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Grand Katanga : de l’ère Katumbi à la gouvernance décentralisée

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Le Grand Katanga, région emblématique de la République démocratique du Congo (RDC), demeure au cœur des dynamiques économiques, politiques et sociales du pays. Cette vaste étendue du sud-est congolais, riche en minerais stratégiques comme le cuivre et le cobalt, a traversé des mutations majeures au fil des décennies. Deux périodes distinctes marquent son histoire récente : l’ère Moïse Katumbi (2007-2015), caractérisée par un Katanga provincial unifié sous son gouvernorat, et la période actuelle, marquée par son démembrement en quatre provinces (Haut-Katanga, Lualaba, Haut-Lomami, Tanganyika) depuis 2015. Ces entités sont sous l’autorité de gouverneurs tels que Jacques Kyabula Katwe, Fifi Masuka Saini, Christian Kitungwa et Marmont Banza. Heshima Magazine propose une analyse comparative documentée de la gouvernance et du développement du Grand Katanga sous ces deux configurations.

Secteur minier : de la centralisation à la redistribution

Le secteur minier, pilier économique du Grand Katanga, cristallise les contrastes entre l’ère centralisée de Moïse Katumbi et les dynamiques actuelles, animées par une volonté de redistribution plus équilibrée. Sous Katumbi, la gestion des ressources était fortement concentrée à Lubumbashi, privilégiant les grands projets industriels portés par des multinationales comme Glencore (via Katanga Mining et Kamoto Copper Company) ou China Molybdenum (CMOC). Selon le rapport 2014 de l’Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives (ITIE-RDC), le Katanga assurait près de 50 % des exportations nationales de cuivre et de cobalt. Cette position stratégique avait attiré d’importants capitaux étrangers, mais suscitait des critiques récurrentes sur l’opacité entourant la gestion des contrats miniers. En 2015, Jeune Afrique évoquait « une opacité manifeste », nourrie par des soupçons de favoritisme envers certains partenaires économiques proches du gouverneur.

Aujourd’hui, la RDC s’est imposée comme le premier producteur mondial de cobalt, représentant environ 70 % de la production globale en 2023, et le deuxième pour le cuivre. CMOC, exploitant ses sites de Tenke Fungurume (TFM) et Kisanfu dans le Lualaba, a extrait 55 526 tonnes de cobalt en 2023, enregistrant une hausse spectaculaire de 174 % sur un an et consolidant sa position de leader mondial. Les dix principales sociétés minières opérant en RDC, majoritairement chinoises et occidentales, ont exporté la même année environ 2,17 millions de tonnes de cuivre.

Parallèlement, l’exploitation artisanale, qui pèse pour 10 à 20 % de la production nationale, demeure un acteur économique incontournable. Pourtant, ce segment reste marginalisé : entre 200 000 et 2 millions de personnes en dépendent sans bénéficier d’un encadrement structuré, révèle une enquête de Mongabay. Le contraste est saisissant entre les zones industrielles comme Kolwezi ou Fungurume, où les bénéfices sont captés par les majors, et les localités rurales telles que Manono ou Pweto, souvent délaissées.

Entre 2024 et 2025, malgré la croissance industrielle, de nouvelles tensions ont émergé. En février 2025, confrontées à une surproduction menaçant les cours mondiaux, les autorités congolaises ont temporairement suspendu les exportations de cobalt pendant quatre mois. Simultanément, des efforts de transparence ont été initiés sous l’égide de l’ITIE-RDC. Le code minier a été révisé pour augmenter les royalties, imposer la publication des bénéficiaires effectifs, et porter à 7 milliards USD le budget destiné aux infrastructures dans le cadre du contrat sino-congolais Sicomines, doublant ainsi le montant initial.

Cependant, la réforme engagée en 2018 tarde à produire des effets tangibles pour les petits exploitants. Il a fallu attendre 2024 pour qu’une première parcelle de 425 hectares soit attribuée à l’Entreprise générale du cobalt (EGC), une réponse insuffisante aux besoins réels de centaines de milliers de creuseurs artisanaux. Sur le terrain, les coopératives manquent de financement pour se mécaniser, et les conditions de travail restent souvent précaires, avec des risques sanitaires persistants liés à l’exposition aux radioéléments.

Depuis le démembrement du Katanga, des approches plus localisées ont vu le jour. Dans le Haut-Katanga, le gouverneur Jacques Kyabula a instauré des mécanismes de répartition des taxes minières en faveur des communautés locales, comme le rapporte Actualité.cd en mars 2024. À Lualaba, Fifi Masuka Saini a lancé des programmes d’encadrement des exploitants artisanaux, avec un appui direct du gouvernement provincial, selon Radio Okapi en juillet 2024. D’après un rapport du Congo Research Group (2023), ces initiatives ont permis d’intégrer progressivement les creuseurs artisanaux, responsables d’environ 20 % de la production de cobalt. Toutefois, l’exploitation illégale persiste, tout comme les conflits fonciers, alimentés par un flou persistant sur la répartition des droits.

Marie Kapinga, creuseuse artisanale à Kolwezi, témoigne : « Avant, on n’avait rien, juste des promesses. Aujourd’hui, avec les coopératives soutenues par le Lualaba, on reçoit des formations et un peu plus d’argent reste dans la province. Mais il faut encore plus de contrôle pour éviter les abus. »

Infrastructures : des symboles aux réseaux

L’ère Moïse Katumbi, à la tête du Katanga entre 2007 et 2015, s’était illustrée plus par des projets d’infrastructures à forte portée symbolique. « Katumbi construisait pour impressionner », observe Marie Chisela, urbaniste basée à Kalemie. « Les passerelles de Lubumbashi étaient magnifiques, mais nous, dans le Nord, nous attendions toujours l’asphaltage de nos routes principales. Cette inégalité territoriale créait des frustrations durables. » La modernisation du stade de la Kenya à Lubumbashi, les voiries rénovées dans certains quartiers centraux, ou certaines extensions de la couverture téléphonique, visaient à incarner une dynamique de modernisation. Toutefois, ces efforts restaient largement cantonnés aux centres urbains. Un rapport de la Banque mondiale publié en 2016 pointait un déséquilibre flagrant : sur plus de 225 000 kilomètres de routes recensés en RDC, seuls 3 000 sont bitumés et fonctionnels, avec une nette prédominance dans les zones métropolitaines. Les régions rurales telles que Dilolo ou Sakania demeuraient enclavées, entravant leur intégration économique régionale. S’ajoutaient des critiques récurrentes sur le manque de transparence dans l’attribution des marchés publics. En 2014, le site Voiceofcongo.net rapportait des soupçons de favoritisme et de clientélisme autour de certains contrats d’exécution.

