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Dialogue et réorganisation militaire : Tshisekedi tient deux fers au feu

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La grave crise sécuritaire qui sévit en République démocratique du Congo (RDC) pousse le chef de l’État, Félix Tshisekedi, à opérer de multiples changements, notamment sur le plan sécuritaire. Alors qu’un dialogue se profile à l’horizon avec les rebelles du Mouvement du 23 Mars (M23/AFC), Tshisekedi réorganise son appareil sécuritaire en nommant un nouveau conseiller spécial en matière de sécurité. À ce poste, le professeur Désiré Cashmir Eberande Kolongele succède à un autre universitaire, Jean-Louis Esambo.

Ancien directeur de cabinet intérimaire du chef de l’État et ex-ministre du Numérique, Désiré Cashmir Eberande occupera désormais le poste de conseiller spécial du président en matière de sécurité. L’ordonnance présidentielle le nommant a été lue mercredi 5 février 2025 à la télévision nationale (RTNC). Élu député national dans la circonscription de Bulungu, dans la province du Kwilu, il pilotera le puissant Conseil national de sécurité (CNS), une structure stratégique auparavant dirigée par l’ancien sécurocrate François Beya.

Depuis l’ère de Joseph Kabila, ce poste a vu défiler plusieurs personnalités, telles que Pierre Lumbi, Jean Mbuyu, François Beya, Jean-Louis Esambo, et désormais Désiré Cashmir Eberande. Ce dernier aura la lourde tâche de diriger le Conseil national de sécurité dans un contexte particulièrement critique. Le pays traverse l’une des crises les plus graves de son histoire. Après avoir pris Goma, capitale de la province du Nord-Kivu, le 27 janvier, les rebelles du M23, soutenus par les troupes rwandaises, ont lancé une nouvelle offensive dans l’Est du pays mercredi 5 février, reprenant leur progression vers Bukavu, chef-lieu du Sud-Kivu. La cité minière de Nyabibwe, située à environ 100 kilomètres de Bukavu, est déjà tombée aux mains des insurgés. Ces derniers visent désormais l’aéroport de Kavumu, avant de tenter d’atteindre Bukavu.

Tshisekedi tient deux fers au feu

Félix Tshisekedi poursuit la réorganisation de l’armée et des autres secteurs de la sécurité, malgré les revers militaires dans l’Est du pays. Parallèlement, le chef de l’État garde deux options ouvertes : l’option militaire et celle du dialogue. Si la première a montré ses limites pour l’instant, la seconde semble être la moins coûteuse en termes de pertes humaines et de préservation des maigres acquis engrangés jusqu’ici. Bien qu’il ait initialement refusé de dialoguer avec les rebelles du M23, soutenus par le Rwanda, Tshisekedi a finalement accepté les pourparlers proposés par la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO) et l’Église du Christ au Congo (ECC). Ces discussions, qui s’inscrivent dans le cadre d’un pacte social pour la paix, incluront Corneille Nangaa et d’autres représentants du M23.

Une donne vient compliquer l’équation, c’est que Corneille Nangaa est désormais sous mandat d’arrêt international lancé par la justice militaire.  Comment va-t-il apprécier cette situation ? Comment l’ECC et la CENCO vont-elles prendre langue avec un homme recherché ? C’est là où les romains s’empoigneèrent.

Sur le plan régional, Félix Tshisekedi et son homologue rwandais, Paul Kagame, sont attendus samedi 8 février à un sommet conjoint de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) et de la Communauté de l’Afrique de l’Est (CAE), prévu à Dar es Salam, en Tanzanie. Le président du Conseil européen, António Costa, a annoncé avoir eu des échanges avec les deux chefs d’État directement concernés par cette crise. « Il faut trouver une solution durable à long terme pour la stabilité de la région », a-t-il déclaré, exprimant son espoir de voir des « discussions constructives » s’engager à Dar es Salam.

De son côté, la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL) a salué la tenue de ce sommet conjoint SADC-CAE, prévu les 7 et 8 février. Cette organisation régionale qualifie ces assises d’« occasion cruciale » pour s’attaquer à la crise sécuritaire et humanitaire qui affecte des millions de civils dans la région des Grands Lacs.

Heshima

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Entre vitrine internationale et réalités locales, le pari risqué de « Visit DRC »

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La République démocratique du Congo (RDC) cherche à renforcer sa visibilité internationale en s’associant à un club de football européen reconnu. L’affichage du nom de la RDC sur les maillots de l’AS Monaco lors des matchs officiels constitue un vecteur de promotion touristique et culturelle. Cependant, le pays de Félix Tshisekedi peine à réunir les prérequis pour un meilleur accueil des touristes. L’état des services aéroportuaires, le manque de sécurité, l’état impraticable du réseau routier et surtout l’insalubrité constituent des problèmes à résoudre avant de lancer un tel partenariat.

Le 10 mai, le ministre des Sports et Loisirs, Didier Budimbu, a signé un protocole d’accord avec Thiago Scuro, directeur général de l’AS Monaco, portant sur la promotion du football congolais et du tourisme. Ce contrat, d’une valeur de 1,6 million de dollars par saison, devrait concerner le développement du football congolais, avec un accent particulier sur le football. Il s’agit notamment de la formation d’entraîneurs, l’exécution de programmes de développement des jeunes talents, l’amélioration des infrastructures sportives et le renforcement des ligues locales. Une part du contrat est consacrée à la visibilité de la RDC à travers ce club de la principauté. Un autre aspect de cet accord est la contribution financière additionnelle de 200 000 euros prévue pour couvrir les frais de déplacement et de coordination de l’AS Monaco dans le cadre de ses interventions en RDC.

Sur le plan de la visibilité, le gouvernement tente d’imiter la politique rwandaise dur le tourisme avec Visit Rwanda. Une stratégie jugée mimétique par certains observateurs congolais, qui y voient une copie mal adaptée du modèle rwandais. « Ils veulent ‘‘Visit Congo’’ pendant qu’ici, routes, sécurité et aéroport sont à l’agonie. On vend une vitrine sans boutique, un rêve sans socle. Avant d’acheter des slogans, qu’on construise un pays. Sinon, c’est inviter au festin dans une maison en feu », a réagi un Congolais sur X. Beaucoup voient dans ce mimétisme du gouvernement une volonté de mettre la charrue avant les bœufs. « Ces touristes qu’on invite vont atterrir à l’aéroport de N’djili avec toutes les tracasseries qui caractérisent cette frontière ? Un travail d’image du pays devrait être fait en amont avant de signer de tels partenariats », a déclaré Sylvestre Kabongo, un analyste sportif. « Nous serons témoins de l’échec de ce partenariat. », ajoute un autre Congolais, estimant que le gouvernement devrait commencer par rendre le pays attractif avant d’inciter les touristes à venir visiter la RDC. L’insalubrité persistante, la corruption endémique et les embouteillages chroniques sont autant d’obstacles évoqués à ce projet de soft power.

