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Conflit RDC-Rwanda : Doha et Washington étalent l’impuissance de l’Union africaine
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2 mois agoon
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La redaction
Face à l’instabilité persistante en Afrique, notamment en République démocratique du Congo (RDC), au Soudan et dans le Sahel, l’Union africaine a largement montré ses faiblesses et son inefficacité à résoudre ces différentes crises sécuritaires. Pour le cas du conflit dans l’Est de la RDC, cette organisation n’a pas pris de mesures directes contre le Rwanda malgré les multiples preuves de la présence de l’armée rwandaise sur le sol congolais. L’Union africaine a abordé la question de manière diplomatique, sans prononcer une condamnation formelle du Rwanda, et a souvent évoqué la nécessité de dialogue. Il a fallu attendre l’implication des États-Unis et du Qatar pour voir les premiers signes d’une désescalade. Heshima Magazine analyse les raisons de l’impuissance de cette organisation panafricaine.
Après la signature de la déclaration de principes entre la RDC et le Rwanda le 25 avril 2025, une nouvelle étape devrait intervenir, ce vendredi 2 mai 2025 à Washington, aux États-Unis. L’administration Trump a quitté le pouvoir en janvier 2021, et il est donc impossible qu’elle soit impliquée dans des négociations de paix en mai 2025. Il faudrait mettre à jour cette information en précisant que l’administration Biden pourrait être impliquée dans le processus de paix ou bien reformuler pour refléter une implication d’acteurs d’après 2021.
Si cette échéance du 2 mai est respectée, les deux parties vont faire des amendements à distance sur ce projet d’accord jusqu’au 19 mai. Il est improbable que des amendements sur un accord de paix majeur se fassent exclusivement à distance. Les négociations directes sont généralement nécessaires pour ce type de processus. Une fois le document final prêt, le président congolais Félix Tshisekedi et son homologue rwandais, Paul Kagame, vont se rendre aux États-Unis, en juin prochain, pour la signature officielle de l’accord de paix.
Une fois signé, cet accord de paix pourrait marquer un tournant décisif dans ce conflit entre la RDC et le Rwanda, tournant ainsi une page sombre d’environ trente ans d’instabilité dans l’Est de la RDC. Parallèlement, à Doha, capitale du Qatar, les discussions se poursuivent entre le gouvernement congolais et les rebelles du Mouvement du 23 mars (M23) allié de l’Alliance Fleuve Congo (AFC).
Bien que l’UA n’ait pas été impliquée dans ces négociations précises, elle est toujours consultée dans des processus de médiation en Afrique. Il est donc inexact de dire que l’UA est totalement exclue. Ces démarches de paix sont menées loin des frontières de l’Union africaine, un organe panafricain censé résoudre les questions qui touchent les Etats membres. S’il y a un défi majeur qui reste l’épine dorsale de l’Union africaine, c’est bien les conflits et crises sécuritaires qui plombent le continent et sur lesquelles l’organisation montre toujours très peu d’autorité. De la RDC au Sahel en passant par la Libye et le Soudan, l’UA n’arrive pas à imposer l’image d’un organe de règlement des différends entre les Etats ou au sein des Etats. Cette incapacité de l’Union africaine à résoudre les crises politiques et sécuritaires du continent trouve ses racines dans plusieurs facteurs.
De l’OUA à l’UA, les tares persistent…
Le 25 mai 1963, trente-deux chefs d’État africains se réunissent à Addis-Abeba, en Éthiopie, pour créer l’Organisation de l’unité africaine (OUA). Le ton a été donné par un panafricaniste de renom : le ghanéen Kwame Nkrumah aux côtés de l’empereur éthiopien Haïlé Sélassié Ier. Dans ce format, l’OUA avait pour mission de faciliter l’union et la solidarité entre les pays africains pour parachever le combat de la décolonisation et se libérer du racisme de l’apartheid qui sévissait encore en Afrique du sud (de 1959 à 1991) et en Namibie (de 1959 à 1979). L’OUA ne réussira pas à atteindre cette mission, minée par des clivages liés notamment à la guerre froide. Les puissances coloniales ont tout fait pour créer ces clivages afin d’empêcher toute action coordonnée par cette organisation continentale.
À cette époque, les Etats africains suivaient les positions des blocs des pays colonisateurs. Par exemple, la RDC – alors Zaïre – s’était alignée derrière le Bloc de l’Ouest composé en majorité des États-Unis et des pays de l’Europe occidentale alors que d’autres États africains soutenaient le Bloc de l’Est tenu par l’Union des républiques socialistes soviétiques (URSS) et ses États satellites. Dans cette configuration de clivage, l’OUA n’avait pas réussi à empêcher les conflits ni à révoquer les régimes dictatoriaux. En 1999, l’organisation n’a pas connu un autre “Kwame Nkrumah”. Ce passage est ambigu. Mouammar Kadhafi a proposé une réforme, mais le lien avec Nkrumah reste discutable. Il serait préférable de reformuler pour indiquer que Kadhafi a inspiré la réforme, sans faire un parallèle direct avec Nkrumah.
