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A quoi servent les Institutions africaines

De la même manière qu’il a été établi l’impossibilité pour l’homme de vivre seul dans la société, cela est aussi avéré pour les pays du monde. Ces derniers, suite à la proximité géographique, linguistique, culturelle ou économique se réunissent au sein des Institutions, organisations régionales ou sous-régionales. Celles-ci contribuent d’une manière ou d’une autre à une meilleure gestion des pays membres et à la stabilité de leurs régions. En Afrique, l’instance suprême est l’Union Africaine, elle qui s’apprête à tenir son 34ème Sommet, le premier de l’année 2021, par visioconférence ou dans son format habituel à Addis-Abeba, capitale d’Ethiopie. L’UA présente une image omniprésente dans la politique africaine quelques fois controversée. Entre les dossiers de terrorisme, les révoltes et rébellions ou encore la gestion de la deuxième vague de la pandémie à Covid-19 pour laquelle l’Europe et l’Amérique ont déjà commencé avec la campagne de vaccination, c’est encore une série de défis qui attendent l’Union Africaine en 2021 face au ralentissement que connaît le continent africain dont le plus grand nombre de pays est encore compté parmi les moins développés du monde et ce, plus de soixante ans après les indépendances africaines. Une situation qui pousse à se poser la question sur le rôle que jouent toutes les institutions africaines, en commençant par l’Union Africaine. Pour ce faire, votre magazine procède à un décryptage d’un échantillon de ces Institutions et communautés régionales.

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Union Africaine 

C’est en 1963, au lendemain des premières indépendances des Etats africains autrefois colonies occidentales, qu’est créée l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA). Alors que deux tendances, celle de Nkuameh Krumah, Président du Ghana et celle de Léopold Sédar Senghor du Sénégal, se disputent la paternité de l’OUA, les avis tendent à converger autour de l’ancien empereur éthiopien Hailé Sélassié. Dans un premier temps trente-deux pays seulement signent la charte créant l’OUA faisant d’elle une organisation essentiellement de développement et non d’intégration. Des décennies durant l’Organisation de l’Unité Africaine a axé sa politique sur la lutte contre le colonialisme et n’intervenait jamais dans les affaires internes des pays membres, laissant ces derniers sombrer dans la dictature et les coups d’Etat.

Elle a présenté des limites dans la gestion et la prévention des conflits, ne basant son fonctionnement que sur des dossiers purement administratifs tels que la révision des statuts. Les panafricanistes reprochent à l’OUA une faible implication diplomatique quant à l’emprisonnement de Nelson Mandela ou encore l’assassinat de Thomas Sankara mais aussi un laisser-faire dans l’instabilité des pays de l’Afrique de l’Ouest à l’exemple du Ghana, du Nigéria, de la Sierra Leone où se sont succédé putsch et assassinats des chefs d’Etat.

 Devant cette nonchalance de l’instance africaine, le président libyen Mouammar Kadhafi fort des largesses économiques que lui offre la manne pétrolière de son pays, commence à torpiller l’OUA. Face à l’incapacité de l’organisation à soutenir financièrement des pays en difficulté, Kadhafi offre de l’aide financière aux pays vulnérables qui se rallient progressivement à lui. En 1983, le Maroc déçu de la reconnaissance par l’OUA du Sahara occidental qu’il annexait depuis des décennies décide de quitter l’OUA, une fragilisation de plus.

Mouammar Kadhafi remportera finalement son combat au début des années 2000 lorsqu’à Durban en Afrique du Sud, de nombreux présidents africains lèvent l’option de tuer l’Organisation de l’Unité Africaine. La finalité n’est pas celle de tuer pour tuer, mais d’engendrer à partir des restes de l’ancienne organisation, une instance africaine intégrant le plus grand nombre des membres et qui offre davantage de possibilités politiques, économiques et financières pour un développement intégré du continent africain.

C’est la naissance de l’Union Africaine (UA) que les dirigeants africains veulent plus adaptée aux réalités africaines de l’heure. Elle conserve son siège à Addis-Abeba, cependant elle change dans son mode de fonctionnement en optant pour une  structure quelque peu calquée sur l’Union Européenne.

Organes et Fonctionnement de l’UA

De sa création en 2002 à ce jour, l’UA est composée des organes ci-après : 

– La conférence de l’union ;

 – Le conseil exécutif ; 

– Le parlement panafricain ; 

– La cour de justice ;

 – La commission ; 

– Le comité des représentants permanents ; 

– Les comités techniques spécialisés ; 

– Les institutions financières.

