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RDC : Tshisekedi inventorie ses mines, avant un possible deal américain
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La redaction
En République démocratique du Congo (RDC), le gouvernement est en passe de faire un bilan de ses actifs miniers dans le pays. En prélude à un accord avec Washington, Kinshasa semble vouloir évaluer ce qu’elle a en main avant la signature de ce deal. Le 30 mai 2025, le chef de l’Etat, Félix Tshisekedi, a ordonné un « audit systématique » de ces ressources alors que le ministre des Finances a récemment accusé l’ancien président de la République, Joseph Kabila, d’avoir cédé « à vil prix » des actifs miniers pour des « intérêts privés ».
Les ministres des Mines, des Finances et du Portefeuille vont mettre en place une commission ad hoc chargée de préparer le lancement d’un audit « systématique » des actifs miniers relevant de la participation de l’Etat, d’après le compte-rendu du 45ème Conseil des ministres. Cette commission devra auditer et ensuite proposer des mesures correctives de la gestion du gouvernement dans ce secteur. Félix Tshisekedi avait demandé cet audit depuis 3 ans mais les résultats n’étaient toujours pas disponibles. Concrètement, le chef de l’Etat congolais veut savoir la représentation des pouvoirs publics dans le secteur minier, soit les actifs de l’Etat dans les différentes mines afin d’évaluer la « gouvernance » des sociétés concernées, de proposer des mécanismes de redressement et des meilleures structurations de la présence de l’Etat dans le secteur minier. Pour Tshisekedi, l’absence des résultats d’un tel audit n’est pas de nature à aider la République dans la maximisation des recettes publiques et crée également « un déficit de clarté » en matière de reddition des comptes dans ce secteur. « La situation dans les joint-ventures minières où l’Etat est censé jouer un rôle stratégique demeure marquée par un manque de transparence préoccupant. Cette opacité nuit à la bonne gouvernance du secteur extractif et freine les mobilisations optimales des recettes publiques », insiste Félix Tshisekedi, jugeant « inacceptable » ce « déficit de clarté » en matière de reddition des comptes dans ce secteur. Le président de la République estime que cette situation compromet les objectifs que le gouvernement s’est fixé en matière de justice économique et de développement durable et de consolidation de souveraineté sur les ressources naturelles.
Un effort de transparence relancé dans l’espoir d’un deal américain
Le secteur minier demeure un pilier stratégique de l’économie en RDC, représentant plus de 30 % des recettes publiques en 2025. Cependant, il est toujours confronté à des défis structurels majeurs qui freinent son potentiel de développement. En 2008, le pays avait signé une convention qualifiée de « contrat du siècle » avec un consortium d’entreprises chinoises, principalement à travers la société Sicomines. Ce partenariat a été présenté comme un moyen d’accélérer le développement centré sur un échange des ressources minières contre des infrastructures. Mais après près de deux décennies, les résultats ont été largement perçus comme décevants, avec des déséquilibres structurels persistants. Ce qui a conduit le gouvernement de Tshisekedi à renégocier ce deal pour tenter d’équilibrer les profits.
Depuis début 2025, la RDC et les États-Unis sont dans plusieurs initiatives visant à renforcer leur coopération dans le secteur minier, notamment en ce qui concerne les minerais stratégiques tels que le cobalt, le cuivre et le lithium. Un deal est en cours de négociation entre Kinshasa et Washington. Le gouvernement congolais fournit des efforts pour assainir ce secteur en prélude de ce deal américain qui risque de changer la situation sécuritaire dans l’Est du pays. Il est notamment possible qu’un contrat de sécurité soit signé avec Blackwater, une société privée de sécurité dirigée par un ancien SEAL américain, Erik Prince. Selon le média Africanews, qui cite une source proche de cet ancien militaire américain, l’accord de sécurité a été conclu avec le ministère des Finances, et les conseillers de Prince se concentreront sur l’amélioration de la collecte des impôts et la réduction de la contrebande transfrontalière de minerais.
