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État de la Nation : la révision constitutionnelle et la guerre parmi les sujets attendus dans le discours de Tshisekedi

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Ce mercredi 11 décembre 2024, le président de la République démocratique du Congo (RDC), Félix Tshisekedi, s’adresse aux députés et sénateurs réunis en congrès. Le chef de l’État va présenter l’état de la Nation dans son allocution. Des sujets brûlants de l’heure, tels que le projet de révision de la Constitution ou encore la guerre dans la partie Est du pays, figurent parmi les sujets très attendus par les Congolais.

Le président Félix Tshisekedi prononce son tout premier discours du genre depuis le début de son deuxième quinquennat. Cette allocution intervient dans un contexte complexe, marqué par des défis sécuritaires persistants dans l’Est du pays, une situation économique intenable pour plusieurs ménages et des attentes pressantes concernant la clarification de son projet de révision de la Constitution. Le chef de l’État pourra aussi faire un bilan de ses différents projets, notamment le Programme de développement local des 145 territoires (PDL-145 T), l’évolution de la gratuité de l’enseignement, la stabilité du cadre macro-économique et la couverture santé universelle.

Guerre dans l’Est du pays

Depuis 2021, l’est de la RDC, précisément le Nord-Kivu, est en proie à des conflits armés d’une intensité accrue. Les rebelles du M23, soutenus par le Rwanda, occupent aujourd’hui le double du territoire qu’ils avaient conquis en 2012. Depuis lors, les efforts de paix entrepris par le gouvernement congolais n’ont toujours pas abouti. C’est ainsi que l’allocution de Félix Tshisekedi est très attendue sur ce sujet. Les Congolais voudront également savoir ce que peut réserver la rencontre de Luanda, en Angola, entre le chef de l’État de la RDC et le président rwandais, Paul Kagame.

La cherté de la vie en RDC

Interpellé lors de plusieurs de ses meetings, y compris au Stade des Martyrs, au sujet de l’inflation de la monnaie face au dollar américain, Félix Tshisekedi devra donner des réponses concernant la cherté de la vie. Depuis août, le gouvernement tente de baisser les prix des produits de première nécessité sur les marchés. Le lundi 9 décembre, la Première ministre a rencontré les grands importateurs pour convenir d’une baisse des prix qui devrait être effective dès le 10 décembre. Cette mesure concerne neuf produits alimentaires prioritaires, à savoir le riz, le lait en poudre, le sucre, la farine de maïs, la viande, le poulet et le chinchard. Le ministre congolais de l’Économie nationale, Daniel Mukoko Samba, s’en est personnellement rendu compte, le 10 décembre, lors de la ronde qu’il a effectuée dans les grands dépôts d’importation de ces produits. D’autres aspects sociaux, comme l’emploi des jeunes, sont également attendus dans ce discours.

Révision constitutionnelle

En octobre, lors de son séjour à Kisangani, chef-lieu de la province de la Tshopo, le chef de l’État a ouvert un débat qui déchaîne les passions jusqu’à ce jour. Il s’agit de la révision ou du changement de la Constitution. Pour Félix Tshisekedi, la Constitution actuelle a été rédigée à l’étranger par des étrangers. Il faudrait aux Congolais une constitution adaptée à leurs réalités, avait-il déclaré. « Pour changer le nombre de mandats présidentiels, il faut que vous, le peuple, puissiez le décider ; ce n’est pas la tâche du président. L’actuelle Constitution n’est pas bonne, elle a été d’ailleurs rédigée dans un pays étranger », avait-il clamé devant une foule réunie à la place de la Poste, dans la ville boyomaise. Il avait également épinglé d’autres points, comme la lourdeur dans la mise en place des institutions ou l’élection des gouverneurs de province.

Mais sa ligne de défense d’un tel projet de révision ou de changement de la loi fondamentale n’est toujours pas claire. Quelles sont les dispositions qui poussent le chef de l’État à penser au changement de la loi plutôt qu’à sa révision ? Peut-être que des Congolais pourront trouver des arguments dans son allocution de ce mercredi. La tenue de ce congrès offre ainsi l’occasion au chef de l’État d’exposer clairement devant les élus du peuple et les sénateurs son projet de révision et/ou de changement de la Constitution.