C’est le guide libyen Mouammar Kadhafi qui va inciter ses pairs africains à créer une nouvelle organisation adaptée à la nouvelle réalité africaine des années 90. Au total, 53 chefs d’État de l’OUA vont signer la « Déclaration de Syrte », en Lybie, lançant ainsi le projet de l’Union africaine. Contrairement aux missions dévolues à l’OUA, la nouvelle structure se fixe comme objectifs de renforcer l’union politique et le développement socio-économique du continent, de promouvoir la démocratie et les droits humains, et de favoriser l’intégration de l’Afrique sur la scène internationale. Près de 40 ans après la fondation de l’OUA, l’Union africaine est officiellement lancée en 2002 à Addis-Abeba, en Éthiopie, et non à Durban, en Afrique du Sud. Depuis 2017, elle réunit l’ensemble des 55 pays africains non sans difficultés.
Absence de volonté politique commune entre Etats
Les États membres de l’UA ont souvent des intérêts divergents. Dans le cas de la RDC et du Rwanda, certains pays membres peuvent avoir des affinités politiques, économiques ou militaires avec l’une ou l’autre partie, ce qui bloque souvent le consensus nécessaire pour une position commune ou une action forte. Conséquence : l’UA n’a jamais condamné le Rwanda pour son agression contre la RDC. Souvent, cette organisation tente de privilégier la diplomatie de prévention et de médiation, au détriment d’une prise de position ferme. Dans le conflit entre la RDC et le Rwanda, cette posture de neutralité limite sa capacité à désigner clairement un agresseur ou à imposer des sanctions. D’ailleurs, dans la palette de sanctions, l’UA n’a pas grand-chose à brandir contre un État, faute d’une intégration économique et politique entre les pays membres. L’Union africaine n’arrive même pas à imposer des sanctions politiques. Son président de la Commission, Moussa Faki Mahamat cité par l’Institut d’études de sécurité (ISS), avait avoué que l’Union africaine ne répond pas aux attentes, en partie du fait du comportement des États membres.
Selon lui, l’exercice excessif de leur souveraineté entrave le transfert de pouvoirs à la Commission de l’UA. La force de l’UA, en tant que groupement des pays africains, repose sur le pouvoir que les États membres lui confèrent pour mettre en œuvre leurs décisions. Un pouvoir que l’organisation n’a jamais eu de la part des États. Aucun pays africain n’a voulu concrètement céder une partie de sa souveraineté à l’Union africaine comme l’ont fait les 27 pays de l’Union européenne. Certains États africains ont inscrit dans leur constitution qu’ils étaient prêts à céder une partie de leur souveraineté au profit de l’unité africaine, mais aucun État ne l’a fait concrètement. Ces assertions sont restées théoriques dans leurs lois fondamentales. Au cours des années 2021, 2022 et 2023, environ 93 % des décisions de l’Union africaine n’ont pas été mises en œuvre, révèle une source interne. Ce qui démontre qu’au cours de ces années, l’institution n’a existé que de nom. Bien avant ces années, en 2019, après la publication provisoire des résultats de l’élection remportée par Félix Tshisekedi, l’Union africaine avait exigé de sursoir la publication des résultats définitifs par la Cour constitutionnelle. Une délégation de cette organisation conduite par le président rwandais, Paul Kagame, devrait se rendre à Kinshasa pour évoquer un dialogue entre les parties au processus électoral. Mais personne n’a pris en considération ce voyage de Kagame en RDC. La Cour constitutionnelle avait confirmé les résultats définitifs de cette élection présidentielle, rendant inutile l’initiative de l’UA.
Influence des puissances régionales
L’UA a des organisations régionales avec qui elle collabore. Souvent la question des conflits entre États est d’abord traitée dans ces organisations, avant de remonter vers Addis-Abeba. Même dans ce cas de figure, la puissance économique ou militaire de chaque État peut dicter la ligne à suivre sans se référer à l’Union africaine. Des pays influents comme l’Afrique du Sud, le Nigeria, ou encore l’Égypte peuvent exercer une influence importante sur les décisions de cette organisation panafricaine. Leur propre agenda géopolitique peut entraver une réponse unifiée ou décisive à des crises comme celle de la RDC. C’est le cas de la CEDEO (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest) avec la crise de certains pays du Sahel. C’est aussi le cas de l’influence d’Afrique du Sud au sein de la SADC ou du Rwanda dans l’EAC. Une autre influence, celle des chefs d’États. Les positions des chefs d’États sont les plus dominantes au détriment de celles de la Commission de l’Union africaine. Cette hégémonie des dirigeants étatiques au sein de l’organigramme de l’union plombe les performances de l’organisation. C’est d’ailleurs très critiqué par une certaine opinion africaine. « On dit par exemple que [l’UA] est un ‘‘syndicat de chefs d’États’’ qui protège les uns et les autres, » a rappelé le journaliste Seidik Abba.
L’autre talon d’Achille de l’Union africaine, c’est son manque de moyens financiers et militaires. L’organisation dépend fortement du financement extérieur (notamment de l’Union européenne, de la Chine ou d’autres organisations internationales). Cela limite son autonomie et sa capacité à intervenir rapidement ou efficacement dans des crises régionales. Même son siège d’Addis-Abeba a été construit par des fonds extérieurs à l’Afrique. Ce qui crée une forme de dépendance de cette organisation vis-à-vis de ses bailleurs de fonds comme l’Union européenne ou la Chine.
