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21ème sommet de la CEEAC : Tshisekedi préside une session centrée sur la sécurité

La République démocratique du Congo qui, depuis un temps a signé son retour dans plusieurs organisations régionales, organise, du 25 au 27 juillet 2022, la XXIème session ordinaire de la Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique Centrale (CEEAC). Un sommet qui rentre dans la thématique sécuritaire de l’heure.

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Le Président de la République démocratique du Congo, Félix-Antoine Tshisekedi préside, ce lundi à Kinshasa, la 21èmesession ordinaire des chefs d’Etat et de gouvernement de cette communauté régionale. Trois chefs d’Etat sont attendus ainsi que des chefs de délégations des pays membres. Le chef d’Etat du Tchad, Mahamat Idriss Déby est déjà à Kinshasa depuis le 24 juillet. Contrairement à sa dénomination qui veut qu’elle soit éminemment économique, la CEEAC va tabler sur la sécurité à Kinshasa. Un thème qui tombe à point nommé au regard de l’agression dont la République démocratique du Congo est victime de la part du Rwanda sous couvert du M23, selon le gouvernement congolais. Des accusations que Kigali dément toujours.  

Ces assises ont été précédées par la réunion des chefs d’Etats-majors généraux, commandants en chef, directeurs généraux de police, gendarmerie, Hauts fonctionnaires des ministères de la région, Hauts cadres du secteur de la sécurité et les ministres du Comité Technique Spécialisé Défense, Sureté et Sécurité, Conseil de Paix et de Sécurité de l’Afrique Centrale, afin de statuer sur les questions sécuritaires majeures et deformuler les propositions aux chefs d’Etat et de gouvernement. Ces responsables de la sécurité vont présenter aux chefs d’Etat les résultats de leurs travaux, notamment sur l’examen de la situation politique et sécuritaire en Afrique centrale. 

Ces autorités militaires vont également soumettre les conclusions du rapport sur l’arrimage des textes de la Force Multinationale de l’Afrique Centrale (FOMAC) et de la structure de l’Etat-major (EMR) au Traité révisé et autres textes légaux révisés (protocole relatif au COPAX, cadre organique de la Commission et statut du personnel). Il y a aussi l’examen du projet d’organigramme de l’Etat-major régional complémentaire au cadre organique approuvé par la réforme institutionnelle de la CEEAC. 

Agressée par un pays membre 

En prélude de la tenue du sommet de ce 25 juillet, à Kinshasa,le ministre congolais de l’Intégration régionale et Francophonie, Didier Mazenga Mukanzu, a présidé, le 22 juillet 2022, un Conseil des ministres de cette organisation sous régionale. Dans son discours, le ministre a mis l’accent sur la solidarité et la paix, des facteurs nécessaires au développement de toute région. Didier Mazenga a salué le leadership du président en exercice de la CEEAC, Félix-Antoine Tshisekedi, qui a accepté de convoquer le sommet ordinaire dans la capitale congolaise.

Mais cet officiel congolais n’a pas loupé la question de l’heure : l’agression de la RDC par un pays voisin, sous couvert d’une rébellion. Sur ce point, le ministre Didier Mazenga a rappelé que cette 21ème session de la communauté régionale se tient dans « un environnement sécuritaire préoccupant, principalement en République Démocratique du Congo, qui subit malheureusement l’agression d’un pays membre » de la communauté. Une allusion à l’agression rwandaise contre la RD. Congo sous couvert des « terroristes » du Mouvement du 23 mars (M23).     

Centrafrique au menu 

Les participants à cette XXIème session ordinaire évoqueront également la question du respect des processus électoraux. Concernant la RCA, ils vont tabler sur l’appui de la région au processus de Démobilisation, désarmement, réinsertion et rapatriement dans ce pays.

Ce sommet connait la participation de la Centrafrique, de Sao Tomé (et Principe) et du Tchad. Ces trois pays pourraient être représentés par leurs Présidents tandis que le Burundi et la Guinée Équatoriale sont représentés par leurs vice-présidents, le Congo et le Gabon par les Premiers ministres, l’Angola par son ministre des Affaires étrangères et, enfin, le Rwanda par son ambassadeur en RDC, Vincent Karega.

