Dossier
Intransigeant gendarme de l’IGF : Jules Alingete, 4 ans de constance dans le contrôle des finances publiques
Published
10 mois agoon
By
La redaction
Au fil des ans, il est devenu le visage emblématique de la lutte contre les détournements de fonds et les malversations financières en République démocratique du Congo, un combat dont le président Félix Tshisekedi a fait sa principale priorité. Pour mettre en musique cette politique anti-corruption, le métronome est bien Jules Alingete. Un rôle qui lui attire parfois le courroux de ceux qui pillent impunément les caisses de l’Etat. Portrait d’un intransigeant gendarme financier.
Jamais dans l’histoire de l’Inspection générale des finances (IGF), 37 ans durant, l’opinion nationale et internationale n’avait autant épilogué sur cette institution de contrôle. En prenant la tête de l’IGF, en juillet 2020, Jules Alingete a révolutionné un service qui, avant son management, était inconnu du grand public. Dans l’imaginaire de la plupart des Congolais, beaucoup penseraient que l’IGF a commencé avec lui.
Jules Alingete Key Keita de son nom complet, 61 ans et originaire de la province du Maï-Ndombe, a presque tout rénové dans cette structure de contrôle rattachée à la Présidence de la République, depuis qu’il est à la tête de l’IGF comme Inspecteur général des finances, chef de service.
« Quand je suis arrivé à la tête de l’Inspection générale des finances, j’avais promis de bâtir une nouvelle voie pour l’IGF. Donc, je ne voulais pas rester sur les sentiers battus parce que je considère que le niveau où j’avais trouvé le service, son fonctionnement, son opérationnalité laissait à désirer », déclare-t-il à Heshima Magazine. Révolutionner ce service ? Et oui, Jules Alingete a su relever le défi qui, pour beaucoup, paraissait insurmontable ! Il l’a véritablement métamorphosé en recrutant des inspecteurs aux profils et talents diversifiés.

En plus, il a initié des contrôles tous azimuts dans les entreprises et d’autres services publics en usant de la patrouille financière. Il a, entre autres, changé la méthode de communication des résultats du travail de l’IGF. « Je considère que l’inspection contrôle les fonds publics et le propriétaire des fonds publics, c’est la population », affirme-t-il ajouté. Ce qui justifie la médiatisation des rapports des enquêtes de l’IGF ainsi que l’indignation populaire qui s’ensuit toujours face aux cas de mégestion dénoncés.
Une sentinelle gênante
Dans ce difficile combat mené contre la corruption et le détournement endémiques des deniers publics, le président de la République, Félix Tshisekedi, a comme trouvé la pièce maîtresse du puzzle. Pour preuve, cette pièce n’a plus été bougée depuis quatre ans alors que plusieurs autres responsables qui étaient engagés dans la lutte anti-corruption ont été soit suspendus soit révoqués de leurs fonctions du fait de s’être parfois compromis. Imperturbable comme un buste de Bouddha, Jules Alingete a finalement commencé à gêner ceux qui détournent des fonds publics. Cela, au point que ses détracteurs ont commencé à monter des crocs-en-jambe, dans le bute de le faire tomber. Ce qui dérange le plus ses calomniateurs est la capacité qu’a l’IGF aujourd’hui de fourrer son nez partout où les deniers publics sont dépensés ou gérés. Cette détermination se vérifie dans l’observation de l’architecture anticorruption voulue par Félix Tshisekedi pour lutter contre ce mal chronique, qui touche toutes les strates de la société congolaise, confirmant que l’IGF n’est pas la seule institution à combattre les « antivaleurs » qui nuisent à la République. Une Agence de prévention et de lutte contre la corruption (APLC) a également été mise en place par le chef de l’Etat, dépendant, comme l’IGF, du cabinet présidentiel. « Dans les faits, l’Agence de lutte contre la corruption est restée très discrète sur ses actions, alors que Jules Alingete a pris toute la lumière et a débusqué l’ensemble des affaires de détournements de fonds », commente un média international consacré sur les Grands Lacs.
