité du champ politique congolais. En naviguant entre les attentes de ses alliés et les exigences de l’opinion, Tshisekedi engage une forme de gouvernance hybride, alliant calcul politique et gestion de coalition.

Si l’Union sacrée est appelée à durer, sa pérennité dépendra de la capacité de Tshisekedi à maintenir l’équilibre entre fidélité et ambition. Un exercice d’équilibriste, à la croisée des intérêts, dans un pays où les alliances se font et se défont au gré des vents politiques. Pour l’instant, l’édifice tient. Mais le véritable test viendra lorsqu’il s’agira de transformer cette machine électorale en une force cohérente de gouvernance et de réforme.

Les discours sur la Constitution : une erreur stratégique ?

En 2024, Félix Tshisekedi a déclenché une onde de choc politique en évoquant la nécessité de réformer la Constitution congolaise, adoptée en 2006. Qualifiant le texte actuel de « dépassé face aux exigences de gouvernance moderne », il a ouvert un débat aussi sensible que central dans le paysage institutionnel du pays. Si ses partisans y ont vu une volonté d’adapter l’État aux défis du XXIe siècle, ses opposants ont aussitôt dénoncé une manœuvre dissimulée pour préparer une éventuelle prolongation de mandat au-delà de 2028.

L’opposition, emmenée par des figures comme Moïse Katumbi et Martin Fayulu, a réagi avec virulence. Le terme de « coup d’Etat constitutionnel » a été lâché lors d’un meeting tenu à Mbuji-Mayi, où Fayulu a accusé Félix Tshisekedi de « vouloir marcher dans les pas de ceux qu’il prétendait combattre ». Dans la foulée, plusieurs organisations de la société civile, notamment la LUCHA et le collectif Filimbi, ont organisé des manifestations symboliques pour alerter l’opinion sur une « dérive autoritaire en préparation ». Ce discours était-il une erreur stratégique ou un test controversé ? 

Face à cette levée de boucliers, Tshisekedi a modéré le ton. Lors d’un discours prononcé à l’Université de Kinshasa en février 2025, il a clarifié ses intentions : « Il ne s’agit pas de modifier la Constitution pour des ambitions personnelles, mais d’adapter notre charpente institutionnelle à une nouvelle ère politique. » Il a ensuite annoncé la mise en place d’une commission d’experts constitutionnalistes et de représentants de la société civile, chargée d’examiner les réformes possibles. Cette décision, interprétée comme une volonté d’apaisement, n’a toutefois pas suffi à faire taire les soupçons.

Derrière les discours et les déclarations, l’approche de Tshisekedi semble relever d’une tactique politique mesurée. En avançant prudemment sur le terrain miné des révisions constitutionnelles, il semble avoir voulu sonder les lignes de fracture au sein de la classe politique et tester la capacité de mobilisation de ses adversaires. « C’est un ballon d’essai », analyse le politologue Éric Mualaba. « Il a lancé le débat, observé les réactions, puis recadré son propos. C’est une méthode classique de gouvernance par signaux. »

Cependant, le calendrier et la forme de la communication présidentielle ont pu desservir la démarche. Annoncer des réformes constitutionnelles dans un contexte postélectoral encore tendu en pleine crise sécuritaire avec le M23 a nourri les soupçons les plus vifs. Certains y ont vu une tentative d’ouvrir la voie à une présidence à rallonge. D’autres, plus nuancés, estiment que la mauvaise réception du message tient surtout à un déficit de pédagogie politique. « Ce débat aurait mérité d’être introduit par une large consultation nationale, et non par une déclaration unilatérale », estime la journaliste politique Florence Ndungidi.

Malgré tout, des voix se sont élevées pour défendre la légitimité d’un débat constitutionnel. Dans une tribune publiée par Le Courrier d’Afrique, l’universitaire Théodore Kasinga souligne que « la Constitution de 2006, pensée dans un contexte post-conflit, mérite une relecture au regard des évolutions institutionnelles et sécuritaires ». Il plaide pour une réforme encadrée, sous l’égide d’un processus transparent et inclusif, à l’écart de tout soupçon de personnalisation du pouvoir.

En avril 2025, le processus apparaît en suspens. La commission annoncée n’a toujours pas rendu ses conclusions, et l’agenda des réformes semble avoir été relégué à l’arrière-plan des priorités présidentielles, dominées par les urgences sécuritaires à l’Est du pays. Ce recul apparent n’est pas un abandon, mais plutôt le signe d’une gestion pragmatique du tempo politique. « Le président a compris que forcer le pas sur ce terrain pouvait fracturer l’équilibre politique qu’il a mis cinq ans à construire », confie un conseiller de la présidence sous couvert d’anonymat.

Tshisekedi semble donc avoir opté pour une stratégie de temporisation. En gardant le débat ouvert sans l’imposer, il évite une cristallisation des tensions tout en maintenant une marge de manœuvre pour l’avenir. Cette posture, bien qu’âprement critiquée, révèle une certaine lucidité politique : gouverner, c’est aussi savoir reculer pour mieux avancer. D’autant que l’enjeu constitutionnel pourrait ressurgir avec plus de maturité politique, si les conditions s’y prêtent.

Le débat sur la réforme constitutionnelle, loin d’être clos, pourrait bien se révéler comme un révélateur de ses capacités à manier les équilibres et à construire un consensus dans un pays où la méfiance reste tenace. Pour l’heure, Félix Tshisekedi reste dans une posture d’observation active, à l’écoute des signaux, naviguant entre vision long terme et adaptation aux réalités mouvantes d’une démocratie encore fragile.

L’adhésion à l’EAC : un pari régional ambitieux

L’adhésion de la RDC à l’EAC, officialisée en mars 2022, a surpris plus d’un observateur. Ce basculement stratégique vers l’Est du continent, alors que la RDC était historiquement tournée vers l’Afrique centrale et l’espace francophone, marque une inflexion importante de la diplomatie congolaise sous Tshisekedi. Le choix, mûri dans un contexte de tensions accrues avec le Rwanda, visait à renforcer l’intégration économique régionale tout en élargissant le spectre des appuis sécuritaires.

« C’est un pari audacieux qui témoigne d’une volonté de repositionner la RDC au cœur des dynamiques économiques de l’Afrique de l’Est », analyse Rosalie Ntumba, chercheuse à l’Institut congolais des relations internationales. En effet, l’EAC, avec des économies dynamiques comme celles du Kenya, de l’Ouganda ou de la Tanzanie, représente un marché régional de plus de 300 millions d’habitants. Pour Kinshasa, l’enjeu est double : s’arrimer à cette croissance et peser davantage dans les négociations régionales, notamment sur les dossiers sécuritaires.

Dans les mois qui ont suivi l’adhésion, les retombées économiques ont été perceptibles. Le commerce avec le Kenya, notamment via le port de Mombasa, s’est intensifié, facilitant l’importation de biens stratégiques et l’exportation de minerais vers l’Asie. Le think tank américain Center for Strategic and International Studies (CSIS) notait en 2023 « une augmentation significative des flux commerciaux RDC-Kenya, stimulée par des accords de facilitation douanière ». Des zones économiques conjointes ont même été envisagées, notamment autour de Goma et Bunia.

Mais au-delà des chiffres, les réalités géopolitiques ont vite rattrapé l’élan initial. L’un des objectifs implicites de cette adhésion était de bénéficier d’un soutien régional plus fort face aux incursions du M23, que Kinshasa accuse d’être soutenu par Kigali. En théorie, la force régionale de l’EAC, déployée en 2022, devait permettre un rééquilibrage sur le terrain. En pratique, les résultats ont été très décevants. Les contingents kenyans, burundais et ougandais se sont heurtés à des contraintes logistiques, des rivalités de mandats et une ambiguïté persistante dans leurs règles d’engagement. L’armée congolaise, elle-même, s’est retrouvée en porte-à-faux avec certains de ces partenaires.