Heshima

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Nation

Dialogue et réorganisation militaire : Tshisekedi tient deux fers au feu

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La grave crise sécuritaire qui sévit en République démocratique du Congo (RDC) pousse le chef de l’État, Félix Tshisekedi, à opérer de multiples changements, notamment sur le plan sécuritaire. Alors qu’un dialogue se profile à l’horizon avec les rebelles du Mouvement du 23 Mars (M23/AFC), Tshisekedi réorganise son appareil sécuritaire en nommant un nouveau conseiller spécial en matière de sécurité. À ce poste, le professeur Désiré Cashmir Eberande Kolongele succède à un autre universitaire, Jean-Louis Esambo.

Ancien directeur de cabinet intérimaire du chef de l’État et ex-ministre du Numérique, Désiré Cashmir Eberande occupera désormais le poste de conseiller spécial du président en matière de sécurité. L’ordonnance présidentielle le nommant a été lue mercredi 5 février 2025 à la télévision nationale (RTNC). Élu député national dans la circonscription de Bulungu, dans la province du Kwilu, il pilotera le puissant Conseil national de sécurité (CNS), une structure stratégique auparavant dirigée par l’ancien sécurocrate François Beya.

Depuis l’ère de Joseph Kabila, ce poste a vu défiler plusieurs personnalités, telles que Pierre Lumbi, Jean Mbuyu, François Beya, Jean-Louis Esambo, et désormais Désiré Cashmir Eberande. Ce dernier aura la lourde tâche de diriger le Conseil national de sécurité dans un contexte particulièrement critique. Le pays traverse l’une des crises les plus graves de son histoire. Après avoir pris Goma, capitale de la province du Nord-Kivu, le 27 janvier, les rebelles du M23, soutenus par les troupes rwandaises, ont lancé une nouvelle offensive dans l’Est du pays mercredi 5 février, reprenant leur progression vers Bukavu, chef-lieu du Sud-Kivu. La cité minière de Nyabibwe, située à environ 100 kilomètres de Bukavu, est déjà tombée aux mains des insurgés. Ces derniers visent désormais l’aéroport de Kavumu, avant de tenter d’atteindre Bukavu.

Tshisekedi tient deux fers au feu

Félix Tshisekedi poursuit la réorganisation de l’armée et des autres secteurs de la sécurité, malgré les revers militaires dans l’Est du pays. Parallèlement, le chef de l’État garde deux options ouvertes : l’option militaire et celle du dialogue. Si la première a montré ses limites pour l’instant, la seconde semble être la moins coûteuse en termes de pertes humaines et de préservation des maigres acquis engrangés jusqu’ici. Bien qu’il ait initialement refusé de dialoguer avec les rebelles du M23, soutenus par le Rwanda, Tshisekedi a finalement accepté les pourparlers proposés par la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO) et l’Église du Christ au Congo (ECC). Ces discussions, qui s’inscrivent dans le cadre d’un pacte social pour la paix, incluront Corneille Nangaa et d’autres représentants du M23.

Une donne vient compliquer l’équation, c’est que Corneille Nangaa est désormais sous mandat d’arrêt international lancé par la justice militaire.  Comment va-t-il apprécier cette situation ? Comment l’ECC et la CENCO vont-elles prendre langue avec un homme recherché ? C’est là où les romains s’empoigneèrent.

Sur le plan régional, Félix Tshisekedi et son homologue rwandais, Paul Kagame, sont attendus samedi 8 février à un sommet conjoint de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) et de la Communauté de l’Afrique de l’Est (CAE), prévu à Dar es Salam, en Tanzanie. Le président du Conseil européen, António Costa, a annoncé avoir eu des échanges avec les deux chefs d’État directement concernés par cette crise. « Il faut trouver une solution durable à long terme pour la stabilité de la région », a-t-il déclaré, exprimant son espoir de voir des « discussions constructives » s’engager à Dar es Salam.

De son côté, la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL) a salué la tenue de ce sommet conjoint SADC-CAE, prévu les 7 et 8 février. Cette organisation régionale qualifie ces assises d’« occasion cruciale » pour s’attaquer à la crise sécuritaire et humanitaire qui affecte des millions de civils dans la région des Grands Lacs.

