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Entre promesses et défis, Félix Tshisekedi un mandat sous haute tension
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La redaction
Le 24 janvier 2019, Félix Tshisekedi accède à la présidence de la République démocratique du Congo (RDC), un tournant historique dans le pays marqué par la première transition pacifique du pouvoir. Fils d’Étienne Tshisekedi, icône de l’opposition, il hérite d’un lourd fardeau, celui de succéder à un régime autoritaire après des décennies de dictature. Dès son arrivée, il se trouve confronté à une multitude de défis : corruption endémique, insécurité persistante et pauvreté généralisée. Entre les attentes populaires et les réalités du terrain, le président Tshisekedi navigue sur un chemin semé d’embûches.
Entre promesses et espoirs
Lors de sa campagne électorale de 2018, Félix Tshisekedi annonce une vision ambitieuse pour la RDC : un avenir basé sur l’État de droit, une lutte acharnée contre la corruption et la restauration de la paix, en particulier dans l’est du pays où les violences des groupes armés font des ravages. Ces engagements trouvent un écho particulier dans une nation où plus de 70 % de la population survit avec moins de 1,90 dollar par jour, malgré des ressources minières parmi les plus riches du monde, notamment le cobalt.
À peine investi, Tshisekedi lance son programme des «100 jours», censé démontrer que des réformes rapides sont possibles. À Kinshasa, des projets d’infrastructure pour améliorer la circulation voient le jour, des écoles sont reconstruites à Goma, des forages d’eau potable sont annoncés à Kisangani, etc. Cependant, en 2020, un scandale éclate : Vital Kamerhe, son chef de cabinet, est accusé de détournement de 57 millions de dollars destinés à ces projets. Kamerhe est condamné à 20 ans de prison, un verdict historique qui jette une ombre sur la présidence de Tshisekedi.
Réélu en 2023, Félix Tshisekedi rallume l’espoir avec un nouveau programme de réformes ambitieuses. L’industrialisation des ressources minières, la réforme de l’armée pour pacifier l’Est, et un vaste plan d’électrification figurent en tête de ses priorités. À Lubumbashi, des usines de transformation du cuivre sont mises en place, et des offensives militaires dans le Kivu, notamment contre le Mouvement du 23 mars (M23), visent à restaurer la sécurité.
Sur le plan économique, les résultats sont contrastés. En 2019, la RDC enregistre une inflation de 4,7 % et un chômage qui touche environ 30 % de la population active. Le pays, largement dépendant de ses exportations minières, peine à faire bénéficier sa population de ses richesses. Tshisekedi mise alors sur une relance économique par les investissements étrangers et une gestion plus rigoureuse des ressources naturelles. En 2019, le PIB connaît une croissance de 4,4 %, dopée par les exportations de minerais, mais la pandémie de COVID-19 en 2020 brise cet élan, avec une chute de 1,7 % du PIB.
Quant aux secteurs de la santé et de l’éducation, déjà fragiles, ils subissent des coupes sévères pendant la crise sanitaire. Cependant, l’une des mesures phares de son mandat reste l’instauration de la gratuité de l’enseignement primaire, un geste historique qui permet à des millions d’enfants d’accéder à l’éducation sans obstacles financiers. Cette réforme, bien que saluée, rencontre des défis logistiques et de financement. Parallèlement, la gratuité de la maternité a été mise en place, permettant aux femmes enceintes d’accoucher dans les hôpitaux publiques sans frais. Un progrès majeur pour lutter contre la mortalité maternelle. En 2023, toutefois, seulement 20 % des Congolais accèdent à des soins de santé décents, tandis que le taux d’alphabétisation stagne à 77 %, révélant des carences dans l’application de ces réformes. «Nous avons hérité d’un pays en ruines», déclare Tshisekedi en 2021, un constat qui marque le début de son second mandat.
Centralisation du pouvoir : rupture ou continuité ?
Lorsque Félix Tshisekedi accède à la présidence, il hérite d’un État marqué par 18 ans de gouvernance autoritaire sous Joseph Kabila. Le pouvoir est alors largement centralisé à Kinshasa, reléguant presque les provinces à un rôle secondaire. Mais face à un Parlement et des gouvernorats contrôlés par le Front commun pour le Congo (FCC) de Kabila, le nouveau chef de l’État se heurte rapidement aux limites de sa marge de manœuvre. Il lui faudra attendre 2021 pour rompre cette cohabitation contraignante et créer l’Union sacrée de la nation, qui lui permet de prendre le contrôle du gouvernement, avec la nomination de Jean-Michel Sama Lukonde au poste de Premier ministre.
Cette prise en main, présentée comme une rupture, suscite pourtant des interrogations. Pour contourner un Parlement récalcitrant, Tshisekedi a recours à une série d’ordonnances, nomme des juges qualifiés proches du pouvoir par ses opposants à la Cour constitutionnelle et s’appuie sur les forces de sécurité. Dans son second mandat, entamé en 2024, cette ambiguïté persiste. Si des figures comme le général John Numbi ont été écartées sous la pression internationale en raison de nombreuses violations des droits de l’homme, d’autres loyalistes de l’ancien régime accusés des mêmes faits, demeurent dans l’appareil sécuritaire.
En 2024, Tshisekedi promet une gouvernance plus inclusive et un renforcement de la décentralisation, notamment à travers des transferts budgétaires aux provinces. Mais dans les faits, et les budgets alloués aux provinces, bien qu’en hausse, souffrent de graves dysfonctionnements, comme l’ont révélé plusieurs audits de l’Inspection générale des finances (IGF).
Dans l’Est du pays, la gestion des ressources sécuritaires reste un casse-tête. « Tshisekedi a démantelé l’emprise de Kabila, mais il reconstruit un pouvoir tout aussi centré sur lui-même », analyse Jason Stearns du Congo Research Group. De son côté, un député de l’opposition résume : « L’Union sacrée n’est qu’un nouvel outil pour dominer. » Entre volonté de centralisation et promesses de décentralisation, Félix Tshisekedi entretient un équilibre fragile.
Les défis de la gouvernance
La corruption reste l’un des principaux freins à la gouvernance de Félix Tshisekedi, sapant les efforts de réforme à tous les niveaux de l’État. Dans l’administration publique, les détournements de fonds et les pratiques clientélistes empêchent la mise en œuvre des projets de développement. En 2023, un audit de l’IGF a révélé des détournements massifs dans des entreprises publiques comme la Gécamines et la Société Nationale d’Électricité (SNEL), où des milliards de francs congolais disparaissent chaque année sans que les coupables ne soient véritablement inquiétés. La corruption touche aussi les gouvernements provinciaux, où certains gouverneurs, détournent les budgets destinés aux infrastructures et aux services sociaux.
L’armée, censée défendre le territoire national, est elle aussi gangrenée par la corruption, avec des conséquences désastreuses sur la guerre à l’Est du pays. Des détournements de fonds destinés à la solde des soldats sont signalés. Ces pratiques minent le moral des troupes et expliquent en partie les retraits inexpliqués de l’armée congolaise face à l’ennemi, permettant au M23 de s’emparer de villes stratégiques, d’aéroports et de bases militaires sans grande résistance. Certains hauts gradés sont soupçonnés de collusion avec les forces étrangères et de complicité au sein de la chaîne de commandement, ce qui occasionne les revers sur le terrain.
À ces failles s’ajoute une trahison politique manifeste. Face à l’agression de la RDC par le Rwanda, la classe politique tant de l’opposition que de la majorité brille par son silence, un mutisme que Félix Tshisekedi lui-même a dénoncé lors de sa rencontre avec les cadres de l’Union Sacrée de la Nation le 22 février 2025.
Pendant que l’armée se bat, des figures comme Joseph Kabila et Corneille Nangaa, pactisent avec Kigali et appellent ouvertement à une guerre contre leur propre pays. Ces actes de haute trahison révèlent une crise morale et patriotique profonde au sein de la classe dirigeante congolaise. La justice, qui devrait être un rempart contre ces dérives, est elle-même gangrenée par la corruption, avec des magistrats qui se laissent acheter pour blanchir des criminels économiques et entraver la lutte contre l’impunité. Autant de dérives qui empêchent Félix Tshisekedi d’appliquer pleinement sa vision pour une RDC forte, souveraine et bien gouvernée.
