La situation en République démocratique du Congo (RDC), particulièrement dans l’Est du pays, reste complexe. La résolution de cette nouvelle flambée de violence devrait prendre encore du temps. Au niveau régional, les dirigeants de la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC) n’ont visiblement pas l’intention de voir les rebelles du Mouvement du 23 mars (M23) quitter si tôt les villes de Goma et Bukavu. La dernière réunion des chefs d’état-major des pays de l’EAC-SADC propose la présence d’une force hybride pour observer le cessez-le-feu en maintenant un statu quo entre les positions de deux camps.
Lors d’une réunion convoquée le 25 février 2025, sur instruction des chefs d’État de l’EAC et de la SADC, les chefs d’état-major de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) et de la Communauté des États d’Afrique de l’Est (EAC) ont appelé le M23 et tous les autres acteurs à cesser toute nouvelle avancée dans l’Est de la RDC et à observer et respecter un « cessez-le-feu immédiat ». Mais dans les propositions des solutions à la crise, ces chefs des armées évoquent la création, dans un délai de trois mois, d’une force hybride (EAC-SADC) pour observer cet arrêt de combat. Ce qui veut dire que les villes de Goma et Bukavu, conquises par les rebelles, resteront sous leur administration pendant les trois prochains mois. De plus, ces villes pourraient rester sous leur influence tout le temps que prendra ce cessez-le-feu. Une façon sournoise de satisfaire les ambitions des présidents Paul Kagame (Rwanda) et Yoweri Kaguta Museveni (Ouganda). Ces deux dirigeants voisins de la RDC ont toujours voulu avoir le contrôle des Kivu. Si une telle mesure venait à être appliquée, le M23 obtiendrait ce qu’il a toujours recherché depuis l’accord du 23 mars 2009 : contrôler militairement et économiquement les régions des Kivu.
Des nouveaux facilitateurs dans la crise
Les chefs de l’État de la SADC et de l’EAC ont nommé trois nouveaux facilitateurs dans la crise. Une nomination qui intervient alors que les chefs d’état-major des deux blocs régionaux étaient réunis pour établir une feuille de route de sortie de crise. Le 24 février 2025, l’EAC et la SADC ont nommé l’ancien président nigérian Olusegun Obasanjo, ainsi que l’ancien Premier ministre éthiopien Hailemariam Desalegn comme de nouveaux points focaux des processus fusionnés de Luanda et de Nairobi. Ces deux nouveaux facilitateurs travailleront avec l’ancien président kenyan, Uhuru Kenyatta, qui occupait déjà le poste de facilitateur du processus de Nairobi. Le dialogue direct avec le M23 que le gouvernement congolais a toujours évité risque d’avoir lieu avec ce nouveau format. La fusion des processus de Luanda et Nairobi permettra de faciliter le dialogue entre les parties au conflit pour aboutir à une cessation des hostilités. Dans leur décision, l’EAC-SADC n’appelle plus les rebelles à se retirer de ces villes conquises, contrairement à la communauté internationale qui appelle toujours au retrait des rebelles de leurs nouvelles positions.
À quand la paix définitive dans l’Est ?
Parvenir à la paix dans cette région nécessite une approche multidimensionnelle et à long terme, impliquant à la fois des solutions internes et externes. Certaines pistes susceptibles d’être exploitées pour parvenir à une paix durable dans l’Est de la RDC sont notamment le renforcement de la puissance militaire du pays. La RDC n’arrive pas toujours à avoir une armée capable de défendre efficacement son intégrité territoriale. Ce qui expose le pays à la prédation de ses nombreux voisins. Il est important que l’armée nationale, les forces de police et les autorités locales puissent maintenir l’ordre tout en respectant les droits de l’homme. Les missions de paix de l’ONU, comme la MONUSCO, peuvent aussi jouer un rôle de stabilisation tout en soutenant les efforts locaux, avant leur départ du territoire congolais.
En deuxième lieu, il faut améliorer la gouvernance congolaise. Ceci passe également par le renforcement de l’État de droit. La RDC a longtemps souffert d’un manque de gouvernance efficace et d’un système judiciaire défaillant. Renforcer les institutions de l’État, garantir l’indépendance de la justice, et lutter contre la corruption sont des étapes cruciales pour instaurer un climat de confiance et d’autorité à travers le pays. Un volet important reste aussi la réconciliation nationale. Le pays doit mettre en place des mécanismes de réconciliation entre les différentes communautés. Cela peut passer par des dialogues inclusifs et la réparation des injustices commises, notamment après 30 ans de violence.
Démobiliser des groupes armés
La mise en place de mécanismes de désarmement ou renforcer ceux qui existent déjà pourrait aider le pays à ne plus connaître de violence armée d’une telle intensité. Plusieurs groupes armés, nationaux et étrangers, ont créé un environnement de violence et d’insécurité dans la région. Des stratégies de désarmement, démobilisation et réinsertion des combattants (DDRC) doivent être intensifiées, tout en garantissant des opportunités de réinsertion pour ces anciens combattants.
Vider les causes économiques sous-jacentes
Les guerres à répétition dans l’Est congolais ont aussi une cause économique et sociale. Une grande partie des conflits dans l’Est du pays découle de la pauvreté, du manque d’infrastructures et d’une distribution inégale des ressources naturelles. Le gouvernement ne redistribue toujours pas régulièrement les recettes produites par des entités territoriales décentralisées. Il est crucial de promouvoir un développement économique inclusif, qui profite à toutes les communautés locales et qui réduit les inégalités. L’exploitation des richesses naturelles, comme les minerais, a souvent alimenté les conflits, avec des groupes armés cherchant à contrôler ces ressources. Une gestion transparente et responsable de ces ressources naturelles, associée à une réforme du secteur minier, peut réduire les tensions. Un autre aspect important, c’est la promotion du dialogue intercommunautaire. Ce qui pourrait permettre à des communautés de se rassembler et de se parler en vue de réduire les tensions entre elles. Quant à l’ingérence des pays voisins, seule une armée dissuasive peut arrêter la politique expansionniste du pouvoir de Kigali ou de Kampala en RDC.
Heshima