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Deal RDC–USA : l’IGF, levier clé de la transparence exigée par Washington ?
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La redaction
Un vent d’espoir souffle sur la République Démocratique du Congo (RDC) avec l’émergence d’un partenariat stratégique avec les États-Unis. Cet accord ambitieux, axé sur l’exploitation de minerais stratégiques comme le cobalt, le lithium et le cuivre, pourrait offrir aux entreprises américaines un accès privilégié en échange d’un soutien sécuritaire pour pacifier l’Est du pays, une région riche en ressources mais marquée par l’instabilité. Qualifié de « deal historique » par un diplomate américain lors d’une conférence à New York en avril 2025, cet accord pourrait redéfinir les relations géopolitiques en Afrique centrale et transformer l’économie congolaise. Cependant, la transparence dans la gestion des ressources et des finances publiques est une condition sine qua non pour les États-Unis. C’est dans ce contexte que l’Inspection Générale des Finances (IGF), dirigée par le chevronné Jules Alingete, devient un acteur clé. Depuis 2020, Alingete a transformé l’IGF en un rempart contre la corruption. Heshima Magazine explore comment l’IGF pourrait permettre à la RDC de se positionner comme un partenaire fiable et transparent sur la scène internationale.
La RDC est un géant minier, détenant environ 70 % des réserves mondiales de cobalt, d’immenses gisements de lithium et plus de 75 millions de tonnes de cuivre. Ces minerais, essentiels aux batteries des véhicules électriques, aux technologies renouvelables et aux infrastructures électriques, sont au cœur de la transition énergétique mondiale. Pourtant, l’Est du pays, où ces ressources abondent, est en proie à une insécurité chronique. Des groupes armés, comme le M23 appuyé par le Rwanda, exploitent illégalement ces minerais, privant l’État de revenus cruciaux tout en massacrant la population congolaise. Face à ce défi, le président Félix Tshisekedi a proposé un accord audacieux aux États-Unis : un accès privilégié à ces richesses en échange d’un appui militaire pour stabiliser la région et d’investissements massifs pour moderniser l’économie.
Ce partenariat ne se limite pas à une transaction économique. Il s’inscrit dans une compétition géopolitique mondiale, où les États-Unis cherchent à contrer l’influence chinoise, qui domine actuellement le secteur minier congolais. Mais pour que cet accord voie le jour, Washington exige une gouvernance irréprochable, appuyée par des institutions robustes comme l’IGF, dont la mission est d’assurer une gestion transparente des fonds et des ressources publics. « Ce deal est une chance pour la RDC, mais il repose sur la confiance », commente Alain Mulunda, analyste économique à l’Université de Lubumbashi.
Minerais, insécurité et rivalités internationales
La demande mondiale pour le cobalt, le lithium et le cuivre explose. Selon l’US Geological Survey, cette demande devrait quadrupler d’ici 2030, propulsant la RDC au centre de l’attention. Les gisements de cobalt du Lualaba et du Haut-Katanga, les réserves de lithium du Tanganyika et du Maniema, et les immenses dépôts de cuivre du Haut-Katanga font du pays un acteur incontournable. Jusqu’à récemment, la Chine exerçait une emprise quasi exclusive sur ces ressources, contrôlant 70 à 80 % de la production congolaise grâce à des entreprises comme China Molybdenum et Zijin Mining, selon une analyse de la Banque mondiale.
L’Est de la RDC, riche en minerais, est un paradoxe. Alors que ses ressources attirent les investisseurs, l’insécurité freine leur exploitation. Le M23, accusé par une résolution de l’ONU en février 2025 de recevoir le total soutien rwandais, exploite illégalement ces minerais, privant l’État de plus de 2 milliards de dollars par an, selon l’ONG Global Witness. « Sans sécurité, il n’y a pas d’investissement possible », a martelé Tshisekedi lors d’un sommet à Nairobi en janvier 2025.
Longtemps dépendante des partenariats chinois, la RDC cherche à diversifier ses alliances. Lors de l’Assemblée générale de l’ONU en septembre 2024, Tshisekedi a plaidé pour des partenariats « gagnant-gagnant » qui favorisent la transformation locale des minerais. Le deal avec les États-Unis s’inscrit dans cette stratégie, offrant une alternative pour attirer des investissements occidentaux tout en répondant aux défis sécuritaires.
