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Routes, électricité, eau en RDC : Le rêve inaccessible d’infrastructures
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9 heures agoon
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La redaction
La République démocratique du Congo (RDC), avec sa vaste étendue de 2,345 millions de km² et une population estimée à plus de 100 millions d’habitants en 2025, est un pays aux ressources naturelles immenses, notamment en termes de potentiel hydroélectrique, de ressources en eau et de minerais. Pourtant, l’accès à des infrastructures de base telles que les routes, l’électricité et l’eau reste un rêve pour une grande partie de la population. Pourquoi ces infrastructures sont si insuffisantes ? Tentative de réponse…
La RDC est souvent décrite comme un scandale géologique : un pays très riche en ressources, mais où les infrastructures de base manquent cruellement. Selon un rapport de la Banque mondiale publié en 2022, la RDC dispose du plus grand potentiel hydroélectrique d’Afrique, estimé à 100 000 MW, mais seulement 19% de la population a accès à l’électricité, un chiffre qui tombe à 1% en milieu rural. De même, bien que le pays soit traversé par le fleuve Congo et ses affluents, Actualite.cd rapporte en 2021 que seulement 30% des Congolais ont accès à l’eau potable. Ce déficit infrastructurel a des répercussions profondes sur le développement économique, l’accès aux services de base et la qualité de vie, notamment dans les zones rurales et conflictuelles.
Les routes : un réseau en piteux état
Le réseau routier de la RDC est l’un des moins développés du continent, reflétant des décennies de sous-investissement et de défis logistiques. Selon la Cellule Infrastructures, le réseau total comprend 153 209 km de routes, dont 58 509 km sont d’intérêt général, mais seulement 3 000 km sont asphaltés. Un rapport de 2010, cité dans une analyse de ResearchGate, indique que seulement 42% des routes non pavées sont en bon ou moyen état, avec un besoin annuel de 400 millions de dollars pour la maintenance, soit plus de 5% du PIB.
Les défis sont multiples. La taille immense du pays, combinée à une faible densité de population et à des forêts denses, complique la construction et l’entretien. Les coûts de fret routier, estimés à 15 cents par tonne-kilomètre contre 5 cents dans le sud de l’Afrique, alourdissent les échanges économiques. De plus, la corruption et la mauvaise gouvernance entravent les projets, avec des cartels de transport et des détournements de fonds signalés. Radio Okapi, dans une publication de 2013, a souligné les difficultés interprovinciales, où de nombreuses routes sont impraticables pendant la saison des pluies, isolant des régions entières.
L’électricité : un potentiel inexploité
L’accès à l’électricité est un autre domaine où la RDC accuse un retard significatif. Selon RFI, en 2019, seulement 8% de la population avait accès à l’électricité, un chiffre révisé à 19% dans des rapports plus récents comme celui du site du Trésor français. La capacité installée est de 2 677 MW, mais seulement 1 130 MW sont opérationnels en raison de problèmes de maintenance, comme indiqué dans une analyse de 2024. Le potentiel hydroélectrique, notamment via le projet Grand Inga, est estimé à 44 GW, mais seulement une fraction est développée, avec des coûts de production potentiellement bas (2 cents/kWh).
Les obstacles incluent le manque d’investissement, estimé à 749 millions de dollars par an pour atteindre les objectifs d’exportation, et les inefficacités de la société nationale d’électricité SNEL, avec 40% de pertes de distribution et 41,8% de taux de recouvrement des revenus, selon un rapport de ResearchGate. Les interruptions fréquentes, notamment dans la région de Katanga (19 par mois), forcent 40% des entreprises à utiliser des générateurs de secours. Le projet Grand Inga, bien que prometteur, est freiné par des problèmes de financement et de gouvernance, avec des retards signalés dans les études de faisabilité, comme mentionné par BBC News Afrique en janvier 2025.
