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Nord-Kivu et Ituri : quand l’armée pilonne les positions des ADF et M23

Depuis environ six mois, les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) pilonnent sérieusement les positions de rebelles des ADF et ceux du Mouvement du 23 mars (M23), récupérant ce qui les servaient de bastions en Ituri et au Nord-Kivu.

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Les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) et les Forces de défense du peuple ougandais (UPDF) mènent, depuis le 30 novembre 2021, des opérations militaires conjointes dans le but de déloger les ADF en Ituri et au Nord-Kivu, deux provinces placées sous état de siège. Dès lors, les deux armées ont et continuent de pilonner les positions des ADF, détruisant leurs bastions et campements dans plusieurs localités de l’Ituri et du Nord-Kivu. 


Après avoir bombardé les positions de l’ennemi le 19 décembre 2021, les FARDC et les UPDF avaient conquis Kambi ya Jua et Kambi ya Jua 2, deux localités importantes et stratégiques situées dans le parc national des Virunga, dans le sud de Beni, au Nord-Kivu. Tout récemment en Ituri, les bombardements ont détruit des bastions des ADF et alliés à Madina3, Bantonga, Kitumba et Mulangu. Des captures des terroristes ont également été faites dans plusieurs villages du territoire d’Irumu. Toujours en Ituri, les FARDC affirment avoir récupéré trois villages qui leur servaient d’abris, lors de combats dans la forêt proche d’Otmaber, au Sud d’Irumu. D’après le porte-parole des FARDC en Ituri, le lieutenant Jules Ngongo, 12 rebelles ADF ont été tués, six autres capturés et cinq armes récupérées par les FARDC.


 Le démantèlement continue Face à l’insécurité que sèment les groupes armés étrangers, en complicité avec certains Congolais, les FARDC ne décolèrent pas. Elles sont déterminées à poursuivre les opérations militaires dans le but de tout démanteler. Ainsi, l’armée loyaliste a libéré plusieurs otages détenus par les ADF, dans sa campagne consistant à mettre hors d’état de nuire tous les assaillants. En effet, les ADF sont implantés en RDC depuis 1995, près de la frontière ougandaise.


Ils sont considérés comme les plus sanglants des groupes armés sévissant dans la partie Est du pays et sont responsables du massacre de milliers de civils. Kampala les accusent d’être responsables des attentats sur son territoire, revendiqués par l’Organisation djihadiste Etat islamique (EI) qui présente le groupe comme sa province en Afrique centrale. 


En finir avec le M23 


Outre les ADF, les FARDC ouvrent leur puissance de feu contre le Mouvement du 23 mars (M23), au Nord-Kivu.

 Appelé aussi «Armée révolutionnaire congolaise », le M23 est un groupe armé né des cendres d’une ancienne rébellion tutsi. Il a fait sa réapparition fin 2021 et fait des reproches aux autorités congolaises, alléguant qu’elles n’ont pas respecté leurs engagements sur la démobilisation de ses combattants. Les FARDC qui les avaient fait disparaitre il y a presque dix ans, mènent des opérations militaires pour les bouter dehors. Après la défaillance à la suite de l’offensive du M23 dont la double attaque perpétrée dans la nuit du 27 au 28 mars 2022 dans les localités de Runyonyi et Chanzu, le ministre de la Défense nationale, Gilbert Kabanda, indique que le commandement du secteur opérationnel Nord-Kivu a été relevé.


 Il l’a dit au cours d’un conseil des ministres. D’après le ministre Kabanda, des efforts sont notamment déployés pour mettre fin à l’activisme résiduel des forces négatives (ADF/MTM, M23, FDLR et les groupes armés bénéficiant de la complicité de la population locale). Dans sa stratégie, le M23 cherche à négocier avec le gouvernement, comme ce fut avant 2013. Après plusieurs semaines de violents affrontements avec l’armée régulière, il (M23) a dit se retirer de toutes les positions occupées pour permettre la prise en charge de ses préoccupations à travers un dialogue franc et fructueux avec le gouvernement. 

Cependant, les FARDC réagissent par des frappes chirurgicales. Tel est le cas de la contre-offensive lancée début avril sur les positions qu’il a occupées dans la région de Rutshuru. L’armée s’est mise à pilonner les collines de Runyoni et Chanzu pour l’y déloger. « Nous avons l’ennemi sur notre territoire, c’est normal de le combattre jusqu’à le pousser dehors », a déclaré le colonel Muhindo Lwanzo, directeur de cabinet de l’administrateur militaire du territoire. Grâce au renfort reçu et la contre-offensive lancée, affirme-t-on, les assaillants ont été délogés de Rwanguba et du pont qu’ils occupaient à Tchengerero. Les opérations se sont poursuivies sur la montagne Bukala vers Runyoni. « Toutes les unités déployées dans le secteur opérationnel de l’Ituri, dans le secteur opérationnel de Sokola I (Grand Nord) et Sokola II (Nord-Kivu) restent en alerte et déterminées à en finir avec ces auteurs d’insécurité dans cette partie du pays », note le compte rendu du Conseil des ministres. 