Pour rappel, le président de la République démocratique du Congo, Félix-Antoine Tshisekedi, avait pris officiellement les commandes de cette organisation régionale en janvier 2019, à Brazzaville. La passation du pouvoir entre lui et le président sortant, Denis Sasou N’guesso, a eu lieu à Kintele, en République du Congo, où s’étaient tenus les travaux de la 20ème session de la conférence des chefs d’État et de gouvernement de cette communauté régionale.

Heshima 

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RDC : dialoguer avec le M23, mais à quel prix ?

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Après le sommet conjoint EAC-SADC tenu samedi 8 février, à Dar es-Salaam, en Tanzanie, le gouvernement congolais a accepté les conclusions de ces assises qui recommandent un dialogue avec toutes les parties impliquées dans le conflit, y compris le Mouvement du 23 mars (M23). Le contenu de ces discussions risque de poser problème au regard des revendications parfois surréalistes de ces rebelles.

Le gouvernement de la République Démocratique du Congo (RDC) a pris acte et a salué, dimanche 9 février, les conclusions du sommet conjoint des chefs d’État de la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC) et de la Communauté de Développement de l’Afrique Australe (SADC). Ce sommet a décidé d’un cessez-le-feu immédiat et de la cessation des hostilités sans conditions entre toutes les parties ; l’acheminement urgent d’une assistance humanitaire, y compris le rapatriement des dépouilles et l’évacuation des blessés ; l’ouverture et la sécurisation des principaux axes logistiques, y compris les voies routières et lacustres ; la réouverture immédiate de l’aéroport international de Goma ainsi que la sécurisation de cette ville et de ses environs.

Mais là où le problème pourrait se poser, c’est la recommandation du dialogue faite à toutes les parties, y compris le M23. Le gouvernement le tenait pour une ligne rouge à ne pas franchir. Cependant, face aux revers militaires subis à Goma et Saké, le gouvernement n’a plus d’autre choix que de dialoguer. Mais à quel prix ? Les rebelles du M23 ont des revendications qui sortent de l’ordinaire. Dans l’accord du 23 mars 2009, ils réclamaient notamment le contrôle militaire du Grand Kivu. C’est-à-dire que la communauté tutsie devait devenir la garante de la sécurité de cette partie de la RDC, dépossédant ainsi l’État de son pouvoir régalien. Ce qui crée les conditions d’une balkanisation du pays. Autre demande, c’était le mixage et brassage des éléments rebelles au sein de l’armée. Une mauvaise expérience qui a montré ses limites par le passé.

Une erreur à ne plus commettre

Après avoir effectué le brassage et mixage des rebelles du CNDP au sein des Forces armées de la République Démocratique du Congo (FARDC), l’ancien président Joseph Kabila avait constaté que ces mêmes éléments avaient fini par faire défection en masse, en 2012, pour former le M23. Lors d’un échange avec la société civile de Goma, en 2013, Joseph Kabila avait reconnu ce brassage comme une erreur à ne plus commettre. Son porte-parole de l’époque, Lambert Mende, avait indiqué que s’il fallait faire la guerre pendant 100 ans, la RDC la ferait, pourvu que ces « bandits » ne soient plus intégrés dans l’armée. « Tout au long de notre histoire de ces dernières années, des erreurs ont été commises, celles de croire qu’on pouvait intégrer au sein d’une force armée des groupes de malfaiteurs, des groupes de bandits qui n’ont aucun patriotisme et penser qu’on peut les changer par le simple fait de l’intégration. Non, l’armée doit devenir un corps d’élite, un creuset du patriotisme. Ces gens peuvent faire tout. Ils peuvent travailler, étudier, ils peuvent faire de l’agriculture, du business… Mais pour rentrer dans l’armée congolaise, dorénavant, il va falloir remplir certaines conditions morales. Les gens du M23 ne sont pas éligibles dans l’armée. Donc, nous ne négocierons pas avec eux », avait déclaré Lambert Mende.

Actuellement, le régime de Félix Tshisekedi est confronté au même problème, 12 ans après. Après la prise de Goma, le M23 risque de se retrouver à la table de discussion en position de force. Le chef militaire du M23, Sultani Makenga, et ses hommes proches du Rwanda, peuvent à nouveau faire monter les enchères. Vital Kamerhe, lors de l’ouverture de la session extraordinaire de l’Assemblée nationale, avait déclaré que le président de la République voulait négocier « sans vendre le Congo ». Le gouvernement devrait dorénavant veiller sur chaque mot prononcé et chaque accord signé pour ne pas retomber dans les erreurs du passé.