L’eau : abondance et pénurie
Malgré ses ressources en eau abondantes, la RDC lutte pour fournir un accès équitable à l’eau potable. En 2021, seulement 30% de la population a accès à l’eau potable, un chiffre qui masque des disparités importantes entre zones urbaines (35% d’accès) et rurales (moins de 10%). Les défis incluent le manque d’infrastructures de distribution, avec 42% des actifs urbains nécessitant une réhabilitation, selon ResearchGate, et une dépendance croissante à l’eau de surface, qui augmente de 7,5% par an pour la population totale et 10% en milieu rural.
La société nationale REGIDESO souffre d’inefficacités, avec un taux de recouvrement des revenus de 70%, 41% de pertes de distribution et des coûts cachés représentant 202,3% des revenus, selon le même rapport. Les subventions régressives, où 90% des utilisateurs d’eau pipée appartiennent au quintile le plus riche, aggravent les inégalités. Dans les zones rurales, les habitants doivent souvent parcourir de longues distances pour trouver de l’eau, ce qui entraîne des problèmes de santé comme le choléra, exacerbés par la faiblesse des systèmes d’assainissement, comme le note la Banque mondiale en 2024.
Facteurs sous-jacents : pourquoi le progrès est lent ?
Plusieurs facteurs structurels expliquent ces déficits. Le manque de financement est crucial, avec des besoins annuels estimés à des milliards de dollars pour combler les lacunes, mais la RDC dépend fortement de l’aide internationale, comme le montrent les engagements de la Banque mondiale (7,55 milliards de dollars entre 2002 et 2017, dont 50% pour les infrastructures). L’instabilité politique et les conflits, notamment dans l’Est, perturbent les projets, avec des régions comme l’Ituri et les Kivus particulièrement affectées, selon le cadre de partenariat pays 2022-2026.
La corruption est un autre obstacle majeur. Un rapport de la Banque mondiale mentionne que 43% de la valeur des engagements sont à risque fiduciaire, avec environ 20 millions de dollars d’irrégularités depuis 2014. Les entreprises publiques, comme SNEL et REGIDESO, souffrent de mauvaise gestion, avec des pertes opérationnelles élevées et des tarifs sous-évalués, ce qui limite les investissements. Enfin, les défis géographiques, avec une densité de population faible et des forêts denses, compliquent la construction, nécessitant des infrastructures résilientes au climat, comme souligné dans le cadre GRID de la Banque mondiale.
Initiatives actuelles et perspectives d’avenir
Malgré ces défis, des initiatives sont en cours. Le projet Grand Inga, bien que retardé, vise à produire 11 GW avec un investissement de 14 milliards de dollars, soutenu par des études de faisabilité financées par la Banque africaine de développement (73 millions de dollars, selon Res4Africa en 2023). Pour les routes, des projets comme la réhabilitation de 1 500 km de routes pavées et 4 000 km de routes rurales sont prévus, avec un soutien de 750 millions de dollars via le projet de soutien à la connectivité et au transport, selon la Banque mondiale en 2022. Pour l’eau, des programmes comme ESSOR visent à installer des micro-centrales solaires pour améliorer l’accès, avec 33 sites ciblés et un financement de 87 millions de dollars.
Cependant, la réalisation de ces projets dépend de réformes de gouvernance et d’une réduction de la corruption. Le cadre de partenariat pays de la Banque mondiale pour 2022-2026 met l’accent sur le renforcement des systèmes pour améliorer l’accès aux services de base, protéger les forêts et soutenir la stabilisation, comme indiqué dans un communiqué de presse de février 2022. Des partenariats public-privé, soutenus par des bailleurs comme la Banque africaine de développement et le Fonds vert, offrent des opportunités, mais les progrès restent lents, avec des débats sur l’efficacité des fonds et la responsabilité des acteurs.
Regards croisés sur un chantier inachevé
En conclusion, les infrastructures en RDC restent un rêve pour beaucoup en raison d’un mélange de facteurs structurels et contextuels, notamment le manque de financement, la corruption, l’instabilité politique et les défis géographiques. Bien que des initiatives prometteuses soient en cours grâce à la détermination du régime de Félix Tshisekedi, leur succès dépendra de réformes profondes et d’un engagement soutenu des acteurs nationaux et internationaux. Il est clair que la RDC doit transformer ses richesses en opportunités concrètes pour améliorer la vie de ses citoyens, un défi qui nécessitera patience, transparence et coopération.