Cette situation a nourri un malaise grandissant dans l’opinion. « On attendait une solidarité sécuritaire régionale. On a eu une cohabitation compliquée entre intérêts divergents », déplore Dieudonné Nawej, commerçant à Lubumbashi. Des voix, même au sein de l’Union sacrée, ont exprimé leur scepticisme sur l’efficacité de cette alliance. Tshisekedi, conscient des limites du dispositif, n’a pas hésité à remettre en question le rôle de certaines troupes et à appeler à une réévaluation des termes de leur présence.

Pour autant, cette manœuvre diplomatique n’a pas été vaine. Elle a permis à la RDC de briser un certain isolement régional et de diversifier ses partenariats. Le Kenya, en particulier, s’est affirmé comme un interlocuteur économique de poids. Les rencontres régulières entre Félix Tshisekedi et son homologue kényan William Ruto ont consolidé une relation bilatérale fondée sur les investissements, l’énergie et les télécommunications. Des entreprises kényanes, comme Safaricom, ont même investi dans la téléphonie mobile en RDC, ouvrant de nouveaux marchés.

Cette diplomatie économique volontariste contraste avec la prudence observée sur le front sécuritaire. Si l’adhésion à l’EAC s’inscrit clairement dans une stratégie à long terme, elle révèle aussi les ajustements tactiques auxquels Tshisekedi doit se plier face aux contradictions internes de l’organisation. L’influence rwandaise, bien réelle dans certaines instances de l’EAC, complique la tâche de Kinshasa, en particulier lorsqu’il s’agit de faire valoir ses griefs sur le dossier du M23.

« Le président a su faire preuve d’audace en s’ouvrant à un espace régional historiquement perçu comme hostile. Il faut maintenant transformer cette ouverture en levier de souveraineté », estime le politologue Jules Kawaya. Le défi est d’autant plus grand que la RDC reste perçue comme un acteur marginal au sein de l’EAC, encore peu intégré dans les mécanismes décisionnels. Des efforts sont en cours pour renforcer sa diplomatie parlementaire et aligner sa législation sur les normes communautaires, mais le chemin est long.

En définitive, l’adhésion à l’EAC reflète une double posture du chef de l’État : une vision de repositionnement régional ambitieuse, couplée à une gestion pragmatique des rapports de force. Si la promesse d’intégration économique commence à porter ses fruits, les tensions sécuritaires non résolues rappellent que la paix ne se décrète pas par des traités, mais se construit sur le terrain, jour après jour.

Tshisekedi a lancé un pari. Son issue dépendra de sa capacité à imposer les intérêts congolais dans un espace régional où la solidarité rime souvent avec compétition. Pour l’heure, la RDC avance, avec prudence mais détermination, dans une communauté qui pourrait à terme redéfinir son ancrage géopolitique.

Négociations avec Washington : un deal géopolitique

Février 2025 marque un tournant discret mais potentiellement décisif dans la diplomatie congolaise. Lors d’une rencontre avec des responsables américains à Washington, le président Félix Tshisekedi aurait formulé une proposition inédite : accorder aux États-Unis un accès privilégié aux minerais stratégiques congolais, notamment le cobalt, en échange d’un soutien accru sur le plan sécuritaire. À travers cette offre audacieuse, Kinshasa espère renforcer son positionnement géopolitique tout en répondant aux menaces pressantes à l’Est, incarnées par la rébellion du M23 soutenue, selon les autorités congolaises, par le Rwanda.

Cette initiative s’inscrit dans une logique claire : briser la dépendance vis-à-vis de la Chine, qui contrôle encore aujourd’hui une part écrasante des chaînes d’approvisionnement en minerais critiques, tout en rééquilibrant les alliances stratégiques de la RDC. « C’est une tentative de repositionner la RDC comme acteur incontournable dans la transition énergétique mondiale, tout en attirant des appuis militaires occidentaux dans une crise sécuritaire de plus en plus internationale », explique Ernest Makuta, chercheur en géopolitique des ressources à l’Université de Lubumbashi.

Si aucun accord formel n’a encore été signé, les discussions sont jugées sérieuses et portées au plus haut niveau. Tshisekedi a multiplié les rencontres bilatérales, notamment avec des sénateurs influents, des représentants du département d’État et des dirigeants d’entreprises minières américaines. Dans les coulisses, plusieurs sources évoquent un intérêt manifeste du Pentagone pour les minerais congolais, perçus comme cruciaux dans la course mondiale aux technologies vertes.

Mais cette démarche n’est pas sans risques. En misant sur un rapprochement avec Washington, Kinshasa prend le risque de tendre davantage ses relations avec Pékin, premier investisseur minier en RDC. Le quotidien South China Morning Post, dans une édition de mars 2025, rapporte que des officiels chinois auraient « exprimé leur inquiétude » quant à l’émergence d’une concurrence américaine directe dans un secteur jusque-là largement dominé par leurs entreprises. Certains projets chinois de développement d’infrastructures en RDC pourraient en subir les conséquences, et une reconfiguration des alliances économiques n’est pas à exclure.

Sur le terrain politique congolais, la démarche suscite des réactions contrastées. Les partisans du chef de l’État y voient un coup de maître géopolitique. « Il fallait sortir de la dépendance à un seul partenaire. Ce virage vers les États-Unis peut renforcer notre marge de manœuvre », défend Janvier Kabeya, député membre de l’Union sacrée. À l’inverse, des voix critiques s’élèvent pour dénoncer une possible mise sous tutelle des ressources nationales. L’activiste Mina Kabeya, de la coalition citoyenne Congo Vert, s’inquiète : « Nos minerais ne doivent pas devenir des monnaies d’échange sans garanties claires pour le peuple congolais. »

Au-delà des symboles, cette ouverture vers Washington est aussi motivée par l’urgence. La situation sécuritaire dans l’Est du pays continue de se détériorer, avec des milliers de déplacés, des attaques récurrentes et une armée congolaise confrontée à des groupes rebelles bien organisés. En sollicitant une aide sécuritaire directe, logistique, formation, voire déploiement de forces spéciales en appui technique, Tshisekedi joue une carte diplomatique à fort enjeu. « Il n’a plus le luxe du temps. Il doit produire des résultats visibles avant 2028 », estime Josué Mfumupasa, éditorialiste politique à Kin24.

Cette offre aux Américains n’est donc pas un simple acte de séduction diplomatique, mais bien une manœuvre calculée face à des pressions multiples : sécuritaires, économiques et politiques. Elle illustre la capacité de Tshisekedi à anticiper les repositionnements géostratégiques mondiaux, mais aussi son pragmatisme face aux rapports de force. Pour certains analystes, comme ceux du Brookings Institution, « cette initiative pourrait redéfinir les contours de l’influence américaine en Afrique centrale, longtemps négligée au profit de la Corne de l’Afrique ou du Sahel ».

Cependant, l’issue de cette proposition dépendra moins de la volonté congolaise que de l’agenda de Washington. Les États-Unis, en pleine reconfiguration de leurs priorités africaines, hésitent encore sur la nature de leur engagement militaire direct en RDC. Le spectre de la rivalité sino-américaine rend toute implication délicate, et la Maison Blanche reste prudente face aux complexités du terrain congolais. Le risque d’un engrenage dans un conflit régional mal maîtrisé freine les ardeurs, même si l’attrait du cobalt et du lithium reste un facteur décisif.

Tshisekedi avance donc sur une ligne de crête. D’un côté, il propose une ouverture stratégique capable de repositionner la RDC sur l’échiquier mondial. De l’autre, il doit veiller à ne pas dilapider un capital de souveraineté déjà fragilisé par la dépendance extractive. Pour l’heure, aucun contrat n’a été signé, mais les discussions se poursuivent, dans une atmosphère où la géopolitique des ressources croise celle des alliances militaires.