Avec l’avènement d’une gouvernance décentralisée, la logique de développement s’est partiellement infléchie. Les investissements ont gagné en diversité et en ancrage territorial, accordant une attention accrue aux besoins locaux. Dans le Haut-Katanga, les routes secondaires reliant les zones agricoles aux centres de commerce ont été réhabilitées, facilitant l’écoulement des produits locaux. À Lualaba, l’accès à l’électricité s’est élargi grâce à l’extension du réseau de la SNEL vers des localités jusque-là marginalisées comme Fungurume. L’aéroport de Kolwezi, longtemps vétuste, a été partiellement modernisé pour améliorer la connectivité aérienne. Pendant ce temps, dans le Tanganyika, les autorités provinciales ont lancé plusieurs projets d’adduction d’eau en milieu rural, réduisant les distances parcourues quotidiennement pour l’accès à l’eau potable. Selon un rapport du PNUD publié en 2024, ces efforts ont eu un impact direct sur la qualité de vie des communautés ciblées.

Malgré ces initiatives, la coordination entre les provinces reste lacunaire. Faute de stratégie nationale cohérente, chaque entité agit selon ses priorités, au risque de créer des chevauchements ou des incohérences. « Les provinces travaillent chacune de leur côté, ce qui peut créer des doublons ou des incohérences », constate Pierre Molaj, analyste politique basé à Lubumbashi. Si les limites du système sont palpables, l’approche décentralisée offre néanmoins une souplesse et une réactivité contrastant avec la vision plus centralisée et symbolique de l’époque Katumbi.

Services sociaux : proximité et défis qualitatifs

Le démembrement provincial a profondément remodelé le paysage des services sociaux dans le Grand Katanga, touchant notamment la santé et l’éducation. Sous Moïse Katumbi, certaines infrastructures à Lubumbashi (hôpitaux et établissements scolaires) étaient visibles et partiellement modernisées, mais ces investissements peinaient à essaimer hors de la capitale provinciale. En 2013, RFI soulignait que les salaires des enseignants et du personnel soignant étaient souvent versés en retard, dégradant la qualité des services, et citait le témoignage de Thérèse Mbuyi sur le manque de personnel formé à Kamina.

Avec l’entrée en fonction des nouveaux gouverneurs, un virage vers une meilleure proximité s’est amorcé. Dans le Haut-Katanga, Jacques Kyabula a lancé en 2023 un vaste programme de recrutement d’enseignants, créant 1 500 postes supplémentaires pour répondre au besoin en personnel qualifié, une priorité relayée par Top Congo FM. À Lualaba, la gouverneure Fifi Masuka Saïni a placé le développement social au cœur de son plan quinquennal 2024–2028, doté de plus de 3 milliards USD, en multipliant les centres de santé communautaires, notamment à Mwanza Mpango où un nouvel hôpital moderne est en construction pour réduire les distances parcourues par les patients. Dans le Tanganyika, l’UNICEF, avec son partenaire Education Cannot Wait, soutient des bourses scolaires pour filles et l’aménagement d’infrastructures éducatives adaptées aux zones affectées par les conflits et les déplacements internes. Ce programme touche aujourd’hui 67 000 enfants, dont environ 32 000 filles et garçons déjà scolarisés, alors que la province compte 1,8 million d’enfants en âge de l’être.

Cette orientation marque un progrès concret, mais la qualité des services reste disparate selon les territoires. Les nouveaux établissements sont souvent dépourvus de matériel médical adéquat ou de manuels scolaires en nombre suffisant, comme le souligne le Dr Albert Tshibangu, médecin à Kalemie. Le Tanganyika illustre cette dualité : confronté à 45 % de population en insécurité alimentaire, le programme de cantines scolaires géré par le PAM et les communautés scolaires a mis en place des cultures locales (manioc, patate douce) destinées à nourrir plus de 23 700 élèves entre 2023 et 2025, mais les défis logistiques (routes, approvisionnement, recrutement d’enseignants) demeurent, note actualité cd en mai 2025.

En parallèle, au niveau national, le gouvernement a lancé en février-mars 2025 une opération de recrutement d’enseignants et directeurs scolaires à travers dix provinces (dont le Haut-Lomami), dans le cadre d’une réforme visant à professionnaliser le corps enseignant et améliorer la gouvernance des écoles publiques.

Ainsi, si des progrès palpables ont été réalisés en termes de proximité et d’effectifs, la qualité globale reste inégale, particulièrement dans les zones rurales ou fragilisées. Le principal défi des provinces réside désormais dans le renforcement des capacités logistiques, la fourniture d’un matériel adapté, et la stabilisation du personnel pour assurer un service social équitable, rompant ainsi avec l’ancien modèle centralisé de Katumbi.

Gouvernance et redevabilité : un cap exigeant

Sous Moïse Katumbi, la gouvernance, centrée sur sa figure charismatique, souffrait d’un déficit de redevabilité. Un rapport du Congo Research Group de 2015 évoquait des tensions constantes entre le gouverneur et l’Assemblée provinciale, une marginalisation de la société civile et un manque de transparence dans l’utilisation des fonds publics. Le Monde, en 2014, relayait des accusations de conflits d’intérêts liés aux affaires commerciales de Katumbi, tandis que Human Rights Watch documentait la fermeture d’espaces médiatiques et l’intimidation de voix critiques.

Depuis le démembrement, les provinces sont soumises à une exigence accrue de reddition des comptes. En 2024, dans le Haut Katanga, le gouverneur Jacques Kyabula a organisé des sessions publiques de présentation du budget provincial et rendu plus transparentes les sessions de l’Assemblée provinciale, notamment grâce au nouveau bâtiment inauguré en novembre, financé sur fonds propres. Cependant, la gestion des ressources continue de susciter des interrogations : en mars 2025, près d’une centaine d’anciens agents du gouvernorat ont saisi la justice pour réclamer des salaires et indemnités non versés depuis août 2024.

