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Antoinette N’samba au cœur de la révolution minière

Lors de sa dernière visite dans l’espace katangais, le chef de l’Etat a sonné la fin de la recréation dans le secteur minier, jurant que les minerais stratégiques dont la RDC regorge une grande part mondiale doivent désormais bénéficier aux Congolais. La nouvelle Ministre des mines, Antoinette N’Samba a ainsi la mission de matérialiser cette volonté présidentielle.

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« Le Congo tout entier sera dans les tous prochains jours, la capitale mondiale des minerais stratégiques puisque nous avons à peu près 60% des minerais stratégiques que le monde entier est en train de regarder. Je dis que ça ne peut plus continuer ainsi que le reste du monde avance et la RDC recule. Il faut que nos jeunes aient de l’emploi, étudient ; Il faut que nos mamans soient bien habillées ; Il faut que nos papas aient une bonne pension », martelait le Président de la République, Félix-Antoine Tshisekedi, le 13 mai lors de son adresse à la population de Kolwezi dans la province du Lualaba.

 Le chef de l’Etat, qui a rappelé la même position ferme aux industriels miniers sur place, doit compter sur l’apport d’une Warrior : Antoinette N’Samba, la nouvelle Ministre des mines.

L’ancienne cheffe de division à l’Inspection des mines a donc la lourde mission de matérialiser cette volonté politique du premier citoyen congolais qui en a marre de voir « depuis des années des étrangers venir ici avec des poches vides et rentrer chez eux milliardaires pendant que nous restons pauvres ».

Code minier

 Pour réussir ce qui a tout l’air d’une révolution minière annoncée, Antoinette N’samba va devoir, en premier lieu, baser sa stratégie sur la revisitation de la loi minière et les textes réglementaires.

La RDC a révisé le Code minier en mars 2018 partant effectivement du constat amer selon lequel les minerais ne profitaient pas du tout aux communautés locales. Le nouveau Code favoriserait l’accroissement du niveau de contrôle de la gestion du domaine minier de l’Etat, des titres miniers et des carrières. Il reprécise les éléments relatifs à la responsabilité sociale et environnementale des entreprises minières à l’égard des communautés affectées par leurs projets. Aussi, équilibre t-il le régime fiscal, douanier et de change dans le cadre du partenariat entre l’Etat et les opérateurs miniers. Il y avait aussi ce besoin législatif de conformer le Code minier à l’évolution du contexte politico-administratif, marqué par l’avènement d’une nouvelle Constitution en 2006.

L’avantage de l’Etat congolais est qu’il a placé à la tête de ce ministère une spécialiste qui a œuvré toute sa vie professionnelle au sein de l’administration minière. Elle connaît si bien les enjeux et les défis du secteur qu’elle part avec un avantage dans la mise en place rapide des réformes attendues.

 « Accompagner la volonté du chef de l’Etat »

« Nous allons travailler de commun accord avec tous les administratifs ainsi que les services spécialisés du secteur minier afin que demain, on puisse parler de la RDC, un pays qui a plein de substances minérales qui doivent profiter à la population congolaise », avait déjà juré la successeuse de Willy Kitobo lors de sa prise des fonctions le 28 avril.

Devant une délégation de députés nationaux, de l’Ituri et du Haut Uélé ainsi que des experts de la Sokimo le 20 mai, Antoinette N’Samba a promis d’accompagner « la volonté du chef de l’Etat de revisiter les contrats miniers dans l’intérêt du peuple congolais ». 

Pour ce fruit de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), c’est une manière de matérialiser la vision  » Le Peuple d’abord ».

Entreprise Générale du Cobalt (EGC)

La demande mondiale du cobalt, précieux pour la fabrication des voitures électriques et des composantes des téléphones mobiles de dernière génération, va passer de 145 000 tonnes en 2020 à 290 000 tonnes en 2030.

 Et la RDC qui représente plus de 63% de la production mondiale de cobalt, a anticipé avec la création, en 2019, de l’Entreprise Générale du Cobalt (EGC), qui va encadrer l’achat et la commercialisation du cobalt artisanal responsable qui représente le 1 tiers de la production congolaise dominée par des entreprises étrangères qui ont eu des parts importantes à partir des années 2000.

Antoinette N’Samba devrait donc veiller au bon fonctionnement de l’EGC qui a lancé ses activités fin mars dernier. Le gouvernement Sama Lukonde qui promet de tripler le budget national au cours de ces trois prochaines années, compte sur le secteur minier qui est, en attendant la diversification effective de l’économie nationale, le seul capable de provoquer le miracle congolais.

 Socrate Nsimba

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Bukanga Lonzo, ce parc agro-industriel fantôme, peut-il revivre ?

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À 250 kilomètres au sud-est de Kinshasa, dans les vastes plaines du Kwango et du Kwilu, le parc agro-industriel de Bukanga Lonzo devait marquer un tournant pour la République démocratique du Congo (RDC). Lancé en 2014, ce projet ambitieux promettait de révolutionner l’agriculture congolaise, de réduire une facture d’importations alimentaires de 1,5 milliard de dollars par an et de faire de la région un grenier pour le pays. Mais en 2017, l’élan s’est brisé. Gestion chaotique, soupçons de corruption et marginalisation des communautés locales ont transformé ce rêve en cauchemar. Une timide relance en 2021 a redonné un brin d’espoir avec 6 000 tonnes de maïs produites, mais l’insécurité et les spoliations ont de nouveau paralysé le site en 2024. En ce mois de juin 2025, le gouvernement annonce un nouvel élan. Bukanga Lonzo peut-il enfin renaître de ses cendres, ou restera-t-il un symbole d’échec cuisant d’une politique agricole de cette dernière décennie ?

