Candidat malheureux à la présidentielle de 2018, Noël Tshiani est devenu une véritable « star » politique grâce à son projet de loi dit de « père et de mère », lequel, comme de la blague, avance inéluctablement vers son adoption à l’Assemblée nationale. Petit à petit, le doute sur son rejet se dissipe. Quoi qu’on qualifie sa loi de raciste, Noël Tshiani Muadiamvita, n’entend pas s’arrêter là. « Nous voulons verrouiller environ 250 postes que nous considérons comme relevant de la souveraineté de notre pays », déclare-t-il, précisant que parmi ces postes figurent ceux de Premier ministre, de président du Sénat, de président de l’Assemblée nationale, de Président de la République.
Jamais une loi n’a autant divisé les Congolais…
Nombreux sont ceux qui indexent cette loi qui veut que l’accès au poste de président de la République en RDC soit exclusivement réservé aux Congolais nés de père et de mère congolais, déposée à l’Assemblée nationale depuis le 8 juillet 2021. Des ONG nationales et internationales, les confessions religieuses et les organisations de la société civile la rejettent catégoriquement, estimant qu’il s’agit d’une loi dangereuse qui ne promeut pas la cohésion nationale, qui divise au contraire les Congolais en renforçant la méfiance entre eux. Des experts de la société civile opposés à celle-ci se sont adressés à Christophe Mboso. Des ambassadeurs aussi s’y sont mêlés pour dénoncer.
Une délégation de diplomates a rencontré le président de la chambre basse du Parlement, à ce sujet. « Nous lui avons exprimé notre inquiétude sur la réinscription à l’ordre du jour de cette proposition de loi discriminatoire et le risque qu’elle fasse déraper les prochaines élections et entraine pour le pays un risque de guerre civile. Cela rappelle le poison de l’ivoirité il y a quelques années en Côte d’Ivoire », a déclaré sous anonymat un diplomate.
Le Cardinal archevêque métropolitain de Kinshasa Fridolin Ambongo est aussi vent debout contre ce projet de loi. Il s’y était farouchement opposé dans son message aux fidèles catholiques de Kinshasa à l’occasion de la fête de Pâques. « En ce moment singulier de l’histoire de notre pays, nous avons un besoin urgent des gestes et des lois qui nous rapprochent, plus que des actes et des dispositions qui nous dressent les uns contre les autres », a-t-il déclaré. Pour lui, la loi sur la congolité divise plus qu’elle n’unit.
Ce que pense le gouvernement Réagissant pour donner la position du gouvernement par rapport à la loi Tshiani, en réplique à la déclaration de Christian Mwando Nsimba, qui a dit qu’en cas de vote de la Loi Tshiani au Parlement le Katanga va se détacher du pays, le porte-parole du gouvernement a demandé à ses compatriotes de se regarder dans les yeux et de savoir ce qu’ils veulent. « Le gouvernement n’est pas porteur de cette loi », a-t-il dit, avant de préciser qu’il s’agit de l’initiative d’un individu. « Comment voulez-vous que le gouvernement s’exprime sur un sujet qui montre que la RDC est dans un processus de maturation.
Au moment venu le gouvernement se prononcera », a-t-il indiqué. Pour le gouvernement, cette proposition sur la « Congolité » n’est pas sa stratégie. « Ici ce n’est pas une stratégie du gouvernement, pour dire qu’on va adopter cette loi », a expliqué Patrick Muyaya, ajoutant : « L’agenda de l’Assemblée nationale est particulièrement chargé. Et si on ne l’alignait pas, d’ici la fin de la session, que diriez-vous ? », questionne-t-il. Point n’est besoin d’attendre une autre réaction du Président Félix-Antoine Tshisekedi sur ce sujet.
Dans l’interview qu’il avait accordée à Marius Muhunga, sur la Voix de l’Amérique, Fatshi avait indiqué qu’il ne pouvait se permettre de condamner l’initiative de Tshiani dans un pays qui se veut démocratique. « Tshiani est un Congolais jusqu’à preuve du contraire, c’est un Congolais qui a le droit de penser ce qui est bon pour son pays selon lui, c’est son droit, on ne peut pas ici faire le procès de Tshiani parce que nous sommes en démocratie où tout le monde a le droit de s’exprimer », avait-il dit.
