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RDC : les mouvements citoyens LUCHA et Filimbi sont-ils en perte de vitesse ?

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Véritables porte-étendards des manifestations citoyennes lors de la dernière décennie en République démocratique du Congo (RDC), les mouvements Lutte pour le changement (LUCHA) et Filimbi, qui signifie « coup de sifflet » en swahili, semblent perdre leur cadence depuis le changement de régime politique à la tête du pays. Pourtant, malgré le départ de Joseph Kabila du pouvoir, les défis sociaux et sécuritaires demeurent. L’occupation de certaines villes du pays par les rebelles du Mouvement du 23 mars (M23) a affecté les activités de ces mouvements.

Engagés pour la démocratie, la justice sociale et la bonne gouvernance, les deux mouvements se sont montrés comme des acteurs influents de la société civile lors de la dernière décennie. Fondée en 2012, la LUCHA rassemble plusieurs centaines de jeunes à travers le pays, mais le mouvement a beaucoup fait parler de lui dans les villes de Goma, Beni, Butembo, Lubero et Kinshasa. Malgré les défis sécuritaires et politiques, leur présence et leur action témoignent de leur résilience et de leur détermination à défendre les droits des Congolais.

Cependant, il faut reconnaître que depuis la fin du régime de l’ancien président de la République Joseph Kabila, les actions de ces mouvements ont baissé d’intensité. « Ils avaient focalisé leurs actions notamment sur le départ du pouvoir de Joseph Kabila. Après avoir atteint cet objectif, le reste des actions de la LUCHA et Filimbi n’a pas eu un grand impact », explique un analyste sur les dynamiques politiques en RDC.

LUCHA : un engagement constant pour la démocratie

La LUCHA continue de défendre la dignité humaine, la justice sociale et la démocratie par des actions non violentes. Le mouvement reste actif dans plusieurs provinces, notamment au Nord-Kivu, où il soutient les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) et dénonce les violations des droits humains commises par les groupes armés, y compris le M23 soutenu par le Rwanda. Elle n’hésite pas également à critiquer la gouvernance du président Félix Tshisekedi, l’accusant de renforcer un système autoritaire et de ne pas améliorer les conditions de vie des Congolais.

Dialogue entre Kinshasa et AFC/M23, la LUCHA se positionne

Pour continuer à marquer sa présence dans le débat public, la LUCHA a livré sa position au sujet du dialogue entre le gouvernement congolais et les rebelles de l’AFC/M23, qui se tient à Doha, capitale du Qatar. « Nous tenons à mettre en garde contre des ‘‘accords de paix’’ récompensant les criminels au détriment des victimes, démantelant davantage les services de sécurité et compromettant les principes démocratiques », peut-on lire dans sa déclaration du 24 avril 2025. Ce mouvement se dit donc prêt à s’opposer à tout accord de paix qui viendrait consacrer « une amnistie générale » pour tous les responsables des crimes graves, une « intégration collective » des rebelles au sein de l’armée nationale ainsi qu’une représentation des rebelles au sein des instances politiques du pays.

Filimbi, un mouvement né de la colère socio-politique

Le mouvement citoyen Filimbi, dont le nom signifie « coup de sifflet » en swahili, est né le 15 mars 2015 à Kinshasa. Cette structure a été fondée par des jeunes Congolais issus de divers horizons professionnels, dont Floribert Anzuluni, un banquier, Franck Otete, un médecin, et Yangu Kiakwama Kia Kizi, un licencié en droit. Le lancement officiel a été marqué par une conférence de presse à laquelle ont assisté des représentants de mouvements tels que « Y’en a marre » (Sénégal), « Balai Citoyen » (Burkina Faso) et La Lucha (RDC). Trois des fondateurs de ce mouvement ont été exilés en Europe, après s’être cachés pendant plusieurs semaines à Kinshasa pour fuir la répression organisée par le régime de Joseph Kabila. Parmi eux figurait Floribert Anzuluni. Le jour même de son lancement, une quarantaine de personnes présentes à la conférence ont été enlevées par des militaires, dont certaines ne seront libérées que dix-huit mois plus tard. Les fondateurs ont été accusés de « terrorisme » et de vouloir préparer une insurrection violente, bien qu’ils se revendiquent résolument de la non-violence et du respect du cadre légal.

Cofondé par Carbone Beni, Filimbi agit comme un des acteurs clés de la société civile. Ce mouvement se positionne comme une structure non partisane et non violente, visant à stimuler la participation citoyenne, en particulier des jeunes, afin d’améliorer les conditions de vie en influençant les décisions des autorités. Le nom « Filimbi » symbolise un appel à la mobilisation et à la vigilance face aux injustices.

Fred Bauma et Yves Makwambala, des visages devenus iconiques

Toujours en 2015, le jour du lancement de ce mouvement, Fred Bauma et Yves Makwambala, membres de Filimbi, ont été arrêtés lors d’un atelier organisé pour le lancement du mouvement. Ils ont été inculpés de complot contre le chef de l’État et de tentative de destruction ou de changement du régime constitutionnel. Un rapport d’enquête parlementaire a conclu que les militants de Filimbi n’avaient aucune visée terroriste. Malgré cette intervention du parlement, leur procès s’est finalement ouvert le 26 juin de la même année. La justice a repris les mêmes griefs, notamment celui d’avoir comploté contre la vie ou contre la personne du chef de l’État ; d’avoir tenté de détruire ou de changer le régime constitutionnel ; ou d’avoir incité des personnes à s’armer contre l’autorité de l’État. Les autorités ont aussi accusé Fred Bauma d’avoir troublé l’ordre public, et Yves d’avoir publiquement offensé le chef de l’État.