Dans ce possible deal américain, la RDC pourrait bénéficier de 500 milliards de dollars d’investissements venant des États-Unis. Le ministre du Commerce extérieur, Julien Paluku, a fourni des explications sur l’utilisation de ces fonds. « Ce que nous allons signer comme accord, si les retombées nous donnent 500 milliards de dollars, il faut élaborer de plans opérationnels qui vont absorber ces moyens-là. Moi je considère que les premiers moyens que nous aurons doivent être affectés dans les fondamentaux de la construction d’un Etat car l’Etat, ce n’est pas seulement la gouvernance telle que l’on voit mais c’est aussi la construction des infrastructures qui permettent la mobilité et l’interconnexion de toutes les provinces. », a-t-il déclaré. Ces fonds devraient être gérés avec une plus grande transparence en cas de signature de l’accord. Les Etats-Unis, qui sont très regardants en matière de corruption, voudraient également une transparence dans ce secteur extractif.
Les actifs miniers de Kabila scrutés
Depuis plus d’une semaine, un ancien ministre des Mines de Joseph Kabila est en détention. Martin Kabwelulu serait soupçonné d’être parmi les financiers de l’ancien Président de la République, Joseph Kabila, accusé de soutenir la rébellion de l’AFC/M23. Mais Kabwelulu c’est aussi celui qui a fait longtemps à la tête du ministère des Mines du pays. Selon des analystes, les contrats miniers passés sous le précédent régime pourraient également être examinés par les services de sécurité qui ont arrêté Martin Kabwelulu. L’actuel ministre des Finances, Doudou Fwamba, n’avait pas hésité à accuser Joseph Kabila d’avoir bradé les actifs miniers du pays pendant ses 18 ans au pouvoir. « Des actifs miniers cédés à vil prix pour des intérêts privés durant 18 ans, des milliards de dollars américains de royalties issues des joint-ventures concédées à des amis étrangers, des centaines de millions de dollars retirés directement de la Banque Centrale du Congo pour une destination inconnue, comme le cas des 350 millions USD de pas de porte de la TFM [Tenke Fungurume Mining], des millions USD de fonds publics octroyés en cadeau pour la création d’entreprises privées familiales… », avait dénoncé Doudou Fwamba après le récent discours de Joseph Kabila critiquant notamment l’économie du pays.
Heshima
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RDC : l’économie face aux risques d’instabilité politique et de surendettement
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16 heures agoon
juin 5, 2025By
La redaction
La République démocratique du Congo (RDC) est confrontée à une dette publique significative, tant au niveau intérieur qu’extérieur. Réduite de 14 à 3 milliards de dollars en 2010 et maintenue à ce montant jusqu’en 2019, l’encours de la dette a explosé ces dernières années, dépassant la barre de 10 milliards de dollars en 2023. Les résultats des projets liés à ces fonds empruntés restent encore mitigés. Ce qui alimente des soupçons de gabegie et interroge sur les retombées d’un tel endettement dans un pays menacé par une instabilité politique.
Depuis 2019, le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale ont augmenté leur contribution financière dans la gouvernance en RDC. Le 3 mai 2025, la Banque mondiale a annoncé avoir approuvé un financement global de 1,49 milliard de dollars pour quatre projets dont celui du barrage hydroélectrique Inga 3 longtemps resté dans le tiroir des projets faute de financement. Dans ce montant global, 200 millions de dollars serviront à la résilience aux inondations dans les villes de Kinshasa et Kalemie ; un montant de 600 millions sera affecté à la gouvernance, transparence et résilience économique ; 440 millions sont prévus pour la construction de 200 km d’autoroute et un pont de 700 mètres à construire sur la rivière Lualaba et enfin 250 millions pour le projet Inga 3. Pour bien implémenter ce quatrième projet, la Banque mondiale a mené des consultations auprès des populations locales pour le volet développement communautaire du programme Inga 3. Pour ce faire, cette institution financière prévoit une enveloppe de 100 millions de dollars destinée à assurer un soutien aux habitants vivant à proximité du site hydroélectrique d’Inga, sur le fleuve Congo.
En dehors de cette enveloppe débloquée par la Banque mondiale, une autre institution financière internationale, le FMI, apporte énormément de liquidités à la RDC depuis 2020. Cet apport se matérialise par divers programmes de financement et d’assistance technique, visant à stabiliser l’économie, promouvoir une croissance durable et améliorer la gouvernance. Depuis l’établissement du programme avec le gouvernement congolais en 2020, le FMI a approuvé des accords de crédit pour un montant total de près de 3 milliards de dollars en faveur de la RDC. Ces accords, notamment la Facilité Elargie de Crédit (FEC) et la Facilité pour la Résilience et la Durabilité (FRD), visent à soutenir la stabilité macroéconomique et à financer des réformes structurelles. Ces fonds sont octroyés sous forme d’aide, mais aussi de dettes que l’État congolais devra rembourser.