Dans la province de Haut-Lomami, le gouverneur a sollicité l’Inspection Générale des Finances (IGF) et la Cour des comptes pour auditer la gestion locale. En juillet 2024, il a invité leurs services à des contrôles réguliers et transparents lors de sa prise de fonction. Pourtant, un rapport de l’IGF datant de 2023 signalait toujours des irrégularités dans plusieurs provinces, notamment les transferts de salaires fictifs et la corruption institutionnalisée, représentant un manque à gagner estimé à ± 65 millions USD par mois selon certaines sources.

Autour de Lualaba et du Tanganyika, la gouvernance décentralisée a aussi intégré la société civile dans le contrôle des projets miniers et de développement. En 2025, Geopolismagazine.org soulignait la participation active des ONG locales dans le suivi budgétaire et environnemental à Lualaba, même si certains observateurs pointent une persistance de la corruption à l’échelle de l’exécutif provincial.

Selon Sophie Ngalula, activiste à Lubumbashi : « La décentralisation a rapproché les décisions des citoyens, mais la corruption reste un frein. » Les efforts en matière de transparence sont indéniables, mais la faiblesse des structures de contrôle, l’absence de sanctions dissuasives et les réseaux clientélistes demeurent des obstacles majeurs.

Le passage d’une gouvernance centralisée à un modèle provincial ouvert, impliquant Assemblées, citoyens, presse et institutions de contrôle, instaure une dynamique nouvelle. Si le modèle top down de Katumbi a progressivement cédé la place à une approche plus participative, son efficacité dépend désormais de la consolidation des mécanismes de reddition de comptes et de lutte contre la corruption, au-delà de la seule volonté politique.

Développement rural : une lente émergence

Le développement rural figurait peu parmi les priorités durant l’ère Katumbi, orientée vers l’industrialisation et les centres urbains. Pourtant, dès 2008, Moïse Katumbi avait encouragé la mise en culture de terres allouées aux entreprises minières, réduisant la dépendance aux importations alimentaires de 98 % à moins de 25 % en 2015. Toutefois, selon un article de la chaine allemande Deutsche Welle en 2015, les agriculteurs locaux continuaient de dépendre de l’aide humanitaire, notamment en raison du mauvais état des routes et du manque d’intrants.

Depuis le démembrement, un changement net s’esquisse. D’après le rapport 2025 de la FAO, un soutien de 4,5 millions USD destiné à dix communautés agricoles s’est traduit par l’introduction de semences améliorées, de pratiques agroforestières et de bio-pesticides, avec une première centaine de micro-entreprises agricoles en gestation. Dans le Haut-Lomami, un projet scientifique récent souligne la voie prometteuse d’une intensification durable de la culture du manioc, visant à renforcer la sécurité alimentaire locale.

À Tanganyika et Haut-Lomami, l’insécurité alimentaire reste préoccupante : environ 25 millions de Congolais sont aujourd’hui en situation de crise ou d’urgence alimentaire, et Tanganyika est la province la plus touchée, en raison des conflits, inondations et faibles investissements ruraux. Pour y remédier, des partenariats FAO/PAM soutiennent plusieurs milliers de petits exploitants (18 000 ménages) ciblés entre Kabalo et Nyunzu dans la reconstruction des filières agricoles, via un vaste programme de résilience.

Localement, des initiatives concrètes émergent. À Lualaba, les autorités provinciales s’appuient sur la mise en place d’entrepôts communautaires destinés aux producteurs, afin de réduire les pertes post-récolte et faciliter l’accès aux marchés, comme rapporté par le site congolais Ouragan.cd en 2024. Cette mesure, associée à des pistes rurales améliorées, a permis à des agriculteurs de la région de Kolwezi de transporter leurs récoltes vers les marchés urbains sans détérioration prématurée.

Cependant, l’impact de ces projets reste freiné par un manque de coordination au-delà des frontières provinciales, limitant le développement de chaînes de valeur régionales. Les infrastructures routières et les capacités de stockage restent insuffisantes, notamment faute d’entrepôts frigorifiques, et l’intensification agricole réclame un soutien accru.

Sécurité et cohésion sociale : un équilibre précaire

La sécurité demeure un enjeu critique dans les provinces du Grand Katanga, particulièrement au Tanganyika, où les affrontements entre communautés, notamment entre Twa et Bantous, ont causé plus de 1 400 morts et 650 000 déplacés entre 2013 et 2020. Pendant l’ère Katumbi, la réponse aux tensions reposait essentiellement sur la répression centralisée : un rapport de l’ONU de 2014 pointait un recours systématique aux forces policières et militaires plutôt qu’à des mécanismes de dialogue, une approche également observée dans la gestion des conflits communautaires dans l’est de la province depuis Lubumbashi.

Aujourd’hui, le gouverneur Christian Kitungwa Muteba, élu en avril 2024, prône une approche plus participative. Il a instauré des dialogues communautaires et des consultations civiques directes, comme en octobre 2024 lorsque les citoyens de Kalemie, confrontés à l’insécurité (embuscades, attaques de routes), ont été invités à co-construire avec les autorités provinciales des stratégies de sécurité. En septembre 2024, une réunion entre la province et l’USAID à Tanganyika a confirmé l’engagement des autorités à impliquer chaque habitant dans le processus de paix.

Pourtant, la menace des groupes armés persiste. Selon un rapport de la MONUSCO, plus de cent groupes armés sont encore présents dans l’est de la RDC, et dans le Tanganyika seulement, plus de 100 civils ont été tués récemment dans des violences intercommunautaires. Les milices communautaires, souvent formées localement, continuent de défier l’État et l’armée nationale (FARDC), appuyée par des bases telles que le camp de Kimbembe, peine à assurer une protection permanente.

Ainsi, bien que l’initiative de Kitungwa marque un pas vers la cohésion sociale par le dialogue et la participation citoyenne, l’insécurité armée et les conflits ethniques continuent de fragiliser cet équilibre. Le défi principal reste de transformer une stabilisation précaire en paix durable par une action conjointe plus structurée entre autorités provinciales, gouvernement central et institutions internationales.