En décembre 2016, Carbone Beni, un des leaders du mouvement, a été arrêté lors de la mobilisation contre le maintien au pouvoir de Joseph Kabila après la fin de son mandat constitutionnel en décembre 2016. Il a été détenu pendant plus de neuf mois avant d’être condamné à douze mois de prison pour « atteinte à la sûreté intérieure de l’État », « offense au chef de l’État » et « publication et distribution d’écrits subversifs ».

Tshisekedi réchauffe ces mouvements avec le débat sur la Constitution

Comme la LUCHA, Filimbi va perdre son influence après la fin de ce combat politique, consacré par le départ du pouvoir de Joseph Kabila le 24 janvier 2019. Mais Félix Tshisekedi va redonner de l’eau au moulin de ces mouvements en relançant le débat sur la modification ou le changement de la Constitution en octobre 2024. En décembre de la même année, le mouvement s’est opposé fermement à toute modification de la Constitution, dénonçant une tentative de coup d’État masqué et appelant le gouvernement à se concentrer sur les priorités urgentes telles que la sécurité et le bien-être des Congolais. « Nous ne nous laisserons pas faire. Nous sommes prêts à défendre notre Constitution, qui est le fruit de longues luttes et de nombreux sacrifices », avait déclaré Christophe Muyisa, cadre de Filimbi à Goma.

Depuis l’occupation de Goma et de Bukavu par les rebelles du M23, les deux mouvements font face à des menaces, notamment à Goma, où la LUCHA a été explicitement menacée par des partisans de l’AFC/M23, soulignant la pression exercée sur les voix critiques par ces rebelles.

Depuis l’alternance pacifique, Filimbi mène diverses actions, telles que des campagnes de sensibilisation contre l’incivisme, des initiatives d’assainissement urbain, des formations sur la gestion de l’environnement et des mobilisations contre les dépenses publiques excessives. Ce mouvement se consacre maintenant à un autre combat : celui de la réduction significative des dépenses publiques, estimant que 70 % du budget national est consacré au fonctionnement des institutions, au détriment des secteurs essentiels comme l’éducation, la santé et la sécurité. Le mouvement organise des formations pour sensibiliser la jeunesse à la gestion de l’environnement, illustrant ainsi son engagement pour un développement durable.

Heshima

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Immunités parlementaires en RDC : Un équilibre précaire entre justice et impunité

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En République démocratique du Congo (RDC), les immunités parlementaires sont au cœur d’un débat crucial, révélant les tensions entre la protection de l’indépendance des élus et la lutte contre l’impunité dans un pays marqué par des décennies de crises politiques, économiques et de corruption endémique. Inscrites dans la Constitution de 2006, ces protections, conçues pour garantir la liberté d’expression des parlementaires face aux pressions de l’exécutif ou du judiciaire, sont souvent perçues par les citoyens comme un rempart pour une élite politique intouchable. Heshima Magazine examine les diverses approches de la protection parlementaire dans d’autres démocraties.

Les immunités parlementaires puisent leurs origines dans l’histoire européenne. En Angleterre, le Bill of Rights de 1689 consacre la liberté d’expression des parlementaires, les protégeant contre les abus de la monarchie. En France, la Révolution de 1789 marque un tournant : dès 1790, un décret interdit l’arrestation des députés sans autorisation, sauf en cas de flagrant délit, un principe inscrit dans la Constitution de 1791. Ces modèles, britannique et français, ont influencé les systèmes parlementaires à travers le monde, y compris en RDC, où la Constitution de 2006 s’inspire largement du cadre français. L’irresponsabilité protège les opinions et votes des élus de manière absolue, tandis que l’inviolabilité suspend temporairement les poursuites pour des actes extérieurs au mandat, sauf en cas de flagrant délit ou avec l’accord du Parlement. Si ces mécanismes visaient à garantir l’indépendance du législatif, leur application dans des contextes fragiles, comme celui de la RDC, soulève des questions : les immunités servent-elles encore leur finalité originelle, ou sont-elles devenues un outil d’impunité ?

Une histoire parlementaire tumultueuse

Le parlementarisme congolais est marqué par des ruptures profondes. À l’indépendance en 1960, la RDC adopte un système inspiré du modèle belge, avec un Parlement bicaméral et des immunités pour les élus. Mais les crises politiques des premières années, culminant avec la prise de pouvoir de Mobutu Sese Seko en 1965, réduisent le Parlement à une chambre d’enregistrement. Sous son régime autoritaire, les immunités n’ont aucune portée réelle, les « commissaires du peuple » étant soumis au parti unique. La transition des années 1990, marquée par la Conférence Nationale Souveraine, tente de relancer le débat sur le rôle du Parlement, mais les conflits armés entravent toute stabilisation. Ce n’est qu’avec les accords de Sun City en 2002 et la Constitution de 2006 que le Parlement bicaméral renaît, consolidé par trois législatures (2006-2011, 2011-2018, 2018-2023). Malgré cette montée en puissance, les immunités restent controversées, perçues par l’opinion publique comme un privilège protégeant les élus des poursuites, notamment dans un pays où la culture de l’impunité, héritée des périodes troublées, persiste.