Dans son bilan de 4 ans passés à la tête de l’IGF, Alingete s’était félicité d’avoir bloqué plus de 1,5 milliard de dollars de « dépenses irrégulières. Et parmi ces dépenses irrégulières, il n’est pas exclu qu’il y ait des actes de détournement », avait fait comprendre le chef de la patrouille financière cité par la même source. Malgré des campagnes menées dans le but de le déstabiliser, Jules Alingete est devenu aujourd’hui l’incarnation du contrôle des finances publiques-une sentinelle des finances de l’Etat. Depuis un temps, il passe pour l’un des hommes les plus craints du pays. « Pour avoir une telle image, un travail s’est fait en amont », reconnait un analyste économique. Dans sa gestion de l’IGF, l’homme a su proposer des réformes dans le but de lutter efficacement contre les détournements des deniers publics et la corruption afin d’implémenter une nouvelle gouvernance. Ainsi, ses équipes ont enchaîné des audits et des contrôles des finances et des biens publics. Plusieurs enquêtes, vérifications et contre-vérifications des dépenses des fonds publics ont été lancées au niveau du pouvoir central, des provinces et des entités territoriales décentralisées ainsi que des organismes ou entreprises de l’Etat. L’impact de sa politique de contrôle s’est fait ressentir sur le Trésor public. L’Etat est passé de 5 milliards de dollars de budget en 2019 à 16 milliards en 2024.
Un record de mobilisation jamais atteint depuis l’indépendance du pays. Et tant que Jules Alingete bénéficiera de la confiance du président de la République, Félix Tshisekedi, ce gendarme financier sera loin d’avoir l’arme en repos devant tous les prédateurs des finances publiques.
Dido Nsapu
You may like
-
Du papier aux projecteurs : HESHIMA ouvre la scène aux artistes congolais
-
Polémique en RDC : les mandats des juges de la Cour constitutionnelle sont-ils illégaux ?
-
65 ans d’indépendance et 30 ans d’instabilité sécuritaire : la RDC à la croisée des chemins
-
Les enfants de la guerre en RDC : grandir sous les bâches, survivre sous les bombes
-
La justice internationale et les crimes de guerre en RDC : à quand la fin d’impunité ?
-
RDC : ce géant du tourisme en Afrique centrale qui s’endort
Dossier
La justice internationale et les crimes de guerre en RDC : à quand la fin d’impunité ?
Published
6 jours agoon
juin 26, 2025By
La redaction
Depuis plus de trois décennies, la République démocratique du Congo (RDC) porte les stigmates de conflits armés qui ont déchiré son territoire et décimé sa population. Entre massacres de masse, violences sexuelles systématiques et crimes contre l’humanité, l’Est du pays est devenu le territoire le plus durement touché par les atrocités depuis la seconde guerre mondiale. Pourtant, malgré l’ampleur de ces tragédies, l’impunité demeure la règle, alimentant un cycle de violence qui perdure aujourd’hui.
Cette impunité quasi-totale questionne l’efficacité des mécanismes de justice internationale déployés dans le pays. La Cour pénale internationale (CPI), les tribunaux nationaux et les missions onusiennes se heurtent à des obstacles structurels qui limitent considérablement leur impact. Face à ce constat accablant, la RDC appelle désormais à la création d’un tribunal pénal international spécialisé pour juger les 617 incidents documentés dans le rapport Mapping des Nations Unies.
Les racines du chaos : de Mobutu aux guerres du Congo
L’histoire contemporaine de la RDC est marquée par une succession de conflits armés qui trouvent leurs racines dans l’effondrement du régime de Mobutu Sese Seko. Après 32 ans de dictature caractérisée par une gouvernance faible et un niveau de corruption élevé, le pays a basculé dans l’instabilité. Les conséquences du génocide rwandais de 1994 ont particulièrement déstabilisé l’Est congolais, contribuant à deux conflits majeurs aux conséquences dramatiques pour la RDC.
La première et la deuxième guerre du Congo, qui se sont déroulées respectivement de 1996 à 1997 puis de 1998 à 2003, ont impliqué de nombreux pays et groupes armés africains qui se sont affrontés sur le territoire congolais. Ces conflits, alimentés par la lutte pour le contrôle des zones riches en minerais, ont causé près de 3,9 millions de morts entre 1998 et 2004, selon l’International Rescue Committee. Les femmes, les enfants et les personnes âgées ont été les principales victimes de cette violence.
L’instrumentalisation des ressources naturelles
Les vastes ressources minières de la RDC, estimées à 24 000 milliards de dollars, ont attisé les convoitises et alimenté les conflits. Les minéraux comme l’étain, le tantale, le tungstène et l’or, communément appelés « minéraux de conflit », sont devenus au cœur de la violence qui continue de dévaster la région. La demande mondiale pour ces matières premières utilisées dans l’électronique quotidienne garantit la pérennité du commerce illégal qui finance les groupes armés.