Heshima Magazine
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Nation
Migration des Congolais vers l’étranger : Comment freiner la fuite des cerveaux ?
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5 heures agoon
juillet 8, 2025By
La redaction
La question de l’immigration est revenue au centre des débats depuis quelques mois, notamment aux Etats-Unis. Les Congolais de la République démocratique du Congo (RDC) font désormais partie des pays dont les ressortissants sont menacés d’interdiction d’entrée sur le territoire américain. En dehors des voyages motivés par les études, les affaires ou le tourisme, le reste de l’émigration des Congolais est motivée par des raisons sécuritaires ou économiques. Ce qui devrait questionner la gouvernance des dirigeants congolais. L’amélioration des conditions de vie sur le plan local pourrait réduire cet exode qui s’accompagne d’une fuite des cerveaux.
« J’ai terminé mes études depuis 2014 à l’Université pédagogique nationale (UPN) mais il n’y a pas des débouchés au pays qui puissent aider à construire une vie sur place. J’ai tenté de voyager pour essayer de trouver mieux en France. Après quelques mois de défense de mon dossier, j’ai reçu des documents pouvant me permettre de travailler », explique Trésor, un Congolais qui vit désormais dans une région française. Son cas ressemble bien à celui des milliers d’autres Congolais ou d’Africains en général qui remuent ciel et terre pour rejoindre le vieux continent et tenter de mener une meilleure vie.
A côté de cet exemple figure celui des migrants qui fuient des situations désastreuses dans leurs pays d’origine comme par exemple les conflits armés dans l’Est de la RDC, des situations de violences ou l’injustice sociale dans d’autres pays. Certains empruntent les voies légales pour voyager alors que d’autres arrivent en Europe sans passer par un service consulaire pour demander un visa. Ils arpentent des chemins sinueux et dangereux du Sahel au Maghreb pour atteindre la Méditerranée. « Moi je ne connais pas comment on monte dans un avion ni comment on demande un visa. Je suis arrivé en Europe en traversant des frontières africaines jusqu’en Allemagne, avant de venir m’installer en France », témoigne un autre Congolais qui vante son courage après avoir vécu des dures épreuves dans le Sahara.
Une émigration qui s’accompagne d’une fuite des cerveaux
L’émigration vers l’Europe ou l’Amérique du nord est de plus en plus constatée. Ce phénomène s’accompagne d’une fuite des cerveaux. Cette émigration a des causes multiples, notamment le manque d’opportunités d’emploi, l’instabilité politique et des salaires plus attractifs à l’étranger. Les conséquences incluent une pénurie de main-d’œuvre qualifiée sur le plan local, un affaiblissement des institutions et un frein au développement. Pour fuir la misère et le manque d’opportunité d’emploi, des migrants congolais s’installent même à Chypre afin de tenter de rejoindre l’Union européenne. Les demandes d’asiles dans les pays francophones d’Europe de l’Ouest ont exposé ces dernières années. Floribert Mvumbi, médecin gynécologue, qui travaillait dans un hôpital public à Kinshasa, a rejoint un pays d’Europe. « Le salaire que percevait en tant que spécialiste ne me permettait pas de nouer les deux bouts. Je vivais une vie de précarité alors que j’ai fait plus de 8 ans d’étude de médecine », a-t-il relaté. Ce spécialiste a finalement décidé de quitter la RDC pour exercer son métier outre-méditerranée.
