Evoquer l’existence de la maîtresse d’un homme marié, c’est entrer principalement dans l’intimité de deux personnes, l’homme marié d’une part et sa compagne d’autre part, afin de déceler les motivations de leur relation ainsi que leurs tenants et aboutissants, sans toutefois ne pas négliger l’impact que cela peut avoir dans l’entourage de l’un comme de l’autre.
Si la relation est observée du point de vue de l’homme que l’on peut supposer en être l’initiateur, on imagine que sur le coup d’une franche émotion sentimentale sinon physique, il se décide de prendre une maîtresse en tenant compte de sa capacité financière : n’étant pas une passade, une relation avec une maîtresse se caractérise forcément par une certaine stabilité avec ce que cela suppose pour l’homme d’être en mesure de gérer les besoins de sa nouvelle conquête, tout en faisant preuve d’un bonne dose d’habilité à gérer son emploi du temps par rapport à sa vie habituelle de marié. C’est donc dire que pareille approche correspond à ce que à l’origine, la maîtresse était censée être entretenue par un homme suffisamment pourvu, voire très riche. Elle représente dans cet ordre idées, un des summums de la satisfaction que la vie peut procurer à un individu, grâce à son aisance financière.
C’est à ce titre que ce genre de situation pouvait jadis être considéré comme le privilège des rois et des puissants et dans l’histoire de France, Louis XIV en est un exemple emblématique.
Dans cet ordre d’idées, faudrait-il dans cette optique estimer que la décision de se choisir une maîtresse relève de l’insatiabilité prêtée aux hommes visà-vis de la chair ou d’une volonté de prestige de paraître en public avec une femme jeune et belle ou alors d’autres ressorts psychologiques sont à aligner ?
Damas, un homme marié justifie le choix de sa récente vie. Il est tombé amoureux de Blandine, en ayant trou – vé chez elle un complément de ce qu’il ne parvient pas à obtenir de sa femme, tout en restant convaincu de continuer à aimer cette dernière. En fait pour lui, c’est une façon d’affectionner les deux différemment. Auprès de sa conjointe avec qui il a cinq enfants, c’est l’histoire d’un parcours et la préservation d’une vie familiale avec la projection de l’ave – nir des enfants qu’il vit, tandis qu’avec sa nouvelle conquête, plus alerte et entreprenante, c’est de l’apaisement qu’il trouve chez elle dans les décisions qu’il doit régulièrement trancher pour ses affaires. Il lui arrive souvent d’échanger régulièrement avec son grand ami Si – mon qui partage avec lui la même vie et avec qui ils leur arrivent de sortir ensemble, chacun sa maîtresse dans ses bras, tout en taquinant souvent la sienne par ailleurs …. maîtresse d’école qu’il dit ne pas se gêner lorsque ses élèves et collègues l’interpellent sous ce titre. Simon se justifie volontiers en faisant porter la responsabilité sur son épouse qui avait insisté de résider en Belgique avec les enfants le laissant seul à Kinshasa. « Que pouvais-je faire d’autre devant l’absence de ma moitié, si ce n’est de m’en dégotter une autre ? »
Du point de vue de la femme appelée à jouer le rôle de maîtresse d’un homme marié, elle est présumée à priori jouer un rôle apparemment passif à l’étape première d’une liaison amoureuse, dans la mesure où elle réagit aux élans amoureux. Quelles seraient pour sa part les motivations psychologiques, sinon socio-psychologiques d’accepter ce statut ?
Wazali s’épanche sur sa relation avec Tonio. « Dès notre première rencon – tre, j’ai su qu’il était engagé dans des liens matrimoniaux. Mais la passion était trop forte, au point où le cœur a pris le dessus sur les convenances ».
De manière plus brutale, Elodie ne cache pas les raisons de son choix délibéré : « Il avait des moyens pour m’entretenir. Je lui ai apporté ma beauté et mon entrain. Je ne vais quand même pas me gêner de profiter de mes atouts, dont je ne sais d’ailleurs pas pendant combien de temps j’en jouirai, et les offrir à un gars sans référence, sous le prétexte que je l’aurai pour moi toute seule ! ». Ce point de vue lucide est partagé par Emérence, tout en indiquant toutefois que la notion longtemps attachée à la maîtresse ne se limite pas à uniquement à une femme entretenue par un homme marié. Emérence est en effet une jeune dame âgée de près de quarante ans. Cadre dans une entreprise de télépho – nie de la place, elle se suffit à elle-même. Toutefois, à l’occasion d’un séjour en France, elle rencontre Robin, un compa – triote marié là-bas et tombe amoureuse de lui. A chacune de ses régulières de – scentes à Kinshasa, il loge chez Emérence qu’elle s’empresse de choyer et de fil en aiguille, elle décide de tomber enceinte de lui : « L’âge avance, et je n’ai toujours pas d’enfant ni d’homme que j’aime à même d’en être le géniteur » avoue-t-elle.