Un cadre juridique flou et contesté

La Constitution de 2006 encadre les immunités via l’article 107, qui distingue deux principes. L’irresponsabilité protège les parlementaires contre toute poursuite pour leurs opinions ou votes, une garantie absolue et perpétuelle. L’inviolabilité, plus nuancée, suspend les poursuites ou arrestations en cours de session, sauf en cas de flagrant délit ou avec l’autorisation de l’Assemblée nationale ou du Sénat. Les règlements intérieurs des chambres précisent les procédures de levée d’immunité : une demande du procureur général est examinée par une commission spéciale, puis votée à la majorité absolue en plénière, au scrutin secret. La loi organique de 2013 clarifie la notion de flagrant délit, limitée aux infractions commises ou venant de se commettre, tandis que la loi de 2008 étend des protections similaires aux élus provinciaux.

Pourtant, ce cadre juridique souffre d’ambiguïtés. Que recouvre exactement l’« exercice des fonctions » ? Les déclarations d’un député sur les réseaux sociaux ou lors d’un meeting relèvent-elles de l’irresponsabilité ? Les élus sont-ils protégés hors session ? Ces zones grises, combinées à des interprétations opportunistes, fragilisent l’État de droit. Par exemple, certains juristes estiment que les parlementaires peuvent être poursuivis sans autorisation hors session, tandis que d’autres plaident pour une protection continue. Ces incertitudes alimentent les tensions entre le Parlement et la justice, transformant les immunités en un terrain de luttes politiques.

Des affaires qui cristallisent les tensions

Les immunités parlementaires ont été au cœur de plusieurs affaires emblématiques, révélant les dérives possibles de ces protections. En 2008, Jean-Pierre Bemba, sénateur et ancien vice-président, est arrêté en Belgique pour des crimes de guerre présumés en République centrafricaine. Son immunité, bien que débattue en RDC, n’empêche pas son transfert à la Cour pénale internationale, illustrant les limites des protections nationales face aux juridictions supranationales. En 2012, Eugène Diomi Ndongala, député d’opposition et critique de Joseph Kabila, est arrêté pour une affaire de mœurs et viol invoquant un flagrant délit contesté. L’Assemblée nationale dénonce une violation de son immunité, mais celle-ci est levée en 2014, conduisant à une condamnation à dix ans, avant une grâce en 2019.

En 2014, Jean-Bertrand Ewanga, député d’opposition, est arrêté pour outrage au chef de l’État après des propos tenus lors d’un meeting. Ses défenseurs invoquent l’irresponsabilité, mais la Cour suprême juge que ses déclarations ne relèvent pas de ses fonctions parlementaires, restreignant ainsi la portée de cette protection. En 2017, Ne Muanda Nsemi, député et leader de Bundu dia Kongo, est arrêté sans levée d’immunité pour outrage et incitation à la violence, après des heurts à Kinshasa. Cette action, dénoncée comme un règlement de comptes politique par Jean-Claude Vuemba, à l’époque président de l’assemblée provinciale du Kongo-Central, met en lumière le contournement des procédures.

En 2020, Jean-Jacques Mamba, député du Mouvement de libération du Congo (MLC), est arrêté pour faux en écriture lié à une pétition contre le député Jean-Marc Kabund, sans respect des procédures de levée d’immunité. Son parti et l’Assemblée nationale dirigée à l’époque par Jeanine Mabunda protestent vigoureusement, mais il est rapidement jugé et placé en résidence surveillée. Jean-Marc Kabund, ancien vice-président de l’Assemblée, voit son immunité levée en 2022 pour outrage au chef de l’État, après des propos tenus en conférence de presse. Condamné à sept ans en 2023, il est gracié en février 2025, dans un contexte d’apaisement politique. Enfin, l’affaire Bukanga-Lonzo place Augustin Matata Ponyo, ancien Premier ministre et député, au centre d’un scandale financier. Accusé de détournement de 285 millions de dollars, il fait face à un bras de fer entre l’Assemblée, qui dénonce une violation de son immunité, et la Cour constitutionnelle, qui poursuit le procès entamé avant son élection. En avril 2025, le procureur requiert 20 ans de travaux forcés, mais le verdict est reporté, soulignant les tensions institutionnelles.

Un bras de fer institutionnel

Les relations entre le Parlement et la justice sont marquées par des frictions récurrentes, révélant des conceptions divergentes de la séparation des pouvoirs. Le procureur général près la Cour de cassation, nommé par le président, est souvent perçu comme un relais de l’exécutif, ce qui teinte les demandes de levée d’immunité de soupçons politiques. En 2019, la tentative d’arrestation de Jean-Jacques Mamba pour faux en écriture déclenche une crise. Jeanine Mabunda, présidente de l’Assemblée, dénonce une atteinte au pouvoir législatif, affirmant que l’immunité doit être respectée. En 2016, la levée d’immunité de Samy Badibanga, Fabien Mutomb et Muhindo Nzangi pour falsification de signatures suscite des accusations de politisation, l’UDPS dénonçant une instrumentalisation de la justice. En 2014, le refus de lever l’immunité de Kovo Ingila, Adrien Phoba et Fabrice Puela, protégés par une amnistie, illustre l’application sélective des lois.

