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Entre promesses et défis, Félix Tshisekedi un mandat sous haute tension

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Le 24 janvier 2019, Félix Tshisekedi accède à la présidence de la République démocratique du Congo (RDC), un tournant historique dans le pays marqué  par la première transition pacifique du pouvoir. Fils d’Étienne Tshisekedi, icône de l’opposition, il hérite d’un lourd fardeau, celui de succéder à un régime autoritaire après des décennies de dictature. Dès son arrivée, il se trouve confronté à une multitude de défis : corruption endémique, insécurité persistante et pauvreté généralisée. Entre les attentes populaires et les réalités du terrain, le président Tshisekedi navigue sur un chemin semé d’embûches.

Entre promesses et espoirs 

Lors de sa campagne électorale de 2018, Félix Tshisekedi annonce une vision ambitieuse pour la RDC : un avenir basé sur l’État de droit, une lutte acharnée contre la corruption et la restauration de la paix, en particulier dans l’est du pays où les violences des groupes armés font des ravages. Ces engagements trouvent un écho particulier dans une nation où plus de 70 % de la population survit avec moins de 1,90 dollar par jour, malgré des ressources minières parmi les plus riches du monde, notamment le cobalt.

À peine investi, Tshisekedi lance son programme des «100 jours», censé démontrer que des réformes rapides sont possibles. À Kinshasa, des projets d’infrastructure pour améliorer la circulation voient le jour, des écoles sont reconstruites à Goma, des forages d’eau potable sont annoncés à Kisangani, etc. Cependant, en 2020, un scandale éclate : Vital Kamerhe, son chef de cabinet, est accusé de détournement de 57 millions de dollars destinés à ces projets. Kamerhe est condamné à 20 ans de prison, un verdict historique qui jette une ombre sur la présidence de Tshisekedi.

Réélu en 2023, Félix Tshisekedi rallume l’espoir avec un nouveau programme de réformes ambitieuses. L’industrialisation des ressources minières, la réforme de l’armée pour pacifier l’Est, et un vaste plan d’électrification figurent en tête de ses priorités. À Lubumbashi, des usines de transformation du cuivre sont mises en place, et des offensives militaires dans le Kivu, notamment contre le Mouvement du 23 mars (M23), visent à restaurer la sécurité. 

Sur le plan économique, les résultats sont contrastés. En 2019, la RDC enregistre une inflation de 4,7 % et un chômage qui touche environ 30 % de la population active. Le pays, largement dépendant de ses exportations minières, peine à faire bénéficier sa population de ses richesses. Tshisekedi mise alors sur une relance économique par les investissements étrangers et une gestion plus rigoureuse des ressources naturelles. En 2019, le PIB connaît une croissance de 4,4 %, dopée par les exportations de minerais, mais la pandémie de COVID-19 en 2020 brise cet élan, avec une chute de 1,7 % du PIB.

Quant aux secteurs de la santé et de l’éducation, déjà fragiles, ils subissent des coupes sévères pendant la crise sanitaire. Cependant, l’une des mesures phares de son mandat reste l’instauration de la gratuité de l’enseignement primaire, un geste historique qui permet à des millions d’enfants d’accéder à l’éducation sans obstacles financiers. Cette réforme, bien que saluée, rencontre des défis logistiques et de financement. Parallèlement, la gratuité de la maternité a été mise en place, permettant aux femmes enceintes d’accoucher dans les hôpitaux publiques sans frais. Un progrès majeur pour lutter contre la mortalité maternelle. En 2023, toutefois, seulement 20 % des Congolais accèdent à des soins de santé décents, tandis que le taux d’alphabétisation stagne à 77 %, révélant des carences dans l’application de ces réformes. «Nous avons hérité d’un pays en ruines», déclare Tshisekedi en 2021, un constat qui marque le début de son second mandat. 

Centralisation du pouvoir : rupture ou continuité ?

Lorsque Félix Tshisekedi accède à la présidence, il hérite d’un État marqué par 18 ans de gouvernance autoritaire sous Joseph Kabila. Le pouvoir est alors largement centralisé à Kinshasa, reléguant presque les provinces à un rôle secondaire. Mais face à un Parlement et des gouvernorats contrôlés par le Front commun pour le Congo (FCC) de Kabila, le nouveau chef de l’État se heurte rapidement aux limites de sa marge de manœuvre. Il lui faudra attendre 2021 pour rompre cette cohabitation contraignante et créer l’Union sacrée de la nation, qui lui permet de prendre le contrôle du gouvernement, avec la nomination de Jean-Michel Sama Lukonde au poste de Premier ministre.

Cette prise en main, présentée comme une rupture, suscite pourtant des interrogations. Pour contourner un Parlement récalcitrant, Tshisekedi a recours à une série d’ordonnances, nomme des juges qualifiés proches du pouvoir par ses opposants à la Cour constitutionnelle et s’appuie sur les forces de sécurité. Dans son second mandat, entamé en 2024, cette ambiguïté persiste. Si des figures comme le général John Numbi ont été écartées sous la pression internationale en raison de nombreuses violations des droits de l’homme, d’autres loyalistes de l’ancien régime accusés des mêmes faits, demeurent dans l’appareil sécuritaire.

En 2024, Tshisekedi promet une gouvernance plus inclusive et un renforcement de la décentralisation, notamment à travers des transferts budgétaires aux provinces. Mais dans les faits, et les budgets alloués aux provinces, bien qu’en hausse, souffrent de graves dysfonctionnements, comme l’ont révélé plusieurs audits de l’Inspection générale des finances (IGF).

Dans l’Est du pays, la gestion des ressources sécuritaires reste un casse-tête. « Tshisekedi a démantelé l’emprise de Kabila, mais il reconstruit un pouvoir tout aussi centré sur lui-même », analyse Jason Stearns du Congo Research Group. De son côté, un député de l’opposition résume : « L’Union sacrée n’est qu’un nouvel outil pour dominer. » Entre volonté de centralisation et promesses de décentralisation, Félix Tshisekedi entretient un équilibre fragile. 

Les défis de la gouvernance

La corruption reste l’un des principaux freins à la gouvernance de Félix Tshisekedi, sapant les efforts de réforme à tous les niveaux de l’État. Dans l’administration publique, les détournements de fonds et les pratiques clientélistes empêchent la mise en œuvre des projets de développement. En 2023, un audit de l’IGF a révélé des détournements massifs dans des entreprises publiques comme la Gécamines et la Société Nationale d’Électricité (SNEL), où des milliards de francs congolais disparaissent chaque année sans que les coupables ne soient véritablement inquiétés. La corruption touche aussi les gouvernements provinciaux, où certains gouverneurs, détournent les budgets destinés aux infrastructures et aux services sociaux.

L’armée, censée défendre le territoire national, est elle aussi gangrenée par la corruption, avec des conséquences désastreuses sur la guerre à l’Est du pays. Des détournements de fonds destinés à la solde des soldats sont signalés. Ces pratiques minent le moral des troupes et expliquent en partie les retraits inexpliqués de l’armée congolaise face à l’ennemi, permettant au M23 de s’emparer de villes stratégiques, d’aéroports et de bases militaires sans grande résistance. Certains hauts gradés sont soupçonnés de collusion avec les forces étrangères et de complicité au sein de la chaîne de commandement, ce qui occasionne les revers sur le terrain.

À ces failles s’ajoute une trahison politique manifeste. Face à l’agression de la RDC par le Rwanda, la classe politique tant de l’opposition que de la majorité brille par son silence, un mutisme que Félix Tshisekedi lui-même a dénoncé lors de sa rencontre avec les cadres de l’Union Sacrée de la Nation le 22 février 2025. 