En janvier 2025, le Conseil d’administration du FMI a approuvé un accord de 1,729 milliard de dollars au titre de la Facilité Elargie de Crédit. La principale inquiétude concernant ces financements massifs des institutions financières internationales est la capacité de solvabilité du pays, ainsi que l’utilisation de ces fonds par le gouvernement. Plusieurs rapports de l’Observatoire de la dépense publique (ODEP) accusent le gouvernement de gabegie financière.
Dans une étude sur la gouvernance de Félix Tshisekedi entre 2022 et 2024, cette ONG spécialisée dans les finances publiques note une mauvaise gouvernance budgétaire qui n’a permis ni de créer des richesses, ni d’améliorer les conditions sociales de la population, et encore moins d’être susceptible de rendre effective la décentralisation telle que prévue par la Constitution. Selon cette structure, cette mauvaise gouvernance ne place pas le pays sur la voie de l’émergence.
Les craintes d’un surendettement du pays
La RDC est encore classée parmi des pays à risque modéré de surendettement extérieur et global. Le FMI estime que les perspectives économiques du pays sont encore favorables, mais sujettes à des risques significatifs orientés à la baisse. Ces risques incluent notamment l’aggravation des conflits armés dans l’Est, les pressions inflationnistes et un ralentissement brusque de l’économie surtout pour un pays qui n’a pour principale source de revenu que ses mines. Un choc dans ce secteur pourrait immédiatement paralyser l’économie du pays.
Les tenants du pouvoir actuel rassurent au sujet de la dette publique, selon eux, est contrôlable. Le député national Flory Mapomboli, ancien cadre au ministère des Finances, avait estimé que la dette publique qui aurait été stabilisée en 2010, représentait 26% du PIB. Ce ratio est de près de 16% en 2024. « Où se trouve le surendettement entre les deux périodes susmentionnées ? Personne ne pourra me contredire sur ces chiffres avec lesquels il est presque impossible de faire du populisme. », précisait-il quand il répondait aux accusations de surendettement du pays lancées par l’ancien président de la République, Joseph Kabila. Selon Flory Mapamboli, le niveau de vie de la population congolaise a augmenté, progressant de 24% en dollars entre 2018 et 2024. Concrètement, ce PIB est passé respectivement de 557 à 693 dollars.
Si au niveau du gouvernement central l’endettement est encore contrôlé, en provinces, les entités sombrent dans le surendettement. La Direction générale de la dette publique (DGDP), qui a la mission de proposer la politique nationale d’endettement, avait noté dans un rapport publié en juin 2022 que certaines provinces du pays négociaient des accords d’emprunt sans la garantie de l’Etat (DGDP), se mettant ainsi dans un état de surendettement. Une situation qui entrave le décollage de ces entités ainsi que la réalisation de leurs projets de développement. C’est le cas de la ville de Kinshasa. Selon l’état des lieux dressé par l’ancien gouverneur Gentiny Ngobila, son prédécesseur (André Kimbuta) avait laissé des dettes dans toutes les banques, sauf à la BCDC. « Des dettes de plus de 60 millions de dollars. La plus grande de dettes que nous connaissons c’est à l’UBA, à quelques jours des élections présidentielle et législative nationale de 2018. André Kimbuta a contracté une dette de 14 millions de dollars. Là où cet argent est parti, on ne sait pas », déclarait-il en faisant le bilan de l’an un de sa gestion à la tête de la capitale.
Lui-même avant de partir, il a contacté une dette de plusieurs décennies pour la construction du Marché central de Kinshasa. Il en est de même pour certaines autres provinces comme le Maï-Ndombe. Ce surendettement de certaines provinces peut aussi affecter l’économie du gouvernement central car l’État central est censé être aussi responsable des dettes contractées ou garanties par les provinces, d’après la DGDP. Selon plusieurs rapports de cette structure publique, certaines provinces négocient des accords d’emprunt sans la garantie de l’Etat, se mettant ainsi dans un état de surendettement.