L’affaire Matata Ponyo, en 2025, ravive ces tensions. Vital Kamerhe, président de l’Assemblée, accuse la Cour constitutionnelle de violer l’article 107 en poursuivant Matata sans levée d’immunité. Dieudonné Kamuleta, président de la Cour, rétorque que le procès, initié avant l’élection de Matata, échappe à cette exigence. Ce désaccord illustre une divergence d’interprétation des dispositions constitutionnelles, exacerbant les conflits entre les pouvoirs législatif et judiciaire. Certains magistrats, pour contourner les immunités, qualifient abusivement des infractions de « flagrant délit », une pratique condamnée par la Cour constitutionnelle en 2018. D’autres attendent les vacances parlementaires, période où l’inviolabilité est théoriquement levée, comme dans l’arrestation controversée de Franck Diongo en 2016, qui a suscité un vif débat juridique.

Les élus provinciaux dans l’ombre

Les députés provinciaux, bien que moins visibles, bénéficient également d’immunités, définies par les lois provinciales et les règlements des assemblées. Ces protections visent à garantir leur indépendance face aux pressions locales ou nationales, un enjeu crucial dans un pays où les rivalités régionales sont fréquentes. En 2021, Mike Mukebayi, député provincial de Kinshasa, voit son immunité levée pour diffamation contre le gouverneur Gentiny Ngobila. Arrêté à plusieurs reprises, il est condamné en 2023 pour outrage et incitation à la haine, avant une libération conditionnelle en 2025. En 2016, Gabriel Kyungu Wa Kumwanza, député du Haut-Katanga, d’abord proche du régime puis opposant, perd son immunité pour outrage au président Kabila, basé sur un enregistrement contesté, dans un contexte de tensions politiques. En 2020, un député du Nord-Kivu échappe à une levée d’immunité pour détournement de fonds, faute de preuves, illustrant les dynamiques locales où les enjeux politiques influencent les décisions.

Une perception publique marquée par la défiance

Dans les rues congolaises, les immunités parlementaires suscitent des réactions épidermiques. Pour beaucoup de Congolais, elles incarnent un privilège exorbitant, permettant aux élus d’échapper à la justice. Un sondage de 2022 révèle que 78 % des citoyens estiment que les parlementaires abusent de ces protections, et 65 % souhaitent leur suppression. Les médias, en sensationalisant les affaires, amplifient cette perception, souvent au détriment d’une explication nuancée. « Le traitement médiatique manque d’équilibre », note Florence Mbiya, professeure à l’Université de Kinshasa. « On insiste sur les cas où l’immunité protège des accusés, rarement sur son rôle dans l’indépendance du Parlement. »

Des organisations comme l’Association congolaise pour l’accès à la justice (ACAJ) tentent de combler ce fossé par des campagnes de sensibilisation, expliquant que l’immunité diffère l’action judiciaire, sans l’annuler. Pourtant, la pratique contredit souvent la théorie. Entre 2006 et 2023, seules 18 des 43 demandes de levée d’immunité aboutissent, majoritairement contre des opposants ou des élus en disgrâce, renforçant l’idée d’une justice politisée. Cette défiance fragilise le Parlement, pourtant pilier du contre-pouvoir démocratique, un paradoxe souligné par le politologue Joseph Kabundi : « En voulant limiter les immunités pour renforcer l’État de droit, on risque d’affaiblir l’indépendance législative. »

Leçons internationales pour un modèle adapté

La RDC n’est pas seule face à ce dilemme. En Afrique, le Sénégal, depuis 2012, exclut la corruption des immunités, répondant aux attentes de transparence, bien que son application soit parfois sélective. L’Afrique du Sud limite la protection à la parole parlementaire, privilégiant l’égalité devant la loi. Le Kenya simplifie les levées d’immunité pour les infractions graves, tandis que le Ghana restreint leur portée par la jurisprudence. En Europe, l’Italie, après l’opération « Mains propres » en 1993, et la France, depuis 1995, ont réduit les autorisations préalables, facilitant les poursuites tout en préservant l’essentiel de l’immunité. La Suède et les Pays-Bas adoptent des approches minimalistes, ne protégeant que les opinions exprimées en séance.

Ces expériences offrent des pistes pour la RDC. L’Union interparlementaire, en 2014, recommande une définition précise des immunités, des procédures transparentes et des exceptions pour les crimes graves. Transparency International, en 2019, préconise d’exclure la corruption des protections, arguant qu’elle contredit l’égalité devant la loi. Ces modèles suggèrent qu’un équilibre est possible, à condition d’adapter les réformes aux réalités congolaises, marquées par une histoire d’instabilité et une culture politique encore en construction.

Vers une réforme pour restaurer la confiance

Le paradoxe autour de la question de l’immunité alimente une défiance profonde envers les institutions, dans un contexte où la confiance dans l’État de droit demeure fragile. Comment permettre aux élus de s’exprimer sans crainte, tout en garantissant que personne ne soit au-dessus de la loi ? Ce dilemme, omniprésent dans les démocraties, prend une dimension particulière en RDC, où les scandales de corruption et les luttes de pouvoir érodent la légitimité des institutions. L’enjeu, cependant, reste clair : trouver un équilibre entre la préservation de la fonction parlementaire et l’exigence de justice, un défi crucial pour une démocratie en quête de maturité.

Pour surmonter ces défis, la RDC pourrait explorer plusieurs pistes. Créer un comité indépendant, composé de juristes et de représentants de la société civile, pour examiner les demandes de levée d’immunité réduirait les risques de politisation. Limiter l’immunité aux actes directement liés aux fonctions parlementaires, comme les discours ou les votes, clarifierait son champ d’application. Rendre publics les débats et les votes sur les levées d’immunité renforcerait la transparence, répondant aux attentes des citoyens. S’inspirer du Sénégal, où la société civile joue un rôle de veille, ou de la France, avec ses procédures simplifiées, pourrait guider ces réformes. L’implication de mouvements citoyens, comme Lucha, et des médias indépendants serait cruciale pour garantir leur succès.