Pendant que l’armée se bat, des figures comme Joseph Kabila et Corneille Nangaa, pactisent avec Kigali et appellent ouvertement à une guerre contre leur propre pays. Ces actes de haute trahison révèlent une crise morale et patriotique profonde au sein de la classe dirigeante congolaise. La justice, qui devrait être un rempart contre ces dérives, est elle-même gangrenée par la corruption, avec des magistrats qui se laissent acheter pour blanchir des criminels économiques et entraver la lutte contre l’impunité. Autant de dérives qui empêchent Félix Tshisekedi d’appliquer pleinement sa vision pour une RDC forte, souveraine et bien gouvernée.

Situation sécuritaire : un défi persistant

Dans l’Est de la RDC, la paix semble toujours hors de portée. La situation sécuritaire, loin de s’apaiser, a connu une aggravation dramatique en ce début d’année 2025. Les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu sont aujourd’hui le théâtre d’une offensive de grande ampleur menée par le M23, un groupe rebelle appuyé par le Rwanda. Avec une audace inédite, les combattants de ce mouvement ont redessiné la carte du conflit congolais en s’emparant de plusieurs localités stratégiques. Fin janvier, Goma, chef-lieu du Nord-Kivu et poumon économique de l’est du pays, est tombée aux mains des rebelles après de violents affrontements. La ville, transformée en champ de ruines, a vu des milliers d’habitants fuir dans un climat de terreur. Quelques semaines plus tard, le 16 février, c’est au tour de Bukavu, chef-lieu du Sud-Kivu, de subir le même sort. Une progression alarmante qui marque une expansion territoriale sans précédent du M23 et de son bras politique, l’Alliance Fleuve Congo (AFC), dirigée par l’ancien président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) Corneille Nangaa. 

Ce double revers militaire constitue un sévère camouflet pour le président Félix Tshisekedi, qui avait fait de la pacification de l’Est une priorité de son mandat. Selon les Nations Unies, plus de un million de personnes sont aujourd’hui déplacées dans cette région, et le bilan humain de la bataille de Goma s’élèverait à plus de 3 000 morts, un chiffre sous-estimé selon plusieurs sources humanitaires.

Le rôle du Rwanda dans cette escalade est au centre des tensions. Kigali soutient activement le M23, en fournissant près de 4 000 soldats et un arsenal militaire sophistiqué. Ces informations, confirmées par des rapports de l’ONU et des déclarations occidentales, viennent renforcer la défiance entre Kinshasa et Kigali. De son côté, Paul Kagame justifie cette ingérence par la nécessité de protéger les Tutsis congolais et de lutter contre les milices hutus, une rhétorique balayée par Tshisekedi qui dénonce une volonté manifeste de mainmise sur les richesses minières congolaises.

Lors d’une rencontre cruciale avec les membres de l’Union Sacrée, le 22 février à Kinshasa, Félix Tshisekedi a reconnu la gravité de la situation. «Nous avons perdu deux batailles, Goma et Bukavu, mais pas la guerre», a-t-il déclaré, tout en pointant du doigt des cas de «trahison» au sein de l’armée congolaise. Il a annoncé une refonte totale des Forces armées de la RDC (FARDC) et a exclu tout dialogue avec «les pantins du Rwanda». Reste à savoir si cette stratégie permettra d’inverser la tendance, alors que l’armée congolaise demeure affaiblie et que la crise humanitaire atteint des proportions alarmantes. Le spectre d’un embrasement régional plane plus que jamais sur l’Est congolais.

Relations tendues avec l’opposition

Depuis son accession à la magistrature suprême, Félix Tshisekedi a entretenu des relations complexes avec l’opposition congolaise, oscillant entre gestes d’ouverture et tensions croissantes. Dès le début de son mandat, le président a cherché à apaiser les frictions en libérant plusieurs prisonniers politiques, dont Franck Diongo, Diomi Ndongala et Firmin Yangambi, tout en facilitant le retour d’exilés, à l’image de Moïse Katumbi. Mais cette dynamique d’inclusion a rapidement cédé place à des tensions exacerbées par les échéances électorales.

Les élections générales de 2023 ont en effet cristallisé les divisions. Martin Fayulu et Moïse Katumbi, figures majeures de l’opposition, ont rejeté les résultats, dénonçant des irrégularités massives et un processus biaisé. Malgré ces contestations, la Cour constitutionnelle a validé la réélection de Tshisekedi, faute de preuves, mais aussi parce que les irrégularités dénoncées n’ont aucune influence déterminante sur les résultats de l’élection présidentielle, susceptibles de modifier l’ordre d’arrivée des candidats. Cette décision a accentué la défiance entre le pouvoir et ses opposants, alimentant un climat politique délétère. Parallèlement, plusieurs poursuites judiciaires contre des opposants ont renforcé le sentiment d’un durcissement du régime. L’arrestation et la condamnation de Jean-Marc Kabund, ancien président intérimaire de l’UDPS, en 2022, illustrent ce sentiment. Sa libération en février 2025, après une grâce présidentielle, a été perçue par certains comme un signe d’ouverture, mais par d’autres comme un geste purement stratégique.

Les tensions se sont encore aggravées avec l’arrestation de Seth Kikuni en septembre 2024. L’opposant a été interpellé par l’Agence nationale de renseignements (ANR) pour « incitation à la désobéissance civile » et « propagation de faux bruits » après ses déclarations incendiaires à Lubumbashi. Il avait notamment évoqué la possibilité pour les Katangais d’expulser les Kasaïens de leur province, ravivant ainsi des blessures historiques encore vives. Le souvenir du drame de 1992-1993, lorsqu’une violence sectaire avait défiguré la région du Katanga, est encore vivace : des milices katangaises avaient mené des « nettoyages ethniques » contre les Kasaïens, faisant plus de 5 000 victimes et forçant 100 000 personnes à fuir. Dans un pays de plus de 100 millions d’habitants, composé de plus de 250 ethnies, jouer avec ces questions tribales et ethniques peut avoir des conséquences dramatiques.  Son procès s’est conclu en novembre 2024 par une condamnation à un an de prison, une décision que ses partisans qualifient de règlement de comptes politique.

Un autre cas emblématique est celui de Mike Mukebayi, membre du parti Ensemble pour la République de Moïse Katumbi. Arrêté en mai 2023 après des propos haineux à l’encontre de la communauté kasaïenne, il a été condamné à 30 mois de prison. Cette affaire a divisé l’opinion publique : si certains dénoncent une répression ciblée, d’autres estiment que les discours de haine ne peuvent être tolérés, même lorsqu’ils émanent d’opposants politiques.

Ces arrestations, bien que justifiées, sont perçues par une partie de l’opinion  comme un moyen de museler la dissidence. Dans un pays où l’histoire politique est marquée par des luttes de pouvoir brutales, chaque interpellation devient un symbole, alimentant un climat de suspicion et de polarisation. Cette situation fragilise davantage un paysage politique déjà profondément fragmenté, rendant encore plus incertaine la perspective d’un dialogue national apaisé.

Changement de Constitution : réforme nécessaire ou ambition cachée ?

La question d’une réforme constitutionnelle en RDC alimente les débats depuis plusieurs années, et le second mandat de Félix Tshisekedi ne fait qu’accentuer les interrogations. Officiellement, la Constitution de 2006 limite le président à deux mandats de cinq ans, fixant l’échéance de son pouvoir à 2028. Dès son premier quinquennat, Tshisekedi s’est posé en garant des principes démocratiques, rappelant à plusieurs reprises son attachement à la loi fondamentale. «Je suis un démocrate, je respecterai la loi», affirmait-il en 2022, dans un contexte où la méfiance envers les dirigeants cherchant à s’éterniser au pouvoir reste vive. 