En Belgique, les demandes d’asile des Congolais explosent
En juillet 2024, la Belgique a rapporté que 650 Congolais ont demandé l’asile sur son sol uniquement pour le premier semestre de 2024. Selon Freddy Roossmont, directeur de l’Office des étrangers belge, la Belgique reçoit en moyenne 100 demandes d’asile de Congolais par mois. Une demande qui est sans cesse en hausse depuis un temps.Entre 2021 et 2022, les demandes d’asiles étaient passées de274 à 603 pour toute l’année alors qu’en 2024, le pays a atteint 650 demandes uniquement pour un semestre. Ces chiffres font figurer la RDC dans le top 10 des pays d’où viennent les demandes d’asile. Pour décourager certaines demandes farfelues, le taux de reconnaissance des demandes introduites est descendu de 30 à 13% en 2022. « Nous devons absolument éviter que les gens pensent qu’une procédure d’asile leur permettra sans plus de rester en Belgique. Bien sûr, ceux qui ont besoin de protection l’obtiendront dans notre pays. Toutes les places d’accueil qu’il y a en Belgique, nous en avons besoin pour accueillir les personnes qui fuient effectivement une guerre ou un conflit. Il n’y a pas de places en surplus. J’essaie d’éviter que les gens viennent en Belgique avec de fausses attentes », avait expliqué en janvier 2023 Nicole De Moor, secrétaire d’Etat à l’Asile et à la Migration.
Selon le Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides (CGRA) en Belgique, entre janvier et juin 2022, neuf ressortissants congolais avaient été rapatriés vers Kinshasa. Puis, le 9 novembre 2022, la Belgique avait organisé un « vol spécial » pour rapatrier 14 Congolais dont les demandes d’asile avaient été déboutées et qui refusaient de rentrer volontairement au pays. Ce vol a été organisé par l’Office des étrangers de la Belgique, avec le soutien de l’Agence de surveillance des frontières européennes (Frontex).
Europe et Etats-Unis : le flux sans cesse croissant de migrants africains
D’après le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), plus de 100 000 Africains ont traversé la Méditerranée en 2021 en direction de l’Europe. Ce phénomène d’immigration irrégulière des Africains vers l’Europe est devenu croissant ces dernières années. Fin mai 2025, aux Etats-Unis, l’administration Trump a interdit aux ressortissants de 12 pays d’accéder sur le territoire américain dont 7 Etats africains parmi lesquels figurent la République du Congo et le Tchad. Mi-juin, les Etats-Unis ont encore annoncé une nouvelle liste de 36 pays qui risquent de se retrouver sur ce « travel ban ». Parmi ces Etats, on compte la RDC et le Nigeria.
Pour la première mesure concernant les douze pays, Donald Trump a justifié sa décision par une attaque terroriste perpétrée par un Egyptien, âgé de 45 ans, à Boulder, dans le Colorado, dans l’Ouest du pays. Cette attaque, d’après le président américain, aurait mis en évidence les « dangers extrêmes que représente pour les États-Unis l’entrée de ressortissants étrangers qui n’ont pas été correctement contrôlés ». Selon la Maison Blanche, cette mesure vise à « protéger » le pays de « terroristes étrangers ». Mais aucun ressortissant des pays ciblés n’a été arrêté pour terrorisme. Certains analystes pensent que ces décisions sont à mettre dans la rhétorique anti-migrant développée par Donald Trump.
Lors d’une rencontre avec la Première ministre italienne, Georgia Meloni, Donald Trump avait tenu des propos polémiques en évoquant la situation à la frontière sud des États-Unis. Il avait affirmé que plusieurs pays étrangers auraient volontairement libéré des prisonniers pour qu’ils migrent vers les États-Unis. « Et pas seulement en Amérique du Sud, mais aussi en Afrique, le Congo. Beaucoup de gens viennent du Congo. Je ne sais pas pourquoi, mais ils sont venus, » avait déclaré Donald Trump, sans évoquer la moindre preuve. Mais parmi d’autres raisons évoquées par son administration, certains pays sanctionnés ne seraient pas en mesure de fournir des « documents d’identité fiables » ou auraient « trop de fraude dans l’administration ». Pour d’autres, un nombre important de leurs ressortissants aux États-Unis auraient « dépassé la date limite de leur visa ».
Comment stopper cet exode ?