La Conférence de l’Union est composée des chefs d’Etats et des gouvernements ou leurs représentants dûment accrédités. Elle est l’organe suprême de l’union et se réunit au moins une fois par an en session ordinaire. A la demande d’un État membre et sur approbation des deux tiers des membres, elle se réunit en session extraordinaire. 

La présidence de la conférence est assurée pendant un an par un chef d’état et de gouvernement élu, après consultation entre les États membres. Elle poursuit comme objectifs :

1. Examiner les demandes d’adhésion à l’union ;

 2. Créer tout organe de l’union ; 

3. Assurer le contrôlée de la mise en œuvre des politiques et décisions de l’union et veiller à leur application par tous les États membres ;

 4. Adopter le budget de l’union ; 

5. Donner des directives au conseil exécutif sur la gestion des conflits, des situations de guerre et d’autres situations d’urgence ainsi que sur la restauration de la paix ; 

6. Nommer et mettre fin aux fonctions des juges de la cour de justice ; 

7. Nommer le président, le(s) vice-Président(s) et les commissaires de la commission et, déterminer leurs fonctions et leurs mandats.

Le Conseil Exécutif est composé des ministres des Affaires étrangères ou de tout autre ministre ou autorité désigné(e) par les gouvernements des Etats membres. Il se réunit deux fois par an en session ordinaire et en session extraordinaire à la demande d’un État membre, sous réserve de l’approbation des deux tiers de tous les membres. Son quorum est de deux tiers (2/3) sauf pour les décisions de procédure qui sont prises à la majorité simple.

Le Conseil Exécutif adopte son règlement d’ordre intérieur et décide des politiques dans les domaines d’intérêts communs pour les États membres, notamment dans les domaines de commerce extérieur, énergie, industrie et ressources minérales, alimentation, agriculture, ressources animales, élevage et forêt, protection de l’environnement, action humanitaire et réaction de secours en cas de catastrophe, transport et communication, assurances, éducation, culture et santé, mise en œuvre des ressources humaines, science et technologie, nationalité, résidences de ressortissants étrangers et questions d’immigrations, sécurité sociale et élaboration des politiques de protection de la mère et de l’enfant, ainsi que de la politique en faveur des personnes handicapées, institutions d’un système de médaille et de prix africains.

Le Parlement Panafricain a été institué dans le but d’assurer la pleine participation des peuples d’Afrique au développement et l’intégration économique. Sa complexité est détaillée à l’article 17 de l’acte constitutif de l’Union Africaine.

La composition, les attributions, l’organisation et les pouvoirs de la Cour de justice sont repris à l’article 18 de l’acte constitutif de l’union.

 La Commission de l’Union Africaine est, pour ainsi dire, le moteur de l’Union Africaine. Elle comprend un président, un vice-président, huit commissaires chargés de portefeuilles : Paix et sécurité, affaires politiques, affaires sociales, développement rural, infrastructure, énergie et transport, ressources humaines et recherche scientifique. Les commissaires sont les premiers responsables élus pour quatre ans à la tête du département qui compte environ quatre cents employés, dont des directeurs, des chefs de division, des fonctionnaires, des personnels de soutien.

Le Comité des Représentants Permanents est composé des représentants permanents et autres plénipotentiaires des Etats membres. Ce comité est responsable de la préparation des travaux du conseil exécutif et agit sur instruction du Conseil exécutif. Il peut instituer tout sous-comité ou groupe de travail qu’il juge nécessaire. Les comités techniques spécialisés font l’objet de l’article 14 de l’acte constitutif. Ces comités sont les suivants : 

– Le comité chargé des questions d’économies rurales et agricoles ;

 – Le comité chargé des questions commerciales, douanières et d’immigration ; 

– Le comité chargé de l’industrie, de la science et de la technologie, de l’énergie, des ressources naturelles et de l’environnement ;

 – Le comité chargé des transports, des communications et du tourisme ; 

– Le comité chargé de la santé, du travail et des affaires sociales ; 

– Le comité chargé de l’éducation, de la culture et des ressources humaines.

Le Conseil Economique et Social qui est un organe consultatif, est composé des représentants des différentes couches socioprofessionnelles des Etats membres de l’union. Ses attributions, pouvoirs, la composition et l’organisation sont déterminés par la Conférence de l’union. L’Union Africaine est dotée des institutions financières suivantes, dont les statuts sont définis dans les protocoles y afférents, une de ces institutions est la Banque Africaine de Développement.