L’avenir des immunités parlementaires en RDC dépend de la capacité des institutions à restaurer la confiance. Cela exige une meilleure articulation entre la protection de la fonction parlementaire et l’égalité devant la loi, un équilibre délicat mais indispensable. En s’appuyant sur les leçons du passé et les expériences internationales, la RDC peut transformer les immunités en un outil de protection légitime, et non d’impunité. Ce chemin, semé d’embûches, est essentiel pour redonner espoir à un peuple en quête de justice, de dignité et d’une démocratie véritablement équitable.

Heshima Magazine

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La Cour constitutionnelle en RDC : arbitre impartial ou relais du pouvoir ?

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Dans une République démocratique du Congo (RDC) encore hantée par ses démons institutionnels, la Cour constitutionnelle cristallise à la fois les espoirs d’une démocratie en construction et les soupçons persistants d’un pouvoir sans contrepoids. Théoriquement investie du rôle de gardienne de la Constitution et d’arbitre des contentieux électoraux, cette haute juridiction se trouve au cœur d’une interrogation essentielle : défend-elle réellement l’État de droit ou s’est-elle muée, avec le temps, en auxiliaire de l’exécutif ?

L’origine de la Cour remonte à un tournant historique : l’adoption de la Constitution du 18 février 2006, fruit des accords de paix de Pretoria qui mirent un terme à la seconde guerre du Congo. Plus de cinq millions de morts, des institutions à rebâtir, et la promesse d’un nouvel ordre constitutionnel. L’article 157 crée alors une Cour constitutionnelle distincte, censée rompre avec les pratiques d’une justice inféodée, héritée de l’époque coloniale et prolongée sous le régime Mobutu.

À cette époque, le contrôle de constitutionnalité était confié à la Cour suprême, perçue comme une simple caisse de résonance du pouvoir en place. « Sous Mobutu, elle ne faisait qu’entériner les décisions de l’exécutif », résume Me Thierry Nlandu, avocat et constitutionnaliste. L’effondrement du régime en 1997, suivi d’une transition chaotique, met en lumière la nécessité d’un véritable contre-pouvoir judiciaire.

Mais il faudra attendre sept longues années pour que la Cour devienne réellement opérationnelle. Ce n’est qu’en 2013 qu’elle commence à exercer ses fonctions, révélant les résistances politiques à sa mise en œuvre. « Ce délai anormal témoigne de la méfiance des élites politiques face à toute forme de contrôle institutionnel », analyse le politologue Christian Moleka. Entre-temps, la Cour suprême a continué de trancher les litiges électoraux, notamment en 2006 et 2011 dans un climat de fortes contestations.

Alors que le pays s’avance vers de nouvelles échéances électorales, la Cour demeure sous étroite surveillance. Sur le papier, elle incarne l’équilibre des pouvoirs. Dans les faits, son indépendance continue de diviser.

Un mandat taillé pour l’exécutif ?

Neuf juges, neuf ans de mandat, un renouvellement par tiers tous les trois ans : la Cour constitutionnelle de la République démocratique du Congo affiche, sur le papier, tous les attributs d’une institution indépendante et pérenne. Sa composition tripartite, trois membres nommés par le président de la République, trois par le Parlement en Congrès, trois par le Conseil supérieur de la magistrature, semble garantir un savant équilibre des pouvoirs. La Constitution renforce cette exigence d’expertise en imposant que six des neuf juges soient des juristes chevronnés, dotés d’au moins quinze ans d’expérience.

Pourtant, derrière cette architecture juridique soigneusement calibrée, la réalité institutionnelle révèle des fissures préoccupantes. « Le système congolais de nomination des juges constitutionnels présente une faille majeure : le président conserve un pouvoir de validation finale excessif », analyse Bob Kabamba, professeur de sciences politiques à l’Université de Liège. Un constat partagé par de nombreux observateurs dans un pays où l’exécutif exerce traditionnellement une influence déterminante sur le législatif et où le Conseil supérieur de la magistrature peine à affirmer son autonomie.

Les nominations controversées de 2020 ont mis en lumière ces fragilités structurelles. Quand le président Félix Tshisekedi désigne 3 nouveaux juges Dieudonné Kaluba Dibwa, ancien avocat de la République auprès de la CPI, Alphonsine Kalume Asengo Cheusi et Kamula Badibanga, la réaction ne se fait pas attendre. L’opposition dénonce une « mainmise déguisée » sur l’institution, tandis que des manifestations spontanées, bien que très minimes, éclatent dans la capitale. « Ces nominations respectent strictement la Constitution », se défend l’entourage présidentiel. Un argument qui peine à convaincre sur le terrain politique, tant Kaluba est soupçonné d’être proche de Tshisekedi.

Le piège du renouvellement échelonné

Le système de renouvellement par tiers, conçu pour assurer une sage continuité, révèle ses limites dans la pratique. Retards chroniques dans les remplacements, marchandages politiques opaques, sièges laissés vacants : chaque cycle de nomination devient l’occasion de nouvelles batailles d’influence qui grèvent la crédibilité de l’institution.