En définitive, cette démarche révèle un chef de l’État qui, au-delà des slogans, tente de transformer le poids géologique de la RDC en levier diplomatique majeur. Ce pari, encore incertain, pourrait faire de Kinshasa un épicentre stratégique entre Washington, Pékin et les autres acteurs de la compétition mondiale pour les ressources critiques. Mais il impose aussi une exigence de transparence, de lucidité et de fermeté, tant les marges de manœuvre sont minces dans un monde où rien ne se donne sans contrepartie.

Kamerhe : la neutralisation progressive d’un allié trop ambitieux

L’accord politique conclu à Nairobi en 2018 entre Félix Tshisekedi et Vital Kamerhe devait organiser l’alternance au sein de la coalition CACH : un mandat pour l’un, un mandat pour l’autre. Mais dès les premiers mois de gouvernance, cet arrangement a été vidé de sa substance par les réalités du pouvoir. La mainmise du FCC de Joseph Kabila sur l’Assemblée nationale empêchait toute nomination de Kamerhe à la primature, poste promis par l’accord. Il sera relégué à la direction de cabinet, influent, certes, mais subalterne.

Quand Tshisekedi parvient à retourner la majorité en sa faveur fin 2020, ouvrant la voie à l’Union sacrée, le blocage juridique disparaît. Kamerhe aurait pu être Premier ministre. Mais c’est Sama Lukonde, un profil moins charismatique, qui est nommé. Une décision qui, déjà, trahit la volonté de Tshisekedi de contenir un partenaire dont les ambitions rivalisent avec les siennes. Visiblement, Tshisekedi ne veut pas d’un Premier ministre qui pourrait demain revendiquer la succession ou dénoncer un accord trahi. Car Kamerhe, à la primature, aurait été difficile à révoquer, et potentiellement ingérable.

En 2024, la nomination de Judith Suminwa à la tête du gouvernement confirme cette ligne. Technocrate discrète, sans assise politique, elle ne menace pas l’architecture du pouvoir. À l’inverse, un Kamerhe Premier ministre aurait cumulé visibilité, moyens et réseau. Trop risqué pour un chef de l’État qui, manifestement, ne souhaite pas le désigner comme son dauphin.

Même la présidence de l’Assemblée nationale, que Kamerhe finit par décrocher en 2024, a été un champ de manœuvre. En l’obligeant à se mesurer à Bahati Lukwebo et Christophe Mboso lors de primaires internes à l’Union sacrée, le pouvoir le pousse à s’exposer. En cas d’échec, sa stature aurait été affaiblie. Sa victoire, bien qu’indiscutable, reste encadrée : Tshisekedi conserve la main sur l’ensemble du dispositif.

Le précédent de 2009 hante les mémoires. Cette année-là, Kamerhe, président de l’Assemblée nationale, se retourne contre Kabila, amorçant sa mue en opposant majeur. Tshisekedi, prudent, évite de lui offrir une tribune gouvernementale qui pourrait devenir une rampe de lancement présidentielle pour 2028.

En intégrant Kamerhe tout en l’éloignant des postes exécutifs stratégiques, Tshisekedi orchestre une forme de containment politique. Il préserve l’équilibre de l’Union sacrée sans donner les clés à un potentiel rival. Pour l’instant, la stratégie est efficace. Mais si Kamerhe décide de remettre en cause cette mise à l’écart, l’équation du pouvoir congolais pourrait rapidement se complexifier.

Les poids lourds politiques : un équilibre précaire

En s’alliant à des figures de poids comme Jean-Pierre Bemba et Vital Kamerhe, Tshisekedi a consolidé sa position à la tête de l’Union sacrée. Bemba, fort de son influence dans l’Ouest, et Kamerhe, incontournable dans l’Est, lui apportent une légitimité régionale et une capacité à mobiliser. Cette stratégie vise à unifier des forces disparates pour renforcer son leadership, tout en mettant en lumière la fragmentation de l’opposition, incarnée principalement par Martin Fayulu et Moïse Katumbi.

Cependant, cette alliance repose sur un équilibre fragile. Les ambitions personnelles de ces leaders peuvent menacer la stabilité de la coalition, comme l’a souligné Trésor Kibangula sur TV5Monde. Si Tshisekedi a clairement opté pour des alliances larges, la gestion des ego et des projets divergents demeure complexe. Les tensions internes, notamment autour des nominations et des primaires au sein de l’Union sacrée, révèlent la difficulté d’un leadership qui doit constamment composer avec des rivalités internes, demandant une gestion prudente aussi réactive que stratégique.

Politiques économiques : une vision à long terme sous contrainte

Dès le début de son mandat, Félix Tshisekedi a clairement placé le développement économique au cœur de ses priorités, visant à diversifier une économie congolaise qui reste fortement dépendante des exportations de minerais. L’attraction des investissements étrangers, essentielle pour cette transformation, a été soutenue par des projets significatifs, tels que le Programme d’Appui au Développement des Micro, Petites et Moyennes Entreprises (PADMPME), qui a permis de formaliser 3 700 entreprises et de créer près de 17 000 emplois, selon les chiffres avancés par la Banque mondiale en 2024. Ces réalisations témoignent d’une volonté politique claire de créer un environnement plus favorable aux investisseurs, comme l’a souligné le Département d’État américain, notant des progrès notables dans la gouvernance et la lutte contre la corruption.

Cependant, malgré ces succès, les défis structurels demeurent nombreux. Les conséquences de l’insécurité persistante dans l’Est du pays, des infrastructures souvent inadaptées, et la dépendance continue aux matières premières minérales limitent l’impact de ces réformes. Bien que la croissance économique ait atteint un impressionnant 8,6 % en 2024, la pauvreté reste une réalité tragique pour environ 73 % de la population, comme l’indique un rapport de la Banque mondiale. Des analystes, notamment ceux du think tank ISS Africa, estiment que pour réaliser une véritable croissance inclusive, Tshisekedi doit accélérer la mise en œuvre des réformes, malgré des contraintes qui semblent bien souvent dictées par les circonstances.

« Les initiatives lancées par Tshisekedi sont un pas dans la bonne direction », affirme Emmanuel Biyoyo, analyste économique à Kinshasa. « Mais pour sortir véritablement de la dépendance aux minerais, il faut des réformes institutionnelles plus profondes et des investissements massifs dans les infrastructures. »

En parallèle, Tshisekedi a également cherché à renégocier les contrats miniers, notamment avec la Chine, afin d’augmenter les revenus de l’État et mieux gérer les ressources naturelles du pays. Bien que cette démarche s’inscrive dans une logique de maximisation des bénéfices nationaux, elle a toutefois suscité des tensions avec Pékin, soulignant les risques inhérents à une politique économique aussi ambitieuse dans un contexte géopolitique complexe. La proposition d’un accord miniers-sécurité avec les États-Unis en 2025, visant à diversifier les partenariats, a été perçue comme une tentative de sortir de l’ombre de la Chine, mais aussi comme une réponse instinctive à des pressions sécuritaires croissantes dans l’Est du pays.

En effet, comme le note Pierre Iyeleza, expert en relations internationales, « la géopolitique actuelle pousse Tshisekedi à multiplier les partenariats tout en jonglant avec les attentes internationales. C’est une manière de peser sur les enjeux mondiaux, mais l’urgence sécuritaire impose parfois des décisions plus instinctives. »

Initiatives sociales : des engagements limités par les crises

Sur le plan social, Tshisekedi a pris des engagements ambitieux pour améliorer l’accès à l’éducation, à la santé et à la protection sociale, des priorités soutenues par des bailleurs de fonds internationaux. L’un des grands projets, la gratuité de l’enseignement primaire, lancé en 2019, a permis d’augmenter de manière significative les inscriptions scolaires, notamment dans les zones rurales. Toutefois, cette initiative a été entravée par des grèves récurrentes d’enseignants et des problèmes chroniques de financement, comme le souligne un rapport de la Banque mondiale. En matière de santé, la gestion des crises sanitaires, telles que la propagation de la variole du singe en 2024, a été jugée insuffisante par plusieurs experts, notamment en raison d’infrastructures médicales surchargées.