Les contours du deal : minerais contre sécurité et investissements
Au cœur de l’accord, la RDC propose un accès privilégié à ses minerais stratégiques : le cobalt, extrait principalement dans le Lualaba et le Haut-Katanga, le lithium, dont les gisements du Tanganyika et du Maniema attirent l’attention des industriels, et le cuivre, dont les réserves massives positionnent le pays comme un leader africain. Des géants américains comme Tesla, Ford et Apple, selon un rapport de Bloomberg en avril 2025, négocient des contrats d’approvisionnement à long terme pour sécuriser leurs chaînes de production.
En contrepartie, les États-Unis s’engagent à soutenir la sécurité dans l’Est congolais. Cet appui comprend la formation et le renforcement des Forces armées de la RDC (FARDC) par des instructeurs américains, le déploiement d’un contingent limité de conseillers militaires pour coordonner les opérations contre les groupes armés, et la fourniture de technologies avancées, comme des drones et des systèmes de renseignement à la pointe de la technologie. « Notre objectif est de stabiliser l’Est pour sécuriser les investissements », a déclaré un officiel du Pentagone, cité par CNN en mars 2025.
L’accord inclut également un plan d’investissement ambitieux de 500 milliards de dollars sur 15 ans, financé par des entreprises privées et des institutions américaines comme la Development Finance Corporation (DFC). Ces fonds viseront à moderniser les infrastructures, avec la construction de routes, de ponts et de réseaux électriques pour faciliter l’exploitation minière. Des usines de raffinage seront établies pour transformer localement le cobalt et le cuivre, réduisant la dépendance aux exportations brutes. Enfin, des projets sociaux, comme la construction d’écoles et d’hôpitaux dans les zones minières, sont prévus pour améliorer les conditions de vie. « Ce projet pourrait transformer la RDC », a tweeté l’économiste de renommé international Jeffrey Sachs en avril 2025.
Où en sont les négociations ?
Les discussions entre Kinshasa et Washington avancent à grands pas confie à Heshima Magazine une source au sein du gouvernement. Côté congolais, Félix Tshisekedi pilote les négociations, épaulé par son conseiller économique Andre Wameso, le ministre des Mines, … Côté américain, le secrétaire d’État Marco Rubio, des officiels du Pentagone et des représentants de Tesla et General Motors jouent un rôle clé. En mars 2025, Wameso s’est rendu à Washington pour rencontrer des sénateurs, selon un article de Politico, afin de finaliser les termes de l’accord.
Le département d’État américain a confirmé, dans un communiqué du 29 avril 2025, que cet accord « renforcera la sécurité et la prospérité en Afrique centrale ». « Ce deal est une opportunité inespérée pour notre pays, enfin la RDC connaitra la paix et la prospérité », se réjouis Sophie Salama, experte en gouvernance à Kinshasa.
La transparence, condition sine qua non des États-Unis
Pour les États-Unis, tout investissement en RDC est subordonné à une gouvernance rigoureuse, assurée par des hommes et des femmes intègres du pays hôte, conformément aux exigences du Foreign Corrupt Practices Act (FCPA). Adoptée en 1977, cette loi interdit aux entreprises américaines de verser des pots-de-vin à des agents publics étrangers et impose une comptabilité rigoureuse et transparente. Les violations sont sévèrement sanctionnées, comme en témoigne le cas de l’entreprise Telia, condamnée en 2017 à une amende de 965 millions de dollars pour des faits de corruption en Ouzbékistan.
Les entreprises américaines impliquées dans le deal risquent gros en cas de corruption. Une infraction pourrait entraîner des amendes colossales, des peines de prison pour les dirigeants et l’exclusion des marchés publics américains. Pour répondre à ces exigences, Washington imposera des audits conjoints avec les autorités congolaises, des rapports trimestriels sur les revenus miniers et une surveillance étroite des flux financiers. La Securities and Exchange Commission (SEC) et le DOJ (Department of Justice) collaboreront avec des institutions locales en RDC pour détecter toute irrégularité, rendant la transparence non négociable.