Heshima

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Crise en RDC : Tshisekedi et Kagame attendus en Tanzanie, un cessez-le-feu observé ce mardi

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La présidence kényane a annoncé, le 3 janvier 2025, la présence du président congolais Félix Tshisekedi et de son homologue rwandais, Paul Kagame, au sommet extraordinaire « conjoint » de la Communauté des États de l’Afrique de l’Est (EAC) et de la Communauté de Développement de l’Afrique Australe (SADC), prévu le samedi 8 février à Dar es Salaam, en Tanzanie. Dans la foulée, les rebelles du M23 ont décrété un cessez-le-feu unilatéral, qu’ils justifient par des raisons humanitaires.

Les dirigeants des 16 pays membres de la SADC et des huit autres de l’EAC vont se rencontrer pour évoquer la crise sécuritaire majeure qui sévit en République Démocratique du Congo (RDC). Ces dirigeants cherchent à éviter un embrasement régional de cette situation sécuritaire déjà explosive. Le gouvernement rwandais a confirmé la participation de Paul Kagame à ce sommet conjoint, et Félix Tshisekedi pourrait également y prendre part.

Depuis la prise de Goma, le 28 janvier, et son lourd bilan humain lors des violents affrontements, le M23 et ses alliés rwandais ont également progressé vers le Sud-Kivu. Lors d’une conférence de presse du coordonnateur de l’AFC-M23, Corneille Nangaa, tenue jeudi dernier, ce chef rebelle a révélé son intention de « rester » à Goma mais aussi de « marcher » jusqu’à Kinshasa. Après des pressions internationales sur leur principal parrain, le Rwanda, l’AFC-M23 a changé de ton. Un cessez-le-feu unilatéral a été décrété, entrant en vigueur ce mardi 4 février 2025, dans l’est de la République Démocratique du Congo. Le mouvement a également nié son intention de prendre la ville de Bukavu et d’autres localités, alors que l’armée a perdu son commandant de la 12e brigade, Alexis Rugabisha, qui repoussaient justement l’armée rwandaise et le M23 dans leur progression sur le territoire de Kalehe, au Sud-Kivu.

La CENCO-ECC et son plan de sortie de crise

Le lundi 3 février, les délégations de l’Église catholique et de l’Église du Christ au Congo (ECC), conduites par le cardinal Fridolin Ambongo et le Révérend André-Gédéon Bokundoa, ont été reçues par le président de la République, à Kinshasa. Ces délégations ont présenté à Félix Tshisekedi le projet « Pacte social pour la paix et le bien-vivre ensemble en RDC et dans les Grands Lacs » afin de mobiliser la population en faveur de la paix. D’après Mgr Donatien Nshole, secrétaire général de la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO), leur démarche vise à renforcer la cohésion nationale dans le pays. « L’approche qui est la nôtre n’est pas de savoir qui est le démon et qui est l’ange. Mais de voir comment nous construirons sur la base de nos valeurs », a ajouté le pasteur Eric Nsenga de l’ECC.

Crise humanitaire et au moins 900 morts à Goma

La situation sécuritaire et humanitaire à Goma, dans l’est de la République Démocratique du Congo (RDC), est extrêmement préoccupante. Les affrontements qui ont eu lieu fin janvier entre les Forces armées de la République Démocratique du Congo (FARDC) et l’armée rwandaise, qui appuie les rebelles du M23, ont conduit à la prise de cette ville. Bien que le M23 ait annoncé un cessez-le-feu unilatéral pour des raisons humanitaires, il n’a pas l’intention de se retirer de la ville.

Les combats ont entraîné la mort d’au moins 900 personnes et blessé près de 3 000 autres depuis le 26 janvier 2025. Sur place, dans la ville, les hôpitaux sont débordés. Ces établissements hospitaliers manquent de fournitures médicales essentielles et peinent à fournir des soins adéquats aux victimes. « Les corps sont en décomposition dans les morgues à cause du manque d’électricité », annonce le porte-parole du gouvernement, Patrick Muyaya.

La population civile est confrontée à des conditions de vie extrêmement difficiles, avec des pénuries d’eau, d’électricité et de services de base. De plus, environ 4 000 détenus se sont évadés de prison, dont beaucoup sont responsables d’atrocités, exacerbant ainsi l’insécurité dans la ville. Les déplacements massifs de populations fuyant les violences ont conduit à une crise humanitaire majeure. Même à Nyiragongo, les camps des déplacés de Kanyaruchinya sont complètement vides suite à l’occupation de Goma par les rebelles et l’armée rwandaise. Certains déplacés n’ont eu d’autre choix que de rentrer chez eux, faute de prise en charge par les humanitaires et le gouvernement après l’occupation rebelle.