« Le programme d’éducation gratuit est louable, mais il est mis à mal par le manque de moyens logistiques et humains », explique Maman Ndombe, responsable d’une ONG de développement à Kinshasa. « Les défis sont immenses, et malgré les bonnes intentions, le pays manque encore d’infrastructures de base pour répondre à ces besoins urgents. »

Ces initiatives sociales traduisent néanmoins une vision à long terme pour améliorer les conditions de vie des Congolais, mais leur mise en œuvre se heurte à des obstacles majeurs. Les ressources limitées de l’État, associées aux crises permanentes que connaît le pays, compliquent considérablement la réalisation de ces objectifs. Tshisekedi a souvent dû réagir de manière instinctive, promettant des réformes sociales sans disposer des moyens nécessaires pour les concrétiser pleinement. Cette tension entre ambition et réalité se fait particulièrement sentir lorsqu’il s’agit de répondre à des demandes sociales pressantes tout en maintenant une stabilité politique fragile.

« Il est évident que Tshisekedi fait de son mieux pour répondre aux attentes sociales », déclare Claude Tumba, professeur en sciences politiques à l’Université de Kinshasa. « Mais la conjoncture du pays et les crises incessantes rendent la tâche particulièrement ardue. Il est parfois contraint d’adopter des solutions réactives, ce qui peut nuire à la vision de long terme. »

Ainsi, bien que la vision de Tshisekedi en matière de politique économique et sociale soit clairement définie, sa mise en œuvre reste conditionnée par des défis immenses. Entre ambitions à long terme et nécessité de répondre instantanément à des crises multiples, Tshisekedi navigue dans des eaux troubles, où chaque décision est une danse délicate entre stratégie et réactivité. La réussite de son mandat dépendra probablement de sa capacité à faire face à ces tensions, tout en consolidant les bases d’une croissance inclusive et durable pour la RDC.

Droits humains : un bilan contrasté

Depuis son accession à la présidence, Félix Tshisekedi a promis de renforcer la protection des droits humains en RDC. Dans son programme, il s’est engagé à lutter contre l’impunité, à élargir l’espace civique et à améliorer le climat des droits fondamentaux. Ce positionnement, bien que louable, se heurte à des réalités complexes sur le terrain. En 2024, des organisations internationales comme Amnesty International ont rapporté des progrès jugés insuffisants, soulignant des violations persistantes commises par les forces de sécurité, ainsi que des restrictions de plus en plus marquées à la liberté d’expression.

« Le président Tshisekedi a bien l’intention de faire évoluer la situation, mais la violence reste omniprésente, notamment dans l’Est du pays. Les abus des forces de sécurité sont récurrents, et cela ne fait qu’alimenter la méfiance des citoyens », explique Sophie Mbuyi, militante des droits de l’homme à Kinshasa. « Même si des promesses ont été faites, il est encore trop tôt pour parler de changement tangible. »

L’état de siège imposé en 2021 dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri, bien qu’ayant pour objectif de renforcer la sécurité et de lutter contre les groupes armés, a paradoxalement exacerbé la situation des droits humains. Le Global Center for the Responsibility to Protect a rapporté de nombreux abus sous cette mesure, avec des exactions commises par les militaires et des restrictions drastiques à la liberté de mouvement des civils. « Tshisekedi a certes renforcé son autorité, mais en matière de protection des droits humains, des lacunes notables subsistent », observe le rapport annuel de cette organisation.

Toutefois, Tshisekedi n’est pas resté sans réponse face à ces critiques. Il a, par exemple, libéré certains prisonniers politiques dans une tentative de démontrer son engagement à améliorer la situation des droits humains en RDC. Mais malgré ces actions, les défis structurels restent colossaux. Comme le souligne Bernard Luyeye, analyste politique à Kolwezi pour qui « les réformes que Tshisekedi essaie d’imposer sont souvent freinées par des résistances internes au sein de l’appareil sécuritaire et par la pression de groupes armés toujours aussi actifs. »

Ce bilan contrasté suggère une gestion des droits humains à double vitesse : d’un côté, une approche calculée pour répondre aux attentes internationales et améliorer l’image du pays sur la scène mondiale ; de l’autre, une approche réactive face aux pressions internes et aux critiques des ONG. Tshisekedi semble donc naviguer entre des engagements visant à apaiser la communauté internationale et les nécessités politiques internes qui exigent une gestion immédiate des crises.

Stratégies de sécurité : une gestion complexe

Tshisekedi hérite d’une situation sécuritaire particulièrement dégradée, marquée par la présence de multiples groupes armés dans l’Est du pays, dont le M23, les Forces Démocratiques Alliées (ADF) et diverses milices locales. Cette situation l’a contraint à adopter une stratégie de sécurité renforcée dès 2021, avec la déclaration de l’état de siège dans les régions du Nord-Kivu et de l’Ituri. Bien que cette décision ait permis de remplacer des chefs militaires jugés proches de l’ancien président Kabila, consolidant ainsi son autorité, les violences armées continuent de ravager les populations locales.

« Le défi est immense. Tshisekedi fait face à des groupes armés multiples et à une complexité géopolitique régionale qui échappe parfois à son contrôle », analyse Michel Ndombasi, chercheur en sciences politiques à Kinshasa. « Il faut reconnaître qu’il a pris des décisions difficiles, mais le chemin est semé d’embûches. »

Au-delà des mesures de sécurité, Tshisekedi a entrepris d’importantes réformes dans le secteur militaire. Sous son mandat, l’armée congolaise a reçu un soutien accru des partenaires internationaux, comme les États-Unis et l’Union européenne, pour moderniser ses équipements et améliorer ses capacités opérationnelles. Ces efforts illustrent une vision à long terme de sa part, visant à doter la RDC d’une armée capable de faire face aux défis contemporains. Toutefois, ces réformes sont freinées par des difficultés majeures, dont un manque de financement adéquat et la persistance de la corruption au sein des institutions publiques.

Comme le soulignent les analystes de l’organisation Democracy in Africa, les réformes sécuritaires de Tshisekedi se heurtent à la réalité d’une gestion complexe des conflits, où l’insécurité demeure un problème majeur. « Les défis restent nombreux, notamment au niveau du financement et de la gestion des ressources humaines. La RDC a besoin d’une refonte systématique du secteur de la sécurité, mais ce processus est loin d’être simple« , explique la chercheuse Jeanine Mbongo. Selon elle, « Malgré ces obstacles, Tshisekedi a réussi à maintenir une forme de stabilité, même si la situation reste fragile. »

Cette complexité se manifeste également dans les relations avec les pays voisins, notamment le Rwanda et l’Ouganda, qui ont un impact direct sur la situation sécuritaire en RDC. Tshisekedi a essayé d’apaiser les tensions avec ces pays par le biais de la diplomatie, mais les affrontements sur le terrain, alimentés par des milices et des intérêts géopolitiques divergents, continuent de compliquer cette démarche.

En dépit des résultats encore insuffisants, il est évident que Tshisekedi met en place une stratégie sécuritaire ambitieuse, mais qui ne peut se concrétiser qu’à moyen ou long terme. La persistance des violences dans l’Est du pays met à l’épreuve sa capacité à traduire ses ambitions en résultats tangibles. Comme le rappelle l’analyste Pierre Madi, « l’un des plus grands défis de Tshisekedi est de parvenir à une stabilisation durable, tout en équilibrant les attentes des partenaires internationaux et les réalités du terrain. »

Le bilan de Félix Tshisekedi en matière de droits humains et de sécurité reste mitigé, mais les efforts entrepris ne sont pas sans mérite. Son engagement à réformer le secteur de la sécurité et à répondre aux critiques internationales, bien qu’incomplets, montre qu’il tente de faire face à un héritage complexe tout en tentant d’inscrire la RDC dans une dynamique de stabilité. À l’avenir, la réussite de ses politiques dépendra de sa capacité à résoudre ces contradictions et à concilier les impératifs sécuritaires avec les exigences de la communauté internationale en matière de droits humains.