En 2013, face à une dépendance écrasante aux importations alimentaires, le gouvernement congolais, alors dirigé par le Premier ministre Augustin Matata Ponyo, mise sur Bukanga Lonzo comme projet pilote du Programme national d’investissement agricole. Étendu sur 80 000 hectares à cheval entre les provinces du Kwango et du Kwilu, le parc devait approvisionner Kinshasa, le Kongo Central et même Brazzaville en maïs, manioc, légumes et fruits. L’objectif ? Produire 350 000 tonnes de maïs par an et créer 5 000 emplois directs. « Bukanga Lonzo devait devenir le plus grand parc agro-industriel d’Afrique », proclamait Ida Kamonji Naserwa Sabangu, alors directrice du projet.

Ce rêve reposait sur un partenariat public-privé avec Africom Commodities, une entreprise sud-africaine. Le gouvernement a injecté 83 millions de dollars dans des infrastructures impressionnantes : une route de 30 km, une piste d’atterrissage de 2,5 km, un bassin de rétention d’eau de 45 millions de litres, selon le site Parc Agro. La Banque mondiale, via son Projet d’appui à la réhabilitation et à la relance du secteur agricole, a mobilisé une partie de ses 120 millions de dollars pour soutenir l’initiative. « Ce projet pouvait transformer l’agriculture congolaise et favoriser une croissance inclusive », affirmait Séverin Kodderitzach, directeur sectoriel de la Banque mondiale, sur les ondes de Radio Okapi. Des villages modernes, dotés d’écoles, de cliniques et d’électricité, étaient promis aux 4 490 habitants des six villages de la concession.

Le plan était audacieux : 20 000 hectares dédiés aux cultures, le reste pour des vergers, des élevages et des infrastructures communautaires. La première phase, centrée sur le maïs, visait à briser la dépendance aux importations et à positionner la RDC comme exportateur. « On rêvait d’une Kinshasa autosuffisante », confie, nostalgique, un ancien fonctionnaire du ministère de l’Agriculture à Heshima Magazine.

Un fiasco aux racines profondes

Mais le rêve s’est vite effrité. Le sol sableux de Bukanga Lonzo, inadapté à la culture intensive du maïs, a plombé les rendements. Selon un rapport de l’Oakland Institute daté du 12 avril 2019, la superficie cultivée a chuté de 5 000 à 2 000 hectares en 2016, loin des 350 000 tonnes promises. « Les récoltes pourrissaient sur place, faute de logistique », raconte un ancien employé du parc à Heshima Magazine, sous couvert d’anonymat. José Masikini, ancien sénateur, pointait sur Radio Okapi un choix de site dicté par des intérêts politiques, une erreur fatale.

La gestion financière a viré au scandale. Un audit de l’Inspection Générale des Finances (IGF) a révélé que, sur 285 millions de dollars décaissés, seuls 80 millions ont servi au projet. Les 205 millions restants ? Volatilisés. « Un échec planifié dans sa conception », dénonçait Jules Alingete, alors inspecteur général des finances, chef de service, sur Radio Okapi.

Pire encore, les communautés locales ont été laissées pour compte. Neuf villages ont été dépossédés de leurs terres sans consultation, en violation de la loi. Les compensations, dérisoires, se limitaient à des pagnes ou 2 000 FC, selon l’Oakland Institute. « On nous a volé nos terres et notre dignité », pleure Kawaka Matondo, chef coutumier. En 2017, Africom jette l’éponge, abandonnant équipements et travailleurs sans salaire.

Des cicatrices qui marquent

L’effondrement de Bukanga Lonzo a semé la désolation. Plus de 5 000 personnes ont été déplacées, certaines brutalisées pour avoir résisté. Frédéric Mousseau, de l’Oakland Institute, rapporte des cas d’agriculteurs attachés à des arbres et fouettés pour avoir tenté de récupérer leurs terres. « Ils ont promis des emplois, mais nous n’avons eu que des larmes », soupire Marie-Ange Kabasu, une victime de spoliation. Les 5 000 emplois directs et 12 000 indirects promis n’ont jamais vu le jour, aggravant la misère locale.

L’environnement a aussi payé un lourd tribut. L’utilisation massive de 60 000 litres de glyphosate a pollué les rivières Lonzo et Kwango, causant des maladies de peau, des troubles respiratoires et des fausses couches, selon l’Oakland Institute. « Nos rivières sont devenues toxiques, nous n’avions plus d’eau potable », se désole Albert Mbey Moju, habitant de Wamba. Une étude de 2018 a confirmé la contamination des sols, rendant certaines zones incultivables. Les opportunités économiques, comme la production de 500 tonnes de fruits et légumes par jour, se sont évaporées, renforçant la dépendance aux importations.

Les travailleurs, eux, ont été abandonnés. Ils ont réclamé 15 à 30 mois d’arriérés de salaire lors de sit-ins à Kinshasa. « Nous sommes devenus irresponsables vis-à-vis de nos familles », déplore Patrick Tshibangu, représentant des agents du parc. La vente d’équipements agricoles à Maluku, estimée à 50 000 dollars, n’a pas servi à les payer, alimentant les soupçons de corruption.

Un sursaut fragile et une nouvelle ambition

En août 2020, le gouvernement tente une relance. En 2021, 6 000 tonnes de maïs sont produites sur 1 500 hectares. « C’est le fruit d’un travail bien fait », se félicitait Joseph Lumbala, ancien conseiller du ministre de l’Agriculture, cité par Financial Afrik. « Les gens se bousculaient pour acheter la semoule de Bukanga Lonzo car le prix était abordable », se souvient Maguy Olundu, vendeuse au marché de Yolo Médical.

