Kinshasa, capitale de la République démocratique du Congo (RDC), a été scindée en deux pendant deux jours après les inondations causées par les pluies diluviennes des 4 et 5 avril 2025. Une catastrophe qui a révélé les lacunes de la gouvernance dans cette mégalopole de 17 millions d’habitants. Pourtant, l’organe en charge de la météo du pays annonce que le pire n’est pas encore passé et appelle les gouvernements à prendre des mesures pour délocaliser ceux qui ont construit le long des rivières.
Kinshasa déplore les pertes humaines causées par ces pluies diluviennes. Le premier jour (vendredi), 23 personnes ont perdu la vie, 46 ont été hospitalisées et plusieurs maisons sont emportées dans les communes de Mont-Ngafula, Ngaliema et Barumbu, rapporte le vice-Premier ministre, ministre de l’Intérieur, Jacquemain Shabani, dans un communiqué rendu public le 6 avril dernier à la télévision nationale (RTNC). La situation s’est aggravée le 5 avril, avec 10 décès supplémentaires et plus de 200 ménages inondés dans les communes de Limete, Matete et Masina. Ce qui ramène le bilan provisoire à 33 morts.
Bemba propose des solutions onéreuses
Alors que la ville est scindée en deux, entre l’Est et l’Ouest, les voyageurs se rendant à l’aéroport international de N’djili se sont retrouvés pris au piège, coincés entre la crue de la rivière N’djili et les embouteillages qui ont suivi. Ceux qui devaient retourner dans leurs résidences dans l’autre partie du district de la Tshangu ont dormi à la belle étoile. D’autres ont passé la nuit dans des stations-service. Pour ceux qui devaient gagner l’aéroport pour des voyages, le ministère des Transports, des Voies de Communication et du Désenclavement a annoncé des mesures exceptionnelles afin d’assurer la continuité des déplacements. Ces mesures étaient la mise à flot des bateaux et hors-bords de l’Office national des transports (ONATRA) pour permettre à ces personnes d’atteindre en partant du Beach Ngobila (dans l’Ouest de la ville) vers Safari Beach ou le port de Kinkole (dans l’Est de la capitale). À leur grande surprise, les voyageurs ont découvert que les tarifs pour ce transport fluvial variaient entre 100 et 150 dollars. Ce qui a été perçu comme un plan de secours assez lucratif pour des personnes censées être considérées comme des sinistrés.
Dans la foulée de ces mesures, des Congolais ont également constaté que certains hors-bords tombaient régulièrement en panne. Le canot utilisé par le gouverneur de la ville de Kinshasa, Daniel Bumba, est tombé en panne, obligeant des riverains à descendre dans l’eau pour escorter l’épave et éviter qu’elle ne s’échoue à cause de la force des courants.
Une gouvernance décriée !
Si certains peuvent ranger ces faits dans l’ordre naturel des choses en évoquant une catastrophe naturelle, la main de l’homme congolais y est pour beaucoup dans ces désastres. Depuis 1960, soixante-cinq ans après l’indépendance, Kinshasa n’a qu’une seule voie pour se rendre à l’aéroport international de N’djili. Entre-temps, l’on a connu « Objectif 80 », « Plan Mobutu », « 5 Chantiers », la « Révolution de la modernité », « 100 jours », « Tshilejelu », « Kin Bopeto », « Kinshasa ezo bonga » sans jamais développer la ville de Kinshasa ou encore moins les autres villes du pays. En 2015, l’ancien Premier ministre Adolphe Muzito alertait déjà dans une tribune sur des catastrophes majeures à Kinshasa à l’horizon 2025 si la gouvernance de la ville n’avait pas changé. Pourtant, rien de consistant n’a été fait depuis. La plupart des lits de rivières sont devenus des résidences privées, y compris des chemins de fer à Kinshasa. Certains habitants brandissent des titres délivrés par le ministère des Affaires foncières ou celui de l’Habitat. Ce qui démontre la complicité des agents de l’Etat dans les constructions anarchiques qui poussent à Kinshasa.
Le gouverneur de la ville de Kinshasa a accusé la population de construire de manière anarchique sur le lit de la rivière N’djili, oubliant que ces occupations des zones non aedificandi ont été favorisées par l’Etat congolais lui-même. Une faillite qui perdure depuis hier et se poursuit aujourd’hui. La baie de Ngaliema, déclarée zone non aedificandi depuis l’époque coloniale, a été envahie par des constructions, principalement érigées par des dignitaires des régimes actuels et passés. Ce qui renforce la montée des eaux du fleuve Congo.
Le pire est à craindre
Pendant que le gouvernement trouve des demi-mesures pour tenter de soulager des sinistrés, l’Agence nationale de météorologie et de télédétection par satellite (METTELSAT) estime que « le pire n’est pas encore passé » et appelle les autorités compétentes à prendre des dispositions nécessaires pour les populations résidant autour des différentes rivières. Des fortes pluies s’annoncent encore pour Kinshasa et Brazzaville. Ce qui risque de renforcer le chaos observé actuellement après l’épisode de vendredi et samedi derniers. En attendant, les sinistrés des ménages engloutis seront logés dans les installations du stade Tata Raphaël, utilisé pour les Jeux de la Francophonie en juillet-août 2023.
Heshima