Une dynamique en marche, mais encore incomplète

La gouvernance décentralisée du Grand Katanga a opéré une rupture avec l’approche centralisée de Moïse Katumbi, ouvrant la voie à un développement plus structuré et inclusif. Les progrès dans les infrastructures rurales, les services sociaux et la redevabilité témoignent d’une dynamique nouvelle, bien que des défis comme la corruption et la coordination interprovinciale persistent. L’ère Katumbi, malgré ses réalisations, souffrait d’une concentration excessive des bénéfices à Lubumbashi et d’une opacité dans la gestion. Pour l’avenir, le Grand Katanga devra renforcer la coopération entre ses provinces pour maximiser son potentiel, tout en consolidant les acquis de la décentralisation.

Cependant, plus de 15 ans après la mise en œuvre de la décentralisation, le développement des provinces tarde à se concrétiser pleinement. La crise institutionnelle au niveau des provinces est devenue récurrente, et les institutions provinciales sont parfois privées des moyens nécessaires pour mettre en œuvre leurs politiques. Certains estiment que cet échec relatif est dû à la mauvaise gestion et au non-respect des principes constitutionnels.

Il est donc impératif de placer la transparence, la responsabilité et la coordination entre les différentes entités administratives au premier plan. Ce n’est qu’en renforçant ces piliers que le Grand Katanga pourra réaliser son plein potentiel et offrir à ses citoyens un développement durable et équitable.

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Sous pression de la Présidence : Daniel Bumba sur un siège éjectable ?

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La gestion financière du gouverneur de la ville-province de Kinshasa est minutieusement examinée. Le vice-Premier ministre et ministre de l’Intérieur, Jacquemain Shabani, a lancé une mission de contrôle portant sur la gestion des ressources financières sous la responsabilité du gouverneur Daniel Bumba depuis 2014 jusqu’à aujourd’hui. Parallèlement, la Présidence de la République, par l’intermédiaire de son directeur de cabinet, a mis en place une autre mission chargée d’auditer la gestion des fonds d’assainissement de Kinshasa (FOSAK). Cependant, l’initiative du ministère de l’Intérieur alimente interrogations, attentes et débats au sein de la classe politique comme dans l’opinion publique. Cette mission aboutira-t-elle à l’éviction du gouverneur ? Voilà la grande question.

Dans un document signé le 24 novembre 2025, le directeur de cabinet du chef de l’État, Anthony Nkinzo, a ordonné une mission d’évaluation « circonstanciée » des opérations du Fonds d’assainissement (FONAK) de Kinshasa. Cette enquête, menée par quatre membres du cabinet présidentiel, se déroule du 27 au 28 novembre 2025. Cette action de la Présidence coïncide avec une autre mission de contrôle lancée le 13 novembre 2025 par le vice-Premier ministre et ministre de l’Intérieur, Jacquemain Shabani, pour superviser la gestion des ressources financières de la capitale par le gouverneur Daniel Bumba.

Dans une lettre adressée au gouverneur, Jacquemain Shabani informe qu’une mission de contrôle composée de l’Inspection Générale de la Territorialité, en collaboration avec les experts du Secrétariat Général aux Finances et de la Direction générale de la trésorerie et de la comptabilité publique (DGTCP), placée sous la supervision de son cabinet, a été mise en place. « Cette mission a pour objet d’effectuer un contrôle approfondi de la gestion des ressources financières de la ville de Kinshasa, notamment les modalités de perception et d’affectation de ces ressources pour la période allant de 2024 à aujourd’hui », précise Jacquemain Shabani.

Les enquêteurs examinent particulièrement les dépenses relatives aux travaux d’infrastructures, à la gestion urbaine, à la passation des marchés publics ainsi qu’à la conduite des projets d’infrastructure. Parallèlement, la Présidence de la République a dépêché une équipe distincte pour auditer la gestion du Fonds d’assainissement de Kinshasa (FOSAK), un dispositif financier destiné à soutenir les opérations de nettoyage, de drainage et l’amélioration du cadre de vie des habitants. Cette démarche illustre la volonté de la haute hiérarchie étatique d’exercer un contrôle strict sur l’usage des fonds dédiés à l’assainissement, secteur clé pour la santé publique.

Des contrôles révélant les carences de l’Assemblée provinciale

Le Parlement de Kinshasa, chargé de contrôler l’action du gouvernement provincial, peine pourtant à jouer pleinement son rôle. Entre interpellations timides, commissions peu offensives et absence de suivi rigoureux, le contrôle parlementaire de l’Assemblée provinciale se montre faible, ce qui explique l’intervention de la Présidence et du ministère de l’Intérieur.

Théoriquement, l’Assemblée provinciale de Kinshasa jouit de prérogatives étendues pour surveiller la gestion du gouvernorat et évaluer la mise en œuvre des politiques publiques. Questions orales, interpellations, enquêtes et auditions parlementaires sont autant d’outils censés garantir la redevabilité des autorités provinciales.

Dans les faits, ces mécanismes sont rarement exploités efficacement. De nombreux analystes soulignent une tendance à la complaisance des députés provinciaux envers l’exécutif. Les sessions de contrôle sont souvent perçues comme formelles, sans véritables conséquences contraignantes, et les rapports issus des commissions aboutissent rarement à des sanctions ou mesures correctives. Cette situation engendre un sentiment d’impunité autour du gouverneur et de son équipe, fragilisant ainsi la démocratie locale. « Bien souvent, les contrôles parlementaires ne servent qu’à régler des comptes entre l’Assemblée et le gouverneur, plutôt qu’à exercer un vrai contrôle de gestion », commente un analyste politique.

Controverses autour de la légitimité du contrôle du ministère de l’Intérieur

Malgré les faiblesses de l’Assemblée provinciale, certains déplorent l’initiative du ministère de l’Intérieur, estimant que ce dernier n’a pas la compétence légale pour contrôler la gestion du gouverneur. « En RDC, la surprise est constante. Comment le vice-Premier ministre et ministre de l’Intérieur peut-il se permettre d’auditer les finances de la ville de Kinshasa ? Quelle loi lui confère ce pouvoir ? », s’interroge Jean-Claude Katende, président de l’Association africaine de défense des droits de l’homme (ASADHO). Ce représentant de la société civile considère que Jacquemain Shabani n’a aucun droit légal en la matière. « S’il s’inquiète de la gestion financière de la ville, il devrait saisir l’Inspection Générale des Finances (IGF) ou la Cour des comptes, organismes mandatés par la Constitution. Qui conseille le ministre de l’Intérieur ? Pourquoi l’a-t-on laissé commettre une erreur aussi grave ? », s’interroge-t-il. Pour lui, le gouvernement de la ville de Kinshasa devrait opposer un refus ferme à cette intervention.