De son côté, le gouvernement tente de tempérer. « Il ne s’agit pas forcément d’un contrat de visibilité mais plutôt d’un contrat de transfert de compétences pour l’amélioration du football en RDC et non Visit DRC », a déclaré une source citée par 7SUR7.CD.

Entre coopération sportive et image de marque

Ce partenariat s’inscrit dans une volonté de renforcer les relations entre la RDC et la France, en particulier dans le domaine du sport. Il ouvre la voie à de futures collaborations dans d’autres secteurs tels que l’éducation, la santé et la culture. Le succès de ce partenariat, selon certains, pourrait inciter d’autres clubs européens à collaborer avec la RDC, favorisant ainsi une diplomatie sportive active. Certaines sources au sein du ministère des Sports évoquent déjà des contacts avec des clubs espagnols majeurs comme le Real Madrid et le FC Barcelone. Avec ce partenariat, il est envisagé d’étendre ce type de projets sportifs à d’autres provinces de la RDC et de pérenniser les événements sportifs organisés.

Cette collaboration a été initiée par l’ancien international congolais Distel Zola, un ancien joueur de l’AS Monaco et fondateur de la Fondation « Bana Zola », qui œuvre en faveur des enfants défavorisés en RDC. En 2022, l’AS Monaco avait soutenu un tournoi de football organisé à Kinshasa, fournissant des tenues de match et du matériel sportif. Cet événement, soutenu par le Programme Alimentaire Mondial (PAM), visait à sensibiliser les jeunes à l’importance d’une alimentation équilibrée tout en leur offrant un moment d’évasion à travers le sport.

Une stratégie de marketing du Rwanda

Le Rwanda a établi des partenariats stratégiques avec plusieurs clubs de football européens dans le cadre de sa campagne de promotion touristique « Visit Rwanda ». Ces accords visent à renforcer la visibilité internationale du pays et à stimuler son secteur touristique. Depuis 2018, le Rwanda est le premier sponsor de la manche du maillot d’Arsenal, avec un contrat d’une valeur de 10 millions de livres sterling par an. Ce partenariat a été prolongé en 2021 pour quatre années supplémentaires. Il en est de même pour le club français du Paris Saint-Germain (PSG).

En août 2023, Kigali a signé un partenariat de cinq ans avec le Bayern Munich, axé sur le développement du football des jeunes et la promotion du tourisme. Ce partenariat comprend la création d’une académie de football FC Bayern au Rwanda. Début mai 2025, Kigali a conquis aussi l’Atletico Madrid, troisième club espagnol au classement actuel de la Liga.

Heshima

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CENI-RDC : Entre crédibilité et contestation, comment restaurer la confiance électorale ?

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Depuis sa création en 2006, la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI) de la République démocratique du Congo (RDC) joue un rôle clé dans l’organisation des élections, mais elle fait face à des critiques récurrentes sur ses défaillances. Malgré des innovations comme les technologies biométriques, les élections passées ont révélé des problèmes persistants : politisation, manque de transparence, retards logistiques. À l’approche des élections de 2028, des réformes sont nécessaires pour restaurer la confiance, notamment en garantissant l’impartialité, en modernisant l’infrastructure et en renforçant le contrôle citoyen.

La CENI tire sa légitimité de la Constitution du 18 février 2006, qui établit un organe public indépendant doté d’une autonomie financière et administrative pour organiser les élections nationales, provinciales, locales et les référendums. Une loi organique adoptée en juillet 2010, amendée en avril 2013 puis en juillet 2021, précise ses missions : tenir à jour le fichier électoral, superviser l’organisation des scrutins, assurer le dépouillement des votes et proclamer les résultats provisoires. Succédant à la Commission Électorale Indépendante (CEI), qui avait orchestré le référendum constitutionnel de 2005 et les premières élections multipartites de 2006, la CENI se compose de 15 membres, désignés par les forces politiques représentées à l’Assemblée nationale et la société civile sur la base d’un équilibre.

En théorie, la composition de la CENI vise à garantir un équilibre entre les forces politiques et à prévenir toute emprise partisane. Mais dans les faits, son indépendance reste souvent mise à mal. Les nominations, sous la responsabilité de l’Assemblée nationale, sont régulièrement marquées par d’intenses tractations politiques. Toutes les désignations des présidents de la CENI en portent la trace, à l’exception notable de celle de l’abbé Apollinaire Malu-Malu en 2003, fruit d’un consensus entre les parties prenantes du Dialogue intercongolais de Sun City, dans le cadre de l’Accord global et inclusif signé en décembre 2002.

Le parcours des présidents successifs de la CENI illustre les turbulences institutionnelles de l’organisme. L’abbé Apollinaire Malu-Malu, premier président, est officiellement décédé en 2016 des suites d’une maladie. Toutefois, certains remettent en question cette version : « Le pauvre Malu-Malu est mort d’empoisonnement et non d’une maladie », affirme Yvan Kambale, ancien séminariste devenu ingénieur à Kinshasa. Son successeur, Daniel Ngoy Mulunda, purge actuellement une peine de prison pour incitation à la haine et atteinte à la sûreté de l’État. Corneille Nangaa, qui lui a succédé, a été sanctionné en 2019 par les États-Unis pour sa responsabilité présumée dans des actes de corruption électorale. En 2023, il a annoncé la création d’un mouvement armé et contrôle, avec l’appui du Rwanda, certaines localités stratégiques des provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, alimentant de vives inquiétudes quant à ses ambitions réelles. L’actuel président, Denis Kadima, nommé en 2021 malgré les objections de plusieurs confessions religieuses, est régulièrement critiqué pour sa proximité supposée avec le président Félix Tshisekedi.

La dépendance financière de la CENI vis-à-vis des bailleurs internationaux, tels que l’Union européenne, les Nations unies et les États-Unis, constitue une autre vulnérabilité. Si ces financements permettent de pallier les insuffisances budgétaires de l’État congolais, ils exposent l’institution à des pressions externes, notamment sur les calendriers électoraux et les réformes à entreprendre. Ce paradoxe, une indépendance juridique mais une dépendance financière, fragilise la légitimité de cette institution.

Pour comprendre les forces et les failles de la CENI, un retour sur les scrutins majeurs de 2006, 2011, 2018 et 2023 est nécessaire. Ces élections, organisées dans des contextes politiques et logistiques variés, illustrent les progrès réalisés et les défis persistants.