Une gouvernance entre vision et adaptation

L’analyse des décisions de Félix Tshisekedi, président de la RDC, révèle une gouvernance marquée par une dualité entre stratégie et instinct. Depuis son arrivée au pouvoir, il a montré une volonté constante de réformer le pays tout en cherchant à s’adapter aux défis quotidiens. Parmi ses initiatives les plus notables figurent l’adhésion de la RDC à la Communauté de l’Afrique de l’Est (EAC), ses négociations avec Washington, la création de l’Union sacrée de la nation, ses réformes économiques ambitieuses et ses engagements sociaux. Ces décisions témoignent d’une réelle volonté de consolider son pouvoir et de positionner la RDC comme un acteur régional et international incontournable.

Ces choix, souvent audacieux, révèlent une vision stratégique à long terme. L’entrée de la RDC dans l’EAC, par exemple, est perçue par certains analystes comme un tournant majeur pour la diplomatie congolaise. « Tshisekedi a su saisir l’opportunité de réorienter la RDC vers l’Est, et c’est un coup stratégique qui peut avoir de réelles retombées économiques », explique Jean-Pierre Mbala, expert en relations internationales à Kinshasa. Toutefois, ces décisions, malgré leur ambition, ont été entravées par des défis imprévus. Les tensions géopolitiques, la crise sécuritaire persistante à l’Est du pays, et les crises internes liées à la gestion de la corruption et des réformes sociales ont limité l’impact de ces choix.

Face aux crises multiples, comme la guerre du M23, les tensions avec son prédécesseur Joseph Kabila, ou les pressions internationales sur les droits humains, Tshisekedi a tout de même su faire preuve d’une adaptabilité remarquable. Il a ajusté ses priorités en fonction des circonstances changeantes, bien que cela ait parfois été perçu comme une gestion instinctive. Cette capacité à réagir rapidement, même si elle a parfois pris une forme improvisée, a permis de maintenir une relative stabilité politique dans un contexte particulièrement très volatile.

Pour l’analyste politique Lucien Ndinga, « Les décisions de Tshisekedi, notamment la création de l’Union sacrée, montrent une véritable volonté de rassembler le pays. Cependant, sa gestion de certaines crises, comme le M23 ou la pression internationale sur les droits humains, semble manquer parfois de vision à long terme, et c’est là que la dualité entre stratégie et instinct devient évidente. »

Les critiques sont partagées. Certains, comme ceux du Center for Strategic and International Studies (CSIS), saluent la vision stratégique de Tshisekedi pour intégrer la RDC dans des cadres régionaux et mondiaux, notamment via l’EAC et les partenariats avec les États-Unis. « Ce sont des choix stratégiques qui, à long terme, pourraient rendre la RDC plus stable et mieux insérée dans le concert des nations », commente Rose Mukalay, analyste au CSIS. Mais d’autres, comme ceux de l’organisation Democracy in Africa, estiment que ses réponses aux crises oscillent trop souvent entre action militaire et diplomatie sans plan clair, suggérant une gestion instinctive plus que stratégique. « Les réactions de Tshisekedi, bien qu’efficaces dans l’immédiat, laissent parfois à désirer lorsqu’il s’agit de planifier une vision à plus long terme », ajoute Omar Kambale, chercheur en gouvernance à Kalemie.

Cette dualité, entre stratégie affirmée et gestion réactive, illustre la complexité de gouverner la RDC. Dans un pays où les crises sont omniprésentes et où les impératifs internes et externes sont souvent contradictoires, la capacité à alterner entre planification stratégique et réponse immédiate est une compétence essentielle. Tshisekedi semble comprendre que la RDC, avec son histoire mouvementée, nécessite un leadership capable de jongler entre ces deux aspects pour maintenir un équilibre fragile.

Un leader hybride face à l’avenir

Félix Tshisekedi se trouve confronté à des défis titanesques : conflits armés persistants, rivalités politiques internes, pressions internationales croissantes, et des attentes sociales qui ne cessent d’augmenter. Dans ce contexte, il est contraint d’adopter une combinaison de stratégies long terme et d’adaptations immédiates aux crises. Ses succès, comme la consolidation de l’Union sacrée de la nation, l’ouverture vers la Communauté de l’Afrique de l’Est, les réformes économiques et les efforts diplomatiques tels que le cessez-le-feu avec le M23, témoignent de sa capacité à penser à long terme.

« Ce que Tshisekedi réussit à faire, c’est de concilier des objectifs de développement à long terme avec les impératifs de stabilité immédiate », explique Jean-Luc Mwepu, spécialiste en stratégie politique. « Son agilité politique et sa capacité à s’adapter aux crises sont des qualités essentielles dans un pays comme la RDC. »

Cependant, ses ajustements face aux crises ont parfois été perçus comme des réactions plus instinctives que stratégiques. La rupture avec le président rwandais Paul Kagame, la prudence vis-à-vis de son ancien allié Vital Kamerhe, ou encore ses réponses face aux critiques internationales sur les droits humains montrent une capacité à ajuster ses positions avec une certaine approche pragmatique. Ces décisions, bien que parfois motivées par des impératifs immédiats, révèlent aussi une agilité politique rare dans des contextes aussi complexes que ceux rencontrés par la RDC. Mais ces ajustements ne sont pas toujours synonymes de succès. En particulier, la gestion de la crise à l’Est, qui dure depuis des années, continue de poser des questions sur la capacité de Tshisekedi à traduire ses ambitions en résultats concrets.

« Il est évident que Tshisekedi veut réformer la RDC, mais la mise en œuvre des réformes sociales et sécuritaires reste le grand défi », souligne Sylvia Vola, experte en géopolitique. « Sa gestion des crises n’est pas toujours optimale, et cela a des répercussions sur sa popularité et son efficacité. »

À l’heure où la RDC fait face à des défis croissants, notamment la persistance des conflits dans l’Est, les tensions géopolitiques avec ses voisins, et les attentes d’une population en quête de progrès, Tshisekedi devra transformer ses initiatives en résultats tangibles. Les efforts pour maintenir l’attention internationale sur ses actions seront cruciaux, à la fois pour renforcer sa légitimité et préparer son héritage. En dépit des critiques, il apparaît clairement que le président congolais incarne un leadership hybride, capable de naviguer entre stratégie à long terme et gestion instinctive des crises. Dans un des environnements politiques les plus exigeants au monde, cette combinaison semble être une nécessité, bien plus qu’une option.

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AFC/M23 : Corneille Nangaa entre enchères et désespoir

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Le processus de paix enclenché par l’administration Trump entre la République démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda n’est visiblement pas du goût du coordonnateur de l’Alliance Fleuve Congo (AFC), plateforme politico-militaire comprenant le Mouvement du 23 mars (M23) soutenu par Kigali. Nangaa affirme vouloir continuer la guerre jusqu’au départ du président Félix Tshisekedi et rejette les discussions sur un deal minier entre la RDC et Washington. Une enchère qui peut traduire la frustration d’un homme qui rêvait grand.

La région de l’Est de la RDC est le théâtre de conflits armés depuis des décennies, marquée par des tensions persistantes entre la RDC et le Rwanda. Ces affrontements trouvent leurs racines dans les séquelles des guerres des années 1990, notamment le génocide rwandais de 1994, qui a entraîné des flux de réfugiés et des luttes pour le contrôle des ressources dans les provinces du Nord et Sud-Kivu. Le M23, apparu en 2012 et relancé ces dernières années avec le soutien de Kigali, est l’un des nombreux groupes armés impliqués dans des violences ayant causé des déplacements massifs de populations. Les négociations de paix actuelles entre la RDC et le Rwanda s’inscrivent dans une tentative de mettre fin à ces cycles de conflits et de stabiliser une région riche en minerais mais fragilisée par l’insécurité.