Daniel Bumba face à une possible éviction

Cette double enquête suscite des spéculations sur une possible éviction du gouverneur Daniel Bumba. Entre manœuvres politiques, pressions institutionnelles et critiques liées à sa gestion, la question de son départ agite la classe politique et l’opinion kinoises. Une éviction ne pourrait toutefois intervenir sans passer par l’Assemblée provinciale. Gouverneur issu de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), Daniel Bumba semble peiner à répondre aux attentes du parti au pouvoir, un an après son investiture.

Depuis son arrivée, aucun programme clair n’a émergé pour améliorer la salubrité de la ville. Kinshasa étouffe sous les déchets qui, à chaque pluie, bloquent l’évacuation des eaux. Les routes secondaires sont jonchées de nids-de-poule. La capitale vit au rythme d’embouteillages monstrueux, où la circulation vire quotidiennement au chaos. Pour inverser cette tendance, le gouvernement central a lancé fin 2023 un vaste programme de réhabilitation des voiries secondaires. L’objectif est de réhabiliter plus de 200 kilomètres de routes dans les 24 communes, désenclaver les quartiers populaires et fluidifier une circulation étouffée. « Sur les deux priorités majeures, voirie et gestion des déchets, le gouvernement central s’est engagé à moderniser intégralement les routes urbaines. Sous la coordination de la Première ministre, tous ces projets sont financés via le ministère des Finances afin d’améliorer la mobilité urbaine et de créer les conditions d’une croissance durable », expliquait le ministre des Finances, Doudou Fwamba. La majorité des nouvelles voiries sont bâties en béton, dites « chaussées rigides », plus coûteuses à construire mais offrant une durée de vie nettement supérieure à l’asphalte : jusqu’à trente ans, contre dix à quinze ans pour une route bitumée. Pourtant, nombreux sont les chantiers qui piétinent alors que le ministre affirmait qu’ils étaient « entièrement » financés par le pouvoir central.

Pour le député national Aaron Bimwala, la gestion de Daniel Bumba n’a pas répondu aux attentes des Kinois, et il appelle à en tirer les conséquences. « Soyons réalistes : après deux ans, la politique menée à la tête de la ville n’a pas répondu aux urgences et attentes des habitants. Il est temps d’en tirer toutes les conclusions et d’ouvrir une nouvelle voie », déclare-t-il.

Face à ces contrôles, Daniel Bumba adopte une posture mêlant ouverture et contestation tacite, invoquant la loi sur la libre administration des provinces et entités territoriales décentralisées pour répondre à Jacquemain Shabani. Pour certains analystes, cette double mission s’inscrit dans une dynamique visant à restaurer la confiance entre les autorités kinoises et la population, souvent confrontée aux défaillances des services publics.

Heshima

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Du Budget au Perchoir : le parcours insoupçonné de Boji Sangara

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Économiste de formation britannique, réservé mais d’une méthode implacable, Aimé Boji Sangara a gravi les échelons de la politique congolaise loin des projecteurs et des coups d’éclat. Son élection à la présidence de l’Assemblée nationale marque le couronnement d’un parcours où rigueur académique, loyauté stratégique et sens aigu du détail ont façonné un personnage rarement bruyant, mais dont l’influence est désormais centrale. Portrait d’un homme qui, loin de l’ostentation, privilégie l’efficacité structurelle et le travail de fond.

Le jour de son élection, le 13 novembre 2025, Aimé Boji Sangara n’a pas cédé à l’euphorie. Là où d’autres auraient levé les bras en signe de triomphe, il s’est simplement avancé vers le pupitre. Il affichait une concentration presque austère, révélant plus l’homme d’État mesuré que le vainqueur exubérant. Chez lui, la retenue n’est pas un artifice tactique : elle est l’expression profonde d’un trait de caractère qui est devenu sa marque de fabrique dans l’arène politique.

Lors de son discours d’investiture à la tête de la chambre basse, Boji a immédiatement cherché à rassurer et à projeter une image de réformateur pragmatique. Il a promis de transformer l’institution parlementaire en « un parlement plus fort, plus crédible et plus proche du peuple », des objectifs qui nécessiteront une refonte interne des méthodes de travail et une collaboration renforcée, mais équilibrée, avec les autres institutions républicaines. Il a ainsi posé d’emblée les bases d’un mandat axé sur la rationalisation de l’action législative.

L’héritage politique du Kivu et l’exil académique

Né en 1968 dans le territoire de Walungu, au Sud-Kivu, Aimé Boji a été bercé par l’atmosphère du service public et de la politique. Son père, Dieudonné Boji, fut une figure respectée, notamment en tant que gouverneur du Kivu avant son éclatement en plusieurs provinces. Cette immersion précoce dans le sérail du pouvoir, loin d’engendrer une ambition politique prématurée, l’a plutôt orienté vers l’exigence de la méthode. Il s’est d’abord passionné pour la discipline des chiffres et la logique du raisonnement structuré. Après un diplôme de math-physique obtenu à Bukavu, il choisit de s’éloigner du tumulte national et de l’héritage familial pour poursuivre sa formation au Royaume-Uni.

Son voyage académique le mène d’abord à Oxford Brookes, puis à l’éminente Université d’East Anglia. Ces années passées outre-manche sont décisives. Il y acquiert non seulement un master en économie du développement, mais aussi un rapport au travail singulier : un culte de la méthode, de la recherche approfondie et de la gestion publique axée sur les résultats. Il s’engage ensuite dans des projets académiques et associatifs à Londres, se forgeant une réputation de professionnel sérieux, dont la rigueur et la précision, presque obsessionnelle, sont incontestables. Ces fondations jetées loin de Kinshasa expliquent sans doute sa capacité à rester serein et analytique face aux turbulences politiques.