Heshima

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Guerre en RDC : entre 600 et 1000 soldats rwandais morts sur le sol congolais

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La République démocratique du Congo (RDC), attaquée depuis plus de 3 ans par l’armée rwandaise en appui aux rebelles du Mouvement du 23 mars (M23), n’est pas le seul pays à payer un lourd tribut à la guerre qui lui est imposée. Son agresseur, le Rwanda, compte des centaines, voire plus d’un millier de soldats tués au combat, selon la révélation faite, ce vendredi 7 février 2025, par le média britannique The Guardian. Mais le régime de Kigali entretient l’omerta autour de ce sujet.

Devant un journaliste de la chaîne britannique CNN, le président rwandais, Paul Kagame, a de nouveau nié la présence de ses soldats en RDC. Pour le contredire, un autre média anglais, The Guardian, révèle, ce vendredi 7 février 2025, le nombre de soldats rwandais tués dans l’Est de la RDC. De multiples sources de renseignements, militaires et diplomatiques, affirment qu’un nombre « très important » de soldats des Forces de défense rwandaises (RDF) sont morts en soutenant une offensive des rebelles du M23 en RDC. Ces sources s’appuient notamment sur des images satellites qui ont montré qu’au moins 600 nouvelles tombes ont été creusées depuis que le M23 – soutenu par les troupes du RDF – a repris ses opérations en RDC. Deux hauts responsables du renseignement qui maîtrisent les Forces de défense rwandaises affirment que les véritables pertes subies par le Rwanda s’élèvent probablement à des « milliers », note la source, mais il est difficile d’établir un chiffre définitif.

The Guardian ajoute également qu’une autre source « haut placée » affirme qu’un certain nombre de soldats rwandais morts ont été « secrètement » enterrés dans des « fosses communes » en RDC au cas où il leur aurait été impossible d’acheminer les corps vers le Rwanda. « Tous les soldats morts en RDC n’ont pas pu être rapatriés, surtout dans les zones sous de fortes attaques. Certains ont été enterrés dans des fosses communes », révèle The Guardian, soulignant que certaines familles des militaires ont reçu des cercueils vides. D’après la même source, les pertes rwandaises sont si élevées qu’une nouvelle aile a été construite à l’hôpital militaire de Kigali pour accueillir les blessés. Quant à la morgue, elle est aussi pleine.

L’ultime chance pour la paix

Pendant que des combats se poursuivent et se rapprochent de la ville de Bukavu, chef-lieu de la province du Sud-Kivu, un sommet de la dernière chance s’ouvre, ce 7 février, à Dar es Salam, la capitale tanzanienne. Ces assises vont réunir, samedi 8 février, une vingtaine de dirigeants aussi bien de la SADC que de l’EAC. Du côté de la RDC, Tina Salama, la porte-parole du président congolais, précise d’ores et déjà qu’il n’y aura pas d’échanges « directs » entre Paul Kagame et Félix Tshisekedi. Ce « n’est pas à l’ordre du jour », a-t-elle précisé.

Les attentes du gouvernement congolais pour ce sommet conjoint sont difficiles à concrétiser. De ce sommet, « nous attendons des sanctions sévères contre le Rwanda, le retrait de toutes les forces étrangères non invitées en RDC et un cessez-le-feu formel ».

Certaines organisations internationales appellent à des condamnations claires lors de ce sommet conjoint. « Il est grand temps de faire en sorte que les auteurs de crimes relevant du droit international commis en RDC depuis près de 30 ans rendent des comptes. Laisser passer cette occasion ne fera qu’encourager les responsables et renforcer la probabilité de voir de telles atrocités se reproduire », a déclaré l’ONG Amnesty International.

Heshima

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Conflits armés en RDC : retour sur un drame qui dure depuis 30 ans

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La ville de Goma, dans l’Est de la République démocratique du Congo (RDC), est quasiment tombée aux mains des rebelles du M23 soutenus par le Rwanda, le 28 janvier 2025. Un épisode du conflit qui en rappelle d’autres. Heshima Magazine revient sur les principales séquences, le rôle des acteurs ainsi que des pistes de solution à ces dissensions qui persistent depuis des décennies.

Comme en 2012, les rebelles du M23 se sont emparés de la ville de Goma, chef-lieu de la province du Nord-Kivu. Depuis près de 30 ans, ces conflits armés dans cette partie de la RDC ne s’arrêtent pas. Ils impliquent aussi bien des acteurs locaux, régionaux qu’internationaux.