S’il est difficile d’arrêter totalement l’immigration économique ou sociale, il est cependant possible de réduire sensiblement ce flux migratoire qui comporte également une fuite importante de cerveaux pour les pays concernés, la RDC en particulier. Cet exode concerne les citoyens de deux ordres : ceux qui fuient des conditions socio-économiques du pays et ceux dont la vie est menacée par des conflits armés ou d’autres types de menace. « Le gouvernement est en mesure de trouver des solutions sur la stabilité politique et sécuritaire mais aussi économique », estime un agent congolais ayant requis l’anonymat, travaillant à l’Organisation internationale pour la migration (OIM). Selon lui, dans les statistiques générales, les pays les plus stables sur le plan politique, économique et sécuritaire comptent moins de migrants à l’international, sauf ceux qui partent pour des raisons classiques comme le tourisme, les études ou les affaires. C’est notamment le cas de l’Afrique du Sud, Ile Maurice, de la Namibie et du Botswana. « En RDC, dans le secteur de la santé, beaucoup de médecins qui sont partis se spécialiser à l’étranger restent dans ces pays européens, estimant que les conditions au pays ne sont pas meilleures. Il y a aussi certains qui entreprennent à l’étranger. Le pays perd des revenus fiscaux potentiels des personnes qualifiées qui s’installent à l’étranger », relate un médecin boursier de l’Etat congolais qui poursuit ses études de socialisation en médicine au Maroc. Pourtant, il y a pénurie de médecins au pays. Sur ce point, le ministre de la Santé, Samuel-Roger Kamba a promis une politique d’incitation au retour des médecins en RDC mais aussi un programme de bourse pour ceux qui doivent être formés dans d’autres pays.
Créer des conditions qui découragent l’exode définitif
Le gouvernement congolais devrait créer des programmes incitatifs pour que les Congolais de l’étranger reviennent enseigner, investir ou partager leurs compétences avec ceux restés au pays. Penser à simplifier les procédures administratives pour ce retour. Par exemple, l’autorisation de la double nationalité,la réduction des taxes locales, faciliter la politique de logement dans les villes et les villages pour mieux inciter au retour de ces fils et filles du pays. Il y a aussi la création des conditions nécessaires pour l’éclosion des compétences sur le plan local. La modernisation des universités et l’amélioration des conditions d’études peuvent réduire les départs liés à des raisons d’étude. Le gouvernement devrait également penser à la promotion d’une formation adaptée au marché local, c’est-à-dire, l’orientation des cursus vers les besoins réels du pays.
Heshima
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Négociations AFC/M23 et Kinshasa : l’ultime chance pour un accord à Doha
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1 jour agoon
juillet 7, 2025By
La redaction
Un dernier round est annoncé à Doha, capitale du Qatar, où le gouvernement congolais et les rebelles du Mouvement du 23 mars (AFC/M23) sont en discussion depuis avril 2025. Après des désaccords majeurs entre les délégués de deux camps, un accord peut-il être trouvé avant fin juillet ? L’administration Trump continue de pousser vers un compromis.
Débutés à Doha le 9 avril 2025, les pourparlers directs entre l’AFC/M23 et le gouvernement de la République démocratique du Congo (RDC) reprennent bientôt. Après des négociations en dents de scie, les deux délégations sont à nouveau poussées à la table des discussions par Washington afin de conclure un accord. La grande question reste celle de savoir si les deux parties parviendraient à arrondir les angles pour parvenir à un compromis. Le 3 juillet, lors d’une conférence de presse à Goma, ce groupe armé, qui contrôle de vastes pans de territoires dans l’Est de la RDC dont les villes de Goma et Bukavu, a déclaré qu’il poursuivrait les pourparlers de paix avec Kinshasa entamés à Doha.
Après la signature de l’accord de paix à Washington entre Kinshasa et Kigali, principal soutien de l’AFC/M23, la rébellion se dit prête à négocier aussi avec le gouvernement congolais. Les rebelles estiment que l’accord trouvé aux Etats-Unis concerne uniquement les deux Etats, pas l’AFC/M23. « Ce qui se passe entre la RDC et le Rwanda, c’est entre les deux Etats », a déclaré Benjamin Mbonimpa, secrétaire exécutif du M23 et négociateur de la rébellion, lors de la conférence de presse organisée à Goma. « Nos problèmes sont différents de ce qui a été traité à Washington », a-t-il ajouté, soulignant que le M23 souhaitait la signature d’un cessez-le-feu bilatéral avec Kinshasa. Malgré cette volonté affichée par les rebelles, le mouvement brandit toujours des préalables qualifiés de « garantie de bonne foi ». Il s’agit notamment de la demande d’abrogation de la résolution parlementaire interdisant au gouvernement congolais de discuter avec le M23 prise par l’Assemblée nationale en 2022. Dans la foulée, cette rébellion a aussi nié les accusations de balkanisation du pays. « Nous ne sommes pas engagés dans le processus de négociation de Doha afin de faire le lit à la balkanisation. Jamais ! Mais Kinshasa n’a répondu à aucune de nos préconditions malgré plus de 10 gestes de bonne foi démontrés par l’AFC/M23 », a-t-il fait savoir.