Associer l’UA dans les pourparlers de Doha et Washington
Malgré son impuissance, plusieurs acteurs autour de la crise rwando-congolaise appellent à associer l’Union africaine dans la résolution de la crise à travers le schéma de Washington et de Doha. Johan Borgstam, représentant spécial de l’Union européenne a insisté sur la mise en œuvre concrète des engagements et de ce que sera le contenu du projet d’accord attendu à Washington entre Kinshasa et Kigali. Pour lui, il est nécessaire que toutes les initiatives actuelles assurent et renforcent le processus régional de l’EAC et de la SADC dans le cadre de l’Union africaine. « Nous nous encourageons vraiment la conclusion d’un accord de paix qui soit coordonné avec les efforts en cours dans la région, dans l’esprit de ce qu’on appelle des solutions africaines pour des problèmes africains », a déclaré Johan Borgstam.
Heshima
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RDC : l’agriculture, seule arme pour vaincre l’insécurité alimentaire
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1 jour agoon
juin 24, 2025By
La redaction
La République démocratique du Congo (RDC) traverse une crise alimentaire importante. Des millions de citoyens peinent à se nourrir convenablement, alors même que le pays regorge de terres fertiles et de ressources naturelles à faire rêver tout investisseur agricole. Cette contradiction, criante, laisse entrevoir un paradoxe : comment un pays aussi riche en potentialités agricoles peut-il laisser une grande partie de sa population souffrir de la faim ? Plus qu’une interrogation, c’est un appel à repenser l’agriculture comme levier central de transformation sociale et économique.
En 2025, la situation reste préoccupante. D’après les chiffres publiés en janvier par l’Integrated Food Security Phase Classification, près de 27,7 millions de Congolais, soit environ un quart de la population évaluée, vivent en insécurité alimentaire aiguë. Parmi eux, 3,9 millions sont classés en situation d’urgence. Ces chiffres, derrière leur froideur statistique, traduisent une réalité implacable : des familles entières luttent pour survivre dans un pays qui pourrait, selon la Banque africaine de développement, nourrir jusqu’à deux milliards d’individus grâce à ses quelque 80 millions d’hectares de terres arables, dont à peine 10 % sont exploités.
La RDC, pourtant, ne manque pas de productions agricoles phares. Le manioc, avec 29,9 millions de tonnes récoltées en 2018, et les bananes plantains, avec 4,7 millions de tonnes, placent le pays parmi les tout premiers producteurs mondiaux, selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture. Mais ces chiffres ne suffisent pas à masquer les carences du système. « Nous avons les terres, l’eau, le climat. Il ne manque que la volonté de transformer ce potentiel en réalité durable », estime Jacques Malila, spécialiste du développement agricole.
Des freins structurels persistants
Le premier défi tient aux infrastructures. Trop de routes, impraticables pendant la saison des pluies, coupent les producteurs des circuits de distribution. Marie Nzola, agricultrice dans le Sud-Ubangi, confiait à un média local en mars 2024 : « Nous travaillons dur, nous récoltons, mais l’absence de routes fait pourrir nos produits. » Ce constat, malheureusement répandu, est appuyé par un rapport du Programme alimentaire mondial datant de 2022, qui identifie l’effondrement des infrastructures comme l’un des déclencheurs majeurs de la crise alimentaire actuelle. Le manque d’électricité, d’installations de conservation ou encore de systèmes d’irrigation freine lourdement la productivité, en particulier dans les zones reculées.
Autre obstacle : l’accès au financement. Une large majorité des exploitants, plus de 60 % de la main-d’œuvre agricole, évolue dans un contexte informel, sans filet de sécurité ni accès au crédit. Les possibilités d’investir dans de meilleures semences, des outils ou de l’engrais sont donc minces. En 2022, la Banque mondiale évoquait, dans l’un de ses blogs, un programme agricole doté de 500 millions de dollars censé bénéficier à 1,7 million de producteurs du pays. Mais sur le terrain, les retombées restent inégales. « Sans prêts adaptés à notre réalité, nous restons enfermés dans un cycle de faibles rendements », soupire Daniel Mbuyi, cultivateur de maïs dans le Kasaï.
Enfin, les politiques agricoles peinent à s’ancrer dans une vision cohérente. Un rapport des Nations unies paru en mars 2025 relève que les conflits persistants dans l’Est perturbent les cycles agricoles et déplacent des familles entières, rendant toute stratégie difficile à stabiliser. Une gouvernance éclatée, des priorités souvent brouillonnes et une absence de suivi concret paralysent les réformes structurelles pourtant urgentes.
Des initiatives porteuses d’espoir
Malgré ce tableau sombre, des projets ambitieux voient le jour. Le Programme de transformation agricole, lancé en 2023, prévoit de mobiliser 6,6 milliards de dollars sur dix ans. Il vise à moderniser l’agriculture congolaise tout en recentrant les efforts sur les petits producteurs, pierre angulaire de l’économie rurale. « L’objectif, c’est de faire de l’agriculture un moteur de croissance inclusive », a souligné un intervenant lors du Forum sur l’agribusiness organisé la même année par la Banque africaine de développement.
L’agroécologie, portée par plusieurs ONG, s’impose peu à peu comme un modèle viable et durable. L’ONG internationale SAILD, par exemple, a mené en 2024 une série d’ateliers promouvant des méthodes plus respectueuses de l’environnement, comme la rotation des cultures ou l’usage du compost naturel. Une étude publiée en 2023 dans la plateforme de publications scientifiques ScienceDirect démontre que dans la province du Maniema, ces pratiques ont non seulement amélioré la fertilité des sols, mais aussi accru les rendements agricoles. « Avec l’agroécologie, nous respectons la terre tout en assurant notre subsistance », témoigne Esther Baraka, cultivatrice dans le Kivu.