Pas de criminels dans l’armée ! 

L’Association congolaise pour l’accès à la justice (ACAJ), par le biais de son président, George Kapiamba a demandé, dans un tweet, au président Félix Tshisekedi de veiller à ce qu’aucun accord ne puisse permettre aux rebelles du M23 d’intégrer (infiltrer) ni l’armée, ni la police, ni les services de sécurité, comme par le passé. Pour lui, les plus hauts responsables de ce mouvement doivent être jugés pour crimes graves. Dimanche 10 avril 2022, huit membres du gouvernement ont accompagné le Premier ministre, Jean-Michel Sama Lukonde, dans une mission de travail dans les deux provinces sous état de siège.


 Hubert MWIPATAYI

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RDC : Quel avenir pour les Wazalendo en cas d’accord de paix avec le Rwanda ?

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Le gouvernement de la République démocratique du Congo (RDC) et celui du Rwanda négocient depuis quelques mois un accord de paix à Washington, aux États-Unis. Parallèlement, des négociations se font avec le Mouvement du 23 mars (M23) à Doha, au Qatar. La seule question qui reste en suspens, c’est celle de l’avenir des Wazalendo (patriotes en swahili) après la fin du conflit. Une question qui soulève de nombreux enjeux sécuritaires, politiques et sociaux.

Depuis 2022, les « Wazalendo » – des groupes d’autodéfense populaires – combattent aux côtés des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) dans la lutte contre le M23 et l’armée rwandaise dans l’est de la RDC. En 2023, le gouvernement a formalisé cette collaboration en instituant une Réserve armée de la défense (RAD) dans laquelle sont insérés certains groupes de ces Wazalendo. Depuis le début des discussions de paix à Doha, sous l’égide de l’émir du Qatar, la rébellion de l’AFC/M23 a cessé sa progression fulgurante vers d’autres villes congolaises. Certains de ses responsables politiques et militaires discutent avec la délégation du gouvernement dans cette monarchie du Golfe Persique. Pourtant, sur le théâtre du conflit, les armes n’ont jamais cessé de crépiter. Mi-avril 2025, une action de guérilla livrée en solo sans l’appui des FARDC a semé la panique à Goma, Walikale, Nyiragongo, Kavumu, Walungu et Mwenga. Ces miliciens Wazalendo ont affronté les rebelles du M23 pendant trois jours d’affilée.

Dans un communiqué de l’AFC/M23, cette rébellion accuse la coalition des forces de la SADC (SAMIDRC), les FARDC, les Wazalendo et les FDLR (un groupe armé composé de hutus rwandais formé par d’anciens génocidaires) d’avoir attaqué leurs positions notamment à Goma. Une accusation démentie par l’armée congolaise. Ce scénario a esquissé les défis sécuritaires majeurs qui attendent le pays après les accords de paix qui pourraient être signés avec le Rwanda et le M23.

Maï Maï hier, Wazalendo aujourd’hui…

Les Maï-Maï d’hier, les Wazalendo d’aujourd’hui… Ces groupes d’autodéfense ne sont pas tous nés pendant la guerre du M23 appuyé par l’armée rwandaise. Si certains ont vu le jour suite à un besoin de défendre leur terre, d’autres existaient avant l’aggravation de ce conflit. Ils s’appelaient des groupes Maï-Maï, remontant parfois depuis la première et la deuxième guerre du Congo (1996-2003). Ces Maï-Maï d’hier ont pris le nom de Wazalendo aujourd’hui. Ce phénomène Wazalendo, comme le décrit William Amuri Yakutumba, commandant des forces Wazalendo de la Coalition nationale du peuple pour la souveraineté du Congo (CNPSC), est né en 1996 à la suite des guerres à répétition que connaît la RDC.