Situation sécuritaire : un défi persistant
Dans l’Est de la RDC, la paix semble toujours hors de portée. La situation sécuritaire, loin de s’apaiser, a connu une aggravation dramatique en ce début d’année 2025. Les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu sont aujourd’hui le théâtre d’une offensive de grande ampleur menée par le M23, un groupe rebelle appuyé par le Rwanda. Avec une audace inédite, les combattants de ce mouvement ont redessiné la carte du conflit congolais en s’emparant de plusieurs localités stratégiques. Fin janvier, Goma, chef-lieu du Nord-Kivu et poumon économique de l’est du pays, est tombée aux mains des rebelles après de violents affrontements. La ville, transformée en champ de ruines, a vu des milliers d’habitants fuir dans un climat de terreur. Quelques semaines plus tard, le 16 février, c’est au tour de Bukavu, chef-lieu du Sud-Kivu, de subir le même sort. Une progression alarmante qui marque une expansion territoriale sans précédent du M23 et de son bras politique, l’Alliance Fleuve Congo (AFC), dirigée par l’ancien président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) Corneille Nangaa.
Ce double revers militaire constitue un sévère camouflet pour le président Félix Tshisekedi, qui avait fait de la pacification de l’Est une priorité de son mandat. Selon les Nations Unies, plus de un million de personnes sont aujourd’hui déplacées dans cette région, et le bilan humain de la bataille de Goma s’élèverait à plus de 3 000 morts, un chiffre sous-estimé selon plusieurs sources humanitaires.
Le rôle du Rwanda dans cette escalade est au centre des tensions. Kigali soutient activement le M23, en fournissant près de 4 000 soldats et un arsenal militaire sophistiqué. Ces informations, confirmées par des rapports de l’ONU et des déclarations occidentales, viennent renforcer la défiance entre Kinshasa et Kigali. De son côté, Paul Kagame justifie cette ingérence par la nécessité de protéger les Tutsis congolais et de lutter contre les milices hutus, une rhétorique balayée par Tshisekedi qui dénonce une volonté manifeste de mainmise sur les richesses minières congolaises.
Lors d’une rencontre cruciale avec les membres de l’Union Sacrée, le 22 février à Kinshasa, Félix Tshisekedi a reconnu la gravité de la situation. «Nous avons perdu deux batailles, Goma et Bukavu, mais pas la guerre», a-t-il déclaré, tout en pointant du doigt des cas de «trahison» au sein de l’armée congolaise. Il a annoncé une refonte totale des Forces armées de la RDC (FARDC) et a exclu tout dialogue avec «les pantins du Rwanda». Reste à savoir si cette stratégie permettra d’inverser la tendance, alors que l’armée congolaise demeure affaiblie et que la crise humanitaire atteint des proportions alarmantes. Le spectre d’un embrasement régional plane plus que jamais sur l’Est congolais.
Relations tendues avec l’opposition
Depuis son accession à la magistrature suprême, Félix Tshisekedi a entretenu des relations complexes avec l’opposition congolaise, oscillant entre gestes d’ouverture et tensions croissantes. Dès le début de son mandat, le président a cherché à apaiser les frictions en libérant plusieurs prisonniers politiques, dont Franck Diongo, Diomi Ndongala et Firmin Yangambi, tout en facilitant le retour d’exilés, à l’image de Moïse Katumbi. Mais cette dynamique d’inclusion a rapidement cédé place à des tensions exacerbées par les échéances électorales.
Les élections générales de 2023 ont en effet cristallisé les divisions. Martin Fayulu et Moïse Katumbi, figures majeures de l’opposition, ont rejeté les résultats, dénonçant des irrégularités massives et un processus biaisé. Malgré ces contestations, la Cour constitutionnelle a validé la réélection de Tshisekedi, faute de preuves, mais aussi parce que les irrégularités dénoncées n’ont aucune influence déterminante sur les résultats de l’élection présidentielle, susceptibles de modifier l’ordre d’arrivée des candidats. Cette décision a accentué la défiance entre le pouvoir et ses opposants, alimentant un climat politique délétère. Parallèlement, plusieurs poursuites judiciaires contre des opposants ont renforcé le sentiment d’un durcissement du régime. L’arrestation et la condamnation de Jean-Marc Kabund, ancien président intérimaire de l’UDPS, en 2022, illustrent ce sentiment. Sa libération en février 2025, après une grâce présidentielle, a été perçue par certains comme un signe d’ouverture, mais par d’autres comme un geste purement stratégique.
Les tensions se sont encore aggravées avec l’arrestation de Seth Kikuni en septembre 2024. L’opposant a été interpellé par l’Agence nationale de renseignements (ANR) pour « incitation à la désobéissance civile » et « propagation de faux bruits » après ses déclarations incendiaires à Lubumbashi. Il avait notamment évoqué la possibilité pour les Katangais d’expulser les Kasaïens de leur province, ravivant ainsi des blessures historiques encore vives. Le souvenir du drame de 1992-1993, lorsqu’une violence sectaire avait défiguré la région du Katanga, est encore vivace : des milices katangaises avaient mené des « nettoyages ethniques » contre les Kasaïens, faisant plus de 5 000 victimes et forçant 100 000 personnes à fuir. Dans un pays de plus de 100 millions d’habitants, composé de plus de 250 ethnies, jouer avec ces questions tribales et ethniques peut avoir des conséquences dramatiques. Son procès s’est conclu en novembre 2024 par une condamnation à un an de prison, une décision que ses partisans qualifient de règlement de comptes politique.
Un autre cas emblématique est celui de Mike Mukebayi, membre du parti Ensemble pour la République de Moïse Katumbi. Arrêté en mai 2023 après des propos haineux à l’encontre de la communauté kasaïenne, il a été condamné à 30 mois de prison. Cette affaire a divisé l’opinion publique : si certains dénoncent une répression ciblée, d’autres estiment que les discours de haine ne peuvent être tolérés, même lorsqu’ils émanent d’opposants politiques.
Ces arrestations, bien que justifiées, sont perçues par une partie de l’opinion comme un moyen de museler la dissidence. Dans un pays où l’histoire politique est marquée par des luttes de pouvoir brutales, chaque interpellation devient un symbole, alimentant un climat de suspicion et de polarisation. Cette situation fragilise davantage un paysage politique déjà profondément fragmenté, rendant encore plus incertaine la perspective d’un dialogue national apaisé.
Changement de Constitution : réforme nécessaire ou ambition cachée ?
La question d’une réforme constitutionnelle en RDC alimente les débats depuis plusieurs années, et le second mandat de Félix Tshisekedi ne fait qu’accentuer les interrogations. Officiellement, la Constitution de 2006 limite le président à deux mandats de cinq ans, fixant l’échéance de son pouvoir à 2028. Dès son premier quinquennat, Tshisekedi s’est posé en garant des principes démocratiques, rappelant à plusieurs reprises son attachement à la loi fondamentale. «Je suis un démocrate, je respecterai la loi», affirmait-il en 2022, dans un contexte où la méfiance envers les dirigeants cherchant à s’éterniser au pouvoir reste vive.
Pourtant, dès 2023, des signaux contradictoires ont émergé. Le chef de l’État a évoqué la nécessité d’une révision constitutionnelle, officiellement pour «adapter les institutions aux réalités congolaises». L’objectif affiché ? Renforcer la décentralisation et améliorer la gouvernance locale adaptée aux réalités du pays. Mais ces déclarations, bien que formulées sous un prisme réformateur, rappellent les stratégies employées par d’autres dirigeants africains pour prolonger leur règne. En Guinée et en Côte d’Ivoire, Alpha Condé et Alassane Ouattara ont utilisé des modifications constitutionnelles pour briguer un troisième mandat, déclenchant des tensions et des violences.