L’essor de l’agro-industrie constitue une autre piste prometteuse. Selon l’agence du département du Commerce des États-Unis Trade.gov, des partenariats public-privé sont en cours d’examen pour implanter des parcs agro-industriels capables de transformer sur place le manioc, le maïs ou les fruits, générant ainsi des emplois et réduisant la dépendance aux importations. Cette dynamique vise à créer de véritables pôles économiques régionaux, tout en valorisant les produits locaux.
L’innovation numérique n’est pas en reste. La plateforme NYUKI TECH, développée par l’entreprise spécialisée dans la production et la vente des produits apicoles et agricoles GRECOM-RDC, connecte les agriculteurs aux marchés, limite les pertes post-récolte et facilite la transparence des prix. Présentée dans un article de l’Index Insurance Forum publié en 2024, cette solution illustre le potentiel des technologies pour combler les failles logistiques.
Dans cette même logique, le Programme de promotion de l’entrepreneuriat agricole et de la sécurité alimentaire, financé par le Programme mondial pour l’agriculture et la sécurité alimentaire à hauteur de 1,65 million de dollars, cible cinq bassins de production pour renforcer les filières du manioc et du maïs. Il met l’accent sur la résilience locale et le renforcement des chaînes de valeur agricoles.
Un cap à maintenir
L’avenir alimentaire de la RDC ne dépend pas uniquement de sa fertilité naturelle, mais de sa capacité à aligner les efforts politiques, économiques et communautaires autour d’un objectif commun. La lutte contre la faim ne se gagnera pas uniquement dans les champs, mais aussi dans les institutions stables, sur les routes, dans les banques et jusque dans les écoles agricoles.
Comme le résume le docteur Rajabu, spécialiste des politiques agricoles : « Le moment est venu pour la RDC de se lever et d’exploiter pleinement ses richesses naturelles. L’agriculture, si elle est bien pensée, peut transformer ce pays. »
La tâche est immense, mais l’élan est enclenché. L’État, les partenaires techniques, les ONG et les paysans eux-mêmes commencent à bâtir des ponts là où il n’y avait que des fossés. Investir dans les infrastructures, faciliter le crédit rural, promouvoir l’agro-industrie locale et respecter les savoirs paysans : autant de pistes concrètes pour avancer.
Dans un pays où l’espérance se cultive aussi bien dans les esprits que dans les sillons, chaque semence devient un pari sur demain. Il ne reste plus qu’à irriguer cet espoir. Et à ne plus jamais laisser la faim dicter la loi d’un sol aussi généreux.
Heshima Magazine
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RDC : un trésor de plus de 24 000 milliards de dollars qui attend toujours ses investisseurs
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2 jours agoon
juin 23, 2025By
La redaction
La République démocratique du Congo (RDC) possède un potentiel économique qui donne le vertige : ses réserves de minerais critiques sont estimées à 24 000 milliards de dollars selon un récent rapport de la Banque mondiale. Premier producteur mondial de cobalt, regorgeant de cuivre, d’or, de diamants et de terres rares essentielles à la transition énergétique, le pays dispose d’atouts considérables pour devenir une puissance économique africaine. Pourtant, cette richesse extraordinaire contraste cruellement avec la réalité quotidienne des Congolais, dont plus de 70% vivent avec moins de 2 dollars par jour.
« Nous marchons littéralement sur des trésors, mais nos enfants n’ont pas d’écoles décentes et nos hôpitaux manquent de tout », confie Jeanne Mabika, commerçante à Kinshasa. « Comment expliquer ce paradoxe sinon par la corruption qui gangrène notre pays à tous les niveaux ? »
Ce paradoxe s’explique en grande partie par un climat des affaires défavorable qui dissuade les investisseurs privés. Selon l’Indice de Perception de la Corruption (IPC) 2023 de Transparency International, la RDC se maintient à un score de 20/100, la classant 162ᵉ sur 180 pays. Bien qu’il s’agisse d’une légère amélioration par rapport à 2022 (166ᵉ), cette stagnation confirme que la corruption reste endémique et structurelle, freinant le développement économique et décourageant les investissements.
Une bureaucratie paralysante
Le système judiciaire inefficace, la bureaucratie excessive, le faible accès au crédit et l’instabilité politique constituent les principales entraves au développement du secteur privé en RDC. La Banque africaine de développement (BAD) a identifié ces contraintes lors d’un atelier organisé à Kinshasa, soulignant également le déficit en infrastructures et une fiscalité complexe et peu transparente.
« Pour obtenir un simple permis d’exploitation, j’ai dû verser des pots-de-vin à sept fonctionnaires différents et attendre huit mois », témoigne Pascal Kilapi, entrepreneur dans le secteur agricole à Lubumbashi. « Comment voulez-vous développer une activité rentable dans ces conditions ? Les tracasseries administratives découragent même les plus motivés d’entre nous. »
Les affaires de corruption touchent régulièrement les plus hautes sphères de l’État. En juin 2025, le ministre de la Justice, Constant Mutamba, a été contraint de démissionner suite à des accusations de tentative de détournement d’argent public dans un projet de construction d’une prison à Kisangani, pour un montant d’environ 19 millions de dollars. Cette affaire n’est que la partie émergée de l’iceberg. En 2020, Vital Kamerhe, alors directeur de cabinet du président Félix Tshisekedi, avait été condamné pour avoir détourné près de 50 millions de dollars destinés à un projet de logement social, avant d’être acquitté deux ans plus tard et de réintégrer le gouvernement.