Pourtant, dès 2023, des signaux contradictoires ont émergé. Le chef de l’État a évoqué la nécessité d’une révision constitutionnelle, officiellement pour «adapter les institutions aux réalités congolaises». L’objectif affiché ? Renforcer la décentralisation et améliorer la gouvernance locale adaptée aux réalités du pays. Mais ces déclarations, bien que formulées sous un prisme réformateur, rappellent les stratégies employées par d’autres dirigeants africains pour prolonger leur règne. En Guinée et en Côte d’Ivoire, Alpha Condé et Alassane Ouattara ont utilisé des modifications constitutionnelles pour briguer un troisième mandat, déclenchant des tensions et des violences.

En 2024, alors que Tshisekedi entame son second mandat, les spéculations prennent de l’ampleur. Lors d’un discours à Kinshasa en janvier, il évoque un «pacte national» pour moderniser les institutions face aux crises sécuritaires et économiques. Ses alliés de l’Union sacrée défendent l’idée d’une réforme pour «achever la reconstruction du pays», tandis que l’opposition dénonce une tentative déguisée de prolonger son pouvoir. 

«Il veut imiter Kabila, qui contrôlait tout depuis Kinshasa», accuse Martin Fayulu en février 2025. Moïse Katumbi, de son côté, parle d’une «manœuvre pour s’éterniser». La chute de Goma et Bukavu face aux rebelles du M23 en ce début d’année n’a fait qu’ajouter de l’incertitude à une situation déjà explosive.

Pour l’instant, aucune proposition officielle n’a été déposée, et Tshisekedi maintient son engagement à respecter les règles démocratiques. Mais dans un pays marqué par des décennies de promesses non tenues, chaque déclaration sur la Constitution est analysée comme un indice de ses intentions réelles. «S’il touche à la Constitution, ce sera la guerre», avertit un militant de Lamuka. De l’autre côté, un député de la majorité nuance : «Nous avons besoin d’un cadre institutionnel adapté aux réalités congolaises.» 

Des défis multiples et complexes

Le régime de Félix Tshisekedi se trouve actuellement dans une situation délicate, confronté à une série de défis qui pourraient, si rien n’est fait, menacer sa stabilité. L’offensive militaire des rebelles du M23, soutenus par des forces rwandaises, a plongé l’Est de la RDC dans une crise humanitaire préoccupante. La prise de Goma fin janvier, suivie de celle de Bukavu, a entraîné des pertes humaines importantes avec plus de milliers des morts et déplacé plus d’un million de personnes, ébranlant ainsi l’autorité de l’État dans cette région stratégique. 

Malgré un remaniement militaire annoncé le 6 janvier, l’efficacité des Forces armées de la RDC (FARDC) reste incertaine. Les investissements colossaux dans l’équipement des troupes ne semblent pas avoir suffi à endiguer les exactions et la désaffection croissante au sein de l’armée pour l’instant.

Sur le plan politique, l’opposition, portée par des figures influentes comme Martin Fayulu, Joseph Kabila et Moïse Katumbi, semble gagner en dynamisme, profitant des tensions actuelles pour critiquer le gouvernement. Cette montée en puissance de l’opposition intervient dans un contexte socio-économique tendu, où l’inflation avoisine les 12 %, le chômage reste élevé et la vie chère pèse lourdement sur les ménages. Ces difficultés économiques, couplées à une corruption persistante, risquent d’éroder davantage la confiance des citoyens envers les institutions.

Dans ce climat incertain, l’incapacité du régime à reprendre l’initiative face à l’avancée du M23, ainsi que les risques d’un affaiblissement supplémentaire de l’armée, pourraient, à terme, déstabiliser davantage le pays. Bien que la situation ne semble pas encore irréversible, la perspective de protestations massives et d’une crise politique plus profonde ne peut être écartée. Dans un pays marqué par des décennies d’instabilité, ces tensions rappellent la nécessité d’une gestion prudente et inclusive des défis actuels.

Un avenir en suspend

Félix Tshisekedi incarne aujourd’hui les espoirs d’une nation en quête de renouveau. Porté au pouvoir par une population désireuse de changement, le président congolais fait face à des défis colossaux qui pourraient bien déterminer l’avenir de son pays. Entre ses ambitions réformatrices et les réalités brutales d’un État fragilisé par des décennies de crises, son destin politique semble suspendu à des choix cruciaux. En 2023, le cardinal Fridolin Ambongo, figure influente de l’Église catholique, lançait un appel poignant : «Le Congo peut renaître, mais il faut du courage.» Un message qui résonne comme un avertissement et un encouragement à l’égard du chef de l’État.

Mais la question demeure : Félix Tshisekedi possède-t-il la détermination nécessaire pour surmonter les obstacles qui se dressent sur sa route ? Corruption endémique, instabilité sécuritaire dans l’est du pays, tensions politiques et attentes immenses de la population congolaise… Les défis sont multiples et complexes.

L’histoire retiendra si le président a su incarner ce courage évoqué par le cardinal Ambongo. Pour l’heure, l’avenir du Congo reste suspendu à des décisions délicates, dans un contexte où chaque choix politique pourrait peser lourd sur le destin de toute une nation.

Heshima

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International

Afrique : ces anciens chefs d’État qui ont réussi à revenir au pouvoir

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En Afrique, certains chefs d’État sont revenus aux commandes après avoir quitté le pouvoir. Certains ont réussi à le faire en utilisant les armes. Du Congolais Denis Sassou-Nguesso au Ghanéen Jerry Rawlings, Heshima Magazine revient sur la ‘‘short list’’ de ces présidents qui ont retrouvé les palais présidentiels par des moyens pacifiques ou par la force.

Dans le microcosme politique africain, les comportements des chefs d’État varient considérablement, allant parfois de l’autoritarisme à la démocratie. Ces attitudes sont influencées par des facteurs historiques, culturels et politiques des différents pays. Certains chefs d’État ont utilisé l’autoritarisme pour consolider leur pouvoir, limitant ainsi la participation politique. Dans d’autres régions du continent, certains mettent l’accent sur le développement économique et la consolidation des institutions démocratiques. Ces attitudes et comportements sont également dictés par une influence des anciennes métropoles de certains pays hier colonisés. Ces anciennes puissances coloniales exercent souvent une influence depuis l’Occident.

Denis Sassou Nguesso, un retour par les armes

Denis Sassou Nguesso est né le 29 novembre 1943 à Edou, dans le district d’Oyo, au nord de la République du Congo, alors appelée Moyen-Congo, dans le cadre de l’organisation de l’Afrique équatoriale française (AEF), une fédération coloniale regroupant quatre territoires : le Tchad, l’Oubangui-Chari (actuelle Centrafrique), le Moyen-Congo (actuel Congo-Brazzaville), et le Gabon. Après l’assassinat du président Marien Ngouabi, le 18 mars 1977, Denis Sassou-Nguesso, alors colonel au sein de l’armée et membre influent du Parti congolais du travail (PCT), joue un rôle majeur.

Avant la normalisation de la vie politique du pays, la Constitution de 1973 est d’abord abrogée. C’est un Comité militaire du parti, dont il est membre, qui assume l’intérim du pouvoir. Dans ce comité, le colonel Denis Sassou Nguesso occupe les postes de premier vice-président et de ministre de la Défense. Mais au fil des jours, un bras de fer s’engage entre lui et le président Joachim Yhombi-Opango. Ce dernier sera vite accusé de corruption et écarté de son poste lors d’une séance du Comité central du PCT, le 5 février 1979.