Le projet Mapping : un inventaire accablant
Face à l’ampleur des crimes commis, les Nations Unies ont lancé en 2007 le projet Mapping, suite à la découverte de trois fosses communes dans l’Est du pays fin 2005. Cette initiative, dirigée par le Haut-Commissariat aux droits de l’homme avec un budget de près de 3 millions de dollars, avait pour objectif de dresser l’inventaire des violations les plus graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire commises sur le territoire de la RDC entre mars 1993 et juin 2003.
Le rapport final, publié en octobre 2010, documente 617 incidents violents impliquant 21 groupes rebelles et huit armées étrangères. Chaque incident suggère la possibilité que de graves violations des droits de l’homme ou du droit international humanitaire aient été commises. Ce travail minutieux, basé sur 1 280 témoignages et plus de 1 500 documents, révèle que la majorité des crimes documentés qualifient de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre.
L’action de la Cour pénale internationale
La CPI s’est saisie de plusieurs affaires congolaises, établissant ainsi des jalons décisifs dans la lutte contre l’impunité.
Thomas Lubanga Dyilo, leader de l’Union des Patriotes Congolais (UPC), fut le premier condamné de la Cour en 2012 pour avoir enrôlé et utilisé des enfants-soldats en Ituri en 2002–2003. Sa condamnation à 14 ans de prison, tenant compte des périodes déjà purgées, a constitué un précédent majeur. Il a été libéré en mars 2020, marquant ainsi une étape importante dans l’application de la justice internationale.
Germain Katanga, surnommé « Simba » en raison de sa férocité à la tête des Forces de Résistance Patriotiques en Ituri (FRPI), a été condamné en 2014 à 12 ans de prison pour sa complicité dans le massacre de Bogoro, un village du nord-est de la RDC où environ 200 personnes furent tuées en 2003. Des mesures de réparation ont été mises en œuvre en faveur des victimes, culminant par une cérémonie tenue en avril 2024 pour clore ces initiatives.
Jean‑Pierre Bemba, ancien vice-président congolais, a été reconnu coupable en mars 2016 de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre pour les exactions (meurtres et viols) perpétrées par sa milice en Centrafrique entre 2002 et 2003, ce qui lui valut une peine de 18 ans de prison. Cependant, sa condamnation fut annulée en appel en juin 2018, le juge ayant estimé que l’appréciation de son devoir de commandement n’avait pas été suffisamment approfondie. Il fut rapidement libéré et resta impliqué dans la vie politique congolaise, ayant, depuis 2023 à ce jour, intégré des fonctions ministérielles importantes.
Le cas emblématique de Bosco Ntaganda
Bosco Ntaganda, surnommé « Terminator », représente l’affaire la plus aboutie de la CPI concernant la RDC. Condamné en 2019 à 30 ans de prison ferme, la peine la plus lourde jamais prononcée par la CPI, il a été reconnu coupable de 18 chefs de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. Les juges ont fixé à 30 millions de dollars le montant des réparations aux victimes, soulignant l’ampleur des dommages causés.
Les victimes éligibles comprennent les victimes directes et indirectes des attaques, les victimes de crimes contre les enfants soldats, de viol et d’esclavage sexuel, a précisé la Cour. Cette décision marque une avancée significative dans la reconnaissance des droits des victimes, même si Ntaganda ne dispose pas des ressources suffisantes pour s’acquitter de ces réparations.
Un système national défaillant
Le rapport Mapping dresse un constat sévère sur la capacité du système judiciaire congolais à traiter les crimes internationaux : « Une des grandes faiblesses du système judiciaire en RDC réside depuis toujours dans le manque d’indépendance des cours et tribunaux par rapport aux structures du pouvoir exécutif, législatif et de l’administration étatique ». Les interférences politiques et militaires dans les affaires judiciaires sont « courantes et reconnues ».
Pour l’ensemble des crimes internationaux commis entre mars 1993 et juin 2003, les tribunaux militaires ne se sont saisis que de deux affaires avec qualification de crimes de guerre, dont l’une s’est soldée par un acquittement. Cette pratique judiciaire insignifiante révèle l’incapacité du système national à rendre justice pour de tels crimes.
L’impunité des acteurs étrangers
La participation importante des acteurs étrangers dans les violations graves du droit international humanitaire commises en RDC pose également une difficulté aux juridictions congolaises. Bien que compétentes sur toute personne, congolaise ou non, elles ont peu de moyens pour poursuivre les responsables étrangers. Cette limitation structurelle permet à de nombreux présumés criminels de bénéficier d’une impunité de fait.