Genèse du problème sécuritaire

L’origine des violences dans l’Est de la RDC remonte à 1992, lors de l’opération d’identification des nationaux menée par le régime de Mobutu. Cette initiative visait à établir une distinction entre les populations considérées comme autochtones et celles d’origine étrangère, notamment les hutus et les tutsis, ce qui a exacerbé des tensions ethniques et favorisé la formation des milices locales à revendications tribales.

Aggravation des conflits

Le 6 avril 1994, dans la soirée, l’avion transportant le président rwandais Juvénal Habyarimana, le président burundais Cyprien Ntaryamira, tous deux membres de l’ethnie hutu, ainsi que plusieurs hauts responsables des deux pays, est abattu en plein vol. L’appareil, qui venait de quitter la Tanzanie où ses occupants avaient participé à un sommet consacré aux crises politiques de leurs pays respectifs, était en phase d’atterrissage à l’aéroport de Kigali lorsque qu’un missile l’a frappé, provoquant sa destruction.

Cet événement tragique marque le début d’une catastrophe humaine de proportions inimaginables. À l’époque, le Rwanda traversait une crise politique aiguë, exacerbée par des tensions ethniques et des rivalités politiques. Le Front Patriotique Rwandais (FPR), un groupe rebelle composé des réfugiés tutsis rwandais exilés en Ouganda, cherchait à renverser le gouvernement hutu en place et à mettre fin à des années de persécution de la communauté tutsi. Les attaques du FPR, qui avaient commencé dans les années précédentes, avaient intensifié les tensions, et l’assassinat des deux présidents ne fera qu’envenimer la situation.

L’assassinat du président hutu Juvénal Habyarimana, perçu comme le protecteur des hutus, l’ethnie majoritaire du Rwanda, va provoquer un choc immense. Habyarimana incarnait un régime qui, bien qu’ayant été responsable de politiques discriminatoires contre les tutsis, était perçu par une partie de la population comme le garant de leur domination. Ce meurtre survient dans un contexte complexe, marqué par l’héritage de la colonisation belge, qui, en favorisant historiquement les tutsis au détriment des hutus, a exacerbé les tensions ethniques au Rwanda.

Son assassinat déclenche donc une spirale infernale de violence. Les extrémistes hutus, accusant la population tutsi d’être responsable de la mort de leur chef et de collaborer avec le FPR, lancent une vaste campagne de massacres. Des centaines de milliers de tutsis sont tués au cours du génocide de 1994, un crime d’une ampleur inimaginable qui bouleversera la région pour des décennies.

Après la victoire du FPR en 1994, un grand nombre de hutus, comprenant des militaires, des membres des milices Interahamwe, ainsi que de simples civils, fuient vers la République Démocratique du Congo (RDC), principalement dans les provinces du Nord et du Sud Kivu. Ce déplacement massif de populations entraîne la formation de camps de réfugiés et le regroupement d’éléments militaires hutus qui commencent à s’organiser.

De son côté, le nouveau gouvernement tutsi du Rwanda, soucieux de sa sécurité, accuse le régime de Mobutu, alors en place en RDC, de fermer les yeux sur l’organisation des ex-miliciens hutus réfugiés en RDC, et d’ignorer leur volonté de reprendre le pouvoir et de poursuivre le génocide. Cette situation alimentera des tensions croissantes entre les deux pays, dont les conséquences géopolitiques se feront ressentir pendant des années.

Intervention de l’AFDL

En 1996, à l’initiative du Rwanda et de l’Ouganda, l’Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération du Congo (AFDL) est créée, et placée sous la direction de Laurent-Désiré Kabila, un ancien maquisard lumumbiste et farouche opposant au régime du président congolais Mobutu. L’objectif de cette coalition, composée principalement des tutsis et soutenue par les forces rwandaises et ougandaises, est double : d’une part, neutraliser les militaires hutus et les milices Interahamwe réfugiés en RDC, accusés de représenter une menace pour la sécurité du Rwanda ; d’autre part, renverser le régime de Mobutu, jugé trop conciliant avec ces mêmes réfugiés et qualifié par les dirigeants rwandais de complice des génocidaires.