Mais en 2024, l’insécurité stoppe net cet élan. Les conflits ethniques entre Teke et Yaka, qui sévissent depuis 2022, ont causé des morts et des destructions par des feux de brousse. Adèle Kahinda Mahina, alors ministre du Portefeuille, a alerté sur le pillage des entrepôts. En juin 2025, le gouvernement relance le projet, promettant un audit préalable. « Nous voulons faire de Bukanga Lonzo un moteur d’abondance », clame Jean-Lucien Bussa, ministre du Commerce extérieur, dans Zoom Eco.

Le nouveau modèle s’appuie sur trois sociétés créées en 2020 : une pour la gestion, une pour l’exploitation, et une pour la commercialisation via le Marché international de Kinshasa. Le gouvernement envisage d’ouvrir le capital au privé et de payer 30 mois d’arriérés de salaire, selon l’Agence congolaise de presse le 2 juin 2025. Mais la société civile reste méfiante. « Sans transparence ni inclusion des communautés, cette relance est vouée à l’échec », prévient un activiste du Kwilu.

Les leçons d’ailleurs et un espoir prudent

L’échec de Bukanga Lonzo contraste avec des réussites comme le parc de Bulbula en Éthiopie, qui a intégré 55 % de producteurs locaux en 2024 grâce à une localisation stratégique et un soutien public, selon un rapport de l’UNIDO du 15 janvier 2024. « Les parcs réussis connectent les agriculteurs aux chaînes de valeur », explique un expert. En RDC, le sol inadapté, l’insécurité et la corruption ont tout saboté.

Pour une relance durable, Floribert Kabayu, expert en économie agricole, plaide pour une acquisition foncière transparente, des études pédologiques sérieuses, une gouvernance rigoureuse et une sécurisation du site. Carlos Ngwapitshi Ngwamashi, auteur d’un livre sur le fiasco, propose une justice négociée pour récupérer les fonds détournés. « Bukanga Lonzo peut réussir si nous apprenons de nos erreurs », insiste-t-il. La FAO, dans un rapport de 2023, souligne l’importance d’impliquer les petits agriculteurs pour maximiser l’impact.

Un pari sur l’avenir

Bukanga Lonzo, c’est l’histoire d’espoirs brisés et d’ambitions démesurées. L’annonce, le 30 mai 2025, d’une nouvelle relance avec un audit et un modèle repensé ravive l’espoir d’une autosuffisance alimentaire. Mais les défis sont colossaux : sécuriser le site, restaurer la confiance des communautés et garantir une gestion intègre. D’ici 2030, Bukanga Lonzo pourrait devenir un moteur de développement, à condition de tirer les leçons des échecs passés et des succès d’ailleurs. Pour l’instant, il reste un symbole d’opportunités gâchées, mais aussi un appel à repenser l’agriculture congolaise avec audace et responsabilité.

Heshima Magazine

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Aménagement du territoire : la RDC veut planifier l’occupation de ses terres

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En République démocratique du Congo (RDC), l’aménagement du territoire fait face à de nombreux problèmes structurels, environnementaux et surtout législatifs. Ces difficultés entravent un développement équilibré du pays et limitent l’efficacité des politiques publiques. Le 30 mai 2025, une large majorité des députés à l’Assemblée nationale ont voté une loi sur l’aménagement du territoire, dotant ainsi la RDC d’un cadre légal pour organiser et planifier l’occupation de son vaste territoire.

Faire face aux défis liés à la croissance urbaine, à l’exode rural, planifier l’habitat des Congolais et prévenir des inondations et des zones à risque, voilà le sens de l’aménagement du territoire en RDC. Dans un pays de 2,345 millions de km², 145 territoires et 68 000 villages, l’aménagement ordonné du territoire est une nécessité absolue pour poursuivre le chemin vers le développement.

Avec une décentralisation consacrée par la Constitution, le pays était censé envisager de longue date une planification rigoureuse à tous les échelons. Au niveau national, provincial et local, la RDC devrait penser son modèle de développement pour éviter une urbanisation sauvage. Avant le vote de la nouvelle loi qui attend son toilettage au Sénat et ensuite sa promulgation par le président de la République, Félix Tshisekedi, le pays était toujours régi par la loi de décembre 2011 portant principes fondamentaux relatifs à l’aménagement du territoire. Cette loi encadre ce secteur mais comporte toujours des zones d’ombre notamment sur la conception d’une politique claire de l’aménagement du territoire national. « Dans un pays aux dimensions continentales comme la RDC, où les déséquilibres territoriaux freinent depuis longtemps le développement, l’absence de règles claires en matière d’aménagement avait des conséquences concrètes : urbanisation anarchique, inégalités dans l’accès aux services, conflits d’usage du sol, difficultés de coordination entre les niveaux de gouvernance », rappelle le ministère de l’Aménagement du territoire dans une dépêche publiée après l’adoption de cette loi à l’Assemblée nationale.

Cet instrument juridique établit des liens clairs entre les priorités de développement, les politiques sectorielles et les décisions d’affectation des zones, à tous les niveaux de gouvernance, d’après la source. Cette loi introduit aussi une corrélation forte entre les outils de planification spatiale et l’organisation territoriale du pays, tout en laissant une marge d’adaptation pour des contextes spécifiques. La loi renforce également la coordination intersectorielle, prend en compte les sauvegardes sociales pour protéger les intérêts vitaux des populations, et intègre des mécanismes de protection de l’environnement, comme l’évaluation environnementale stratégique ou les études d’impact.

En 2021, le ministre d’Etat à l’Aménagement du territoire, Guy Loando, avait lancé un programme dénommé « Repensons à nos villages, villes et territoires » (Revite). Ce projet vise notamment la vulgarisation des instruments de réforme de l’aménagement du territoire au pays. Il est aussi un appel au sens de la responsabilité nationale ainsi que la conscience patriotique de chaque Congolais résidant au pays ou à l’étranger pour penser le développement à partir de la base. « Nos villages se vident. Comment ramener les Congolais dans nos villages ? Notre identité, c’est dans nos villages », avait déclaré Guy Loando, ministre d’Etat à l’Aménagement du territoire.