Les élections de 2006 : un tournant post-conflit

Au terme d’une transition douloureuse, les élections générales de 2006 ont marqué un moment historique pour la RDC. C’était la première fois, depuis l’indépendance en 1960, que les Congolais votaient dans un scrutin présidentiel et législatif multipartite organisé sur l’ensemble du territoire. Le pays sortait à peine de la deuxième guerre du Congo, la plus meurtrière depuis la Seconde Guerre mondiale, avec un État fragilisé, des groupes armés encore actifs à l’Est, des institutions embryonnaires et une société civile en quête de paix.

La désignation de l’abbé Apollinaire Malu-Malu à la tête de la Commission électorale indépendante (CEI) en juin 2003 survient dans ce contexte chaotique. Le pays est alors profondément divisé, et le pouvoir central n’a que peu de contrôle sur l’ensemble du territoire. Plusieurs provinces échappent à l’autorité de Kinshasa et sont sous la domination de groupes rebelles, soutenus par des puissances étrangères comme le Rwanda et l’Ouganda. L’État, dévasté par plus de cinq années de guerre, se trouve dans une situation d’effondrement. Les milices armées prolifèrent, rendant difficile la mise en place de structures démocratiques.

C’est dans ce climat de fragmentation et d’instabilité que, suite aux accords de paix signés à Pretoria en décembre 2002, un gouvernement de transition est mis en place. L’accord global et inclusif réunit les belligérants, l’opposition politique et la société civile, avec l’objectif d’organiser des élections libres et transparentes pour sortir le pays du chaos. La création d’une CEI indépendante est l’un des jalons essentiels de cet accord.

La désignation de Malu-Malu, prêtre catholique et universitaire respecté, à la tête de la CEI se fait donc dans un contexte de grande fragilité, mais aussi de besoin impérieux d’organisation et de crédibilité. Bien qu’il soit perçu comme un choix neutre et respecté, sa nomination n’est pas exempte de tensions. Il parvient cependant à obtenir l’adhésion des principaux acteurs politiques et des confessions religieuses, qui voient en lui une personnalité impartiale, capable de mener le pays vers une transition démocratique. Ce choix est salué par la communauté internationale, mais reste sous haute surveillance, les défis logistiques et sécuritaires étant considérables.

Dans ce contexte de reconstruction chaotique, l’organisation des élections par la CEI dirigée par Malu-Malu relevait d’un défi logistique monumental. Il a fallu transporter du matériel électoral dans des zones enclavées, parfois à dos d’homme ou par voie fluviale, dans un pays grand comme l’Europe de l’Ouest. Malgré cela, la participation a dépassé les 70 % au premier tour, le 30 juillet, traduisant un véritable engouement populaire pour ce rendez-vous démocratique inédit.

Le 30 juillet 2006, à la clôture du premier tour, l’annonce imminente des résultats plonge Kinshasa dans une atmosphère électrique. Face à des menaces de troubles urbains, l’abbé Apollinaire Malu-Malu et plusieurs membres de la CEI doivent se rendre au palais du peuple pour la proclamation officielle, escortés à bord d’un char de combat de la Mission de l’ONU au Congo (MONUC), afin de garantir leur sécurité et de parer à toute tentative d’intimidation. Cette image, aujourd’hui restée dans les mémoires, symbolise le pari dangereux mais réussi de proclamer des scores jugés satisfaisants par plus de 70 % des électeurs.

Jean-Pierre Bemba, arrivé deuxième, a aussitôt contesté les résultats, dénonçant des irrégularités dans plusieurs provinces. Le second tour, tenu le 29 octobre, a vu s’affronter Joseph Kabila et Bemba dans un duel tendu, marqué par des discours clivants et une campagne polarisée. Lorsque la CEI proclame la victoire de Kabila avec près de 58 % des voix, les tensions politiques basculent brièvement dans la confrontation armée.

En novembre 2006, des affrontements violents éclatent à Kinshasa entre la garde républicaine de Joseph Kabila et les forces de sécurité privées de Jean-Pierre Bemba, installées dans son quartier général de la Gombe. Ces heurts, bien qu’alimentés par un climat post-électoral explosif, ne sont pas officiellement liés à une contestation directe des résultats, mais à des rivalités de commandement et des provocations sur fond de méfiance militaire réciproque. Ils soulignent toutefois combien la transition démocratique restait sous tension permanente, à la merci de la moindre étincelle.

Malgré les violences et les suspicions, les observateurs internationaux, dont l’Union européenne, l’EISA et les Nations unies, ont salué un scrutin jugé globalement crédible. La CEI a réussi, dans un contexte instable, à faire tenir un processus électoral inédit, posant les premières bases d’une légitimité démocratique. Mais ces élections, loin de marquer une rupture définitive avec les crises du passé, ont aussi révélé la fragilité d’un État encore en construction.

Les élections de 2011 : les premières controverses de la CENI

Avant même la tenue du scrutin, la nomination de Daniel Ngoy Mulunda à la tête de la CENI en février 2011 crée une onde de choc. Pasteur méthodiste et fondateur de l’ONG LINELIT, il est également connu pour sa proximité personnelle avec Joseph Kabila, dont il a été l’aumônier. Sa désignation, validée par l’Assemblée nationale dominée par la majorité présidentielle, est aussitôt contestée par l’opposition, une partie de la société civile, ainsi que par l’Église catholique. Ces voix dénoncent une mainmise du pouvoir sur une institution censée être indépendante, compromettant dès le départ la confiance dans le processus électoral.

Plusieurs organisations de la société civile dont la Synergie des missions d’observation citoyenne des élections (SYMOCEL) et la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO), réclament en vain une révision du choix ou, à tout le moins, des garanties d’indépendance. La méfiance est installée.

Organisé le 28 novembre 2011, le double scrutin présidentiel et législatif vire rapidement au chaos organisationnel. Des listes électorales incomplètes, des bulletins de vote égarés, des kits informatiques défaillants ou absents, des retards dans l’ouverture des bureaux de vote : les ratés logistiques sont massifs. Dans plusieurs zones, les dépouillements se font sans procès-verbal clair ou en l’absence d’observateurs.

Le Centre Carter Center, la SADC, l’Union européenne et de nombreuses organisations locales rapportent des anomalies systématiques, particulièrement dans les bastions du président sortant. Certaines circonscriptions du Katanga affichent des taux de participation proches de 100 %, soulevant des soupçons de bourrage d’urnes.