Les Forces armées rwandaises (FAR) et les milices Interahamwe, accompagnées de milliers de civils hutus rwandais réfugiés au Congo, seront traquées sans relâche tout au long de la progression de l’AFDL vers Kinshasa. Cependant, la nouvelle armée rwandaise qui soutient l’AFDL ne se contentera pas de s’attaquer aux seuls combattants hutus : elle commettra également des massacres de civils congolais et de hutus rwandais, parfois indistinctement, dans le cadre de cette « croisade». Cette violence aveugle suscitera des tensions au sein même de l’AFDL, certains acteurs congolais, comme Kisase Ngandu, désapprouvant cette répression. Ce dernier sera plus tard tué dans des circonstances restées floues et non élucidées.

Ces événements tragiques marqueront profondément les populations locales et contribueront à l’émergence d’un groupe armé hutu, les Forces Démocratiques de Libération du Rwanda (FDLR), qui se constituera comme une force opposée au régime du Rwanda dirigé par Kigali.

Rupture entre alliés

Après la prise de pouvoir de Laurent-Désiré Kabila en mai 1997, ce dernier cherche rapidement à se débarrasser de ses alliés rwandais et ougandais, qu’il accuse de se comporter en conquérants, pillant les ressources du pays. Considérant cette attitude comme une trahison, les armées rwandaise et ougandaise retournent leurs armes contre leur ancien partenaire.

Ce revirement déclenche un nouveau conflit majeur. En réponse, le Rwanda soutient la création du Rassemblement Congolais pour la Démocratie (RCD), qui prend rapidement le contrôle des provinces du Kivu, tandis que l’Ouganda soutient le Mouvement de Libération du Congo (MLC), qui s’implante dans la vaste région du Grand Équateur. Ces deux groupes rebelles cherchent à contester l’autorité de Kabila et à renverser son régime.

Le 16 janvier 2001, Laurent-Désiré Kabila est assassiné, et son fils, Joseph Kabila, lui succède à la tête du pays.

L’intervention de la communauté internationale, notamment à travers les négociations menées par l’Union Africaine, débouche en 2002 sur l’Accord de Sun City, un premier pas vers la paix. Cependant, malgré cet accord, les combats continuent, en particulier dans les deux Kivus, où l’instabilité persiste en raison de la présence de nombreux groupes armés non intégrés au processus de paix.

M23, un succédané du RCD et CNDP

Malgré la mort de Laurent-Désiré Kabila en 2001 et le dialogue inter-congolais initié à Sun City sous l’égide de Nelson Mandela, la RDC ne connaîtra pas une paix durable. Le Rwanda et l’Ouganda, bien qu’ayant initialement soutenu la transition, continuent d’intervenir en RDC. C’est ainsi qu’émerge un nouveau groupe armé d’obédience tutsi et proche du Rwanda : le Congrès national pour la défense du peuple (CNDP). Ce groupe est l’héritier direct du Rassemblement Congolais pour la Démocratie (RCD), qui, après avoir été mué en parti politique à la suite des accords de Sun City, perd son influence militaire mais voit naître de nouvelles factions.

Le CNDP, principalement actif dans les provinces du Nord et Sud-Kivu, déstabilise encore davantage la région entre 2006 et 2009. Bien que des accords de paix soient signés le 23 mars 2009 entre le CNDP et le gouvernement de Joseph Kabila, la situation reste fragile. Dès 2011-2012, des défections au sein de l’armée congolaise (FARDC), alimentées par l’intégration de rebelles du CNDP, conduisent à la formation du M23 (Mouvement du 23 mars). Ce groupe, principalement composé de tutsis, se considère comme le successeur du CNDP et réclame la pleine application des accords de paix signés le 23 mars 2009.

Le M23 parvient à prendre la ville stratégique de Goma le 20 novembre 2012, avant de se retirer quelques jours plus tard, sous la pression de la communauté internationale. Cette offensive attire des sanctions internationales, notamment contre le Rwanda, accusé de soutenir cette rébellion. En novembre 2013, après avoir perdu le soutien de Kigali, l’armée congolaise inflige une défaite décisive au M23. Le groupe armé est démantelé, ses combattants désarmés, puis transférés dans des camps de réfugiés en Ouganda et au Rwanda.

Résurgence du M23 et création de l’AFC

En novembre 2021, après près de huit ans de silence, le Mouvement du 23 mars (M23) refait surface. Ce groupe rebelle, défait en 2013, reprend les armes et, en mars 2022, lance une offensive d’envergure dans la province du Nord-Kivu en passant par la frontière entre l’Ouganda et la cité de Bunagana. Face à lui, les FARDC, appuyées par des groupes armés locaux réunis sous la bannière des Wazalendo, l’armée burundaise et, plus tard, les forces sud-africaines, tentent de contenir sa progression.