L’impact dévastateur sur l’économie et la population
La corruption systémique a des conséquences directes sur le développement économique du pays. Elle détourne les ressources qui devraient servir à construire des infrastructures essentielles, à améliorer les services publics et à créer des emplois. Elle renforce également les inégalités sociales et nourrit les conflits, notamment dans l’Est du pays.
L’économiste congolais Emmanuel Patela, analyse : « La corruption en RDC n’est pas un simple dysfonctionnement, c’est un système parallèle de gouvernance qui capte les ressources au profit d’une minorité. Les investisseurs étrangers hésitent à s’engager dans un environnement où les règles du jeu sont constamment faussées et où la sécurité juridique est inexistante. »
Cette situation explique pourquoi, malgré son potentiel extraordinaire, la RDC ne figure pas parmi les dix pays africains attirant le plus d’investissements privés. L’Afrique du Sud (5,07 milliards de dollars), le Nigeria (3,96 milliards) et l’Égypte (3,37 milliards) occupent le podium, tandis que des pays aux ressources bien moindres comme la Côte d’Ivoire (2,18 milliards) ou le Kenya (1,7 milliard) surpassent largement la RDC en termes d’attractivité pour les capitaux privés.
Des réformes prometteuses mais insuffisantes
Face à ce constat alarmant, le gouvernement congolais a entrepris plusieurs réformes pour améliorer le climat des affaires. Le 15 novembre 2024, sous l’égide de l’Agence nationale pour la promotion des investissements (ANAPI), une feuille de route des mesures et réformes gouvernementales a été validée lors d’une réunion du comité de pilotage présidée par le Vice-Premier ministre, ministre du Plan, Guylain Nyembo.
Cette feuille de route comprend notamment la digitalisation des procédures administratives et fiscales, la réduction des délais de traitement des actes administratifs et la simplification du cadre réglementaire. Des ateliers de formation ont également été organisés dans plusieurs provinces, comme au Kongo-Central en février 2025, pour outiller les cellules provinciales du climat des affaires.
« Ces initiatives sont encourageantes. Nous félicitons le gouvernement pour les progrès réalisés. La Feuille de route est un atout que nous pourrons promouvoir auprès de nos entrepreneurs et gouvernements », a déclaré Jennifer Imperator, Chargée d’Affaires de l’Ambassade des Pays-Bas.
Cependant, ces réformes se heurtent à la résistance d’une administration habituée aux pratiques de corruption. « Malgré le volontarisme dont il fait preuve, le président Tshisekedi aura difficile à réaliser son engagement d’assainir l’environnement des affaires en RDC, avec une administration publique et un système judiciaire remplis de fonctionnaires et de magistrats qui baignent dans la corruption jusqu’à la moelle », analyse le politologue Isidore Kwandja Ngembo.
Les modèles inspirants : quand l’absence de ressources devient un atout
Pour sortir de cette impasse, la RDC pourrait s’inspirer de pays qui ont réussi à transformer leur économie malgré des ressources naturelles limitées, voire inexistantes. Ces exemples démontrent que la gouvernance, l’innovation et la vision stratégique peuvent largement compenser l’absence de richesses minières.
LeSingapour constitue l’exemple le plus frappant de réussite économique sans ressources naturelles. Totalement dépourvu de ressources naturelles et agricoles, ce petit pays est devenu l’une des économies les plus prospères au monde avec un PIB par habitant d’environ 73 000 dollars, se classant au 2ème rang mondial derrière le Luxembourg.
« Singapour est sans doute la plus grande réussite économique d’après-guerre, dans un contexte au départ hostile », souligne le magazine d’actualité L’Express. Quand Lee Kuan Yew est devenu président en 1965, l’île accueillait une population hétérogène sans accès aux ressources naturelles. Le modèle économique singapourien repose sur une forte ouverture au commerce international et aux investissements étrangers, avec un environnement des affaires et une fiscalité très attractive.
La stratégie économique proactive du gouvernement a organisé la montée en gamme de l’industrie et des services en attirant le commerce (égal à environ trois fois le PIB), les investissements étrangers (quatre fois le PIB en stock d’IDE) et la main d’œuvre étrangère (un tiers de la population active). Près de la moitié (46%) des sièges régionaux asiatiques se trouvent aujourd’hui à Singapour.
La Corée du Sud offre un autre exemple remarquable de transformation économique. Selon les statistiques, le PNB par habitant est resté presque stagnant entre 1953 et 1960 (de 56 à 60 dollars), alors que la Corée du Nord avait quasiment quadruplé le sien sur la même période.
Le modèle de développement sud-coréen s’est basé sur des liens étroits entre le gouvernement et les milieux d’affaires, incluant le crédit dirigé, les restrictions aux importations, le financement de certaines industries, et un gros effort de travail. Le gouvernement a favorisé l’importation des matières premières et de la technologie aux dépens des biens de consommation et a encouragé l’épargne et l’investissement au détriment de la consommation.