Des contentieux électoraux aux décisions controversées

L’ère pré-Constitutionnelle de la justice électorale en RDC reste marquée par des décisions qui continuent de hanter la mémoire collective. Avant l’opérationnalisation de la Cour constitutionnelle, c’est la Cour suprême de justice qui endossait le rôle d’arbitre électoral, avec des verdicts lourds de conséquences.

L’élection présidentielle de 2006, censée tourner la page des conflits, a révélé les failles du système. Lorsque Joseph Kabila est déclaré vainqueur face à Jean-Pierre Bemba avec 58% des voix, les contestations éclatent immédiatement. Le challenger dénonce des irrégularités massives dans le processus de dépouillement. Pourtant, la Cour suprême valide les résultats en un temps record, sans véritable examen des preuves avancées. « C’était une mascarade judiciaire », confie encore aujourd’hui un ancien collaborateur de Bemba, sous couvert d’anonymat.

Cinq ans plus tard, le scénario se répète avec une intensité accrue. Le face-à-face entre Kabila et Étienne Tshisekedi donne lieu à l’un des scrutins les plus controversés de l’histoire du pays. Malgré les rapports accablants des observateurs internationaux, l’Union européenne parlant de résultats « non crédibles », le Centre Carter dénonçant un processus « dépourvu de transparence », la Cour suprême confirme une nouvelle fois la victoire du sortant. Les violences qui s’ensuivent à Kinshasa et dans d’autres régions marquent durablement les esprits et sonnent le glas de la crédibilité de l’institution.

Ces épisodes douloureux ont pesé comme une chape de plomb sur les épaules de la nouvelle Cour constitutionnelle lors de sa mise en service en 2013. « Nous héritions d’une défiance systémique envers la justice électorale », reconnaît un ancien membre de l’institution. La tâche était immense : il fallait à la fois se démarquer des pratiques passées et imposer une nouvelle culture de l’indépendance judiciaire dans un paysage politique encore marqué par les réflexes autoritaires.

2018 : La Cour constitutionnelle face au test décisif

L’élection présidentielle de décembre 2018 devint le banc d’essai tant redouté pour la jeune Cour constitutionnelle. Après des années de reports sous Joseph Kabila, ce scrutin historique opposait trois figures emblématiques : Félix Tshisekedi, héritier politique de l’opposant historique Étienne Tshisekedi ; Martin Fayulu, candidat d’une coalition hétéroclite ; et Emmanuel Shadary, dauphin de Kabila.

La proclamation des résultats par la CENI le 10 janvier 2019 déclencha une onde de choc. Alors que Tshisekedi est annoncé vainqueur avec 38,57% des voix, des fuites publiées par le Financial Times révèlent des chiffres radicalement différents, allant jusqu’à attribuer près de 60% des suffrages à Fayulu.

Fayulu saisit immédiatement la Cour constitutionnelle, dénonçant un « coup d’État électoral » et exigeant un recomptage complet. Le 20 janvier, après dix jours d’audiences tendues, la Cour rendit sa décision. D’une voix ferme, elle rejeta toutes les requêtes de Fayulu, validant l’élection de Tshisekedi. Le verdict, rédigé dans un jargon juridique impeccable, ne parvint pas à masquer le malaise ambiant. Dans les coulisses, des sources judiciaires confièrent à Jeune Afrique que plusieurs juges avaient exprimé des réserves, mais s’étaient finalement rangés à l’avis majoritaire.

Bien qu’il y ait eu des scènes de liesse parmi la population congolaise à la suite de la confirmation de la victoire de Félix Tshisekedi, l’onde de choc de cette décision s’est propagée bien au-delà des frontières congolaises. Tandis que Fayulu qualifiait la Cour d’« instrument de légitimation d’une mascarade », certains partenaires internationaux ont adopté une position ambiguë, reconnaissant officiellement la victoire de Tshisekedi tout en exprimant des « préoccupations sérieuses ».

L’ombre de 2018 continue de planer sur la Cour constitutionnelle. Si l’institution a depuis rendu d’autres arrêts notables, c’est bien ce jugement qui reste gravé dans la mémoire collective comme son heure de vérité, ou son occasion manquée. Alors que le pays s’achemine vers de nouvelles échéances électorales, nombreux sont ceux qui s’interrogent : la Cour saura-t-elle tirer les leçons de ce passé récent, ou reproduira-t-elle les mêmes schémas qui ont entaché sa crédibilité ?

2023 : La Cour constitutionnelle face au paradoxe de la légitimité

Le dernier scrutin présidentiel de décembre 2023 a placé la Cour constitutionnelle face à un dilemme familier. La réélection de Félix Tshisekedi, avec un score sans appel (73,47 %) face à Moïse Katumbi (18 %) et Martin Fayulu (4,9 %), a ravivé le débat sur le rôle de l’institution dans la validation des processus électoraux.

Le jour du scrutin, certains bureaux de vote n’ont pas ouvert à l’heure et de nombreux électeurs ont peiné à retrouver leurs noms sur les listes. En réponse, la CENI a prolongé le vote sur plusieurs jours dans certaines circonscriptions, une décision vivement critiquée par des missions d’observation.

Félix Tshisekedi est déclaré vainqueur de l’élection présidentielle avec plus de 73 % des suffrages, distançant largement ses principaux concurrents, Moïse Katumbi et Martin Fayulu.