Les témoignages qui interpellent
Mme Furaha, survivante du massacre de Kisangani en 2000, témoigne : « Ils sont venus dans notre quartier avec des uniformes différents. Ils parlaient kinyarwanda et anglais. Après m’avoir violée par plus de huit hommes, ils ont tué mon mari et mes deux fils devant moi. Vingt-cinq ans après, personne n’a été jugé. Nous attendons toujours la justice. »
Aimé Kang, expert en droit international, analyse : « L’impunité en RDC n’est pas un accident. C’est le résultat d’un système qui protège les criminels de guerre. Tant que les responsables politiques et militaires ne seront pas jugés, la violence continuera. »
Mme Esperance, présidente d’une association de victimes au Nord-Kivu, se désole : « Nos filles sont violées, nos fils sont tués, nos villages sont brûlés, mais les coupables se promènent librement. Certains occupent même des postes importants dans l’administration. C’est inacceptable. »
La persistance des violences
Malgré les accords de paix et la présence de la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en RDC (MONUSCO), les violences continuent de frapper les populations civiles. Le rapport d’experts de l’ONU de 2024 décrit « l’ampleur inédite de la violence contre les civils » dans l’Est du pays. Les groupes armés, notamment le M23 soutenu par le Rwanda, commettent des « meurtres, violences sexuelles et attaques contre des civils ».
Human Rights Watch documente que depuis 2022, les rebelles M23 soutenus par le Rwanda ont commis des meurtres, des viols et d’autres crimes de guerre apparents. Plus de 60 000 personnes ont perdu la vie depuis 1999 dans la seule région de l’Ituri. Un nombre probablement sous-évalué. Les chiffres actuels sont tout aussi alarmants : plus de 40 000 victimes de violences sexuelles ont été prises en charge par Médecins Sans Frontières au Nord-Kivu en 2024, un nombre sans précédent.
Une crise humanitaire sans précédent
La situation humanitaire se dégrade continuellement. Plus de 3 millions de personnes se sont nouvellement déplacées depuis la résurgence du M23, portant le total des déplacés internes à près de 7,77 millions, un record mondial selon l’OIM. Cette crise massive, dont 90% des déplacements sont causés par les violences et affrontements armés, révèle l’échec des mécanismes de protection.
Les besoins humanitaires ont été estimés à 2,54 milliards de dollars pour 2025, témoignant de l’ampleur des défis auxquels le pays est confronté. Cette situation critique pousse Bruno Lemarquis, Coordonnateur humanitaire en RDC, à alerter que « les signaux sont au rouge ».
Les initiatives du président Tshisekedi
Face à cette impunité persistante, le président Félix Tshisekedi a réitéré ses appels à la communauté internationale. Lors de la 52ème session du Conseil des droits de l’homme en février 2023, il a plaidé pour la création d’un tribunal pénal international pour la RDC afin d’élucider les 617 incidents documentés dans le Rapport Mapping. Cette demande s’accompagne de la réflexion sur la création d’une Cour pénale spéciale comme en République Centrafricaine.
Le gouvernement congolais a également adopté en décembre 2022 la loi n° 22/065 fixant les principes fondamentaux relatifs à la protection et à l’indemnisation des victimes de violences sexuelles liées aux conflits. Cette initiative marque une première dans l’histoire du pays et s’accompagne de la création d’un Fonds de réparation des victimes.
Le plaidoyer de Denis Mukwege
Denis Mukwege, prix Nobel de la paix 2018, incarne la lutte contre l’impunité en RDC. Depuis la création de l’hôpital Panzi en 1999, il a traité plus de 50 000 femmes victimes de violences sexuelles. Son engagement lui vaut d’être appelé « L’homme qui répare les femmes ». Face aux menaces de mort qu’il reçoit de la part des groupes armés, il bénéficie de la protection des forces de sécurité de l’ONU.
Pour Mukwege, « face à l’échec des solutions politiques et sécuritaires, nous sommes convaincus que le chemin de paix durable passera par le recours à tous les mécanismes de la justice transitionnelle ». Il appelle à une enquête pour exhumer les nombreuses fosses communes dans l’Est du pays et collecter et préserver les éléments de preuves d’actes susceptibles de constituer des crimes de guerre, des crimes contre l’humanités et des crimes de génocide.
