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Immunités de Joseph Kabila sur la sellette en RDC : quel avenir pour l’ancien président ?

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Dans les méandres de Kinshasa, où la politique se mêle à l’histoire tumultueuse de la République Démocratique du Congo (RDC), un débat brûlant agite les cercles du pouvoir : les immunités de l’ancien président Joseph Kabila, sénateur à vie, peuvent-elles être levées ? Alors que des accusations le lient à des groupes armés dans l’Est du pays, la question dépasse le simple cadre juridique pour toucher les fondations mêmes de la stabilité nationale. Entre une Constitution protectrice, une loi controversée sur les anciens chefs d’État, et un climat sécuritaire explosif, l’avenir de Kabila pourrait redéfinir les équilibres politiques congolais. Heshima Magazine plonge dans les arcanes du droit, explore les dynamiques politiques actuelles, s’inspire de précédents internationaux, et esquisse les scénarios possibles pour cet homme qui, après dix-huit ans à la tête du pays, reste une figure énigmatique.

La Constitution congolaise de 2006, révisée en 2011, est le socle sur lequel repose le statut de Joseph Kabila. Son article 104 stipule qu’un ancien président élu devient sénateur à vie, une disposition conçue pour garantir une transition pacifique et protéger les ex-dirigeants des représailles. Ce statut confère à Kabila les immunités parlementaires prévues à l’article 107, qui protège les sénateurs contre les poursuites pour leurs opinions ou votes exprimés dans l’exercice de leurs fonctions. Toute arrestation ou poursuite pendant les sessions parlementaires doit obtenir l’autorisation du Sénat, à l’exception d’un flagrant délit. En dehors des sessions, c’est le bureau du Sénat qui doit donner son aval, sauf en cas de flagrant délit, de poursuite autorisée ou de condamnation définitive. La Chambre haute a également la possibilité de suspendre une procédure judiciaire contre l’un de ses membres, bien que cette suspension ne puisse excéder la durée d’une session. »

Mais ce bouclier n’est pas absolu. « La Constitution protège les anciens présidents, mais ce n’est pas un chèque en blanc », explique Me Jacques Kalubi, constitutionnaliste à l’Université de Kinshasa. « Les immunités peuvent être levées pour des crimes graves, mais cela exige une volonté politique forte et une procédure rigoureuse. » En effet, les accusations récentes contre Kabila, notamment son probable soutien au groupe rebelle Mouvement du 23 mars (M23), pourraient justifier une telle démarche, à condition que des preuves solides soient présentées. Pourtant, le flou entourant ce qui constitue un « flagrant délit » ou une « poursuite autorisée » laisse place à des interprétations divergentes, alimentant les tensions entre juristes et politiques.

Le statut de sénateur à vie pose également une question plus large : est-il une garantie d’alternance démocratique ou un privilège anachronique ? Pour certains, comme Jean-Marc Kilwa, il s’agit d’un « vestige d’un passé autoritaire, conçu pour protéger une élite ». D’autres, proches de Kabila, y voient une nécessité pour éviter des chasses aux sorcières dans un pays où les transitions sont souvent violentes.

La loi n°18/021 : une protection sur mesure ?

Adoptée le 26 juillet 2018, la loi n°18/021, qui fixe le statut des anciens présidents élus et des anciens chefs de corps constitués, est au cœur du débat. Ce texte, élaboré dans les derniers mois du mandat de Kabila, visait à sécuriser sa sortie du pouvoir après les élections de 2018. Selon des analyses publiées par Actualite.cd, la loi accorde des « privilèges juridictionnels » aux anciens présidents, notamment une immunité contre les poursuites pour les actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions. Cependant, cette protection ne s’étend pas aux crimes graves tels que la corruption, le détournement de fonds, les crimes contre l’humanité, ou les crimes de guerre.

« Cette loi est un paradoxe », estime Nadine Lema, professeure de droit public à l’Université de Lubumbashi. « Elle cherche à protéger tout en ouvrant la porte à des exceptions pour des infractions majeures. Mais son application dépend du courage des institutions. » En effet, la loi précise que toute levée d’immunité doit suivre une procédure similaire à celle des parlementaires, dont le Sénat pour Kabila. Pourtant, cette loi alimente les suspicions d’une législation taillée sur mesure pour l’ancien président.

Le contexte de son adoption renforce cette perception. En 2018, alors que Kabila hésitait à quitter le pouvoir, la loi semblait être une assurance-vie politique. « C’était un compromis pour garantir l’alternance sans exposer Kabila à des représailles immédiates », confie un ancien député du Front Commun pour le Congo (FCC), sous couvert d’anonymat. Mais aujourd’hui, dans un climat de tensions croissantes, cette loi pourrait être mise à l’épreuve.

Le droit pénal congolais : une épée de Damoclès

En RDC, le code pénal est une arme redoutable, capable de frapper même les plus puissants, à condition que les barrières des immunités soient levées. Pour Joseph Kabila, ancien président et sénateur à vie, les accusations portées par le ministre de la Justice, relayées par des figures importantes comme Jean-Pierre Bemba, placent l’homme sous une pression croissante. Ces allégations, qui vont du soutien à des groupes armés à des infractions économiques, s’appuient sur un arsenal juridique précis. Dans un pays où la justice reste souvent un terrain miné, la levée des immunités de Kabila pourrait-elle marquer un pas vers la responsabilité, sans pour autant précipiter la nation dans le chaos ? Une chose est certaine : personne n’est au-dessus des lois. Les révélations des médias internationaux, parfois discrètement contredites par certains membres de son parti, le PPRD, viennent renforcer les soupçons qui pèsent sur l’ex-président. »

Les infractions au cœur des accusations

Les accusations portées contre Joseph Kabila, telles que formulées par le président Tshisekedi, Jean-Pierre Bemba, le ministre de la Justice et d’autres responsables, portent sur des infractions graves prévues par le code pénal congolais. En mars 2025, Bemba, vice-Premier ministre, a publiquement affirmé détenir des « preuves » liant Kabila au groupe rebelle M23, actif dans le Nord-Kivu et Sud-Kivu, et aux milices Mobondo, impliquées dans des violences dans l’Ouest du pays. Ces allégations, bien que non détaillées publiquement, pourraient tomber sous plusieurs articles du code pénal. Les articles 145 à 147 répriment la corruption et le détournement de fonds publics, des accusations récurrentes contre Kabila, notamment dans la gestion opaque des contrats miniers sous son mandat. L’article 149, quant à lui, sanctionne l’abus de pouvoir, un chef d’accusation potentiellement applicable si des liens avec des groupes armés sont prouvés.