Lorsque Théodore Ngoy, un candidat marginal, dépose un recours détaillant des irrégularités, la Cour adopte une position nuancée. Tout en reconnaissant la réalité de certaines anomalies, elle estime dans son arrêt du 9 janvier 2024 que celles-ci n’étaient pas « d’une ampleur susceptible d’influer sur l’issue globale du scrutin ».

Cette décision en demi-teinte n’a pas convaincu l’opposition. Le boycott judiciaire de Katumbi témoigne de la défiance ambiante : « Plutôt que de recourir à une Cour complice, nous choisissons de dénoncer par d’autres moyens », déclare-t-il à RFI, dans un cinglant désaveu de l’institution.

Cependant, contrairement à 2018, la Cour a fait des efforts notables de transparence. Son jugement de 2023 s’appuie sur un dispositif argumenté détaillant méthodiquement chaque grief, citant les rapports d’observation et fournissant des analyses statistiques. « C’est une évolution positive dans la forme, même si le fond reste discutable », admet un expert électoral sous couvert d’anonymat.

Toutefois, cette victoire écrasante, bien que marquée par des irrégularités localisées relevées par les observateurs, n’a pas suscité de contestation majeure quant à la légitimité du résultat final. Les missions d’observation, tant nationales qu’internationales, y compris le monitoring conjoint de la CENCO et de l’ECC, ont certes signalé des cas de bourrages d’urnes et des dysfonctionnements organisationnels, mais sans remettre en cause l’issue globale du scrutin. Aucune institution internationale ni capitale étrangère n’a émis de doute sérieux sur la proclamation du vainqueur, ni avancé de résultats alternatifs, confirmant ainsi une acceptation générale du verdict des urnes malgré les imperfections du processus.

Les défis dans le contexte des élections

Le rôle de la Cour constitutionnelle est central dans le traitement des recours électoraux. Pourtant, cette fonction se révèle problématique, notamment à cause des délais prolongés dans la prise de décision, de l’absence de transparence dans les délibérations, et du manque d’explications détaillées concernant les jugements rendus. Par exemple, lors des élections de 2011 et 2018, la Cour a été accusée de ne pas avoir pris en compte les préoccupations relatives aux fraudes électorales et aux irrégularités constatées durant le scrutin.

De plus, la Cour constitutionnelle est souvent accusée de manquer de l’indépendance nécessaire pour garantir une justice équitable. L’absence de diversité dans la composition de ses membres, et l’influence perçue du pouvoir exécutif, sont autant de facteurs qui renforcent la perception d’une institution partiellement alignée sur les intérêts politiques en place. Dans un contexte aussi chargé politiquement, les décisions de la Cour doivent impérativement être perçues comme transparentes et crédibles pour que la démocratie puisse se renforcer.

Nécessité d’une réforme

Face à ces multiples critiques, une réforme de la Cour constitutionnelle s’avère essentielle pour redonner confiance au peuple congolais. Plusieurs réformes sont envisagées pour renforcer l’indépendance et la transparence de cette institution. Parmi celles-ci, le renouvellement du mode de nomination des juges semble crucial. Actuellement, les membres de la Cour sont nommés par le Président de la République, ce qui suscite des inquiétudes quant à leur impartialité. Un processus de nomination plus inclusif, impliquant plusieurs institutions et acteurs de la société civile, pourrait garantir une plus grande légitimité.

Il est également nécessaire de revoir les processus décisionnels au sein de la Cour. La transparence des délibérations et la publication des motifs des décisions sont des mesures qui pourraient aider à apaiser les tensions et à renforcer la confiance du public. Lorsque la Cour rend une décision sur un recours électoral, il est crucial que celle-ci soit accompagnée d’explications claires et détaillées afin que la population comprenne les raisons qui ont conduit à un jugement spécifique, surtout lorsqu’il s’agit de résultats électoraux hautement contestés.

Rôle crucial dans la stabilité politique

Le rôle de la Cour constitutionnelle va au-delà de la simple validation des élections. Elle incarne également un gage de stabilité politique en période postélectorale, lorsque les tensions sont exacerbées et que les résultats sont remis en cause. Si la Cour prend des décisions éclairées et justifiées, elle peut contribuer à apaiser les tensions politiques et à éviter les dérives violentes qui ont marqué le passé du pays.

Cependant, cette fonction de régulateur de la vie politique n’est possible que si la Cour joue pleinement son rôle d’arbitre impartial. Si les décisions rendues sont perçues comme étant motivées par des intérêts politiques, cela risque d’aggraver les conflits et de déstabiliser davantage le pays. En ce sens, une réforme de la Cour constitutionnelle est une condition sine qua non pour renforcer l’état de droit en RDC et garantir un climat politique apaisé.

Vers une réforme nécessaire

La Cour constitutionnelle de la RDC doit se réinventer pour répondre aux attentes des Congolais et garantir le bon fonctionnement de la démocratie. Les réformes envisagées, tant au niveau de la composition de l’institution que de son fonctionnement interne, doivent permettre de restaurer sa crédibilité et son indépendance. Le renforcement de la transparence dans ses décisions et la promotion de l’intégrité de ses juges seront des éléments-clés pour assurer une justice électorale fiable.

En fin de compte, la confiance en la Cour constitutionnelle est essentielle pour la consolidation de la démocratie en RDC. C’est en garantissant l’indépendance de cette institution et en redonnant à ses décisions une légitimité incontestée que la RDC pourra espérer avancer sur la voie de la stabilité politique et du progrès démocratique. Les réformes de la Cour ne sont pas seulement une question de politique intérieure, mais une nécessité pour l’avenir du pays.