Les risques d’instabilité politique
Malgré l’embellie économique actuelle, la RDC n’est pas totalement sortie de zones de risques. La plus crainte, c’est le risque lié à l’instabilité politique, notamment en raison de conflits armés et de la crise humanitaire. L’instabilité politique a un impact négatif sur les entreprises et l’économie, tandis que les conflits armés et la crise humanitaire exacerbent les difficultés économiques. Malgré le budget national 2025 de 18 milliards de dollars, plus de 26 millions de Congolais sont atteints par une faim aigue, selon les chiffres publiés en octobre 2024 par le Programme alimentaire mondial (PAM). Cette famine a été accentuée par les conflits armés dans les provinces du Nord-Kivu, du Sud-Kivu, du Maï-Ndombe et de l’Ituri. Dans les Kivus, la présence des rebelles de l’AFC/M23 constitue une menace directe pour la stabilité des institutions du pays. Ces rebelles ont carrément créé une administration parallèle dans les zones occupées dont les villes de Goma et Bukavu.
Cette situation sécuritaire a provoqué une explosion des dépenses militaires et un creusement du déficit budgétaire. Mais malgré ces problèmes sécuritaires, l’économie congolaise a fait preuve de résilience, avec une croissance économique atteignant 6,5 % en 2024.
Heshima
Nation
Go-Pass en RDC : 15 ans de ponction pour des aéroports toujours en ruine
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23 heures agoon
juin 5, 2025By
La redaction
Depuis son instauration en janvier 2009, la taxe Go-Pass, officiellement nommée Redevance de développement des infrastructures aéroportuaires (IDEF), pèse sur chaque billet d’avion en République démocratique du Congo (RDC). Présentée comme un levier pour moderniser des aéroports vétustes, cette redevance devait transformer des infrastructures défaillantes en hubs modernes, capables de soutenir l’économie d’un pays vaste et riche en ressources. Quinze ans plus tard, les pistes dégradées, les équipements obsolètes et l’opacité persistante dans la gestion des fonds suscitent indignation et interrogations. Où est passé l’argent du Go-Pass ? Heshima Magazine dresse un état des lieux exhaustif de ce scandale qui illustre les défis de gouvernance en RDC.
Lancée le 1er janvier 2009, la taxe Go-Pass impose une redevance de 50 dollars pour les vols internationaux et 10 dollars pour les vols domestiques, perçue par la Régie des voies aériennes (RVA), un établissement public sous la tutelle du ministère des Transports. À l’époque, l’objectif était ambitieux : collecter 2 milliards de dollars pour réhabiliter des aéroports comme N’Djili à Kinshasa, Lubumbashi, Goma ou encore Mbuji-Mayi, dont les infrastructures souffraient de vétusté, avec des pistes mal entretenues, des tours de contrôle défaillantes et des normes de sécurité aérienne souvent ignorées. Selon un article de Zoom Eco publié en 2019, la taxe devait permettre de hisser les aéroports congolais au niveau des standards internationaux, renforçant ainsi la connectivité essentielle pour le commerce des minerais et le tourisme.
Dès son lancement, le Go-Pass a suscité des critiques. Pourquoi imposer une nouvelle taxe dans un pays où le coût des billets d’avion figure déjà parmi les plus élevés d’Afrique centrale ? Les autorités justifiaient cette mesure par l’absence de subventions étatiques suffisantes et le manque de financements internationaux pour moderniser les infrastructures. Pourtant, ce qui était présenté comme une solution temporaire s’est institutionnalisé, devenant une charge quasi permanente pour les voyageurs, sans résultats tangibles à la hauteur des attentes.
Une collecte massive, des résultats dérisoires
Les chiffres révèlent l’ampleur du décalage entre les promesses et la réalité. Selon un rapport confidentiel du ministère des Finances de 2022, près de 470 millions de dollars auraient été collectés entre 2009 et 2021. Un rapport du Groupe d’étude sur le Congo (GEC), relayé par Media Congo, estime quant à lui que 225 millions de dollars ont été perçus entre 2009 et 2019, tandis que RFI rapporte en mai 2021 que seulement 200 millions de dollars ont été collectés jusqu’en 2021, soit à peine 10 % de l’objectif initial de 2 milliards. Ces écarts dans les estimations soulignent déjà un manque de transparence dans la gestion des fonds.