La communauté internationale, y compris les Nations unies, appelle à une cessation immédiate des hostilités et à la reprise des négociations pour éviter une escalade du conflit qui pourrait entraîner des conséquences dévastatrices pour la population civile. L’Allemagne a suspendu les discussions prévues ce mois avec Kigali, qui devaient porter sur une nouvelle aide financière au Rwanda. Le Royaume-Uni, principal soutien du Rwanda, a appelé au retrait immédiat des forces rwandaises du sol congolais et à l’arrêt de tout soutien au groupe rebelle M23. « Le Royaume-Uni étudie activement les prochaines étapes, aux côtés de ses partenaires internationaux, y compris la possibilité de réexaminer l’ensemble de son soutien au Rwanda », rapporte en substance le communiqué du ministère britannique des Affaires étrangères, du Commonwealth et du Développement.

De son côté, le président sud-africain, Cyril Ramaphosa, a réitéré, le 3 février, son soutien « au peuple de la RDC », en réponse à des critiques dans le pays de Nelson Mandela concernant la participation de l’Afrique du Sud à la mission de la SADC, déployée depuis 2023 dans le Nord-Kivu où 14 soldats sud-africains ont été tués.

Heshima

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International

Conflits armés en RDC : retour sur un drame qui dure depuis 30 ans

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La ville de Goma, dans l’Est de la République démocratique du Congo (RDC), est quasiment tombée aux mains des rebelles du M23 soutenus par le Rwanda, le 28 janvier 2025. Un épisode du conflit qui en rappelle d’autres. Heshima Magazine revient sur les principales séquences, le rôle des acteurs ainsi que des pistes de solution à ces dissensions qui persistent depuis des décennies.

Comme en 2012, les rebelles du M23 se sont emparés de la ville de Goma, chef-lieu de la province du Nord-Kivu. Depuis près de 30 ans, ces conflits armés dans cette partie de la RDC ne s’arrêtent pas. Ils impliquent aussi bien des acteurs locaux, régionaux qu’internationaux.

Genèse du problème sécuritaire

L’origine des violences dans l’Est de la RDC remonte à 1992, lors de l’opération d’identification des nationaux menée par le régime de Mobutu. Cette initiative visait à établir une distinction entre les populations considérées comme autochtones et celles d’origine étrangère, notamment les hutus et les tutsis, ce qui a exacerbé des tensions ethniques et favorisé la formation des milices locales à revendications tribales.

Aggravation des conflits

Le 6 avril 1994, dans la soirée, l’avion transportant le président rwandais Juvénal Habyarimana, le président burundais Cyprien Ntaryamira, tous deux membres de l’ethnie hutu, ainsi que plusieurs hauts responsables des deux pays, est abattu en plein vol. L’appareil, qui venait de quitter la Tanzanie où ses occupants avaient participé à un sommet consacré aux crises politiques de leurs pays respectifs, était en phase d’atterrissage à l’aéroport de Kigali lorsque qu’un missile l’a frappé, provoquant sa destruction.

Cet événement tragique marque le début d’une catastrophe humaine de proportions inimaginables. À l’époque, le Rwanda traversait une crise politique aiguë, exacerbée par des tensions ethniques et des rivalités politiques. Le Front Patriotique Rwandais (FPR), un groupe rebelle composé des réfugiés tutsis rwandais exilés en Ouganda, cherchait à renverser le gouvernement hutu en place et à mettre fin à des années de persécution de la communauté tutsi. Les attaques du FPR, qui avaient commencé dans les années précédentes, avaient intensifié les tensions, et l’assassinat des deux présidents ne fera qu’envenimer la situation.

L’assassinat du président hutu Juvénal Habyarimana, perçu comme le protecteur des hutus, l’ethnie majoritaire du Rwanda, va provoquer un choc immense. Habyarimana incarnait un régime qui, bien qu’ayant été responsable de politiques discriminatoires contre les tutsis, était perçu par une partie de la population comme le garant de leur domination. Ce meurtre survient dans un contexte complexe, marqué par l’héritage de la colonisation belge, qui, en favorisant historiquement les tutsis au détriment des hutus, a exacerbé les tensions ethniques au Rwanda.