D’après lui, le gouvernement négocie tout en positionnant ses troupes, plaçant l’AFC/M23 en ligne de mire : « Un quartier général des FARDC aurait été établi à Bujumbura, capitale du Burundi, dans le but de coordonner des opérations militaires contre les villes de Goma, Bukavu, et d’autres zones sous contrôle de l’AFC-M23 », a-t-il accusé. Il ajoute également que Kinshasa aurait acquis des drones kamikazes, dans l’intention, selon lui, d’attaquer les zones civiles. De son côté, le gouvernement congolais n’a pas répondu à ces accusations. « Les négociations de Doha n’enlèvent en rien le caractère régalien de l’armée ou du gouvernement. », répond par contre une source non officielle mais proche de l’exécutif congolais.
Une phase décisive à Doha
Ce nouveau round de pourparlers est une phase « décisive », selon Massad Boulos, conseiller principal de la Maison Blanche en charge de l’Afrique. Boulos insiste sur le fait que Washington est « optimiste mais réaliste », fondant son optimisme sur la bonne volonté des présidents Félix Tshisekedi de la RDC et Paul Kagame du Rwanda. Il a précisé que l’engagement du chef de l’Etat rwandais concerne explicitement la rébellion de l’AFC/M23. Au Qatar, il certifie qu’il existe déjà un projet d’accord entre Kinshasa et la rébellion. « Un projet d’accord final a été établi et devrait être mis au point lors de la prochaine réunion », a-t-il révélé, évoquant des responsables de haut rang attendus des deux côtés (Rwanda et RDC). Massad Boulos a aussi noté que pour cet ultime round, les représentants dans les discussions seront « des responsables de haut rang de toutes les parties concernées. »
Kagame soutient le processus de Doha
Malgré son ton menaçant lors de sa dernière sortie médiatique, le 4 juillet à Kigali, le président rwandais Paul Kagame a soutenu le processus de Doha, précisant qu’avec celui de Washington, ces processus sont comme « deux faces d’une même pièce ». Selon le dernier rapport du groupe d’experts des Nations-Unies sur la RDC, l’AFC/M23 obéit aux ordres de Kigali. Et pour l’instant, le régime rwandais dit être favorable aux discussions de Doha. Ce qui augure un accord entre Kinshasa et cette rébellion armée et soutenue en hommes par le Rwanda. « Le président Kagame a exprimé son engagement total en faveur de cet accord de paix. Il a exprimé son soutien sans réserve à une issue pacifique au conflit. », rassure également Massad Boulos.
Si Kigali met la pression sur ses poulains, il est possible d’obtenir un accord en ce mois de juillet 2025. Mais la réussite de ce futur compromis dépend de la pérennité de l’accord de paix signé à Washington entre la RDC et le Rwanda. Le moindre désaccord entre Kinshasa et Kigali peut conduire à la résurgence du M23, qui est perçu comme un épouvantail du Rwanda pour faire chanter Kinshasa.
Heshima
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Est de la RDC : Dans l’ombre des minerais, qui orchestre le chaos ?
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2 jours agoon
juillet 7, 2025By
La redaction
L’Est de la République démocratique du Congo (RDC), région martyre aux richesses convoitées, est un théâtre où se croisent des puissances étrangères aux agendas souvent opaques. La Chine, le Rwanda et les pays occidentaux, chacun à sa manière, façonnent le destin de cette zone stratégique, où l’or, le cobalt, l’étain et le coltan attisent les appétits. Mais derrière les promesses de développement et les discours diplomatiques, qui tire vraiment les ficelles ? À travers des témoignages de terrain et des analyses approfondies, Heshima Magazine décrypte les jeux d’influence qui alimentent l’instabilité dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu.