La Banque Africaine de Développement (BAD) 

Créée en 1964 presque dans la foulée de l’Organisation de l’Unité Africaine, la BAD est une institution financière de l’Union Africaine qui a pour objet de faire reculer la pauvreté sévissant au sein des pays membres régionaux en contribuant à leur développement économique durable et à leur progrès social. Elle vit des cotisations des pays membres qu’elle redistribue selon les cas aux pays dans le besoin. En résumé, elle mobilise des ressources pour la promotion de l’investissement dans ces pays membres, elle leur fournit une assistance technique ainsi que des conseils sur les politiques à mettre en œuvre. Cette mission multidimensionnelle de la BAD se fait en harmonie avec les 17 objectifs de développement durable des Nations Unies qui consistent à améliorer la qualité de vie des citoyens du monde allant de l’élimination de la pauvreté, de la faim, à réduire les inégalités sociales, à lutter contre les changements climatiques, etc.

Selon le besoin, le siège de cette Institution peut se déplacer d’un pays pour un autre. Ce fut le cas lorsque la Banque Africaine de Développement a établi son siège à Tunis en Tunisie avant de faire son come back à Abidjan en Côte d’Ivoire.

Aux côtés des institutions inhérentes à l’Union Africaine, il existe de nombreuses autres organisations régionales telles que la CEDEAO, la SADC, la CEEAC qui tentent de procéder à une organisation basée sur la proximité géographique, linguistique et économique des Etats africains.

La Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO)

Créée le 28 mai 1975, la CEDEAO est une organisation qui se concentre sur la partie ouest de l’Afrique, c’est la principale structure intergouvernementale destinée à coordonner les actions des pays de cette partie de l’Afrique. La CEDEAO tient son siège à Abuja au Nigéria. Elle compte à ce jour, quinze membres.

Son but principal est de promouvoir la coopération et l’intégration avec l’objectif de créer une union économique et monétaire de l’Afrique de l’Ouest. Des sources de cette instance ouest-africaine ont annoncé en 2017 que le Produit intérieur brut (PIB) global des Etats membres de la CEDEAO s’élevait à 565 milliards de dollars américains.

La Communauté de Développement d’Afrique Australe (SADC)

 Seize pays de l’Afrique Australe et de l’Océan indien forment cette organisation, il s’agit de l’Afrique du Sud, l’Angola, le Botswana, le Lesotho, Madagascar, Malawi, Maurice, le Mozambique, la Namibie, la RDC, les Seychelles, le Swaziland, la Tanzanie, la Zambie, le Zimbabwe, les Comores. 

Elle voit le jour en 1980, sous l’appellation de la Conférence de coordination pour le développement de l’Afrique Australe, de la volonté de neuf pays membres (Angola, Botswana, Lesotho, Malawi, Mozambique, Tanzanie, Zambie, Zimbabwe) de promouvoir une entente économique. Ce n’est qu’en 1992 que la Conférence cède la place à la Communauté de Développement dont le siège reste à Gaborone au Botswana. 

Les six autres pays, à savoir la RDC, l’Afrique du Sud, Madagascar, les Seychelles, les Comores et Maurice signent leurs entrées progressivement et en fonction des changements sociopolitiques majeurs dans leurs sociétés. La SADC est composée de quelques institutions à savoir un organe pour la politique, la défense et la sécurité ; le Conseil des Ministres qui supervise et veille au bon fonctionnement de la Communauté ; le Comité intégré des Ministres, le Secrétariat qui est l’organe d’harmonisation et de pilotage stratégique ; les Comités nationaux de la SADC.

La Communauté Economique des Etats de l’Afrique Centrale (CEEAC)

 Située à Libreville au Gabon depuis le 18 octobre 1983, la CEEAC est une organisation internationale créée en vue du développement économique, social et culturel de l’Afrique Centrale. En toile de fond, les pays membres pensaient par cette organisation régionale pouvait créer un Marché Commun. Avec à son actif onze pays membres, le Gabon, le Cameroun, la Centrafrique l’Angola, le Congo, la RD Congo, la Guinée Equatoriale, le Tchad, Sao Tomé et Principe, le Burundi et le Rwanda, la CEEAC affiche un PIB de 523 milliards de dollars américains. De fil en aiguille, la Communauté Economique des Etats de l’Afrique Centrale a développé sa vision cherchant désormais une coopération harmonieuse et un développement dynamique, équilibré dans tous les domaines de la vie en vue de réaliser l’autonomie collective et élever le niveau de vie des populations.

HESHIMA

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Corridor transafricain de Lobito : Le Lualaba entend transformer ce méga-projet en moteur de croissance 

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Les enjeux économiques du projet du Corridor de Lobito étant colossaux, la gouverneure du Lualaba, Marie-Thérèse Masuka est déterminée à atteindre simultanément plusieurs objectifs de développement, notamment transformer ce couloir en moteur de croissance durable pour sa province. Sans atermoiement, elle s’y prépare avec un dossier soigneusement préparé et bien ficelé.