Sur le terrain, les améliorations sont quasi invisibles. À l’aéroport international de N’Djili, vitrine du pays, quelques travaux ont été réalisés : un scanner a été installé, la salle d’embarquement légèrement agrandie, et une réhabilitation partielle de la piste entreprise. Une nouvelle aérogare modulaire, ouverte en juin 2015 et capable d’accueillir un million de passagers par an, a été financée à 85 % par un prêt chinois, comme l’a indiqué Radio Okapi. Cependant, ces efforts restent marginaux face à l’état général de l’aéroport, toujours marqué par des équipements obsolètes et des services inadéquats. Des travaux de réhabilitation plus ambitieux sont annoncés pour début 2025, mais ils suscitent un scepticisme légitime après des années de promesses non tenues.
Les aéroports secondaires, comme ceux de Goma, Kindu, Kalemie, Mbandaka, Gemena, Isiro, Mbuji-Mayi ou Kananga, sont dans un état encore plus préoccupant. À Mbandaka, le bâtiment principal n’a pas été rénové depuis l’époque de Mobutu, selon des témoignages locaux. À Kananga, les passagers embarquent sous la pluie, faute d’abris fonctionnels. À Mbuji-Mayi, des pannes récurrentes de radio-navigation obligent parfois les pilotes à se poser à vue. Quelques exceptions notables, Goma a bénéficié du Projet d’amélioration de la sécurité à l’aéroport de Goma (PASAG), financé par la Banque mondiale, avec une piste réhabilitée, une tour de contrôle modernisée et un balisage amélioré, inaugurés en novembre 2021. Ces travaux ont permis une augmentation de 10 % du trafic annuel de fret et de passagers, même pendant la pandémie de Covid-19, selon la Banque mondiale. À Kisangani, l’aéroport de Bangoka a été rénové mais toujours pas avec les revenus générés par Go-Pass. C’est un financement de la Banque africaine de développement (BAD) dans le cadre du projet prioritaire de sécurité aérienne phase 2. Actuellement, la salle d’embarquement de cet aéroport peut prendre en charge plus de 300 passagers en heure de pointe. Sa piste d’atterrissage a été aussi rénovée. Ces avancées, financées par des partenaires extérieurs, ne doivent rien au Go-Pass.
Une gestion opaque et des détournements avérés
La gestion des fonds Go-Pass est un scandale en soi. En 2023, le directeur général de la RVA, a admis devant la Commission économique, financière et budgétaire de l’Assemblée nationale que les recettes « n’ont pas toujours été utilisées exclusivement pour les investissements ». Selon un audit partiel de la Cour des comptes en 2021, plus de 60 % des fonds ont été affectés à des dépenses courantes (salaires, frais de fonctionnement, missions de contrôle) sans traçabilité claire. Le GEC, dans son rapport de 2021, précise que 37 millions de dollars ont servi à construire un pavillon présidentiel à N’Djili, 6 millions ont été injectés dans le capital de Congo Airways, et une autre partie a couvert les charges salariales de la RVA, au lieu de financer des projets d’infrastructure. RFI rapporte également le cas d’Abdallah Bilenge, ancien directeur de la RVA, condamné en janvier 2021 à 20 ans de prison pour détournement de fonds, bien que les charges portaient principalement sur des cotisations sociales. Les investigations du GEC suggèrent que les recettes du Go-Pass ont été affectées par des écarts comptables inexpliqués.
La RVA, qui gère seule la collecte et l’utilisation des fonds, est lourdement endettée, avec un passif de 60 à 130 millions de dollars selon les sources. Aucun compte séquestre, comme prévu en théorie pour sécuriser les recettes, n’a jamais été mis en place. Le ministère des Transports, chargé de la supervision, se limite à des rapports annuels lacunaires, tandis que le ministère des Finances se désengage, arguant que la taxe n’est pas sous sa gestion fiscale. En 2024, une mission conjointe de l’Inspection générale des finances (IGF) et de la Cour des comptes a pointé une gestion anarchique, marquée par l’absence d’appels d’offres et des soupçons de rétrocommissions et de surfacturations.
Cette opacité a alimenté la colère populaire. En 2023, le Programme Multisectoriel de Vulgarisation et Sensibilisation (PMVS) a organisé des sit-in à Kinshasa pour exiger la suppression du Go-Pass, qualifié d’« usurpateur et injuste ». Les citoyens dénoncent une taxe qui ponctionne sans offrir de services en retour, dans un pays où les vols restent essentiels pour relier des régions enclavées.