Devant le miroir, dans son QG de Goma, Corneille Nangaa se serait déjà fait une image de lui, puissant et conquérant le pouvoir à Kinshasa. Mais les négociations de Doha et de Washington ont refroidi ses ardeurs, d’où sa colère suivie d’une surenchère guerrière. Sa dernière interview accordée au média britannique The Telegraph illustre un homme partagé entre deux extrêmes : la témérité pour une conquête de l’impérium et un désespoir d’avoir loupé ce coche. Cela, au point de se dresser sur le chemin de l’administration américaine en refusant les accords de paix en cours de préparation mais aussi le deal minier en vue entre Kinshasa et Washington.

En scrutant ses propos, l’ancien président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) n’arrive toujours pas à se départir du présumé « deal » signé entre le président Félix Tshisekedi et son prédécesseur Joseph Kabila après l’élection présidentielle de 2018. Pour Nangaa, l’actuel chef de l’État ne peut rien signer au nom de la RDC, ne respectant pas, selon lui, des engagements. « Il n’est pas fiable », a-t-il lancé. « Tout ce qu’il acceptera aujourd’hui sera vite oublié », enchaîne Nangaa. Même si Kinshasa et Washington signent un accord, « le peuple congolais s’y opposera ». Corneille Nangaa estime par ailleurs que les Américains ont le droit de conclure ce genre d’accord, mais « ils doivent s’adresser aux bonnes personnes et aujourd’hui, les bonnes personnes à qui s’adresser sont les membres de l’Alliance Fleuve Congo ». Puisque ce n’est pas lui qui signe avec Washington, Nangaa a rejeté les appels à la fin des violences et promet de continuer sa rébellion jusqu’à Kinshasa.

Une surenchère pour négocier en position de force ?

Une autre lecture de la sortie médiatique de Corneille Nangaa suggère que son refus des négociations pourrait être une stratégie délibérée de surenchère. En rejetant publiquement les pourparlers, Nangaa pourrait chercher à faire pression sur Kinshasa et ses partenaires internationaux pour obtenir des concessions plus avantageuses. Le contrôle de villes stratégiques comme Goma et Bukavu, ainsi que des territoires riches en ressources minières, confère à l’AFC/M23 un levier économique et politique significatif. En laissant entendre qu’il pourrait se contenter de maintenir ces territoires sous son emprise, une sorte de « proto-État » autonome, Nangaa envoie un message clair : déposer les armes a un prix, et ce prix doit être à la hauteur des gains économiques et politiques que représente le statu quo. Cette posture pourrait viser à forcer le gouvernement congolais à offrir des garanties substantielles, comme une amnistie élargie, une intégration politique ou militaire, un poste politique de premier plan, voire une reconnaissance de certains acquis territoriaux, pour convaincre l’AFC/M23 de renoncer à la lutte armée. Une telle stratégie, bien que risquée, reflète la volonté de Nangaa de négocier en position de force, tout en capitalisant sur les ressources et l’influence que son mouvement tire des zones sous son contrôle.

Les derniers soubresauts de la mort de l’AFC ?

La réaction de Corneille Nangaa pourrait aussi traduire un malaise. Son avenir politique après la rébellion ne semble pas toujours pris en compte. Sa réaction pourrait être perçue comme les derniers soubresauts de la mort programmée de son mouvement insurrectionnel, l’AFC. Des négociations en cours à Doha et à Washington n’ont visiblement pas encore répondu à ses ambitions personnelles. Si les accords de paix entre la RDC et le Rwanda aboutissent, l’AFC n’aura plus de soutien militaire. Ce qui rend ce mouvement fragile. Le M23, comparativement à l’AFC, a des revendications identitaires. Les hommes de Sultani Makenga n’ont jamais rêvé de prendre le pouvoir à Kinshasa, avant leur alliance avec Corneille Nangaa. Ce qui pourrait provoquer un schisme entre l’AFC et le M23 au cas où ce dernier trouve des réponses à ses revendications identitaires.

Qu’est-ce que Nangaa peut gagner dans ces négociations ?

Condamné à mort le 8 août 2024 par la Cour militaire de Kinshasa-Gombe, le coordonnateur de l’AFC/M23 a été reconnu coupable de crimes de guerre, de trahison et de participation à un mouvement insurrectionnel. Parmi les autres personnes condamnées, il y a notamment Sultani Makenga et Bertrand Bisimwa, respectivement responsables militaire et civil de la branche M23. La justice militaire avait également ordonné « l’arrestation immédiate » de Nangaa, jugé par contumace, et la « confiscation de ses biens ».

Ces condamnations à mort pourraient être utilisées par le gouvernement comme monnaie d’échange dans les discussions en cours à Doha, au Qatar. Kinshasa, qui négocie également en position de faiblesse après avoir perdu le contrôle des villes clés comme Goma et Bukavu, pourrait faire d’énormes concessions aux rebelles. Une loi d’amnistie pourrait être votée au Parlement afin de disculper Corneille Nangaa et les autres cadres de l’AFC/M23 sous sanctions judiciaires. Mais une telle concession risque de ne pas être suffisante pour les rebelles. La prime à l’impunité pourrait aller jusqu’à les intégrer au sein du gouvernement en ce qui concerne des rebelles civils et au sein des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) pour des combattants du M23. Cependant, de telles concessions pourraient susciter un tollé au sein de l’opinion congolaise.

Implications des négociations de paix pour les acteurs impliqués

Les pourparlers entre la RDC et le Rwanda portent des enjeux majeurs pour les différentes parties. Pour la RDC, un accord pourrait mettre fin aux violences dans l’Est et permettre une reconstruction économique et sociale. Pour le Rwanda, qui soutient toujours des groupes comme le M23 pour maintenir son influence régionale, un accord pourrait signifier une réduction de cette emprise, mais aussi une normalisation des relations avec son voisin. Pour le M23 et l’AFC, la fin du soutien rwandais risquerait d’affaiblir leurs capacités militaires et politiques, les obligeant à revoir leurs stratégies. Les populations locales, principales victimes des violences, pourraient enfin espérer une accalmie, bien que la mise en œuvre d’un tel accord reste incertaine face aux rivalités historiques et aux intérêts économiques en jeu.

Possible récupération de ses biens confisqués

Au-delà d’un éventuel gain politique, Corneille Nangaa pourrait d’abord militer pour la récupération de ses innombrables biens dont la majorité ont été confisqués par la justice. Il s’agit de plusieurs villas situées sur le Boulevard Tshatshi à Gombe ou à Ma Campagne (Ngaliema), des concessions et des appartements situés dans d’autres quartiers huppés de Kinshasa, y compris l’hôtel Castelo, sur Pince de Liège, à Gombe. Tous ces biens ont d’abord été mis en vente avant d’être placés finalement sous la responsabilité du ministère de la Justice.

Une source encore non authentifiée évoque une « note confidentielle » transmise par Corneille Nangaa au ministre des Affaires étrangères rwandais, Olivier Nduhungirehe, en prévision de la signature d’un accord de paix entre la RDC et le Rwanda aux États-Unis. Corneille Nangaa voudrait savoir le sort qui lui est réservé dans ces discussions interétatiques. Cette note porterait notamment sur la récupération de ses biens et l’abandon des charges judiciaires qui pèsent sur lui.

Nangaa, le basculement de la vie d’un technocrate

Né en 1970 à Bagboya, dans la province du Haut-Uele, Corneille Nangaa Yobeluo a eu une trajectoire politique insoupçonnée. Le basculement vers l’extrême est arrivé en décembre 2023, lorsqu’il annonce la création de l’Alliance Fleuve Congo (AFC) depuis Nairobi, au Kenya. « Tout le monde est un peu pris de court : on a connu le Corneille Nangaa expert électoral, le Corneille Nangaa opposant politique, on découvre aujourd’hui le Corneille Nangaa rebelle, même s’il réfute l’usage de ce terme et préfère se présenter comme un “révolutionnaire” », rappelle Jeune Afrique dans un décryptage vidéo consacré à cet homme politique proche de Joseph Kabila.