Le technocrate au cœur de l’État

Lorsque Boji revient au pays au milieu des années 2000, c’est avec la conviction que son expertise doit servir l’appareil d’État. Élu député national en 2006, il est réélu sans discontinuer à chaque cycle électoral jusqu’à celui de 2023, faisant de son mandat parlementaire le socle de sa carrière.

Cependant, c’est au sein de l’Exécutif qu’il va véritablement affirmer son profil de technocrate fiable. Ses passages successifs aux portefeuilles du Commerce extérieur, du Budget et de l’Industrie sont remarqués par leur sérieux. Chaque nomination renforce l’image d’un homme capable d’écouter, d’analyser et de produire des résultats concrets, souvent mieux préparé sur le fond des dossiers que la moyenne de ses homologues.

Son mandat de quatre ans comme ministre du Budget est particulièrement éclairant. Il lui a permis d’acquérir une compréhension microscopique du fonctionnement de l’État, des rouages de la gestion des finances publiques et des impératifs de la transparence budgétaire. Malgré son passage prolongé au gouvernement, il n’a jamais renié ses années de parlementaire. « J’ai eu le privilège de siéger 13 ans durant dans cet hémicycle », a-t-il rappelé aux députés, soulignant qu’il y a appris la « noblesse du débat démocratique » et la valeur inestimable du consensus. Boji compte bien s’appuyer sur cette expérience bicéphale pour régénérer l’Assemblée. Il a clairement affiché sa volonté de replacer le député au centre de l’action parlementaire en privilégiant le travail de terrain et la proximité avec les réalités locales. Il souhaite notamment exploiter de manière plus systématique les rapports issus des vacances parlementaires pour identifier les besoins réels des circonscriptions et proposer au gouvernement des projets d’urgence concrets à financer en faveur des populations.

L’ascension stratégique : l’ancre de Tshisekedi

Dans un environnement politique souvent dominé par la théâtralité, les joutes oratoires et l’agitation, Boji incarne une forme de politique posée, presque administrativement efficace, qui tranche singulièrement. Ses collaborateurs le décrivent comme un homme qui « travaille en silence ». Le député Michel Moto, son camarade du parti politique Union pour la nation congolaise (UNC), le dépeint comme « un homme posé, conciliant et surtout un homme de dialogue », soulignant la dimension consensuelle de son leadership. Même ses détracteurs, en coulisse, concèdent volontiers qu’il « ne fait pas de vagues, mais il avance avec une détermination tranquille et méthodologique ».

Lorsque l’Union Sacrée de la Nation (USN) le désigne candidat au perchoir en septembre 2025, le choix n’est pas perçu comme audacieux, mais comme éminemment stratégique. Certains observateurs y voient un geste de prudence visant à installer une figure non clivante capable de gérer les dossiers techniques. D’autres y lisent une manœuvre pour stabiliser une institution qui a connu des périodes de crises internes et de vives tensions. Fidèle à lui-même, Boji mène sa campagne loin de l’agitation : il consulte, écoute, prend des notes méticuleuses et propose un programme centré sur la modernisation de l’institution. Son score, 413 voix sur les 423 votants, est un plébiscite qui témoigne de sa capacité à rallier un large consensus au-delà des chapelles politiques.

Un secret de polichinelle : la loyauté au Président

Le rapprochement entre Aimé Boji et le chef de l’État, Félix Tshisekedi, est l’élément fondamental qui explique cette ascension. Longtemps discret, il est devenu un secret de polichinelle au lendemain de sa démission du ministère de l’Industrie pour se présenter au Perchoir.

Un politologue souligne l’évidence de la stratégie : « Personne ne risque de quitter un portefeuille ministériel, surtout d’État, s’il n’a pas la certitude absolue d’avoir le soutien total du chef de l’État pour le Perchoir. Le fait qu’il ait quitté ses fonctions était le signe irréfutable de l’aval présidentiel. » Boji est l’homme clé chargé de garantir la cohésion et la productivité du pouvoir législatif au service de la vision présidentielle. Cette nouvelle proximité a d’ailleurs éclipsé l’influence de son mentor politique historique, Vital Kamerhe (VK), chef de l’UNC. Pressenti pour succéder à VK qui avait démissionné du Perchoir, Boji a réussi, depuis 2019, à gagner la confiance durable de Félix Tshisekedi, se positionnant comme un pilier fiable et loyal au sein de l’USN, essentiel à la matérialisation des ambitions de la majorité.

Des dossiers explosifs et un leadership à affirmer

Aimé Boji arrive à la tête de l’Assemblée nationale à un moment charnière. Les défis qui l’attendent sont considérables :

Il devra d’abord œuvrer en étroite collaboration avec l’Exécutif pour soutenir les efforts visant au rétablissement urgent de la paix et de la sécurité dans l’Est du pays. C’est la priorité nationale absolue qui pèsera sur tous les travaux législatifs. Au-delà, l’examen du budget 2026 est un travail technique colossal qui attend immédiatement la chambre basse pour garantir un budget réaliste, social et transparent, conforme aux promesses de l’Union Sacrée.

Enfin, un dossier potentiellement explosif pourrait faire un retour remarqué dans le débat parlementaire : la modification ou le changement de la Constitution. Dans son premier discours, Boji a déjà fixé un cap, sans éclats, mais avec une conviction de fer : moderniser l’institution et renforcer le dialogue constructif avec l’Exécutif. S’il réussit à créer un environnement de travail serein et à mettre les députés à l’aise par son style non conflictuel, un projet sensible comme celui de la révision constitutionnelle pourrait être abordé au sein de l’Union Sacrée avec moins de friction et plus de consensus technique.

En attendant, l’homme a fait des promesses sobres, presque techniciennes, mais parfaitement cohérentes avec sa personnalité. Aimé Boji n’est pas de ceux qui cherchent la lumière. Pourtant, le voici propulsé au cœur battant de la scène politique congolaise. Son défi majeur sera d’imposer son style : calme, méthodique, et parfois déroutant de discrétion, mais d’une efficacité que l’on dit redoutable. Reste à savoir si cette ascension tranquille saura se transformer en un leadership audacieux et assumé face aux enjeux colossaux qui attendent la République. Le Congo, lui, n’attend que de voir.