Plus préoccupant encore, la loi n°09/003 de 2009, accordant une amnistie pour les faits de guerre et d’insurrection commis dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, exclut expressément les crimes de génocide, les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité. Elle définit également les faits de guerre et d’insurrection, pouvant potentiellement concerner des actes survenus sous la présidence de Kabila, notamment les violences dans l’Est du pays. Le soutien présumé au M23, accusé de massacres et de déplacements forcés de millions de personnes, pourrait être qualifié de complicité dans des crimes de guerre ou contre l’humanité, des infractions également couvertes par le Statut de Rome, dont la RDC est signataire. « Ces accusations, si étayées, placeraient Kabila dans une position juridiquement intenable », analyse Me Alain Mukendi, avocat spécialisé en droit pénal à Kinshasa. « Le défi est de transformer des soupçons en preuves admissibles devant un tribunal. »

Les révélations des médias internationaux : un faisceau d’indices

Les soupçons contre Kabila ne se limitent pas aux déclarations politiques. Des médias internationaux de renom, tels que RFI, TV5 Monde, et France 24, ont rapporté une information troublante : Joseph Kabila est entré à Goma le 18 avril 2025, dans l’Est de la RDC par la grande barrière, pour un bref passage en provenance de Kigali, la capitale rwandaise. Cette révélation, largement relayée, n’a jamais été rectifiée ni démentie par ces médias, une situation qui, pour beaucoup, renforce sa crédibilité. « Si ces informations étaient erronées, des organes comme RFI ou France 24, soumis à des standards journalistiques rigoureux, auraient publié des correctifs ou des excuses », note Justine Mbuyi, journaliste congolaise d’investigation. « Leur silence est éloquent : ils maintiennent leurs allégations. »

Ce séjour présumé à Goma, une ville sous occupation du M23, alimente les spéculations sur les liens de Kabila avec des acteurs régionaux, notamment le Rwanda, accusé par l’ONU de soutenir le M23. Selon le site Africa Intelligence, Joseph Kabila a effectué un passage discret à Kigali en avril 2025 et un saut à Kampala en mars 2025, coïncidant avec un déplacement de Corneille Nangaa, chef de l’Alliance du Fleuve Congo (AFC), une alliance dont le M23 fait partie. Par ailleurs, le site de la chaîne française de la radio-télévision publique flamande VRT NWS, rapporte des rumeurs selon lesquelles Kabila pourrait soutenir le M23 dans le but de provoquer un changement de régime à Kinshasa, bien que ces allégations soient qualifiées de « difficiles à prouver ». La suspension des activités du Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD), le parti de Kabila, en mars 2025, pour des liens présumés avec le M23, renforce l’idée d’une implication indirecte. « Ce ne sont pas des preuves au sens strictement judiciaire, mais des signaux forts. Il faut toutefois attendre l’ouverture du procès, car il ne faut pas oublier que la RDC dispose de ses propres services de renseignement, et bénéficie également des informations partagées par la Monusco présente à Goma », confie un analyste sécuritaire européen sous couvert d’anonymat. « Le puzzle commence à prendre forme. », a-t-il ajouté.  

Preuves indirectes et soupçons persistants

D’autres éléments, bien que circonstanciels, jettent une ombre sur l’ancien président. Des témoignages recueillis par des ONG locales dans le Nord-Kivu rapportent que des miliciens affiliés au M23 auraient mentionné des « soutiens de haut niveau » à Kinshasa, sans nommer explicitement Kabila. Eric Nkuba, conseiller stratégique de l’AFC dirigée par Corneille Nangaa, présenté à la presse le 5 avril 2024, est passé aux aveux lors de son audition au quartier général des renseignements militaires. A cette occasion, l’interpellé a cité l’ex-président de la République, Joseph Kabila, et John Numbi comme étant des contacts internes de l’AFC qui s’occupent de l’aspect militaire. Un rapport de l’ONG Enough Project de 2023, bien que non spécifique à Kabila, soulignait que des réseaux financiers liés à d’anciennes élites congolaises continuaient de bénéficier des ressources minières dans les zones contrôlées par le M23. Ces réseaux, selon des sources proches du dossier, incluraient des associés de longue date de Kabila.

Le comportement de l’ancien président alimente également les soupçons. Depuis son départ du pouvoir en 2019, Kabila s’est fait discret, résidant souvent à l’étranger. Cette distance, perçue comme une stratégie d’évitement, contraste avec son rôle de sénateur à vie, qui lui permet théoriquement à participer aux travaux du Sénat. « Son silence et son absence sont interprétés comme une volonté de se soustraire aux regards », observe Delly Sesanga, président du parti de l’opposition Envol. « Cela ne prouve rien, mais cela ne joue pas en sa faveur. »

Minimiser les risques d’une levée des immunités

Si les immunités de Kabila étaient levées, les risques de déstabilisation, bien réels, ne sont pas insurmontables. Les craintes d’une mobilisation de ses partisans, notamment dans le Katanga, ou d’une escalade des tensions avec le Rwanda, doivent être tempérées par une gestion judiciaire transparente. « Une procédure bien encadrée, avec des preuves solides et une communication claire, peut limiter les réactions négatives », estime Nadine Lema, professeure de droit public à l’Université de Lubumbashi. Une enquête ciblée, évitant les apparences de règlement de comptes politiques, pourrait même renforcer la crédibilité des institutions congolaises.

La levée des immunités, si elle aboutit à des poursuites, enverrait un message puissant : personne n’est au-dessus des lois, pas même un ancien chef d’État. « C’est une question de principe », insiste Me Mukendi. « Si la RDC veut bâtir un État de droit, elle doit montrer que les puissants répondent de leurs actes, sans exception. » Des précédents, comme les poursuites contre des anciens ministres sous Tshisekedi, montrent que des actions judiciaires ciblées peuvent être menées sans provoquer un chaos généralisé.