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Entre vitrine internationale et réalités locales, le pari risqué de « Visit DRC »

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La République démocratique du Congo (RDC) cherche à renforcer sa visibilité internationale en s’associant à un club de football européen reconnu. L’affichage du nom de la RDC sur les maillots de l’AS Monaco lors des matchs officiels constitue un vecteur de promotion touristique et culturelle. Cependant, le pays de Félix Tshisekedi peine à réunir les prérequis pour un meilleur accueil des touristes. L’état des services aéroportuaires, le manque de sécurité, l’état impraticable du réseau routier et surtout l’insalubrité constituent des problèmes à résoudre avant de lancer un tel partenariat.

Le 10 mai, le ministre des Sports et Loisirs, Didier Budimbu, a signé un protocole d’accord avec Thiago Scuro, directeur général de l’AS Monaco, portant sur la promotion du football congolais et du tourisme. Ce contrat, d’une valeur de 1,6 million de dollars par saison, devrait concerner le développement du football congolais, avec un accent particulier sur le football. Il s’agit notamment de la formation d’entraîneurs, l’exécution de programmes de développement des jeunes talents, l’amélioration des infrastructures sportives et le renforcement des ligues locales. Une part du contrat est consacrée à la visibilité de la RDC à travers ce club de la principauté. Un autre aspect de cet accord est la contribution financière additionnelle de 200 000 euros prévue pour couvrir les frais de déplacement et de coordination de l’AS Monaco dans le cadre de ses interventions en RDC.

Sur le plan de la visibilité, le gouvernement tente d’imiter la politique rwandaise dur le tourisme avec Visit Rwanda. Une stratégie jugée mimétique par certains observateurs congolais, qui y voient une copie mal adaptée du modèle rwandais. « Ils veulent ‘‘Visit Congo’’ pendant qu’ici, routes, sécurité et aéroport sont à l’agonie. On vend une vitrine sans boutique, un rêve sans socle. Avant d’acheter des slogans, qu’on construise un pays. Sinon, c’est inviter au festin dans une maison en feu », a réagi un Congolais sur X. Beaucoup voient dans ce mimétisme du gouvernement une volonté de mettre la charrue avant les bœufs. « Ces touristes qu’on invite vont atterrir à l’aéroport de N’djili avec toutes les tracasseries qui caractérisent cette frontière ? Un travail d’image du pays devrait être fait en amont avant de signer de tels partenariats », a déclaré Sylvestre Kabongo, un analyste sportif. « Nous serons témoins de l’échec de ce partenariat. », ajoute un autre Congolais, estimant que le gouvernement devrait commencer par rendre le pays attractif avant d’inciter les touristes à venir visiter la RDC. L’insalubrité persistante, la corruption endémique et les embouteillages chroniques sont autant d’obstacles évoqués à ce projet de soft power.

De son côté, le gouvernement tente de tempérer. « Il ne s’agit pas forcément d’un contrat de visibilité mais plutôt d’un contrat de transfert de compétences pour l’amélioration du football en RDC et non Visit DRC », a déclaré une source citée par 7SUR7.CD.

Entre coopération sportive et image de marque

Ce partenariat s’inscrit dans une volonté de renforcer les relations entre la RDC et la France, en particulier dans le domaine du sport. Il ouvre la voie à de futures collaborations dans d’autres secteurs tels que l’éducation, la santé et la culture. Le succès de ce partenariat, selon certains, pourrait inciter d’autres clubs européens à collaborer avec la RDC, favorisant ainsi une diplomatie sportive active. Certaines sources au sein du ministère des Sports évoquent déjà des contacts avec des clubs espagnols majeurs comme le Real Madrid et le FC Barcelone. Avec ce partenariat, il est envisagé d’étendre ce type de projets sportifs à d’autres provinces de la RDC et de pérenniser les événements sportifs organisés.

Cette collaboration a été initiée par l’ancien international congolais Distel Zola, un ancien joueur de l’AS Monaco et fondateur de la Fondation « Bana Zola », qui œuvre en faveur des enfants défavorisés en RDC. En 2022, l’AS Monaco avait soutenu un tournoi de football organisé à Kinshasa, fournissant des tenues de match et du matériel sportif. Cet événement, soutenu par le Programme Alimentaire Mondial (PAM), visait à sensibiliser les jeunes à l’importance d’une alimentation équilibrée tout en leur offrant un moment d’évasion à travers le sport.

Une stratégie de marketing du Rwanda

Le Rwanda a établi des partenariats stratégiques avec plusieurs clubs de football européens dans le cadre de sa campagne de promotion touristique « Visit Rwanda ». Ces accords visent à renforcer la visibilité internationale du pays et à stimuler son secteur touristique. Depuis 2018, le Rwanda est le premier sponsor de la manche du maillot d’Arsenal, avec un contrat d’une valeur de 10 millions de livres sterling par an. Ce partenariat a été prolongé en 2021 pour quatre années supplémentaires. Il en est de même pour le club français du Paris Saint-Germain (PSG).

En août 2023, Kigali a signé un partenariat de cinq ans avec le Bayern Munich, axé sur le développement du football des jeunes et la promotion du tourisme. Ce partenariat comprend la création d’une académie de football FC Bayern au Rwanda. Début mai 2025, Kigali a conquis aussi l’Atletico Madrid, troisième club espagnol au classement actuel de la Liga.

Heshima

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