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Deal minier RDC-USA : des doutes s’installent du côté américain

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Depuis février, la République démocratique du Congo (RDC) est en pourparlers avec les États-Unis d’Amérique sur un possible accord sur les minerais stratégiques. Le président congolais, Félix Tshisekedi, tient à l’avancée de ces discussions. Mais à Washington, des doutes s’installent parmi les élus américains. Certains Congressmen exigent une transparence sur le contenu des discussions entre Kinshasa et l’administration Trump. Ces membres du Congrès craignent qu’un deal minier sans garantie de transparence puisse produire un effet inverse : l’aggravation des conflits armés dans l’Est du pays.

Premier pays producteur mondial de cobalt et premier producteur africain de cuivre, la RDC possède aussi la septième réserve mondiale de lithium et ambitionne de représenter 30 % des exportations mondiales de germanium. Tous ces minerais sont cruciaux pour la transition énergétique, notamment pour la fabrication de batteries électriques, de téléphones portables, ainsi que pour les industries aéronautique et militaire.

Ces ressources congolaises continuent d’attiser les convoitises. Alors que la Chine contrôle la plus grande partie de la production mondiale de terres rares, les États-Unis semblent être à la traîne à cet égard. D’où l’intérêt que porte l’administration Trump aux négociations d’un « deal minier » avec la RDC en échange notamment de la sécurité dans l’Est du pays miné par des conflits armés souvent soutenus par le Rwanda ou l’Ouganda. Seulement, les doutes commencent à apparaître chez certains Américains. Il y a quelques jours, cinq membres du Congrès ont adressé une correspondance à Massad Boulos, le conseiller spécial pour l’Afrique à la Maison Blanche. Dans cette missive, révèle RFI, ils expriment leur inquiétude sur la transparence dans les discussions en cours. Ces élus veulent savoir ce que contiennent précisément les discussions entre les États-Unis et la RDC sur ces minerais.

Risques d’aggravation des conflits en RDC

Ces Américains craignent que si les clauses de cet accord en discussion ne sont pas rendues publiques, cela pourrait aggraver les conflits armés dans l’Est de la RDC. Ces élus sont donc inquiets en raison du manque de transparence des discussions, notamment sur les conditions d’accès aux ressources congolaises, mais aussi sur la manière dont ces richesses seront gérées. Les élus américains demandent aussi un briefing officiel sur les négociations en cours. Ils veulent des précisions sur la « Déclaration de principes » signée en avril dernier entre Kinshasa et Kigali sous médiation américaine, mais aussi sur la manière dont les questions humanitaires seront prises en compte dans ce deal. Pour ces élus, sans garanties claires, ce partenariat pourrait aggraver les conflits et la corruption, au lieu d’apporter la paix et le développement.

Au pays, des doutes légitimes apparaissent également. « Nous constatons que le point de départ, ce n’est pas la reconnaissance de l’agression de la RDC par le Rwanda. Donc, on fait fi d’une réalité incontestable et on veut bâtir une autre réalité partant d’autres considérations essentiellement d’ordre économique. », fait observer Martin Ziakwau, professeur de l’Université catholique du Congo. Même si l’accord en discussion parait vital pour le gouvernement congolais qui espère obtenir au-delà des capitaux frais américains, une garantie sécuritaire notamment contre le Rwanda dans l’est du pays, le doute ne quitte pas encore les esprits des Congolais après avoir été témoins de 30 ans d’instabilité dans l’Est du pays. Mais pour trouver un tel accord, Washington associe Kigali dans les discussions. Au terme des négociations, il est fort probable qu’il y ait trois accords. Le premier concernera la RDC et le Rwanda, le deuxième portera sur les rebelles du Mouvement du 23 mars (AFC/M23) à Doha, au Qatar, et, enfin, un troisième accord liera Washington et Kinshasa sur les minerais stratégiques.

Quelles mines à offrir aux Américains ?

Une autre préoccupation dans ce deal, c’est l’accès des Américains aux mines congolaises. La plupart des mines au pays sont tenues par des sociétés chinoises ou européennes. En dehors de la mine de Bisie gérée par l’Américain « Alphamin », troisième producteur mondial d’étain, située dans le territoire de Walikale au Nord-Kivu, les Américains n’ont plus un accès suffisant aux gisements du pays. Ils contrôlaient les mines de Tenke Fungurume Mining (TFM) via Freeport McMoRan au Lualaba, mais elles ont été rachetées en 2016 par le Chinois « China Molybdenum ».

Pour résoudre ce problème d’accès aux mines, le gouvernement congolais inventorie les gisements dans lesquels l’État a des parts pour, peut-être, les confier aux Américains. Au sein de l’opinion congolaise, les interrogations se multiplient. Quelles sont les offres faites aux Américains ? Et à quelles conditions ? Pour Jean-Pierre Okenda, chercheur sur la gouvernance minière, il faut connaître les intentions du gouvernement en matière d’offre. « Quelles sont les principales articulations de cette offre adressée aux Américains sur l’exploitation des ressources naturelles ? », s’interroge-t-il. Pour le professeur Martin Ziakwau, le premier problème est « l’opacité » autour des discussions qui engagent des États.

Avant le début des discussions autour de ce possible deal, l’administration américaine avait déjà commencé à s’intéresser aux gisements miniers de la RDC. Elle pourrait même négocier des mines déjà occupées par d’autres opérateurs. Sous sanctions américaines depuis 2017, Dan Gertler pourrait céder certains de ses actifs miniers aux Américains en contrepartie de la levée ou de l’allègement des sanctions qui pèsent contre lui. Proche de l’ancien président Joseph Kabila, le magnat israélien des mines en RDC pourrait négocier un tel accord. Ce qui pourrait permettre aux Américains de revenir dans la course aux minerais critiques face à une Chine qui a suffisamment marqué des pas.

Interrogé par Le Monde en octobre 2024, Jean Claude Mputu, directeur adjoint de l’ONG Resource Matters et porte-parole de la plateforme « Le Congo n’est pas à vendre » (CNPAV), estimait déjà que cette logique était plausible avant même la proposition du deal minier entre Kinshasa et Washington. Pour lui, Dan Gertler cherche à convaincre le gouvernement américain de signer l’accord qui conduira à un allégement des sanctions du Trésor qui le visent. Refus d’un partage des richesses avec le Rwanda Le Rwanda est accusé de participer à un commerce transfrontalier illicite de minéraux en provenance de la RDC. Des experts des Nations Unies ont rapporté que d’importantes quantités de coltan, en particulier, ont été exportées clandestinement de la RDC vers le Rwanda. Il en est de même pour l’or et d’autres minerais. Pour faire prospérer cette contrebande, Kigali est accusé de contribuer au soutien et au financement de groupes armés qui pillent les minerais congolais notamment l’AFC/M23 qui contrôle la mine de Rubaya, dans le territoire de Masisi, au Nord-Kivu. Ces accusations ont conduit à des tensions diplomatiques et à des appels à la suspension de certains accords entre l’Union européenne et le Rwanda sur les matières premières. Une bonne partie de l’opinion congolaise refuse de voir la RDC partager ses richesses avec le Rwanda, comme l’avait suggéré l’ancien président français Nicolas Sarkozy.