Chemin de fer long de 1 300 km et bénéficiant d’un financement de 1,3 milliard de dollars, le projet transatlantique de Lobito est salué pour son aspect « accélération de l’exportation de minerais critiques et baisse des coûts logistiques ». Sa concrétisation vient mettre en rude concurrence les Américains et les Chinois autour des minerais, notamment ceux de la RDC 

Cependant, au-delà de l’aspect logistique, Fifi Masuka Saini voit de grands enjeux économiques pouvant booster de manière tentaculaire le développement en RD Congo. Acteur majeur dans la production des minerais stratégiques employés dans la transition énergétique, le Lualaba a beaucoup à gagner une fois ce projet de ligne ferroviaire opérationnel, visant à relier la Zambie à l’Atlantique en passant par la RDC et l’Angola.

Le voile de ce que la cheffe de l’exécutif provincial du Lualaba envisage de faire sur cet axe était levé lors de la 6éme édition du Katanga Business Meeting, organisée en mai 2025 à Kolwezi. Lors de l’ouverture de ce forum, Fifi Masuka a clairement affirmé que le corridor de Lobito doit servir premièrement les intérêts du peuple congolais. « Il est plus qu’urgent de faire de ce corridor un axe de transformation pour le peuple congolais et non une simple voie d’exportation de minerais », a-t-elle déclaré. Pour ce faire, elle a appelé à une gestion transparente et collective afin de garantir que les bénéfices profitent en premier lieu aux populations locales.

Le Lualaba a déjà son canevas

La gouverneure Masuka a déjà un dossier bien élaboré pour ce projet dont Costas Musunka, initiateur de Katanga Business Meeting, souhaite voir devenir le système circulatoire de l’industrialisation du Katanga. Pour la gouverneure du Lualaba, il s’agit d’une opportunité de dynamisation de l’économie locale par la création des zones économiques spéciales, des centres logistiques, des cadres industriels et des chaînes manufacturières.

Selon le Vice-premier ministre et ministre de l’Économie, Mukoko Samba, qui a aussi participé à cette grande conférence, le corridor doit « être un couloir industriel intégré où circuleront matières premières transformées, technologies propres et compétences transfrontalières ».

Entre autres, le Lualaba prévoit l’érection de cinq gares industrielles le long du tracé, chacune spécialisée dans un maillon de la valeur minière, un réseau comprenant des hubs technologiques.

Un corridor porteur de développement

Lors de la rencontre multilatérale sur le corridor de Lobito tenue en décembre 2024 en Angola, le Président Félix Tshisekedi avait déclaré ce qui suit : « Le corridor de Lobito est bien plus qu’un axe de transport. C’est une opportunité unique d’intégration régionale, de transformation économique et d’amélioration des conditions de vie de nos concitoyens ».

Le chef de l’État congolais estime que ce projet offre beaucoup d’opportunités, jusqu’à 30 000 emplois. D’où l’implication du gouvernement central par le biais de plusieurs ministères, notamment ceux de l’Industrie, des Transports et des Infrastructures.

Des équipes sont même à pied d’œuvre. Au ministère de l’Industrie, par exemple, Hélène Miasekama Kiese, DG de la Direction générale du corridor de développement industriel (DGCDI), affirme que des études de planification sont en cours selon une vision globale.

La DGCDI, outil de planification industrielle et de diversification économique du pays, envisage des retombées concrètes pour la population locale. Elle voit en ce projet particulièrement une opportunité de désenclavement du bassin agricole du Kasaï, de construction des routes de desserte agricole, ainsi que le développement de parcs agro-industriels.

Roger Te-Biasu, coordonnateur de la Cellule d’appui technique du gouvernement congolais (Cepcor), qui gère les activités des corridors de transports, pense que ce projet va positivement impacter l’économie de la RDC. La pleine opérationnalisation de ce corridor, en effet, permettra l’accès et la circulation d’intrants indispensables aussi bien à l’industrie minière qu’agricole. « Le corridor de Lobito constitue un levier stratégique pour la stabilité, le désenclavement et le développement de la région », a déclaré Jean-Pierre Bemba, le 23 juin 2025 à Luanda, au 17éme sommet des affaires États-Unis – Afrique.

Hubert MWIPATAYI

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Kigali et les FDLR : un dialogue inter-rwandais pour en finir avec la crise en RDC est-il possible ?

