Congo-Ruanda-Urundi !
D’aucuns le connaissent sous le nom de l’Université de Lubumbashi, cependant, ses étudiants d’autrefois l’ont appelée l’Université officielle du Congo belge et du Ruanda-Urundi, premier établissement d’enseignement supérieur commun à trois pays, à savoir une partie du Congo, le Rwanda et l’Urundi, actuellement la République du Burundi.
Entre 1956, l’année du lancement de la formation et 1960 marquant la migration nominale de ladite université, des milliers d’étudiants ont fréquenté les rues de Lubumbashi pour y être formés, parmi lesquels des diplomates, des politiques de renom encore en fonction dans les pays concernés. A cette époque, congolais, rwandais, burundais se mélangeaient sans se gêner ni se regarder en chiens de faïence, certains s’étant mariés dans les pays de leur accointance. Cette expérience universitaire a également été la genèse d’un flux migratoire entre le Congo et le Ruanda auquel beaucoup d’analystes rattachent la création d’une génération d’apatrides, rejetés des deux pays.
Mobutu-Habyarimana : des frères des parents différents !
Lorsque le Maréchal Mobutu, président de la République du Zaïre apprend la nouvelle de l’assassinat de Juvénal Habyarimana, son ami, il passait un week-end dans la résidence d’Honoré Ngbanda en pleine forêt équatoriale. Il a poussé un cri que sa garde a crû que leur guide faisait une crise de panique suite à l’irruption d’un serpent venimeux.
Honoré, ils l’ont tué, lance-t-il à son hôte. Quelques heures plus tôt, le président rwandais avait rendu visite à son homologue zaïrois pour demander son soutien lors d’une réunion de l’Union Africaine devant statuer sur la crise au Rwanda. Les services de renseignements zaïrois, peu sûrs du dispositif sécuritaire empêchent Mobutu d’accompagner son frère, lui demandant de trouver un subterfuge.
Habyarimana prendra son hélicoptère pour se rendre à ladite réunion, et à son retour alors qu’il survole Kigali, son appareil est abattu par des missiles sol-air.
C’est une catastrophe pour Mobutu, il a perdu un ami, un compagnon, un frère avec qui il partageait des convictions et des parrains français.
Le président du Zaïre sait que son dernier rempart contre une entrée massive des troupes de Kagame sur le sol congolais vient d’être démantelé. Et même si grâce à l’opération turquoise qui a offert l’asile zaïrois aux réfugiés hutus, limite l’action des rebelles du FPR, le sursis ne durera pas longtemps lorsque lassés d’un Mobutu malade, incapable de gérer son pays qui sombre dans la misère, les occidentaux décident de lever le verrou et laisser Laurent-Désiré Kabila évincer le vieux léopard, un ami-ennemi.
Afdl-Rwanda : de l’amour à la haine !
Aidé par ses alliés rwandais, burundais et ougandais, Kabila parvient à chasser Mobutu et commence progressivement à instaurer sa politique quand surgissent en 1998, les premières plaintes concernant les exactions perpétrées par des officiers étrangers. Ils sont accusés de trafic des matières premières sans que Kinshasa en soit informé. Cela provoque la colère Kabila qui s’envole pour Kigala afin d’annoncer la rupture de la collaboration. En même temps à Kinshasa, des autorités rwandaises en postes sont poussés vers la sortie, ils s’en vont en catastrophe avant de revenir pour en finir avec Kabila.
Le 02 août 1998, c’est la date officielle marquant le début de la guerre d’agression du Congo par le Rwanda, le Burundi et l’Ouganda. Kabila devra son salut à la bravoure des habitants de Kinshasa qui ont tué les rwandais à mains nues, mais grâce à l’intervention de nouveaux alliés zimbabwéens et zambiens, venus aider leur nouveau compagnon. Laurent-Désiré Kabila restera au pouvoir trois ans de plus, avant d’être sauvagement abattu, le 16 janvier 2001, dans son bureau du Palais de Marbre à Kinshasa.