En 2024, alors que Tshisekedi entame son second mandat, les spéculations prennent de l’ampleur. Lors d’un discours à Kinshasa en janvier, il évoque un «pacte national» pour moderniser les institutions face aux crises sécuritaires et économiques. Ses alliés de l’Union sacrée défendent l’idée d’une réforme pour «achever la reconstruction du pays», tandis que l’opposition dénonce une tentative déguisée de prolonger son pouvoir.
«Il veut imiter Kabila, qui contrôlait tout depuis Kinshasa», accuse Martin Fayulu en février 2025. Moïse Katumbi, de son côté, parle d’une «manœuvre pour s’éterniser». La chute de Goma et Bukavu face aux rebelles du M23 en ce début d’année n’a fait qu’ajouter de l’incertitude à une situation déjà explosive.
Pour l’instant, aucune proposition officielle n’a été déposée, et Tshisekedi maintient son engagement à respecter les règles démocratiques. Mais dans un pays marqué par des décennies de promesses non tenues, chaque déclaration sur la Constitution est analysée comme un indice de ses intentions réelles. «S’il touche à la Constitution, ce sera la guerre», avertit un militant de Lamuka. De l’autre côté, un député de la majorité nuance : «Nous avons besoin d’un cadre institutionnel adapté aux réalités congolaises.»
Des défis multiples et complexes
Le régime de Félix Tshisekedi se trouve actuellement dans une situation délicate, confronté à une série de défis qui pourraient, si rien n’est fait, menacer sa stabilité. L’offensive militaire des rebelles du M23, soutenus par des forces rwandaises, a plongé l’Est de la RDC dans une crise humanitaire préoccupante. La prise de Goma fin janvier, suivie de celle de Bukavu, a entraîné des pertes humaines importantes avec plus de milliers des morts et déplacé plus d’un million de personnes, ébranlant ainsi l’autorité de l’État dans cette région stratégique.
Malgré un remaniement militaire annoncé le 6 janvier, l’efficacité des Forces armées de la RDC (FARDC) reste incertaine. Les investissements colossaux dans l’équipement des troupes ne semblent pas avoir suffi à endiguer les exactions et la désaffection croissante au sein de l’armée pour l’instant.
Sur le plan politique, l’opposition, portée par des figures influentes comme Martin Fayulu, Joseph Kabila et Moïse Katumbi, semble gagner en dynamisme, profitant des tensions actuelles pour critiquer le gouvernement. Cette montée en puissance de l’opposition intervient dans un contexte socio-économique tendu, où l’inflation avoisine les 12 %, le chômage reste élevé et la vie chère pèse lourdement sur les ménages. Ces difficultés économiques, couplées à une corruption persistante, risquent d’éroder davantage la confiance des citoyens envers les institutions.
Dans ce climat incertain, l’incapacité du régime à reprendre l’initiative face à l’avancée du M23, ainsi que les risques d’un affaiblissement supplémentaire de l’armée, pourraient, à terme, déstabiliser davantage le pays. Bien que la situation ne semble pas encore irréversible, la perspective de protestations massives et d’une crise politique plus profonde ne peut être écartée. Dans un pays marqué par des décennies d’instabilité, ces tensions rappellent la nécessité d’une gestion prudente et inclusive des défis actuels.
Un avenir en suspend
Félix Tshisekedi incarne aujourd’hui les espoirs d’une nation en quête de renouveau. Porté au pouvoir par une population désireuse de changement, le président congolais fait face à des défis colossaux qui pourraient bien déterminer l’avenir de son pays. Entre ses ambitions réformatrices et les réalités brutales d’un État fragilisé par des décennies de crises, son destin politique semble suspendu à des choix cruciaux. En 2023, le cardinal Fridolin Ambongo, figure influente de l’Église catholique, lançait un appel poignant : «Le Congo peut renaître, mais il faut du courage.» Un message qui résonne comme un avertissement et un encouragement à l’égard du chef de l’État.
Mais la question demeure : Félix Tshisekedi possède-t-il la détermination nécessaire pour surmonter les obstacles qui se dressent sur sa route ? Corruption endémique, instabilité sécuritaire dans l’est du pays, tensions politiques et attentes immenses de la population congolaise… Les défis sont multiples et complexes.
L’histoire retiendra si le président a su incarner ce courage évoqué par le cardinal Ambongo. Pour l’heure, l’avenir du Congo reste suspendu à des décisions délicates, dans un contexte où chaque choix politique pourrait peser lourd sur le destin de toute une nation.
Heshima
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Nation
Kasa-Vubu, Mobutu et les Kabila : Quel héritage politique ?
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3 jours agoon
mai 6, 2025By
La redaction
Depuis l’indépendance en 1960, la République démocratique du Congo (RDC) a été profondément marquée par quatre figures centrales : Joseph Kasa-Vubu, Mobutu Sese Seko, Laurent-Désiré Kabila et Joseph Kabila. Ces dirigeants ont façonné, chacun à leur manière, l’histoire politique d’un pays en quête d’unité, de stabilité et de souveraineté. Leurs mandats ont laissé une empreinte durable, entre projets de construction étatique, dérives autoritaires, ambitions panafricaines et luttes pour la survie du pouvoir. À travers des réformes tantôt visionnaires, tantôt incohérentes, des choix cruciaux et des échecs profonds, ils ont contribué à forger les fondements mais aussi les failles d’un État complexe, tiraillé entre centralisme et désintégration, entre espoir démocratique et retour cyclique de l’autoritarisme. L’héritage qu’ils ont légué continue d’irriguer les tensions institutionnelles, les fractures régionales et les débats idéologiques qui traversent encore la nation.
Dans ce pays-continent, la lutte politique et sociale semble devenir perpétuelle. De Kasa-Vubu à Joseph Kabila, certains Congolais n’ont pas visiblement l’impression d’avoir passé ce cap. « Chaque président a marqué le Congo, pour le meilleur ou pour le pire », résume Marie Nzuzi, enseignante à Kinshasa. « Leur histoire est la nôtre. Comprendre leurs choix, c’est comprendre pourquoi nous luttons encore aujourd’hui. »
Joseph Kasa-Vubu : les premiers pas hésitants d’un État indépendant
Joseph Kasa-Vubu, né entre 1910 et 1917 à Kuma-Dizi, dans le Kongo-Central, incarne les balbutiements du Congo indépendant. Fils de l’ethnie Bakongo, formé par des missionnaires catholiques, il commence sa carrière professionnelle comme enseignant, avant de devenir comptable et leader du nationalisme congolais. À la tête de l’Alliance des Bakongo (ABAKO), il transforme cette organisation culturelle en un mouvement politique puissant dans les années 1950. Son élection comme maire de Dendale (actuelle commune de Kasa-Vubu) à Léopoldville en 1957 marque un tournant décisif. Dans son discours d’investiture, appelant à l’indépendance dans un horizon de trente ans, Kasa-Vubu heurte les autorités coloniales belges, mais renforce son image de leader.
Contrairement à Patrice Lumumba, plus radical et porté par un nationalisme panafricain enflammé, Kasa-Vubu adopte une posture plus modérée, prônant un fédéralisme qui garantit l’autonomie des Bakongo. « Il veut un Congo où chaque région a sa voix, mais certains y voient un manque d’audace », analyse Pierre Kisula, historien à Matadi. Cette approche, jugée parfois hésitante, se heurte à la montée de l’indépendantisme radical. Les émeutes de Léopoldville en janvier 1959, déclenchées lors d’un rassemblement interdit de l’ABAKO, illustrent cette tension. Après son arrestation, Kasa-Vubu est libéré deux mois plus tard, consolidant son aura de résistant.
L’indépendance et la crise congolaise
Le 30 juin 1960, Kasa-Vubu proclame l’indépendance de la République du Congo, un moment solennel et historique. Toutefois, cette fierté nationale est rapidement ternie par une série de crises. La mutinerie de l’armée, l’intervention militaire belge et les sécessions du Katanga et du Sud-Kasaï exposent la fragilité d’un État naissant, privé d’élites administratives formées et d’institutions solides.