Le 15 décembre 2023, un tournant politique majeur vient compliquer davantage la situation. Corneille Nangaa, ancien président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), annonce à Nairobi la création de l’Alliance Fleuve Congo (AFC), un mouvement qui s’allie officiellement au M23 le 22 février 2024.

Avec le soutien massif de l’armée rwandaise, le M23-AFC enchaîne les victoires, s’emparant progressivement de plusieurs territoires stratégiques du Nord-Kivu. Un accord de cessez-le-feu est négocié le 30 juillet 2024 dans le cadre du processus de Luanda. Mais décembre marque la reprise des affrontements, conséquence directe de l’annulation du sommet de Luanda en raison de profondes divergences entre Kinshasa et Kigali.

Les combats s’intensifient. En quelques semaines, le M23-AFC s’empare de nouveaux territoires. L’offensive rebelle atteint un point critique dans la nuit du 27 au 28 janvier 2025 avec la chute de Goma, chef-lieu du Nord-Kivu. Un événement qui survient quatre jours seulement après l’assassinat du gouverneur militaire de la province, le général Peter Cirimwami, abattu par un sniper du M23-AFC.

Le conflit dépasse rapidement les frontières de la RDC. Dans une escalade sans précédent, les FARDC et leurs alliés wazalendos mènent, le 27 janvier, une incursion dans la ville rwandaise de Gisenyi, entraînant des pertes humaines de part et d’autre de la frontière et exacerbant les tensions.

La prise de Goma par les rebelles du M23-AFC et les forces rwandaises provoque une catastrophe humanitaire. Des milliers de civils fuient la ville, plongeant la région dans une profonde crise.

Face à la gravité de la situation, la communauté internationale réagit. L’Union africaine appelle à « la stricte observation du cessez-le-feu convenu entre les parties ». L’Union européenne somme le M23-AFC de « cesser son avancée » et exige un retrait immédiat des forces rwandaises. De son côté, le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, lance un avertissement sans précédent, exhortant Kigali à « cesser tout soutien au M23-AFC et à retirer ses troupes du territoire congolais ».

La situation demeure explosive. Entre crises humanitaires, tensions diplomatiques et impuissance des médiations internationales, l’Est de la RDC continue d’être le théâtre d’une guerre qui redessine, jour après jour, l’avenir politique et sécuritaire de la région.

Manifestations à travers le pays : une explosion de colère populaire

La chute de Goma aux mains du M23-AFC a déclenché une vague de manifestations à travers plusieurs provinces de la RDC. À Kinshasa, la colère populaire a explosé le mardi 28 janvier 2025, lorsque des milliers de Congolais sont descendus dans la rue pour exprimer leur indignation face à l’avancée des rebelles et à l’implication du Rwanda.

Les tensions ont rapidement escaladé, transformant ces manifestations en émeutes violentes. Plusieurs ambassades étrangères, notamment celles du Rwanda, de la France, de l’Ouganda, de la Belgique et des États-Unis, ont été prises pour cible par des manifestants les accusant de complicité avec le M23-AFC. Des scènes de pillage et de destruction ont éclaté, plongeant la capitale dans un climat de chaos et de tension extrême. De nombreuses routes ont été bloquées, paralysant la circulation. Des écoles et commerces ont fermé leurs portes, tandis que les services publics fonctionnaient au ralenti.

Face à cette situation explosive, les autorités congolaises ont rapidement déployé les forces de sécurité pour disperser les manifestants. Gaz lacrymogènes et usage de la force ont été mobilisés pour tenter de restaurer l’ordre. Les appels au calme et au dialogue se multiplient, mais la frustration de la population congolaise, exacerbée par des années de conflits et d’ingérences extérieures, semble loin de s’apaiser.

Ressources naturelles : le nerf des conflits en RDC

Le sous-sol de la RDC figure parmi les plus riches au monde, une abondance qui attise depuis des décennies les convoitises. Depuis la croisade de l’AFDL, le Rwanda et l’Ouganda ont découvert les opportunités offertes par cette manne. Depuis lors, Kigali et Kampala sont régulièrement accusés d’orchestrer le pillage des ressources de l’Est congolais par l’intermédiaire de groupes armés.