Des villes non urbanisées, faute de plan à jour

Au-delà des villages, les défis de l’aménagement touchent aussi les villes. Le projet Revite visait aussi à relever les différents défis qui se résument essentiellement au manque d’infrastructures modernes et au standard de vie peu confortable pour tous les Congolais. En 2020, la RDC s’est dotée d’une Politique Nationale d’Aménagement du Territoire. Cette politique est élaborée de manière participative et vise à respecter les ressources naturelles, les droits des communautés locales et les besoins des populations autochtones. Dans les zones urbaines, le pays peine à contenir sa démographie galopante. Sans plan d’aménagement urbain à jour, des villes comme Kinshasa ou Lubumbashi versent dans une urbanisation sauvage avec des conflits fonciers qui ne cessent de croître. Pour faire face à ces problèmes, le gouvernement travaille depuis un temps sur un plan national de l’habitat et d’aménagement urbain, qui vise à réguler les opérations de lotissement, à favoriser la construction de logements sociaux et à promouvoir les initiatives de construction pour différents groupes socioprofessionnels.

Mais en attendant la validation d’un tel plan, Guy Loando anticipe une planification dans les nouvelles zones urbaines qui se créent à Kinshasa. Dans les quartiers Mitendi, Lutendele, N’djili Brasserie et d’autres qui bénéficient du passage des rocades asphaltées, le ministre d’Etat à l’Aménagement du territoire interdit l’achat des parcelles le long de ces rocades en attendant un plan d’aménagement de ces zones. Pour lui, ceux qui ont déjà acquis des terrains dans ces zones pourraient être expropriés si l’utilité publique se fait sentir dans certaines zones, comme des sites où sont prévus des hôpitaux, des aires de jeu ou des écoles publiques.

En 2024, le ministre de l’Urbanisme et habitat, Crispin Mbadu avait annoncé l’élaboration d’un plan particulier d’aménagement (PPA) pour prévenir les empiètements et garantir le respect des normes d’occupation des terres dans ces zones des rocades. « Nous avons réalisé des études concernant les emprises et les zones de recul », avait-il annoncé tout en soulignant que la loi exige un recul de 5 mètres pour les habitations et une emprise allant de 5 à 50 mètres, selon les besoins des infrastructures. Dans ce projet de rocades, les autorités ont décidé d’adopter une approche novatrice, en intégrant l’art et l’aménagement du territoire dans cette grande infrastructure.

Combattre les constructions anarchiques

Malgré les controverses autour de cette initiative, les autorités congolaises procèdent à démolition des constructions anarchiques dans la ville de Kinshasa. Ces opérations visent à répondre à l’urbanisation désordonnée de la capitale. Elle s’inscrit dans le cadre d’un assainissement urbain et d’une volonté politique de reprendre le contrôle sur l’aménagement du territoire. Des Congolais qui ont construit sur les lits de rivière sont sommés de quitter ces lieux. Sur la rivière Mapenza, dans le quartier Joli Parc, près de Mont-Fleuri, le bulldozer de l’Hôtel de ville a rasé plusieurs habitations, hôpitaux et commerces. Une autre mise en demeure pour les occupants anarchiques sur la Baie de Ngaliema traîne à être exécutée par les autorités. Ce qui crée une frustration chez les victimes de démolitions et relance la question de l’équité devant la loi dans cette ambition d’urbanisation équilibrée de la ville de Kinshasa et de la RDC dans son ensemble.

Heshima

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Les 12 recommandations de Kabila : une feuille de route ou une stratégie politique voilée ? (Tribune de Joachim Cokola)

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Le 23 mai 2025, Joseph Kabila, ancien président de la République démocratique du Congo (RDC), a pris la parole dans une « adresse à la nation » diffusée en ligne, rompant ainsi un long silence. Ce discours, présenté comme une réponse aux crises multiples qui secouent le pays, met en avant 12 recommandations visant ce qu’il appelle la « refondation de l’État congolais ». Prononcé dans un climat politique explosif marqué par la levée de son immunité parlementaire et des accusations de collusion avec le groupe rebelle l’Alliance Fleuve Congo (AFC) qui inclue le Mouvement du 23 mars (M23), soutenu par le Rwanda, cet appel intervient alors que la RDC fait face à des défis sécuritaires et institutionnels majeurs. Mais derrière ces propositions, se cache-t-il une volonté sincère de redresser le pays, ou une manœuvre calculée pour déstabiliser le président légitime Félix Tshisekedi et orchestrer un retour au pouvoir ?

Cette tribune revient sur ces 12 recommandations pour en explorer les significations, les implications et les sous-entendus politiques. Loin d’être un simple programme de réformes, elles semblent refléter une stratégie où les critiques acerbes lancées contre le pouvoir du président de la République Félix Tshisekedi se mêlent à une tentative de retour de Kabila à la tête du pays, dans un contexte régional complexe dominé par les tensions avec le Rwanda.

Dénoncer une « tyrannie » pour mieux oublier la sienne

Joseph Kabila, dans un discours virulent, qualifie le régime de Félix Tshisekedi de « dictature, pour ne pas dire tyrannie », dénonçant une dérive autoritaire des institutions. Cette accusation, venant d’un président ayant dirigé la RDC de 2001 à 2019, apparaît paradoxale. Son règne, qualifié d’autoritaire par l’opposition, les ONG et la communauté internationale, fut marqué par des violations massives des droits humains, une répression brutale et des abus contre l’opposition.

Après la proclamation des résultats de l’élection de 2011, qui ont donné Kabila vainqueur face à Étienne Tshisekedi, Human Rights Watch a rapporté au moins 24 morts. Étienne Tshisekedi, quant à lui, a été placé sous résidence surveillée, son domicile cerné par des gardes présidentiels, l’isolant pendant plusieurs mois.