La CENI proclame Joseph Kabila vainqueur avec 48,95 % des voix, devant Étienne Tshisekedi (32,33 %) et Vital Kamerhe. Étienne Tshisekedi dénonce aussitôt une fraude électorale massive. Il se proclame président élu et, dans un geste sans précédent, prête serment depuis sa résidence à Limete, devant une foule restreinte mais symbolique. Il déclare :« C’est moi le président élu du peuple congolais. Joseph Kabila doit partir. »

Le pouvoir réagit avec fermeté : la résidence de Tshisekedi est encerclée par la police, transformée de fait en prison à ciel ouvert. Ses partisans sont empêchés de s’y rendre, des journalistes sont intimidés, et des manifestations à Kinshasa et Mbuji-Mayi sont violemment réprimées, causant plusieurs dizaines de morts.

L’Église catholique, à travers la CENCO, ainsi que l’Église du Christ au Congo (ECC), dénoncent un scrutin non crédible. Plusieurs évêques appellent à « ne pas sacrifier la vérité des urnes sur l’autel de la stabilité ». La société civile, des organisations de jeunes, des coalitions d’observation électorale et plusieurs chancelleries occidentales expriment des réserves profondes sur la transparence du processus. L’Union européenne déclare que les résultats « manquent de crédibilité », tandis que le Centre Carter évoque une opacité inquiétante dans la compilation des résultats.

La crise de légitimité née de ces élections plonge la RDC dans une impasse politique durable. Le dialogue entre majorité et opposition est rompu, les institutions s’en trouvent fragilisées, et la polarisation du paysage politique s’aggrave. C’est dans ce climat tendu que Joseph Kabila convoque, en 2013, les Concertations nationales, officiellement pour apaiser les tensions et réconcilier les forces vives du pays.

Mais pour une large partie de l’opinion, il s’agit avant tout d’une manœuvre visant à restaurer une légitimité contestée depuis le scrutin de 2011. Les principaux partis de l’opposition refusent d’y participer, dénonçant une opération de façade. Le pouvoir tente alors de sauver l’image du dialogue en débauchant quelques personnalités issues de l’opposition, dans le but de légitimer la démarche.

Les élections de 2018 : l’ombre des machines à voter et le spectre d’un deal

Le scrutin présidentiel du 30 décembre 2018 s’est tenu dans un climat de méfiance et de contestations, renforcé par des tensions politiques et sociales qui ont marqué la période. Ces élections étaient censées marquer la première alternance pacifique du pouvoir depuis l’indépendance, mais le processus électoral a été entaché de nombreux débats et accusations. Le pays venait d’être secoué par plusieurs reports successifs du scrutin, et une partie du territoire, notamment l’Est, était en proie à des épidémies et à une insécurité persistante. C’est dans ce contexte qu’a été désignée la CENI, sous la présidence de Corneille Nangaa, un choix qui allait rapidement devenir un point de friction majeur.

La nomination de Nangaa à la tête de la CENI en 2015 avait déclenché une onde de choc politique. Dès son arrivée, l’opposition et la société civile dénoncèrent un coup de force institutionnel, pointant du doigt ses « anciennes affiliations » au Parti du Peuple pour la Reconstruction et la Démocratie (PPRD) de Joseph Kabila. Pour ses détracteurs, dont les poids lourds Jean-Pierre Bemba et Moïse Katumbi, cette désignation scellait un scénario de mainmise sur le processus électoral.

Les critiques fusaient sur un point central : comment un ancien cadre du régime pourrait-il incarner la neutralité requise pour organiser des scrutins crédibles ? Les accusations de partialité structurelle prenaient corps, alimentant les craintes d’un scrutin taillé sur mesure pour assurer la pérennité du pouvoir en place. La polémique révélait une fracture plus profonde : la défiance historique envers une institution électorale perçue comme le prolongement de l’appareil d’État plutôt que comme son contre-pouvoir.

Les confessions religieuses, en particulier l’Église catholique par l’intermédiaire de la CENCO, ont également exprimé leur désaveu. Bien que l’Église catholique ait été historiquement un acteur clé dans l’observation des élections, elle n’a pas participé à la désignation de Nangaa, se distanciant ainsi du processus. L’abbé Léonard Santedi, secrétaire général de la CENCO, a clairement indiqué que la CENCO n’avait pas été associée à la nomination, et que cette absence de consensus interreligieux était source de méfiance. De nombreuses organisations de la société civile, quant à elles, ont dénoncé la partialité présumée de la CENI et ont mis en doute la capacité de Nangaa à organiser des élections transparentes.

Le climat de tension s’est intensifié avec l’introduction des « machines à voter », présentées comme une solution moderne pour accélérer et sécuriser le processus électoral. Mais rapidement, elles ont été perçues comme un outil de manipulation. L’opposition, y compris des figures comme Martin Fayulu, a dénoncé ces machines comme des « machines à tricher », estimant qu’elles étaient conçues pour favoriser le candidat du pouvoir. Des observateurs ont critiqué leur manque de transparence et les dysfonctionnements notables qui ont accompagné leur déploiement.

Quelques jours avant le vote, un incendie criminel a ravagé un entrepôt de la CENI à Kinshasa, détruisant une partie du matériel électoral, dont des machines à voter destinées à la capitale. Cet incident a alimenté les soupçons de sabotage et de manipulation politique. Le 3 janvier 2019, la CENCO a rendu public un communiqué où elle a dénoncé des incohérences entre les résultats compilés par son réseau d’observateurs et ceux annoncés par la CENI. La CENCO a exprimé des réserves sur la transparence du processus, mais n’a pas directement contesté la victoire de Félix Tshisekedi. Toutefois, ces préoccupations ont contribué à exacerber la polarisation du climat politique.

Lorsque la CENI a annoncé la victoire de Félix Tshisekedi avec 38,57 % des voix, devant Martin Fayulu (34,83 %) et Emmanuel Ramazani Shadary (23,84 %), la contestation a été immédiate. Fayulu a qualifié cette victoire de « volée », et a affirmé que des arrangements avaient été conclus entre Kabila et Tshisekedi pour écarter l’opposition radicale. Bien que cet appel à la mobilisation populaire n’ait pas eu le même impact qu’escompté, il a toutefois mis en lumière la fracture persistante entre les soutiens de Tshisekedi et ceux de Fayulu. En parallèle, les observations de missions internationales telles que le Centre Carter ont souligné les irrégularités dans la centralisation des résultats, mais ont estimé que ces problèmes n’étaient pas suffisants pour remettre en cause l’issue du scrutin.