Aujourd’hui, la Corée du Sud tient sa force économique de son industrie manufacturière, qui représente 25% du PIB coréen, soit l’une des parts les plus importantes parmi les pays développés. Le pays est devenu le 4ème marché mondial de la robotique, avec des ventes qui devraient atteindre 4,5 milliards d’euros en 2024.
Le Vietnam est aussi un autre exemple qui illustre parfaitement comment un pays peut fonder son développement sur l’ouverture économique. Avec une croissance moyenne supérieure à 6% sur les vingt dernières années, et un PIB par tête qui dépasse maintenant celui des Philippines et de l’Indonésie, le Vietnam se place parmi les économies les plus dynamiques d’Asie du Sud-Est.
Le Vietnam a fondé son développement sur l’ouverture de sa balance des paiements, par le biais du commerce extérieur et des investissements directs étrangers (IDE). Les investisseurs étrangers plébiscitent surtout la stabilité politique du pays, son degré d’ouverture aux IDE, son appartenance à un réseau dense d’accords de libre-échange et le coût réduit de sa main d’œuvre assez bien formée.
Le cas le plus fascinant de transformation est sans doute économique est sans doute l’Irlande. Jusqu’aux années 1980, l’Irlande était l’un des pays les moins développés d’Europe occidentale, avec une économie largement basée sur l’agriculture, avec une majorité d’exploitation familiale, un taux de chômage élevé et une émigration massive.
Le « Programme de redressement national » lancé en 1987 visait à réduire le déficit budgétaire par des coupes dans les dépenses publiques, une modération salariale et des réformes fiscales. L’un des principaux moteurs de la croissance économique irlandaise a été l’attraction d’investissements étrangers, notamment des entreprises américaines, grâce à des taux d’imposition sur les sociétés très bas, une main-d’œuvre anglophone et bien éduquée, ainsi qu’un accès privilégié au marché européen.
Aujourd’hui, la croissance du PIB réel devrait s’établir à 3,7% en 2025, et l’Irlande a accompli des progrès impressionnants en matière de résultats économiques et de qualité de niveau de vie parmi les meilleurs.
L’exemple de la République d’Estonie montre comment la transformation numérique peut servir de catalyseur au développement économique. Ce petit pays d’environ 1,3 million d’habitants a fait des progrès incroyables dans sa transformation numérique, cultivant un environnement favorable à l’innovation qui a abouti à la création de dix entreprises technologiques d’un milliard de dollars au point d’être qualifiée par le Forum économique mondial de « pays le plus entrepreneurial d’Europe ». La première version des principes de la politique estonienne de l’information a été établie en 1994, autorisant l’allocation d’un pourcentage du PIB spécifiquement aux technologies de l’information. Elle a été la première nation à offrir la citoyenneté numérique, permettant aux entrepreneurs du monde entier de créer et de gérer des entreprises en ligne. En 2023, plus de 80% des services gouvernementaux sont accessibles en ligne, et le payement des impôts se fait en quelques minutes grâce à une interface simplifiée.
Le cas particulier du Botswana : la bonne gouvernance des ressources
Bien que le Botswana dispose de ressources naturelles (principalement des diamants), son modèle de développement offre des leçons précieuses sur la bonne gouvernance. C’est l’un des rares pays africains à avoir connu une transformation économique impressionnante depuis son indépendance en 1966.
Contrairement à d’autres nations riches en matières premières mais freinées par la mauvaise gouvernance comme la RDC, le Botswana a su éviter « la malédiction des ressources naturelles ». Toutes les mines de diamants du Botswana sont exploitées dans le cadre d’un accord de licence avec le gouvernement, en vertu duquel 80% des recettes liées aux diamants sont réinjectées dans l’économie du pays.
Le pays affiche une croissance soutenue depuis son indépendance, atteignant parfois plus de 10% par an grâce à une politique budgétaire rigoureuse qui limite le gaspillage des ressources publiques, des investissements dans les infrastructures et une gestion transparente des revenus miniers évitant la fuite des capitaux.
Les réformes indispensables pour transformer l’économie congolaise
Pour renforcer la confiance des investisseurs et libérer le potentiel économique de la RDC, plusieurs réformes structurelles s’imposent. Lors du Annual Investment Meeting Congress 2025 à Abu Dhabi, la délégation gouvernementale congolaise, conduite par la Première ministre Judith Suminwa Tuluka, a présenté une stratégie de diversification économique articulée autour de trois secteurs prioritaires : les infrastructures et BTP, l’énergie et l’industrialisation, et le numérique.
Parmi les mesures déjà mises en œuvre figurent la réduction des délais d’enregistrement des entreprises à 72 heures et l’adoption d’un nouveau code des investissements. Ces réformes s’accompagnent d’incitations fiscales pour les secteurs prioritaires et d’un programme ambitieux de développement des infrastructures.