Ce technocrate formé à la faculté de l’économie de l’Université de Kinshasa a joué un rôle dans l’organisation des élections de 2018, marquées par de multiples accusations de fraude, faisant de lui déjà une figure controversée. C’est au terme de ces élections qu’il se rapproche du nouveau président élu, Félix Tshisekedi, dont il devient un allié éphémère avant de se retourner contre lui.

En sa qualité de président de la CENI, Corneille Nangaa avait proclamé M. Tshisekedi vainqueur de cette présidentielle. La page électorale tournée, l’homme s’attendait visiblement à plus de récompense de la part du successeur de Joseph Kabila. La raison : il se vante d’avoir été dans les secrets des dieux au moment de la signature d’un « deal » entre Joseph Kabila et Félix Tshisekedi. Ce dernier aurait été préféré à Martin Fayulu  supposé vrai vainqueur de la présidentielle mais qui ne présentait aucune garantie de sécurité pour le régime sortant. Depuis Goma, Nangaa a confirmé qu’il y a bien eu un accord entre Félix Tshisekedi et son prédécesseur. D’ailleurs, il ne cessait de le répéter depuis son départ du pays pour l’exil. « Monsieur Tshisekedi devrait se regarder dans un miroir avant de parler de l’accord qui le lie à son prédécesseur. Il s’agit d’un acte d’État qui ne peut être remis en cause par des simples sautes d’humeur. En politique, nier sa signature est extrêmement dangereux. Tout ce que je déplore, c’est cette superficialité avec laquelle le président Tshisekedi répond de ses engagements », avait-il expliqué avant de formaliser sa rébellion en décembre 2023. Une frustration qui démontre qu’il a rejoint la rébellion du M23 pour se venger d’un « deal » non respecté.

Nangaa et son rêve de remplacer Tshisekedi

Après avoir été séduit par l’avancée fulgurante du M23 dans les Kivu, menaçant la ville de Kisangani, Corneille Nangaa ne faisait plus mystère de son rêve : atteindre Kinshasa et détruire le « monstre » qu’il aurait lui-même créé. Galvanisé par des thuriféraires comme Henry Magie Walifetu – membre du PPRD de Joseph Kabila ayant rejoint également la rébellion – Corneille Nangaa pensait déjà prendre le pouvoir à Kinshasa. Ce rêve est en passe de tomber à l’eau après les discussions entamées entre la RDC et le Rwanda à Washington, aux États-Unis. Le pays de « Mille collines », qui a été le principal artificier dans cette crise qui embrase l’Est de la RDC, pourrait tourner le dos à Nangaa, un allié de circonstance pour Kigali. Voir le Rwanda conclure un accord de paix avec la RDC, autour du 2 mai prochain, constitue la fin d’un soutien politique et militaire à l’AFC/M23. Et, peut-être, la fin d’un rêve. Félix Tshisekedi, qui a finalement tendu la main aux rebelles, restera aux commandes de ce pays-continent encore pendant 3 ans et 7 mois. Sauf un coup de théâtre contre la République !

Les motivations de Nangaa et les conséquences possibles

Les motivations de Corneille Nangaa semblent multiples. Elles pourraient mêler des ambitions politiques personnelles à un désir de revanche contre Félix Tshisekedi, qu’il accuse d’avoir trahi un accord passé et de lui avoir pris ses carrés miniers. Certains observateurs estiment également que Nangaa chercherait à défendre les intérêts de ses partisans au sein de l’AFC, dans un contexte où sa condamnation à mort limite ses options. Ses actions, notamment son rejet des négociations de paix, pourraient prolonger les violences dans l’Est de la RDC et compliquer les efforts de stabilisation. Cependant, si les pourparlers aboutissent et que le Rwanda retire son soutien, Nangaa risque de se retrouver isolé, fragilisant davantage son mouvement et ses aspirations.

Heshima

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Jean-Marc Kabund : entre tactique politique, audace et précipitation…

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Dans l’arène tumultueuse de la politique congolaise, Jean-Marc Kabund s’impose comme un électron libre, une figure inclassable, à la fois stratège, franc-tireur et provocateur. Tantôt homme d’appareil, tantôt opposant virulent, son parcours épouse les contradictions d’un pays miné par les trahisons, les ambitions et les ruptures. À 44 ans, ce natif de Lubumbashi a démarré sa carrière politique au sein de l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS), dont il fut l’un des piliers avant d’en devenir l’un des plus farouches critiques.

De son engagement précoce dans l’opposition à sa rupture fracassante avec Félix Tshisekedi, en passant par la prison, la création de son propre parti et son retour dans le paysage politique en 2025, Kabund incarne une certaine idée du militantisme congolais : rugueux, inflexible, et profondément enraciné dans la colère populaire. Son tempérament fougueux, parfois à la limite de l’impulsivité, a forgé sa légende autant qu’il a alimenté ses déboires. De son comportement, comme où il trouait les pneus de véhicules roulant à contre-sens ou lorsqu’il défié la sécurité de la sœur de Félix Tshisekedi dont le véhicule rouler à contre-sens, illustrent un homme prêt à tout pour faire respecter ses principes.

Aux racines de la dissidence : la jeunesse d’un insurgé

Jean-Marc Kabund est né le 3 février 1981 à Lubumbashi, au Katanga, dans un Congo encore dominé par le régime autoritaire de Mobutu Sese Seko. Enfant d’un pays à genoux, il grandit dans une société étouffée par la répression et marquée par la débâcle économique. Il entame des études supérieures à l’Université de Lubumbashi, où il se forme en droit, tout en étant attiré par le discours de contestation porté par Étienne Tshisekedi.

En 2003, alors que la transition post-guerre peine à stabiliser le pays, Kabund s’engage dans l’UDPS. À 22 ans, il choisit le chemin de l’opposition radicale. Très vite, il devient l’un des animateurs les plus visibles des mobilisations contre les fraudes électorales et les violences d’État. Son style direct, son énergie et son langage populaire séduisent la base. « C’était un garçon têtu, mais brave. Il osait ce que beaucoup refusaient de faire », se souvient un ancien militant de l’UDPS à Matete.

L’homme fort de l’appareil UDPS

L’année 2016 marque un tournant. À la faveur de luttes intestines, Kabund est nommé Secrétaire Général de l’UDPS, en remplacement de Bruno Mavungu. À ce poste stratégique, il s’impose comme le maître d’œuvre de la réorganisation du parti. Lorsque Étienne Tshisekedi décède en février 2017, Kabund prend les rênes de la formation en tant que président intérimaire. C’est lui qui orchestre l’arrivée de Félix Tshisekedi à la tête du parti, non sans tensions.

« Il a verrouillé toutes les structures pour faire place nette autour de Félix », confie un ancien cadre du parti. La base le suit, les adversaires internes sont marginalisés. Mais derrière cette loyauté affichée, un ressentiment s’installe. Kabund ne supporte pas d’être relégué à un rôle secondaire alors qu’il estime avoir façonné l’ascension du président. En 2018, il est élu député national pour la circonscription de Mont-Amba à Kinshasa et devient premier vice-président de l’Assemblée nationale, consolidant sa stature politique.

L’ultimatum qui changea tout

Novembre 2018 restera comme le mois où Jean-Marc Kabund redéfinit les règles du jeu politique. Alors que Genève s’apprêtait à sceller l’unité de l’opposition autour de Martin Fayulu, le secrétaire général de l’UDPS lance un coup de tonnerre. Son discours en lingala, martelé dans les rues de Limete, résonne comme une déclaration de guerre contre les accords conclus sans la base. L’ultimatum donné à son président de parti Félix Tshisekedi révèle un Kabund à la fois arrogant, visionnaire et intraitable, capable de sacrifier l’unité de l’opposition sur l’autel de l’ambition partisane. Ce coup de force, s’il offre la présidence à son camp, scelle aussi les divisions qui affaibliront durablement les adversaires de Tshisekedi.