D’autres manifestations ont été réprimées sous Kabila. En janvier 2015, les protestations contre une loi électorale ont fait des dizaines de morts. En septembre 2016, environ 50 personnes ont été tuées lors de manifestations exigeant des élections. En décembre 2016, 62 manifestants sont morts en demandant son départ. L’opposition était muselée : les députés Franck Diongo, Diomi Ndongala, Bertrand Ewanga, Mike Mukebayi étaient incarcérés, ainsi que des activistes des droits humains, à l’exemple de Firmin Yangambi. Son principal opposant, Moïse Katumbi, a quant à lui été empêché de rentrer au pays et forcé d’aller en exil. L’Agence Nationale de Renseignements détenait arbitrairement des activistes, souvent torturés.

En exigeant le départ de Tshisekedi comme préalable à toute négociation, alors qu’il dit soutenir les démarches prônées par la CENCO et l’ECC pour un dialogue inclusif, Kabila contredit l’inclusivité. Son silence sur une transition claire suggère une stratégie de blocage. Son passé : clientélisme, corruption, violences , disqualifie hélas son réquisitoire. Les cicatrices de son ère, marquées par la répression sanglante et l’opacité, rendent son discours dérisoire.

Arrêter la guerre : une ambiguïté calculée de Kabila

L’appel à « arrêter la guerre » dans l’Est de la RDC, lancé par Joseph Kabila, pourrait passer pour un plaidoyer humaniste. Qui, en effet, oserait s’opposer à la paix dans une région meurtrie par trois décennies de conflits dont l’intensification, depuis 1996, coïncide avec l’implication des armées rwandaise et ougandaise et l’ascension politique et financière de la famille Kabila ?

Pourtant, cette « recommandation » repose sur des omissions troublantes. Durant son discours de plus de 40 minutes, Kabila ne mentionne jamais le M23, mouvement rebelle soutenu par le Rwanda et alors acteur clé des violences actuelles. Un silence d’autant plus suspect que la justice congolaise l’accuse de collusion avec ce groupe et Paul Kagame.

De même, s’il évoque le retrait des troupes étrangères (rwandaises), il en fait une priorité étonnamment très secondaire, comme si l’on pouvait éteindre l’incendie sans couper l’arrivée d’essence. Cette hiérarchisation de ses « recommandations », absolument non fortuite, révèle une stratégie : entretenir l’ambiguïté sur ses liens avec Kigali tout en critiquant Kinshasa pour son « échec » à pacifier l’Est, une région qui était en paix jusqu’à l’arrivée des Kabila, accompagnés des armées rwandaises et ougandaises, et qui, depuis, n’a jamais connu de véritable paix, causant des millions de morts. En réalité, sous couvert d’apaisement, Kabila réactive une vieille recette : instrumentaliser l’instabilité de l’Est pour peser sur le pouvoir central. Une tactique qui a servi les intérêts rwandais par le passé et dont ses recommandations actuelles pourraient bien préparer une nouvelle édition.

Rétablir l’autorité de l’État sur toute l’étendue du territoire national

Restaurer l’autorité de l’État sur l’ensemble du territoire congolais, en particulier dans les zones de l’Est où les groupes armés et les ingérences rwandaises et ougandaises règnent en maîtres, est une ambition qui va au cœur des problèmes de souveraineté de la RDC. Kabila présente cette idée comme une nécessité urgente, pointant du doigt l’ « incapacité » de Tshisekedi à reprendre le contrôle de ces régions. Mais cette proposition reste désespérément vague, dénuée de toute stratégie ou méthode pour y parvenir.

Sous son propre règne, l’Est est resté un casse-tête insoluble, avec des groupes armés proliférant et des pans entiers du territoire échappant à l’autorité centrale. Accusé lui-même de déstabiliser le pays par son implication présumée avec la rébellion M23, Kabila ressemble à un pyromane qui se présente en pompier. En 2016, l’ONG Human Rights Watch a révélé dans un rapport que Kabila aurait eu recours au M23 pour réprimer des manifestations à Kinshasa, une révélation qui prouve amplement ses liens étroits avec des groupes armés. Cette preuve flagrante soulève une question cruciale : comment Kabila, qui qualifiait ces groupes de rebelles tout en collaborant avec eux, a-t-il pu les faire intervenir jusqu’à Kinshasa ? Comment peut-il prétendre incarner la solution avec une telle proximité avec le M23 ? Pourquoi réussirait-il aujourd’hui là où il a échoué pendant 18 ans ?

Derrière cet appel à la souveraineté, certains analystes décèlent une intention moins avouable : reprendre la main non seulement sur les richesses minières de l’Est, en s’appuyant sur des acteurs comme le M23, qui contrôlent déjà des zones d’extraction, mais aussi espérer reprendre le pouvoir. En conditionnant cette restauration à un changement de leadership, Kabila se pose en homme providentiel, le seul congolais dans un pays de plus de 100 millions d’habitants capable d’apporter la paix et le développement.

Restaurer la démocratie en revenant aux fondamentaux d’un véritable État de droit

Joseph Kabila se présente aujourd’hui en défenseur des principes démocratiques, appelant à un « retour aux fondamentaux de l’État de droit ». Un discours audacieux, pour ne pas dire cynique, venant d’un homme dont les dix-huit années au pouvoir ont méthodiquement sapé chaque pilier de la démocratie congolaise. Comment peut-il sérieusement invoquer l’indépendance des institutions, la justice impartiale ou la séparation des pouvoirs, alors que son règne en a été la négation même ?

