CAMPAGNE ÉLECTORALE EN RDC, Saura-t-on un jour le budget que dépense un candidat ?
Hier nébuleux, le financement des campagnes électorales en République démocratique du Congo demeure toujours énigmatique car personne, parmi les challengers aux différents scrutins, n’est disposé à donner le chiffre de ce qu’il dépense pour convaincre les électeurs afin qu’ils lui accordent leurs voix. Nombreux recourent aux financements occultes.
Un observateur a déclaré au sujet de Jean-Pierre Bemba, « qu’une campagne électorale coûte cher et l’ancien chef de guerre doit se reconstituer un trésor ». En effet, mobiliser des ressources financières est l’une des préoccupations de tout opérateur qui attend se faire élire lors des élections du 20 décembre 2023. Seulement, on ne saura jamais combien un parti politique ou un candidat dépense lors de la campagne électorale, et cela ne date pas d’aujourd’hui. En 2011, Radio Okapi avait publié un article avec comme titre : « Elections : les budgets de campagne, un sujet presque tabou ».
Dans une enquête effectuée à l’approche de la campagne électorale en 2011, qu’elle avait publiée pour savoir les budgets que les partis qui avaient aligné des candidats à la présidentielle et aux législatives avaient débloqué pour la campagne électorale, rares avaient été ceux qui avaient donné des chiffres.
Francis Kalombo, alors cadre du Parti du peuple pour la reconstruction et le développement (PPRD), formation politique chère à Joseph Kabila, avait affirmé que la population allait financer la campagne électorale de Joseph Kabila, mais sans avancer des chiffres. « La campagne commence et Joseph Kabila n’a déboursé aucun rond. Tout est venu de la population, les gens lui ont donné tout ce dont il avait besoin. Et nous allons dans cette campagne sans aucun chiffre parce que Joseph Kabila est pris en charge par la population », avait-il indiqué. L’Union pour la nation congolaise (UNC) de Vital Kamerhe avait aussi gardé secret son budget de campagne et l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) avait estimé que c’était un secret du parti.
Si le candidat Andeka Djamba avait pour sa part avancé un budget de 30000 dollars, le candidat Kakesa Malela avait affirmé que son budget de campagne s’élevait à 5 millions de dollars. Les élections présidentielles et législatives avaient été organisées le 28 novembre 2011.
Echange d’une voix contre un bien
L’auteur d’une étude réalisé en juin 2022 grâce à l’appui de Konrad Adenauer Stiftung, rappelle que le succès d’un regroupement politique ou d’un candidat dépend de plusieurs facteurs comme le vote socio-ethnique, la réalisation d’ouvrages dans la circonscription, l’encrage local, les promesses d’emplois ou encore le positionnement par rapport au clivage opposition-pouvoir. Ainsi, battre campagne avant les joutes électorales n’est pas une sinécure, surtout dans le contexte de pauvreté qui est celui de la population congolaise. Ils ne sont pas nombreux, surtout en ce qui concerne les élections législatives, ceux qui votent sans au préalable avoir bénéficié de la largesse du candidat. Les candidats à la présidentielle recourent au même mécanisme, mais, en passant par des leaders d’opinion et les politiques qui leur sont proches, lesquels se chargent de soudoyer les électeurs.
Les mécanismes d’autofinancement des partis politiques
Les partis politiques ayant pignon sur rue et dont les membres se trouvent bien positionnés dans les institutions étatiques arrivent à mobiliser des ressources pour la campagne. Ceux qui sont députés nationaux ou provinciaux, les ministres du gouvernement central tout comme les ministres provinciaux, les gouverneurs, voire les mandataires de l’Etat rétrocèdent généralement au parti un certain pourcentage de leurs traitements.
Les partis politiques ayant pignon sur rue et dont les membres se trouvent bien positionnés dans les institutions étatiques arrivent à mobiliser des ressources pour la campagne. Ceux qui sont députés nationaux ou provinciaux, les ministres du gouvernement central tout comme les ministres provinciaux, les gouverneurs, voire les mandataires de l’Etat rétrocèdent généralement au parti un certain pourcentage de leurs traitements.