Malgré ces critiques, la Cour constitutionnelle a validé la victoire de Tshisekedi, et la communauté internationale, dans un souci de stabilisation, a largement accepté les résultats. Toutefois, les élections de 2018, bien qu’elles marquent un tournant historique en raison de la passation pacifique du pouvoir, ont laissé le pays profondément divisé, et la question de la transparence des élections demeure une préoccupation centrale pour une partie de la population congolaise. L’ombre du deal politique et des manipulations électorales a plané sur ce processus, alimentant des doutes quant à l’avenir de la démocratie en RDC.

Les élections de 2023 : entre chaos logistique et victoire incontestée de Tshisekedi

Le scrutin du 20 décembre 2023, organisé sous la présidence de Denis Kadima à la tête de la CENI, s’est tenu dans un climat lourd de tensions et de méfiance, malgré l’enjeu crucial de consolider la jeune démocratie congolaise.

Bien avant cette échéance, la désignation de Denis Kadima à la tête de la Commission électorale cristallise les tensions. Expert électoral au profil internationalement reconnu, Kadima est néanmoins accusé par plusieurs figures politiques et religieuses congolaises d’entretenir des liens étroits avec le président Félix Tshisekedi. Sa nomination, entérinée en octobre 2021 par l’Assemblée nationale dans un climat d’absence de consensus, suscite une forte controverse.

Deux grandes confessions religieuses, la CENCO  et l’ECC, rejettent fermement ce choix. Elles dénoncent un « passage en force » orchestré sous pression du pouvoir exécutif, et pointent un processus de désignation entaché d’irrégularités. L’abbé Donatien Nshole, porte-parole de la CENCO, parle d’un « processus biaisé dès le départ », tandis que le président de l’ECC alerte sur une nomination qui « compromet la transparence du processus électoral ». Cette rupture du consensus, pourtant indispensable à la crédibilité de la CENI, installe une méfiance durable chez de nombreux Congolais à l’approche du vote.

Le jour du scrutin, le pays fait face à une série de dysfonctionnements inédits : près de 25 % des bureaux de vote n’ouvrent pas à l’heure, voire pas du tout, et de nombreux électeurs peinent à retrouver leurs noms sur les listes. La CENI décide de prolonger le vote sur plusieurs jours dans certaines circonscriptions, une décision vivement critiquée par des missions d’observation telles que le Centre Carter, qui y voit une entorse aux standards électoraux internationaux. Malgré ces problèmes logistiques majeurs, la participation s’établit à environ 43 %, un recul notable par rapport aux scrutins précédents.

Félix Tshisekedi a été déclaré vainqueur de l’élection présidentielle avec plus de 73% des suffrages, distançant largement ses principaux concurrents Moïse Katumbi et Martin Fayulu. Cette victoire écrasante, bien que marquée par des irrégularités localisées signalées par les observateurs, n’a pas suscité de contestation majeure quant à la légitimité du résultat final. Les missions d’observation tant nationales qu’internationales, y compris le monitoring conjoint de la CENCO et de l’ECC, ont certes relevé des cas de bourrages d’urnes et des dysfonctionnements organisationnels, mais sans remettre en cause l’issue globale du scrutin. Aucune institution internationale ni capitale étrangère n’a émis de doute sérieux sur la proclamation du vainqueur ou avancé de résultats alternatifs, confirmant ainsi une acceptation générale du verdict des urnes malgré les imperfections du processus.

Toutefois, l’opposition rejette le processus électoral dans son ensemble, dénonçant un scrutin entaché d’irrégularités et le qualifiant de « parodie électorale ». Elle exige l’annulation des résultats, pointant notamment l’opacité du dépouillement et l’absence de publication des résultats dans certains bureaux. Ces critiques ravivent le débat sur la crédibilité de l’organisation, mais elles n’ébranlent pas la reconnaissance du gagnant. En dépit du climat chaotique ayant entouré le scrutin, cette élection consacre la réélection de Félix Tshisekedi.

Encore une fois, et en dépit de tout, cette élection a davantage divisé que rassemblé les Congolais. Certains candidats de l’opposition continuent de rejeter cette victoire et appellent toujours à son annulation.

Politisation et manque d’indépendance

La politisation de la CENI est un problème central. Les nominations de ses membres et du président, bien que prévues pour refléter un équilibre politique, sont souvent le fruit de marchandages entre la majorité et l’opposition. La désignation de Denis Kadima en 2021, malgré l’opposition des confessions religieuses, illustre cette problématique. La dépendance financière vis-à-vis des bailleurs internationaux expose l’institution à des pressions externes, tandis que les pressions internes, notamment de la part du pouvoir exécutif, limitent son autonomie. Cette perception de partialité érode la confiance des électeurs et des partis d’opposition.

Contraintes logistiques dans un pays immense

La RDC, avec sa superficie comparable à celle de l’Europe occidentale, pose des défis logistiques uniques. L’acheminement du matériel électoral : urnes, bulletins, machines à voter, vers des zones reculées est une tâche complexe, aggravée par des infrastructures routières souvent impraticables. En 2023, de nombreux bureaux de vote n’ont pas reçu le matériel à temps, et la formation des agents électoraux reste insuffisante, entraînant des erreurs dans le dépouillement et la transmission des résultats. Ces problèmes logistiques, bien que partiellement dus à la géographie du pays, reflètent également un manque de planification et de coordination.

Opacité et manque de transparence

Si la CENI a progressé en publiant les résultats bureau de vote par bureau de vote, une avancée notable par rapport aux scrutins de 2011 et 2018, elle reste loin des standards de transparence en vigueur dans d’autres démocraties africaines.

Au Ghana, par exemple, les résultats sont accessibles en temps réel sur des plateformes publiques, permettant un suivi citoyen et une vérification indépendante. En RDC, en revanche, la CENI maintient un système centralisé et opaque, où la compilation des données échappe à tout contrôle extérieur. Cette opacité nourrit les soupçons de fraude, comme lors des élections de 2011, 2018 et 2023, où des écarts inexplicables ont été relevés entre les chiffres officiels et ceux recueillis par les observateurs. Un manque de transparence qui, à chaque scrutin, alimente la défiance et les contestations.

Exclusion régionale et insécurité

Les conflits armés dans l’Est de la RDC, notamment au Nord-Kivu et en Ituri, privent des millions de citoyens de leur droit de vote. En 2018, le report du scrutin à Beni, Butembo et Yumbi, officiellement pour des raisons sanitaires et sécuritaires, a, en dépit de tout, été perçu comme une exclusion stratégique par l’opposition. En 2023, des régions entières n’ont pas pu voter en raison de l’insécurité, accentuant le sentiment d’injustice parmi les populations des provinces les plus touchées. Cette exclusion régionale compromet l’inclusivité des élections et renforce la perception d’un système électoral inégalitaire.