Reconnu comme l’un des instigateurs de ce renversement indolore du président Yhombi-Opango, Sassou Nguesso est nommé président provisoire le 8 février, soit trois jours après la réunion du comité central du PCT. En mars, il sera confirmé dans ses fonctions lors d’un congrès spécial. Ainsi, Denis Sassou Nguesso devient le président de la République du Congo. Pour consolider son mandat de 5 ans, il organise des élections le 8 juillet, lors desquelles le PCT, parti unique, monopolise les sièges. Un référendum appuie également la nouvelle Constitution. Et dans son discours après sa prestation de serment, le 14 août, le président amnistie les prisonniers politiques, incluant ceux accusés de l’assassinat du président Marien Ngouabi en 1977. Il va rapprocher le Congo du communisme tout en gardant d’excellentes relations avec l’Occident, principalement la France. Sassou va ainsi diriger le pays pendant toute une décennie, jusqu’en 1990. Au cours de cette année, le Congo-Brazzaville n’échappera pas au vent de la perestroïka qui souffle depuis l’Union soviétique jusqu’en Afrique. Sur l’autre rive du fleuve Congo, au Zaïre d’alors, Mobutu s’est tiré d’affaire en autorisant le multipartisme, chez lui, ce mouvement des réformes démocratiques lui apportera une défaite cuisante à la présidentielle de 1992, entraînant aussi son parti, le PCT.

Pascal Lisouba, renversé militairement par Sassou

En 1992, c’est un homme du sud du pays qui prend le pouvoir : Pascal Lisouba. Après s’être débarrassé tour à tour du président en fonction, Denis Sassou-Nguesso, et d’un grand adversaire politique, Bernard Kolelas, Pascal Lisouba devient le sixième président du Congo indépendant mais le premier à être élu au suffrage universel direct dans un scrutin ouvert. Réputé comme un intellectuel de haut vol, Lisouba ne connaitra malheureusement pas un quinquennat tranquille. L’ombre de son prédécesseur va continuer à planer sur le pays. Certains observateurs accuseraient même l’ex président Sassou de mettre des bâtons dans les roues de son successeur. Dans ce contexte, le nouveau président doit alors faire face au mécontentement grandissant des fonctionnaires, qui accusaient plusieurs mois de retard dans leurs salaires. Il y a aussi une question sécuritaire majeure : la prolifération de milices à base ethnique. Mais la grande question qui aurait provoqué plus tard le come-back de Denis Sassou-Nguesso serait celle de la gestion de la manne pétrolière du pays. Pascal Lisouba a fait face « aux blocages du pétrolier français Elf, qui lui refuse des avances sur la manne pétrolière, indispensable au paiement des salaires, tout en lui reprochant de brader le brent congolais, notamment à la firme américaine Occidental Petroleum (Oxy) », explique le journal Le Monde. Sous son mandat, le pays connaitra deux guerres. La première en 1993, qualifiée de « guerre du pétrole », puis la seconde en 1997, qui entraînera son départ du pouvoir au profit d’un retour de Denis Sassou-Nguesso. Cette deuxième guerre civile sera particulièrement meurtrière avec des dégâts collatéraux à Kinshasa, la capitale de la RDC, voisine de Brazzaville. Pascal Lisouba fuit au Gabon, laissant le pays aux mains des milices de l’ancien président Denis Sassou-Nguesso. « Ce sont eux qui ont pris Brazzaville puis Pointe Noire avec l’aide de l’armée angolaise », explique la journaliste Dorothée Olliéric, envoyée spéciale d’un média français en 1997. Ainsi, Denis Sassou-Nguesso va retourner au pouvoir pour ne plus le quitter jusqu’à présent. « En 2015, il a modifié la constitution pour s’accorder une possibilité de se représenter à plusieurs reprises à la tête du pays », explique un politologue du Congo-Brazzaville en exil.

Denis Sassou-Nguesso est donc redevenu officiellement président de la République du Congo depuis le 25 octobre 1997, après avoir déjà été au pouvoir de 1979 à 1992. Il a également été chef de l’État par intérim de 1977 à 1979 suite à l’assassinat de Marien Ngouabi. Il a été réélu en 2002, 2009 puis 2016 avec une opposition parfois réprimée. Son dernier challenger politique, le général Jean-Marie Michel Mokoko – ancien chef de l’armée – purge depuis 2018 une peine de 20 ans de prison ferme après les élections de 2016. Il est accusé d’« atteinte à la sûreté intérieure et détention illégale d’armes et munitions de guerre ».

Une bonne partie de l’histoire postcoloniale de ce pays s’est jouée avec le personnage politique de Denis Sassou-Nguesso. Malgré sa proximité avec la France et la multinationale Total, le régime de Denis Sassou-Nguesso est souvent critiqué pour son autoritarisme, la répression de l’opposition, et la corruption. Son pays, riche en pétrole, souffre malgré tout d’une économie fragile et d’une forte dette publique. Et pendant ce temps, la famille biologique du président de la République occupe des postes clés au sein de l’Etat et dans l’économie. Le chef de l’Etat a fait l’objet, avec ses proches, de poursuites en France dans l’affaire dite des « biens mal acquis », concernant l’achat de propriétés de luxe en Europe avec des fonds publics présumés détournés.

Au Burundi, les coups d’Etat de Pierre Buyoya

Pierre Buyoya est une figure politique majeure de l’histoire du Burundi. Comme Denis Sassou-Nguesso, lui aussi a dirigé le pays à deux reprises, dans un contexte de tensions ethniques entre Hutus et Tutsis. Né le 24 novembre 1949 à Rutovu, dans une famille tutsie de la région de Bururi, Pierre Buyoya a suivi une formation militaire, notamment en Belgique et en France, et gravi les échelons de l’armée burundaise. Il est perçu comme un officier brillant, loyal et modéré. Mais le 3 septembre 1987, il mène un coup d’État sans effusion de sang contre le président Jean-Baptiste Bagaza, accusé de dérive autoritaire et de persécutions religieuses. Pierre Buyoya devient président du Burundi. Il instaure un régime militaire mais avec une légère ouverture politique. En 1992, une nouvelle Constitution multipartite est adoptée par référendum. En 1993, Buyoya organise les premières élections libres du pays. Malheureusement, il sera battu par Melchior Ndadaye, un Hutu. Ce qui marque un tournant historique dans un pays longtemps dirigé par un Tutsi. C’est d’ailleurs la première fois qu’un Hutu accède au pouvoir. Pourtant, les Hutu représentent environ 85 % de la population du Burundi.

En octobre 1993, peu après son élection, le président Ndadaye est assassiné par des militaires tutsis, provoquant une guerre civile entre Hutus et Tutsis dans le pays. Le Burundi entre alors dans une période d’instabilité, avec plusieurs gouvernements de transition et de brefs coups de force militaires. Cette période sera aussi sanglante pour le pays.

Deuxième prise de pouvoir de Buyoya (1996–2003)

Le 25 juillet 1996, Buyoya revient au pouvoir par un second coup d’État, renversant le président Sylvestre Ntibantunganya, en pleine guerre civile. Son retour est condamné par la communauté internationale, notamment par les pays africains, qui imposent des sanctions économiques contre le Burundi. Pour calmer tout le monde, il initie un processus de paix, notamment des négociations avec les groupes armés et les partis politiques. En 2000, il signera les Accords d’Arusha, qui visent à mettre un terme à la guerre civile (300 000 morts entre 1993 et 2006), et quitte le pouvoir en 2003 conformément à ces accords. En partant, il a cédé pacifiquement le pouvoir à Domitien Ndayizeye, un Hutu, conformément aux accords de paix. Ces Accords d’Arusha pour la paix et la réconciliation ont été signés avec l’aide de médiateurs comme Nelson Mandela et le Tanzanien Julius Nyerere. Buyoya décède à Paris à l’âge de 71 ans, des suites du Covid-19.