Entre autres moyens qui procurent de l’argent aux partis politiques, il y a la vente des cartes. Dans certaines formations comme Ensemble pour la République, les cartes de soutien vont jusqu’à 1 000 dollars pour les membres d’honneur. Sinon, au sein des formations politique, les cotisations ne sont pas régulières compte tenu de la précarité de la vie sociale de la population. Etienne Tshisekedi de son vivant encourageait les militants de son parti politique de contribuer avec le minimum équivalent le prix d’une bouteille de Coca-Cola. Il arrive que certains cadres fassent des dons. A propos, Augustin Kabuya, Secrétaire Général de l’UDPS affirme avoir acheté de sa poche plusieurs parcelles pour les fédérations de l’intérieur du pays, lesquels font office de sièges de l’UDPS.
La loi sur le financement des partis politiques existe
Dans l’exposé des motifs de la Loi n°08/005 du 10 juin 2008 portant financement public des partis politiques, il est dit ce qui suit : « La présente Loi trouve son fondement juridique dans l’article 6 de la Constitution qui dispose, d’une part, que les partis politiques concourent à l’expression du suffrage, au renforcement de la conscience nationale et à l’éducation civique et, d’autre part, que les partis politiques peuvent recevoir de l’Etat des fonds publics destinés à financer leurs campagnes électorales ou leurs activités, dans les conditions définies par la Loi.
Le financement dont question n’est que subsidiaire, en ce sens qu’il ne vient qu’en appui aux ressources propres des partis politiques…». D’après le député national Jacques D’Joli, depuis sa promulgation en 2008, la loi sur le financement des partis politiques n’a jamais été mise en application à cause notamment de la ‘’contrainte politique’’. Elle ne l’est pas aussi, peut-être, parce qu’en RDC, le nombre de partis politiques dont certains qui n’ont que la mallette de leur président, pose aussi problème.
La loi sur les partis politiques et l’application de la loi portant financement public étaient débattues entre le National Democratic Institute (NDI) et des responsables de partis politiques en juin 2022. Lors de cette rencontre, le député national Jacques D’Joli avait déclaré : « Le financement facilite l’administration courante des partis politiques. Il vient en subvention aux moyens propres des partis. Il permet également la diffusion des programmes, la coordination des actions politiques, la préparation du processus électoral, l’éducation civique et politique des militants et cadres des partis politiques ».
Il avait affirmé que seuls les partis les plus représentatifs méritent le financement public. En France par exemple, si le financement des campagnes présidentielles est réglementé en ce que l’Etat participe au financement en remboursant une partie des sommes engagées par les candidats, ce n’est pas le cas en République démocratique du Congo.
Présidentielle 2023 : l’opposition va-t-elle tenir face au pouvoir ?
A près de 6 mois de la tenue des élections en République démocratique du Congo, l’opposition recherche encore ses marques. Après la coalition de quatre opposants pour mener des actions communes, la question majeure reste à savoir si elle peut faire le poids face au régime.
La République démocratique du Congo doit élire son président le 20 décembre 2023. L’actuel président Félix Tshisekedi est candidat à sa propre succession. Du côté de l’opposition, quatre candidats sont déclarés. Comment s’organise l’opposition en amont du scrutin ? Quatre opposants ont décidé, le 14 avril dernier, de s’unir « pour mener des actions communes en vue d’obtenir l’organisation dans les délais constitutionnels d’élections transparentes, impartiales, inclusives et apaisées. » Il s’agit de l’ex-candidat à la présidentielle de 2018 Martin Fayulu (EciDé, ou Engagement pour la citoyenneté et le développement), l’ex-gouverneur du Katanga Moïse Katumbi (Ensemble pour la République), l’ancien Premier ministre Augustin Matata (LGD, ou Leadership et gouvernance pour le développement) et le député national Delly Sesanga (Envol de la RDC).
Cette opposition a mobilisé la rue, le 20 mai, à Kinshasa, pour montrer qu’elle est aussi vigilante, qu’elle va aussi occuper le terrain dans cette période préélectorale. Les quatre leaders pensent qu’ils ne sont pas d’accord avec ce qui est en train de se passer. « Ils essayent de montrer qu’ils ne vont pas accepter n’importe quelle posture électorale », a récemment expliqué Bob Kabamba, professeur des Sciences politiques à l’Université de liège qui suit de près la politique dans les Grands lacs.