Un impact économique et social désastreux
L’absence de modernisation des aéroports a des conséquences profondes. Dans un pays de 2, 345 millions de kilomètres carrés, où les routes sont souvent impraticables, le transport aérien est une bouée de sauvetage pour le commerce, l’administration et les urgences humanitaires. Pourtant, les infrastructures vétustes limitent la capacité des compagnies aériennes à opérer efficacement. Selon Businessday NG, la RDC compte 272 aéroports « utilisables », mais leur état freine leur compétitivité face à des hubs comme Nairobi ou Johannesburg. Concrètement, sur ce nombre d’aéroports et aérodromes, seuls 38 sont opérationnels et seulement 20 reçoivent régulièrement des vols. Cette situation entrave les exportations minières, décourage les investisseurs et limite le potentiel touristique, malgré les richesses naturelles du pays.
La sécurité aérienne est un autre point noir. Les avis de voyage, comme ceux du gouvernement britannique, soulignent les risques liés à l’état des infrastructures et à l’absence de normes fiables. À Kisangani ou Mbuji-Mayi, les pannes de radio-navigation exposent les passagers à des dangers inutiles. Cette insécurité, couplée à des coûts élevés de transport aérien, renforce l’isolement de certaines régions et freine le développement économique.
Sur le plan social, le Go-Pass est devenu un symbole de défiance envers les institutions. « On paie 10 dollars à Bangoka, mais l’aéroport n’a ni électricité ni toilettes décentes », témoigne un commerçant de Kisangani. À Goma, un cadre de la RVA, sous couvert d’anonymat, confie au téléphone : « Les lampes solaires viennent d’un don, le balisage d’un projet japonais. Le Go-Pass n’a rien financé ici. » Ces témoignages reflètent une frustration croissante, exacerbée par l’absence de transparence et de résultats concrets.
Vers une réforme ou la fin du Go-Pass ?
Face à ce fiasco, les appels à la réforme se multiplient. Certains, comme Me Armand Mikadi, avocat à Lubumbashi, plaident pour la suppression pure et simple de la taxe : « La RDC est le seul pays où l’on paie une surtaxe pour des services inexistants. » D’autres, comme le Syndicat des travailleurs de l’aviation civile, proposent une refonte : réduction du montant, création d’un compte public supervisé par la Cour des comptes, publication annuelle des recettes et des projets financés, et implication des usagers dans le suivi. « Tant que la RVA est en quasi-faillite et sans audit indépendant, le Go-Pass restera un puits sans fond », résume Bernard, consultant en transport aérien.
Des initiatives récentes laissent entrevoir un espoir timide. Les travaux prévus à N’Djili pour 2025 et la modernisation de Mbuji-Mayi, financée par la Chine, pourraient marquer un tournant, à condition que les fonds soient gérés avec rigueur. Mais sans une volonté politique forte pour imposer des audits indépendants, des appels d’offres transparents et des sanctions en cas de détournement, ces projets risquent de rester des annonces sans lendemain.
Le Go-Pass, conçu comme un outil de progrès, s’est transformé en un symbole des dérives de la gouvernance congolaise. Dans un pays où l’avion est souvent le seul lien entre les provinces, la modernisation des aéroports ne devrait pas être une chimère. Quinze ans après, les Congolais attendent toujours des infrastructures dignes de leurs contributions. La balle est dans le camp des autorités : restaurer la confiance passe par des actes, pas par des promesses.
Heshima Magazine
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Bukanga Lonzo, ce parc agro-industriel fantôme, peut-il revivre ?
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2 jours agoon
juin 4, 2025By
La redaction
À 250 kilomètres au sud-est de Kinshasa, dans les vastes plaines du Kwango et du Kwilu, le parc agro-industriel de Bukanga Lonzo devait marquer un tournant pour la République démocratique du Congo (RDC). Lancé en 2014, ce projet ambitieux promettait de révolutionner l’agriculture congolaise, de réduire une facture d’importations alimentaires de 1,5 milliard de dollars par an et de faire de la région un grenier pour le pays. Mais en 2017, l’élan s’est brisé. Gestion chaotique, soupçons de corruption et marginalisation des communautés locales ont transformé ce rêve en cauchemar. Une timide relance en 2021 a redonné un brin d’espoir avec 6 000 tonnes de maïs produites, mais l’insécurité et les spoliations ont de nouveau paralysé le site en 2024. En ce mois de juin 2025, le gouvernement annonce un nouvel élan. Bukanga Lonzo peut-il enfin renaître de ses cendres, ou restera-t-il un symbole d’échec cuisant d’une politique agricole de cette dernière décennie ?