Au Ghana, des violents coups d’Etat de Jerry Rawlings

Au Ghana, Jerry Rawlings représente une figure emblématique de l’histoire contemporaine du pays. Né le 22 juin 1947 à Accra, au Ghana, d’un père écossais et d’une mère ghanéenne, il intègre l’armée de l’air du Ghana et obtient son diplôme en 1969. Il devient lieutenant d’aviation puis va gravir les échelons au sein de la grande muette. En 1979, il tente son premier coup d’État contre le régime militaire du général Fred Akuffo, dénonçant la corruption et les inégalités. Mais son action échoue. Jerry Rawlings est arrêté, jugé et condamné à mort, mais il devient très populaire parmi la population et les jeunes soldats. Le 4 juin 1979, de jeunes officiers le libèrent et le placent à la tête du pays après un coup d’État réussi. Il dirige brièvement le Conseil des Forces armées révolutionnaires (AFRC). Le nouveau chef d’Etat militaire a de l’aversion pour la classe politique ghanéenne qu’il estime corrompue. Alors, il aura comme mot d’ordre : « nettoyer » les écuries d’Augias de ce pays anglophone d’Afrique de l’Ouest. Pour ce faire, il va faire exécuter plusieurs anciens chefs d’État et généraux de l’armée dont le général Fred Akuffo (son prédécesseur) pour corruption après des procès. Mais quelques années plus tard, il va exprimer ses regrets concernant ces exécutions. Trois mois seulement après ce putsch, soit en septembre 1979, il remet le pouvoir à un président civil élu, Hilla Limann, mais reste influent dans l’ombre.

Un deuxième coup d’Etat pour un long règne (1981–2001)

Deux ans après son premier coup d’Etat, soit le 31 décembre 1981, Rawlings organise un deuxième coup d’État, renversant le président Limann, qu’il juge inefficace. Il établit le Conseil provisoire de défense nationale (PNDC) et dirige un régime autoritaire fondé sur des principes révolutionnaires et populistes. Face à une grave crise économique, il opère un revirement en politique économique, ouvrant la voie à des collaborations notamment avec la Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI). Il applique des programmes d’ajustement structurel, avec des résultats mitigés : croissance relancée mais une forte pauvreté persiste dans le pays. Sur le plan de la politique étrangère, il tisse des liens avec Fidel Castro et Mouammar Khadafi, devenant presque l’ami de ces leaders. En 1992, il introduit d’élections multipartites, date à laquelle il est lui-même élu pour la première fois président de la République. Réélu pour la dernière fois en 1996, puisque, selon les termes d’une constitution dont il est lui-même l’auteur, aucun président ne peut se représenter une troisième fois.

Après deux mandats officiels, il quitte ainsi le pouvoir en 2001, et, fait rare en Afrique, de manière pacifique et volontaire. Après quasiment dix-neuf années d’exercice ininterrompu, il apporte son soutien à son dauphin et vice-président, John Atta-Mills. Mais ce dernier ne réussit à remporter le scrutin face à John Kufuor, candidat du parti d’opposition New Patriotic Party (NPP). Il décède en 2020, à Accra, à l’âge de 73 ans. En Afrique et particulièrement au Ghana, il passe pour un modèle. Son charisme, son franc-parler et sa proximité avec les classes populaires l’ont rendu populaire. Grâce à lui, le Ghana a stabilisé sa démocratie et le cycle électoral a régulièrement continué jusqu’à l’élection en 2025 du président John Dramani Mahama. Ce dernier a battu Nana Akufo-Addo, qui était en poste depuis 2017. Aux yeux de certains médias, Jerry Rawlings a incarné une extraordinaire carrière. « Peu de dirigeants, même parmi les plus colorés d’Afrique, ont pu égaler l’extraordinaire carrière de Jerry Rawling : deux fois chef d’un coup d’État militaire et deux fois élu à la présidence du Ghana », commente la BBC à l’occasion des funérailles de cette personnalité politique ghanéenne à Accra. Rawlings est resté une figure influente de la vie politique ghanéenne et souvent sollicité comme médiateur en Afrique.

Amadou Toumani Touré au Mali : du putschiste à un élu civil

Dans l’histoire post-indépendance du Mali, un dirigeant a aussi marqué son époque parmi tant d’autres : Amadou Toumani Touré. Souvent surnommé « ATT », il fut une figure politique majeure du pays. Né le 4 novembre 1948 à Mopti, au centre du Mali, Amadou Toumani Touré suit une formation militaire au Mali, en Union soviétique, et en France (École d’application de l’infanterie à Montpellier). Il est arrivé au pouvoir en participant à un coup d’État militaire contre le général Moussa Traoré qui dirigeait le Mali d’une main de fer.

Arrivé au pouvoir par un coup d’État en 1968, le président Moussa Traoré impose un parti unique, l’Union démocratique du peuple malien (UDPM), fortement contesté en raison de graves crises économiques. Cette contestation s’intensifie à la fin des années 1980 avec des crises économiques récurrentes et la soif de démocratie dans un contexte de multipartisme en Afrique de l’Ouest. Plusieurs grèves syndicales et estudiantines s’enchaînent et paralysent le pays. Le régime militaire du parti unique réprime dans le sang toutes velléités démocratiques. Ce qui ouvre la voie à un coup d’Etat. Le 26 mars 1991, un groupe de militaires mené par le lieutenant-colonel Amadou Toumani Touré renverse le général président et le met aux arrêts. Il sera jugé et condamné à mort en 1993. Un Comité transitoire pour le salut du peuple (CTSP) est créé et l’UDPM, le parti de l’ex président, est dissous. Soumana Sacko a été nommé chef du gouvernement d’Amadou Toumani Touré. Après ce putsch, ce président de transition avait pris des engagements pour organiser les élections. Quatre mois plus tard, une tentative de putsch, qui visait le nouvel homme fort de Bamako, échoue. Soupçonné d’avoir participé à cette conjuration, le ministre de l’Intérieur est arrêté le 15 juillet 1991. En 1992, des élections législatives ont lieu conformément aux engagements du président putschiste. Organisé en avril 1992, le second tour de cette élection a vu Alpha Oumar Konaré l’emporter face à Tieoule Mamadou Konaté, son rival.

ATT revient au pouvoir par les élections en tant que civil

Après la victoire d’Alpha Oumar Konaré, ce dernier organise le Mali en engageant le pays sur la voie de la démocratie. Après des réformes politiques et économiques, l’année 1997 sera marquée par sa réélection à la tête du pays et la victoire aux législatives de son parti, l’Alliance pour la démocratie au Mali-Parti africain pour la solidarité et la justice (Adema-Pasj). Même si des irrégularités et la controverse ont entaché les résultats contestés par l’opposition, le pays se dirigera tout de même vers la fin du dernier mandat de Konaré. En 2002, ATT réapparaît dans la sphère politique. Cette fois-ci, il est devenu civil après sa retraite anticipée de l’armée. Il va concourir à la présidentielle de 2002 et l’emportera le 1er septembre de cette année. Il restera célèbre pour avoir joué un rôle central dans la démocratisation du pays dans les années 1990, après avoir renversé une dictature militaire, puis pour avoir dirigé le pays comme président élu. Son parcours se distingue par sa réputation de « soldat de la démocratie » jusqu’à sa chute en 2012. Cette année, le pays a malheureusement sombré dans un nouveau putsch. Le 22 mars, le général Amadou Haya Sanogo prend le pouvoir. ATT va mourir le 10 novembre 2020 à Istanbul, en Turquie, à l’âge de 72 ans, à la suite d’une opération cardiaque.