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Depuis des décennies, l’Est de la République démocratique du Congo (RDC) est le théâtre d’un conflit aux ramifications complexes, où les Forces Démocratiques de Libération du Rwanda (FDLR) et les incursions répétées du Rwanda occupent une place centrale. Alors que Kigali justifie ses interventions par la menace que représentent ces rebelles hutus, accusés d’être les héritiers des génocidaires de 1994, la RDC dénonce une manipulation visant à légitimer pillages et déstabilisation. Entre accusations mutuelles et cycles de violence, la possibilité d’un dialogue inter-rwandais, impliquant le gouvernement rwandais et les FDLR, émerge comme une piste pour mettre fin à cette crise. Cet article explore les enjeux, les obstacles et les perspectives d’une telle initiative, tout en décryptant les justifications récurrentes de Kigali pour ses actions sur le sol congolais.

Les FDLR, nées dans les camps de réfugiés après le génocide rwandais de 1994, sont souvent présentées par Kigali comme une menace existentielle. Composées en partie d’anciens Interahamwe et de miliciens hutus ayant fui le Rwanda, elles se sont établies dans l’Est de la RDC, où elles mènent des activités de guérilla en RDC tout en s’intégrant parfois aux communautés locales. Selon un rapport de l’ONU publié en décembre 2023, les FDLR compteraient environ 1 000 à 1 500 combattants, un chiffre bien inférieur à leur influence passée, mais suffisant pour servir de justification aux violations du territoire congolais par l’arme rwandaise. Kigali affirme que ces rebelles planifient des attaques contre son territoire, une rhétorique qui légitime ses opérations militaires transfrontalières.

Pourtant, Kinshasa et plusieurs observateurs remettent en question cette narrative. Dans un article publié le 14 février 2025, Heshima Magazine souligne que le Rwanda utilise les FDLR comme un « prétexte pour tuer et piller la RDC », notamment pour s’approprier les richesses minières du Nord et Sud-Kivu. Les rapports du Groupe d’experts de l’ONU confirment que des unités de l’armée rwandaise, souvent en soutien au M23, contrôlent des zones riches en coltan et or, exploitant illégalement ces ressources. Cette exploitation, couplée à des massacres et déplacements massifs de populations, alimente la méfiance congolaise. « Le Rwanda brandit la menace des FDLR pour justifier une guerre économique et territoriale », déclare un analyste basé à Goma, interrogé par Actualité.cd le 10 janvier 2025. Cette dynamique met en lumière la nécessité d’un dialogue qui démystifie le rôle des FDLR.

Les incursions rwandaises : une stratégie de déstabilisation

Depuis la fin de la deuxième guerre du Congo en 2003, le Rwanda a été accusé à maintes reprises de soutenir des groupes armés en RDC, notamment le M23, pour maintenir son influence dans la région. Kigali nie officiellement tout soutien au M23, mais des preuves solides documentées par l’ONU, incluant des témoignages de déserteurs rwandais, contredisent ces démentis. Ces incursions, souvent justifiées par la « nécessité de neutraliser les FDLR », ont exacerbé les tensions entre Kinshasa et Kigali. En 2022, le président Félix Tshisekedi a publiquement dénoncé l’« agression rwandaise », une position réitérée lors du sommet de l’Union Africaine en février 2025, où il a appelé à des sanctions contre Kigali.

Les conséquences de ces interventions sont dévastatrices. Selon l’ONG International Crisis Group, dans son rapport de janvier 2025, plus de 5 millions de personnes ont été déplacées dans l’Est de la RDC depuis 2020, en grande partie à cause des conflits impliquant le M23 et d’autres groupes soutenus par le Rwanda. Les populations locales, comme l’exprime Jeanne Mbuyi, une agricultrice de Rutshuru : « Nous vivons dans la peur constante. Les FDLR, le M23, les RDF, tout le monde nous attaque. Un dialogue entre Rwandais pourrait nous rendre la paix. » Cette aspiration à une solution pacifique reflète un sentiment croissant parmi les Congolais, qui voient dans un règlement inter-rwandais une issue possible à la crise.

Les tentatives de dialogue au Rwanda : une histoire d’échecs

L’idée d’un dialogue inter-rwandais n’est pas nouvelle, mais elle s’est heurtée à des obstacles majeurs. En 2009, des négociations entre Kigali et les FDLR, facilitées par la RDC, ont échoué en raison du refus des rebelles de désarmer sans garanties politiques et de l’inflexibilité du gouvernement rwandais. Heshima Magazine, dans son article daté du 4 juillet 2025, revient sur le nouvel accord visant à neutraliser les FDLR qui a été signé dans le cadre du processus de Nairobi, mais il a donné lieu à « deux récits » divergents : Kinshasa insiste sur une coopération régionale, tandis que Kigali continue de privilégier une solution militaire. « Les FDLR ne sont pas une entité monolithique. Certains veulent rentrer au Rwanda, mais Kigali refuse de négocier avec ceux qu’il qualifie de génocidaires », explique un diplomate cité par Radio Okapi.