« Le pays doit absolument renforcer son système judiciaire pour garantir la sécurité juridique des investissements que recherche tout investisseur », souligne Me Bernardine Kongolo, avocate spécialisée en droit des affaires. « Sans un État de droit fonctionnel, toutes les autres réformes resteront lettre morte. Les investisseurs ont besoin de savoir que leurs contrats seront respectés et que les différends seront réglés de manière équitable sans interférences politiques. »
La lutte contre la corruption doit également s’accompagner d’une sensibilisation et d’une éducation de la jeunesse. « Il faut sensibiliser et éduquer la jeunesse congolaise aux méfaits de la corruption », plaide Saidi Mugunda, entrepreneur agricole à Goma. « Dans certains secteurs, les entrepreneurs s’approvisionnent auprès de sources peu sûres et corrompent les agents du service public de certification pour obtenir des autorisations malgré la qualité douteuse de leurs produits. »
Les bénéfices potentiels pour l’État et la population
Si la RDC parvenait à améliorer significativement son climat des affaires et à attirer davantage d’investissements privés, les bénéfices seraient considérables tant pour l’État que pour la population. Selon Nicolas Kazadi, ancien ministre des Finances, en termes d’opportunités d’affaires, il y a très peu de pays en Afrique et dans le monde qui ont autant d’opportunités d’investissement que la RDC.
L’afflux de capitaux privés permettrait de développer les infrastructures essentielles, de créer des emplois formels et de diversifier l’économie, actuellement trop dépendante du secteur minier. La Société américaine de financement du développement international (DFC) pourrait plus que doubler ses investissements dans le secteur minier en RDC pour atteindre environ 1,4 milliard de dollars, contre 750 millions de dollars investis en 2023.
« Nous nous appuyons sur nos propres financements, non seulement dans le secteur minier mais aussi dans des pays comme la RDC, dans l’espoir de pouvoir réduire les risques et attirer davantage de capitaux privés », a déclaré Nisha Biswal, directrice générale adjointe de la DFC.
La diversification économique est cruciale pour réduire la vulnérabilité du pays aux fluctuations des cours des matières premières. Comme souligné par l’ancien premier Ministre Jean-Michel Sama Lukonde, l’effort du gouvernement pour améliorer non seulement notre climat des affaires, mais surtout notre potentiel d’investissement va dans le sens de répondre à une question sociale du plus haut niveau, celle de la création des emplois et de la création des richesses.
Un tournant décisif pour l’avenir du Congo
La RDC se trouve à un moment charnière de son histoire. Avec ses ressources naturelles exceptionnelles et une population jeune et dynamique, le pays possède tous les atouts pour devenir une puissance économique africaine. Cependant, la corruption endémique et un climat des affaires défavorable continuent de freiner son développement.
Les réformes engagées par le gouvernement vont dans la bonne direction, mais leur mise en œuvre effective nécessitera une volonté politique très forte et un changement profond des mentalités. Comme l’affirmait Paul Nsapu, alors vice-président de la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH), « la corruption doit être érigée en crime économique, et crime contre l’humanité. Si le président Tshisekedi ose combattre cette corruption, nous serons là pour le soutenir ».
L’exemple de pays comme Singapour, la Corée du Sud, le Vietnam, l’Irlande ou l’Estonie montre qu’une transformation rapide est possible avec des politiques appropriées et une gouvernance transparente. Ces nations ont prouvé que l’absence de ressources naturelles peut même constituer un avantage, forçant les dirigeants à miser sur l’innovation, l’éducation et la création de valeur ajoutée.
Pour la RDC, l’enjeu est désormais de transformer ses immenses richesses naturelles en prospérité partagée pour l’ensemble de sa population. Le chemin sera long et semé d’embûches, mais l’avenir du Congo en dépend.
« Notre pays est comme un géant endormi », conclut Jean Mutomb, professeur d’économie. « Il est temps de le réveiller en libérant les énergies entrepreneuriales et en mettant fin à la corruption qui nous paralyse. Nos enfants méritent mieux que la pauvreté au milieu de tant de richesses. »
Heshima Magazine
Nation
Isolé à Doha et à Washington : Kabila attend la carte de la CENCO-ECC
Published
2 jours agoon
juin 23, 2025By
La redaction
L’ancien président de la République démocratique du Congo (RDC), Joseph Kabila, ne semble plus avoir les cartes en main. Revenu au pays via Goma, ville congolaise contrôlée par les rebelles du Mouvement du 23 mars (AFC/M23), soutenus par le Rwanda, l’ancien président s’est retrouvé isolé dans cette ville volcanique alors que Kinshasa et Kigali sont en passe de signer un accord de paix à Washington, aux États-Unis. Pendant ce temps, à Doha, capitale du Qatar, où se déroulent les discussions entre le gouvernement congolais et les rebelles, Kabila reste absent. Son entourage espère désormais jouer la carte du dialogue interne initié par les chefs religieux de la CENCO et de l’ECC.
Joseph Kabila est toujours à Goma. Après avoir consulté les rebelles de l’Alliance Fleuve Congo (AFC) plateforme dans laquelle se trouve le M23, puis la société civile locale et des chefs coutumiers de la zone environnante, Joseph Kabila n’a plus entrepris d’actions visibles à Goma. Les négociations officielles qui se déroulent aux États-Unis et au Qatar continuent de se dérouler sans lui. Pendant que Kinshasa se rapproche d’un accord minier avec Washington et d’un accord de paix avec Kigali, l’ancien président a dépêché son émissaire à Washington DC pour tenter de porter sa voix.