L’IGF, pivot de la confiance américaine
L’IGF s’est imposée comme un acteur central dans la lutte contre la corruption et la promotion de la transparence. Créée par l’ordonnance n° 87-323 du 15 septembre 1987 et rattachée directement à la présidence, elle a pour mission de contrôler la gestion des finances publiques. Ses audits, enquêtes sur les détournements et patrouilles financières en font un rempart contre la corruption. « Nous sommes les gardiens de l’argent public », affirme Jules Alingete, Inspecteur Général Chef de Service, dans un entretien à Jeune Afrique en janvier 2025.
Sous la direction d’Alingete, l’IGF a intensifié ses efforts. En avril 2025, un audit des projets routiers à Kinshasa a révélé des surfacturations de 30 %, entraînant la suspension des responsables impliqués. En mars 2025, trois directeurs d’entreprises publiques ont été écartés pour détournement de fonds, une décision saluée par Transparency International. La relance de la « patrouille financière » en 2025 permet désormais un contrôle en temps réel des dépenses publiques, renforçant la crédibilité de l’institution. « L’IGF est devenue un acteur incontournable pour rassurer les partenaires internationaux », commente Pierre Kibati, militant écologiste congolais.
L’IGF a également joué un rôle déterminant dans la renégociation du contrat minier sino-congolais signé en 2008 sous le régime de Joseph Kabila. Ce contrat, qui prévoyait un échange de minerais contre des infrastructures, s’est avéré déséquilibré au détriment de la RDC. Selon un rapport de l’IGF, les entreprises chinoises ont généré environ 76 milliards de dollars de gains, tandis que la RDC n’a bénéficié que de 3 milliards de dollars en infrastructures. Cette situation a conduit l’IGF à recommander une revisitation ou une résiliation du contrat.
Les efforts de l’IGF ont abouti à la signature d’un nouvel avenant en mars 2024, rééquilibrant les profits entre les deux parties. Le montant alloué aux infrastructures est passé de 3 à 7 milliards de dollars sur les dix-sept prochaines années, avec des décaissements annuels obligatoires de 324 millions de dollars. De plus, la part de la RDC dans la coentreprise Sicomines a été augmentée, renforçant ainsi son contrôle sur la gestion des ressources minières.
Dans le cadre du partenariat stratégique entre la RDC et les États-Unis sur les minerais critiques, l’IGF est appelée à jouer un rôle central. Elle auditera les contrats miniers, surveillera l’utilisation des fonds américains et collaborera avec la SEC pour garantir une transparence totale. Cette collaboration s’étendra forcément à d’autres institutions congolaises, telles que la Cour des comptes, la Cellule Nationale de Renseignements Financiers (CENAREF) pour lutter contre le blanchiment. « Sans l’IGF, ce partenariat n’aurait sûrement aucune crédibilité aux yeux de Washington », souligne Sophie Mutombo, étudiante en économie à Kinshasa.
Ainsi, l’IGF, sous la direction de Jules Alingete, s’affirme comme le pivot de la confiance américaine dans la gestion des ressources stratégiques de la RDC.
Félix Tshisekedi, architecte d’une nouvelle RDC
Félix Tshisekedi est le moteur de ce partenariat. Depuis son arrivée au pouvoir en 2019, il a fait de la lutte contre la corruption une priorité. En 2023, il a promulgué une loi anti-corruption renforçant les sanctions contre les détournements de fonds. L’année suivante, le budget de l’IGF a été augmenté de 50 %, lui donnant les moyens d’agir. « La corruption est un cancer que nous devons éradiquer », avait-t-il déclaré.
Sur le plan diplomatique, Félix Tshisekedi a déployé une série d’initiatives pour repositionner la République Démocratique du Congo (RDC) sur la scène internationale. Ses visites stratégiques aux États-Unis en 2023 et 2024, ainsi que son discours marquant devant l’Assemblée générale des Nations unies en septembre 2024, ont constitué des étapes clés dans cette démarche. Lors de ces occasions, il a mis en avant la nécessité de transformer localement les minerais afin de valoriser davantage les ressources naturelles du pays et d’attirer les investisseurs étrangers, notamment américains.
L’une des déclarations marquantes de cette période provient de Jules Alingete, l’Inspecteur général des Finances, qui a souligné les efforts constants du président pour améliorer la gouvernance publique en RDC. Lors de la Journée internationale de lutte contre la corruption en décembre 2024, il a affirmé : « Depuis son accession à la magistrature suprême de notre pays, Son Excellence Monsieur le président de la République et chef de l’État de la RDC, Félix Tshisekedi, ne cesse de s’employer pour améliorer la gouvernance publique dans notre pays. » Cette déclaration met en lumière l’engagement du président Tshisekedi à renforcer la transparence et à promouvoir une gestion plus rigoureuse des ressources publiques, des objectifs essentiels pour renforcer la crédibilité du pays à l’international.