La réalité est accablante. Sous Kabila, la justice congolaise s’est transformée en instrument de répression politique. La Cour constitutionnelle, loin d’être un contre-pouvoir, n’a-t-elle pas autorisé Joseph Kabila à rester au pouvoir au-delà de son mandat, en attendant l’élection d’un nouveau président ? N’était-ce pas une interprétation biaisée, suggérant qu’il aurait pu se maintenir indéfiniment à la tête du pays ?

En pratique, cette décision a permis à Kabila de prolonger son règne de deux années supplémentaires, en violation flagrante de la Constitution. N’eût été la pression populaire et internationale qui l’a contraint à organiser les élections, il serait sans doute resté au pouvoir jusqu’à ce jour.

Le Parlement, quant à lui, n’était plus qu’une chambre d’enregistrement, où les décisions se prenaient dans l’ombre du palais de la Nation avant d’être entérinées par des députés dociles. Qui pourrait oublier le spectacle humiliant de 2015, lorsque l’Assemblée nationale, cédant à des pressions inadmissibles, adopta une nouvelle loi électorale subordonnant l’organisation des élections à un recensement général de la population ? Ce vote, qui déclencha des manifestations d’une ampleur inédite et fit plus de 40 morts, ne visait qu’à prolonger indûment le maintien de Joseph Kabila au pouvoir.

Aujourd’hui, son soudain intérêt pour l’État de droit ne trompe personne. Ce n’est pas un programme, c’est une manœuvre. Derrière les grands principes affichés se cache la même vieille stratégie : réécrire les règles du jeu pour préparer un retour au pouvoir. En 2011, il avait déjà modifié la Constitution pour supprimer le second tour présidentiel, s’offrant une « victoire » très contestée. Aujourd’hui, il tente de se draper dans les oripeaux du réformateur, mais son bilan parle pour lui. Comment croire un homme dont le règne a laissé derrière lui des institutions dévoyées, une opposition muselée ? La démocratie mérite mieux que les leçons d’un ancien autocrate.

Rétablir les libertés fondamentales

La défense des libertés d’expression, de réunion et de la presse, mise en avant par Joseph Kabila, résonne profondément dans un pays où ces droits fondamentaux restent fragiles et inachevés. Il souligne implicitement les restrictions ou interdictions ponctuelles de manifestations pour se présenter en défenseur de ces valeurs essentielles à la démocratie.

Cependant, il convient de reconnaître que depuis son arrivée au pouvoir, Tshisekedi a engagé des réformes notables visant à assouplir le climat politique et à encourager un espace public plus ouvert. Malgré des défis persistants, le régime actuel a permis une plus grande diversité d’opinions et un pluralisme médiatique plus visible qu’auparavant. Cette évolution, même incomplète, répond à une aspiration populaire forte et témoigne d’une volonté réelle de renforcer les libertés dans un contexte national complexe.

Ainsi, si la rhétorique de Kabila peut trouver un écho auprès d’une population sensible aux atteintes aux libertés, elle ne doit pas occulter les progrès accomplis ni la détermination du pouvoir en place à poursuivre sur cette voie, malgré les résistances et les défis sécuritaires qui pèsent sur le pays.

Mais là encore, le passé de Kabila contredit ses paroles. Sous son régime, les manifestations étaient réprimées dans le sang, les médias critiques réduits au silence, et les opposants emprisonnés ou exilés. Cette recommandation apparaît comme une tentative opportuniste de se réinventer en champion des droits humains, une image qui peine à convaincre au regard de son histoire. Politiquement, elle vise à rallier l’opinion publique et les partenaires internationaux contre Tshisekedi, tout en détournant l’attention des violations commises sous son propre règne. Sans plan clair pour garantir ces libertés, ceci reste une posture plus qu’un engagement.

Réconcilier les Congolais et reconstruire la cohésion nationale

Dans un pays aussi multiethnique que la RDC, l’appel de Joseph Kabila à la réconciliation et à la cohésion nationale répond à un besoin profondément ressenti par la population. Il critique Félix Tshisekedi pour ce qu’il présente comme un échec à unir les Congolais, laissant entendre qu’il pourrait lui-même incarner celui capable de panser les divisions. Sur le principe, cette aspiration à un sentiment d’appartenance commune est incontestablement légitime et partagée par une majorité de Congolais.

Pourtant, il est important de rappeler que depuis son arrivée au pouvoir, Félix Tshisekedi a multiplié les gestes en faveur du dialogue intercommunautaire et de la réconciliation nationale, notamment à travers des initiatives inclusives visant à rassembler les différentes composantes du pays. Malgré les défis structurels et les tensions héritées du passé, son gouvernement s’efforce de promouvoir un vivre-ensemble fondé sur le respect mutuel et la justice sociale.

De son côté, Kabila, durant ses années à la tête de l’État, a souvent été accusé d’avoir exacerbé les clivages ethniques et régionaux, favorisant certains groupes au détriment d’autres, ce qui a contribué à fragiliser l’unité nationale. Son discours actuel, bien que porteur d’un message séduisant, manque cependant de propositions concrètes : comment entend-il réellement réconcilier un peuple aussi divers et meurtri ? Sans une feuille de route claire, cette déclaration apparaît davantage comme une posture destinée à restaurer son image d’homme d’État capable de transcender les divisions.

Politiquement, cette rhétorique lui permet de se positionner en leader au-dessus des clivages, une carte qu’il pourrait jouer pour rallier des soutiens dans un paysage politique fragmenté. Mais face aux réalités du terrain et aux efforts visibles du régime Tshisekedi, son appel sonne plus comme un geste symbolique que comme une proposition pragmatique et crédible.