Une justice sous pression

Le droit pénal congolais, avec ses articles rigoureux et son intégration des normes internationales, est une épée de Damoclès suspendue au-dessus de Kabila. Les accusations portées par le ministre de la Justice, combinées aux révélations des médias et aux indices indirects, forment un tableau préoccupant. Pourtant, transformer ces soupçons en condamnations nécessite de surmonter des obstacles majeurs : lever les immunités, rassembler des preuves solides, et naviguer dans un climat politique explosif. Si la justice congolaise parvient à relever ce défi, elle pourrait marquer un tournant historique, prouvant que même les ombres du passé ne peuvent échapper à la lumière de la loi.

Le Sénat : gardien ou juge des immunités ?

Le règlement intérieur du Sénat, mis à jour pour la législature 2024-2028, détaille la procédure de levée d’immunité dans son article 218. Lorsqu’une demande est formulée, le bureau du Sénat constitue une commission spéciale pour examiner les faits. Le sénateur concerné, en l’occurrence Kabila, est auditionné et peut être assisté par un avocat ou deux collègues. La commission soumet ses conclusions à l’assemblée plénière, qui délibère à huis clos, limitant les interventions aux rapporteurs et aux parties concernées. Hors session, le bureau décide après avoir entendu le procureur général et le sénateur visé.

Ce processus, bien que formel, est éminemment politique. « Le Sénat est un espace de compromis, pas un tribunal », note un diplomate européen basé à Kinshasa. La suspension des activités du PPRD, parti de Kabila, en mars 2025, pour des liens avec le M23, pourrait toutefois influencer les dynamiques internes du Sénat.

Un pays au bord du gouffre : le contexte politique et sécuritaire

En 2025, la RDC est un volcan prêt à entrer en éruption. L’Est du pays, notamment le Nord-Kivu et le Sud-Kivu, est ravagé par les conflits. Le M23, soutenu par le Rwanda, a intensifié ses offensives. Selon le plan de réponse de l’OIM (Organisation internationale de migrations) pour 2025, 6,9 millions de Congolais sont déplacés, dont 5,5 millions dans l’Est, avec des besoins humanitaires estimés à 3,4 milliards de dollars. Les obstacles bureaucratiques et l’insécurité entravent l’aide, tandis que les tensions entre Kinshasa et Kigali aggravent la crise.

Politiquement, Félix Tshisekedi, réélu haut la main en 2023, mène une lutte pour la souveraineté et la réunification du pays. Son alliance avec des partis comme le MLC, l’UNC, l’AFDC-A, ainsi que d’autres formations issues de dissidences du FCC, reflète une coalition solide. Les accusations portées contre Joseph Kabila, relayées notamment par Jean-Pierre Bemba, s’inscrivent dans un climat de rivalités croissantes. « C’est une stratégie risquée », analyse Delly Sesanga, président du parti Envol. « Accuser Kabila peut galvaniser l’opposition à Tshisekedi, mais aussi radicaliser ses partisans, surtout dans l’Est. »

 Mais pour Patrick Rafiki, habitant de Bunia, en Ituri, la réalité est tout autre : « C’est exactement l’inverse. Les populations de l’Est, premières victimes des violences orchestrées par le régime de Paul Kagame, ne peuvent soutenir un candidat perçu comme proche du Rwanda, ou soupçonné de complicité avec Kigali. C’est d’ailleurs ce qui a nui à Moïse Katumbi lors de la dernière présidentielle : son refus de dénoncer explicitement le rôle du Rwanda dans la rébellion du M23 a été très mal perçu. Cela explique en partie son faible score au Nord-Kivu, au Sud-Kivu et en Ituri. »

Leçons du passé : anciens chefs d’État face à la justice

À travers le monde, d’autres anciens chefs d’État ont vu leurs immunités levées, offrant des leçons pour la RDC. Au Soudan, Omar el-Béchir, renversé en 2019, a été poursuivi par la CPI pour génocide et crimes de guerre. Sa chute a précipité une transition chaotique, marquée par des luttes entre factions militaires. En Afrique du Sud, Jacob Zuma, accusé de corruption dans l’affaire des commissions Zondo, a été emprisonné en 2021 après avoir été poussé à la démission par son parti de l’époque, le Congrès national africain (ANC). Cette décision a renforcé l’état de droit, mais provoqué des émeutes meurtrières, révélant les divisions au sein de l’ANC.

En Côte d’Ivoire, Laurent Gbagbo, poursuivi par la CPI pour crimes contre l’humanité, a été acquitté en 2019, mais son procès a exacerbé les tensions internes et alimenté les critiques contre la justice internationale. Au Tchad, Hissène Habré, jugé par un tribunal spécial au Sénégal, est devenu un symbole de la justice africaine, bien que son impact local soit resté limité. En France, Nicolas Sarkozy, condamné pour corruption en 2021, illustre que même dans des démocraties établies, les anciens dirigeants peuvent être tenus responsables, sans pour autant déstabiliser les institutions. « Si cela a été possible ailleurs, pourquoi ne le serait-ce pas en RDC ? » interroge Clément Mbala, un militant pour les droits de l’homme à Kinshasa.
« Les exemples de la Côte d’Ivoire, du Tchad ou de la France montrent que même les anciens dirigeants peuvent être tenus responsables de leurs actes. La RDC ne doit pas craindre de s’engager dans cette voie, à condition que les preuves soient irréfutables. Au contraire, cela pourrait renforcer la crédibilité de notre système judiciaire et envoyer un message fort contre l’impunité. La déstabilisation n’est pas une fatalité si le processus est mené de manière transparente et équitable. »

Ces cas montrent que poursuivre un ancien chef d’État est un exercice d’équilibre. « La justice peut renforcer la légitimité d’un État, mais elle doit être perçue comme impartiale », observe Aïssatou Diallo, analyste à l’Institut d’études de sécurité de Pretoria.

Scénarios pour l’avenir : entre justice et stabilité

Plusieurs chemins s’offrent à la RDC dans l’affaire Kabila, chacun avec ses promesses et ses périls. Le premier scénario est le statu quo : le Sénat refuse de lever les immunités, par manque de consensus ou pour éviter de potentiels  troubles. Cela préserverait une stabilité précaire, mais alimenterait les accusations d’impunité, sapant la confiance dans les institutions. « Ne rien faire, c’est aussi un choix politique », prévient Nadine Lema.

Un deuxième scénario verrait les immunités levées, suivies de poursuites pour corruption ou complicité avec des groupes armés. Si des preuves solides sont présentées, cela pourrait marquer un tournant pour l’État de droit. Mais les partisans de Kabila, influents dans certaines régions, pourraient riposter, exacerbant les tensions. « Une poursuite mal gérée sans suffisamment de preuves pourrait rallumer des conflits dormants », craint un diplomate à Kinshasa.