Opportunités et défis
Le deal RDC-USA offre des perspectives prometteuses. La pacification de l’Est pourrait mettre fin à des décennies de conflits, tandis que les 500 milliards de dollars d’investissements prévus sur 15 ans permettraient de moderniser l’économie congolaise. La transformation locale des minerais, avec la construction d’usines de raffinage, pourrait créer des milliers d’emplois et réduire la dépendance aux exportations brutes.
L’IGF, clé d’un partenariat historique
Le partenariat entre la RDC et les États-Unis est une opportunité historique, mais son succès repose sur un pilier fondamental : la transparence. L’Inspection Générale des Finances, par son action rigoureuse et sa collaboration avec d’autres institutions, est le levier qui permettra à la RDC de gagner la confiance de Washington. Sous l’impulsion de Félix Tshisekedi, ce deal pourrait transformer le pays en un modèle de coopération internationale, à condition que les engagements de gouvernance soient tenus. Comme le résume Pierre Kibati, « l’avenir de la RDC se joue maintenant, et l’IGF est au cœur de cette bataille ».
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DGI : focus sur la réforme de la fiscalité directe lancée en RDC
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4 jours agoon
novembre 4, 2025By
La redaction
Depuis le 11 septembre 2025, le gouvernement congolais mène une vaste campagne nationale de sensibilisation et de vulgarisation autour de la réforme de la fiscalité directe. Adoptée par la loi n°25/035 du 30 novembre 2023, cette réforme entrera en application le 1er janvier 2026.Conçue dans une logique de modernisation et de transparence, elle s’inscrit dans la même dynamique que la mise en œuvre de la facture normalisée, qui vise à renforcer l’efficacité du recouvrement de la TVA. Ces deux chantiers stratégiques sont placés sous la conduite de la Direction générale des impôts (DGI). Mais en quoi cette réforme de la fiscalité directe diffère-t-elle réellement de l’ancien système ?
Le système fiscal congolais, longtemps critiqué pour sa complexité et sa fragmentation, s’apprête à connaître une transformation majeure dans deux mois. La République démocratique du Congo mettra en œuvre la réforme issue des lois n° 23/052 et n° 23/053 du 30 novembre 2023, qui réorganisent en profondeur la fiscalité directe.
Au cœur de cette réforme figure un changement de paradigme : le pays abandonne le système d’imposition cédulaire, où chaque catégorie de revenu était taxée séparément selon des règles propres, pour adopter un système global d’imposition. Désormais, l’ensemble des revenus d’un contribuable sera agrégé afin de constituer une base unique soumise à l’impôt, marquant ainsi une étape décisive vers une fiscalité plus cohérente et équitable.
Deux impôts introduits par la réforme
Dans cette nouvelle architecture fiscale, la réforme instaure deux impôts majeurs : l’Impôt sur les sociétés (IS) et l’Impôt sur le revenu des personnes physiques (IRPP). Ces deux prélèvements se substituent à plusieurs taxes existantes, notamment l’impôt sur les revenus locatifs, celui sur les capitaux mobiliers ainsi que l’impôt sur les revenus professionnels couvrant les rémunérations, profits et bénéfices. Selon la DGI, il s’agit d’« une fiscalité plus juste et mieux adaptée à la réalité économique congolaise ».
L’IS portera sur l’ensemble des bénéfices réalisés par les entreprises et autres personnes morales, tandis que l’IRPP concernera le revenu net global de chaque contribuable. Ce dernier correspond à la somme des revenus nets catégoriels perçus par une personne physique au cours d’une année d’imposition.
L’IS vise quelle catégorie d’entreprises ?
D’après la DGI, cette nouvelle fiscalité s’applique aux sociétés anonymes (SA), aux sociétés à responsabilité limitée (SARL) et aux sociétés par actions simplifiées (SAS), en raison de leur forme juridique. Sur le plan de l’activité, elle concerne également les sociétés coopératives, les personnes morales de droit public exerçant une activité lucrative, les sociétés de fait ou créées de fait, les associations momentanées, ainsi que les sociétés civiles menant une activité économique.