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RDC : Les forces et les faiblesses de l’Accord-cadre signé entre Kinshasa et l’AFC/M23 à Doha

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Réunis sous l’égide du Qatar, le gouvernement de la République démocratique du Congo (RDC) et les représentants de l’Alliance Fleuve Congo/Mouvement du 23 mars (AFC-M23) ont signé le 15 novembre 2025 un Accord-cadre inédit visant à ouvrir la voie à un cessez-le-feu durable dans l’est du pays. Ce texte, qualifié de « première étape décisive » par les médiateurs, doit maintenant être suivi de discussions techniques sur la démobilisation et le retrait des combattants. Heshima Magazine explore les différents points de ces protocoles.

Après plusieurs sessions de discussions sans issue, les autorités congolaises et les rebelles de l’AFC/M23 ont finalement franchi une nouvelle étape dans le processus de paix que pilote le Qatar depuis le mois de mars. Cet Accord-cadre comporte 8 protocoles qui déterminent les matières à traiter et les modalités de leur mise en œuvre afin d’aboutir à un accord de paix définitif. Heshima Magazine explore chaque engagement souscrit par les parties dans cet accord-cadre.

Échange de prisonniers sous supervision internationale

Bien que toutes les négociations impliquent des concessions de la part des parties, l’engagement sur l’échange des prisonniers est délicat pour le gouvernement. La plus grande préoccupation sur ce point réside dans la nature des prisonniers à échanger. Si le gouvernement peut s’attendre à la libération des militaires arrêtés par la rébellion lors des combats, l’AFC/M23, de son côté, pourrait élargir la liste à des individus auteurs de crimes graves. Certaines sources évoquaient même des personnalités comme le député Edouard Mwangachuchu, condamné notamment pour détention d’armes à feu. Pour le gouvernement, il est hors de question que tous les individus soient libérés dans ce cadre. « Nous allons nous assurer qu’on applique les critères d’exclusion sur des personnes soupçonnées d’avoir commis des crimes graves selon le droit international », avait déclaré le nouveau ministre de la Justice, Guillaume Ngefa.

En septembre, Kinshasa et l’AFC/M23 ont signé ce « mécanisme d’échange de prisonniers ». Dans le cadre de ce dispositif, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) jouera le rôle d’intermédiaire neutre pour l’identification, la vérification et la libération sécurisée des détenus des deux camps. Le mouvement rebelle évoque environ 700 personnes arrêtées par Kinshasa. La mise en œuvre du mécanisme implique l’établissement et la certification des listes de prisonniers, avec l’aval de toutes les parties.

Si l’AFC/M23 s’attend à des têtes couronnées telles que Éric Nkuba alias Malembe, arrêté en Tanzanie puis condamné à mort à Kinshasa notamment pour participation à un mouvement insurrectionnel, le gouvernement, quant à lui, s’attend à la libération d’environ 1500 militaires congolais capturés et envoyés par la rébellion en janvier et février derniers au camp militaire de Rumangabo pour un « reconditionnement ». Même si plus d’une centaine d’entre eux ont réussi à s’échapper des mains de la rébellion, certains restent encore captifs. D’autres combattants cantonnés au quartier général de la MONUSCO avaient déjà été transférés de Goma à Kinshasa en avril grâce à la médiation du CICR. Sur ce point de libération des prisonniers, il reste à savoir si le gouvernement s’en tiendra toujours à son caractère « rigoureux » dans le choix des prisonniers à libérer en faveur de l’AFC/M23.

Mise en place d’un mécanisme conjoint de surveillance du cessez-le-feu

Depuis le 14 octobre, le gouvernement congolais et les rebelles de l’AFC-M23 ont signé ce « mécanisme de surveillance et de vérification du cessez-le-feu » dans les provinces du Nord et du Sud-Kivu. Ce mécanisme institue un comité constitué d’un nombre égal de représentants du gouvernement congolais et de l’AFC/M23 afin d’enquêter sur les violations signalées. Les membres de ce comité devraient se réunir à la demande de l’une des deux parties en cas de violations signalées. Le Qatar, les États-Unis et l’Union africaine pourront y prendre part en tant qu’observateurs et la MONUSCO lui fournira un appui logistique. La première réunion du comité était censée se tenir dans les sept jours suivant son institution.

Lors de la signature de cet engagement, Doha avait qualifié la mise en œuvre de ce comité de suivi d’« étape cruciale vers le renforcement de la confiance et la conclusion d’un accord de paix global ». De son côté, le porte-parole du M23, Lawrence Kanyuka, avait salué sur le réseau social X « une avancée significative ». Mais sur le terrain, ce mécanisme a accusé des faiblesses. Les deux camps ont continué à s’affronter sans que le mécanisme de surveillance et de vérification du cessez-le-feu ne puisse s’activer. Par communiqué interposé, les deux camps s’accusent mutuellement de violation de ce cessez-le-feu. Tant que l’accord global n’aura pas intervenu, ce mécanisme – sans la bonne foi des parties – aurait du mal à fonctionner.

Restauration progressive de l’autorité de l’État dans les zones occupées

Ce point, qui figure dans l’Accord-cadre qui vient d’être signé, reste le plus difficile à digérer pour les rebelles de l’AFC/M23. Au début des discussions à Doha, cette rébellion voulait obtenir la gestion des zones conquises en collaboration avec le gouvernement à Kinshasa. Une option qui était dénoncée par l’opinion publique, la percevant comme une balkanisation du pays. La restauration de l’autorité de l’État, l’un des points clés de divergence dans les discussions, passe pour un arrêt de mort pour l’AFC/M23 dont l’avenir post-occupation n’est toujours pas décidé à Doha. Sur la question de la restauration de l’autorité de l’État, la Déclaration de principes signée entre les deux parties en juillet dernier notait que cette restauration de l’autorité de l’État allait constituer une conséquence logique du règlement « des causes profondes » du conflit. L’accord de paix global attendu devra préciser les modalités et le calendrier de cette restauration sur l’ensemble du territoire national.