Un troisième scénario impliquerait une saisine de la CPI, notamment si des crimes internationaux sont établis. Cela contournerait les obstacles nationaux, mais nécessiterait une coopération internationale complexe. Enfin, un compromis politique pourrait émerger : des négociations permettant à Kabila de bénéficier d’une sortie honorable avec la récupération de ses biens visés par une saisine, peut-être en échange d’un engagement à ne pas soutenir des puissances étrangères derrière le M23. Ce scénario privilégierait la stabilité, mais au prix de concessions sur la justice, un choix controversé dans un pays où l’impunité reste un fléau.

Un tournant pour la RDC

La question des immunités de Joseph Kabila va au-delà d’un simple débat juridique : elle reflète les défis profonds auxquels la RDC est confrontée. Dans un pays marqué par des décennies de conflits, de corruption et de fragilité institutionnelle, chaque décision porte des répercussions majeures. Lever ses immunités pourrait constituer un précédent historique dans la lutte contre l’impunité, mais au risque d’exacerber des tensions latentes. Maintenir le statu quo, en revanche, pourrait apaiser les esprits à court terme, mais au prix d’une érosion de la confiance dans l’État et d’un sentiment d’impunité à certains niveaux, compromettant ainsi l’État de droit prôné par Tshisekedi.

Alors que la RDC navigue entre ces écueils, le sort de Kabila reste incertain. Comme le souligne Delly Sesanga, « ce n’est pas seulement l’avenir d’un homme qui est en jeu, mais celui d’un pays qui cherche encore sa voie ». Dans ce jeu d’équilibre, la prudence et la transparence seront essentielles pour que justice et paix, si souvent opposées, puissent enfin se rejoindre.

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Sous pression de la Présidence : Daniel Bumba sur un siège éjectable ?

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La gestion financière du gouverneur de la ville-province de Kinshasa est minutieusement examinée. Le vice-Premier ministre et ministre de l’Intérieur, Jacquemain Shabani, a lancé une mission de contrôle portant sur la gestion des ressources financières sous la responsabilité du gouverneur Daniel Bumba depuis 2014 jusqu’à aujourd’hui. Parallèlement, la Présidence de la République, par l’intermédiaire de son directeur de cabinet, a mis en place une autre mission chargée d’auditer la gestion des fonds d’assainissement de Kinshasa (FOSAK). Cependant, l’initiative du ministère de l’Intérieur alimente interrogations, attentes et débats au sein de la classe politique comme dans l’opinion publique. Cette mission aboutira-t-elle à l’éviction du gouverneur ? Voilà la grande question.

Dans un document signé le 24 novembre 2025, le directeur de cabinet du chef de l’État, Anthony Nkinzo, a ordonné une mission d’évaluation « circonstanciée » des opérations du Fonds d’assainissement (FONAK) de Kinshasa. Cette enquête, menée par quatre membres du cabinet présidentiel, se déroule du 27 au 28 novembre 2025. Cette action de la Présidence coïncide avec une autre mission de contrôle lancée le 13 novembre 2025 par le vice-Premier ministre et ministre de l’Intérieur, Jacquemain Shabani, pour superviser la gestion des ressources financières de la capitale par le gouverneur Daniel Bumba.

Dans une lettre adressée au gouverneur, Jacquemain Shabani informe qu’une mission de contrôle composée de l’Inspection Générale de la Territorialité, en collaboration avec les experts du Secrétariat Général aux Finances et de la Direction générale de la trésorerie et de la comptabilité publique (DGTCP), placée sous la supervision de son cabinet, a été mise en place. « Cette mission a pour objet d’effectuer un contrôle approfondi de la gestion des ressources financières de la ville de Kinshasa, notamment les modalités de perception et d’affectation de ces ressources pour la période allant de 2024 à aujourd’hui », précise Jacquemain Shabani.

Les enquêteurs examinent particulièrement les dépenses relatives aux travaux d’infrastructures, à la gestion urbaine, à la passation des marchés publics ainsi qu’à la conduite des projets d’infrastructure. Parallèlement, la Présidence de la République a dépêché une équipe distincte pour auditer la gestion du Fonds d’assainissement de Kinshasa (FOSAK), un dispositif financier destiné à soutenir les opérations de nettoyage, de drainage et l’amélioration du cadre de vie des habitants. Cette démarche illustre la volonté de la haute hiérarchie étatique d’exercer un contrôle strict sur l’usage des fonds dédiés à l’assainissement, secteur clé pour la santé publique.

Des contrôles révélant les carences de l’Assemblée provinciale

Le Parlement de Kinshasa, chargé de contrôler l’action du gouvernement provincial, peine pourtant à jouer pleinement son rôle. Entre interpellations timides, commissions peu offensives et absence de suivi rigoureux, le contrôle parlementaire de l’Assemblée provinciale se montre faible, ce qui explique l’intervention de la Présidence et du ministère de l’Intérieur.

Théoriquement, l’Assemblée provinciale de Kinshasa jouit de prérogatives étendues pour surveiller la gestion du gouvernorat et évaluer la mise en œuvre des politiques publiques. Questions orales, interpellations, enquêtes et auditions parlementaires sont autant d’outils censés garantir la redevabilité des autorités provinciales.

Dans les faits, ces mécanismes sont rarement exploités efficacement. De nombreux analystes soulignent une tendance à la complaisance des députés provinciaux envers l’exécutif. Les sessions de contrôle sont souvent perçues comme formelles, sans véritables conséquences contraignantes, et les rapports issus des commissions aboutissent rarement à des sanctions ou mesures correctives. Cette situation engendre un sentiment d’impunité autour du gouverneur et de son équipe, fragilisant ainsi la démocratie locale. « Bien souvent, les contrôles parlementaires ne servent qu’à régler des comptes entre l’Assemblée et le gouverneur, plutôt qu’à exercer un vrai contrôle de gestion », commente un analyste politique.