Relancer le développement du pays par la mise en place d’une bonne gouvernance

Au cours du régime de Joseph Kabila, la RDC perdait chaque année environ 15 milliards de dollars à cause des détournements de fonds publics, selon une révélation faite par le professeur Luzolo Bambi, lors de l’ouverture de la rencontre régionale Afrique de Transparency International tenue à Kinshasa en juin 2018. Ce montant colossal, représentant près de trois fois le budget national de l’époque, estimé entre 3 et 4 milliards de dollars, a gravement entravé le développement du pays. Cette fuite massive de ressources a compromis la fourniture des services publics essentiels, tels que l’accès à l’éducation, à la santé et aux infrastructures, aggravant la pauvreté dans un pays où près de 80 % de la population vivait avec moins de 1,90 dollar par jour.

Depuis l’arrivée au pouvoir de Félix Tshisekedi, le budget national a connu une progression notable, atteignant environ 18 milliards de dollars, grâce à une meilleure mobilisation des ressources publiques. Des initiatives de lutte contre la corruption ont été lancées, notamment à travers des enquêtes et la condamnation de certains hauts responsables. Cependant, malgré ces avancées, la gouvernance transparente reste un défi majeur, les réseaux de corruption et les pratiques opaques demeurant profondément ancrés dans les institutions.

Dans ce contexte, l’appel de Joseph Kabila à une « bonne gouvernance » semble davantage relever d’une stratégie politique visant à critiquer la gestion de Félix Tshisekedi, sans pour autant proposer de solutions concrètes pour rompre avec les pratiques de détournement massives qui ont caractérisé son propre régime.

Relancer le dialogue sincère et permanent avec tous les pays voisins

Kabila prône un dialogue constructif avec le Rwanda, l’Ouganda et le Burundi pour stabiliser la région des Grands Lacs, une proposition séduisante dans un contexte où les tensions régionales, notamment les conflits armés transfrontaliers, exacerbent l’instabilité en RDC. Cependant, cette recommandation est entachée par son propre bilan et les soupçons persistants de collusion. Des rapports de l’ONU (notamment le rapport du Groupe d’experts de 2012 et 2022) ont documenté le soutien du Rwanda au M23, avec des allégations crédibles impliquant des connexions avec l’entourage de Kabila durant son mandat. Ce passif jette un doute sur la sincérité de son appel au dialogue, qui pourrait masquer une volonté de maintenir une entente tacite avec Kigali, au détriment des intérêts congolais.

En outre, sous la présidence de Kabila, les relations avec les voisins étaient marquées par des tensions récurrentes : l’accord de paix de 2003 avec le Rwanda n’a pourtant pas empêché les incursions répétées du M23, et les négociations avec l’Ouganda sur les conflits frontaliers ont souvent stagné. Critiquer la diplomatie « erratique » de Tshisekedi semble opportuniste quand son propre bilan révèle une gestion chaotique des crises régionales, avec des accords opaques et peu de résultats concrets. Politiquement, cette proposition vise à repositionner Kabila comme un acteur géopolitique crédible, mais elle cacherait la volonté d’octroyer de concessions excessives au Rwanda, notamment sur des questions d’exploitation minières et l’influence permanente de Kagame dans l’Est du pays.

Sans garanties claires sur la transparence et la souveraineté, cet appel au dialogue alimente davantage les suspicions qu’il ne restaure la confiance.

Rétablir la crédibilité du pays auprès des partenaires au niveau tant régional, continental qu’international

Redorer l’image de la RDC sur la scène internationale, ternie par des décennies de conflits, de corruption et d’instabilité, est une ambition que Joseph Kabila présente comme essentielle. Il sous-entend que sous Félix Tshisekedi, le pays se serait isolé, perdant la confiance de ses partenaires étrangers. Si la RDC rencontre effectivement des difficultés à inspirer pleinement la confiance, il convient de souligner que cette marginalisation n’est pas née avec Tshisekedi : sous le long règne de Kabila, le pays était déjà souvent perçu comme un État fragile, incapable de respecter ses engagements internationaux.

Depuis son arrivée au pouvoir, Félix Tshisekedi a multiplié les efforts pour renouer le dialogue avec la communauté internationale, obtenant un regain d’intérêt et de soutien, notamment à travers des partenariats stratégiques et des engagements concrets en matière de bonne gouvernance et de lutte contre la corruption. Ces avancées, bien que perfectibles, témoignent d’une volonté réelle de restaurer la crédibilité de la RDC et de repositionner le pays comme un acteur incontournable de la région des Grands Lacs.

En ce sens, la promesse de Kabila de restaurer la crédibilité internationale, sans plan d’action clair ni propositions concrètes pour rassurer bailleurs de fonds et investisseurs, apparaît davantage comme une posture politique destinée à se présenter en dirigeant plus compétent. Pour que la RDC regagne durablement la confiance de ses partenaires, il faudra dépasser les discours et s’appuyer sur les progrès déjà amorcés sous Tshisekedi, en consolidant les réformes et en assurant une gouvernance transparente et stable.

Neutraliser tous les groupes armés et rapatrier ces derniers dans leurs pays d’origine

Neutraliser les groupes armés et renvoyer les combattants étrangers chez eux constitue une réponse directe à l’insécurité chronique qui ravage l’Est congolais. Joseph Kabila critique vivement Félix Tshisekedi pour son incapacité à éradiquer ces menaces, mais sa proposition reste ambiguë, notamment par son silence sur le M23, principal acteur de la crise. Cette omission soulève des interrogations quant à ses liens éventuels avec ces groupes armés dans la région.

Sous le mandat de Kabila, ces milices ont souvent prospéré, bénéficiant parfois de la complicité tacite, voire active, des autorités. En se présentant aujourd’hui comme l’homme capable de les neutraliser, il joue la carte du leader fort, sans toutefois expliquer comment il réussirait là où il a échoué auparavant. Son refus de condamner clairement le M23 et le rôle du Rwanda, principal parrain de la majorité des groupes armés dans l’Est, comme l’a révélé l’ancien général rwandais Faustin Nyamwasa, cofondateur du Front patriotique rwandais (FPR) et ancien chef des renseignements militaires, cité dans le livre « L’Éloge de sang » de Judi River, renforce les doutes sur ses véritables intentions.