Le taux d’imposition est fixé à 30 % des bénéfices nets imposables, avec un minimum de perception de 1 % du chiffre d’affaires déclaré en cas de déficit ou de bénéfices insuffisants. La réforme introduit aussi un encadrement plus rigoureux des charges déductibles, notamment en subordonnant la déductibilité des rémunérations du personnel à leur imposition effective à l’IRPP.
En matière de plus-values, le taux est désormais fixé à 20 % en cas de réévaluation libre et à 5 % en cas de réévaluation légale. Quant au report des pertes, il est désormais limité à trois exercices consécutifs, conformément aux nouvelles dispositions légales.
Pour les entreprises minières soumises au Code minier, la réforme offre deux possibilités : soit appliquer les dispositions du Code minier avec un report des pertes limité à cinq ans, soit opter pour le régime de droit commun instauré par la nouvelle législation fiscale.
La DGI invite désormais les contribuables et opérateurs économiques à s’approprier cette réforme et à participer activement aux sessions de vulgarisation organisées sur l’ensemble du territoire national. Les prochains mois seront déterminants pour la réussite de cette transition, que les autorités considèrent comme un levier essentiel de mobilisation des ressources internes et de renforcement de la gouvernance financière.
En marge de la 10ème édition du Forum ExpoBéton tenue à Kinshasa, le directeur général des impôts, Barnabé Muakadi, a insisté sur la nécessité de mettre en place des régimes fiscaux incitatifs et ciblés afin de stimuler les grands projets structurants, tout en préservant la capacité de l’État à mobiliser des recettes. Il a également profité de cette tribune, en présence de nombreux chefs d’entreprise, pour sensibiliser sur les deux grandes réformes fiscales actuellement mises en œuvre par la DGI : la facture normalisée et la réforme de la fiscalité directe (IS-IRPP), toutes deux destinées à renforcer l’efficacité et l’équité du système fiscal congolais.
Heshima
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RDC : Inga III, le barrage du siècle ou le mirage énergétique ?
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1 semaine agoon
octobre 31, 2025By
La redaction
Annoncé depuis plus de deux décennies comme le projet qui transformera la République démocratique du Congo (RDC) en « géant énergétique de l’Afrique », le barrage Inga III peine à voir le jour. Entre ambitions colossales, retards chroniques, luttes d’intérêts et doutes environnementaux, l’un des plus grands projets hydroélectriques du monde oscille entre rêve de puissance et mirage industriel. Entre-temps, l’Ethiopie concrétise un projet similaire avec le barrage de la Renaissance.
Sur les rives puissantes du fleuve Congo, à 225 kilomètres de Kinshasa, les eaux grondent au pied des chutes d’Inga. C’est ici que devait s’élever Inga III, le plus ambitieux projet hydroélectrique jamais conçu en Afrique. Mais plus de vingt ans après son lancement officiel, le chantier reste une promesse inachevée, symbole des contradictions d’un pays riche en ressources mais pauvre en infrastructures. « Inga III devait changer le destin du Congo », soupire Jean-Pierre Mbayo, ingénieur à la retraite de la Société nationale d’électricité (SNEL). « Aujourd’hui, on parle encore d’études, de financements, de consortiums… mais pas de béton coulé », a-t-il ajouté d’un air dépité.
Un rêve ancien, des promesses répétées
Le complexe hydroélectrique d’Inga ne date pas d’hier. Les deux premiers barrages, Inga I (1972) et Inga II (1982), devaient déjà propulser la RDC dans l’ère de l’électrification continentale. Mais les années de crise politique, de mauvaise gestion et de guerres successives ont freiné toute expansion. L’idée d’Inga III refait surface dans les années 2000, sous Joseph Kabila, avec un objectif colossal : produire 11 000 mégawatts d’électricité, soit de quoi alimenter non seulement la RDC, mais aussi une partie de l’Afrique australe. Le projet est alors rebaptisé « Grand Inga », censé à terme atteindre 40 000 MW, devenant ainsi le plus grand barrage du monde.