Controverses autour de la légitimité du contrôle du ministère de l’Intérieur

Malgré les faiblesses de l’Assemblée provinciale, certains déplorent l’initiative du ministère de l’Intérieur, estimant que ce dernier n’a pas la compétence légale pour contrôler la gestion du gouverneur. « En RDC, la surprise est constante. Comment le vice-Premier ministre et ministre de l’Intérieur peut-il se permettre d’auditer les finances de la ville de Kinshasa ? Quelle loi lui confère ce pouvoir ? », s’interroge Jean-Claude Katende, président de l’Association africaine de défense des droits de l’homme (ASADHO). Ce représentant de la société civile considère que Jacquemain Shabani n’a aucun droit légal en la matière. « S’il s’inquiète de la gestion financière de la ville, il devrait saisir l’Inspection Générale des Finances (IGF) ou la Cour des comptes, organismes mandatés par la Constitution. Qui conseille le ministre de l’Intérieur ? Pourquoi l’a-t-on laissé commettre une erreur aussi grave ? », s’interroge-t-il. Pour lui, le gouvernement de la ville de Kinshasa devrait opposer un refus ferme à cette intervention.

Daniel Bumba face à une possible éviction

Cette double enquête suscite des spéculations sur une possible éviction du gouverneur Daniel Bumba. Entre manœuvres politiques, pressions institutionnelles et critiques liées à sa gestion, la question de son départ agite la classe politique et l’opinion kinoises. Une éviction ne pourrait toutefois intervenir sans passer par l’Assemblée provinciale. Gouverneur issu de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), Daniel Bumba semble peiner à répondre aux attentes du parti au pouvoir, un an après son investiture.

Depuis son arrivée, aucun programme clair n’a émergé pour améliorer la salubrité de la ville. Kinshasa étouffe sous les déchets qui, à chaque pluie, bloquent l’évacuation des eaux. Les routes secondaires sont jonchées de nids-de-poule. La capitale vit au rythme d’embouteillages monstrueux, où la circulation vire quotidiennement au chaos. Pour inverser cette tendance, le gouvernement central a lancé fin 2023 un vaste programme de réhabilitation des voiries secondaires. L’objectif est de réhabiliter plus de 200 kilomètres de routes dans les 24 communes, désenclaver les quartiers populaires et fluidifier une circulation étouffée. « Sur les deux priorités majeures, voirie et gestion des déchets, le gouvernement central s’est engagé à moderniser intégralement les routes urbaines. Sous la coordination de la Première ministre, tous ces projets sont financés via le ministère des Finances afin d’améliorer la mobilité urbaine et de créer les conditions d’une croissance durable », expliquait le ministre des Finances, Doudou Fwamba. La majorité des nouvelles voiries sont bâties en béton, dites « chaussées rigides », plus coûteuses à construire mais offrant une durée de vie nettement supérieure à l’asphalte : jusqu’à trente ans, contre dix à quinze ans pour une route bitumée. Pourtant, nombreux sont les chantiers qui piétinent alors que le ministre affirmait qu’ils étaient « entièrement » financés par le pouvoir central.

Pour le député national Aaron Bimwala, la gestion de Daniel Bumba n’a pas répondu aux attentes des Kinois, et il appelle à en tirer les conséquences. « Soyons réalistes : après deux ans, la politique menée à la tête de la ville n’a pas répondu aux urgences et attentes des habitants. Il est temps d’en tirer toutes les conclusions et d’ouvrir une nouvelle voie », déclare-t-il.

Face à ces contrôles, Daniel Bumba adopte une posture mêlant ouverture et contestation tacite, invoquant la loi sur la libre administration des provinces et entités territoriales décentralisées pour répondre à Jacquemain Shabani. Pour certains analystes, cette double mission s’inscrit dans une dynamique visant à restaurer la confiance entre les autorités kinoises et la population, souvent confrontée aux défaillances des services publics.

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Du Budget au Perchoir : le parcours insoupçonné de Boji Sangara

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Économiste de formation britannique, réservé mais d’une méthode implacable, Aimé Boji Sangara a gravi les échelons de la politique congolaise loin des projecteurs et des coups d’éclat. Son élection à la présidence de l’Assemblée nationale marque le couronnement d’un parcours où rigueur académique, loyauté stratégique et sens aigu du détail ont façonné un personnage rarement bruyant, mais dont l’influence est désormais centrale. Portrait d’un homme qui, loin de l’ostentation, privilégie l’efficacité structurelle et le travail de fond.

Le jour de son élection, le 13 novembre 2025, Aimé Boji Sangara n’a pas cédé à l’euphorie. Là où d’autres auraient levé les bras en signe de triomphe, il s’est simplement avancé vers le pupitre. Il affichait une concentration presque austère, révélant plus l’homme d’État mesuré que le vainqueur exubérant. Chez lui, la retenue n’est pas un artifice tactique : elle est l’expression profonde d’un trait de caractère qui est devenu sa marque de fabrique dans l’arène politique.

Lors de son discours d’investiture à la tête de la chambre basse, Boji a immédiatement cherché à rassurer et à projeter une image de réformateur pragmatique. Il a promis de transformer l’institution parlementaire en « un parlement plus fort, plus crédible et plus proche du peuple », des objectifs qui nécessiteront une refonte interne des méthodes de travail et une collaboration renforcée, mais équilibrée, avec les autres institutions républicaines. Il a ainsi posé d’emblée les bases d’un mandat axé sur la rationalisation de l’action législative.

L’héritage politique du Kivu et l’exil académique

Né en 1968 dans le territoire de Walungu, au Sud-Kivu, Aimé Boji a été bercé par l’atmosphère du service public et de la politique. Son père, Dieudonné Boji, fut une figure respectée, notamment en tant que gouverneur du Kivu avant son éclatement en plusieurs provinces. Cette immersion précoce dans le sérail du pouvoir, loin d’engendrer une ambition politique prématurée, l’a plutôt orienté vers l’exigence de la méthode. Il s’est d’abord passionné pour la discipline des chiffres et la logique du raisonnement structuré. Après un diplôme de math-physique obtenu à Bukavu, il choisit de s’éloigner du tumulte national et de l’héritage familial pour poursuivre sa formation au Royaume-Uni.

Son voyage académique le mène d’abord à Oxford Brookes, puis à l’éminente Université d’East Anglia. Ces années passées outre-manche sont décisives. Il y acquiert non seulement un master en économie du développement, mais aussi un rapport au travail singulier : un culte de la méthode, de la recherche approfondie et de la gestion publique axée sur les résultats. Il s’engage ensuite dans des projets académiques et associatifs à Londres, se forgeant une réputation de professionnel sérieux, dont la rigueur et la précision, presque obsessionnelle, sont incontestables. Ces fondations jetées loin de Kinshasa expliquent sans doute sa capacité à rester serein et analytique face aux turbulences politiques.