Mais ce quatuor de l’opposition risque d’avoir du plomb dans l’aile et ne pas tenir tête au régime comme souhaité. Les derniers événements sur l’arrestation du bras droit de Moïse Katumbi (Salomon Kalonda) laissent entrevoir un éventuel anéantissement de ce candidat président de la République.
Déjà après les perquisitions menées, jeudi 8 juin, par les renseignements militaires dans les résidences de Katumbi et Salomon Kalonda, son parti accuse Félix Tshisekedi « d’harcèlement politique » contre son président national, dans un communiqué le même jour. « Jusqu’au moment où nous faisons cette communication, personne n’a pu nous dire de quelle infraction Moïse Katumbi est présumé l’auteur », a déclaré Dieudonné Bolengetenge, secrétaire général du parti Ensemble pour la République.
Ce dossier d’atteinte à la sureté de l’Etat dont est accusé ce proche de Katumbi et par ricochet Moïse lui-même risque de fragiliser la coalition de circonstance formée par ces quatre leaders de l’opposition. Reste à savoir comment le reste des personnalités de l’opposition vont se comporter, notamment Joseph Kabila qui mène une opposition silencieuse à Félix Tshisekedi. L’ancien Raïs aurait, selon le média Africa Intelligence, critiqué la Commission électorale nationale indépendante (CENI) et la Cour constitutionnelle, incapables à ses yeux d’organiser un scrutin crédible au mois de décembre 2023. Lui qui considère Félix Tshisekedi comme un « dictateur à vaincre » aurait saisi quelques capitales africaines pour évoquer la situation en RD. Congo.
Une autre personnalité, un outsider qui peut bouger les lignes, c’est le prix Nobel de la paix, Denis Mukwege. Mais l’homme a pris un peu de recul vis-à-vis des politiques depuis sa déclaration commune faite avec Martin Fayulu et Augustin Matata Ponyo sur la mauvaise gouvernance du pays.
Du côté du régime par contre, Félix Tshisekedi, candidat déclaré à sa succession de longue date, envisage de briguer un deuxième mandat à la tête du pays. Le 29 avril, ses partisans se sont rassemblés au stade des Martyrs de Kinshasa pour la présentation de la coalition électorale du président sortant. Celle-ci, nommée « Union sacrée de la nation », rassemble la majorité mise en place par Tshisekedi en 2020, lorsqu’il a renversé la majorité constituée autour de son prédécesseur, Joseph Kabila, après deux ans de co-gestion du pouvoir par les deux hommes.
Dossier Salomon Kalonda : le spectre se rapproche de Katumbi
Le conseiller politique de Moise Katumbi a été arrêté par l’état-major des renseignements militaires, ex-DEMIAP, depuis le 30 mai 2023. L’homme est accusé, entre autre, d’atteinte à la sureté de l’Etat. Seulement, son dossier se rapproche un peu plus de son mentor.
Les maisons de Moise Katumbi à Kinshasa ainsi que de son conseiller politique, Salomon Idi Kalonda, à Lubumbashi, ont été perquisitionnées le jeudi 8 juin en l’absence de leurs propriétaires. Cette opération a été menée par des éléments de l’état-major des renseignements militaires. « Ils sont sortis les mains vides. Ils n’ont rien trouvé, ils ont fouillé de fond en comble… L’honnêteté nous pousse à dire qu’ils n’ont rien trouvé… », a déclaré à Top Congo FM l’un des communicateurs d’Ensemble pour la République, Francis Kalombo.
Pour la résidence de Moïse Katumbi située au quartier GB, à Kinshasa, les forces de l’ordre ont pris comme témoin une voisine de l’ancien gouverneur du Katanga afin de mener cette perquisition. Pour un activiste des droits de l’homme, cette opération est « amplement irrégulière » en l’absence du propriétaire du lieu ou de son mandataire spécial.