« Lorsque la population de l’est, se retrouvait abandonnée à elle-même, sans aucune sécurité et lorsque l’est du pays avait été envahi par le Rwanda, l’Ouganda et le Burundi, c’est ainsi que la population a pris l’initiative de prendre les armes pour combattre cette agression étrangère », a-t-il expliqué à la BBC. William Amuri Yakutumba fait référence à des groupes armés tels que le Rassemblement Congolais pour la Démocratie (RCD-Goma) d’Azarias Ruberwa soutenu par le Rwanda, le Congrès national pour la défense du peuple (CNDP) de Laurent Nkunda et soutenu toujours par Kigali, le M23 et ses factions (M23-1 et M23-2), coalisé avec l’Alliance Fleuve Congo (AFC) de Corneille Nangaa bénéficiant également du total soutien du régime de Paul Kagame.

Devenus proches de l’armée nationale, ces miliciens sont organisés aujourd’hui en équipes, sections, pelotons, compagnies, bataillons, brigades et autres pour tenir tête face à des groupes armés soutenus par le Rwanda. Leur objectif principal, selon Yakutumba, c’est la protection du sol, du sous-sol, de l’environnement, de la faune et la flore, bref, la protection de l’intégrité territoriale contre toute sorte d’agression étrangère.

Cette description de Yakutumba a été faite également par cet institut de recherche. Pour Ebuteli, se servir de groupes armés pour en combattre d’autres n’est pas une nouveauté au Congo. Ces chercheurs rappellent qu’en 1998, Kinshasa a soutenu des groupes armés Maï-Maï et FDLR pour lutter contre le RCD soutenu par le Rwanda. La RDC et le Rwanda ont ensuite fait cause commune, entre 2015 et 2020, pour tenter d’éradiquer les FDLR, un groupe d’anciens génocidaires rwandais, en utilisant le groupe armé congolais NDC-Rénové.

Un fardeau pour les années à venir

La gestion des Wazalendo, particulièrement après ce conflit actif avec le M23, soulève de nombreux enjeux sécuritaires, politiques et sociaux. Sur le plan sécuritaire, un rapport de l’Institut de recherche Ebuteli rendu public le 16 mai dernier à Kinshasa, évoque également des risques dans la gestion de ces groupes armés. Ebuteli note que le soutien aux groupes armés locaux constituera une « lourde hypothèque politique pour les années à venir ». Pour cet institut de recherche spécialisé dans les questions des Grands Lacs, ce phénomène militarise davantage la société, aggrave la crise humanitaire et enracine le conflit. Ce rapport conclut en soulignant l’importance à long terme de réformer l’État congolais, ses forces de sécurité et son approche du conflit pour éviter de sous-traiter des groupes qui eux-mêmes pourront constituer demain une autre source de l’insécurité pour la population civile. Le gouvernement, qui compte gérer ces groupes armés comme une réserve de l’armée régulière ne saura intégrer tous ceux qui ont pris les armes dans ce conflit. « Ceux qui ont pris le goût dans le maniement d’armes et qui ne seront pas pris en charge correctement par l’État deviendront un danger pour la population sur le plan de la criminalité », estime Isaac Mayenge, un analyste des dynamiques sécuritaires dans la région touchée.

Les Wazalendo veulent-ils se couvrir de leurs crimes passés ?

Avant de s’appeler Wazalendo, ces groupes armés se battaient déjà entre eux, ou contre l’armée régulière pour le contrôle de leur territoire, rappelle le journaliste français Christophe Rigaud. Ce dernier qualifie de « pari hautement risqué » le fait pour le président Félix Tshisekedi d’avoir fait de ces miliciens des supplétifs des FARDC. Pour Ebuteli, les motivations des Wazalendo sont diverses : un sentiment nationaliste, la possibilité d’accéder à des financements et à des postes au sein de l’armée nationale, et éventuellement de garantir l’impunité pour leurs crimes passés.

Certains parmi les leaders des Wazalendo étaient déjà dans le collimateur de la justice. Mais leur comportement « patriotique » dans cette guerre contre le M23 et le Rwanda a fait taire l’envie des poursuites judiciaires. Ce qui peut être perçu comme une façon pour ces seigneurs de guerre de se couvrir de leurs crimes passés. C’est le cas de Janvier Karairi, chef de l’APCLS (Alliance des patriotes pour un Congo libre et souverain), un groupe armé opérant dans le Nord-Kivu, précisément à Masisi avant sa conquête par le M23. L’APCLS est impliquée dans des crimes et des violations des droits de l’homme, et Janvier Karairi est accusé de contribuer à ces crimes en les planifiant, les dirigeant ou les commettant. Il est même sous sanctions internationales, notamment de l’Union européenne.