« Sur le papier, c’est un Eldorado énergétique », commente Agnès Mboyo, chercheuse à l’Université de Kinshasa. « Mais dans la réalité, la gouvernance, les financements et la planification environnementale n’ont jamais été à la hauteur des ambitions. »
Le projet rencontre également deux types d’opposition : sur le plan environnemental et deuxièmement son intérêt semble limité aux seuls miniers. D’après le reporter d’Africanews télévision, Chris Ocamringa, ce vaste projet hydroélectrique a été critiqué par certains militants de la société civile qui pensent que ce projet répondra plus aux besoins des investisseurs miniers que des Congolais de manière générale. Des populations riveraines craignent également des expropriations mais aussi pour leurs activités champêtres.
Ben Munanga, président du conseil d’administration du géant minier KAMOA Copper S.A, rejette les accusations selon lesquelles la production de l’électricité du projet Inga 3 ira à 100 % aux miniers. « Il est dit nulle part dans le projet que toute la production ira à l’opérateur minier », a-t-il réfuté.
Des partenaires nombreux, mais aucune mise en œuvre concrète
Au fil des ans, Inga III a vu défiler les partenaires : Chine, Espagne, Afrique du Sud, Banque mondiale, Union africaine. Chaque accord semblait marquer un tournant, avant de retomber dans le flou. La Banque mondiale s’est même retirée du projet en 2016, évoquant « un manque de transparence dans la conduite du dossier ». Sous Félix Tshisekedi, les discussions ont repris avec un consortium sino-espagnol, mais les négociations patinent.
Le gouvernement affirme vouloir reconfigurer le projet pour répondre d’abord aux besoins nationaux – un changement stratégique face à l’opinion publique, lassée de voir le courant partir à l’étranger alors que moins de 20 % des Congolais ont accès à l’électricité. « Il est impensable que le Congo exporte l’électricité alors que nos villages vivent encore dans le noir », avait déclaré un coordonnateur d’une ONG de défense de l’environnement. « Inga doit d’abord servir le peuple congolais. »
Un projet pharaonique… et controversé
Derrière les promesses, les critiques se multiplient. Les organisations écologistes redoutent un désastre environnemental sur le fleuve Congo, le deuxième plus puissant du monde après l’Amazone. Les ONG locales, quant à elles, dénoncent un manque de consultation des communautés affectées par les expropriations prévues. « Le discours sur le développement masque souvent la réalité : des familles déplacées, des écosystèmes détruits et des contrats opaques », dénonce Marie-Louise Kebi, militante d’un collectif pour la préservation des eaux du fleuve Congo. « Inga III risque de reproduire les erreurs des grands barrages du passé », estime-t-elle.
Sur le plan financier, les chiffres donnent le vertige : le coût initial, estimé à 12 milliards puis à 14 milliards selon les dernières projections. Dans un contexte de dette publique croissante et de corruption endémique, beaucoup doutent de la viabilité économique du projet.
Le symbole d’un pays à la croisée des chemins
Pour ses défenseurs, Inga III reste une chance historique. « Le Congo ne peut pas renoncer à son rôle de puissance énergétique », plaide Germain Kabeya, économiste. « Si nous réussissons Inga, nous devenons le cœur électrique de l’Afrique. » Mais pour d’autres, ce rêve industriel ne doit pas faire oublier les priorités immédiates : électrification rurale, maintenance des réseaux existants, et lutte contre les pertes massives d’énergie (près de 40 % selon la SNEL).
« L’énergie ne se mesure pas en mégawatts produits, mais en foyers éclairés », rappelle Élodie Manda, une ingénieure électromécanicienne. « Tant que Kinshasa restera éclairée et Kikwit dans le noir, Inga restera un mirage », a-t-elle ajouté. Devant cette réalité amère, l’administration Tshisekedi a changé le fusil d’épaule. En attendant Inga III, le gouvernement a créé ANSER : une Agence nationale de l’électrification et des services énergétiques en milieux rural et périurbain. Elle vise à atteindre 30 % d’électrification des milieux ruraux et périurbains en 2025 et 50 % d’ici à 2030. Grâce à l’énergie solaire, cette structure a déjà apporté de l’électricité à Lodja, au Sankuru. Réputé un des trous noirs du pays, ce chef-lieu de la province a été éclairé avec notamment une partie de Lumumbaville, une nouvelle ville créée en hommage à Patrice Emery Lumumba, à Onalua.
Inga III : le barrage du siècle… ou du siècle prochain ?