La société civile : un appel à la transparence

La société civile congolaise, représentée par des organisations comme la CENCO, l’ECC et plusieurs dizaines d’autres, milite pour des élections libres, transparentes et inclusives. En 2022, une déclaration conjointe de 61 organisations a appelé à une CENI indépendante, une révision du fichier électoral et un accès élargi aux observateurs. Ces organisations jouent un rôle crucial dans l’observation électorale, mais leur accès aux données reste limité par la CENI, ce qui entrave leur capacité à vérifier les résultats. La société civile insiste sur la nécessité d’une réforme institutionnelle pour garantir l’impartialité et la transparence.

Un rejet éternel des résultats ?

Les leaders de l’opposition congolaise ont régulièrement contesté les résultats électoraux, accusant les régimes successifs de frauder avec la complicité de la CENI. En 2023, ils ont réclamé de nouvelles élections sous une direction différente pour l’institution électorale, arguant que celle-ci manquait de légitimité. Ces critiques, profondément enracinées, témoignent d’une défiance persistante à l’égard du processus électoral en RDC.

Les observateurs internationaux : un regard critique

Les rapports du Centre Carter, de l’Union européenne et d’autres missions internationales ont constamment pointé du doigt les irrégularités dans les processus électoraux congolais. En 2023, l’Union européenne a déploré un manque de transparence et des irrégularités dans la collecte, la compilation et la publication des résultats. Ces critiques soulignent la nécessité d’une réforme structurelle pour aligner la CENI sur les normes internationales.

Modèles africains inspirants

Pour réformer la CENI, la RDC pourrait puiser dans les expériences de pays africains ayant réussi à instaurer la confiance dans leurs processus électoraux. Au Ghana, la Commission électorale est saluée pour sa transparence, en particulier grâce à la publication en temps réel des résultats bureau par bureau via des plateformes telles que LiveResult, gérée par CivicHive. Cette démarche permet à la population et aux observateurs d’accéder aux résultats, réduisant ainsi les risques de contestation. La RDC pourrait s’inspirer de ce modèle en mettant en place une plateforme numérique sécurisée, accessible à tous, pour publier les résultats des élections.

En Afrique du Sud, l’Electoral Commission of South Africa (IEC) constitue un modèle d’indépendance institutionnelle. Ses membres sont désignés par un comité parlementaire multipartite, et son financement est garanti par l’État, minimisant ainsi la dépendance aux bailleurs externes. Un mécanisme similaire pourrait être envisagé en RDC, en établissant un processus de nomination des membres de la CENI basé sur un large consensus, tout en renforçant l’autonomie budgétaire de l’institution.

L’Independent National Electoral Commission (INEC) du Nigeria, quant à elle, a instauré un système biométrique avancé pour l’enregistrement des électeurs, réduisant les risques de doublons et de fraudes. Bien qu’il puisse être perfectionné, ce système a contribué à améliorer la crédibilité des élections nigérianes. La RDC pourrait adopter une infrastructure biométrique similaire, accompagnée d’un plan de maintenance et de formation pour en assurer la fiabilité.

Des réformes pour restaurer la confiance

Des experts s’accordent sur l’urgence de repenser le processus électoral congolais en profondeur. Le politologue Christian Mulumba, de l’Université de Kinshasa, estime que « la CENI ne redeviendra crédible que si ses membres sont nommés selon une procédure transparente, reposant sur un consensus élargi et validée par des instances indépendantes telles que la société civile et les Églises ». Il propose un modèle inspiré de l’Afrique du Sud, où un comité multipartite élabore une liste de candidats, validée par le Parlement.

De son côté, la juriste Fatuma Kanyamanza souligne que « tant que la CENI sera perçue comme un instrument politique, les doutes subsisteront ». Elle préconise l’inscription dans la loi d’un processus de validation des nominations par une instance ad hoc réunissant ONG, confessions religieuses et observateurs internationaux.

Sur le plan technologique, l’économiste Jean-Baptiste Nzuzi, de l’Observatoire de la Gouvernance en Afrique, plaide pour l’utilisation de plateformes en ligne permettant la diffusion instantanée des résultats, à l’instar du Ghana. « Un système sécurisé, hébergé sur des serveurs tiers, offrirait un accès libre aux procès-verbaux, réduisant ainsi le risque de manipulation », explique-t-il. Quant à Sarah Mbuyi, experte en innovations électorales, elle propose d’explorer l’utilisation de la blockchain pour assurer la traçabilité du dépouillement des votes, comme cela est fait par la Commission électorale kényane.

D’un point de vue logistique, l’ingénieur Patrick Luhaka recommande à la CENI de collaborer avec le PNUD et la MONUSCO pour acheminer le matériel électoral vers les zones les plus reculées. « Un partenariat durable serait la clé pour éviter les retards et garantir le bon déroulement des scrutins », souligne-t-il.

Pour renforcer le suivi citoyen, l’ONG Regard Citoyen, représentée par Maître Gloria Lisenga, appelle à l’agrément automatique des observateurs nationaux et internationaux, sans quotas ni entraves. Enfin, l’ex-colonel Albert Mwamba, ancien responsable logistique de la MONUSCO, plaide pour des formations régulières à destination des personnels de terrain, indispensables pour assurer le bon fonctionnement des élections.

Comme le souligne Christian Mulumba, « si ces recommandations sont mises en œuvre, la RDC pourrait tourner définitivement la page des scrutins contestés ». Toutefois, il met en garde : « tout dépendra de la volonté politique de rompre une fois pour toutes avec les pratiques passées ».

Entre progrès et échecs : le temps des réformes

À l’approche des échéances de 2028, la RDC se trouve confrontée à une urgence démocratique. Les ombres des scrutins contestés de 2018 et 2023 planent toujours sur la CENI, érodant chaque jour un peu plus la confiance des citoyens dans le processus électoral. Sans une refonte en profondeur du système, le spectre de nouvelles violences post-électorales menace de replonger le pays dans le cycle infernal des crises politiques.

La construction d’une démocratie électorale crédible exige une mobilisation sans précédent. Autorités politiques, société civile, confessions religieuses et partenaires internationaux doivent conjuguer leurs efforts pour transformer la CENI en une institution réellement indépendante et transparente. Cet impératif dépasse les simples ajustements techniques : il appelle un dialogue national inclusif capable de définir de nouvelles règles du jeu acceptées par tous.

Si les élections passées de 2006 à 2023 ont permis certaines avancées, comme l’introduction de la biométrie, elles ont aussi exposé des failles criantes : instrumentalisation politique, manque de transparence, dysfonctionnements logistiques et marginalisation de certaines régions. Pourtant, des solutions existent. En s’inspirant des réussites ghanéenne et sud-africaine où transparence des résultats et indépendance institutionnelle font loi, la RDC pourrait réinventer son modèle électoral.