Envoyé dans la capitale américaine, son ancien conseiller diplomatique, Barnabé Kikaya Bin Karubi, a déclaré au journaliste Stanis Bujakera que son camp politique était parvenu à susciter des réserves parmi les facilitateurs de ces discussions. « Résoudre la crise congolaise par un simple accord avec le Rwanda serait une erreur. Il faut à tout prix aborder la question congolaise, interne, par un dialogue pacifique. Monsieur Kabila, c’est un homme de paix, un homme de dialogue », a déclaré Barnabé Kikaya.
Pour l’heure, la vision de la crise défendue par Joseph Kabila n’a pas été prise en compte par le gouvernement congolais. Kinshasa l’accuse d’avoir refusé de participer aux dernières élections (en 2023) pour « préparer une insurrection » avec la rébellion de l’AFC coordonnée par l’ancien président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), Corneille Nangaa. D’où son isolation par le gouvernement congolais dans les discussions en cours. Interrogée en mars dernier en Afrique du Sud sur la participation de l’ancien chef de l’État au processus de paix en cours, la ministre d’État aux Affaires étrangères, Thérèse Kayikwamba Wagner avait répondu qu’aucun rôle n’avait été prévu pour Joseph Kabila dans les discussions de paix.
La CENCO-ECC reçue par Tshisekedi, Kabila attend ce dialogue
Le samedi 21 juin 2025, le président de la République, Félix Tshisekedi, a reçu la délégation des chefs religieux de la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO) et de l’Église du Christ au Congo (ECC). Après avoir longtemps attendu cette audience, ces hommes d’église lui ont remis le rapport de leur mission relative au Pacte social, qui s’inscrit dans le cadre de la recherche de la paix dans la région de Grands Lacs, en général, et en RDC, en particulier.
Ce projet évoque un dialogue national inclusif entre tous les acteurs de la crise, une initiative qui a suscité la polémique, notamment en raison des soupçons de partialité des évêques dans cette crise. Ce rapport fait état de la mission effectuée tant au pays qu’à l’étranger à l’initiative des évêques de ces deux confessions religieuses. Félix Tshisekedi a mis en place une équipe de travail pour réfléchir autour de ce rapport. Ce dialogue – s’il se tient – pourrait être le dernier rempart pour Joseph Kabila afin d’influencer à nouveau le cours de la politique congolaise.
Kabila supporte mal sa marginalisation sur la scène politique, alors qu’il avait joué un rôle central dans l’alternance pacifique au pouvoir en 2019. « Toute tentative de résolution de cette crise qui ignorerait ses causes profondes – en premier lieu la gouvernance actuelle de la RDC – ne pourra pas apporter une paix durable », avait écrit Joseph Kabila dans une tribune publiée par Sunday Times, un journal sud-africain.
Pour lui, les innombrables violations de la constitution ne prendront pas fin « après une simple négociation entre la RDC et le Rwanda ou une défaite militaire du M23 ». Après avoir été exclu des processus de Doha et de Washington, Joseph Kabila espère se rattraper avec l’initiative de la CENCO-ECC qui pourrait inclure plusieurs acteurs politiques. « Il faut qu’il y ait une structure qui organise ce dialogue. Les évêques ont essayé. Le président Kabila, dans son discours, a applaudi cette initiative », a déclaré Kikaya Bin Karubi, faisant allusion aux consultations menées ces trois derniers mois par les Églises catholique et protestante en RDC et à l’étranger. « Si l’initiative des évêques aboutissait demain, vous verrez M. Kabila autour de la table », a-t-il annoncé.
Kabila a-t-il été l’objet de pression de Kigali ?
Étant passé par le Rwanda avant d’atteindre Goma – quartier général des rebelles – Joseph Kabila avait fait de la fin de la « tyrannie » de Félix Tshisekedi son objectif numéro un lors de son allocution à la nation congolaise le 23 mai 2025. Ayant passé par le Rwanda avant d’atteindre Goma, l’ancien « raïs » semblait peut-être compter sur ce pays agresseur de la RDC pour réaliser son plan à 12 recommandations. Mais la perception du Rwanda de l’action de Joseph Kabila semble tout autre. Selon François Soudan, rédacteur en chef de Jeune Afrique, l’ancien président semble « bien décidé à obtenir un changement de régime à Kinshasa », alors que ses alliés sont dans une « logique de contrôle des deux Kivu comme zone tampon sécuritaire pour le Rwanda, et comme zone d’influence communautaire pour le M23 ». D’après François Soudan, « dans le jeu de Kigali, Joseph Kabila apparaît comme une carte pour faire pression sur Félix Tshisekedi, rien de plus. »
Selon Jeune Afrique, Félix Tshisekedi « est en train de compenser, sur les plans diplomatique et politique, les revers de son armée sur le plan militaire ». Outre l’obtention de la résolution de l’ONU demandant le retrait du M23, le chef de l’État congolais a pu se présenter en rassembleur par le biais d’une « accolade spectaculaire avec Martin Fayulu », pourtant l’un de ses opposants les plus acharnés. Cette ouverture montrée avec Martin Fayulu peut amener à décrisper les rivalités au sein de la classe politique et faire le lit à un dialogue politique interne. Dans ces discussions, Joseph Kabila aurait pu avoir une place de choix compte tenu de son statut d’ancien président de la République et de sénateur à vie. Mais son possible soutien à la rébellion, qui a entraîné la levée de ses immunités au Sénat, lui nuit actuellement. Dans un tel contexte, la carte du dialogue de la CENCO-ECC reste sa seule planche de salut, sauf un coup de théâtre…
Heshima
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