Kasa-Vubu, premier président, tente de naviguer dans ce chaos amplifié par l’héritage colonial, marqué par l’insuffisance des investissements dans l’éducation et la gouvernance.
Kasa-Vubu–Lumumba, difficile cohabitation et sécessions congolaises
La cohabitation avec Patrice Lumumba, Premier ministre élu en 1960, devient rapidement conflictuelle. Kasa-Vubu, soucieux de stabilité, privilégie un fédéralisme modéré, tandis que Lumumba, résolument de gauche et déterminé à asseoir une unité nationale forte, cherche des alliances internationales, notamment avec l’Union soviétique, en pleine Guerre froide. À peine une semaine après l’indépendance, des mutineries éclatent, contraignant les deux dirigeants à intervenir personnellement pour calmer les soldats.
La sécession du Katanga moins de deux semaines après l’indépendance, proclamée par Moïse Tshombe le 11 juillet 1960 avec le soutien de la Belgique, aggrave considérablement la crise post-indépendance. Pourtant, bien avant la proclamation officielle de l’indépendance, le 30 juin, le Sud-Kasaï avait déjà fait sécession, quinze jours plus tôt. Le 8 août 1960, cet État fédéral, dont la capitale était Bakwanga (actuelle Mbuji-Mayi), déclare officiellement son autonomie. Albert Kalonji en devient président, et Joseph Ngalula est nommé chef de gouvernement dans un contexte de violences interethniques et de rejet des autorités centrales. Quelques mois plus tard, Kalonji se proclamera roi sous le titre de « Mulopwe », accentuant encore la singularité de son entreprise.
La spirale sécessionniste se poursuit au Katanga. Le 11 juillet 1960, Moïse Tshombe, leader de la Confédération des associations tribales du Katanga (CONAKAT), proclame l’indépendance de cette région riche en ressources naturelles. Appuyé par l’Union minière du Haut-Katanga, toujours contrôlée par des intérêts belges, Tshombe bénéficie du soutien de Bruxelles, désireuse de préserver ses intérêts économiques dans la région.
Kasa-Vubu et Lumumba tentent une mission conjointe à Élisabethville (actuelle Lubumbashi), mais Tshombe refuse de recevoir Lumumba, faisant obstacle à toute tentative de réconciliation. Trois ans plus tard, grâce à l’intervention militaire des Casques bleus des Nations unies, l’État du Katanga est finalement réintégré de force au Congo-Kinshasa, et Moïse Tshombe s’exile en Espagne.
Très engagé dans la recherche d’une solution à cette crise, le secrétaire général de l’ONU de l’époque, Dag Hammarskjöld, y laissera sa vie : il périt dans un crash d’avion le 18 septembre 1961, en Rhodésie du Nord (actuelle Zambie). La RDC lui rendra hommage en baptisant le pont Mondjiba à son nom. Il recevra, la même année, le prix Nobel de la paix à titre posthume.
Le conflit avec Lumumba : une rupture décisive
Les tensions entre Kasa-Vubu et Lumumba culminent en septembre 1960. Le 5 septembre, Kasa-Vubu destitue Lumumba, l’accusant de sympathies communistes et de provoquer des désordres, notamment au Kasaï. Lumumba, refusant cette décision, tente de révoquer Kasa-Vubu, ce qui plonge le pays dans une impasse constitutionnelle. La Loi fondamentale de 1960, adoptée précipitamment, instaure un régime semi-présidentiel, où les rôles du président et du Premier ministre sont mal définis, exacerbant la crise. Le coup d’État de Joseph-Désiré Mobutu, alors chef d’état-major, met fin à cette instabilité en arrêtant Lumumba, qui est livré aux forces katangaises et assassiné en janvier 1961. « Kasa-Vubu pense protéger le pays, mais il ouvre la voie à Mobutu », analyse Sophie Maketa, politologue à Matadi.
Cette rupture marque un tournant décisif dans l’histoire de la RDC. La dualité exécutive, source d’instabilité chronique, pose les bases de tensions institutionnelles persistantes, récurrentes jusqu’à aujourd’hui, notamment dans les conflits entre le président et le Premier ministre, comme ce fut le cas sous Mobutu avec Étienne Tshisekedi ou plus récemment avec Sylvestre Ilunga Ilunkamba et Félix Tshisekedi. Bien qu’il ait conservé son poste après le coup de force de Mobutu, l’autorité de Kasa-Vubu s’étiole face à la montée du pouvoir militaire.
La Constitution de Luluabourg et la chute
En 1964, Kasa-Vubu tente de stabiliser le pays en introduisant la Constitution de Luluabourg, qui instaure un régime fédéral avec 21 provinces autonomes et un président exécutif fort. Approuvée par référendum, cette constitution vise à répondre aux tensions ethniques et régionales mais échoue à pacifier le pays. L’accession de Tshombe au poste de Premier ministre en 1964, malgré ses antécédents sécessionnistes, est perçue comme pragmatique mais controversée. En novembre 1965, Mobutu renverse Kasa-Vubu par un coup d’État, suspendant la constitution et mettant fin à la première République.
Un héritage ambivalent
L’héritage de Kasa-Vubu est marqué par une ambivalence. Pionnier de l’indépendance, il pose les bases d’un État souverain, mais ses choix, comme la destitution de Lumumba, exacerbent les fractures politiques et institutionnelles du pays. Son projet fédéraliste, bien qu’innovant, échoue à résoudre les rivalités régionales. Son leadership, souvent perçu comme hésitant, contraste avec l’autorité et le charisme de Lumumba, mais ses efforts pour structurer l’État, à travers la Constitution de Luluabourg, continuent d’influencer les débats actuels sur la décentralisation et les tensions entre le pouvoir central et les provinces.
Mobutu Sese Seko : l’ère de l’autoritarisme centralisé
De 1965 à 1997, Mobutu Sese Seko impose un régime autocratique qui redéfinit radicalement la République du Zaïre. Né en 1930 à Lisala, cet ancien soldat de la Force Publique et journaliste grimpe les échelons militaires pour devenir chef d’état-major en 1960. Cinq ans plus tard, il orchestre un coup d’État qui le propulse au sommet du pouvoir. L’hebdomadaire The Washington Post décrira plus tard comment il façonne un système politique centré sur sa personne, illustré par le Mobutisme, une idéologie qu’il officialise en 1967 avec le Manifeste de la N’sele. Sous le slogan « ni gauche, ni droite, ni même centre », il préconise un nationalisme unique, rejetant à la fois le capitalisme occidental et le communisme soviétique.
Le Mouvement Populaire de la Révolution (MPR), devenu parti-État, constitue le pilier exclusif de la vie politique et sociale. Le culte de la personnalité prend une ampleur démesurée : statues, portraits géants et slogans omniprésents. Mobutu se proclame « Père de la nation », « Guide de la Révolution », voire « Messie ». « On ne pouvait allumer la télévision sans voir Mobutu, c’était oppressant », se souvient Jeanne Mukadi, ancienne fonctionnaire à Kinshasa. À certains moments, rapporte le HCR, les médias sont interdits de mentionner d’autres noms que le sien. Cette monopolisation de l’espace public écrase toute forme d’opposition, transformant les institutions en marionnettes soumises à la volonté du président.
Zaïrianisation : une ambition nationaliste virant au désastre
En 1971, Mobutu rebaptise le pays Zaïre et lance une campagne d’« authenticité » destinée à effacer les traces coloniales. Léopoldville devient Kinshasa, Élisabethville prend le nom de Lubumbashi, et les prénoms chrétiens sont bannis. Il adopte lui-même le nom de Mobutu Sese Seko Kuku Ngbendu Wa Za Banga, signifiant « le guerrier tout-puissant qui va de victoire en victoire ».