Dans ce deal, les détracteurs du président Félix Tshisekedi parmi lesquels Claudel Lubaya et Seth Kikuni l’accusent de vouloir devenir l’agent des Américains dans les Grands Lacs, comme au temps de Mobutu. « Il voudrait ainsi, à l’instar de Mobutu durant les années sombres de la guerre froide, devenir le nouvel agent américain », ont-ils écrit dans un communiqué en mars. Félix Tshisekedi a rejeté ces accusations de bradage des minerais pour s’attirer les faveurs des Américains. Lors d’une interview accordée le 19 mars à la chaîne américaine Fox News, un média réputé proche de l’administration actuelle de la Maison Blanche, le chef de l’Etat congolais avait rejeté toute accusation de bradage pour sauver son fauteuil. D’ailleurs, pour faire accélérer les discussions, la présidence congolaise a mis en place – fin mai – une cellule de coordination afin de suivre les négociations autour de cet accord sur les métaux critiques avec les États-Unis. Un deal qui peut peser jusqu’à 500 milliards de dollars, sans compter des avantages en termes de sécurité pour l’Est du pays. Le plus important pour le pays, c’est d’éviter de répéter les erreurs du passé, notamment avec le contrat chinois de 2008, signé sous la présidence de Joseph Kabila.

Heshima

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Procès ou justice spectacle : retour sur les grands procès politiques et leurs implications judiciaires

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L’histoire de la République démocratique du Congo (RDC) est marquée par plusieurs procès politiques, souvent utilisés par les pouvoirs en place pour écarter des opposants, asseoir leur autorité ou répondre à des crises politiques. De Patrice Emery Lumumba à Moïse Katumbi ou Vital Kamerhe, les cas de politiciens poursuivis ou jugés sont nombreux. Retour sur des procès jugés politiques et leurs implications judiciaires.

Dans l’arène politique congolaise depuis l’indépendance, la justice est souvent utilisée pour régler des comptes à des adversaires politiques. Mais elle est aussi brandie par certains politiques comme un prétexte pour se soustraire à leurs obligations judiciaires après un abus ou une infraction, notamment de détournement des deniers publics. Depuis plus d’un mois, l’opinion congolaise assiste à un nouveau dossier impliquant le ministre d’Etat à la Justice et garde des Sceaux, Constant Mutamba. Ce dernier est soupçonné par le procureur général près la Cour de cassation, Firmin Mvonde, d’avoir détourné 19 millions de dollars destinés à la construction d’une prison à Kisangani, une ville du nord-est de la RDC. Mais, rapidement, le ministre de la Justice l’a perçu comme un procès politique, rejetant toute accusation de détournements. Constant Mutamba parle d’« acharnement » et de « complot politique ». Dans une correspondance consultée par Heshima Magazine, le ministre de la Justice annonce la récusation du procureur général près la Cour de cassation, Firmin Mvonde, qui le poursuit pour détournement. Il récuse également les magistrats placés sous son autorité. Pour l’heure, le procureur attend la réponse sur la demande d’autorisation des poursuites adressée à l’Assemblée nationale.

Dans l’histoire du pays, la justice et la politique sont longtemps perçues comme intimement liées. La justice semble influencée par le pouvoir politique. En effet, plusieurs politiciens ont été confrontés à la justice. Certains des procès ont été qualifiés de politiques car motivés par le souci d’écarter un adversaire gênant ou carrément de liquider des potentiels concurrents.

Procès non tenu de Patrice Lumumba (1960-1961)

Après l’indépendance en juin 1960, Patrice Emery Lumumba, premier Premier ministre du Congo indépendant, entre en conflit avec le président Joseph Kasa-Vubu et le chef de l’armée, Joseph-Désiré Mobutu. Après avoir échappé à la résidence surveillée et espérant rejoindre Stanleyville (actuelle Kisangani), son fief politique, Lumumba est battu par des soldats au camp militaire Hardy de Thysville (actuelle Mbanza-Ngungu) avant d’être transféré à Élisabethville (actuelle Lubumbashi) au Katanga, où il a été assassiné le 17 janvier 1961. Cette exécution extrajudiciaire sera perçue comme un assassinat politique. En 2021, le média belge RTBF n’hésite pas à qualifier cet assassinat de « crime politique avec des responsabilités belges ». L’élimination politique d’un dirigeant nationaliste orchestrée avec la complicité belge et américaine.

Procès du groupe de Pierre Mulele (1964-1968)

Pierre Mulele, ancien ministre de l’Éducation sous Patrice Lumumba, mène une insurrection maoïste, également appelée rébellion Simba ou muleliste. Plusieurs de ses partisans sont arrêtés et exécutés parfois sans procès. En exil, Mulele lui-même est trompé en revenant au pays en 1968. Il sera arrêté et torturé puis exécuté sans procès équitable. En réalité, il n’a même pas eu droit à un procès juridique au sens traditionnel du terme, mais plutôt à un procès politique suivi d’une exécution sommaire. Sa mort sera suivie d’une répression brutale d’une opposition idéologique au régime de Mobutu.

Procès des « Martyrs de la Pentecôte » (1966)

La pendaison en public de quatre acteurs politiques en 1966 sur ordre du président Mobutu fait partie des sentences et crimes judiciaires des plus inoubliables. Il s’agit de Jérôme Anany, ministre de la Défense dans le gouvernement de Cyrille Adoula ; Emmanuel Bamba, sénateur et dignitaire de l’Église kimbanguiste ; Évariste Kimba, Premier ministre jusqu’en novembre 1965 et Alexandre Mahamba, ministre des Affaires foncières dans le gouvernement de Cyrille Adoula. Les quatre acteurs étaient accusés de préparer un plan de destitution du président Mobutu et de son Premier ministre, le général Mulamba. Mobutu va signer le 30 juin une ordonnance-loi créant un tribunal militaire d’exception pour juger les quatre politiciens pour complot contre les institutions de l’Etat. Le jury est composé de trois officiers : le colonel Pierre Ingila, président, le colonel Ferdinand Malila, juge et le colonel Honoré Nkulufa, juge. Plus de 20 000 personnes sont conviées à assister à ce procès de visu où les quatre accusés comparaîtront ligotés et pieds nus. Dans un procès déséquilibré et dont le sort était déjà connu d’avance, les quatre « conjurés » vont être pendus en public sur le terrain où sera érigé plus tard le stade Kamanyola, débaptisé ensuite stade des Martyrs de la Pentecôte en référence à ces quatre martyrs. De nombreux observateurs ont vu dans ce procès une instrumentalisation de la justice pour consolider le pouvoir de Mobutu.