Dans les provinces du Kivu, trois minerais dominent cette économie frauduleuse et militarisée : le coltan, la cassitérite (minerai d’oxyde d’étain) et l’or. Malgré cette richesse, les retombées économiques bénéficient peu à la population congolaise, qui reste en proie à une pauvreté endémique. Plus de 70 % des Congolais vivent aujourd’hui avec moins de deux dollars par jour, tandis que le Rwanda prospère en exportant des minerais issus des conflits en RDC.

Cette exploitation illicite alimente un cycle perpétuel de violence, exacerbé par les intérêts de multinationales avides de minerais stratégiques. La richesse de la RDC est ainsi devenue le moteur des guerres récurrentes, piégeant la population dans une insécurité et une misère sans fin. Tant que ces ressources continueront d’alimenter les circuits parallèles et les ingérences étrangères, la stabilisation de l’Est congolais restera un défi majeur.

Rôle de la MONUSCO : une mission sous pression

Présente en RDC depuis 1999, l’ex-Mission des Nations a été rebaptisée MONUSCO en juillet 2010. Malgré son statut de l’une des plus robustes missions de l’ONU, avec près de 21 000 hommes, elle n’a pas réussi à ramener la paix dans le pays. Son mandat initial visait principalement à protéger les populations civiles. Toutefois, en 2012, le Conseil de sécurité de l’ONU a autorisé une mission offensive en créant une Brigade d’intervention rapide (FIB), composée de Casques bleus sud-africains, malawites et tanzaniens. Cette force a joué un rôle déterminant dans la défaite du M23 en 2013 aux côtés de l’armée congolaise.

Aujourd’hui, alors que le gouvernement congolais envisageait le départ de la MONUSCO, la recrudescence des violences du M23-AFC remet en question cette décision. La mission est toujours autorisée à employer tous les moyens nécessaires pour protéger les civils, le personnel humanitaire et les défenseurs des droits de l’homme menacés par les violences. Son rôle est également de soutenir les efforts du gouvernement pour stabiliser et pacifier le pays.

Position des puissances occidentales : entre indifférence et complicité

Malgré des décennies de conflits en RDC, les grandes puissances comme l’Union européenne, les États-Unis, la Chine et la Grande-Bretagne n’ont pas mis en place de solutions durables. Au contraire, de nombreuses voix accusent ces pays de soutenir indirectement le Rwanda, qui profite du pillage des ressources congolaises pour alimenter ses exportations. Le géant américain Apple a d’ailleurs été poursuivi en justice par le gouvernement congolais pour l’achat de minerais issus des conflits via Kigali.

La Chine, partenaire économique majeur de la RDC, préfère quant à elle garder une position neutre. Lors de la session publique d’urgence demandée par la RDC au Conseil de sécurité des Nations unies le 26 janvier 2025, la Chine s’est abstenue de prendre position, appelant simplement à la désescalade et à la reprise des négociations. Une attitude qui traduit la difficulté pour la RDC d’obtenir un soutien international face aux ingérences étrangères qui nourrissent les conflits sur son territoire.

Pistes de solutions : vers une sortie de crise durable ?

Face aux enjeux stratégiques de chaque acteur impliqué, il serait illusoire de croire que des sanctions internationales suffiraient à dissuader Paul Kagame de soutenir le M23-AFC. L’histoire récente a montré que les condamnations diplomatiques ont rarement eu un impact décisif sur les dynamiques des conflits en RDC.

Pour mettre un terme à ce cycle de violences, le gouvernement congolais doit poursuivre ses efforts de renforcement des capacités militaires tout en ouvrant un dialogue interne autour des revendications politiques de certains dissidents. L’instabilité de la région ne pourra être endiguée sans une armée aguerrie et une politique de défense proactive, capable de répondre efficacement aux agressions extérieures.

Dans les relations internationales, les décisions ne sont pas dictées par la gravité des crimes commis, mais par le poids géopolitique de ceux qui les perpètrent ou les subissent. C’est pourquoi la RDC doit impérativement nouer des alliances stratégiques avec des puissances influentes, capables de faire contrepoids aux appuis extérieurs du M23-AFC. Le développement de liens diplomatiques solides et d’une armée professionnelle et modernisée représente la meilleure voie pour sortir de ce bourbier qui étouffe le pays depuis trois décennies.

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