Les sanctions limitées
La communauté internationale a progressivement renforcé son arsenal de sanctions contre les groupes armés actifs en RDC. L’Union européenne a ajouté en juillet 2024 neuf personnes et une coalition rebelle à sa liste de sanctions, portant à 31 le nombre total d’entrées. Ces mesures visent plusieurs commandants accusés de violations graves des droits de l’homme et d’entretenir le conflit armé, l’instabilité et l’insécurité dans l’Est de la RDC.
Cependant, l’efficacité de ces sanctions reste limitée. Selon un rapport de l’ONU, 3 000 à 4 000 soldats rwandais ont combattu aux côtés du M23 et Kigali exerce un contrôle de facto sur les opérations du groupe. Cette implication directe des forces étrangères complique considérablement les efforts de pacification.
Les obstacles à la coopération judiciaire
La coopération judiciaire internationale se heurte à de nombreux obstacles structurels. L’absence des mécanismes de mise en œuvre des obligations conventionnelles sur la coopération judiciaire entrave l’efficacité des poursuites transfrontalières. Le maintien de la peine de mort dans l’arsenal juridique congolais et les mauvaises conditions carcérales constituent des obstacles supplémentaires.
Les réformes récentes
Le secteur judiciaire congolais a entamé une nouvelle phase de réformes en mars 2025 avec l’adoption de « deux réformes majeures » mises en œuvre par décret. Ces mesures, fruit des recommandations des États généraux de la justice, visent à renforcer la justice dans le pays. Bien que les détails spécifiques ne soient pas encore dévoilés, ces réformes marquent un engagement fort du gouvernement en faveur de la réforme judiciaire.
L’approche holistique proposée
Un rapport de 2023 du Comité scientifique chargé de l’élaboration d’un projet de politique nationale de justice transitionnelle propose une approche holistique incluant ses quatre piliers : droit à la vérité, droit à la justice, droit à la réparation et garanties de non-répétition. Cette approche, fondée sur les consultations populaires, vise à rompre avec les mécanismes passés insuffisants.
Les experts recommandent la création d’une Commission nationale de vérité et réconciliation avec des branches provinciales. Cette initiative s’accompagnerait de réformes dans le secteur judiciaire et dans le secteur de la sécurité. L’objectif est de créer un système capable de traiter efficacement les crimes du passé tout en prévenant leur répétition.
Le renforcement des capacités nationales
Malgré les défis considérables, des progrès notables ont été accomplis. Depuis 2004, les tribunaux militaires et civils congolais ont rendu plus de 130 jugements sur des crimes internationaux, un record rarement égalé par des juridictions nationales dans des conditions aussi difficiles. Cette performance témoigne de la capacité du système judiciaire congolais à lutter efficacement contre l’impunité des crimes internationaux.
Le rapport publié par UpRights, une organisation spécialisée dans l’assistance juridique aux victimes de violations graves des droits humains à travers le monde, et TRIAL International, une ONG engagée dans la lutte contre l’impunité des crimes internationaux, souligne que diverses solutions institutionnelles peuvent être déployées pour renforcer le système judiciaire et préserver ses acquis. Ces solutions incluent notamment l’amélioration de la formation des magistrats, le renforcement de la protection des témoins, ainsi qu’une augmentation significative des budgets alloués à la justice.
L’engagement international nécessaire
Alice Baenens, conseillère juridique d’Amnesty International, affirme qu’« il n’est pas trop tard pour juger ces crimes : la justice peut encore être obtenue même 25 ans après ». Cette perspective encourage les efforts de documentation et de préservation des preuves, essentiels pour les futures poursuites.
La création d’une conférence internationale organisée en RDC pourrait servir de cadre d’échange pour déterminer les priorités en matière de réforme de la justice et pour coordonner les actions visant à lutter contre l’impunité. Cette initiative permettrait de mobiliser la communauté internationale autour d’objectifs communs.
Près de trente ans après le début des conflits qui ont ensanglanté la RDC, l’impunité demeure un défi majeur. Les crimes de guerre, crimes contre l’humanité et violences sexuelles continuent de ravager l’Est du pays, alimentés par l’absence de justice et les intérêts économiques autour des ressources naturelles. Si les efforts de la Cour pénale internationale ont marqué des avancées significatives, ils restent insuffisants face à l’ampleur des crimes commis.
L’appel du président Tshisekedi à la création d’un tribunal pénal international pour la RDC mérite d’être entendu par la communauté internationale. Parallèlement, le renforcement des capacités judiciaires nationales et l’adoption d’une approche holistique de justice transitionnelle offrent des perspectives encourageantes. La route vers la justice sera longue et semée d’embûches, mais comme le rappelle Denis Mukwege, il ne peut y avoir de véritable paix sans justice. L’avenir de la RDC et la dignité de ses victimes en dépendent.