Le prix à payer
Il va de soi que quelles que soient les motivations des uns et des autres à l’origine de ce type de rapport, son existence n’est pas d’emblée toujours évidente. Par la force des choses, son parcours est en effet jalonné d’inconvénients mêlés aux satisfactions qu’il peut procurer. Comme d’ailleurs toute circonstance où deux ou trois personnes sont en contact. Néanmoins, en fonction de la spécificité de cette sorte de liaison, il s’avère de prime abord, qu’il dénote par rap – port à ce qu’on devrait s’attendre de positif lorsque l’amour est en jeu. Bien au contraire, elle entraîne l’adoption de différents comportements.
S’il convient de considérer que le premier réflexe de l’amour est de lier à l’exclusivité, dans le cas sous examen, le vœu de la maîtresse d’avoir son homme pour elle seule est mis à défaut. Il est question de se plier à un nouveau mode de vie qui consiste pour l’essentiel à se résigner à jouer le second rôle surtout aux yeux des amies mariées qui adorent se faire valoir l’air de rien en exposant la bague portée à l’annulaire gauche, à admettre de mener une vie cachée, à maîtriser sa jalousie vis- à-vis de l’épouse du gars, à réprimer ses émotions comme celle d’appeler au téléphone de manière impulsive à n’importe quel moment pour exprimer ses sentiments quitte à les adapter à l’horaire de l’homme, d’admettre les prétextes de son compagnon surtout lorsque ce dernier se montre prévenant eu égard à leur attache.
Devant autant de restrictions, il reste à la maîtresse de voir les bons côtés de sa fréquentation pour en tirer un tant soit peu profit. Car, à moins de ne s’intéresser qu’au lucre offert par cette compagnie, il faut avouer qu’elle permet malgré tout de vivre tant bien que mal un bonheur conjugal relatif dans une certaine indépendance, lequel évolue dans une condition particulière procurée par la fraicheur d’une idylle. Sous des auspices parfois prometteurs !
Quantième dame ?
Si dans l’entendement commun, une maîtresse est une femme qui entretient une union durable avec un homme marié, en RDC et certainement dans beaucoup de pays africains, le statut revêt une nuance particulière. La notion de coépouse est d’ailleurs reconnue tandis que celle de maîtresse serait réservée à l’Occident.
D’ailleurs sur ce registre, la RDC avec sa légendaire capacité d’inventivité a su mettre en vogue une expression qui en souligne les contours : le ou la ( ?) deuxième bureau. On comprend tout de suite l’originalité de son sens qui après le temps passé au service, les prétendues heures supplémentaires se déroulent auprès d’une âme sœur autre que celle du foyer !
L’expression rapidement admise dans la société traduit sans aucun doute une certaine forme d’acceptation du phénomène dans la psychologie sociale dont la vivacité de la polygamie n’a pas totalement disparu dans plusieurs communautés, notamment dans le Grand Kasaï. Dès lors, dans une société où la monogamie a du s’imposer du fait du modernisme, les séquelles de la tradition ont parfois difficile de faire la distinction entre une maîtresse et la femme d’un individu, car les deux peuvent être respectées presque au même titre puisqu’appartenant à ce dernier.
Dès lors qu’une des conditions pour s’assurer de la préservation de la relation entre un homme marié et sa maîtresse se conçoit par la faculté du premier à assurer les besoins de la seconde, spécialement au Congo, les chances de faire perdurer ladite relation passe par une cérémonie, même à cercle restreint, au cours de laquelle est procédé le versement d’une somme d’argent et de quelques présents pour raffermir la relation. Une sorte de garantie du sérieux et de la détermination de sa pérennité.
En ces circonstances, la femme se sent valorisée et prête à mieux faire face à son état, grâce à ces considérations culturelles en appoint à son affection, plus que celles uniquement et bassement matérielles. A voir l’évolution de la position occupée par celle présentée auparavant par d’aucuns comme maîtresse, ne serait-on pas tenté de s’interroger sur la sempiternelle réflexion après la question que s’est posée Jules César s’il fallait être premier en province ou second à Rome afin d’envisager les étapes à franchir selon l’endroit où on est placé.
L’évocation plus haut de Louis XIV en est une autre illustration : à la suite du défilé de plusieurs aventures, il finit par épouser Madame de Maintenon, longtemps sa maîtresse attitrée, après avoir damé le pion à ses rivales.
Ce serait en effet peu connaître la femme que d’imaginer les choses se figer en sa présence. En bien comme en mal. Tapie dans l’ombre, elle a l’art de faire jouer ses atouts sciemment ou non et finir par évincer l’épouse, si pas légalement, du moins dans le cœur de l’homme, étant donné qu’avec le temps, la relation finit par se cimenter, puis se bétonner au fur et à mesure. On commettrait alors une erreur de vouloir la classifier en ordre utile entre elle et l’épouse qui se targuerait peut-être abusivement de première dame, puisque déjà détrônée d’une dignité dont le maintien se cultive sans cesse. En somme, le vécu d’un couple composé d’un homme marié et de sa maîtresse, n’est-elle pas tout simplement l’expression du mystère cheminement humain dont on aurait tort de penser qu’il coule comme un fleuve tranquille ?
Heshima