Le procès de Jean Nguza Karl-i-Bond (1977) : une purge sous Mobutu

En 1977, Jean Nguza Karl-i-Bond, ministre des Affaires étrangères et figure influente du régime de Mobutu Sese Seko, devient la cible d’un procès retentissant. Accusé de haute trahison pour son prétendu rôle dans l’invasion du Shaba par les gendarmes katangais et d’avoir tenté de séduire la première dame, il est arrêté en août 1977. Ces charges, largement considérées comme politiquement motivées, visent à neutraliser un rival perçu comme un possible successeur de Mobutu. Le 13 septembre 1977, un tribunal à Kinshasa, dans une mise en scène de justice spectacle, le condamne à mort. Deux jours plus tard, Mobutu commue sa peine en prison à vie, une décision qui reflète la stratégie du régime : punir pour intimider, mais préserver pour manipuler. Libéré en juillet 1978, Nguza est réintégré comme ministre des Affaires étrangères en 1979, puis nommé Premier ministre à deux reprises (1980-1981, 1991-1992), illustrant la volatilité des alliances sous Mobutu.
Durant son incarcération, Nguza subit des tortures brutales, y compris des sévices sexuels, qui le laissent physiquement diminué, selon des témoignages d’époque (Der Spiegel, 1977). Ce procès met en lumière l’instrumentalisation de la justice par Mobutu pour maintenir son emprise, éliminant les rivaux tout en renforçant son image de maître absolu. « C’était une leçon pour tous : Mobutu pouvait détruire ou gracier à sa guise », confie un ancien diplomate congolais. Ce cas, emblématique de l’arbitraire judiciaire, souligne les tensions ethniques – Nguza étant Lunda – et les luttes internes au sein de l’élite zaïroise. Il incarne une justice au service du pouvoir, une pratique récurrente dans l’histoire congolaise, où les tribunaux deviennent des arènes de règlements de comptes politiques.

Procès de Jean-Bertrand Ewanga (2014)

A l’époque, secrétaire général de l’Union pour la nation congolaise (UNC), la troisième force de l’opposition représentée au Parlement, Jean-Bertrand Ewanga avait été brutalement arrêté au lendemain d’un rassemblement de l’opposition tenu à la place Sainte Thérèse de N’djili, dans l’Est de Kinshasa. Il sera condamné à un an de prison ferme pour « outrage au chef de l’État », mais aussi au président du Sénat, de l’Assemblée nationale et du Premier ministre sans possibilité de faire appel. L’opposant se savait condamné d’avance dans ce procès que ses avocats qualifiaient déjà de politique et d’arbitraire. Avant la sentence, Jean-Bertrand Ewanaga savait déjà ce qui l’attendait. Dans sa prise de parole, il déclarera laconiquement aux juges : « Faites ce que vous devez faire et envoyez-moi à Makala, mais je ne cautionne pas cette parodie de justice ». Des ONG des droits de l’homme dénonceront également un « procès politique » intenté contre un opposant qui dérange.

Procès Katumbi, sous l’ère Joseph Kabila (2016-2019)

Après son départ de la majorité présidentielle fin 2014, Moïse Katumbi devient l’un de plus grands opposants au président de la République, Joseph Kabila. Il se positionne aussi comme un challenger politique pour la présidentielle qui devrait se tenir en 2016. L’homme sera poursuivi dans deux affaires différentes : spoliation d’un immeuble d’un sujet grec et recrutement des mercenaires étrangers. Dans le dossier des mercenaires, il était donc poursuivi pour « atteinte à la sûreté intérieure de l’Etat » avec six autres co-accusés dont un Américain. A Lubumbashi, ses partisans vont dénoncer un « procès politique » et un « acharnement » contre leur leader. Mais l’ancien gouverneur du Katanga sera contraint à l’exil. Officiellement, le procureur l’autorisera à quitter le pays pour aller se faire soigner à l’étranger. Dans l’entre-temps, Moise Katumbi sera condamné à 3 ans de prison ferme dans le premier dossier lié à la spoliation d’un immeuble appartenant à Alexandros Stoupis, un sujet grec. En exil à Bruxelles depuis plus de deux ans, l’ex-gouverneur du Katanga avait décidé en 2018 de revenir au pays pour déposer sa candidature à la présidentielle entre le 24 juillet et le 8 août 2018. En RDC, les autorités politiques préviennent qu’il doit toujours répondre de sa condamnation à trois ans de prison dans cette affaire d’immeuble dont il contestait d’ailleurs tout fondement. D’ailleurs, plus tard, après l’accession de Félix Tshisekedi au pouvoir, il a été innocenté dans les deux affaires. Ces procès ont été jugés comme « politiquement motivés » par de nombreuses ONG et organisations internationales. Selon ces organisations dont la Voix de sans voix (VSV), ces manœuvres judiciaires étaient une tentative d’écarter un opposant majeur avant les élections de 2018. Katumbi tentera un forcing en essayant de rentrer au pays par la frontière de la Zambie, sans succès.

Ernest Kyaviro, 17 mois de prison pour des infractions politiques (2015)

Cadre du RCD/KML, parti d’Antipas Mbusa Nyamwisi, l’ancien député Ernest Kyaviro avait purgé 17 mois de prison au Centre pénitencier et de rééducation de Makala à Kinshasa. Il avait été arrêté à Goma, au cours d’une manifestation initiée par l’opposition le 22 janvier 2015 contre le pouvoir de Joseph Kabila. Après son arrestation, il avait été transféré à Kinshasa, avant d’être condamné à 3 ans de prison pour « incitation à la désobéissance civile ». En appel, sa peine avait été réduite à 17 mois. En avril 2016, lors d’un constat du reporteur de Radio Okapi, l’homme purgeait sa peine dans l’hôpital pénitencier de Makala où il était retenu pour des raisons de santé. Il clamait toujours que son arrestation était politique. Dans un rapport publié quelques mois après, Dans un rapport publié jeudi 26 novembre, Amnesty International dénonce la répression qui l’ONG Amnesty International dénonçait une répression qui « s’abat sur la société civile et l’opposition en République démocratique du Congo ». Cette organisation de lutte pour les droits de l’homme critiquait une justice congolaise « instrumentalisée pour « réduire au silence ceux qui sont en désaccord avec l’idée d’un troisième mandat pour le président Kabila ».