Heshima Magazine
Dossier
Dialogue de la CENCO-ECC : Les risques d’un échec !
Published
4 mois agoon
mars 11, 2025By
La redaction
Après avoir rencontré des acteurs de la crise congolaise aussi bien au niveau local que régional, les représentants de la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO) et ceux de l’Eglise du Christ au Congo (ECC) élaborent un « Pacte social pour la paix » à proposer aux protagonistes de cette crise. Mais face à des positions toujours diamétralement opposées, cette démarche risque de ne pas porter les fruits escomptés.
Les représentants de la CENCO et ceux de l’ECC ont rencontré, le 12 février 2025 à Goma, le coordonnateur de l’Alliance Fleuve Congo et du M23 (AFC-M23), Corneille Nangaa. C’est dans la perspective d’un dialogue voulu inclusif par ces églises. Mais des voix s’élèvent pour contester cette démarche intégrant un groupe armé ayant causé la mort, fin janvier, de plus de 3000 Congolais dans cette ville occupée depuis par les rebelles. Le tandem CENCO-ECC va-t-il réussir cette rude mission ?
La délégation conduite par Monseigneur Fulgence Muteba, président de la CENCO et André Bokundoa, représentant légal de l’ECC, a été reçue, le 12 février, par les rebelles de l’AFC-M23. Ces prélats disent être encore dans une phase consistant à recueillir les avis des acteurs dans cette crise, y compris ceux de l’AFC-M23. « Nous demeurons dans notre démarche pastorale, nous sommes convaincus de ce que nous voulons faire et nous savons que la majorité des Congolais ne souhaite que la paix, et dans les plus brefs délais. Nous sommes convaincus que l’implication de tout le monde, y compris ceux que nous sommes venus rencontrer ici, est nécessaire pour sortir de cette situation », a déclaré Mgr Donatien Nshole, secrétaire général de la CENCO.
Mais la démarche des prélats catholiques et pasteurs protestants ne fait pas l’unanimité au sein de la classe politique et d’une partie de la société civile. L’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), parti présidentiel, a fait part, le 11 février, de son opposition à une initiative de dialogue qui intégrerait les rebelles du M23 qualifiés de « terroristes ». Dans une déclaration politique signée par son secrétaire général, Augustin Kabuya, ce parti a exprimé sa désapprobation à l’initiative du dialogue social que prônent les évêques. Tout en privilégiant la cohésion nationale interne, l’UDPS rejette en bloc « toute démarche visant à organiser des négociations politiques en dehors des processus de Luanda et de Nairobi ». Ce parti dénonce une initiative « narquoise » de certains acteurs religieux dont les diverses prises de position « n’ont jamais caché leur antipathie envers les institutions de la République ».
De son côté, le secrétaire permanent de l’Union sacrée de la Nation, plateforme du pouvoir, a abondé dans le même sens. André Mbata soupçonne les prélats catholiques et protestants d’avoir déjà pris des contacts sans attendre un quelconque mandat du président de la République. « Le fameux ‘‘Pacte social’’ proposé par certains est une initiative individuelle de ceux qui avaient déjà pris d’autres contacts ailleurs et qui n’ont pas voulu attendre la position finale du garant de la Nation. Par conséquent, ce projet ne lie ni l’Union sacrée ni sa haute autorité politique », a réagi André Mbata.
L’ODEP monte au créneau
Sortant de sa sphère économique, l’Observatoire de la dépense publique (ODEP) a rejeté toute forme de dialogue avec les agresseurs, y compris le président rwandais, Paul Kagame. Cette structure de la société civile n’a pas été tendre avec ces prélats catholiques et pasteurs protestants. Dans un communiqué de presse signé par son président du Conseil d’administration, Florimond Muteba, cette plateforme a accusé la CENCO-ECC de collaborer avec l’ennemi, qualifiant le cardinal Fridolin Ambongo de « Maréchal Pétain congolais ». Une allusion faite au dirigeant français de la Seconde guerre mondiale qui avait engagé la France dans la collaboration avec l’Allemagne nazie.
M. Germain Kambinga, président du parti politique, «Le Centre», pense qu’au lieu d’un dialogue, il faut plutôt organiser le système de défense du pays. S’adressant à l’Église catholique et protestante, cet ancien ministre de l’Industrie affirme que le dialogue est pour l’instant inacceptable, craignant un retour de 30 ans en arrière. Ce politicien affirme que cela constituerait même une violation de la Constitution. Ces premiers couacs risqueraient d’entamer la crédibilité de la démarche de ces prélats.