Mais c’est surtout la « zaïrianisation » économique, lancée en 1973, qui marque cette phase de son régime. Sous couvert de souveraineté économique, Mobutu nationalise les entreprises étrangères et les redistribue à une élite zaïroise, souvent constituée de proches sans aucune compétence en gestion. Le résultat est désastreux : les unités industrielles périclitent, le secteur minier s’effondre. La chute brutale des cours du cuivre en 1975 aggrave la crise, provoquant une contraction du PIB de 2,5 % et une explosion de la dette. « La zaïrianisation était une idée noble, mais elle a enrichi les amis de Mobutu et appauvri le peuple », déplore Paul Tshibangu, commerçant à Lubumbashi.
Cette politique, loin de libérer l’économie, installe une corruption systémique qui perdure. En 2024, le Corruption Perceptions Index de Transparency International attribue au Zaïre un score alarmant de 20/100, reflet d’un héritage toujours actif. La production de cuivre dans le Shaba (Katanga), qui culminait à 400 000 tonnes dans les années 1980, chute à 30 000 tonnes en 1993, selon Human Rights Watch.
Entre stabilité factice et répression de masse
Dans un pays aux 250 ethnies, Mobutu parvient à maintenir une paix relative. Mais celle-ci repose sur une surveillance constante et une répression implacable. En 1966, quatre figures politiques, dont l’ancien Premier ministre Évariste Kimba, sont exécutées publiquement à Kinshasa. Trois ans plus tard, la répression sanglante des manifestations étudiantes à Lubumbashi fait des dizaines de morts. Le HCR en fait un symbole du climat de terreur. « Vivre sous Mobutu, c’était marcher sur des œufs. On ne savait jamais qui écoutait », se souvient Esther Lubala, militante des droits humains.
Les Forces armées zaïroises (FAZ), politiquement dominées par des officiers de l’ethnie ngbandi, celle de Mobutu, sont marquées par une logique de clan qui nourrit la méfiance envers les autres composantes du pays. En 1980, The Washington Post révèle que les Ngbandi forment l’épine dorsale de l’armée. Lors des invasions du Shaba (1977 et 1978), les FAZ, incapables de défendre seules le territoire, doivent se résoudre à demander le soutien de troupes françaises et marocaines. Cette dépendance accélère la militarisation du pouvoir et introduit l’ethnicisation de l’armée, dont les effets se font encore sentir en RDC.
Un diplomate courtisé devenu paria
Durant la Guerre froide, Mobutu exploite habilement la carte de l’anti-communisme, se positionnant en rempart de l’Occident face à l’expansion soviétique en Afrique. Les États-Unis, la France et la Belgique lui accordent une aide substantielle. Les États-Unis, troisième bailleur du Zaïre à l’époque, le considèrent comme un allié stratégique dans la sous-région. Il dirige l’Organisation de l’unité africaine (OUA) entre 1967 et 1968 et se positionne comme médiateur en Angola en 1989, multipliant les apparitions en tant qu’homme fort du continent.
Mais avec la chute du Mur de Berlin en octobre 1989, sa position géopolitique se dégrade. Mobutu perd son rôle stratégique et, sous la pression internationale, annonce le retour au multipartisme en 1990. Cependant, cette ouverture reste factice, marquée par la cooptation et la violence.
Marasme économique et pillages de 1991 et 1993
Le début des années 1990 consacre le déclin irréversible du régime de Mobutu. L’économie zaïroise est frappée de plein fouet par deux vagues de pillages d’une ampleur inédite. « Des millions de Kinois ne le savent pas : l’avenue du Commerce était l’une des plus belles de la ville. Elle rivalisait même avec le boulevard du 30 Juin, grâce à ses boutiques bien éclairées et richement achalandées, une véritable invitation au lèche-vitrine dans la capitale. Son attraction principale était le cinéma Palace », se souvient Omer Nsongo, un vieux journaliste congolais. Il n’aura suffi que de quelques jours les 23 et 24 septembre 1991, puis le 28 janvier 1993 pour mettre le pays à genoux. L’ensemble du tissu industriel, commercial et social est alors gravement dévasté. Le Zaïre de Mobutu, déjà fragilisé, ne s’en relèvera jamais vraiment. Le régime entre dès lors dans une lente agonie.
En mai 1997, affaibli par la maladie et lâché par ses anciens alliés, Mobutu est renversé par la rébellion de Laurent-Désiré Kabila, soutenue par le Rwanda et l’Ouganda. L’homme qui incarna l’État pendant trois décennies s’exile au Maroc, où il meurt quelques mois plus tard, le 7 septembre.
Un legs controversé, entre nostalgie et ruine
L’héritage de Mobutu est profondément divisé. Il laisse derrière lui une structure d’État centralisée, une diplomatie active, et une forme d’identité nationale postcoloniale. Mais son règne instaure aussi une kleptocratie dont les effets perdurent. Transparency International estime entre 4 et 15 milliards de dollars les sommes détournées durant son mandat. L’exclusion des provinces, l’ethnicisation de l’armée et l’effondrement de l’économie plongent le pays dans une instabilité durable.
À Gbadolite, son village natal devenu une cité luxueuse sous son règne, des voix expriment une certaine nostalgie. « Sous Mobutu, les agriculteurs vivaient de leurs récoltes, le pays avait une voix », se souvient Joseph Loka, fermier à Gemena. Mais d’autres dénoncent l’imposture d’un règne dispendieux. « Mobutu nous a appris à survivre dans le chaos, mais il a pillé nos rêves », conclut Esther Lubala, lucide et amère.
Laurent-Désiré Kabila : la révolution inachevée
Laurent-Désiré Kabila, président de la République Démocratique du Congo (RDC) de 1997 à 2001, incarne une figure révolutionnaire paradoxale, surgissant des coulisses après des décennies dans l’ombre. Né en 1939 à Jadotville (aujourd’hui Likasi), il se distingue dès les années 1960 par son engagement contre le régime de Mobutu, notamment au sein de la rébellion Simba, un groupe de guérilla qui s’opposa au dictateur dans les régions du Katanga. Pourtant, c’est dans les années 1990 qu’il prend réellement l’ascendant en dirigeant l’Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération (AFDL), soutenue par le Rwanda et l’Ouganda, dans le but de renverser Mobutu. L’AFDL capitalise sur l’impopularité croissante de Mobutu, exacerbée par la crise économique et l’arrivée massive de réfugiés hutus après le génocide rwandais de 1994.
Le 17 mai 1997, après une rapide avancée de ses troupes, Kabila entre dans Kinshasa, mettant fin au règne de Mobutu, qui fuit en exil. En proclamant la fin de l’ère Mobutu, Kabila renomme le pays République Démocratique du Congo, marquant symboliquement une rupture avec le passé. Mais cette victoire semble éclipser les doutes sur ses méthodes de conquête. Le soutien militaire des pays voisins, le Rwanda et l’Ouganda, soulève des interrogations sur la légitimité de sa prise de pouvoir. « On voulait un libérateur, mais on a eu un chef de guerre soutenu par des étrangers. Depuis, la guerre n’a jamais pris fin », regrette Paul Tshibangu, commerçant à Lubumbashi. Kabila tente de s’imposer comme un héros national, mais sa méthode violente pour accéder au pouvoir ternit son image.
Une gouvernance autoritaire
Laurent-Désiré Kabila arrive au pouvoir avec la promesse d’un renouveau démocratique. Cependant, ses premières décisions trahissent une dérive autoritaire. Bien qu’il remette le nom initial du pays, le Congo, symbole du retour à la démocratie, ses actions ont vite laissé place à l’autoritarisme. Il suspend la Constitution, dissous les institutions de la transition. Le pays est gouverné par décret. Et tout ceci rappelle Mobutu.
En quelques mois, il suspend les partis politiques et interdit toute activité partisane, tout en nommant lui-même les députés. Cela marque le début d’une gestion autocratique où toute forme de pluralisme est éradiquée. Selon Human Rights Watch, son régime est caractérisé par des arrestations arbitraires, des détentions illégales, des tortures et des disparitions forcées. Une répression qui crée un climat de terreur, rappelant bien des aspects du régime Mobutiste. « Kabila parlait de révolution, mais il gouvernait comme Mobutu », critique Sophie Maketa, activiste des droits humains.