2009 : l’union fait la force !
Les provinces du nord et du sud Kivu donnent directement sur le Rwanda, elles sont considérées comme une zone très sensible pour le Congo et pour le Rwanda, d’où la nécessité d’une implication des deux côtés pour éviter toute indélicatesse. C’est dans cette logique qu’en 2009, le président congolais Joseph Kabila et Paul Kagame du Rwanda décident de créer une force militaire commune afin d’endiguer toutes formes d’instabilité entretenue par des groupes rebelles. Alors que cette opération sera couronnée de succès, elle n’aura pas l’approbation de tous les congolais, certains ayant même exprimé clairement leurs avis, le cas de Vital Kamerhe, à l’époque, Président de l’Assemblée nationale : « Tout ce que je sais c’est que l’Assemblée nationale avait adopté un plan de sortie de crise en octobre 2008, soumis au gouvernement sous forme des recommandations. Ce plan avait tracé le cadre de la normalisation de nos relations avec le Rwanda. Ce plan avait aussi le volet politique. Ce qui était en train de se faire donc à Nairobi. Mais nous avons aussi retenu dans ce plan qu’il faut absolument arriver d’une manière ou d’une autre à éradiquer les ex FAR Interahamwe», explique Vital Kamerhe.
« Maintenant vous me dites que les troupes rwandaises viennent d’entrer au Congo, je préfère croire que c’est faux, puisque si c’est vrai, c’est tout simplement grave, parce que cela va soulever un certain nombre de questions. Nous nous posons la question de savoir dans quel état d’esprit se trouvent nos populations qui viennent à peine de sortir de l’agression rwandaise».
2013, Accord-cadre d’Addis-Abeba : le bout du tunnel !
Février 2013, un accord est signé à Addis-Abeba entre 13 pays, sous l’égide de Ban-Ki-Moon, Secrétaire Générale des Nations Unies. Le Kenya, le Mozambique, le Rwanda, le Burundi, l’Ouganda, le Congo, l’Angola, l’Afrique du Sud, la Tanzanie, la Zambie, la RCA, le Soudan du Sud et la RDC. Le contenu de cet accord est un ensemble d’arrangements entre Etats dépendant de la stabilité de la RDC ; il stipule donc la non-ingérence dans les affaires intérieures d’un Etat, ne pas soutenir ou fournir un appui à des groupes rebelles, etc.
Pour la RDC et le Rwanda, l’impossibilité de vivre en conflit s’avère plausible et depuis, les accusations récurrentes des forces rwandaises s’éclipsent donc pour une meilleure coopération des services des renseignements dans le cadre du Mécanisme Régional de Suivi.
Félix Tshisekedi et sa diplomatie agissante !
Rencontrés pour la première fois en février 2019 lors du premier sommet de l’Union africaine pour Félix Tshisekedi, le cinquième président de la RDC et son homologue rwandais ont discuté quelques minutes à la grande joie de certains et au grand étonnement des autres. Pour Félix Tshisekedi, la politique de bon voisinage s’impose afin d’échanger avec les pays limitrophes autour du désir de pacifier et de développer les pays africains en leur évitant les guerres et conflits.
Les tensions latentes existant autrefois entre Kigali et Kinshasa ont complètement disparu à raison de l’intense activité diplomatique de Félix Tshisekedi qui a effectué plusieurs déplacements pour Kigali, laissant la place à des séances de travail. La dernière en date est, à n’en point douter, le Mini-Sommet organisé, par visoconférence, par Kinshasa réunissant autour de la RDC, le Rwanda, le Burundi, l’Ouganda, l’Angola afin de discuter de la sécurité, la coopération, la gestion de la pandémie covid-19 et des activités commerciales.
De quoi conclure sur la bonne santé des relations diplomatiques entre la RDC et le Rwanda, à la grande joie des populations longtemps meurtrie de ces deux pays.
ATEM