Jean-Claude Muyambo, condamné pour « abus de confiance » (2015)

Arrêté en janvier 2015 dans la foulée des manifestations contre la modification de la loi électorale, l’ancien bâtonnier Jean-Claude Muyambo a été condamné à 5 ans de prison. Mais curieusement, lors du procès, les faits pour lesquels il a été arrêté ne seront pas évoqués. Le tribunal brandit plutôt un dossier d’abus de confiance et de stellionat dans le cadre d’une affaire d’immeuble appartenant toujours au même sujet grec (Alexandros Stoupis) qui avait fait condamner Moise Katumbi. Depuis son incarcération à la prison de Makala, il se plaignait de l’état de son pied gauche tuméfié à la suite du traitement qu’il aurait subi lors de son arrestation. Jean-Claude Muyambo sera finalement gracié après l’arrivée de Félix Tshisekedi au pouvoir en 2019, soit une année avant la fin de sa peine.

Christopher Ngoyi, un activiste derrière les barreaux (2015)

Militant de la société civile, Christopher Ngoyi Mutamba faisait partie des personnalités arrêtées en janvier 2015 lors des manifestations contre la modification de la loi électorale qui conditionnait l’organisation des élections de 2016 au recensement général de la population. Pour plusieurs de ses proches, Christopher Ngoyi n’était rien d’autre qu’un « prisonnier d’opinion ». Il sera libéré plus d’une année après au même moment que Fred Bauma et Yves Makwambala, deux activistes du mouvement citoyen Lutte pour le changement (LUCHA). Ils avaient été relâchés sur décision de la Cour Suprême de Justice, bénéficiant d’une « liberté provisoire » après 18 mois et 15 jours de détention sans procès. Officiellement, Christopher Ngoyi était accusé d’incendie volontaire, actes de pillage et incitation à la haine raciale.

Procès Franck Diongo (2016)

Jugé en procédure de flagrance pour séquestration de trois militaires de la Garde républicaine en marge d’une manifestation populaire contre le maintien de Joseph Kabila au pouvoir, l’opposant Franck Diongo a été condamné le 28 décembre 2016 à cinq ans de prison ferme. Les sympathisants du leader du Mouvement lumumbiste progressiste (MLP) avaient déployé devant la Cour suprême de justice à Kinshasa plusieurs banderoles avec ces inscriptions : « Libérez Franck Diongo », « Franck Diongo innocent », « Franck Diongo héros vivant », rapportait RFI lors du procès en révision de sa condamnation. Même des journalistes ont été interdits d’accéder dans la salle d’audience le jour de ce procès en révision de sa peine. Mais Franck Diongo ne sera libéré qu’en mars 2019 après la prise de pouvoir par Félix Tshisekedi.

Proche de Tshisekedi, Kamerhe devant la barre (2020)

A l’époque directeur de cabinet du président de la République, Félix Tshisekedi, Vital Kamarhe a été arrêté et emprisonné pour détournement de fonds publics dans le cadre du programme des “100 jours”. Ce programme d’urgence a été présenté comme une initiative visant à répondre aux besoins de la population et à apporter des changements positifs dès l’entame du mandat du président Félix Tshisekedi en 2019. Cependant, des accusations d’irrégularités, de corruption et d’utilisation abusive du pouvoir ont été formulées. Pour la première fois depuis l’indépendance du pays, un directeur de cabinet du chef de l’Etat en fonction est non seulement mis en cause par la justice mais aussi condamné. Certains y ont vu un signal fort contre la corruption, d’autres une lutte de pouvoir interne. Avec la mort soudaine du juge Raphaël Yanyi qui dirigeait l’affaire, ce procès a été perçu comme un règlement de comptes politique contre Vital Kamerhe par certaines personnes dans l’entourage de Félix Tshisekedi. Condamné à 20 ans de prison en 2020, la peine sera réduite à 13 ans après un second jugement en appel.

Arrêté le 8 avril 2020, Vital Kamerhe sera « totalement acquitté » le 23 juin 2020. « Il n’y a pas de preuve contre lui. C’en est définitivement fini avec cette affaire », avait clamé son avocat, Jean-Marie Kabengela. La Cour de cassation a cassé la condamnation à treize ans de prison prise par la Cour d’appel, demandant à celle-ci, constituée d’autres juges, de rejuger l’affaire. Mais le dossier n’a plus jamais été rejugé. En décembre 2021, cette haute juridiction avait déjà accordé une libération conditionnelle à Vital Kamerhe pour raisons de santé, lui permettant d’effectuer un déplacement en France.

Condamné dans le même procès, l’homme d’affaires libanais Samir Jammal avait également été « acquitté par la cour d’appel de Kinshasa/Gombe », selon son avocat, Tshitsha Bokolombe. Dans l’entretemps, les maisons préfabriquées pour lesquelles ces personnes avaient été arrêtées n’ont jamais été rendues totalement à l’Etat congolais qui avait déboursé 57 millions de dollars pour ce volet du programme de « 100 jours ».

Jean-Marc Kabund : un ancien chef du parti présidentiel en procès (2022)

Fin 2021, l’ancien président intérimaire de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) Jean-Marc Kabund commence à prendre des positions contraires à la ligne de son parti, dénonçant notamment une « justice à deux vitesses ». En 2022, Kabund s’en prend directement au chef de l’État, Félix Tshisekedi, l’accusant d’« incompétence notoire » et de « dérive monarchique ». Le 18 juillet 2022, lors d’une conférence de presse pour le lancement de son nouveau parti, l’Alliance pour le changement, il indique que Félix Tshisekedi est un « danger au sommet de l’État » et qu’il fallait s’en débarrasser. C’était visiblement des mots de trop adressés contre le régime en place. Arrêté en août 2022, Kabund a été condamné, en septembre 2023, à une peine de sept ans de prison par la Cour de cassation. Cette condamnation faisait suite à une série d’accusations, notamment « d’outrage au chef de l’Etat », « offense aux institutions de la République » et « propagation de faux bruits ».