L’emprise chinoise : un géant économique aux ambitions discrètes
La Chine s’est imposée comme un acteur incontournable dans l’Est de la RDC, principalement à travers ses investissements dans le secteur minier. Le pays, qui contrôle environ 80 % de la production mondiale de cobalt, essentiel pour les batteries des technologies modernes, a fait de la RDC un pilier de sa stratégie mondiale. Selon un rapport de la Carnegie Endowment for International Peace publié le 15 mars 2025, les entreprises chinoises comme China Molybdenum Company et Chengtun Mining dominent l’extraction du cobalt et du cuivre dans les provinces orientales. Des accords bilatéraux, tels que le projet Sicomines, promettaient des infrastructures (routes, hôpitaux, écoles) en échange de concessions minières. Pourtant, les bénéfices pour les communautés locales restent maigres.
Dans un village près de Kolwezi, un chef coutumier, confie : « Depuis que les Chinois ont pris la mine, nos terres sont interdites d’accès. On nous promettait des emplois et des routes, mais nos jeunes travaillent dans des conditions dangereuses pour des salaires misérables. » Les critiques pointent également le manque de transparence dans ces accords. Un article de Jeune Afrique du 10 février 2025 affirme que la renégociation de Sicomines, censée corriger les déséquilibres, a surtout profité aux élites congolaises et aux partenaires chinois, laissant les populations locales à l’écart.
Au-delà de l’économie, la présence chinoise a des implications sécuritaires indirectes. Les sites miniers, protégés par l’armée congolaise, deviennent des zones de tension, où des milices locales s’opposent parfois à l’exploitation étrangère. Un ancien officier de l’armée, sous couvert d’anonymat, explique : « Les Chinois ne portent pas d’armes, mais leur argent influence les décisions. Nos soldats sont déployés pour protéger leurs mines, pas nos villages. » Cette dynamique, souligne un rapport du Council on Foreign Relations de mars 2025, renforce la dépendance économique de la RDC tout en alimentant des ressentiments locaux, qui exacerbent l’instabilité.
Le Rwanda : une ombre persistante sur la frontière
L’implication du Rwanda dans l’Est de la RDC reste l’un des sujets les plus controversés de la région. Depuis des décennies, Kigali est accusé de soutenir des groupes armés, notamment le M23, pour défendre ses intérêts économiques et sécuritaires. Un rapport du Groupe d’experts des Nations Unies de décembre 2023 note que le M23, actif dans le Nord et Sud-Kivu, bénéficie d’un appui logistique sophistiqué de la part du Rwanda. Cette accusation a ravivé les tensions diplomatiques, culminant avec la prise de Goma en janvier 2025 et de Bukavu le mois suivant par le M23.
Les motivations du Rwanda sont multiples. Ces régions de la RDC, riche en coltan, représentent une manne économique considérable. Selon plusieurs rapports, le M23 contrôle des zones minières comme Rubaya, générant environ 800 000 dollars par mois grâce au commerce illicite. Un habitant de Rutshuru, Furaha, témoigne : « Nous avons vu des hommes armés, certains parlant kinyarwanda, contrôler les routes vers les mines. Nos champs sont abandonnés, nos familles fuient. » Ces incursions, qui sont des violations territoriales de la RDC et des lois internationales, attisent les tensions entre Kinshasa et Kigali.
Un expert en sécurité basé à Bukavu, préférant rester anonyme, analyse : « Le Rwanda utilise le M23 comme un levier pour maintenir son influence économique et politique. C’est une stratégie de déstabilisation calculée, mais Kigali sait jouer la carte de la diplomatie pour éviter des sanctions trop lourdes. » Malgré les démentis officiels de Kigali en début de la résurgence du M23, de nombreux rapports de terrain et des experts des Nations-Unies, confirment la présence non seulement de matériel militaire rwandais dans les zones contrôlées par le M23 mais aussi des officiers et militaires rwandais. Cette forte implication prolonge un cycle de violence qui a déplacé plus de 5 millions de personnes à ce jour.