Les initiatives régionales, comme le processus de Luanda sous l’égide de l’Angola, ont tenté de rapprocher les positions. En novembre 2023, un sommet tripartite entre la RDC, le Rwanda et l’Angola a abouti à un engagement pour désarmer les FDLR, mais les résultats restent limités. La RDC accuse Kigali de ne pas respecter les termes de l’accord, tandis que le Rwanda reproche à Kinshasa son incapacité à contrôler les FDLR. Ces désaccords soulignent la méfiance mutuelle, mais aussi l’absence d’un cadre inclusif impliquant directement les FDLR comme acteurs politiques plutôt que comme simples belligérants.

Les défis d’un dialogue inter-rwandais

Organiser un dialogue entre Kigali et les FDLR pose des défis colossaux. D’une part, le gouvernement rwandais, dirigé par Paul Kagame, adopte une position intransigeante envers les FDLR, les considérant comme une menace idéologique et sécuritaire. Dans une interview accordée à RFI le 20 avril 2024, le ministre rwandais des Affaires étrangères a réaffirmé que « tout dialogue avec les FDLR équivaudrait à légitimer le génocide ». Cette rhétorique complique toute tentative de négociation, car elle exclut a priori la possibilité d’un compromis.

D’autre part, les FDLR elles-mêmes sont divisées. Selon un rapport de l’Institute for Security Studies publié en juin 2024, une faction modérée, dirigée par des leaders comme Ignace Murwanashyaka, serait prête à négocier un retour pacifique au Rwanda en échange de garanties d’amnistie et de réintégration. Cependant, une frange plus radicale, basée dans les forêts du Nord-Kivu, continue de s’opposer à tout dialogue. « Un dialogue inter-rwandais nécessiterait une médiation neutre, peut-être sous l’égide de l’ONU ou de l’Union Africaine, pour garantir la sécurité des parties », suggère Pierre Kanda, un politologue congolais interrogé par Heshima Magazine.

La question de la justice transitionnelle constitue un autre obstacle. Les FDLR exigent des garanties contre les poursuites pour crimes passés, une demande inacceptable pour Kigali, qui insiste sur la responsabilité pénale des génocidaires. Pourtant, des modèles comme les commissions Vérité et Réconciliation en Afrique du Sud pourraient inspirer une solution. « Un dialogue qui associe justice, réconciliation et développement pourrait briser le cycle de la violence », estime Judith Nshimirimana, une militante des droits humains au Rwanda. Une lueur d’espoir pour la RDC ? Malgré les défis, un dialogue inter-rwandais pourrait transformer la dynamique régionale. En désarmant ce qu’il en reste des FDLR et en facilitant leur retour ou leur réinstallation, le Rwanda perdrait son principal argument pour intervenir en RDC. Cela exigerait toutefois un engagement sincère de Kigali, ce que beaucoup doutent, vu les bénéfices économiques colossaux qu’il tire de l’exploitation des minerais congolais. Un rapport de Global Witness publié en mai 2024 révèle que le commerce illégal de minerais dans l’Est de la RDC génère des centaines de millions de dollars, dont une part significative transite par le Rwanda. Un dialogue réussi pourrait donc non seulement pacifier la région, mais aussi contraindre Kigali à revoir sa stratégie économique.

Pour la RDC, l’enjeu est tout aussi crucial. En neutralisant les FDLR, Kinshasa pourrait renforcer sa souveraineté sur l’Est du pays et concentrer ses efforts sur la lutte contre d’autres groupes armés. « Si le Rwanda et les FDLR trouvent un accord, la RDC pourrait enfin respirer », déclare Joseph Munganga, un commerçant de Goma. Cependant, la réussite d’un tel dialogue dépendra de la volonté politique des acteurs, d’une médiation internationale crédible et d’un soutien régional robuste.

Une paix à construire ensemble

La crise dans l’Est de la RDC, alimentée par la question des FDLR et les incursions rwandaises, ne trouvera de solution durable que par un dialogue inclusif entre Rwandais. Si les obstacles sont nombreux, méfiance mutuelle, divergences idéologiques, intérêts économiques, les aspirations des populations congolaises et rwandaises à la paix constituent une force motrice. Un dialogue inter-rwandais, s’il est bien encadré, pourrait non seulement neutraliser les FDLR, mais aussi démanteler les justifications de Kigali pour ses interventions. Comme le souligne un rapport de l’Union Africaine de mars 2025, « la paix dans les Grands Lacs passe par une coopération courageuse et transparente ». L’heure est peut-être venue pour Kigali et les FDLR de s’asseoir à la table des négociations, pour le bien du Rwanda, la RDC et de la région tout entière.