Un processus de désarmement souhaité

Après ce conflit, au plan social, le gouvernement devrait sérieusement organiser le processus de désarmement pour tous ces volontaires qui ont pris les armes et qui ne seront pas retenus au sein de la réserve armée. Félix Tshisekedi avait mis en place le Programme de désarmement, démobilisation, relèvement communautaire et stabilisation (P-DDRCS). Il vise à désarmer, démobiliser et réintégrer les ex-combattants dans la vie civile, tout en soutenant le développement communautaire et la stabilisation du pays. Mais ce programme bat encore de l’aile. Plusieurs ex-combattants désarmés retournent encore dans la brousse. « Nous sommes parfois abandonnés dans des camps sans nourriture ni un travail pour survivre », raconte un ex-démobilisé qui a retrouvé son groupe armé en Ituri.

Avec le phénomène Wazalendo, le programme de démobilisation a pratiquement disparu dans plusieurs coins des provinces du Nord et Sud-Kivu. Mais il est clair que c’est une question qui devra être prise en compte dans un processus de paix, quel qu’il soit. Cette question des Wazalendo fait encore partie de l’équation sécuritaire à résoudre après les accords de paix envisagés avec le Rwanda et le M23.

Heshima

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Avec 2,3 milliards USD, la police congolaise au cœur d’une réforme ambitieuse

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La République démocratique du Congo (RDC) a entamé depuis quelques années un processus de réforme profonde du secteur de la sécurité. Après la loi de Programmation militaire des Forces armées de la RDC (FARDC), le gouvernement a présenté un projet de loi ambitieux au Parlement pour refonder une institution souvent critiquée pour des dérapages et divers abus. Passant de la Garde civile zaïroise à la Police nationale congolaise (PNC), cette institution peine encore à réussir sa mutation doctrinale vers une police de proximité plutôt qu’une force militarisée de répression. Heshima Magazine relève certaines faiblesses décelées dans ce service et décrypte ce projet de réformes.

Pour réformer cette grosse machine de sécurité, le gouvernement met des grands moyens : de 2,3 milliards de dollars sont prévus sur cinq ans, soit de 2025 à 2029. Le 16 mai 2025, le vice-premier ministre, ministre de l’Intérieur et Sécurité Jacquemain Shabani a défendu ce projet de loi à l’Assemblée nationale. Le texte prévoit un programme de réformes qui va nécessiter la mobilisation de moyens considérables.

Former 90 000 policiers pour renforcer l’effectif

En sous-effectif quasi permanent, la police a toujours du mal à accomplir efficacement sa mission régalienne. Il se constate une répartition inégale des effectifs sur le territoire national. Au Sud-Kivu, par exemple, après le départ des casques bleus pakistanais, la Police nationale congolaise n’a pas pu réoccuper pleinement la province. Fin avril 2024, plus de la moitié des 115 policiers censés occuper la base de Kamanyola l’avaient désertée, selon le constat d’un journaliste de l’Agence France-Presse (AFP). Le peu de policiers qui restaient se plaignaient de leurs conditions de vie et de l’absence de rémunération. « Un policier qui passe deux jours sans manger alors qu’il a une arme, ça devient facile pour lui d’attaquer de paisibles citoyens » pour se ravitailler, dénonçait Joe Wendo, un acteur de la société civile locale. La plaine de la Ruzizi, située aux confins du Rwanda et du Burundi, est parfois présentée comme un haut lieu de braquages et de kidnappings. Le sous-effectif de la police et le déficit de sa logistique dans ces zones ne favorisent pas une bonne présence de l’autorité de l’Etat dans cette partie du pays.

La ville de Kinshasa, loin d’être à l’abri, est aussi frappée par le problème d’effectif. Dans les quartiers reculés comme Lutendele, à l’ouest de la capitale, il existe très peu de postes de police, faute de logistique et du personnel policier. Il en est de même pour d’autres quartiers de l’est. « C’est ainsi qu’il y a des civils qui portent des uniformes de la police sans formation au préalable. Il y a une vraie crise d’effectif dans l’institution », a réagi le commandant d’un Sous-commissariat à Mikondo, un quartier du district de la Tshangu. Un procès en flagrance à Kinshasa a mis à nu cette réalité : aucun policier parmi les prévenus n’a été formé et porte un matricule reconnu par l’Etat congolais. La plupart de ces éléments sont des proches des commandants de Sous-commissariat qui, à force de se côtoyer, finissent par leur octroyer des uniformes et parfois des armes. En 2024, l’ancien ministre de l’Intérieur Peter Kazadi avait avoué l’existence de ce problème : « Je connais les effectifs de la Police, mais je ne peux pas le dire à la place publique. Mais, dans ces effectifs, il y a aussi beaucoup de fictifs. Nous allons châtier tous ceux qui sont à la base de ces fictifs. »

Dans le nouveau programme de la police, le gouvernement veut mettre un terme à ces pratiques. Pour combler le déficit, le projet de réformes prévoit la professionnalisation de la police. Cela comprend le recrutement et la formation de 90 000 policiers. Parmi ces éléments figureront des unités d’intervention, mais aussi des policiers de proximité. Cela est un besoin urgent, dans un pays confronté à la montée des gangs urbains communément appelés « Kuluna ». Sur le plan du coût, ce volet du projet absorbera plus de 72 % du budget prévu dans la loi de programmation de la police en examen.