Ainsi, cette posture apparaît davantage comme une stratégie politique visant à capitaliser sur la frustration populaire face à l’insécurité, plutôt qu’une feuille de route crédible pour restaurer la paix et la stabilité dans l’Est congolais.

Mettre définitivement fin au recours et à l’utilisation des mercenaires

Mettre définitivement fin au recours aux mercenaires, est présenté par Joseph Kabila comme une nécessité pour renforcer les forces armées nationales. Il sous-entend que le recours à ces combattants extérieurs aurait affaibli la souveraineté de l’État, une critique implicite à l’encontre de Félix Tshisekedi, pour avoir recouru aux mercenaires afin d’aider les FARDC dans la guerre contre le M23.

Pourtant, cette critique oublie que sous le règne de Kabila, l’intégration massive d’anciens éléments du CNDP au sein des FARDC a profondément fragilisé l’armée nationale. Ce mélange a favorisé l’infiltration de groupes hostiles, affaiblissant la capacité des FARDC à mener une guerre efficace contre les rebelles soutenus par le Rwanda. Les mercenaires venus défendre la patrie n’ont souvent été qu’un renfort nécessaire face à une armée déstructurée, elle-même héritée d’un Kabila qui n’a pas laissé à son successeur une force militaire véritablement opérationnelle. Certains analystes vont jusqu’à soupçonner que cette situation a pu être entretenue délibérément, maintenant la RDC dans une vulnérabilité stratégique vis-à-vis du Rwanda.

Par ailleurs, Kabila lui-même a été accusé d’avoir eu recours à des mercenaires pour protéger ses intérêts personnels et politiques, ce qui rend sa condamnation actuelle du phénomène particulièrement cynique. Sa recommandation, vague et dénuée de propositions concrètes, semble davantage destinée à détourner l’attention de son propre passé et à se présenter comme un défenseur des normes internationales.

Ordonner le retrait sans délai de toutes les troupes étrangères du territoire national

Kabila exige le départ immédiat des forces étrangères, notamment rwandaises, du territoire congolais, un appel qui résonne avec la frustration populaire face à l’ingérence extérieure, particulièrement dans l’Est de la RDC, où les incursions rwandaises alimentent les conflits depuis des décennies. Cette revendication de souveraineté semble légitime, mais sa position en fin de liste dans ses propositions est troublante. Étant donné que la guerre et ses causes, dont la forte implication du Rwanda via le M23 est un facteur clé, sont une priorité, pourquoi reléguer une demande aussi cruciale à une place secondaire ? Cette incohérence révèle une possible manoeuvre stratégique.

Durant sa présidence, Kabila n’a jamais obtenu le retrait effectif des forces rwandaises ni coupé les soutiens logistiques au M23, malgré des accords comme celui de Nairobi en 2013. Au contraire, des enquêtes indépendantes, telles que celles du Groupe d’experts de l’ONU, ont pointé des liens troubles entre son régime et des acteurs rwandais, suggérant une tolérance calculée de l’ingérence pour des gains politiques ou économiques, notamment via l’exploitation illégale des minerais. En liant aujourd’hui le retrait des troupes rwandaises à un changement de leadership à la tête du pays, Joseph Kabila semble instrumentaliser la présence de l’armée rwandaise en RDC pour forcer le président de la République, Félix Tshisekedi, à abandonner le pouvoir sous la contrainte. Une menace à peine voilée : les soldats rwandais ne quitteront le sol congolais que lorsque Tshisekedi aura quitté la présidence. Cette manœuvre permettrait aussi à Kabila de préserver ses alliances stratégiques en Afrique de l’Est (avec l’Ouganda, le Rwanda et le Kenya), qui ont longtemps assuré sa protection politique. Cette posture opportuniste, déguisée en défense de la souveraineté, risque de prolonger l’instabilité plutôt que de la résoudre, et soulève des questions sur ses véritables intentions : cherche-t-il à apaiser les tensions ou à maintenir une pression rwandaise pour servir ses intérêts ? Sans un engagement clair pour des mécanismes de contrôle indépendants, cet appel sonne creux et alimente la méfiance envers son agenda.

Conclusion

Les 12 recommandations de Joseph Kabila ne sont pas un simple programme de réformes, mais un puzzle politique où se mêlent critiques acerbes, omissions calculées et ambitions personnelles. Elles visent systématiquement à discréditer Félix Tshisekedi, tout en masquant les échecs d’un homme qui a dirigé la RDC pendant 18 ans sans résoudre ses crises fondamentales. L’absence du M23 dans son discours et du Rwanda, la relégation du retrait rwandais en fin de liste et l’appel à une refondation institutionnelle trahissent une volonté de se repositionner comme leader, probablement avec le soutien du Rwanda.

Ce discours ne propose pas une feuille de route, mais brandit une arme de déstabilisation – un sinistre écho des rébellions passées : l’AFDL et le RCD, ces mouvements qui ont porté les Kabila au pouvoir grâce au soutien actif de Kigali. La RDC, déjà exsangue après des décennies de violences cycliques et d’ingérences étrangères, semble condamnée à endurer un nouveau chapitre de ces jeux de pouvoir mortifères.

Kabila appelle-t-il ici à une répétition de l’histoire ? À une nouvelle guerre par procuration, soutenue par Kigali, pour sacrifier encore des millions de Congolais sur l’autel de ses ambitions ? Entre posture sincère et calcul opportuniste, ses « recommandations », en réalité des exigences déguisées, posent une question cruciale : à qui profitent-elles vraiment ?

Joachim Cokola

Analyste politique

Expert des questions parlementaires congolaises

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