La voie est étroite mais claire : seule une CENI profondément réformée, dotée de moyens techniques modernes et soumise au contrôle citoyen, pourra restaurer la confiance. Les élections de 8 représenteront alors bien plus qu’une simple consultation, elles deviendront l’expression authentique de la souveraineté populaire. Le défi est immense, mais le prix de l’échec le serait encore plus.

Heshima Magazine

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Les églises dans l’arène politique congolaise : arbitres ou acteurs ?

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En République démocratique du Congo (RDC), les églises jouent un rôle central non seulement dans la vie spirituelle des Congolais mais aussi dans les dynamiques sociales et politiques. De grandes confessions religieuses comme l’Église catholique et l’Église du Christ au Congo (ECC) se sont imposées comme des voix influentes dans les moments clés de l’histoire politique du pays, surfant parfois sur une ligne floue entre arbitres et acteurs politiques. Heshima Magazine analyse ce rôle de pasteur à la frontière de la politique.

Complice de l’opposition, adversaire « redoutable » des régimes politiques, politiciens en soutane…, les adjectifs se multiplient pour tenter de qualifier certaines actions de l’Église catholique au pays. Face aux crises politiques récurrentes qui ont jalonné la marche du pays depuis l’indépendance en 1960, les églises ont souvent joué un rôle clé. Leur position oscille entre celle d’arbitres impartiaux et celle d’acteurs engagés. De cardinal Joseph Malula à Fridolin Ambongo, les archevêques de Kinshasa ont imprimé une identité dans les esprits des Congolais : celle d’un sermonneur immodéré du régime en place. Cette tradition ne semble pas changer, même quand un opposant politique d’hier devient chef de l’État, comme c’est le cas aujourd’hui du président Félix Tshisekedi. Dans ce sillage des catholiques, on retrouve aussi l’Église du Christ au Congo (ECC). Bien que moins virulente que les cathos, cette confession religieuse fait toutefois moins de cadeaux au pouvoir en place, contrairement aux églises dites de « réveil » qui, souvent, accompagnent les régimes politiques.

De Malula à Ambongo, une « opposition » en soutane

Né le 17 décembre 1917 à Léopoldville (actuelle Kinshasa), Joseph Albert Malula fut fait cardinal en 1969. Déjà en 64, comme archevêque de Kinshasa, il s’est fait remarquer par ses prises de position sur les questions politiques et sociales. Trois ans après avoir été fait cardinal, les relations entre le président Mobutu et le cardinal Malula s’étaient gravement détériorées. En 1972, Malula s’exile à Rome. Au cœur des divergences : les critiques du prélat sur certains discours liés à la politique d’authenticité évoqués par Mobutu. De retour de son congé en Suisse, le président zaïrois tient un grand meeting au stade du 20 Mai (actuel stade Tata Raphaël) où il consacre une grande partie de son discours à défendre sa politique d’authenticité, qu’il estime être plus un « recours » plutôt qu’un « retour aux sources ancestrales ». Dans la foulée, il annonce une série de mesures prises contre la communauté catholique de Kinshasa à qui il interdit de se rassembler pour prier Dieu afin qu’il assiste le cardinal Malula dans les épreuves vécues en ce moment-là. « Si des prières sont organisées dans une école catholique quelconque, je nationaliserai immédiatement cette école », avait-il menacé.

Certains médias proches de l’Église catholique, éditant en dehors du Zaïre, ont pris la défense de Malula. La charge du combat contre Mobutu a été portée notamment par La Semaine, publiée à Brazzaville, et Afrique Nouvelle, éditée à Dakar. Ces éditions ont immédiatement indiqué que la seule position possible était, à leur avis, une solidarité sans faille avec le prélat sur lequel le chef de l’État zaïrois avait jeté l’anathème. « Après Lumumba, Malula », titrait La Semaine, un journal plus libre dans ses propos sur le Zaïre que sur la République populaire du Congo. Pour la direction d’Afrique Nouvelle, le cardinal Malula est « victime d’une authenticité douteuse » de Mobutu.

Pourtant, les relations entre l’Église catholique et l’État zaïrois sont régulées par le Vatican. Mais le dictateur zaïrois n’en a cure. « Aussi longtemps que je serai chef de l’État et si le pape veut une collaboration avec l’État zaïrois, l’archevêque de Kinshasa ne sera plus Mgr Malula », avait-il tranché. « Mobutu dit le droit zaïrois avant le droit canon », ironisait un analyste. Un bras de fer qui a laissé des traces dans l’histoire des relations entre l’Église et l’État congolais. « Depuis toujours, l’Église mène une opposition en soutane sans toutefois prendre le pouvoir », explique un politologue de l’Université pédagogique nationale (UPN).

Laurent Monsengwo, un autre cardinal « têtu »

Piètre orateur mais très charismatique, le cardinal Laurent Monsengwo Pasinya avait repris le flambeau de l’opposition contre Mobutu avant même qu’il ne devienne cardinal ou archevêque de Kinshasa. Dans l’entourage de Mobutu, Monsengwo était déjà perçu comme un prélat « têtu ». « Quand il est décidé, il va jusqu’au bout », confiait en 2018 l’ancien sénateur Florentin Mokonda Bonza qui a aussi côtoyé Monsengwo. Cet ancien directeur de cabinet du président Mobutu se souvient des messages déjà très politiques de celui qui n’était encore qu’archevêque de Kisangani et président de la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO) dans les années 90.

Lorsque le vent de la perestroïka avait soufflé au début des années 90, faisant tomber le mur de Berlin et provoquant l’éclatement de l’Union soviétique (URSS), ce mouvement de démocratisation avait également affecté le Zaïre. Ce qui avait obligé Mobutu à ouvrir le pays à la démocratie et au multipartisme. Ce qui avait conduit à la conférence nationale souveraine pour décider notamment de la transition politique. À peine ouverte, la conférence nationale censée amener à une démocratisation du pays est suspendue par le parti-État devenu la cible de toutes les critiques. Le 16 février 1992, à l’appel des mouvements laïcs de l’Église catholique, des dizaines de milliers de personnes descendent dans la rue pour réclamer la réouverture des débats dans le cadre de cette Conférence nationale souveraine. Dépassé par l’ampleur des manifestations de chrétiens catholiques, le gouvernement zaïrois fait intervenir les forces de sécurité. Elles ouvrent le feu sur les manifestants. Le bilan officiel fait état d’une vingtaine de morts. L’opposition, elle, évoque un bilan plus lourd : une centaine de victimes. Mobutu va finir par céder à cette pression des laïcs catholiques encadrés par les prêtres. « Le président Mobutu s’est rendu compte à ce moment-là que l’Église était un adversaire redoutable, il ne voulait pas faire de l’Église un ennemi », se souvient Florentin Mokonda. Mais dans l’entre-temps, Mobutu ne voulait pas de Monsengwo à la tête de la Conférence nationale souveraine, cherchant désespérément à le faire remplacer par un autre évêque.