« Les perquisitions que les agents de renseignements militaires conduisent actuellement dans les résidences de Moise Katumbi (à Kinshasa) et Salomon Idi Kalonda (à Lubumbashi) en absence de ces derniers et leurs mandataires spéciaux, sont amplement irrégulières », estime Georges Kapiamba, président de l’Association congolaise pour l’accès à la justice (ACAJ).
Arrêté sur le tarmac de l’aéroport international de N’djili, le 30 mai à Kinshasa, Salomon KalondaDella est toujours détenu par les services de renseignements militaires. D’après le lieutenant-colonel Kangoli Ngoli Patrick, conseiller juridique de l’état-major des renseignements militaires, le conseiller politique de Moïse Katumbi était porteur d’une arme à feu lors d’une manifestation de l’opposition. Il est également accusé d’être en relation avec le M23 et le commandement militaire rwandais. Dans un message sur Twitter, le 7 juin, Augustin Matata Ponyo a revendiqué l’arme attribuée « faussement » à Salomon Kalonda. Pour cet ancien Premier ministre passé à l’opposition, le « pistolet Jéricho » appartient à son garde du corps qui l’a perdu lors du sit-in du 25 mai organisé par l’opposition sur le Boulevard du 30 juin.
Cette revendication n’a pas épargné le camp Katumbidont les résidences du leader et de son bras droit viennent d’être perquisitionnées. Les renseignements militaires visent-ils Moïse Katumbi dont Salomon Kalonda n’est qu’un homme à tout faire ? A l’approche des élections, plusieurs analyses se penchent vers l’hypothèse d’une arrestation « politique ». Car le spectre du dossier de Salomon Kalonda ne fait que monter vers son leader, Moïse Katumbi, candidat déclaré à la présidentielle du 20 décembre 2023.
Si pour ce processus électoral Moïse Katumbi a pu passer le cap de l’enrôlement, le chemin vers la présidentielle de décembre semble encore parsemer d’embuches.
Martin Fayulu, Delly Sesanga, Moïse Katumbi, Matata Ponyo, y compris Joseph Kabila n’accordent toujours pas de crédit au processus électoral en cours. Si la caravane électorale a suffisamment évolué avec la Commission électorale nationale indépendante (CENI), le péché originel reproché par l’opposition reste d’actualité. Selon Africa Intelligence, ces dernières semaines, Joseph Kabila a dépêché une poignée d’émissaires dans plusieurs présidences africaines pour évoquer l’élection de 2023. L’ex Raïs continue de pointer du doigt la CENI de même que la Cour constitutionnelle, incapables, selon lui, d’organiser le scrutin et de garantir un processus équitable.
Ce reproche d’ordre général, le reste de l’opposition le fait aussi. Mais au regard de l’évolution du processus électoral, Martin Fayulu et les autres opposants adaptent leurs revendications à l’avancée de ce processus électoral. En l’occurrence, la Loi sur la répartition des sièges votée par plus de trois cents députés ayant pris part à cette séance plénière du 5 juin. Bien avant ce vote, Fayulu avait prévenu les élus. L’ancien candidat à la présidentielle du 30 décembre 2018 a appelé l’Assemblée nationale à s’abstenir de voter ce projet de loi portant répartition des sièges par circonscription électorale pour les élections législatives et provinciales.
« J’exhorte l’Assemblée nationale de la RDC à s’abstenir de voter la loi sur la répartition des sièges, basée sur un fichier fabriqué par M. Kadima. Les élections doivent se faire sur base d’un fichier fiable. Il n’est jamais trop tard pour bien faire. Il ne faut pas jouer avec le feu », avait lancé Martin Fayulu. Ce dernier reproche à cette loi d’être bâtie sur un fichier électoral non fiable. Le président de l’ECiDé pense que ce fichier doit être revu et audité par une institution internationale réputée avant son adoption par les députés nationaux.
Il en est de même pour les autres leaders de l’opposition qui exigent des correctifs pour adapter le processus aux exigences constitutionnelles et légales de transparence, d’impartialité, de liberté et d’inclusivité. Ce projet de loi adopté est actuellement au Sénat pour seconde lecture. Dans le même temps, du côté de la CENI, les choses s’accélèrent. Cette institution d’appui à la démocratie a lancé la formation des agents pour être affectés aux bureaux de réception et de traitement des candidatures.