JCN

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Neutralisation des FDLR : un accord, mais deux récits entre Rwandais et Congolais

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La sempiternelle question des Forces Démocratiques de Libération du Rwanda (FDLR) en République Démocratique du Congo (RDC) est au cœur d’une controverse après l’engagement pris par le gouvernement congolais, dans le cadre de l’Accord de paix de Washington, pour neutraliser ce groupe armé hostile au régime de Kigali. Malgré la signature de l’accord, l’incrédulité règne à Kinshasa par rapport au succès d’une telle opération.

Dans l’accord de paix signé le 27 juin à Washington, aux États-Unis, la RDC et le Rwanda ont convenu de mettre en œuvre le Plan harmonisé de neutralisation des FDLR et de désengagement des forces ou la levée des mesures défensives du Rwanda (CONOPS). Un plan négocié le 31 octobre 2024, à Luanda, et qui constitue une annexe de cet accord de paix. Si le document signé par les deux parties a été salué en RDC, la question de la neutralisation des FDLR continue de susciter des controverses au sein de la classe politique congolaise et même dans la société civile. Pour l’opposant Martin Fayulu, la question des FDLR devient pour le Rwanda « un prétexte permanent ». La question des FDLR « ne doit pas être indéfiniment imputée au Congo », affirme-t-il.

Les FDLR constituent un groupe armé issu d’anciens génocidaires rwandais, présent dans l’est de la RDC depuis 1994, après la chute du régime du président rwandais Juvénal Habyarimana. Portant des armes et accompagnés des réfugiés civils rwandais, ils sont entrés au Congo avec l’autorisation de la communauté internationale. Ils ont été plusieurs fois neutralisés par l’armée congolaise (FARDC) ou souvent dans le cadre des opérations conjointes avec l’armée rwandaise (RDF). Mais malgré ces opérations, la présence de ce groupe constitue toujours une épine sous le pied de la RDC.

Malgré des opérations militaires conjointes, le Rwanda continue d’accuser la RDC de collaborer avec ces rebelles et de mettre en danger la sécurité du Rwanda. En septembre 2022, lors d’une interview accordée à France 24 et RFI, le président de la RDC, Félix Tshisekedi qualifiait ce groupe armé d’une « force résiduelle réduite au banditisme qui ne constitue plus une menace pour le Rwanda ». En mai 2023, la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation au Congo (MONUSCO) avait affirmé avoir rapatrié 30 000 combattants des FDLR depuis 2014. Cette mission onusienne estimait à moins de 1 000 le nombre de ceux qui restaient encore sur le sol congolais.

Un piège sans fin pour la RDC ?

Depuis 30 ans, la RDC reste dans ce piège sans fin. Le Rwanda accuse régulièrement le pays de Félix Tshisekedi d’héberger ces rebelles en dépit des opérations militaires conjointes, notamment celle dénommée « Umoja wetu » menée par les armées congolaise et rwandaise en 2009. Cette opération qui avait duré deux mois avait permis de tuer quelque 153 combattants FDLR, d’après le bilan officiel. En 2020, l’ambassadeur du Rwanda en RDC avait affirmé que cette force négative ne représentait plus un danger pour le Rwanda.

Mais avec cet accord de paix de Washington, le Rwanda a réussi à imposer au gouvernement congolais l’engagement de neutraliser à nouveau cette force négative. « Les FDLR, ce sont des forces qui sont soutenues par le gouvernement congolais, qui sont même intégrées dans les FARDC. Même les rapports des Nations unies le disent. Donc ce n’est pas seulement le Rwanda qui le dit », a déclaré le ministre rwandais des Affaires étrangères, Olivier Nduhungirehe.

Pourtant, les zones habituellement occupées par les FDLR sont aujourd’hui entre les mains de l’armée rwandaise et des rebelles du Mouvement du 23 mars (M23). Un fait que réfute le chef de la diplomatie rwandaise qui affirme que les FDLR ne se trouvent pas sur le territoire contrôlé par le M23 ; « elles sont intégrées dans l’armée du Congo et collaborent avec l’armée congolaise ». « Le gouvernement congolais admet que les FDLR sont un problème à neutraliser, ce qui va offrir la voie à la levée de nos mesures de défense », a-t-il ajouté. Cette lecture de l’accord de paix inquiète plusieurs Congolais en RDC.