En 2025, Inga III n’est encore qu’un projet en attente de financement définitif, malgré des décennies d’études et de promesses politiques. Entre tensions géopolitiques, retards administratifs et défi de gouvernance, le barrage du siècle reste suspendu entre deux réalités : celle du rêve national et celle du doute collectif. « Le fleuve, lui, continue de couler », sourit amèrement un ingénieur qui renvoie ce projet aux calendes grecques suite aux nombreux défis qui se dressent au pays.
Pourtant, dans la Corne de l’Afrique, un pays a décidé et s’est donné les moyens d’y parvenir sans trop attendre l’aide extérieure : l’Ethiopie. Démarrés en 2010, les travaux ont duré 14 ans. Le Grand barrage de la Renaissance est aujourd’hui un projet hydroélectrique majeur construit par l’Éthiopie sur le Nil Bleu. Ce barrage est devenu une source de tensions géopolitiques avec les pays en aval du Nil, notamment l’Égypte et le Soudan. Le barrage est officiellement inauguré en septembre 2025, mais des turbines sont opérationnelles depuis 2022, produisant de l’électricité pour l’Éthiopie et ayant pour objectif l’exportation d’énergie dans la région. L’Égypte et le Soudan craignent que le barrage ne réduise leur approvisionnement en eau et cherchent à trouver un accord avec l’Éthiopie.
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RDC : face aux embouteillages, comment bâtir une industrie du rail ?
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1 semaine agoon
octobre 29, 2025By
La redaction
Les villes de la République démocratique du Congo sont confrontées à une croissance démographique rapide, entraînant une urbanisation accélérée avec des défis majeurs comme l’insuffisance des infrastructures routières et des services de base. Des villes comme Kinshasa et Matadi font face à des embouteillages monstres, détériorant ainsi la qualité de vie dans ces métropoles. Le gouvernement a relancé, bon gré mal gré, le train urbain. Mais la qualité des rails laisse à désirer, obligeant l’exécutif national à penser à l’implantation d’une usine d’assemblage et de montage de trains au pays.
L’Office national des transports (ONATRA) a réfectionné certains rails pour permettre la reprise du train urbain entre Kinshasa et Matadi. Dans des quartiers comme Mapela, dans la commune de Masina, cette réfection suscite des réactions contrastées. Si certains saluent la reprise du train, d’autres se montrent inquiets par rapport à la mauvaise qualité du travail réalisé lors de la réfection de ces rails. « La réhabilitation du rail est faite de manière précaire et cela peut causer un déraillement du train. Ils ont posé le rail sur des sacs de sable. Avec le soleil et le retour de la pluie, ces sacs peuvent s’user facilement et provoquer des dégâts au passage du train », explique Jérôme Mabeka, habitant non loin de ce chemin de fer.
Implanter une usine de montage de trains
Vieux de plus d’un siècle, le réseau ferroviaire de la RDC nécessite non seulement une réfection approfondie mais également la construction de nouveaux rails. Pour faire face à ces défis du rail et des locomotives, le pays a lancé le 25 octobre 2025 un appel à manifestation d’intérêt international pour la construction d’une usine d’assemblage et de montage de trains. Le document, signé par le ministre des Transports, Voies de communication et Désenclavement, Jean-Pierre Bemba, recherche des partenaires pour la création d’unités d’assemblage capables de produire plusieurs dizaines de locomotives et wagons par an, tout en assurant un transfert de compétences vers les ingénieurs et techniciens locaux. Le projet sera mis en œuvre sous la forme d’un partenariat public-privé (PPP) d’une durée comprise entre 25 et 30 ans. Il prévoit également la création d’un écosystème de maintenance, la production de pièces détachées et la formation professionnelle.
Ce projet s’inscrit dans le cadre de la stratégie nationale de relance et de modernisation du secteur ferroviaire, en cohérence avec la politique d’industrialisation et d’intégration régionale promue par le gouvernement. Le projet vise aussi à moderniser la voie ferrée congolaise, vieille d’un siècle. Selon le communiqué, la RDC dispose de plus de 5 000 km de voies ferrées, mais son potentiel ferroviaire est sous-exploité en raison du vieillissement du matériel roulant et de l’absence d’industries locales de production ou de réhabilitation. Ce qui a poussé le gouvernement à lancer cet appel à manifestation d’intérêt international afin de trouver des partenaires en mesure d’assurer un réseau ferroviaire local.