En 1998, après plusieurs années de tensions avec ses anciens alliés rwandais et ougandais, Kabila décide de prendre une mesure radicale : l’expulsion des troupes étrangères. Ce geste, symbolique d’une volonté d’affirmer la souveraineté congolaise, provoque une réaction en chaîne. Le pays plonge alors dans la deuxième guerre du Congo, un conflit d’ampleur continentale impliquant neuf pays africains et de multiples groupes rebelles. Un nouveau front de guerre s’ouvre, et la RDC devient l’épicentre d’une instabilité qui durera plus de dix ans. Laurent-Désiré Kabila, pour contrer ses ennemis, s’allie avec des pays comme le Zimbabwe, l’Angola et la Namibie, redéfinissant les lignes de la géopolitique africaine.
Nationalisme économique et échecs structurels
Sous son régime, Mzee Kabila adopte un discours nationaliste fort, se présentant comme un défenseur des ressources naturelles du pays. Il promet de reprendre le contrôle des mines, un secteur clé dans un pays riche en cobalt, cuivre et diamants. Cependant, ses politiques se révèlent rapidement contradictoires. En 2000, il accorde un monopole sur l’exploitation des diamants à la société israélienne International Diamond Industries-Congo (IDI-Congo), dirigée par Dan Getler, en échange de fonds nécessaires pour financer la guerre, ce qui soulève de vives critiques. La gestion des ressources naturelles reste dominée par des intérêts étrangers, et Laurent Kabila échoue à instaurer les réformes structurelles nécessaires pour redynamiser l’économie et renforcer l’autonomie du pays.
Assassinat et mémoire fragmentée
Laurent-Désiré Kabila est assassiné le 16 janvier 2001 par l’un de ses gardes du corps. Sa mort laisse un vide politique qui sera comblé par son fils, Joseph Kabila, qui prendra la présidence. L’assassinat du père marque la fin d’un cycle révolutionnaire, mais aussi le début d’une dynastie politique qui marquera le pays pendant des années.
Son héritage reste complexe et contradictoire. La statue imposante de Laurent-Désiré Kabila, érigée en 2002 à Kinshasa, symbolise son image de libérateur, mais cette statue est loin d’effacer les dérives autoritaires de son régime. Sa gouvernance, marquée par la répression, la guerre et l’incapacité à transformer le pays, soulève encore des débats. D’un côté, certains congolais saluent sa victoire sur Mobutu, qu’ils perçoivent comme un mal nécessaire. De l’autre, le souvenir de l’injustice sociale, de la guerre et de la corruption qu’il a laissée dans son sillage trouble sa mémoire. « Kabila a mis fin à Mobutu, mais il n’a pas offert une autre alternative », conclut Félix Kasongo, un jeune activiste de Kinshasa.
Joseph Kabila : stabilisation et ombres persistantes
Arrivé au pouvoir en 2001, à la suite de l’assassinat de son père, Laurent-Désiré Kabila, Joseph Kabila devient président à seulement 29 ans, héritant d’un pays dévasté par la « guerre mondiale africaine » qui a fracturé le territoire et alimenté des conflits ethniques et politiques. En 2002, il joue un rôle central dans les Accords de Sun City, qui aboutissent à la formation d’un gouvernement de transition. L’objectif est de réunir les factions belligérantes, tout en amorçant une réforme de l’armée congolaise, le brassage des anciens rebelles dans les FARDC, l’armée nationale. Mais cette intégration, loin de pacifier l’armée, accentue les rivalités internes et l’indiscipline, affaiblissant l’institution militaire en difficulté.
Les élections de 2006 marquent un tournant démocratique avec des élections pluralistes, les premières depuis l’indépendance. Kabila remporte le second tour face à Jean-Pierre Bemba, mais la paix reste fragile. La situation dans l’Est du pays, où des groupes armés comme le M23, soutenu par le Rwanda, continuent de déstabiliser la région, demeure critique. Les Accords de Sun City, bien que salués comme un pas vers la paix, n’ont pas réglé les causes profondes du conflit, notamment les tensions ethniques et les rivalités géopolitiques régionales.
Kabila et son héritage de 5 chantiers
Après la fin de la transition (1+4), Joseph Kabila met en place un vaste programme de reconstruction du pays : les 5 chantiers. Ce programme quinquennal visait à améliorer l’accès à l’éducation, à la santé, à l’emploi, à l’eau et l’électricité et aux infrastructures de base. Avec le recul, certains observateurs pensent que le taux d’exécution de cinq chantiers a été faible. Une autre opinion pense plutôt que le bilan est relativement positif vu que l’exécution de ces projets s’est fait sur fond propres du gouvernement. Lors de son second mandat, Joseph Kabila va consolider ce programme par la « révolution de la modernité ».
A côté de ces programmes de gouvernance, Kabila met en place une machine politique. En 2002, il fonde le Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD) et met en place une série d’alliances politiques, d’abord sous l’Alliance pour la Majorité Présidentielle (AMP), MP (Majorité présidentielle), puis sous le Front Commun pour le Congo (FCC) en 2018. Ces réseaux de pouvoir l’ont aidé à garder un contrôle politique, mais au prix d’une répression accrue. La liberté d’expression et la presse sont limitées, et les opposants sont systématiquement réprimés. En 2016, les manifestations contre le report des élections prévues pour cette année-là sont violemment réprimées, un tournant qui entame encore un peu plus la légitimité du régime de Kabila.
Les élections de 2011, marquées par des accusations de fraudes massives, et le report des élections de 2016 alimentent les critiques de manipulation électorale. Jean-Marc Kabund, alors leader de l’opposition, dénonce : « Joseph Kabila voulait rester au pouvoir à tout prix, et le peuple en a payé le prix ». Juste avant son départ en 2018, Kabila met en place le FCC, un instrument pour garder son influence même après la fin de son mandat, qui est prolongé à travers son héritage politique, notamment à travers des figures loyales dans les institutions clés.
L’économie du pays, riche en ressources naturelles, aurait pu être un levier pour le développement. En 2018, Kabila promulgue un nouveau code minier qui augmente les taxes sur les exportations pour maximiser les revenus de l’État. Cependant, la gestion de ces ressources est marquée par la corruption. Le clan Kabila, notamment à travers des contrats opaques comme celui signé en 2007 avec la Chine, a été accusé de détournements massifs de fonds. Le fameux « contrat du siècle » a échoué à transformer le pays malgré un investissement chinois de 6 milliards de dollars en infrastructures. Selon l’Inspection Générale des Finances, seulement 18,38 % de ces fonds ont été réellement investis dans des projets concrets. Cela contribue à la persistance de la pauvreté qui touche encore 73 % de la population, exacerbant les frustrations populaires face à une élite enrichie au détriment du développement national.
En 2025, l’image de Kabila est ternie par des accusations graves concernant son possible soutien à la rébellion du M23, active dans l’Est de la RDC. Plusieurs médias internationaux révèlent qu’il a séjourné à Goma, alors sous contrôle des rebelles, en provenance de Kigali. Dans une interview au The Sunday Times, il qualifie le conflit du M23 de « revendication du peuple congolais », une prise de position qui a scandalisé l’opinion congolaise et renforcé les soupçons de son implication dans cette guerre. Le gouvernement de Judith Suminwa réagit en suspendant le PPRD, annonçant la saisine des biens de Kabila et demandant la levée de son immunité de sénateur à vie. Kabila, malgré son absence aux élections de 2023, conserve une forte influence à travers le FCC et son parti le PPRD, et les rivalités politiques continuent d’animer les coulisses de la scène politique congolaise.