Pilier du parti présidentiel, l’homme était tombé en disgrâce en janvier 2022. Passé dans l’opposition après sa mise à l’écart de l’UDPS et son éviction de son poste de premier vice-président de l’Assemblée nationale, il avait progressivement radicalisé son discours vis-à-vis des autorités congolaises. En 2025, il sera finalement libéré de la prison. Des rumeurs évoquent une grâce présidentielle accordée par Félix Tshisekedi. Mais son entourage se défend. « Dans le cadre d’un recours extraordinaire introduit par le biais d’une procédure en révision, la Cour de cassation a rendu son arrêt d’acquittement en faveur du Président Jean-Marc Kabund le 21 février. Ainsi, les infractions retenues dans le précédent arrêt de sa condamnation sont effacées et son casier judiciaire devient désormais vierge », avait déclaré en février Me Emmanuelli Kahaya, un de ses avocats.

Procès Salomon Kalonda (2023)

Accusé par l’Auditorat militaire supérieur d’être en intelligence avec quelques officiers rwandais dans un contexte d’agression rwandaise contre la RDC, Salomon Kalonda, conseiller politique de l’opposant Moise Katumbi avait été arrêté le 30 mai 2023 à l’aéroport de N’djili, à Kinshasa. Plusieurs fois, ses avocats contestaient les accusations portées contre leur client et remettaient en question la légalité de la procédure ayant conduit à sa détention. Salomon Kalonda était aussi accusé de détention d’arme à feu. Mais cette prévention avait été élaguée car l’arme appartenait au garde du corps de l’ancien Premier ministre, Augustin Matata Ponyo. Des accusations de collusion avec des officiers rwandais ont été aussi rejetées par le parti de Katumbi. Son secrétaire général, Dieudonné Bolengetenge avait qualifié de « mensonges et des affabulations » ces accusations « fantaisistes » criant à un procès politique visant à affaiblir Moise Katumbi avant les élections de décembre 2023. Plus tard, élu député provincial du Maniema puis sénateur du Haut-Katanga sans battre campagne, Salomon Kalonda sera relâché par la justice militaire après la validation de son mandat de sénateur au Sénat. Il sera d’abord autorisé à aller se faire soigner en Belgique, avant de revenir siéger au Sénat.

Condamné à 10 ans de travaux forcés, Matata évoque un procès politique

Premier ministre de 2012 à 2016 sous le régime du président Joseph Kabila, Augustin Matata Ponyo a été condamné, le 20 mai 2025, à 10 ans de travaux forcés. La Cour constitutionnelle l’a reconnu coupable de détournements de fonds publics d’un montant de 247 millions de dollars, selon le président de la haute cour, Dieudonné Kamuleta. Ces fonds étaient destinés au projet du parc agro-industriel de Bukanga-Lonzo, un projet pilote à 250 kilomètres au sud-est de Kinshasa.

Tout avait commencé en novembre 2020, lorsque l’inspection générale des finances (IGF) avait conclu dans un rapport que 205 millions de dollars, sur 285 millions décaissés par le Trésor public pour ce projet avaient été égarés.

Matata Ponyo, qui clamait son innocence, avait cessé de participer aux audiences, accusant la justice de n’avoir pas sollicité la levée de ses immunités à l’Assemblée nationale. De son côté, la Cour affirme l’avoir déjà fait pendant que l’incriminé était sénateur. Mais l’ancien chef du gouvernement ne l’entend pas de cette oreille et accuse la cour de lui intenter un procès politique parce qu’il aurait refusé de choisir l’Union sacrée de la nation, plateforme politique de la majorité au pouvoir. Actuellement député et président du parti d’opposition Leadership et gouvernance pour le développement (LGD), Matata Ponyo est porté disparu depuis ce verdict rendu par la Cour constitutionnelle. D’après Laurent Onyemba, son avocat, par sa « décision inique » de condamnation de Matata, la « Cour a démontré que c’est une affaire politique ».

Dans l’histoire de la justice congolaise, d’autres personnalités politiques ont eu à crier au « procès politique » à tort ou à raison. C’est le cas de l’ancien ministre des Mines, Eugène Diomi Ndongala arrêté en 2013 après une période de clandestinité. Devenu opposant à Joseph Kabila, il avait été condamné le 26 mars 2014 par la Cour suprême de justice à 10 ans de servitude pénale principale pour viol avec violence, exposition d’enfants à la pornographie, détention d’enfants et tentative de viol d’enfants. Lors de sa libération conditionnelle en 2019, le ministre de la Justice avait interdit à l’intéressé de pénétrer dans un rayon de 500 mètres d’une école de filles. Il y a également le cas du procès de François Beya, conseiller spécial en matière de sécurité du président Félix Tshisekedi. Accusé de complot contre la sûreté de l’État, son procès avait été critiqué pour son opacité et son caractère politique. L’affaire était perçue comme un règlement de compte interne au sein du pouvoir.

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Députés provinciaux en RDC : entre impuissance et conflits institutionnels

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Ils sont élus pour représenter leurs provinces, mais en République démocratique du Congo (RDC), les députés provinciaux se retrouvent souvent relégués à un rôle marginal, pris en étau entre les contraintes imposées par Kinshasa, les conflits avec les gouverneurs provinciaux et leurs propres pratiques parfois controversées. La décentralisation, inscrite dans la Constitution de 2006, promettait une autonomie accrue pour les provinces, mais les réalités institutionnelles, financières et politiques entravent leur capacité à agir. Selon un rapport du Congo Research Group publié en 2024, près de 70 % des édits votés par les assemblées provinciales sont bloqués ou annulés par le gouvernement central. Pendant ce temps, les citoyens, comme Roger Nzuzi, agriculteur du Kwilu, s’interrogent : « À quoi servent nos élus s’ils ne peuvent même pas décider du budget d’un hôpital ? » Heshima Magazine explore les limites institutionnelles, les blocages politiques, les comportements problématiques des acteurs provinciaux et les conséquences pour les populations locales, révélant une démocratie congolaise encore en quête d’équilibre.

La Constitution de 2006 établit un cadre ambitieux pour la décentralisation, conférant aux provinces des compétences exclusives dans des domaines comme l’éducation, les taxes locales, les infrastructures et la gestion des ressources naturelles. L’article 204 énumère ces compétences, tandis que l’article 197 définit les assemblées provinciales comme des organes délibératifs élus au suffrage universel direct pour un mandat de cinq ans, chargés de légiférer par des édits. Cependant, cette autonomie est limitée par l’article 205, qui stipule que dans les domaines de compétence partagée, les lois nationales priment sur les édits provinciaux en cas d’incompatibilité. « Le système actuel réduit les assemblées provinciales à des chambres d’enregistrement », explique Miché Kanimbu, politologue à l’Université de Lubumbashi. Cette prééminence du pouvoir central freine les initiatives locales, rendant les députés provinciaux dépendants des décisions de Kinshasa.