Face à la pression, Félix Tshisekedi se désolidarise de l’accord de Genève. La candidature commune de l’opposition vole en éclats. Kabund assume : « C’était le prix à payer pour préserver notre identité. » Mais le coup est rude pour la cohésion de l’opposition. Martin Fayulu accuse l’UDPS de « trahison historique », et Moïse Katumbi ne cache pas son amertume. Pour beaucoup, Kabund a privilégié la victoire de son camp au détriment d’une transition inclusive.

La coalition FCC-CACH : un mariage sans amour

Après l’investiture de Félix Tshisekedi, un accord est scellé avec le Front Commun pour le Congo (FCC) de Joseph Kabila. Un pacte de gouvernance imposé par la réalité parlementaire, mais que Kabund n’a jamais digéré. Il qualifie le gouvernement issu de cette coalition de « FCC déguisé », dénonçant une mainmise persistante de Kabila sur les institutions. Dans un élan provocateur, il déclare publiquement que son parti pourrait « pousser Kabila à l’exil et que ce dernier traverserait le fleuve Congo à la nage en direction de Congo Brazzaville » et menaçant de fouiller le passé des dirigeants de l’ancien régime et exposer leurs manœuvres, une menace qui illustre son style combatif.

À Kikwit, en novembre 2020, il explose : « La coalition FCC-CACH se conjugue désormais au passé. Le Congo ne peut plus être l’otage d’un ancien président. » Sa déclaration précède la rupture officielle et les consultations qui mèneront à la création de l’Union sacrée. Une nouvelle fois, Kabund prend de vitesse le chef de l’État. « Il parle sans consulter, comme s’il était co-président », ironise Bertin Mubonzi, cadre de l’UNC. Mais sur le terrain, la base l’applaudit. Kabund a capté le ras-le-bol d’un peuple exaspéré par la paralysie institutionnelle.

Destitution du Palais du peuple : le revers

En mai 2020, Kabund est destitué de son poste de premier vice-président de l’Assemblée nationale, un revers majeur orchestré par le FCC. La destitution est précipitée par un SMS envoyé à un proche de Kabila, dans lequel Kabund critique une parade politique de l’ancien président le 28 avril, perçue comme une tentative d’éclipser Tshisekedi. Irrité, Kabila ordonne aux parlementaires FCC de voter pour son éviction, effective le 25 mai 2020. Malgré les protestations de ses partisans, cette décision marque un tournant, révélant les tensions au sein de la coalition et l’isolement croissant de Kabund.

Jeanine Mabunda : la revanche au Palais du peuple

En décembre 2020, Jeanine Mabunda, présidente de l’Assemblée nationale et figure du FCC, est destituée à la suite d’une pétition soutenue par Kabund. C’est une manœuvre savamment orchestrée, perçue comme une revanche personnelle après sa propre éviction. « Il a fait de cette destitution un combat personnel », commente un député de l’opposition. Pour ses partisans, c’est une démonstration de force : Kabund, même affaibli, a réussi à faire tomber l’un des piliers de Kabila. Cette victoire renforce son aura, mais nourrit aussi l’image d’un homme vindicatif, prêt à défier quiconque se dresse sur son chemin.

La rupture : de fidèle à ennemi du régime

En 2022, le fossé avec Tshisekedi devient infranchissable. Kabund s’en prend directement au chef de l’État, l’accusant d’« incompétence notoire » et de « dérive monarchique ». Il fustige la taxe RAM comme un racket d’État, dénonce les nominations fondées sur le tribalisme et pointe du doigt l’enrichissement de certains proches du président. Il va jusqu’à qualifier Tshisekedi de « danger pour l’État » lors du lancement de son parti, l’Alliance pour le Changement, en juillet 2022.

Son exclusion de l’UDPS, actée en février 2022, résulte de ces critiques et de désaccords stratégiques. Kabund, frustré par son rôle secondaire et par la direction du parti, choisit de rompre avec son camp historique, une décision perçue comme une trahison par certains cadres. Le 19 juillet 2022, il annonce la création de l’Alliance pour le Changement, une formation destinée à incarner « l’alternative éthique ». Dans les jours qui suivent, il est arrêté, poursuivi pour outrage au chef de l’État, et condamné à sept ans de prison en septembre 2023. Pour Amnesty International, il s’agit d’un « cas manifeste d’instrumentalisation de la justice à des fins politiques ».

Une détention qui cristallise

À Makala, Kabund devient une figure de l’opposition incarcérée. Pour ses partisans, il est un prisonnier politique ; pour ses détracteurs, un pyromane en quête de revanche. « Il a franchi la ligne rouge. Quand on touche au sommet, il faut s’attendre à la foudre », commente un ancien conseiller présidentiel. Son absence est un coup dur pour son jeune parti, qui peine à s’organiser. Mais son image ne s’éteint pas. Sur les réseaux sociaux, ses discours circulent, ses anciens propos sont cités, ses portraits brandis dans les manifestations estudiantines.

Le retour en politique : offensive d’un rescapé

Le 21 février 2025, Kabund est libéré, probablement grâce à une grâce présidentielle négociée discrètement. Mais il ne fait aucune concession. Depuis sa résidence de Limete, il déclare : « Le peuple congolais mérite autre chose que la misère, la guerre et le clientélisme. Ce régime a trahi l’espoir. » Il accuse Tshisekedi de favoriser un système tribal, critique les accords miniers signés avec les puissances étrangères, et réclame le retour en RDC de figures exilées. « Il parle comme en 2006. Il n’a pas changé. C’est sa force, mais aussi sa limite », analyse un professeur de sciences politiques à l’Université de Kinshasa.

Un opposant aux marges, mais influent

Aujourd’hui, Kabund évolue en marge des grandes coalitions. Ni membre de Lamuka, ni allié de Moïse Katumbi, il reste seul, un choix stratégique pour incarner une rupture totale. « Il ne croit plus aux compromis », estime un cadre de son parti. Ses messages sur le réseau social X sont massivement partagés, surtout parmi les jeunes diplômés au chômage et les vendeurs du secteur informel. Ses critiques sur l’inefficacité du pouvoir en Ituri et au Nord-Kivu, sur la dollarisation de l’économie ou sur la dépendance aux bailleurs des fonds trouvent un écho dans les couches populaires. Cependant, son discours reste flou sur des questions clés comme la réforme foncière, la fiscalité ou la politique régionale.

Un avenir suspendu entre éclat et isolement

À 44 ans, Jean-Marc Kabund est à la croisée des chemins. Il peut devenir l’un des leaders de l’opposition post-Tshisekedi, à condition de structurer son parti, de nouer des alliances et de se départir de sa posture solitaire. À défaut, il risque de rester une voix isolée, certes puissante, mais sans ancrage électoral. Son défi est clair : transformer la colère qu’il canalise en projet politique crédible. Sa capacité à mobiliser, à parler vrai, à incarner une rupture est réelle. Mais sans appareil solide, sans discours de gouvernance, il pourrait rester cantonné à la contestation. « Kabund est un homme de conviction, mais la politique est aussi un art d’équilibre », note un observateur de l’Union africaine.

Le paradoxe Kabund

Jean-Marc Kabund incarne les tensions d’une démocratie congolaise inachevée. Fidèle à son engagement, mais inflexible. Proche du peuple, mais isolé du pouvoir. Héros pour les uns, provocateur pour les autres, il demeure une pièce maîtresse de l’échiquier politique. Son histoire, marquée par la loyauté, la trahison, le pouvoir, la prison, la gloire et l’oubli, reste celle d’un homme qui a défié les conventions, parfois à ses dépens. À lui maintenant de prouver qu’il peut transcender le rôle de tribun pour devenir une alternative politique solide. Dans un pays où la stabilité reste fragile, sa trajectoire pourrait bien, une fois encore, rebattre les cartes.

Heshima

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