Institutions et gouvernance : un héritage d’ambiguïtés
L’histoire politique de la RDC est marquée par des institutions qui, depuis l’indépendance, ont oscillé entre centralisation et fragmentation, autoritarisme et tentatives de démocratisation. Les ambiguïtés qui caractérisent la gouvernance congolaise trouvent leur origine dans la loi fondamentale de 1960, instaurée sous Joseph Kasa-Vubu, et sont exacerbées par les régimes suivants, dont celui de Mobutu, avant d’être réintroduites sous Joseph Kabila. La Constitution de 2006, qui établit un système semi-présidentiel, où le président nomme mais ne révoque pas le Premier ministre, en est un témoignage vivant : elle a engendré des tensions entre la présidence et le Premier ministre, illustrées par la rivalité entre Félix Tshisekedi et Sylvestre Ilunga Ilunkamba, fidèle à Joseph Kabila.
La Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI), créée sous Joseph Kabila, a été largement critiquée pour sa politisation. Héritière des controverses des élections de 2006, 2011 et 2018, elle est perçue par beaucoup comme un outil au service du pouvoir en place. « La CENI est un instrument du pouvoir, pas de la démocratie », déclare Esther Lubala, observatrice des droits humains. Une institution dont l’indépendance, pourtant essentielle pour la légitimité électorale, reste souvent contestée.
L’ambition de fédéraliser le pays, entamée sous Kasa-Vubu avec l’idée de décentralisation, s’est heurtée aux réalités politiques de l’après-indépendance. Bien que la RDC compte désormais 26 provinces, un héritage de cette tentative fédéraliste, la méfiance entre le pouvoir central et les entités provinciales persiste. Les rivalités entre le gouvernement central et les provinces restent un frein majeur à la mise en œuvre des réformes nécessaires à un État inclusif.
Tensions ethniques et sécuritaires : des blessures non cicatrisées
Les tensions ethniques qui ont traversé l’histoire du pays, de Kasa-Vubu à Mobutu en passant par les Kabila, se sont intensifiées avec la militarisation du pouvoir. Sous Kasa-Vubu, l’ABAKO incarnait une forte composante ethnique, et Mobutu a intensifié cette politisation des identités régionales et ethniques. Le manque de gestion adéquate des conflits a laissé des cicatrices profondes. Dans l’Est, les groupes armés sont aujourd’hui majoritairement formés le long des lignes ethniques, une situation exacerbée par le M23 et les accusations de soutien implicite ou explicite à ces mouvements, notamment à l’égard de Joseph Kabila.
Plusieurs rapports onusiens et d’ONG comme Human Rights Watch documentent l’existence de plus de 100 groupes armés actifs dans l’Est du pays. Les violences intercommunautaires dans des régions comme le Kasaï et le Kwilu témoignent également de cette fracture sociale, alimentée par des politiques publiques déficientes. Sophie Maketa, analyste des conflits, résume ainsi la situation : « L’Est est un puzzle que personne n’a su résoudre, et chaque président y a ajouté une pièce cassée ».
La militarisation du pouvoir, héritée de Kasa-Vubu, renforcée par Mobutu et amplifiée par les Kabila, reste un défi majeur. Les FARDC, mal équipées, rongées par des rivalités internes et la corruption, peinent à sécuriser le territoire. L’impunité des forces de sécurité, bien qu’ouverte à des réformes, persiste, freinant les efforts pour une paix durable.
Diplomatie et économie : entre pragmatisme et dépendance
La diplomatie congolaise a toujours navigué entre plusieurs puissances. Sous Kasa-Vubu, la RDC était pro-occidentale, tandis que Mobutu, au plus fort de la guerre froide, a joué une carte anti-communiste avec succès, soutenu par l’Occident. Sous les Kabila, la diplomatie a été diversifiée, notamment avec la Chine, grâce au fameux « contrat chinois » signé en 2007, échangeant des droits miniers contre des investissements en infrastructures. Cette approche pragmatique a permis une stabilité apparente, mais la gestion des ressources minières est restée problématique. Selon le journal Cobalt and Corruption, sous le règne de Joseph Kabila, les richesses générées par l’exploitation minière profitent davantage aux multinationales qu’à la population congolaise.
Les ressources naturelles du pays, telles que le cobalt et le cuivre, sont des atouts économiques majeurs. Mais cette dépendance aux minerais a freiné l’essor d’une économie diversifiée et inclusive. La gestion de ces ressources reste opaque, et les abus de la famille Kabila dans le secteur minier n’ont fait que renforcer la perception de corruption à grande échelle. Paul Tshibangu, ancien membre de la société civile, résume cette frustration populaire : « Nos minerais font la richesse du monde, mais ici, on vit dans la misère ».
Une mémoire collective fragmentée
La mémoire de la gouvernance des présidents de la RDC demeure divisée. Joseph Kasa-Vubu est perçu comme un président discret, voire effacé, souvent éclipsé par la figure de Patrice Lumumba. Mobutu, quant à lui, reste une figure controversée : certains saluent la stabilité qu’il a imposée au pays, mais beaucoup dénoncent son régime kleptocratique et autoritaire. Laurent-Désiré Kabila est célébré pour sa victoire sur le régime de Mobutu, mais son autoritarisme et ses erreurs dans la gestion de la transition restent des sujets sensibles. Quant à Joseph Kabila, il polarise encore le pays : pour ses partisans, il a su ‘stabiliser’ un pays en guerre ; pour ses détracteurs, il a perpétué un système de corruption et d’instabilité.
Surmonter les héritages pour un Congo unifié
L’héritage des anciens présidents de la RDC, de Joseph Kasa-Vubu à Joseph Kabila, est marqué par une succession de promesses non tenues, de crises non résolues et de contradictions profondes. Kasa-Vubu a posé les bases d’un État souverain, mais fragile. Mobutu a assuré la stabilité à travers un régime autoritaire, au détriment des principes démocratiques. Laurent-Désiré Kabila a incarné l’espoir d’une révolution, mais ses échecs en matière de gouvernance sont notoires. Joseph Kabila, après avoir stabilisé le pays, laisse un bilan mitigé. si la RDC a connu un semblant de paix, ses pratiques autoritaires et les accusations de collusion avec des groupes rebelles restent des ombres pesant sur son héritage.
La RDC continue d’être façonnée par les héritages de ces présidences successives, où les défis de la gouvernance, de la sécurité et de la redistribution des richesses demeurent omniprésents. La véritable question reste celle de l’avenir : comment la RDC parviendra-t-elle à dépasser ces divisions et ces ambiguïtés pour répondre enfin aux aspirations profondes de son peuple ? « Le passé nous enseigne, mais c’est à nous de bâtir un Congo uni et juste », conclut Marie Nzuzi, enseignante à Kinshasa.
Heshima Magazine
International
Conflits RDC-Rwanda : le dessous des cartes d’une désescalade rapide
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2 semaines agoon
avril 25, 2025By
La redaction
Après la signature le 23 avril 2025, au Qatar, d’un communiqué conjoint entre Kinshasa et le Mouvement du 23 mars affilié à l’Alliance Fleuve Congo (AFC/M23), la République démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda vont signer à Washington, ce vendredi 25 avril, une déclaration de principes bilatérales. Une signature qui couronne un processus de désescalade accéléré sous l’impulsion des États-Unis depuis plus d’un mois.
Ce matin, le secrétaire d’État américain, Marco Rubio, a fait une annonce surprise : Kinshasa et Kigali vont signer une déclaration de principes sur la paix. Les responsables de la diplomatie de ces deux pays sont déjà présents aux États-Unis. La ministre congolaise des Affaires étrangères, Thérèse Kayikwamba Wagner, représente la RDC et son homologue rwandais, Olivier Nduhungirehe, pour le Rwanda. Ce document vise à renforcer la coopération et la stabilité dans l’Est de la RDC, en proie aux conflits armés depuis plus de trois décennies.
Mais quel pourrait être le secret d’une telle accélération de ce processus de paix qui a pourtant plusieurs fois capoté entre Nairobi et Luanda ? Dans les coulisses de ce début de dénouement il y a le Qatar et les États-Unis. Doha a joué un rôle clé depuis le tête-à-tête réussi entre le président congolais Félix Tshisekedi et son homologue rwandais Paul Kagame. Après cette rencontre inattendue, les choses avaient commencé à s’accélérer. Un mois plus tard, Kinshasa et l’AFC/M23 ont dit, dans leur communiqué conjoint, vouloir « œuvrer à la conclusion d’une trêve ». Les deux parties ont également travaillé « en faveur d’une cessation immédiate des hostilités ».