Une situation qui guette certains pays africains

En Afrique, cette tendance à revenir au pouvoir après avoir fait son temps guette certains anciens chefs d’Etat. En Afrique du Sud, Jacob Zuma, après avoir été forcé à la démission, tente de revenir aux affaires de plusieurs manières. Ecarté de l’ANC, parti principal du pays, il a créé son propre parti pour tenter de revenir aux affaires grâce aux résultats des législatives. Ce qui a émietté les sièges de l’ANC qui, pour la première fois de son histoire, a perdu la majorité absolue au parlement. Ce qui l’a obligé à créer des alliances pour gouverner le pays. À défaut de revenir à la tête du pays qui nécessite une majorité des sièges confortables, Jacob Zuma cherche toutefois à influencer la politique sud-africaine et à regagner une position de force. En RDC, l’ancien président Joseph Kabila semble également être dans cette logique. Ce dernier a presque rallié la rébellion du Mouvement du 23 mars (AFC/M23) qui occupe une partie du pays dans les provinces du Nord et Sud-Kivu. Lors d’une interview aux États-Unis, son conseiller, Barnabé Kikaya, n’a pas mâché ses mots : « Les objectifs du président Kabila ne sont pas en contradiction avec ceux de la rébellion. Ils visent tous à mettre fin à la tyrannie de Tshisekedi ».

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La RDC, carrefour naturel du ciel africain, peine à décoller

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La République démocratique du Congo dispose d’un atout majeur encore largement sous-exploité : sa position géographique centrale au cœur du continent africain. Alors que l’Éthiopie a démontré comment transformer cette centralité en machine à revenus grâce à Ethiopian Airlines et ses 7 milliards de dollars de chiffre d’affaires annuel, la RDC semble enfin prendre conscience de son potentiel aéronautique exceptionnel. Les projets de modernisation d’aéroports pourraient transformer le pays en véritable hub continental, générant des revenus colossaux.

La RDC occupe une position géographique exceptionnelle qui en fait le candidat naturel pour devenir le principal hub aérien du continent africain. Située au centre géographique de l’Afrique, la RDC partage ses frontières avec neuf pays, créant un réseau de connexions naturelles vers toutes les régions du continent. Cette centralité géographique représente un avantage concurrentiel considérable que peu de pays africains peuvent revendiquer.

« La RDC est littéralement le carrefour naturel de l’Afrique », explique Dr. Mukendi Kalala, économiste spécialisé dans les transports à l’Université de Kinshasa. « Un voyageur souhaitant se rendre du Caire à Cape Town, ou de Lagos à Nairobi, passerait logiquement par le territoire congolais si nous disposions des infrastructures adéquates. C’est exactement ce que fait l’Éthiopie depuis des décennies. », a-t-il déclaré.  

Cette position stratégique prend une dimension encore plus importante quand on considère que le transport aérien intra-africain reste largement déficitaire. Selon l’article de Jeune Afrique sur les défis du transport aérien en Afrique centrale, les liaisons durables font cruellement défaut dans la région. La RDC pourrait combler ce vide en devenant le point de convergence naturel des flux aériens continentaux.

Une dynamique de modernisation enfin enclenchée

Les autorités congolaises semblent avoir pris conscience de cet enjeu stratégique. Le lancement des travaux de modernisation de l’aéroport de Luano par le président Félix Tshisekedi en avril marque une étape symbolique importante. Cette plateforme située près de Lubumbashi verra la construction d’une nouvelle aérogare d’une capacité d’un million de voyageurs, l’élargissement de la piste d’atterrissage et le renouvellement complet des équipements de navigation.

Mais l’ambition va bien au-delà de Luano. Comme l’a révélé Jean-Pierre Bemba Gombo, Vice-Premier ministre et ministre des Transports, en octobre 2024, le gouvernement a signé un mémorandum d’entente avec China First Highway Engineering Co., Ltd. pour la mise en œuvre de projets de construction et de modernisation de onze aéroports à travers le pays. Cette liste ambitieuse inclut les aéroports de Kalemie, Moba, Buta, Kenge, Mbandaka, Bumba, Moanda, Kikwit, Lodja, Gemena et Munkamba.

« Nous assistons à une véritable révolution infrastructurelle », commente Josephine Mambeko, analyste en aviation civile basée à Kinshasa. « Pour la première fois depuis des décennies, la RDC se donne les moyens de ses ambitions dans le secteur aérien. »

L’exemple éthiopien : une feuille de route éprouvée

L’Éthiopie constitue un modèle particulièrement éclairant pour comprendre le potentiel de la RDC. Ethiopian Airlines, créée en 1946, a su capitaliser sur la position géographique stratégique d’Addis-Abeba dans la région de la corne de l’Afrique pour devenir le leader continental. Avec une flotte de plus de 150 appareils modernes d’un âge moyen inférieur à sept ans, la compagnie dessert 142 destinations internationales, dont 70 villes africaines.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : Ethiopian Airlines a généré un chiffre d’affaires de 7 milliards de dollars lors de l’exercice 2023-2024, contre 6,1 milliards l’année précédente. Cette performance exceptionnelle s’appuie sur un réseau qui fait d’Addis-Abeba le principal hub de connexion pour les voyages intra-africains et entre l’Afrique et le reste du monde.

L’Éthiopie ne s’arrête pas là. Le nouveau projet d’aéroport d’Abusera, situé à 70 kilomètres d’Addis-Abeba, prévoit une capacité annuelle de 110 millions de passagers à terme, ce qui en ferait l’un des plus grands aéroports du monde. La première phase devrait ouvrir en 2029, complétant l’aéroport international Bole qui atteindra bientôt sa capacité maximale de 25 millions de passagers annuels.

« L’Éthiopie a démontré qu’un pays africain peut devenir un acteur majeur du transport aérien mondial », souligne un cadre de Congo Airways. « Mais la RDC présente des avantages géographiques encore plus importants. Nous sommes au centre exact du continent, là où l’Éthiopie est plutôt en périphérie orientale. »

Des retombées économiques en cascade

Au-delà des revenus directs du transport aérien, la transformation de la RDC en hub continental déclencherait un cercle vertueux économique. Le tourisme, secteur actuellement marginal malgré la richesse exceptionnelle du patrimoine naturel congolais, connaîtrait un essor considérable. Les 9 parcs nationaux du pays, la forêt équatoriale du bassin du Congo, l’Okapi, les chutes d’Inga ou encore la biodiversité unique du pays constituent des atouts touristiques de classe mondiale.

« Imaginez l’impact d’une connexion aérienne fluide entre Kinshasa et les grands parcs du pays », projette Thomas Kimbangu, consultant en développement touristique. « Nous pourrions rivaliser avec le Kenya ou la Tanzanie en termes d’attractivité touristique voire plus, simplement en rendant nos joyaux naturels accessibles. », estime-t-il.

L’effet multiplicateur toucherait également l’hôtellerie, la restauration, les services financiers et la logistique. L’exemple d’Addis-Abeba, devenue un centre d’affaires continental grâce à sa connectivité aérienne, illustre parfaitement ce phénomène. Les organisations internationales, les multinationales et les investisseurs privilégient systématiquement les destinations bien connectées pour leurs implantations régionales.

La création d’emplois directs et indirects serait massive. Le secteur aérien éthiopien emploie aujourd’hui plus de 100 000 personnes, de la maintenance des appareils aux services au sol, en passant par les métiers de l’hôtellerie et du commerce. La RDC, avec sa population jeune et nombreuse, pourrait absorber facilement une main-d’œuvre similaire, contribuant significativement à la réduction du chômage.