Son assassinat déclenche donc une spirale infernale de violence. Les extrémistes hutus, accusant la population tutsi d’être responsable de la mort de leur chef et de collaborer avec le FPR, lancent une vaste campagne de massacres. Des centaines de milliers de tutsis sont tués au cours du génocide de 1994, un crime d’une ampleur inimaginable qui bouleversera la région pour des décennies.

Après la victoire du FPR en 1994, un grand nombre de hutus, comprenant des militaires, des membres des milices Interahamwe, ainsi que de simples civils, fuient vers la République Démocratique du Congo (RDC), principalement dans les provinces du Nord et du Sud Kivu. Ce déplacement massif de populations entraîne la formation de camps de réfugiés et le regroupement d’éléments militaires hutus qui commencent à s’organiser.

De son côté, le nouveau gouvernement tutsi du Rwanda, soucieux de sa sécurité, accuse le régime de Mobutu, alors en place en RDC, de fermer les yeux sur l’organisation des ex-miliciens hutus réfugiés en RDC, et d’ignorer leur volonté de reprendre le pouvoir et de poursuivre le génocide. Cette situation alimentera des tensions croissantes entre les deux pays, dont les conséquences géopolitiques se feront ressentir pendant des années.

Intervention de l’AFDL

En 1996, à l’initiative du Rwanda et de l’Ouganda, l’Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération du Congo (AFDL) est créée, et placée sous la direction de Laurent-Désiré Kabila, un ancien maquisard lumumbiste et farouche opposant au régime du président congolais Mobutu. L’objectif de cette coalition, composée principalement des tutsis et soutenue par les forces rwandaises et ougandaises, est double : d’une part, neutraliser les militaires hutus et les milices Interahamwe réfugiés en RDC, accusés de représenter une menace pour la sécurité du Rwanda ; d’autre part, renverser le régime de Mobutu, jugé trop conciliant avec ces mêmes réfugiés et qualifié par les dirigeants rwandais de complice des génocidaires.

Les Forces armées rwandaises (FAR) et les milices Interahamwe, accompagnées de milliers de civils hutus rwandais réfugiés au Congo, seront traquées sans relâche tout au long de la progression de l’AFDL vers Kinshasa. Cependant, la nouvelle armée rwandaise qui soutient l’AFDL ne se contentera pas de s’attaquer aux seuls combattants hutus : elle commettra également des massacres de civils congolais et de hutus rwandais, parfois indistinctement, dans le cadre de cette « croisade». Cette violence aveugle suscitera des tensions au sein même de l’AFDL, certains acteurs congolais, comme Kisase Ngandu, désapprouvant cette répression. Ce dernier sera plus tard tué dans des circonstances restées floues et non élucidées.

Ces événements tragiques marqueront profondément les populations locales et contribueront à l’émergence d’un groupe armé hutu, les Forces Démocratiques de Libération du Rwanda (FDLR), qui se constituera comme une force opposée au régime du Rwanda dirigé par Kigali.

Rupture entre alliés

Après la prise de pouvoir de Laurent-Désiré Kabila en mai 1997, ce dernier cherche rapidement à se débarrasser de ses alliés rwandais et ougandais, qu’il accuse de se comporter en conquérants, pillant les ressources du pays. Considérant cette attitude comme une trahison, les armées rwandaise et ougandaise retournent leurs armes contre leur ancien partenaire.

Ce revirement déclenche un nouveau conflit majeur. En réponse, le Rwanda soutient la création du Rassemblement Congolais pour la Démocratie (RCD), qui prend rapidement le contrôle des provinces du Kivu, tandis que l’Ouganda soutient le Mouvement de Libération du Congo (MLC), qui s’implante dans la vaste région du Grand Équateur. Ces deux groupes rebelles cherchent à contester l’autorité de Kabila et à renverser son régime.

Le 16 janvier 2001, Laurent-Désiré Kabila est assassiné, et son fils, Joseph Kabila, lui succède à la tête du pays.

L’intervention de la communauté internationale, notamment à travers les négociations menées par l’Union Africaine, débouche en 2002 sur l’Accord de Sun City, un premier pas vers la paix. Cependant, malgré cet accord, les combats continuent, en particulier dans les deux Kivus, où l’instabilité persiste en raison de la présence de nombreux groupes armés non intégrés au processus de paix.