Tshisekedi juge l’initiative louable
Face à cette vague de critiques, le tandem CENCO-ECC s’accroche à ce que Félix Tshisekedi leur avait dit lorsqu’ils lui avaient présenté ce projet de « Pacte social » pour la paix. « Le Chef de l’État a salué et encouragé l’initiative et quand j’entends un autre son de cloche, je crois que ça n’engage que ceux qui ont parlé, les réactions des forces vives que nous rencontrons nous rassurent », a répliqué Donatien Nshole, soulignant que Félix Tshisekedi avait qualifié de « louable » leur initiative de paix. Ces prélats envisagent déjà d’aller plus loin après l’étape de Goma.
Kagame consulté !
Après l’étape de la Belgique où Moïse Katumbi et ses lieutenants ont été consultés, les prélats et les pasteurs ont aussi reçu les hommes de Joseph Kabila, représentés par Raymond Tshibanda, Néhémie Mwilanya et José Makila. Mais une autre étape cruciale était celle de Kigali où la délégation a rencontré le président rwandais, Paul Kagame. Selon Mgr Donatien Nshole, le chef de l’Etat rwandais a encouragé les religieux à tenter une solution pacifique là où les politiciens ont échoué à cause de leurs égos. Les prélats s’étaient également rendus à Nairobi pour rencontrer le président William Ruto, président en exercice de la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC).
Les risques d’un échec
Après la publication de la tribune signée par Joseph Kabila, il est de plus en plus clair que l’ancien président de la République et la rébellion de l’Alliance Fleuve Congo, coordonnée par Corneille Nangaa, ne sont pas dans une logique de dialogue. À condition que cela débouche sur la démission de Félix Tshisekedi du pouvoir. Une telle posture ne saurait amener les deux camps vers un dialogue apaisé. Les deux extrêmes accusent aussi une véritable crise de confiance liée à leur deal passé et « non respecté », selon le camp Kabila. Cela fait que la CENCO-ECC ne saurait proposer un accord de paix qui soit respecté par toutes les parties, y compris des puissances extérieures comme Kigali et Kampala. Le camp Tshisekedi et le camp Kabila, aujourd’hui élargi à Moïse Katumbi, ont divisé la sphère politique. Cet antagonisme risque de se résoudre brutalement, par des voies militaires, si un camp ne choisit pas de faire preuve de retenue.
Heshima
Dossier
Combats entre FARDC et M23/AFC, La population impactée par une sévère crise humanitaire
Published
5 mois agoon
février 15, 2025By
La redaction
La situation humanitaire en République démocratique du Congo (RDC), principalement à Goma, est alarmante à la suite des violents combats qui ont eu lieu en janvier dernier. Les rebelles du M23, soutenus par le Rwanda, ont pris le contrôle de la ville, exacerbant une crise déjà sévère. Près de 3 000 morts ont été recensés par les humanitaires.
Depuis la résurgence de la rébellion du M23, une crise humanitaire frappe la province du Nord-Kivu. Mais depuis la percée fulgurante à Goma réalisée par ces rebelles soutenus par l’armée rwandaise, une grave crise humanitaire affecte la ville. Dans la seconde moitié de janvier, le pire est donc arrivé à Goma. Cette ville de plus d’un million d’habitants a été le théâtre des affrontements meurtriers, fin janvier, entre les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC), appuyées par les miliciens Wazalendo, et les rebelles du M23 soutenus par l’armée rwandaise.
Plus de 3 000 morts à Goma
Les combats ont entraîné la mort de près de 3 000 personnes et blessé plus de 3 000 autres depuis le 26 janvier 2025. Sur place, dans la ville, les hôpitaux sont débordés. Au moins 2 000 corps ont déjà été enterrés par les communautés. Dans les morgues de Goma, le 4 février, il y avait encore 900 corps, selon les chiffres de l’OMS. De nombreux corps en état de décomposition restent dans certaines zones, notamment à l’aéroport et à la prison de Goma.
Les établissements hospitaliers manquent de fournitures médicales essentielles et peinent à fournir des soins adéquats aux victimes. « Les corps sont en décomposition dans les morgues suite au manque d’électricité », a ajouté le porte-parole du gouvernement, Patrick Muyaya. Les containers de la Croix-Rouge internationale ont été pillés, et tous les stocks de médicaments ont été emportés.