En 2013, face à une dépendance écrasante aux importations alimentaires, le gouvernement congolais, alors dirigé par le Premier ministre Augustin Matata Ponyo, mise sur Bukanga Lonzo comme projet pilote du Programme national d’investissement agricole. Étendu sur 80 000 hectares à cheval entre les provinces du Kwango et du Kwilu, le parc devait approvisionner Kinshasa, le Kongo Central et même Brazzaville en maïs, manioc, légumes et fruits. L’objectif ? Produire 350 000 tonnes de maïs par an et créer 5 000 emplois directs. « Bukanga Lonzo devait devenir le plus grand parc agro-industriel d’Afrique », proclamait Ida Kamonji Naserwa Sabangu, alors directrice du projet.
Ce rêve reposait sur un partenariat public-privé avec Africom Commodities, une entreprise sud-africaine. Le gouvernement a injecté 83 millions de dollars dans des infrastructures impressionnantes : une route de 30 km, une piste d’atterrissage de 2,5 km, un bassin de rétention d’eau de 45 millions de litres, selon le site Parc Agro. La Banque mondiale, via son Projet d’appui à la réhabilitation et à la relance du secteur agricole, a mobilisé une partie de ses 120 millions de dollars pour soutenir l’initiative. « Ce projet pouvait transformer l’agriculture congolaise et favoriser une croissance inclusive », affirmait Séverin Kodderitzach, directeur sectoriel de la Banque mondiale, sur les ondes de Radio Okapi. Des villages modernes, dotés d’écoles, de cliniques et d’électricité, étaient promis aux 4 490 habitants des six villages de la concession.
Le plan était audacieux : 20 000 hectares dédiés aux cultures, le reste pour des vergers, des élevages et des infrastructures communautaires. La première phase, centrée sur le maïs, visait à briser la dépendance aux importations et à positionner la RDC comme exportateur. « On rêvait d’une Kinshasa autosuffisante », confie, nostalgique, un ancien fonctionnaire du ministère de l’Agriculture à Heshima Magazine.
Un fiasco aux racines profondes
Mais le rêve s’est vite effrité. Le sol sableux de Bukanga Lonzo, inadapté à la culture intensive du maïs, a plombé les rendements. Selon un rapport de l’Oakland Institute daté du 12 avril 2019, la superficie cultivée a chuté de 5 000 à 2 000 hectares en 2016, loin des 350 000 tonnes promises. « Les récoltes pourrissaient sur place, faute de logistique », raconte un ancien employé du parc à Heshima Magazine, sous couvert d’anonymat. José Masikini, ancien sénateur, pointait sur Radio Okapi un choix de site dicté par des intérêts politiques, une erreur fatale.
La gestion financière a viré au scandale. Un audit de l’Inspection Générale des Finances (IGF) a révélé que, sur 285 millions de dollars décaissés, seuls 80 millions ont servi au projet. Les 205 millions restants ? Volatilisés. « Un échec planifié dans sa conception », dénonçait Jules Alingete, alors inspecteur général des finances, chef de service, sur Radio Okapi.
Pire encore, les communautés locales ont été laissées pour compte. Neuf villages ont été dépossédés de leurs terres sans consultation, en violation de la loi. Les compensations, dérisoires, se limitaient à des pagnes ou 2 000 FC, selon l’Oakland Institute. « On nous a volé nos terres et notre dignité », pleure Kawaka Matondo, chef coutumier. En 2017, Africom jette l’éponge, abandonnant équipements et travailleurs sans salaire.
Des cicatrices qui marquent
L’effondrement de Bukanga Lonzo a semé la désolation. Plus de 5 000 personnes ont été déplacées, certaines brutalisées pour avoir résisté. Frédéric Mousseau, de l’Oakland Institute, rapporte des cas d’agriculteurs attachés à des arbres et fouettés pour avoir tenté de récupérer leurs terres. « Ils ont promis des emplois, mais nous n’avons eu que des larmes », soupire Marie-Ange Kabasu, une victime de spoliation. Les 5 000 emplois directs et 12 000 indirects promis n’ont jamais vu le jour, aggravant la misère locale.