M23, un succédané du RCD et CNDP

Malgré la mort de Laurent-Désiré Kabila en 2001 et le dialogue inter-congolais initié à Sun City sous l’égide de Nelson Mandela, la RDC ne connaîtra pas une paix durable. Le Rwanda et l’Ouganda, bien qu’ayant initialement soutenu la transition, continuent d’intervenir en RDC. C’est ainsi qu’émerge un nouveau groupe armé d’obédience tutsi et proche du Rwanda : le Congrès national pour la défense du peuple (CNDP). Ce groupe est l’héritier direct du Rassemblement Congolais pour la Démocratie (RCD), qui, après avoir été mué en parti politique à la suite des accords de Sun City, perd son influence militaire mais voit naître de nouvelles factions.

Le CNDP, principalement actif dans les provinces du Nord et Sud-Kivu, déstabilise encore davantage la région entre 2006 et 2009. Bien que des accords de paix soient signés le 23 mars 2009 entre le CNDP et le gouvernement de Joseph Kabila, la situation reste fragile. Dès 2011-2012, des défections au sein de l’armée congolaise (FARDC), alimentées par l’intégration de rebelles du CNDP, conduisent à la formation du M23 (Mouvement du 23 mars). Ce groupe, principalement composé de tutsis, se considère comme le successeur du CNDP et réclame la pleine application des accords de paix signés le 23 mars 2009.

Le M23 parvient à prendre la ville stratégique de Goma le 20 novembre 2012, avant de se retirer quelques jours plus tard, sous la pression de la communauté internationale. Cette offensive attire des sanctions internationales, notamment contre le Rwanda, accusé de soutenir cette rébellion. En novembre 2013, après avoir perdu le soutien de Kigali, l’armée congolaise inflige une défaite décisive au M23. Le groupe armé est démantelé, ses combattants désarmés, puis transférés dans des camps de réfugiés en Ouganda et au Rwanda.

Résurgence du M23 et création de l’AFC

En novembre 2021, après près de huit ans de silence, le Mouvement du 23 mars (M23) refait surface. Ce groupe rebelle, défait en 2013, reprend les armes et, en mars 2022, lance une offensive d’envergure dans la province du Nord-Kivu en passant par la frontière entre l’Ouganda et la cité de Bunagana. Face à lui, les FARDC, appuyées par des groupes armés locaux réunis sous la bannière des Wazalendo, l’armée burundaise et, plus tard, les forces sud-africaines, tentent de contenir sa progression.

Le 15 décembre 2023, un tournant politique majeur vient compliquer davantage la situation. Corneille Nangaa, ancien président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), annonce à Nairobi la création de l’Alliance Fleuve Congo (AFC), un mouvement qui s’allie officiellement au M23 le 22 février 2024.

Avec le soutien massif de l’armée rwandaise, le M23-AFC enchaîne les victoires, s’emparant progressivement de plusieurs territoires stratégiques du Nord-Kivu. Un accord de cessez-le-feu est négocié le 30 juillet 2024 dans le cadre du processus de Luanda. Mais décembre marque la reprise des affrontements, conséquence directe de l’annulation du sommet de Luanda en raison de profondes divergences entre Kinshasa et Kigali.

Les combats s’intensifient. En quelques semaines, le M23-AFC s’empare de nouveaux territoires. L’offensive rebelle atteint un point critique dans la nuit du 27 au 28 janvier 2025 avec la chute de Goma, chef-lieu du Nord-Kivu. Un événement qui survient quatre jours seulement après l’assassinat du gouverneur militaire de la province, le général Peter Cirimwami, abattu par un sniper du M23-AFC.

Le conflit dépasse rapidement les frontières de la RDC. Dans une escalade sans précédent, les FARDC et leurs alliés wazalendos mènent, le 27 janvier, une incursion dans la ville rwandaise de Gisenyi, entraînant des pertes humaines de part et d’autre de la frontière et exacerbant les tensions.

La prise de Goma par les rebelles du M23-AFC et les forces rwandaises provoque une catastrophe humanitaire. Des milliers de civils fuient la ville, plongeant la région dans une profonde crise.

Face à la gravité de la situation, la communauté internationale réagit. L’Union africaine appelle à « la stricte observation du cessez-le-feu convenu entre les parties ». L’Union européenne somme le M23-AFC de « cesser son avancée » et exige un retrait immédiat des forces rwandaises. De son côté, le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, lance un avertissement sans précédent, exhortant Kigali à « cesser tout soutien au M23-AFC et à retirer ses troupes du territoire congolais ».