Mise à la retraite de 10 000 policiers

La Police nationale congolaise rencontre des difficultés notamment administratives pour la mise à la retraite de ses agents. Plusieurs policiers déjà âgés continuent de travailler, dépassant largement l’âge de la retraite. « Si je reste à la maison, l’Etat va m’oublier. Rien n’est prévu pour notre retraite », déclare Séraphin Mutombo, un policier sexagénaire travaillant dans la commune de Mont-Ngafula, à l’ouest de Kinshasa. Dans la réforme initiée par le gouvernement appuyé par les Nations Unies, le plan prévoit la mise à la retraite de 10 000 policiers d’ici à 2028. La construction ou la réhabilitation d’infrastructures pour les policiers et un investissement massif dans les équipements de ce service figurent aussi en bonne place. Rien que pour cela, le programme dispose de près d’un milliard de dollars.

Renforcer le cadre institutionnel

Une autre priorité dans la loi de programmation de la police, c’est le renforcement du cadre institutionnel. La police est confrontée à de nombreux défis, notamment en raison de problèmes financiers, de formation et de corruption. Les officiers gagnent des salaires faibles, manquent de ressources pour leurs activités et sont parfois accusés de dérapages et d’abus de pouvoir. « Notre commandant nous dit souvent : ‘‘vous êtes là assis en train de me regarder, sachez que je n’ai pas d’argent pour vous offrir le pain, allez le chercher auprès des civils dans la rue’’ », témoigne un policier à Binza Delvaux. Après ce genre d’instruction, ces éléments vont se disperser en groupe à travers les rues de la capitale pour tracasser les vendeurs, motocyclistes, taximen et autres usagers de la route. Une pratique constamment décriée par les Congolais dans leur majorité. En janvier dernier, une opération de l’Inspection Provinciale de la Police de Kinshasa a ainsi conduit à l’arrestation de dix-huit policiers et militaires. Le général Blaise Kilimbalimba, commandant de la Police de Kinshasa à l’époque, a expliqué que ces agents avaient abusé de leur statut pour commettre des crimes. Ces éléments extorquaient les biens des civils. « Il y en a qui sont dans les visites domiciliaires indésirables, d’autres dans des déviations des missions. Donc ce sont des bandits se retrouvant dans les différents services [de police]. Nous sommes en train de les découvrir, et les arrêter jusqu’à leur dernier retranchement pour la tranquillité publique », avait décrié Blaise Kilimbalimba.

Face à ces dérives, le gouvernement veut poser les bases d’une police mieux organisée, avec des structures solides et cohérentes. Dans la logique de renforcer l’efficacité, depuis quelques années, la Police d’intervention rapide (PIR) a été rebaptisée Légion nationale d’intervention (LENI). La LENI est une unité d’élite de la police, formée dans le cadre du programme européen EUPOL-RDC. Elle est chargée de missions d’intervention rapide et d’antiterrorisme. Actuellement, ce service est dirigé par le commissaire général Jean-Félix Safari. La réforme dans cet aspect institutionnel va coûter plus d’un quart du budget, soit environ 600 millions de dollars.

Réputés aussi pour leur communication difficile avec les civils, les éléments de la police vont aussi bénéficier d’une mise à niveau. Au-delà de cet aspect de formation, il y a un axe de la réforme qui porte sur le dialogue entre la police et la population. Moins de budget est réservé à ce volet : presque 3 % de l’enveloppe globale, soit un peu plus de 51 millions de dollars.

Un programme conçu avec les Nations Unies

Le programme de réformes de la police a été conçu entre le gouvernement et le système des Nations Unies. En octobre 2024, Jacquemain Shabani avait présenté ce projet aux partenaires techniques et financiers du gouvernement. « C’est un programme conjoint conçu avec les Nations Unies pour développer la Police nationale congolaise », affirme un diplomate de l’ONU en RDC. Ce programme a été conçu sous le lead du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) avec la participation de plusieurs autres agences comme l’Organisation Internationale de Migration (OIM), ONU-HABITAT, l’Office du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (BCNUDH), et la MONUSCO.