Congolais de père et de mère synonyme d’aimer le Congo ?
Le président Tshisekedi estime qu’être Congolais de père et de mère ne veut pas dire aimer la RDC. « Est-ce que le fait d’être né congolais de père et de mère est un critère suffisant pour servir son pays, ses compatriotes de manière loyale, fidèle et cela de manière convenable ? Je ne crois pas. Parce que même l’histoire la plus récente de notre pays nous démontre qu’il y a eu des Congolais de père et de mère qui ont participé à la ruine de ce pays, donc ce n’est pas un critère, ceux qui pensent que c’est un critère c’est à eux d’argumenter », s’interroge le Président Tshisekedi.
Ce n’est peut-être pas le moment Certains analystes pensent que voter une telle loi, au moment où le pays est agressé, pourrait avoir des conséquences fâcheuses. Pour eux, ce serait comme amener de l’eau au moulin de l’ennemi.
Le gouvernement congolais et l’Agence française de développement (AFD) ont signé, le 27 novembre 2024, une convention de financement concernant un appui budgétaire et un protocole d’accord pour l’initiative intégrée des villes secondaires. Le second accord concerne la ville de Boma, qui sera la ville pilote dans le cadre du projet « Ville durable CCD 1159 ». Entre la RDC et la France, la coopération pèse désormais plus de 500 millions de dollars pour la période 2022-2025.
Avec ses 103 millions d’habitants, la République démocratique du Congo est le deuxième plus grand pays d’Afrique, après l’Algérie. Cet État-continent fait encore face à plusieurs défis de développement, y compris celui de l’aménagement de son territoire et de l’urbanisme. De ce fait, dans la palette d’outils déployés par le groupe AFD en RDC, figure ce projet de « ville durable ». L’expérience commencera par la province du Kongo Central, dans la ville de Boma.
Ce projet, jugé « ambitieux » par le ministère de l’Aménagement du territoire, vise à transformer l’environnement urbain et à promouvoir un développement inclusif et durable. Certaines étapes ont déjà été franchies dans ce projet, notamment la collecte des données, la consultation des parties prenantes, la production du rapport diagnostic et l’identification des composantes essentielles. « Ces travaux ont permis de sélectionner et de prioriser les projets en étroite collaboration avec les acteurs locaux, tout en évaluant leur faisabilité », a expliqué ce ministère dirigé par Guy Loando.
En dehors du protocole d’accord signé avec le gouvernement congolais pour le volet urbain, l’AFD s’est engagée dans plusieurs secteurs en RDC. Les deux nouveaux accords de financement signés visent, d’une part, à appuyer les réformes économiques et, d’autre part, au développement urbain durable de la ville de Boma. « Ces deux accords font partie des engagements pris entre la France et la RDC pour développer leur coopération bilatérale, qui représente aujourd’hui un volume de ressources atteignant 550 millions d’euros », a déclaré le directeur exécutif de l’AFD, Philippe Orliange, en marge de la signature, le 27 novembre, de ces accords. Pour lui, ce partenariat entre la France et la RDC est l’un des plus dynamiques de la région et « probablement aussi sur l’ensemble du continent ».
Faire face aux défis de développement
La RDC fait face à de grands défis économiques et sociaux, parfois insolubles, depuis plusieurs années. Pour favoriser l’amélioration des conditions de vie de la population, l’AFD renforce l’accès aux services essentiels. C’est le cas du renforcement du système de santé, afin de permettre aux populations vivant dans les zones rurales ou dans d’autres milieux reculés d’accéder à des soins de santé de qualité et d’éviter des épidémies. Cet aspect de la coopération est inscrit en priorité dans une feuille de route signée en 2019 entre la RDC et la France. Cette coopération a donné lieu à 11 projets pour un total de 80 millions d’euros d’engagements.
Dans le domaine de l’urbanisation des villes durables, une attention particulière est accordée à la ville de Kinshasa, mais également à des villes secondaires afin de déconcentrer la capitale. Kinshasa est devenue une mégapole de plus de 15 millions d’habitants. Les infrastructures routières ainsi que d’autres services publics ne suivent pas ce rythme. Cela a conduit à une situation où la ville est suffoquée par des embouteillages, des inondations en cas de la moindre pluie, ainsi que par d’énormes défis de salubrité.