Les défis à relever pour concrétiser cette vision

Malgré ce potentiel exceptionnel, plusieurs défis majeurs subsistent. La création ou la restructuration d’une compagnie aérienne nationale fiable et compétitive constitue un préalable indispensable. L’expérience malheureuse de nombreuses compagnies africaines, évoquée dans l’analyse de Jeune Afrique sur les échecs en série du secteur en Afrique centrale, rappelle que la gestion rigoureuse et la vision à long terme sont cruciales. « Nous devons apprendre des erreurs du passé », insiste Jean Mundele, ancien cadre de l’aviation civile congolaise. « Une compagnie nationale ne peut réussir que si elle est gérée selon des critères commerciaux stricts, avec des partenariats techniques solides et une gouvernance transparente. », a-t-il ajouté.

L’investissement initial requis est considérable. Les infrastructures aéroportuaires modernes nécessitent plusieurs milliards de dollars, sans compter l’acquisition d’une flotte aérienne moderne. Cependant, l’exemple éthiopien démontre que ces investissements sont rapidement rentabilisés par les revenus générés.

Vers une transformation économique structurelle

La RDC se trouve aujourd’hui à un tournant historique. Les projets annoncés en 2024 et 2025 marqueraient une prise de conscience politique du potentiel extraordinaire que représente la position géographique centrale du Congo. Si cette dynamique se confirme et s’accompagne d’une vision stratégique cohérente avec une détermination à toutes épreuves, le pays pourrait opérer une transformation économique majeure.

« Nous avons l’opportunité unique de diversifier notre économie en capitalisant sur un atout naturel inépuisable : notre géographie », résume Dr. Kalala. « L’Éthiopie nous a montré la voie, mais nous pouvons faire encore mieux grâce à notre centralité géographique supérieure. », conclut-il.

Cette transformation ne se fera pas du jour au lendemain, mais les fondations sont peut-être en train d’être posées. Les investissements massifs prévus dans les infrastructures aéroportuaires, combinés à une volonté politique affirmée, créent les conditions d’une réussite à la hauteur des ambitions. La RDC pourrait ainsi rejoindre le club très fermé des pays africains qui ont su transformer leur position géographique en levier économique durable, ouvrant une nouvelle page de son développement économique.

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RDC : Un nouveau dialogue inclusif interne est-il encore possible ?

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La République démocratique du Congo (RDC) traverse une crise multidimensionnelle où les violences dans l’Est, les divisions politiques et une catastrophe humanitaire sans précédent s’entrelacent pour menacer l’avenir du pays. L’idée d’un dialogue national inclusif, portée par des voix politiques, religieuses et civiles, ressurgit comme une tentative de réponse à ce chaos. Mais dans un contexte où les fractures internes s’aggravent, où les ingérences régionales brouillent les cartes et où les exigences des parties prenantes divergent radicalement, un tel processus peut-il encore voir le jour ? Entre l’offensive brutale du M23, les ambitions troubles de Joseph Kabila, les dissensions de l’opposition et les efforts laborieux de médiation, le chemin vers la réconciliation semble plus incertain que jamais. Pourtant, l’urgence d’un dialogue pour éviter l’irréparable n’a jamais été aussi criante.

Le M23 et l’ombre rwandaise : un conflit régionalisé

Dans l’Est de la RDC, la rébellion du Mouvement du 23 mars (M23) continue de semer la terreur et de déstabiliser une région déjà fragile. En janvier 2025, le groupe a capturé Goma, suivi de Bukavu en février, marquant une escalade dramatique du conflit. Cette offensive a aggravé une crise humanitaire colossale : des millions de personnes, déracinées, vivent dans des camps surpeuplés, confrontées à des pénuries alimentaires, à un manque d’accès aux soins et à des épidémies croissantes de choléra, comme le rapporte l’Organisation mondiale de la santé. Les témoignages relayés sur les réseaux sociaux, notamment par des observateurs locaux, décrivent une population épuisée, prise en étau entre les combats et l’absence de perspectives.

L’implication du Rwanda dans ce conflit est désormais indéniable. De nombreux rapports, tant du Gouvernement congolais que des Nations unies, ainsi que les sanctions américaines visant l’Alliance Fleuve Congo (AFC), une coalition incluant le M23, accusent explicitement Kigali de fournir un soutien militaire direct, comprenant armes, soldats, renseignements et assistance logistique. Les preuves s’accumulent : témoignages d’anciens combattants, images satellites et analyses d’experts confirment la présence de troupes rwandaises en milliers aux côtés des rebelles. Cette ingérence régionale est une crise géopolitique majeure, où les enjeux économiques, notamment liés à l’exploitation des minerais congolais, rendent toute tentative de résolution d’autant plus complexe.

Les efforts internationaux pour désamorcer la crise ont jusqu’ici échoué à produire des résultats durables. Les pourparlers de Doha, initiés en avril 2025 sous médiation qatarie, ont permis un cessez-le-feu temporaire, mais les négociations piétinent. Le M23 exige des garanties politiques, comme une reconnaissance de ses revendications territoriales et une amnistie pour ses leaders, des conditions jugées inacceptables par Kinshasa. Parallèlement, des discussions menées à Washington autour d’un possible « deal minerais contre sécurité », un accord économique pour l’exploitation exclusive des minerais rares contre le retrait des troupes rwandaises sur le sol congolais et également la sécurisation des zones minières de l’Est demeurent floues faute de communication à ce sujet, alimentant ainsi la méfiance de l’opposition politique, qui redoute une mainmise étrangère sur les ressources du pays. Sur le terrain, la population semble toutefois soutenir cette démarche, à condition qu’elle mette définitivement fin aux conflits récurrents et que l’État congolais y joue un rôle central.

Les accusations de crimes de guerre viennent encore compliquer la donne. Un rapport d’Amnesty International publié en mai 2025 documente des atrocités commises par le M23 à Goma et Bukavu : exécutions sommaires, tortures systématiques, disparitions forcées. Des témoignages glaçants décrivent l’usage de marteaux, de câbles électriques et de crosses de fusil pour infliger des sévices aux congolais, souvent ciblés sur des zones sensibles du corps. Des familles sont contraintes de payer des rançons exorbitantes pour libérer leurs proches, tandis que d’autres pleurent des milliers de disparus, sans nouvelles de leur sort. Ces exactions, perpétrées sous l’égide de Kigali, renforcent les appels à une intervention internationale plus musclée, mais surout les réticences à inclure le M23 dans un dialogue sans justice préalable.

Joseph Kabila : un retour calculé dans un climat explosif

L’ombre de Joseph Kabila, président de la RDC de 2001 à 2019, plane sur la crise actuelle. En « retrait officielle » de la scène politique depuis son départ du pouvoir selon ses proches, il reste une figure polarisante, accusée par Kinshasa et de nombreux organisations de la société civile de soutenir la rébellion soutenue par Paul Kagame, l’AFC/M23. Le 22 mai courant, le Sénat congolais a levé son immunité parlementaire, ouvrant la voie à des poursuites pour trahison et insurrection. L’arrivée de kabila à Goma, une ville pourtant sous contrôle rebelle, où il a lancé des « consultations » est mal perçue par le pouvoir.

Lors de son discours en ligne du 23 mai dernier, Kabila a multiplié les déclarations incendiaires, conditionnant toute perspective de dialogue au départ, sans négociations aucunes, du Président Félix Tshisekedi. Il a présenté sa « solution globale » à la guerre menée contre la RDC, articulée autour de douze recommandations, en insistant sur la nécessité d’un « dialogue inclusif » et d’une « refondation de l’État ».