De la Garde civile à la PNC, un long chemin de réforme

Entamée après la chute du régime du président Mobutu en 1997, la réforme de la Police nationale congolaise connaît un long chemin. Sous Mobutu, ce service s’appelait Gendarmerie nationale, mais une grande unité célèbre sortait la tête du lot : la Garde civile zaïroise. Cette Garde civile a été créée en 1984 par le président Mobutu, alors dirigeant du Zaïre (nom de la RDC entre 1971 et 1997). Elle avait pour mission principale de maintenir l’ordre public et de lutter contre la criminalité, en complément des forces régulières (notamment la police et l’armée).

Elle s’inscrivait aussi dans la volonté de Mobutu de diversifier les forces de sécurité afin d’éviter qu’une seule force devienne trop puissante et menace son pouvoir. Certaines sources indiquent que cette unité a été créée après des combats dans le Shaba (actuel grand Katanga) entre soldats zaïrois et zambiens. Elle était notamment chargée de la sécurité aux frontières, de la lutte contre les trafics illégaux et le terrorisme, et de la restauration de l’ordre public. Dirigée par le célèbre général Kpama Baramoto Kata, la Garde civile était perçue par une partie de l’opinion comme un instrument de répression pour mater l’opposition et d’autres voix dissidentes dans la société civile. Entre les années 90-95, la Garde civile et la Division spéciale présidentielle (DSP) faisaient partie des unités les plus équipées et respectées du pays. Elle regroupait officiellement 26 000 hommes avec un budget qui n’avait rien à envier aux Forces armées zaïroises (FAZ), pourtant quatre fois plus nombreuses que les éléments de la Garde civile.

À la chute du régime de Mobutu en 1997, avec l’arrivée de Laurent-Désiré Kabila au pouvoir, la Garde civile a été dissoute ou intégrée dans d’autres forces armées. Beaucoup de ses éléments ont été intégrés dans les nouvelles Forces armées congolaises (FAC) de l’époque, créées par Laurent-Désiré Kabila. Avec le recul, cette Garde civile est perçue comme un symbole de la militarisation de l’ordre public sous Mobutu. Elle incarne également l’une des multiples forces parallèles créées dans le but de consolider un régime autoritaire, souvent au détriment des droits humains et de la démocratie.

1997 : D’une force de police hybride à la PNC

Après sa prise de pouvoir, le président Laurent-Désiré Kabila dissout plusieurs structures de l’ancien régime, y compris la gendarmerie nationale et la Garde civile, qui étaient les principales forces de sécurité intérieure sous Mobutu. Il crée alors une force de sécurité hybride appelée Police nationale congolaise (PNC). Mais dans un contexte de guerre civile (Première et deuxième guerre du Congo), la ligne de démarcation entre militaires et policiers est restée floue. Ce service peu organisé et encore brouillon n’avait pas connu de succès. Laurent-Désiré Kabila tentait de l’organiser avec des moyens de bord.

À Kinshasa, des recrutements et formations des civils se faisaient dans des terrains de football, notamment au stade Vélodrome de Kintambo. Peu professionnelle et mal formée, la PNC sera souvent accusée d’abus. Après l’assassinat de Laurent-Désiré Kabila en janvier 2001, la police va de nouveau connaître une réforme en 2003. Cette fois-là, elle sera sous supervision internationale. Le régime de transition issu de l’accord de Sun City va conduire des réformes avec l’appui de la communauté internationale (MONUC puis MONUSCO). La Police nationale congolaise (PNC) est véritablement créée en 2002 par la loi comme une force apolitique, professionnelle et civile, distincte des forces armées. La PNC devient l’unique force de police nationale au pays, avec pour mission : le maintien de l’ordre public, la sécurité des personnes et des biens, la prévention et la répression de la criminalité. Elle est dirigée par le général John Numbi. En 2010, à la suite de l’assassinat du militant des droits de l’homme Floribert Chebeya et de son chauffeur Fidèle Bazana, le général John Numbi, alors chef de la PNC, est suspendu. Charles Bisengimana assure l’intérim à la tête de la police congolaise. Né le 21 août 1964 à Bibangwa, dans le Haut-Plateau d’Uvira, dans la province du Sud-Kivu, ce spécialiste en droit, criminologie et sciences policières de l’Académie de police d’Égypte va être confirmé à son poste par le président Joseph Kabila. Sous sa direction, la PNC met en place des unités spécialisées dans la protection de l’enfance et la lutte contre les violences faites aux femmes. Charles Bisengimana n’hésite pas à se féliciter de la transformation de la RDC, autrefois qualifiée de « capitale mondiale du viol », en un modèle de lutte contre ces violences. Même si sa direction de la police a été émaillée des critiques suite à la répression sanglante des manifestations populaires en 2015, 2016 et 2017. Il sera remplacé 7 ans plus tard par le général Dieudonné Amuli, un transfuge des FARDC.