Les entités intéressées, telles que des constructeurs ferroviaires, sociétés d’ingénierie, entreprises BTP, investisseurs institutionnels et centres de formation, ont jusqu’au 5 décembre 2025 à 15h00 (heure de Kinshasa) pour soumettre leurs dossiers. Des visites de sites sont prévues à Matadi et Kalemie avant le 25 novembre 2025. Ces deux villes ont été choisies par le gouvernement pour abriter ces usines.
Une fois mis en œuvre, cette usine pourrait renforcer la souveraineté industrielle du pays et réduire la dépendance aux importations de locomotives et wagons, relancer la production locale du matériel roulant adapté aux besoins nationaux et régionaux et créer des emplois qualifiés. Il s’agit également de favoriser le transfert de technologies et de développer un centre de formation ferroviaire national, de soutenir la relance de la Société nationale des chemins de fer du Congo (SNCC) et de l’Office national des transports (ONATRA) ainsi que les projets PPP ferroviaires (Corridor de Lobito, Corridor Est-Centre, Kinshasa-Matadi-Banana).
Face aux embouteillages, relancer le train
Pour combattre les embouteillages chroniques en RDC, et plus spécifiquement à Kinshasa, le pays prévoit des projets de train urbain pour réduire ces congestions du trafic. Ce projet, appelé Métrokin, a pour objectif de désengorger la capitale en offrant un transport de masse, même si des investissements colossaux et une réhabilitation du réseau sont nécessaires. Le gouverneur de Kinshasa avait annoncé la construction d’une ligne de métro aérien avec un partenaire malaisien, et des études ont été menées pour sa réalisation. Mais jusqu’ici, les signaux pour concrétiser ce projet restent encore faibles.
Par contre, en septembre 2025, le gouvernement a relancé la ligne Kinshasa-Matadi, longue de 366 km. Cette ligne relie la capitale au principal port maritime du pays, tout en acquérant de nouveaux matériels roulants. À terme, cette ligne doit être prolongée jusqu’au futur port en eau profonde de Banana, actuellement en construction, dans le cadre d’un plan visant à fluidifier les échanges intérieurs et extérieurs. Si ces projets de l’industrie du rail se concrétisent, ils devraient réduire les défis de mobilité dans un contexte où le réseau routier national et le transport fluvial font face à de nombreuses contraintes : routes dégradées, congestion urbaine, embarcations vétustes, voies de navigation non balisées et accidents fréquents. Autant de facteurs qui pèsent sur les coûts logistiques et affectent la compétitivité économique du pays.
Éviter les erreurs du passé
En juin 2015, la RDC avait réhabilité certains tronçons de ses chemins de fer et avait réceptionné 18 locomotives neuves sur 38 commandées. À cette époque, la dernière acquisition d’une locomotive neuve datait de 40 ans. Après environ 15 ans d’interruption, le trafic passager sur la ligne ferroviaire Matadi-Kinshasa avait été inauguré le 2 juillet 2015. Mais faute de maintenance dans une ligne ferroviaire vétuste et de locomotives parfois inadaptées, le trafic Kinshasa-Matadi n’avait pas fait long feu sous Joseph Kabila. En relançant cette ligne sous Félix Tshisekedi, le gouvernement devrait éviter les erreurs du passé en travaillant sur la modernisation du rail congolais afin de pérenniser ce trafic en ajoutant des nouveaux rails sur des lignes existantes. Le sénateur Jean-Bamanisa, qui travaille depuis des années dans le secteur de la construction, conseille au gouvernement d’ajouter des rails modernes sur des servitudes ferroviaires existantes afin de permettre le trafic des locomotives de technologie récente. Sans cette modernisation, l’industrie du rail ne saurait redécoller en RDC.
Avec la réhabilitation des corridors ferroviaires régionaux, notamment celui de Lobito (Angola – Zambie – RDC) et celui du Tanganyika vers la Tanzanie, l’industrie du rail pourrait être boostée. Ce qui augure peut-être un nouveau départ, à condition de remédier à l’absence d’un écosystème industriel complémentaire tel que des sous-traitants locaux, une logistique intégrée et la maintenance. Il faut également résoudre un goulot d’étranglement persistant dans les domaines de l’énergie, des infrastructures ou de la connectivité numérique, facteurs qui risquent aussi de freiner les gains de productivité attendus.
Heshima Magazine
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