Retour sécurisé et volontaire des réfugiés et déplacés

C’est l’un des sept points de la Déclaration de principe publiée le 19 juillet. Il a été également repris dans l’Accord-cadre du 15 novembre 2025. Les deux parties s’engagent à faciliter le retour sûr, volontaire et digne des réfugiés et des personnes déplacées vers leurs zones ou pays d’origine. Mais combien sont-ils de part et d’autre de la frontière entre la RDC et le Rwanda ? Ce retour, qui doit se faire en conformité avec le droit humanitaire international et dans le cadre des mécanismes tripartites associant la RDC, les pays d’accueil et le HCR, pourrait aussi constituer l’un des problèmes dans la mise en œuvre de l’accord final. Ce sujet est aussi l’un des points les plus sensibles. Le retour des réfugiés congolais fait partie des revendications historiques du M23, déjà présentes dans l’accord de paix signé en 2009 entre Kinshasa et le Congrès national pour la défense du peuple (CNDP), l’ancêtre du mouvement actuel. Problème : qui est Congolais et qui ne l’est pas ? Ces réfugiés, défendus bec et ongle par le M23, sont-ils en nombre conséquent ? Sur ce point, il faut d’abord régler la question des chiffres. Selon les dernières estimations avancées par RFI, le Rwanda accueille près de 137 000 réfugiés, principalement en provenance de la RDC et du Burundi. D’après le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), environ 80 000 Congolais vivraient aujourd’hui au Rwanda. Mais pour Kinshasa, le problème reste l’identification : les autorités congolaises affirment ne pas connaître avec précision ni le nombre, ni l’identité de ces réfugiés. Pour le gouvernement congolais, on ne peut pas rapatrier des réfugiés dans une zone encore en conflit ou sous contrôle des rebelles du M23. Le gouvernement voudrait avoir le pouvoir nécessaire de contrôler l’identité de ceux qui veulent revenir au pays. Le vice-premier ministre, ministre de l’Intérieur et Sécurité, Jacquemain Shabani, alertait déjà sur une « transplantation » des populations venues d’ailleurs dans les zones contrôlées par les rebelles du M23.

Ce sujet fait craindre au gouvernement et à l’opinion l’arrivée d’une population compacte qui pourrait, un jour, exiger l’autonomie d’une des régions congolaises. Ainsi donc, Kinshasa insiste : le retour des réfugiés dans les zones aujourd’hui sous administration du M23 ne pourra avoir lieu qu’après le cessez-le-feu, la restauration de l’autorité de l’État et la vérification de la nationalité des candidats au retour. Autrement dit, cette question est loin d’être close. Elle pose aussi d’autres défis : quand ces réfugiés rentreront-ils ? Et où seront-ils installés ? Car il y a parmi eux des individus qui n’ont jamais mis les pieds en RDC. Des questions qui montrent, selon plusieurs experts, qu’il ne suffit pas de régler le volet sécuritaire, il faut un accord global, incluant aussi les aspects sociaux, fonciers et économiques. Les populations congolaises qui avaient fui l’arrivée du M23 dans leur zone avaient trouvé à leur retour des occupants venus d’ailleurs installés dans leurs maisons, cultivant également leurs champs.

Mesures de confiance

Ce point implique entre autres la communication entre parties, la fin de la propagande « haineuse » selon l’AFC/M23 et les libérations des prisonniers. Sur ce point, paradoxalement, rien ne rassure au regard des premières communications faites après la signature de cet Accord-cadre à Doha. « Cet accord ne comporte aucune clause contraignante », déclare Benjamin Mbonimpa, chef de la délégation de l’AFC/M23. Une communication qui annonce déjà que tout peut basculer à n’importe quel moment. « Il n’y a rien qui va changer sur le terrain », estime Bob Kabamba. Selon lui, il y a eu deux signatures qui n’ont pas produit des résultats sur le terrain. « Il faut s’inquiéter pour la suite car les deux parties se sont réarmées, elles se sont réorganisées », a-t-il expliqué, soulignant la mise en place par le M23 d’une administration parallèle qui fonctionne comme un État.

La relance économique et les services sociaux

Ce point du protocole de l’Accord-cadre est étroitement lié à la restauration de l’autorité de l’État. Un point qui reste parmi les plus difficiles à obtenir à Doha. Les rebelles ne veulent pas encore céder les zones sous leur contrôle sans connaître au préalable leur avenir politique et sécuritaire.

La justice, la vérité et la réconciliation

Alors que les combats se poursuivent dans l’Est du pays, Kinshasa et les rebelles laissent entrevoir, malgré des positions opposées, quelques signaux de réconciliation. Mais la méfiance reste profonde, et les conditions d’une véritable réconciliation demeurent toujours fragiles. La part de la justice dans cette démarche est essentielle pour ne pas laisser les bourreaux côtoyer les victimes. Cette réconciliation entre le gouvernement congolais et les rebelles AFC/M23 n’est pas impossible ; elle est simplement suspendue à une constellation de facteurs politiques, militaires et diplomatiques encore instables. Dans un conflit où chaque camp cherche une position de force, la paix reste pour l’instant un horizon plus qu’une réalité, mais un horizon que beaucoup, épuisés par des années de guerre, espèrent voir enfin se rapprocher.

Élaboration d’une feuille de route vers un accord de paix global

L’Accord-cadre de Doha fixe les bases d’un processus destiné à mettre fin aux hostilités, à rétablir l’autorité de l’État et à consolider la stabilité nationale. Il réaffirme la détermination du Gouvernement à placer la paix, la sécurité et la dignité du peuple congolais au centre de son action. C’est dans ce cadre que la protection des populations civiles, en particulier les femmes, les enfants et les personnes déplacées internes, demeure une priorité. Les protocoles qui découleront de cet Accord-cadre permettront notamment de sécuriser les corridors humanitaires, de faciliter l’accès des organisations humanitaires, et d’engager des actions urgentes pour répondre aux besoins essentiels des communautés affectées.

De son côté, le gouvernement précise que les six protocoles, en dehors de ceux relatifs au Mécanisme de libération des prisonniers ainsi qu’au Mécanisme de surveillance et de vérification du cessez-le-feu, feront l’objet de discussions deux semaines après la signature de l’Accord-cadre. Il s’agira de préciser les modalités techniques, les calendriers d’exécution et les engagements respectifs des parties. Dans le communiqué du gouvernement, Kinshasa note qu’aucun statu quo n’est compatible avec cet objectif de paix : le processus engagé vise à créer, dans les plus brefs délais, les conditions d’un changement réel et mesurable pour les populations affectées. Les deux prochaines semaines vont permettre de percevoir les nouveaux efforts entre les deux parties.

Heshima

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