Un étudiant de l’université de Kinshasa, Joël Basta, s’interroge : « Si les FDLR ne se trouvent pas dans les territoires contrôlés par le M23 et l’armée rwandaise, que font-ils là-bas, dans ce cas, si l’on s’en tient aux raisons avancées par le Rwanda pour justifier son invasion de l’Est du pays ? Et pourquoi les troupes rwandaises opèrent-elles si loin de l’endroit où sont censés être les FDLR ? Les traquent-ils là où ils ne se trouvent pas ? Cela démontre à suffisance que le Rwanda exploite cette question pour piller les richesses minières de la RDC tout en massacrant notre population. »

Pour Mukwege, il y a une possible prolongation du conflit…

Prix Nobel de la paix 2018, le docteur Denis Mukwege reste sceptique et pense que cet accord sème les graines d’une prolongation du conflit. « Nos craintes semblent avoir été fondées car cet accord ne se base pas sur la reconnaissance par le médiateur américain qu’il y a un État agresseur, le Rwanda, qui défie chaque jour le droit international en totale impunité, et un pays agressé, la RDC qui subit de plein fouet les effets néfastes d’une géopolitique cynique », a-t-il déclaré en marge d’un concert pour la paix en RDC livré depuis la Belgique. « Si en apparence, l’accord semble se baser sur le respect de l’intégrité territoriale, diverses dispositions montrent que les graines de la prolongation du conflit sont déjà plantées », a-t-il fait savoir.

Pour le ministre du Commerce extérieur et ancien gouverneur de la province du Nord-Kivu pendant douze ans, cette rhétorique du Rwanda sur les FDLR a aveuglé le monde depuis 30 ans, accusant Kigali de désinformation. « Depuis 30 ans, les Rwandais ont occupé l’Est de la RDC pendant huit ans, principalement le lieu où était supposé être ce mouvement des FDLR : de 1998 à 2003 (cinq ans), de 2022 à 2025 (trois ans). Seuls, les Rwandais y ont été ou y sont », a indiqué Julien Paluku. Il note que tous les rapports des experts de l’ONU indiquent qu’il ne reste plus qu’un millier de combattants, « constitués en majorité des FDLR recyclés par le régime de Kigali ». « Maintenant que nous avons tout expliqué au monde entier comme acteurs de terrain, la rhétorique des FDLR, la haine tribale, la stigmatisation ne passent plus », rétorque Paluku.

En 2022, Félix Tshisekedi qualifiait ces accusations de « fausse excuse » de la part du Rwanda qui poursuit des intérêts économiques sur le sol congolais. « Je trouve que le Rwanda est de mauvaise foi et qu’il utilise souvent ce prétexte pour justifier ses incursions en République démocratique du Congo. Depuis que je suis à la tête de mon pays, nous avons rapatrié à deux reprises des centaines de combattants des FDLR. C’est même une preuve de bonne foi », avait-il expliqué.

Risque d’une coalition des armées rwandaise et congolaise

Dans ce piège sans fin, Kigali risque de dire que Kinshasa manque de volonté pour traquer ces FDLR. En revanche, le gouvernement congolais pourrait autoriser une nouvelle opération conjointe entre l’armée rwandaise et celle de la RDC pour rechercher ensemble les combattants FDLR à neutraliser. « Le gouvernement congolais cherchera à démontrer sa bonne foi dans l’application de l’accord de paix de Washington en autorisant l’entrée officielle des troupes rwandaises sur le sol congolais pour traquer ces FDLR », explique Edgar Mavungu, analyste des questions sécuritaires en RDC. Malgré l’accord de paix, les deux gouvernements continuent d’avoir un entendement contraire quant à l’application des engagements pris à Washington.

Lors d’une conférence de presse organisée quelques heures après la signature de l’accord à la Maison Blanche, le chef de la diplomatie rwandaise avait laissé entendre que le retrait des troupes de son pays était subordonné à la neutralisation préalable des FDLR. Une interprétation que la ministre des Affaires étrangères de la RDC, Thérèse Kayikwamba Wagner, a catégoriquement rejetée, rappelant que l’accord signé ne souffre d’aucune ambiguïté. Plus tard, dans un entretien accordé à la télévision publique, la RTNC, elle a expliqué que le retrait des troupes rwandaises était une priorité dans l’application de l’accord. « Le premier volet, c’est le désengagement des forces, à savoir les forces armées rwandaises qui sont sur le territoire congolais. Et le deuxième volet, la neutralisation des FDLR, donc la préoccupation principale en termes de sécurité du Rwanda. Et l’accord est très clair là-dessus », avait-elle affirmé. Mais pour son homologue rwandais, ce « désengagement » dont l’accord fait allusion concerne les groupes armés non étatiques.

Les récits sur cet accord restent irréconciliables. Ce qui augure des possibles tensions dans l’avenir. L’administration Trump, artisan de cette médiation américaine pour la signature de l’accord de paix, s’est félicitée d’un succès obtenu « dans un temps record ». Mais l’application de ces engagements risque de ne pas être un long fleuve tranquille.

Heshima

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