2025 : Tshisekedi fait le ménage au sein de la Police 

Tout au long de son existence, la PNC a été soumise à plusieurs réformes. Ce processus s’est souvent heurté à de nombreux défis, même si des avancées notables ont également été enregistrées. En 2025, dans une série d’ordonnances signées le 28 mars et rendues publiques le 2 avril, le président de la République, Félix Tshisekedi, a procédé à la nomination des commissaires provinciaux de la police, ainsi que d’autres responsables de ce service. Une décision qui intervient après des changements opérés fin 2024 au sein des FARDC.

« Le président est dans une quête permanente de l’efficacité de nos forces de défense et de sécurité », résume un analyste des questions sécuritaires. En 2023, le patron de la Police, Dieudonné Amuli, a été admis à la retraite. Félix Tshisekedi a alors nommé Benjamin Alongaboni à la tête de l’institution. D’autres nominations et permutations ont été effectuées au sein des commissariats provinciaux, mais aussi dans différentes directions de la police.

À Kinshasa, le commissaire divisionnaire Israël Kantu Bankulu a été nommé commandant de ville, en remplacement du commissaire divisionnaire adjoint Blaise Kilimbalimba, désormais affecté comme commandant de la police dans la province du Haut-Katanga. L’ancien chef de la police de Kinshasa, Sylvano Kasongo, précédemment affecté au Kasaï, prend désormais la direction de la province du Bas-Uélé.

D’autres services de la police ont également connu des changements d’animateurs. Le commissaire Ngoy Sengolakio a été nommé commandant de l’Unité de protection des hautes personnalités (UPHP). Le commissaire divisionnaire Elias Tshibangu Tumbila a été désigné inspecteur général adjoint de la PNC, chargé de l’appui et de la gestion au sein du Commandement de l’Inspection générale. Quant au commissaire divisionnaire Isaac Bertin Balekukayi Mwakadi, il a été nommé commissaire général adjoint chargé de la Police judiciaire, au sein du Commandement du commissariat général de la PNC.

La hiérarchie de la police est demeurée stable. Depuis 2023, elle est dirigée par le commissaire divisionnaire principal Benjamin Alongaboni.

Comme dans les rangs de l’armée, Félix Tshisekedi souhaite une montée en puissance du service de police. Avec ce programme de réforme ambitieux, Kinshasa entend redorer l’image d’une police longtemps critiquée pour son inefficacité dans la protection des civils. Les cinq prochaines années seront déterminantes pour tester la mise en œuvre de ces réformes.

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RDC : Quels risques politiques en cas de dissolution du PPRD et de 3 autres partis ?

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Dans une démarche audacieuse qui secoue le paysage politique de la République démocratique du Congo (RDC), le vice-premier ministre et ministre de l’Intérieur, Jacquemain Shabani, a saisi la justice le 24 avril 2025 pour demander la dissolution de quatre partis politiques, dont le Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD), dirigé par l’ancien président Joseph Kabila. Cette initiative, motivée par des accusations de complicité avec des groupes armés, suscite un vif débat sur l’équilibre entre sécurité nationale et libertés politiques dans un pays marqué par des tensions persistantes.

Le PPRD, fondé en 2002 par Joseph Kabila, a longtemps dominé la scène politique congolaise. Sous la présidence de Kabila, de 2001 à 2019, le parti a exercé une influence considérable, remportant notamment une majorité parlementaire en 2006. Cependant, depuis l’arrivée au pouvoir de Félix Tshisekedi en 2019, les relations entre le nouveau régime et le camp de Kabila se sont détériorées, marquées par des accusations mutuelles de déstabilisation. L’Est de la RDC, en proie à des conflits armés impliquant des groupes comme l’Alliance Fleuve Congo (AFC) dans laquelle fait partie le Mouvement du 23 mars (M23), constitue un défi majeur pour le gouvernement Tshisekedi. C’est dans ce climat d’instabilité que s’inscrit la décision de cibler des partis politiques soupçonnés de collusion avec des groupes rebelles, une démarche qui reflète la volonté du gouvernement de renforcer son contrôle sur la sécurité nationale.