Le Qatar s’impose depuis peu comme un médiateur de premier plan dans cette crise. Ce pays du Golfe s’est déjà montré performant dans ce domaine de médiation. Depuis le début de la guerre à Gaza, le Qatar joue un rôle majeur sur plusieurs fronts pour essayer avec les États-Unis et l’Égypte de mettre un terme à un conflit ayant causé plus de 40 000 morts. Doha entend également jouer un rôle décisif dans la résolution du conflit entre la RDC et le Rwanda.
Washington à la manœuvre
Derrière le Qatar, les États-Unis jouent le rôle de gendarme pour promouvoir la paix dans l’Est de la RDC. Un pays pour lequel il compte investir des milliards de dollars dans les minerais rares enfouis sous le sol congolais. Pour faire de la place à l’investissement, Washington a commencé par préparer le terrain à la paix. L’accord de paix qui sera signé entre Kinshasa et Kigali pourrait aussi prendre en compte une dimension économique. Selon les sources de l’agence Reuters, cette déclaration de principes concernera également le développement économique entre le Rwanda et la RDC. Ce qui sous-entend que dans le futur accord minier entre les États-Unis et la RDC, il pourrait y avoir une collaboration économique avec Kigali alors que les deux pays s’efforcent de mettre fin aux violences après une avancée des rebelles de l’AFC/M23 appuyés par le Rwanda.
Kinshasa reconnaît avoir consenti à des compromis
Pour le gouvernement congolais, la déclaration conjointe annonçant une volonté de trêve entre Kinshasa et l’AFC/M23 est une des conséquences des engagements souscrits par les deux Chefs d’État à Doha. « Le dialogue dont il est question ici, c’est le dialogue entre les signataires de la déclaration conjointe à savoir les experts du gouvernement et les délégués du M23. Nous avons fait un pas vers la paix. Le premier, celui du cessez-le-feu, a donné les résultats », a déclaré le ministre de la Communication et médias, Patrick Muyaya. Ce dernier a avoué qu’un tel processus a nécessité des compromis. « Il faut considérer que la déclaration conjointe est une étape vers la paix. Considérons-nous tous que nous sommes dans un processus qui est sensible parce qu’on ne peut pas faire de paix sans compromis et là nous sommes engagés dans cette dynamique », a-t-il avoué. Avec la pression américaine derrière les acteurs clés dans cette crise, ce processus de paix prend désormais les allures d’un marathon diplomatique. Le porte-parole du gouvernement affirme que le médiateur va fixer d’autres rounds de discussion, probablement pour aborder les questions de fond et essayer de résoudre une bonne fois cette lancinante crise.
Heshima
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Vers une trêve entre Kinshasa et l’AFC/M23, Joseph Kabila de plus en plus isolé
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2 semaines agoon
avril 24, 2025By
La redaction
À l’issue de ces discussions, les deux parties ont convenu, dans un communiqué conjoint diffusé notamment à la RTNC, de travailler à la conclusion d’une trêve en vue de l’instauration d’un cessez-le-feu effectif. Une avancée qui ouvre désormais un long chemin pour le dialogue de fond. Une entente qui pourrait isoler l’ancien président de la République Joseph Kabila, dont le parti a été suspendu pour « complicité » avec les rebelles.
Les délégations de Kinshasa et de l’AFC/M23 ont décidé d’une trêve devant conduire à l’instauration d’un cessez-le-feu effectif dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, dont une bonne partie est occupée par les rebelles. Les deux parties ont, d’un commun accord, réaffirmé leur attachement à une cessation immédiate des hostilités. Kinshasa et les rebelles ont aussi décidé de rejeter catégoriquement tout discours de haine et d’intimidation, recommandant aux communautés locales de respecter ces engagements. Les deux parties se sont engagées à observer ces dispositions afin d’aller vers un dialogue qui portera sur les causes profondes de la crise en cours ainsi que sur les modalités concrètes de sortie de conflit dans les territoires de l’Est du pays. Kinshasa et l’AFC/M23 appellent le peuple congolais, les chefs religieux et les médias à soutenir et à relayer ce message d’espoir et de paix.
Un retournement de situation, alors que deux jours plus tôt, les négociations semblaient être dans l’impasse. Car la délégation des rebelles avait quitté Doha mardi. Mais d’autres sources révèlent que ce communiqué conjoint avait été préparé depuis le 17 avril, mais il attendait le feu vert de Félix Tshisekedi. Le chef de l’État congolais n’avait pas encore donné son feu vert pour la publication conjointe de ce document.
Les deux parties sont sous pression américaine
Les deux parties présentes à Doha sont sous pression de Washington, qui veut voir un accord de paix entre les belligérants. L’annonce de cette trêve et d’un engagement pour un dialogue de fond intervient au lendemain d’une rencontre entre le ministre d’État qatari Mohammed Al-Khulaifi, en charge du dossier, et Massad Boulos, le nouveau conseiller principal pour l’Afrique à la Maison Blanche. Lors d’un point de presse le 17 avril 2025, M. Boulos n’avait pas hésité à appeler Kigali à cesser tout soutien au M23 et de retirer ses troupes de la RDC. Une pression continue qui aurait beaucoup pesé sur le premier communiqué conjoint divulgué par Kinshasa et l’AFC/M23. Washington, qui réfléchit sur un accord minier avec la RDC, a tout intérêt de voir un retour rapide et pérenne de la paix dans cette partie du pays. « Le M23 avait même décidé de retirer toute sa délégation de Doha pour retourner dans l’est de la RDC. Et ce changement radical, rapide, de leurs positions peut s’expliquer par le fait que le représentant spécial des États-Unis pour l’Afrique était à Doha », explique à Deutsche Welle le politologue congolais Christian Moleka. Selon ce dernier, la pression américaine a contribué pour beaucoup dans ce retournement de situation.
Le sort incertain de Joseph Kabila
L’entente entre le gouvernement et les rebelles de l’AFC/M23 pourrait mettre l’ancien président de la République, Joseph Kabila, dans une très mauvaise posture. Après son voyage éclair à Goma, fief des rebelles du M23, le gouvernement congolais a pris des mesures sévères contre l’ancien chef de l’État.
Kinshasa durcit le ton contre Joseph Kabila et ses proches. Après l’annonce de la suspension des activités de son parti, le PPRD, sur toute l’étendue du territoire, sa formation politique a été déguerpie de son siège de Kinshasa. « La justice a restitué ce jour [mercredi 23 avril] à Madame Serana sa parcelle située sur l’avenue Pumbu n°22-24, Quartier des Cliniques, dans la commune de la Gombe à Kinshasa », peut-on lire dans le communiqué du ministère de la Justice et Garde des Sceaux. Cette propriété, poursuit la note, a été spoliée depuis 23 ans par Madame Gloria Mteyu, « sœur de l’ancien Président de la République, Joseph Kabila, qui a illégalement abrité le siège du Parti du Peuple pour la Reconstruction et la Démocratie (PPRD) ».
Aux yeux de plusieurs observateurs, Joseph Kabila risque de devenir l’ennemi public numéro un, laissant le M23 devenir désormais un interlocuteur du gouvernement. « Joseph Kabila risque de passer d’un acteur d’alternance démocratique à un paria de la République », estime un analyste qui pense que l’ancien chef de l’État a franchi la ligne rouge en soutenant les thèses d’une rébellion qu’il avait lui-même combattue. La procédure pour enclencher des poursuites judiciaires contre Kabila serait en cours. Le sort de Joseph Kabila dans cette crise reste incertain. Si l’ex-Raïs est réellement en intelligence avec le M23 et l’AFC, cela ne tardera pas à être davantage dévoilé. L’AFC/M23 serait contraint de plaider aussi sa cause à Doha pour une paix globale.
Heshima
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