Moins de 24 heures après la sortie médiatique du leader du Mouvement de libération du Congo (MLC), son parti a réajusté sa position au sujet du débat autour de la révision ou du changement de la Constitution. Alors que Jean-Pierre Bemba n’a évoqué que la possibilité d’une révision constitutionnelle, sa formation politique, dans un communiqué publié le 5 décembre 2024, précise qu’elle soutient aussi l’idée du changement de la loi fondamentale. Y a-t-il eu un coup de pression de la part de son allié, l’UDPS, le parti au pouvoir ?
Dans son intervention du 4 décembre sur les ondes de la radio Top Congo, Jean-Pierre Bemba, membre du présidium de l’Union sacrée, avait rejeté les craintes d’un changement de la Constitution, ne privilégiant qu’une révision prévue par la Constitution elle-même. « Pour l’instant, on parle de révision. Qui a parlé de changement ? », a-t-il déclaré, faisant mine d’ignorer le débat en cours sur l’opportunité d’un changement de la loi fondamentale alimenté par le parti au pouvoir. Il a ensuite précisé que les discussions actuelles portaient sur la révision constitutionnelle et non sur un changement de cette loi. Interrogé sur la campagne menée par le secrétaire général de l’UDPS, Augustin Kabuya, concernant un changement de la Constitution, Jean-Pierre Bemba a répondu : « Vous lui poserez la question là-dessus. »
Mais moins de 24 heures après cette position, son parti a rétropédalé. Dans un communiqué signé par Fidèle Babala, le MLC réitère son « soutien total » à l’initiative du président Félix Tshisekedi concernant la révision ou le changement de la Constitution. « Cette initiative, porteuse d’une transformation institutionnelle profonde, s’inscrit dans la volonté de construire un État de droit fort et capable de répondre aux aspirations légitimes de la population congolaise », écrit le parti de Bemba. Le MLC, dans son communiqué, insiste aussi sur son attachement aux valeurs de justice, de développement et de souveraineté nationale.
Bemba a-t-il été victime de pressions ?
Certains observateurs se posent des questions sur la rapidité avec laquelle le MLC a publié son communiqué au sujet de sa position sur ce débat. Jean-Pierre Bemba a-t-il subi une pression politique pour ce revirement ? L’UDPS, le parti présidentiel, qui prône uniquement le changement de la Constitution, a-t-elle influencé l’attitude du MLC sur ce sujet ? Visiblement, la prise de position de Bemba sur la révision et non sur le changement de la Constitution a dérangé en haut lieu. Avant la sortie médiatique de Bemba, Augustin Kabuya, Jean-Michel Sama Lukonde et Christophe Mboso avaient déjà adhéré totalement à l’idée de la révision ou du changement de la Constitution. Voir Jean-Pierre Bemba ne soutenir qu’une révision ciblée des articles 10, 13, 51 et 198 de la loi fondamentale ne semble pas bien passer au sein de la coalition au pouvoir.
Quid de la position de Vital Kamerhe ?
Dans l’Union sacrée, deux leaders n’ont pas encore donné leur position par rapport à ce débat. Il s’agit de Vital Kamerhe et de Modeste Bahati. Dans les couloirs de l’Union pour la Nation Congolaise (UNC), parti de Vital Kamerhe, certains membres de cette formation politique évoquent une possibilité pour leur leader d’adhérer au projet de changement de la Constitution. « Pour l’instant, l’UNC n’a pas l’intention de retourner à l’opposition », a résumé un membre de ce parti, sous couvert d’anonymat. Comme pour insinuer qu’un désaccord entre le président de l’Assemblée nationale, Vital Kamerhe, et le président de la République, Félix Tshisekedi, n’est pas à l’ordre du jour par rapport à ce sujet. Sauf si l’UDPS tente de pousser ce speaker de la chambre basse du Parlement vers la porte de sortie.
Du côté de Modeste Bahati, il n’y a plus grand-chose à craindre. Une opposition collective au changement de la Constitution entre Bemba, Kamerhe et Bahati aurait pu donner du poids à l’action. Modeste Bahati ne saurait le faire seul. De ce fait, l’homme pourrait ainsi s’aligner sur le projet de changement de Constitution, comme ses pairs du présidium de l’Union sacrée.