La population civile est confrontée à des conditions de vie extrêmement difficiles, avec des pénuries d’eau, d’électricité et de services de base. De plus, environ 4 000 détenus se sont évadés de prison, dont beaucoup sont responsables d’atrocités, exacerbant ainsi l’insécurité dans la ville. Les déplacements massifs de populations fuyant les violences ont conduit à une crise humanitaire majeure. Les camps des déplacés de Kanyaruchinya, dans le territoire de Nyiragongo, sont complètement vides suite à l’occupation de Goma. Certains déplacés
n’ont eu d’autre choix que de rentrer chez eux, faute de prise en charge par les humanitaires et le gouvernement congolais.
Accès limité à l’aide humanitaire
Occupé par les rebelles, l’aéroport de Goma n’est toujours pas opérationnel. Le coordonnateur humanitaire en République Démocratique du Congo, Bruno Lemarquis, a lancé un nouvel appel à la mobilisation de toutes les parties pour la réouverture urgente de cet aéroport, principale voie d’accès à l’aide humanitaire. « De très nombreux blessés nécessitent des soins urgents, les infrastructures médicales restent débordées, et des milliers de civils sont toujours privés d’assistance vitale », a-t-il détaillé, estimant que l’aéroport de Goma est une « ligne de vie. Sans lui, l’évacuation des blessés graves, l’acheminement des fournitures médicales et la réception des renforts humanitaires sont paralysés ».
Réduction du train de vie des institutions
Le président Félix Tshisekedi a demandé au gouvernement d’accélérer les mesures visant la réduction du train de vie des institutions afin de contribuer à l’effort de guerre. Pour ce faire, le gouvernement préconise, entre autres, la suspension de la mécanisation des agents publics de l’État pour une durée de 12 mois, à l’exception des militaires et policiers. Les fonds générés par ces coupes budgétaires peuvent atteindre plus de 27 692 460 dollars cette année. Ces sommes peuvent être réaffectées dans le secteur de la défense nationale et de la sécurité. Parmi les institutions concernées par la réduction du train de vie figurent notamment le cabinet du président de la République, le gouvernement, le parlement ainsi que les institutions d’appui à la démocratie. Les onze mille cinq cents (11 500) agents qui attendaient d’être mécanisés en 2025 vont devoir encore prendre leur mal en patience. Les députés nationaux, dont les émoluments élevés scandalisaient l’opinion congolaise, sont aussi attendus au tournant pour contribuer à cet effort de guerre.
La CPI suit la situation de près
L’ONU et la Cour pénale internationale (CPI) surveillent de près la situation, exprimant des préoccupations concernant les violations des droits humains et les crimes de guerre. « Le bureau suit les événements actuels de près, y compris la grave escalade de la violence au cours des dernières semaines dans l’Est de la RDC, en particulier à Goma, la capitale provinciale du Nord-Kivu, et dans ses environs », rapporte un communiqué du bureau du procureur de la CPI. Des rapports font état de violences sexuelles et de meurtres, notamment l’incendie de la prison de Munzenze, où des centaines de femmes ont été tuées. Depuis octobre, le Procureur de la CPI, Karim Khan, avait affirmé que son bureau allait réactiver ses enquêtes en RDC, en particulier sur les crimes perpétrés dans la province du Nord-Kivu depuis janvier 2022. Des crimes essentiellement commis par les rebelles du M23, notamment à Kishishe, dans la chefferie de Bwito, territoire de Rutshuru, où plus de 130 Congolais avaient été massacrés entre le 29 novembre et le 1er décembre 2022.
Heshima
Trending
-
Nation2 semaines ago
RDC : les revendications profondes du M23 et leurs possibles conséquences…
-
Nation3 semaines ago
Deal minier RDC-USA : des doutes s’installent du côté américain
-
Nation4 semaines ago
RDC : Tshisekedi inventorie ses mines, avant un possible deal américain
-
International2 semaines ago
Accord de paix RDC-Rwanda : le point sur l’intégration des rebelles fait grincer des dents
-
Nation1 semaine ago
Isolé à Doha et à Washington : Kabila attend la carte de la CENCO-ECC
-
International2 semaines ago
Afrique : ces anciens chefs d’État qui ont réussi à revenir au pouvoir
-
Nation4 semaines ago
Matata Ponyo porté disparu : entre mystère judiciaire et enjeux politiques
-
Nation3 semaines ago
Impunité du Rwanda : Une garantie de répétition de ses crimes en RDC