Accusations de collusion avec des groupes armés

Le ministère de l’Intérieur reproche au PPRD, ainsi qu’à l’ Action pour la dignité du Congo et de son peuple (ADCP) de Corneille Nangaa, à la Convention pour la révolution populaire (CRP) de Thomas Lubanga et au Mouvement Lumumbiste progressiste (MLP) de Franck Diongo, d’avoir soutenu des activités menaçant l’intégrité nationale. Pour le PPRD, les griefs incluent la présence d’anciens cadres dans les rangs de l’AFC/M23, des déclarations de Joseph Kabila interprétées comme un soutien implicite à ce groupe rebelle, et son passage supposé à Goma, une ville sous influence rebelle. Ces accusations s’appuient sur des textes légaux interdisant aux partis politiques de s’associer à des insurrections armées et imposant des obligations spécifiques aux anciens présidents. La procédure judiciaire, entamée après la suspension des activités du PPRD le 19 avril 2025, vise à obtenir une dissolution définitive, une mesure que Jacquemain Shabani présente comme indispensable pour protéger l’unité du pays.

Contestation de la procédure

Face à ces accusations, le PPRD a dénoncé une tentative de répression politique orchestrée par le régime Tshisekedi. La coordination diaspora de ce parti, dirigée par Sandra Nkulu Kyungu, a qualifié la requête de manœuvre visant à anéantir un adversaire politique, allant jusqu’à évoquer un “génocide politique”. De l’autre côté, les dirigeants du PPRD affirment n’avoir reçu aucune convocation judiciaire formelle et considèrent la présence policière à leur siège comme une violation des procédures légales. En avril 2024, le secrétaire permanent du PPRD, Emmanuel Ramazani Shadary, avait rejeté des allégations similaires, qualifiant les accusations de soutien à l’AFC/M23 de “sans fondement” et critiquant le gouvernement pour des politiques jugées contraires à la souveraineté nationale. De son côté, le secrétaire permanent adjoint de ce parti, Ferdinand Kambere, conteste la procédure initiée par le vice-Premier ministre, ministre de l’Intérieur. « La loi est claire : celui qui demande la dissolution, c’est le procureur, saisi à la suite d’une décision de suspension. Ce n’est pas le ministre. Nous, nous n’avons jamais été convoqués à ce sujet. Malheureusement, jusqu’à aujourd’hui, aucun parquet n’a convoqué le PPRD », a-t-il réagi.

 Le PPRD a annoncé son intention de contester la dissolution par des recours judiciaires.

Quels risques politiques ?   

La décision du gouvernement divise l’opinion publique en RDC. De nombreux Congolais, en particulier dans les régions affectées par l’insécurité, soutiennent l’initiative de Jacquemain Shabani, y voyant une mesure décisive pour couper les réseaux de soutien aux groupes armés qui déstabilisent l’est du pays. Des voix au sein de la société civile, comme l’ONG Paix et Réconciliation, saluent cette action comme un signal fort contre toute forme de collusion avec des forces rebelles, un objectif prioritaire pour le régime de Tshisekedi. « Le gouvernement a le devoir de protéger la population contre ceux qui, sous couvert d’activités politiques, alimentent le chaos », a déclaré un représentant de cette organisation. Cependant, d’autres Congolais perçoivent cette initiative comme une atteinte aux libertés démocratiques, craignant qu’elle ne serve de prétexte pour museler l’opposition. Des analystes politiques, comme Josaphat Kalubi, mettent en garde contre les risques d’une telle démarche : la dissolution du PPRD pourrait pousser certains de ses membres vers la rébellion ou l’exil, aggravant la crise actuelle.

Vers un tournant politique majeur ?

Le dossier, actuellement examiné par la Cour constitutionnelle, devrait connaître une issue dans les semaines à venir. Cette bataille judiciaire pourrait redessiner le paysage politique congolais. Si la dissolution est prononcée, elle renforcerait la position de Félix Tshisekedi dans sa lutte contre les groupes armés, mais au risque d’une polarisation accrue et d’une érosion de la confiance dans les institutions. En revanche, un rejet de la requête pourrait galvaniser l’opposition, tout en exposant les difficultés du gouvernement à étayer ses accusations. Alors que la RDC aspire à consolider la paix dans ses régions troublées, le régime Tshisekedi marche sur une corde raide, cherchant à concilier impératifs sécuritaires et respect des principes démocratiques. Dans ce climat d’incertitude, la capacité du gouvernement à gérer les retombées de cette initiative sera scrutée de près, tant par les Congolais que par la communauté internationale.

Heshima Magazine

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