L’une des voix les plus attendues sur le débat concernant la révision ou le changement de la Constitution s’est enfin exprimée. Jean-Pierre Bemba, leader du Mouvement de libération du Congo (MLC) et membre du présidium de l’Union sacrée de la Nation, estime que la loi fondamentale n’a pas prévu de mécanisme pour son changement. Il souhaite, en revanche, une révision ciblée.
Jean-Pierre Bemba, tout comme Vital Kamerhe et Modeste Bahati, faisait partie des membres du présidium de la plateforme au pouvoir qui n’avaient pas encore donné leur avis sur l’épineux débat concernant la révision constitutionnelle. L’un d’entre eux s’est finalement prononcé sur les ondes de la radio Top Congo. Jean-Pierre Bemba a rejeté les craintes d’un changement de la Constitution. « Je ne comprends pas pourquoi les gens ont peur de la révision de la Constitution », a-t-il indiqué. Il a fait remarquer que les discussions actuelles portent uniquement sur une révision de la loi fondamentale, telle que prévue dans le cadre constitutionnel. Si, au sein de l’UDPS, on ne parle désormais que du changement de la Constitution, Bemba laisse la responsabilité au secrétaire général de ce parti, Augustin Kabuya, de s’expliquer à ce sujet.
Pour lui, certains articles de la Constitution devraient être modifiés, notamment l’article 10, qui touche à la question de l’exclusivité de la nationalité congolaise, rejetant la double nationalité. Jean-Pierre Bemba considère cet article comme « trop exclusif ». Il plaide ainsi en faveur des Congolais ayant acquis une autre nationalité en raison de conflits ou de contraintes politiques. Un autre article qui pose problème, selon lui, est l’article 198 de la Constitution, qui concerne le mode de scrutin pour élire les gouverneurs de provinces. « Est-ce qu’on ne peut pas se mettre d’accord pour dire que les gouverneurs soient également élus au suffrage direct ? », s’est-il demandé. Bemba pointe du doigt le rôle des députés provinciaux dans l’élection des gouverneurs. Il qualifie de peu transparents ces processus menant à l’élection des gouverneurs. Concrètement, il cible pour sa part les articles 10, 13, 51 et 198. Par ailleurs, Jean-Pierre Bemba a balayé d’un revers de la main l’argument selon lequel l’actuelle Constitution serait le fruit d’un dictat des belligérants.
Pas de minorité ethnique, selon Bemba
Une autre question qui s’est invitée dans le débat constitutionnel est l’interprétation variée de l’article 51, qui parle de la protection des minorités ethniques. Pour Jean-Pierre Bemba, cette notion est mal définie et pourrait être sujette à des interprétations problématiques. « Pour moi, il n’y a pas de minorité ethnique. Nous avons plus de 450 ethnies dans ce pays », a-t-il soutenu. L’actuel vice-Premier ministre des Transports et Voies de communication pense que ces débats doivent être menés sereinement dans le cadre d’une commission que le président de la République pourrait mettre en place l’an prochain. « Laissons cette commission être mise en place, mais je pense qu’il y a des articles sur lesquels on doit pouvoir discuter », a-t-il confié.
Les hommes en soutane et la haine de Tshisekedi
Dans son intervention, Jean-Pierre Bemba n’a pas épargné les opposants et les hommes en soutane. Il considère que le discours tenu par des « politiciens en robe » comporte une « haine viscérale » contre le chef de l’État, Félix Tshisekedi. « Les politiciens en costume et les politiciens en robe, lorsque j’entends, je veux dire, les discours, ce sont des discours, pour moi, incendiaires et simplement haineux, même si on déteste le président », explique-t-il. Sans citer nommément le cardinal Fridolin Ambongo, Bemba s’en prend à cet archevêque métropolitain pour ses positions radicales contre Félix Tshisekedi. « Généralement, on ne parle pas de la guerre, on ne parle pas des déplacés, mais on attaque systématiquement avec une haine viscérale le chef de l’État », a-t-il dénoncé, faisant allusion à « certains chefs politiques » de certaines confessions religieuses.
Cette position de Jean-Pierre Bemba lève l’équivoque sur une possibilité de voir ce leader se désolidariser de ce projet porté par Félix Tshisekedi. Après la réaction de Bemba, la pression reste maintenue sur Vital Kamerhe et Modeste Bahati, deux autres leaders de l’Union sacrée qui ne se sont pas encore clairement prononcés.