L’environnement a aussi payé un lourd tribut. L’utilisation massive de 60 000 litres de glyphosate a pollué les rivières Lonzo et Kwango, causant des maladies de peau, des troubles respiratoires et des fausses couches, selon l’Oakland Institute. « Nos rivières sont devenues toxiques, nous n’avions plus d’eau potable », se désole Albert Mbey Moju, habitant de Wamba. Une étude de 2018 a confirmé la contamination des sols, rendant certaines zones incultivables. Les opportunités économiques, comme la production de 500 tonnes de fruits et légumes par jour, se sont évaporées, renforçant la dépendance aux importations.
Les travailleurs, eux, ont été abandonnés. Ils ont réclamé 15 à 30 mois d’arriérés de salaire lors de sit-ins à Kinshasa. « Nous sommes devenus irresponsables vis-à-vis de nos familles », déplore Patrick Tshibangu, représentant des agents du parc. La vente d’équipements agricoles à Maluku, estimée à 50 000 dollars, n’a pas servi à les payer, alimentant les soupçons de corruption.
Un sursaut fragile et une nouvelle ambition
En août 2020, le gouvernement tente une relance. En 2021, 6 000 tonnes de maïs sont produites sur 1 500 hectares. « C’est le fruit d’un travail bien fait », se félicitait Joseph Lumbala, ancien conseiller du ministre de l’Agriculture, cité par Financial Afrik. « Les gens se bousculaient pour acheter la semoule de Bukanga Lonzo car le prix était abordable », se souvient Maguy Olundu, vendeuse au marché de Yolo Médical.
Mais en 2024, l’insécurité stoppe net cet élan. Les conflits ethniques entre Teke et Yaka, qui sévissent depuis 2022, ont causé des morts et des destructions par des feux de brousse. Adèle Kahinda Mahina, alors ministre du Portefeuille, a alerté sur le pillage des entrepôts. En juin 2025, le gouvernement relance le projet, promettant un audit préalable. « Nous voulons faire de Bukanga Lonzo un moteur d’abondance », clame Jean-Lucien Bussa, ministre du Commerce extérieur, dans Zoom Eco.
Le nouveau modèle s’appuie sur trois sociétés créées en 2020 : une pour la gestion, une pour l’exploitation, et une pour la commercialisation via le Marché international de Kinshasa. Le gouvernement envisage d’ouvrir le capital au privé et de payer 30 mois d’arriérés de salaire, selon l’Agence congolaise de presse le 2 juin 2025. Mais la société civile reste méfiante. « Sans transparence ni inclusion des communautés, cette relance est vouée à l’échec », prévient un activiste du Kwilu.
Les leçons d’ailleurs et un espoir prudent
L’échec de Bukanga Lonzo contraste avec des réussites comme le parc de Bulbula en Éthiopie, qui a intégré 55 % de producteurs locaux en 2024 grâce à une localisation stratégique et un soutien public, selon un rapport de l’UNIDO du 15 janvier 2024. « Les parcs réussis connectent les agriculteurs aux chaînes de valeur », explique un expert. En RDC, le sol inadapté, l’insécurité et la corruption ont tout saboté.
Pour une relance durable, Floribert Kabayu, expert en économie agricole, plaide pour une acquisition foncière transparente, des études pédologiques sérieuses, une gouvernance rigoureuse et une sécurisation du site. Carlos Ngwapitshi Ngwamashi, auteur d’un livre sur le fiasco, propose une justice négociée pour récupérer les fonds détournés. « Bukanga Lonzo peut réussir si nous apprenons de nos erreurs », insiste-t-il. La FAO, dans un rapport de 2023, souligne l’importance d’impliquer les petits agriculteurs pour maximiser l’impact.
Un pari sur l’avenir
Bukanga Lonzo, c’est l’histoire d’espoirs brisés et d’ambitions démesurées. L’annonce, le 30 mai 2025, d’une nouvelle relance avec un audit et un modèle repensé ravive l’espoir d’une autosuffisance alimentaire. Mais les défis sont colossaux : sécuriser le site, restaurer la confiance des communautés et garantir une gestion intègre. D’ici 2030, Bukanga Lonzo pourrait devenir un moteur de développement, à condition de tirer les leçons des échecs passés et des succès d’ailleurs. Pour l’instant, il reste un symbole d’opportunités gâchées, mais aussi un appel à repenser l’agriculture congolaise avec audace et responsabilité.
Heshima Magazine
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