Le technocrate au cœur de l’État

Lorsque Boji revient au pays au milieu des années 2000, c’est avec la conviction que son expertise doit servir l’appareil d’État. Élu député national en 2006, il est réélu sans discontinuer à chaque cycle électoral jusqu’à celui de 2023, faisant de son mandat parlementaire le socle de sa carrière.

Cependant, c’est au sein de l’Exécutif qu’il va véritablement affirmer son profil de technocrate fiable. Ses passages successifs aux portefeuilles du Commerce extérieur, du Budget et de l’Industrie sont remarqués par leur sérieux. Chaque nomination renforce l’image d’un homme capable d’écouter, d’analyser et de produire des résultats concrets, souvent mieux préparé sur le fond des dossiers que la moyenne de ses homologues.

Son mandat de quatre ans comme ministre du Budget est particulièrement éclairant. Il lui a permis d’acquérir une compréhension microscopique du fonctionnement de l’État, des rouages de la gestion des finances publiques et des impératifs de la transparence budgétaire. Malgré son passage prolongé au gouvernement, il n’a jamais renié ses années de parlementaire. « J’ai eu le privilège de siéger 13 ans durant dans cet hémicycle », a-t-il rappelé aux députés, soulignant qu’il y a appris la « noblesse du débat démocratique » et la valeur inestimable du consensus. Boji compte bien s’appuyer sur cette expérience bicéphale pour régénérer l’Assemblée. Il a clairement affiché sa volonté de replacer le député au centre de l’action parlementaire en privilégiant le travail de terrain et la proximité avec les réalités locales. Il souhaite notamment exploiter de manière plus systématique les rapports issus des vacances parlementaires pour identifier les besoins réels des circonscriptions et proposer au gouvernement des projets d’urgence concrets à financer en faveur des populations.

L’ascension stratégique : l’ancre de Tshisekedi

Dans un environnement politique souvent dominé par la théâtralité, les joutes oratoires et l’agitation, Boji incarne une forme de politique posée, presque administrativement efficace, qui tranche singulièrement. Ses collaborateurs le décrivent comme un homme qui « travaille en silence ». Le député Michel Moto, son camarade du parti politique Union pour la nation congolaise (UNC), le dépeint comme « un homme posé, conciliant et surtout un homme de dialogue », soulignant la dimension consensuelle de son leadership. Même ses détracteurs, en coulisse, concèdent volontiers qu’il « ne fait pas de vagues, mais il avance avec une détermination tranquille et méthodologique ».

Lorsque l’Union Sacrée de la Nation (USN) le désigne candidat au perchoir en septembre 2025, le choix n’est pas perçu comme audacieux, mais comme éminemment stratégique. Certains observateurs y voient un geste de prudence visant à installer une figure non clivante capable de gérer les dossiers techniques. D’autres y lisent une manœuvre pour stabiliser une institution qui a connu des périodes de crises internes et de vives tensions. Fidèle à lui-même, Boji mène sa campagne loin de l’agitation : il consulte, écoute, prend des notes méticuleuses et propose un programme centré sur la modernisation de l’institution. Son score, 413 voix sur les 423 votants, est un plébiscite qui témoigne de sa capacité à rallier un large consensus au-delà des chapelles politiques.

Un secret de polichinelle : la loyauté au Président

Le rapprochement entre Aimé Boji et le chef de l’État, Félix Tshisekedi, est l’élément fondamental qui explique cette ascension. Longtemps discret, il est devenu un secret de polichinelle au lendemain de sa démission du ministère de l’Industrie pour se présenter au Perchoir.

Un politologue souligne l’évidence de la stratégie : « Personne ne risque de quitter un portefeuille ministériel, surtout d’État, s’il n’a pas la certitude absolue d’avoir le soutien total du chef de l’État pour le Perchoir. Le fait qu’il ait quitté ses fonctions était le signe irréfutable de l’aval présidentiel. » Boji est l’homme clé chargé de garantir la cohésion et la productivité du pouvoir législatif au service de la vision présidentielle. Cette nouvelle proximité a d’ailleurs éclipsé l’influence de son mentor politique historique, Vital Kamerhe (VK), chef de l’UNC. Pressenti pour succéder à VK qui avait démissionné du Perchoir, Boji a réussi, depuis 2019, à gagner la confiance durable de Félix Tshisekedi, se positionnant comme un pilier fiable et loyal au sein de l’USN, essentiel à la matérialisation des ambitions de la majorité.

Des dossiers explosifs et un leadership à affirmer

Aimé Boji arrive à la tête de l’Assemblée nationale à un moment charnière. Les défis qui l’attendent sont considérables :

Il devra d’abord œuvrer en étroite collaboration avec l’Exécutif pour soutenir les efforts visant au rétablissement urgent de la paix et de la sécurité dans l’Est du pays. C’est la priorité nationale absolue qui pèsera sur tous les travaux législatifs. Au-delà, l’examen du budget 2026 est un travail technique colossal qui attend immédiatement la chambre basse pour garantir un budget réaliste, social et transparent, conforme aux promesses de l’Union Sacrée.

Enfin, un dossier potentiellement explosif pourrait faire un retour remarqué dans le débat parlementaire : la modification ou le changement de la Constitution. Dans son premier discours, Boji a déjà fixé un cap, sans éclats, mais avec une conviction de fer : moderniser l’institution et renforcer le dialogue constructif avec l’Exécutif. S’il réussit à créer un environnement de travail serein et à mettre les députés à l’aise par son style non conflictuel, un projet sensible comme celui de la révision constitutionnelle pourrait être abordé au sein de l’Union Sacrée avec moins de friction et plus de consensus technique.

En attendant, l’homme a fait des promesses sobres, presque techniciennes, mais parfaitement cohérentes avec sa personnalité. Aimé Boji n’est pas de ceux qui cherchent la lumière. Pourtant, le voici propulsé au cœur battant de la scène politique congolaise. Son défi majeur sera d’imposer son style : calme, méthodique, et parfois déroutant de discrétion, mais d’une efficacité que l’on dit redoutable. Reste à savoir si cette ascension tranquille saura se transformer en un leadership audacieux et assumé face aux enjeux colossaux qui attendent la République. Le Congo, lui, n’attend que de voir.