Mobutu finira par céder à la pression en nommant, quelques mois après, son grand rival, l’opposant historique Étienne Tshisekedi au poste de Premier ministre. Mais la pression politique, elle, ne faiblira pas. En 1994, le président zaïrois acceptera finalement la « troisième voie » proposée par Laurent Monsengwo et désigne Léon Kengo Wa Dondo comme chef de son gouvernement. « Aux yeux des Congolais, la première ‘‘marche des chrétiens’’ reste un tournant pour un régime qui n’en finira plus d’agoniser », explique la journaliste Sonia Rolley.

Monsengwo, un bourreau pour Joseph Kabila

Devenu cardinal en 2010 en remplaçant son prédécesseur Frédéric Etsou Nzabi Bamungwabi (décédé en 2007), Laurent Monsengwo n’avait pas toujours désarmé face aux dirigeants congolais. Sur son chemin, il croise un certain Joseph Kabila, taiseux mais dont les actes de mauvaise gestion du pays étaient assourdissants. À la différence de celui qui va lui succéder plus tard, Fridolin Ambongo Besungu, Monsengwo ne faisait pas de sortie médiatique intempestive. « Il calculait non seulement ses coups mais aussi quand il faudrait les porter », explique un ancien membre du Comité laïc de coordination (CLC). Un mouvement qui a porté la charge des revendications politico-sociales en 2016-2017 et dont Monsengwo avait placé sous protection du droit canon pour éviter sa dissolution par le régime de Joseph Kabila.

Après la répression sanglante des marches du 31 décembre 2017, approuvées par l’Église catholique, le cardinal Monsengwo va prononcer une phrase qui fera date : « que les médiocres dégagent ». Pour les partisans de Joseph Kabila, l’archevêque de Kinshasa a prononcé les mots de trop, il est accusé à demi-mot de « tentatives subversives » visant à perturber les élections prévues officiellement pour la fin 2018, après avoir dépassé la date officielle prévue en décembre 2016.

Le 5 janvier 2018, le gouvernement Tshibala a dénoncé les « propos injurieux » du cardinal Laurent Monsengwo « à l’endroit des dirigeants du pays ainsi que des forces de l’ordre ». Le cardinal venait de qualifier également de « barbarie » la sanglante dispersion de la marche des chrétiens, qui réclamaient pacifiquement l’application de l’Accord de la St-Sylvestre signé fin 2016, qui balisait le chemin vers des élections consensuelles, accord que le régime avait bafoué en nommant un dissident de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), Bruno Tshibala. Cette répression avait fait « au moins 5 morts », dont un fidèle catholique, de nombreux blessés, une centaine d’arrestations, 134 paroisses encerclées par des militaires ou policiers, dont dix visées par des tirs de gaz lacrymogènes, deux messes empêchées et cinq interrompues par les forces de l’ordre, selon la nonciature apostolique. À quelques jours de quitter le Palais de la Nation pour laisser la place à Félix Tshisekedi, Joseph Kabila, réputé taiseux, n’hésitera pas à extérioriser son aversion : l’Église catholique a toujours été le bras droit de la colonisation, a-t-il déclaré lors d’une interview exclusive à Jeune Afrique où il expliquait ses relations parfois tendues avec cette Église.

Après Monsengwo, l’ECC sermonne le régime Kabila

Après le cardinal Laurent Monsengwo, le régime de Joseph Kabila pensait mieux faire en se rapprochant de l’Église du Christ au Congo (ECC), une deuxième confession religieuse la mieux organisée du pays après l’Église catholique. Mais là aussi, les protestants vont utiliser leur nom. C’est le pasteur François-David Ekofo qui va porter le combat. Le 16 janvier 2018, lors de la commémoration de la mort de Laurent-Désiré Kabila, assassiné le 16 janvier 2001, le pasteur François-David Ekofo s’est livré à un discours très critique envers le gouvernement congolais, évoquant notamment la nécessité pour Joseph Kabila de « passer le relais » après près de 18 ans au pouvoir. Il avait délivré son message devant un parterre rassemblant plusieurs ministres et cadres politiques : parmi lesquels le Premier ministre, Bruno Tshibala, le ministre de la Justice, Alexis Thambwe Mwamba, le secrétaire général du Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD, parti présidentiel), Henri Mova Sakanyi, l’épouse de Joseph Kabila et plusieurs membres de la famille du président. Evoquant en direct de la télévision nationale la nature de l’héritage que les générations présentes devraient léguer aux futures générations, Ekofo a douté de l’existence même de l’État congolais. « Quel pays allons-nous léguer à nos enfants, à nos petits-enfants ? », s’était-il interrogé, avant de lâcher : « J’ai l’impression que l’État n’existe pas vraiment ». Une douche froide en direct de la RTNC. Le sort du révérend sera connu quelques jours après : l’exil.

Ces hommes d’église sont-ils des acteurs politiques ?
Face à l’immixtion des églises catholique et protestante dans l’arène politique, certains hommes politiques au pouvoir les considèrent comme de vrais acteurs politiques. Mais l’Église s’est toujours défendue : « Nous ne faisons pas de la politique mais nous défendons un peuple qui souffre. Cela fait partie de notre Doctrine sociale », explique un prêtre de Kinshasa.

Le maréchal Mobutu accusait Laurent Monsengwo d’être proche de l’opposant Étienne Tshisekedi et parfois de lui donner des béquilles politiques. Mais sous les arbres de la 10e Rue, à Limete, les combattants murmurent que l’homme en soutane était plutôt proche de Léon Kengo, ancien procureur général de la République et qui était devenu plus tard Premier ministre du pays sur proposition de Monsengwo. L’Église n’est pas derrière des individus, elle soutient plutôt les faibles, analysait Monseigneur Donatien Nsole, secrétaire général de la CENCO. « Nous avons soutenu Étienne Tshisekedi en 2018 lors de l’accord de la Saint-Sylvestre parce qu’il était dans le camp des faibles vis-à-vis du pouvoir », explique une autre source proche de la CENCO, jouant souvent un rôle d’arbitre dans les négociations entre politiques.

Heshima

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