Un exemple frappant est la difficulté des assemblées à faire appliquer leurs édits. Selon un rapport de l’Institut d’Études de Sécurité, entre 2007 et 2013, seulement 6 à 7 % des revenus nationaux ont été transférés aux provinces, loin des 40 % prescrits par la Constitution. Cette rétention financière limite la capacité des assemblées à financer des projets, les obligeant à quémander l’approbation du gouvernement central. « Nos propositions sont systématiquement bloquées par l’administration centrale », confie un ancien député provincial dans un article de Jeune Afrique publié le 15 mars 2024.

L’Étau financier de Kinshasa

Le manque de ressources financières est un obstacle majeur. L’article 175 de la Constitution stipule que 40 % des recettes nationales doivent être retenues à la source par les provinces, mais cette disposition est rarement respectée. Un rapport de la Banque mondiale publié en 2023 indique que seulement 12 % des budgets provinciaux sont exécutés sans l’aval de Kinshasa. Cette centralisation financière paralyse les provinces, qui peinent à payer les salaires des fonctionnaires ou à financer des projets d’infrastructures. Par exemple, dans le Nord-Kivu, un article de Global Press Journal rapporte qu’en 2016, 6 millions de dollars alloués à la construction de routes n’ont jamais été décaissés en raison de « problèmes financiers » au niveau provincial.

Les retards dans le paiement des émoluments des députés provinciaux aggravent leur marginalisation. En septembre 2023, des députés provinciaux ont organisé un sit-in devant la primature à Kinshasa pour protester contre quatre mois d’arriérés de salaire. « Nous passons des mois sans salaire, ce qui nous empêche de travailler efficacement », témoigne un député provincial du Haut-Katanga. Ces retards, souvent dus à des lenteurs bureaucratiques ou à des détournements présumés, sapent la légitimité des élus aux yeux des citoyens. Un rapport de la Cour des Comptes de 2021 souligne des dépassements budgétaires massifs au niveau national, suggérant des problèmes similaires dans les provinces, où les budgets d’investissement sont souvent sous-exécutés au profit des dépenses courantes comme les salaires.

Conflits entre gouverneurs et Assemblées provinciales

Les relations entre les gouverneurs et les Assemblées provinciales sont marquées par des tensions fréquentes, souvent exacerbées par des motions de censure ou de défiance. Selon un rapport du Sénat adopté en juin 2021, 15 gouverneurs ont été destitués par les assemblées provinciales en une seule année, illustrant une instabilité chronique. Les assemblées justifient ces destitutions par des accusations de mauvaise gestion ou de corruption. Par exemple, en 2017, l’Assemblée provinciale du Haut-Katanga a destitué le gouverneur Jean-Claude Kazembe pour des « irrégularités dans la gestion des fonds publics et des marchés publics ». De même, en 2021, Zoé Kabila, gouverneur du Tanganyika, a été destitué pour « mauvaise gestion » et « manque de respect » envers l’assemblée provinciale.

Cependant, ces destitutions sont souvent controversées. Certains observateurs, comme ceux cités dans un article du site belge La Libre, suggèrent que les motions de censure sont parfois utilisées comme des outils de chantage ou de règlement de comptes politiques. « Les députés provinciaux, toujours en quête d’argent et dépendants financièrement du gouverneur, peuvent être tentés de monnayer leurs votes », explique Élodie Ndiya, experte en gouvernance à l’Université de Kinshasa. Un article de Forum des As va plus loin, décrivant les assemblées comme des « espaces de guerre » où les députés passent leur temps à initier des motions de défiance pour des raisons opportunistes, parfois après avoir été « achetés » par des acteurs extérieurs.

Les gouverneurs, de leur côté, se plaignent de cette instabilité. Lors de la huitième conférence des gouverneurs en décembre 2021, ils ont recommandé un moratoire de deux ans sur les motions de censure pour garantir la stabilité de la gouvernance provinciale. Cette proposition reflète leur frustration face à la menace constante de destitution, qui entrave leur capacité à mettre en œuvre des politiques à long terme. « Les assemblées provinciales devraient contrôler les gouverneurs, pas les déstabiliser pour des gains personnels », déclare un gouverneur sous couvert d’anonymat.

Interventions du gouvernement central

Face à ces conflits, le ministre de l’Intérieur intervient parfois pour suspendre les activités des assemblées provinciales, une mesure qui soulève des questions sur l’autonomie provinciale. En octobre 2023, l’ancien vice-premier ministre et ministre de l’Intérieur, Peter Kazadi, a suspendu toutes les activités de l’Assemblée provinciale de Kinshasa, y compris les tentatives de convocation de plénières, en raison de tensions internes entre le Bureau et les députés. De même, en 2012, Adolphe Lumanu, alors ministre de l’Intérieur, a suspendu les plénières de l’assemblée du Nord-Kivu après que certains députés ont quitté leurs partis politiques, une décision qualifiée d’« assassinat de la démocratie » par le rapporteur de l’assemblée de l’époque. Ces interventions, bien que parfois justifiées par la nécessité de rétablir l’ordre, sont critiquées pour leur impact sur la décentralisation. « Le gouvernement central utilise ces suspensions pour maintenir son contrôle sur les provinces », analyse Dr. Kabeya.

Dans les provinces de Nord-Kivu et Ituri, l’état de siège décrété en mai 2021 a suspendu les assemblées provinciales, transférant leurs prérogatives à des autorités militaires. Prolongé à plusieurs reprises, cet état d’exception illustre comment le gouvernement central peut neutraliser les institutions provinciales sous prétexte de sécurité. « Nous sommes élus, mais sans pouvoir réel sous l’état de siège », déplore Aline Furaha, étudiante en Droit.

Une faible participation électorale

La frustration des citoyens se reflète dans les taux de participation aux élections provinciales. Selon l’International Foundation for Electoral Systems, les élections provinciales de 2023 ont vu une participation d’environ 40 millions d’électeurs inscrits, mais les irrégularités et la désillusion ont conduit à une abstention significative, notamment dans les provinces en conflit comme le Nord-Kivu. « Nous votons pour des députés qui ne peuvent impulser la construction même d’une école. À quoi bon ? » s’interroge Julienne Mbuyi, commerçante à Mbuji-Mayi. Cette désaffection menace la légitimité des institutions provinciales et renforce la centralisation du pouvoir.