Heshima

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RDC : Les forces et les faiblesses de l’Accord-cadre signé entre Kinshasa et l’AFC/M23 à Doha

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Réunis sous l’égide du Qatar, le gouvernement de la République démocratique du Congo (RDC) et les représentants de l’Alliance Fleuve Congo/Mouvement du 23 mars (AFC-M23) ont signé le 15 novembre 2025 un Accord-cadre inédit visant à ouvrir la voie à un cessez-le-feu durable dans l’est du pays. Ce texte, qualifié de « première étape décisive » par les médiateurs, doit maintenant être suivi de discussions techniques sur la démobilisation et le retrait des combattants. Heshima Magazine explore les différents points de ces protocoles.

Après plusieurs sessions de discussions sans issue, les autorités congolaises et les rebelles de l’AFC/M23 ont finalement franchi une nouvelle étape dans le processus de paix que pilote le Qatar depuis le mois de mars. Cet Accord-cadre comporte 8 protocoles qui déterminent les matières à traiter et les modalités de leur mise en œuvre afin d’aboutir à un accord de paix définitif. Heshima Magazine explore chaque engagement souscrit par les parties dans cet accord-cadre.

Échange de prisonniers sous supervision internationale

Bien que toutes les négociations impliquent des concessions de la part des parties, l’engagement sur l’échange des prisonniers est délicat pour le gouvernement. La plus grande préoccupation sur ce point réside dans la nature des prisonniers à échanger. Si le gouvernement peut s’attendre à la libération des militaires arrêtés par la rébellion lors des combats, l’AFC/M23, de son côté, pourrait élargir la liste à des individus auteurs de crimes graves. Certaines sources évoquaient même des personnalités comme le député Edouard Mwangachuchu, condamné notamment pour détention d’armes à feu. Pour le gouvernement, il est hors de question que tous les individus soient libérés dans ce cadre. « Nous allons nous assurer qu’on applique les critères d’exclusion sur des personnes soupçonnées d’avoir commis des crimes graves selon le droit international », avait déclaré le nouveau ministre de la Justice, Guillaume Ngefa.

En septembre, Kinshasa et l’AFC/M23 ont signé ce « mécanisme d’échange de prisonniers ». Dans le cadre de ce dispositif, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) jouera le rôle d’intermédiaire neutre pour l’identification, la vérification et la libération sécurisée des détenus des deux camps. Le mouvement rebelle évoque environ 700 personnes arrêtées par Kinshasa. La mise en œuvre du mécanisme implique l’établissement et la certification des listes de prisonniers, avec l’aval de toutes les parties.

Si l’AFC/M23 s’attend à des têtes couronnées telles que Éric Nkuba alias Malembe, arrêté en Tanzanie puis condamné à mort à Kinshasa notamment pour participation à un mouvement insurrectionnel, le gouvernement, quant à lui, s’attend à la libération d’environ 1500 militaires congolais capturés et envoyés par la rébellion en janvier et février derniers au camp militaire de Rumangabo pour un « reconditionnement ». Même si plus d’une centaine d’entre eux ont réussi à s’échapper des mains de la rébellion, certains restent encore captifs. D’autres combattants cantonnés au quartier général de la MONUSCO avaient déjà été transférés de Goma à Kinshasa en avril grâce à la médiation du CICR. Sur ce point de libération des prisonniers, il reste à savoir si le gouvernement s’en tiendra toujours à son caractère « rigoureux » dans le choix des prisonniers à libérer en faveur de l’AFC/M23.

Mise en place d’un mécanisme conjoint de surveillance du cessez-le-feu

Depuis le 14 octobre, le gouvernement congolais et les rebelles de l’AFC-M23 ont signé ce « mécanisme de surveillance et de vérification du cessez-le-feu » dans les provinces du Nord et du Sud-Kivu. Ce mécanisme institue un comité constitué d’un nombre égal de représentants du gouvernement congolais et de l’AFC/M23 afin d’enquêter sur les violations signalées. Les membres de ce comité devraient se réunir à la demande de l’une des deux parties en cas de violations signalées. Le Qatar, les États-Unis et l’Union africaine pourront y prendre part en tant qu’observateurs et la MONUSCO lui fournira un appui logistique. La première réunion du comité était censée se tenir dans les sept jours suivant son institution.

Lors de la signature de cet engagement, Doha avait qualifié la mise en œuvre de ce comité de suivi d’« étape cruciale vers le renforcement de la confiance et la conclusion d’un accord de paix global ». De son côté, le porte-parole du M23, Lawrence Kanyuka, avait salué sur le réseau social X « une avancée significative ». Mais sur le terrain, ce mécanisme a accusé des faiblesses. Les deux camps ont continué à s’affronter sans que le mécanisme de surveillance et de vérification du cessez-le-feu ne puisse s’activer. Par communiqué interposé, les deux camps s’accusent mutuellement de violation de ce cessez-le-feu. Tant que l’accord global n’aura pas intervenu, ce mécanisme – sans la bonne foi des parties – aurait du mal à fonctionner.

Restauration progressive de l’autorité de l’État dans les zones occupées

Ce point, qui figure dans l’Accord-cadre qui vient d’être signé, reste le plus difficile à digérer pour les rebelles de l’AFC/M23. Au début des discussions à Doha, cette rébellion voulait obtenir la gestion des zones conquises en collaboration avec le gouvernement à Kinshasa. Une option qui était dénoncée par l’opinion publique, la percevant comme une balkanisation du pays. La restauration de l’autorité de l’État, l’un des points clés de divergence dans les discussions, passe pour un arrêt de mort pour l’AFC/M23 dont l’avenir post-occupation n’est toujours pas décidé à Doha. Sur la question de la restauration de l’autorité de l’État, la Déclaration de principes signée entre les deux parties en juillet dernier notait que cette restauration de l’autorité de l’État allait constituer une conséquence logique du règlement « des causes profondes » du conflit. L’accord de paix global attendu devra préciser les modalités et le calendrier de cette restauration sur l’ensemble du territoire national.