L’Occident : entre diplomatie, sanctions et intérêts cachés
Les pays occidentaux, notamment les États-Unis, la France, la Belgique et l’Union européenne, jouent un rôle complexe dans l’Est de la RDC. Héritiers d’une histoire coloniale lourde, ils influencent la région par des canaux diplomatiques, militaires et économiques. Face à l’implication manifeste du Rwanda, l’Union européenne a sanctionné en mars 2025 neuf responsables du M23 et des officiers rwandais, dont le commandant de la 3ᵉ division Eugène Nkubito. Les États-Unis ont ciblé en février le ministre rwandais James Kabarebe et le porte-parole du M23 Lawrence Kanyuka, gelant leurs actifs sur le sol américain. La Belgique, après avoir poussé aux sanctions européennes, s’est vue rétorquer par Kigali une rupture des relations diplomatiques. Ces mesures s’ajoutent à leur soutien à Kinshasa via des programmes d’aide et des pressions diplomatiques, tout en surveillant l’expansion chinoise.
Pourtant, les motivations occidentales ne sont pas dénuées d’intérêts économiques. Un rapport du Center for Strategic and International Studies (CSIS) publié en janvier 2025 souligne que les États-Unis cherchent à sécuriser leur accès aux minerais stratégiques, en concurrence directe avec la Chine. La France et la Belgique, bien que moins dominantes, maintiennent des investissements dans le secteur minier et des projets d’infrastructures. Un diplomate occidental à Kinshasa, sous couvert d’anonymat, confie à Heshima Magazine : « Nous voulons stabiliser la région, mais nos entreprises ont besoin d’un accès direct aux ressources. C’est un équilibre difficile. »
Les voix du terrain : un peuple pris en otage
Les influences étrangères, qu’elles viennent de Pékin, Kigali ou Bruxelles, ont un impact dévastateur sur les populations de l’Est de la RDC. Les violences liées au M23 et à d’autres milices soutenus par certains États voisins et des multinationales, ont forcé des centaines de milliers de personnes à fuir leurs foyers.
Les communautés locales dénoncent également l’exploitation des ressources. Près d’une mine chinoise dans le Sud-Kivu, un chef de village, Bahati, témoigne : « Les routes en terre aplanies par les Chinois ne servent qu’au transport du cobalt, pas au développement de notre population. Nos rivières sont empoisonnées par les déchets miniers, et nos enfants se voient voler leur avenir. » De même, les tensions avec le Rwanda alimentent un sentiment d’abandon. Un activiste des droits humains à Bukavu, Jean-Paul, insiste : « Tant que le Rwanda soutiendra des groupes comme le M23, nos espoirs de paix resteront vains. Mais les Occidentaux et les Chinois doivent aussi cesser de piller nos richesses en utilisant le Rwanda comme bras armé. »
Vers un fragile espoir de paix ?
Alors que les puissances étrangères continuent de façonner l’Est de la RDC, des initiatives diplomatiques émergent. Un accord de paix entre la RDC et le Rwanda sous l’égide des américains a été signé le 27 juin 2025. Ce qui pourrait apaiser les tensions frontalières. Cependant, les experts restent sceptiques. Un analyste de Crisis Group, cité dans un rapport de mai 2025, avertit : « Sans une réforme de la gouvernance des ressources et une pression internationale concertée, ces accords risquent de n’être que des pansements sur une plaie profonde. »
L’Est de la RDC demeure un échiquier géopolitique où la Chine, le Rwanda et les pays occidentaux jouent leurs cartes, souvent au détriment des populations locales. Pour que la région retrouve la stabilité, il faudra plus qu’un accord diplomatique : une véritable volonté de placer les Congolais au centre des décisions, loin des appétits étrangers. Comme le résume un commerçant de Rutshuru : « Nos minerais sont une bénédiction et une malédiction. Tant que les puissances étrangères tireront les ficelles, notre paix restera un mirage. »
Heshima Magazine
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