Des lois provinciales sous contrôle central

Les assemblées provinciales ont le pouvoir de légiférer par des édits dans leurs domaines de compétence, mais ces initiatives sont souvent bloquées ou annulées par le gouvernement central. Le Congo Research Group estime que 70 % des édits provinciaux sont contestés ou invalidés par Kinshasa, souvent pour des raisons de conformité avec les lois nationales. Par exemple, dans le Haut-Katanga, un édit visant à réguler les taxes minières a été suspendu par le ministère des Mines en 2022, arguant d’une incompatibilité avec la législation nationale. Cette situation limite la capacité des provinces à répondre aux besoins locaux et renforce leur dépendance envers Kinshasa.

Conséquences pour les populations locales

L’impuissance des députés provinciaux et les conflits avec les gouverneurs ont un impact direct sur les citoyens. Dans le Kasaï, par exemple, les écoles et les hôpitaux manquent de financement, car les budgets d’investissement sont souvent sous-exécutés. Un rapport du Fnds monétaire international (FMI) de 2024 note que seulement 13 % des investissements prévus dans l’éducation ont été réalisés en 2022, contre 111 % des dépenses courantes, principalement des salaires. Cette priorisation des dépenses courantes au détriment des investissements limite le développement local et alimente la méfiance des citoyens envers leurs élus.

Dans le Nord-Kivu, la suspension de l’assemblée provinciale sous l’état de siège a exacerbé l’insécurité, les habitants se sentant abandonnés face aux groupes armés. « Nos élus sont invisibles, et Kinshasa décide de tout », témoigne Pierre Kahindo, habitant de Masisi. Cette situation renforce les tensions sociales et le sentiment d’exclusion dans les provinces éloignées de la capitale.

Un avenir incertain pour la décentralisation

L’impuissance des députés provinciaux, les conflits avec les gouverneurs et les interventions du gouvernement central soulèvent une question cruciale : la décentralisation en RDC peut-elle devenir une réalité ? Les obstacles institutionnels, financiers et politiques suggèrent que sans réformes majeures, les assemblées provinciales resteront des institutions marginalisées. La proposition de révision constitutionnelle annoncée par le président Tshisekedi en octobre 2024 pourrait offrir une opportunité de renforcer l’autonomie provinciale, mais elle suscite aussi des craintes de recentralisation. « Si la révision renforce Kinshasa au détriment des provinces, la décentralisation ne sera qu’un slogan », prévient Dr. Ndaya, médecin à Kinshasa.

Pour les citoyens congolais, l’enjeu est clair : sans une décentralisation effective, les provinces resteront sous la tutelle de Kinshasa, les gouverneurs seront fragilisés par des destitutions fréquentes, et les députés provinciaux, tiraillés entre impuissance et pratiques controversées, peineront à représenter leurs électeurs. La question demeure : la RDC parviendra-t-elle à libérer ses provinces des chaînes d’un système dysfonctionnel, ou la décentralisation restera-t-elle une promesse non tenue pour des millions de Congolais ?

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Révélations choc de Bemba : Joseph Kabila, un imposteur au service du Rwanda ?

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Le 9 juin 2025, lors de l’émission « Face-à-Face » sur Top Congo FM, Jean-Pierre Bemba, Vice-premier ministre des Transports, Voies de communication et Désenclavement et figure de proue de la politique congolaise, a lancé des accusations explosives contre l’ancien président Joseph Kabila. Selon Bemba, Kabila, connu sous le nom d’Hippolyte Kanambe, ne serait pas le fils biologique de Laurent-Désiré Kabila, mais un soldat rwandais infiltré au plus haut niveau de l’État congolais. Ces déclarations, qui remettent en cause la nationalité et la légitimité de Kabila, s’inscrivent dans un contexte de doutes persistants et pourraient avoir des répercussions majeures sur la scène politique de la République démocratique du Congo (RDC).

Dans son intervention, Bemba a affirmé que Joseph Kabila, présenté comme le fils de Laurent-Désiré Kabila, est en réalité Hippolyte Kanambe, un ancien aide de camp du chef de l’armée rwandaise, introduit en RDC comme un agent sous les ordres de Paul Kagame. Il a également déclaré que Jaynet Kabila, souvent considérée comme la sœur jumelle de Joseph Kabila, serait en fait la sœur de son père biologique, renforçant ainsi l’idée d’une imposture orchestrée. Ces allégations, rapportées par Congopubonline, visent à discréditer la légitimité de Kabila en tant qu’ancien chef d’État congolais.

Bemba a également accusé Kabila d’avoir facilité l’infiltration de l’armée congolaise par des éléments rwandais à travers des groupes comme le CNDP et le M23. Il a allégué que, sous le régime de Kabila, la Banque centrale du Congo aurait transféré 66 millions de dollars par mois au Rwanda, soit un total de 800 millions par an et environ 15 milliards sur 18 ans, prétendument pour soutenir les efforts de guerre contre Mobutu Sese Seko. Ces accusations financières, si elles sont vérifiées, suggèrent une collusion profonde entre Kabila et le Rwanda, au détriment des intérêts congolais.

La crédibilité de Bemba : un insider de haut rang

Jean-Pierre Bemba n’est pas un simple commentateur politique. Ancien chef du Mouvement de libération du Congo (MLC), il a commandé des dizaines de milliers de combattants pendant la deuxième guerre du Congo (1998-2003). Il a ensuite occupé des postes clés, notamment vice-président de la RDC de 2003 à 2006 et vice-premier ministre chargé de la Défense de 2023 à 2024, avant de devenir Vice-premier ministre des Transports. Ces fonctions lui auraient donné accès à des informations sensibles sur les dynamiques politiques et militaires du pays, renforçant la crédibilité de ses déclarations.

En tant que figure de premier plan, Bemba a côtoyé les cercles du pouvoir et dispose de réseaux d’intelligence qui lui permettent d’accéder à des informations non publiques. Bien que son passé conflictuel avec Kabila, notamment lors de l’élection présidentielle de 2006 où il avait déjà qualifié Kabila de « mupaya » (étranger en lingala), puisse suggérer un parti pris, son expérience et son accès à des données confidentielles confèrent un poids significatif à ses accusations. Ses déclarations, bien qu’explosives, ne peuvent être écartées sans une enquête approfondie.

Les doutes persistants sur la filiation de Kabila

Les accusations portées par Jean-Pierre Bemba lors de l’émission Face à Face du 9 juin 2025 s’inscrivent dans un contexte de suspicions de longue date sur l’origine et la nationalité de Joseph Kabila. Ces doutes, qui planent depuis des décennies, ont été alimentés par des déclarations de figures politiques, de prétendus membres de la famille Kabila et d’acteurs de la société civile, souvent dans un climat de tensions politiques et de méfiance envers l’ancien président.