Retour sécurisé et volontaire des réfugiés et déplacés

C’est l’un des sept points de la Déclaration de principe publiée le 19 juillet. Il a été également repris dans l’Accord-cadre du 15 novembre 2025. Les deux parties s’engagent à faciliter le retour sûr, volontaire et digne des réfugiés et des personnes déplacées vers leurs zones ou pays d’origine. Mais combien sont-ils de part et d’autre de la frontière entre la RDC et le Rwanda ? Ce retour, qui doit se faire en conformité avec le droit humanitaire international et dans le cadre des mécanismes tripartites associant la RDC, les pays d’accueil et le HCR, pourrait aussi constituer l’un des problèmes dans la mise en œuvre de l’accord final. Ce sujet est aussi l’un des points les plus sensibles. Le retour des réfugiés congolais fait partie des revendications historiques du M23, déjà présentes dans l’accord de paix signé en 2009 entre Kinshasa et le Congrès national pour la défense du peuple (CNDP), l’ancêtre du mouvement actuel. Problème : qui est Congolais et qui ne l’est pas ? Ces réfugiés, défendus bec et ongle par le M23, sont-ils en nombre conséquent ? Sur ce point, il faut d’abord régler la question des chiffres. Selon les dernières estimations avancées par RFI, le Rwanda accueille près de 137 000 réfugiés, principalement en provenance de la RDC et du Burundi. D’après le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), environ 80 000 Congolais vivraient aujourd’hui au Rwanda. Mais pour Kinshasa, le problème reste l’identification : les autorités congolaises affirment ne pas connaître avec précision ni le nombre, ni l’identité de ces réfugiés. Pour le gouvernement congolais, on ne peut pas rapatrier des réfugiés dans une zone encore en conflit ou sous contrôle des rebelles du M23. Le gouvernement voudrait avoir le pouvoir nécessaire de contrôler l’identité de ceux qui veulent revenir au pays. Le vice-premier ministre, ministre de l’Intérieur et Sécurité, Jacquemain Shabani, alertait déjà sur une « transplantation » des populations venues d’ailleurs dans les zones contrôlées par les rebelles du M23.

Ce sujet fait craindre au gouvernement et à l’opinion l’arrivée d’une population compacte qui pourrait, un jour, exiger l’autonomie d’une des régions congolaises. Ainsi donc, Kinshasa insiste : le retour des réfugiés dans les zones aujourd’hui sous administration du M23 ne pourra avoir lieu qu’après le cessez-le-feu, la restauration de l’autorité de l’État et la vérification de la nationalité des candidats au retour. Autrement dit, cette question est loin d’être close. Elle pose aussi d’autres défis : quand ces réfugiés rentreront-ils ? Et où seront-ils installés ? Car il y a parmi eux des individus qui n’ont jamais mis les pieds en RDC. Des questions qui montrent, selon plusieurs experts, qu’il ne suffit pas de régler le volet sécuritaire, il faut un accord global, incluant aussi les aspects sociaux, fonciers et économiques. Les populations congolaises qui avaient fui l’arrivée du M23 dans leur zone avaient trouvé à leur retour des occupants venus d’ailleurs installés dans leurs maisons, cultivant également leurs champs.

Mesures de confiance

Ce point implique entre autres la communication entre parties, la fin de la propagande « haineuse » selon l’AFC/M23 et les libérations des prisonniers. Sur ce point, paradoxalement, rien ne rassure au regard des premières communications faites après la signature de cet Accord-cadre à Doha. « Cet accord ne comporte aucune clause contraignante », déclare Benjamin Mbonimpa, chef de la délégation de l’AFC/M23. Une communication qui annonce déjà que tout peut basculer à n’importe quel moment. « Il n’y a rien qui va changer sur le terrain », estime Bob Kabamba. Selon lui, il y a eu deux signatures qui n’ont pas produit des résultats sur le terrain. « Il faut s’inquiéter pour la suite car les deux parties se sont réarmées, elles se sont réorganisées », a-t-il expliqué, soulignant la mise en place par le M23 d’une administration parallèle qui fonctionne comme un État.

La relance économique et les services sociaux

Ce point du protocole de l’Accord-cadre est étroitement lié à la restauration de l’autorité de l’État. Un point qui reste parmi les plus difficiles à obtenir à Doha. Les rebelles ne veulent pas encore céder les zones sous leur contrôle sans connaître au préalable leur avenir politique et sécuritaire.

La justice, la vérité et la réconciliation

Alors que les combats se poursuivent dans l’Est du pays, Kinshasa et les rebelles laissent entrevoir, malgré des positions opposées, quelques signaux de réconciliation. Mais la méfiance reste profonde, et les conditions d’une véritable réconciliation demeurent toujours fragiles. La part de la justice dans cette démarche est essentielle pour ne pas laisser les bourreaux côtoyer les victimes. Cette réconciliation entre le gouvernement congolais et les rebelles AFC/M23 n’est pas impossible ; elle est simplement suspendue à une constellation de facteurs politiques, militaires et diplomatiques encore instables. Dans un conflit où chaque camp cherche une position de force, la paix reste pour l’instant un horizon plus qu’une réalité, mais un horizon que beaucoup, épuisés par des années de guerre, espèrent voir enfin se rapprocher.

Élaboration d’une feuille de route vers un accord de paix global

L’Accord-cadre de Doha fixe les bases d’un processus destiné à mettre fin aux hostilités, à rétablir l’autorité de l’État et à consolider la stabilité nationale. Il réaffirme la détermination du Gouvernement à placer la paix, la sécurité et la dignité du peuple congolais au centre de son action. C’est dans ce cadre que la protection des populations civiles, en particulier les femmes, les enfants et les personnes déplacées internes, demeure une priorité. Les protocoles qui découleront de cet Accord-cadre permettront notamment de sécuriser les corridors humanitaires, de faciliter l’accès des organisations humanitaires, et d’engager des actions urgentes pour répondre aux besoins essentiels des communautés affectées.

De son côté, le gouvernement précise que les six protocoles, en dehors de ceux relatifs au Mécanisme de libération des prisonniers ainsi qu’au Mécanisme de surveillance et de vérification du cessez-le-feu, feront l’objet de discussions deux semaines après la signature de l’Accord-cadre. Il s’agira de préciser les modalités techniques, les calendriers d’exécution et les engagements respectifs des parties. Dans le communiqué du gouvernement, Kinshasa note qu’aucun statu quo n’est compatible avec cet objectif de paix : le processus engagé vise à créer, dans les plus brefs délais, les conditions d’un changement réel et mesurable pour les populations affectées. Les deux prochaines semaines vont permettre de percevoir les nouveaux efforts entre les deux parties.

Heshima

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