Ses proches, dont Kikaya Bin Karubi, justifient ses démarches en affirmant qu’un dialogue avec l’AFC et le M23 est nécessaire pour « sauver le Congo ». Mais ces prises de position creusent le fossé avec Kinshasa, qui y voit une menace directe à l’unité nationale. Pour le gouvernement congolais, il est impératif de prendre en compte les crimes commis et d’en assurer la justice. La condamnation à mort pour trahison et insurrection de Corneille Nangaa, proche de Kabila, ancien président de la commission électorale et leader de l’AFC, illustre l’ampleur des fractures. Le jeudi 29 mai, Joseph Kabila est apparu pour la première fois en public depuis son arrivée à Goma. Dans son entourage, certaines figures politiques étaient présentes : Moise Nyarugabo, Kikaya Bin Karubi, Patient Sayiba et le porte-parole du M23, Lawrence Kanyuka.  

Kabila, par ses silences et ses interventions ciblées, incarne une énigme. Est-il un acteur de l’ombre soutenant la rébellion pour déstabiliser le pouvoir, ou un opportuniste cherchant à capitaliser sur le chaos ? Sa présence à Goma, saluée par les rebelles, a exacerbé les tensions, transformant chaque geste en un symbole de division. Pour beaucoup, son rôle compromet les chances d’un dialogue véritable, tant il cristallise les méfiances mutuelles.

Une opposition fragmentée : entre ambitions et désunion

Martin Fayulu, Moïse Katumbi et leurs partis respectifs jouent un rôle central dans la crise politique actuelle. Leurs positions et alliances pourraient peser sur l’issue des tensions. S’ils soutiennent tous deux l’initiative de la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO) et l’Église du Christ au Congo (ECC), leurs exigences et attentes divergent, ce qui risque de compliquer les négociations. Par ailleurs, la condamnation des opposants Augustin Matata Ponyo et Corneille Nangaa, ainsi que la demande de dissolution des partis politiques de Joseph Kabila, Nangaa, Franck Diongo et Thomas Lubanga pour participation à des rébellions armées, ajoutent une couche supplémentaire de complexité à une situation déjà explosive.

La volonté de Félix Tshisekedi de former un gouvernement d’union nationale à travers des consultations menées par son conseiller spécial en matière de sécurité, Eberande Kolongele, a suscité davantage de méfiance que d’adhésion. L’opposition y a vu une tentative de légitimer le statu quo, tandis que le pouvoir a catégoriquement refusé d’inclure des figures liées aux rébellions dans ces consultations, clôturées le 8 avril 2025. Un député du parti présidentiel résume l’impasse : « Comment dialoguer avec ceux qui orchestrent des massacres dans l’Est du pays ? » Une question qui résonne avec les accusations visant Corneille Nangaa et ses alliés, et met en lumière le cœur du dilemme : bâtir un dialogue inclusif sans sacrifier l’exigence de justice.

La CENCO et l’ECC : des médiateurs sous pression

Les institutions religieuses, notamment la CENCO et l’ECC, tentent de jouer un rôle de médiation à travers leur Pacte social pour la paix, lancé en janvier 2025. Leur initiative vise à créer un cadre « neutre » pour un dialogue inclusif, incluant l’opposition politique et l’AFC/M23. Elle a reçu le soutien non seulement de Fayulu et Katumbi, comme mentionné précédemment, mais aussi celui de Kabila, ainsi que d’une partie de la société civile.

En février 2025, une délégation de ces institutions a rencontré, entre autres, des représentants du M23 à Goma, les présidents rwandais, ougandais, congolais (Brazzaville) et angolais, ainsi que l’ancien président Joseph Kabila. Cette démarche audacieuse avait pour but de promouvoir une feuille de route vers la paix.

Cependant, leur crédibilité est mise à l’épreuve. Des voix, notamment au sein du parti Le Centre, les accusent de partialité, leur reprochant une proximité avec l’opposition radicale. À ces critiques s’ajoute la révélation embarrassante de leur financement partiel par le Rwanda et certains acteurs de l’opposition, un aveu qui a jeté le doute sur leur neutralité affichée. Ces éléments, largement relayés par les médias locaux, sapent leur légitimité et leur capacité à fédérer. Les contradictions entre la volonté affichée d’apaisement et les lignes rouges du pouvoir illustrent la complexité de la tâche des médiateurs.

Les efforts internationaux : une lueur d’espoir fragile

À l’échelle internationale, plusieurs initiatives tentent de contenir la crise. La médiation angolaise, soutenue par l’Union africaine, a permis des discussions régionales, tandis qu’une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies en février 2025 a appelé à un cessez-le-feu durable et à des sanctions renforcées contre les soutiens du M23. Les pourparlers de Doha, bien que prometteurs, n’ont pour le moment, abouti qu’à des accords précaires, souvent violés sur le terrain. Des observateurs internationaux notent que ces cessez-le-feu fragiles ne résistent pas aux ambitions territoriales des rebelles et aux ingérences extérieures.

Les discussions à Washington, axées sur un échange « minerais contre sécurité » censées mettre fin définitivement aux centaines de groupes armés en RDC, suscitent autant d’espoir que d’inquiétudes.

« C’est une opportunité historique de stabilisation de la région », défend un diplomate occidental à Kinshasa sous couvert d’anonymat. « Les USA veulent une place de choix dans les mines du Congo et la RDC a besoin de paix pour développer son pays. Tout le monde y gagne. »

La crainte d’une internationalisation excessive du conflit persiste est aussi là. Des puissances comme la Chine, très présente dans le secteur minier congolais, observent la situation de près, alimentant les inquiétudes d’une nouvelle forme de conflit en RDC. « Les solutions imposées de l’extérieur ne feront que prolonger notre souffrance », tonne un activiste de Goma, résumant le sentiment de nombreux Congolais qui y voient une menace de déstabilisation sous une autre forme.

Un dialogue inclusif : illusion ou ultime recours ?

La question de la faisabilité d’un dialogue inclusif repose sur une équation presque insoluble. D’un côté, Kabila et ses alliés exigent une transition politique et le départ de Tshisekedi comme préalable à toute discussion. De l’autre, le pouvoir refuse tout dialogue avec des acteurs liés aux rebellions, invoquant la nécessité de justice pour les victimes de Nord-Kivu et Sud-Kivu. Entre ces positions irréconciliables, la CENCO et l’ECC tentent de tracer une voie médiane, mais leur influence reste limitée face aux méfiances accumulées.

Les atrocités documentées par Amnesty International, combinées aux ingérences régionales, rendent l’inclusion du M23 dans un dialogue politiquement et moralement problématique si justice n’est pas faite. Pourtant, exclure les rebelles risque de prolonger le conflit armé, au détriment d’une population déjà à bout. Les sanctions internationales, les pourparlers de Doha et les discussions de Washingtons pourraient offrir un levier, mais leur impact dépendra de la volonté des protagonistes et acteurs congolais de faire des compromis.

L’étau se resserre, l’urgence s’impose

En RDC, le temps joue contre la paix. Chaque jour renforce l’enracinement des crises sécuritaire, politique, humanitaire, tandis que les acteurs, englués dans leurs rivalités, semblent incapables de saisir l’urgence. Un dialogue inclusif, s’il devait émerger, devra surmonter des défis titanesques : apaiser les revendications contradictoires, répondre aux exigences de justice pour les victimes des crimes de guerre, neutraliser les ingérences régionales et, surtout, restaurer une confiance érodée par des décennies de trahisons.

Entre les ambitions politiques affirmées de Kabila, la guerre menée par le Rwanda, les divisions au sein de l’opposition, les pressions internationales, la lassitude d’une population exsangue et la détermination du gouvernement congolais à mettre définitivement fin aux crises sécuritaires, la fenêtre d’opportunité se rétrécit. La réponse à la question : un nouveau dialogue inclusif est-il encore possible ? dépendra de la capacité des Congolais à transcender leurs fractures. Faute d’un sursaut national, la RDC pourrait plonger plus profond encore dans le chaos, abandonnant un peuple résilient mais épuisé par trois décennies de violences récurrentes, assoiffé d’une paix tant promise.

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