En 2006, lors de la campagne présidentielle, Jean‑Pierre Bemba avait publiquement qualifié Joseph Kabila de « mupaya » (étranger en lingala) et d’« enfant illégitime », instillant l’idée que sa légitimité pouvait être remise en cause. Étienne Tshisekedi, lui-même, évoquait régulièrement des suspicions sur l’authenticité congolaise de Kabila. En 2013, Étienne Kabila, se déclarant fils aîné de Laurent‑Désiré, a repris la thèse selon laquelle Joseph ne serait pas le fils biologique de Mzee Kabila, mais le fruit de la relation entre un opposant rwando‑tanzanien, Christophe Adrien Kanambe, et Marcelline Mukambukuje, sa mère biologique, également adoptée par Laurent-Désiré à la mort de son ami Christophe Kanambe.

La controverse s’est intensifiée en 2020, lorsqu’Ibrahim Kabila, un autre prétendant fils de Mzee, a publiquement exigé un test ADN pour clarifier la filiation des enfants de Mzee Kabila, sans que cette demande soit suivie d’effet. Les allégations ont été relayées par la BBC et d’autres médias, tout en rappelant que l’État congolais continue officiellement à reconnaître Joseph Kabila comme fils de Laurent‑Désiré et de Sifa Mahanya, l’épouse du défunt président.

D’autres membres présumés de la famille Kabila ont également contribué à la controverse. En 2008, l’assassinat à Kinshasa d’Aimée Kabila, présentée comme une fille de Laurent-Désiré Kabila, a suscité des débats sur son identité réelle et son lien avec la famille. De même, en 2010, le pasteur Pascal Mukuna, figure religieuse influente, a soutenu des thèses similaires en demandant des tests ADN, une démarche appuyée par Ibrahim Kabila avant l’arrestation de ce dernier.

Le gouvernement congolais de l’époque avait réagi à ces allégations en publiant des photos officielles de famille, ainsi qu’un témoignage de Sifa Mahanya, présentée comme la mère biologique de Joseph Kabila. Elle affirmait sans ambiguïté que l’enfant était bien né de son union avec Laurent-Désiré Kabila. Pourtant, les rumeurs ont persisté.

Georges Mirindi, ancien “kadogo” (enfant soldat) ayant combattu aux côtés de Laurent-Désiré Kabila jusqu’au renversement du régime de Mobutu et qui fut son garde du corps, a affirmé que la mère biologique de Joseph Kabila serait une Tutsie vivant cachée, protégée par son fils. Dans une interview accordée au journaliste congolais Marius Muhunga et disponible sur YouTube, il a soutenu que cette femme résidait même au Palais de Marbre du temps de Mzee Kabila.

Ces spéculations se nourrissent aussi du manque de transparence entourant la biographie officielle de l’ancien président. Bien que celle-ci mentionne sa naissance le 4 juin 1971 à Hewa Bora II, dans le Sud‑Kivu, ce que certaines sources jugent plausible, tandis que d’autres, mettent en doute ce lieu de naissance et soulèvent l’idée d’une ascendance rwandaise ou tanzanienne.

La déclaration d’Aimé Ngoy Mukena concernant la construction de l’identité katangaise de Joseph Kabila est avérée. Dans une vidéo diffusée en décembre 2014, l’ancien ministre congolais des Hydrocarbures et ex-gouverneur du Katanga, décédé en 2022, affirme avoir été chargé, avec d’autres cadres katangais, de conférer à Joseph Kabila une identité katangaise pour contrer les rumeurs sur ses origines. Il précise avoir attribué à Kabila le surnom « Kabange », inspiré de la coutume locale des jumeaux, et lui avoir désigné un village du Katanga pour renforcer cette identité fabriquée.

Ces doutes persistants, amplifiés par des déclarations d’Étienne et Ibrahim Kabila, ainsi que par des acteurs politiques et religieux, reflètent une méfiance profonde envers Joseph Kabila, souvent perçu comme un étranger dans un contexte où l’identité nationale est un enjeu brûlant en RDC. Malgré les efforts du gouvernement de l’époque pour clarifier sa filiation, l’absence d’une enquête officielle crédible et transparente continue de diviser l’opinion publique congolaise.

Réactions et implications politiques

Les déclarations de Bemba ont suscité des réactions polarisées. Sur la plateforme X, certains utilisateurs ont salué ses révélations, affirmant qu’ils confirment des soupçons de longue date. Un poste a déclaré : « Bemba accuse Kabila d’avoir été un agent rwandais infiltré. Nous sommes dans un pays où nous avons eu un président imposteur ». Un autre utilisateur a noté que Bemba n’a pas fait qu’exprimer ce que beaucoup suspectaient déjà, suggérant une résonance avec une partie de la population.

Cependant, d’autres voix ont dénoncé les accusations de Bemba comme des mensonges motivés par des ambitions politiques. Guy Boston, utilisateur sur X a écrit : « Les mensonges de Bemba sont une insulte à l’intelligence du peuple congolais. Calomnier Katumbi, salir Kabila, diffamer la CENCO : voilà sa stratégie de survie politique ». Le camp de Kabila a également réagi, qualifiant les propos de Bemba d’« infondés ».

Ces accusations interviennent dans un contexte politique tendu, marqué par les efforts du président Félix Tshisekedi pour consolider son pouvoir et se distancer de l’héritage de Kabila. En accusant Kabila de collusion avec le Rwanda, Bemba renforce le narratif du gouvernement, qui accuse Joseph Kabila de connivence avec le M23, soutenu par le Rwanda. Ces révélations pourraient galvaniser le soutien à Tshisekedi, mais elles risquent également d’exercer les tensions avec le Rwanda, déjà accusé de soutenir des groupes armés en RDC.

Sur le plan diplomatique, ces allégations pourraient compliquer les relations entre la RDC et le Rwanda, surtout dans un contexte où les pourparlers régionaux peinent à résoudre le conflit dans l’Est. À l’intérieur du pays, elles pourraient raviver les sentiments anti-rwandais et polariser davantage une société déjà divisée par des questions d’identité et de loyauté nationale.

Vers une quête de vérité nécessaire ?

Les déclarations de Jean-Pierre Bemba sur Joseph Kabila rouvrent un débat sensible sur l’identité et la loyauté de l’ancien président. Ces accusations, bien que controversées, émanent d’une figure politique de premier plan ayant accès à des informations privilégiées. Le camp de Kabila rejette ces allégations, mais leur impact sur la politique congolaise et les relations régionales pourrait être significatif. Une enquête approfondie serait nécessaire pour établir la véracité de ces claims, mais en attendant, ils continuent de nourrir les tensions et les spéculations dans un pays en quête de stabilité.

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