La situation demeure explosive. Entre crises humanitaires, tensions diplomatiques et impuissance des médiations internationales, l’Est de la RDC continue d’être le théâtre d’une guerre qui redessine, jour après jour, l’avenir politique et sécuritaire de la région.

Manifestations à travers le pays : une explosion de colère populaire

La chute de Goma aux mains du M23-AFC a déclenché une vague de manifestations à travers plusieurs provinces de la RDC. À Kinshasa, la colère populaire a explosé le mardi 28 janvier 2025, lorsque des milliers de Congolais sont descendus dans la rue pour exprimer leur indignation face à l’avancée des rebelles et à l’implication du Rwanda.

Les tensions ont rapidement escaladé, transformant ces manifestations en émeutes violentes. Plusieurs ambassades étrangères, notamment celles du Rwanda, de la France, de l’Ouganda, de la Belgique et des États-Unis, ont été prises pour cible par des manifestants les accusant de complicité avec le M23-AFC. Des scènes de pillage et de destruction ont éclaté, plongeant la capitale dans un climat de chaos et de tension extrême. De nombreuses routes ont été bloquées, paralysant la circulation. Des écoles et commerces ont fermé leurs portes, tandis que les services publics fonctionnaient au ralenti.

Face à cette situation explosive, les autorités congolaises ont rapidement déployé les forces de sécurité pour disperser les manifestants. Gaz lacrymogènes et usage de la force ont été mobilisés pour tenter de restaurer l’ordre. Les appels au calme et au dialogue se multiplient, mais la frustration de la population congolaise, exacerbée par des années de conflits et d’ingérences extérieures, semble loin de s’apaiser.

Ressources naturelles : le nerf des conflits en RDC

Le sous-sol de la RDC figure parmi les plus riches au monde, une abondance qui attise depuis des décennies les convoitises. Depuis la croisade de l’AFDL, le Rwanda et l’Ouganda ont découvert les opportunités offertes par cette manne. Depuis lors, Kigali et Kampala sont régulièrement accusés d’orchestrer le pillage des ressources de l’Est congolais par l’intermédiaire de groupes armés.

Dans les provinces du Kivu, trois minerais dominent cette économie frauduleuse et militarisée : le coltan, la cassitérite (minerai d’oxyde d’étain) et l’or. Malgré cette richesse, les retombées économiques bénéficient peu à la population congolaise, qui reste en proie à une pauvreté endémique. Plus de 70 % des Congolais vivent aujourd’hui avec moins de deux dollars par jour, tandis que le Rwanda prospère en exportant des minerais issus des conflits en RDC.

Cette exploitation illicite alimente un cycle perpétuel de violence, exacerbé par les intérêts de multinationales avides de minerais stratégiques. La richesse de la RDC est ainsi devenue le moteur des guerres récurrentes, piégeant la population dans une insécurité et une misère sans fin. Tant que ces ressources continueront d’alimenter les circuits parallèles et les ingérences étrangères, la stabilisation de l’Est congolais restera un défi majeur.

Rôle de la MONUSCO : une mission sous pression

Présente en RDC depuis 1999, l’ex-Mission des Nations a été rebaptisée MONUSCO en juillet 2010. Malgré son statut de l’une des plus robustes missions de l’ONU, avec près de 21 000 hommes, elle n’a pas réussi à ramener la paix dans le pays. Son mandat initial visait principalement à protéger les populations civiles. Toutefois, en 2012, le Conseil de sécurité de l’ONU a autorisé une mission offensive en créant une Brigade d’intervention rapide (FIB), composée de Casques bleus sud-africains, malawites et tanzaniens. Cette force a joué un rôle déterminant dans la défaite du M23 en 2013 aux côtés de l’armée congolaise.

Aujourd’hui, alors que le gouvernement congolais envisageait le départ de la MONUSCO, la recrudescence des violences du M23-AFC remet en question cette décision. La mission est toujours autorisée à employer tous les moyens nécessaires pour protéger les civils, le personnel humanitaire et les défenseurs des droits de l’homme menacés par les violences. Son rôle est également de soutenir les efforts du gouvernement pour stabiliser et pacifier le pays.

Position des puissances occidentales : entre indifférence et complicité

Malgré des décennies de conflits en RDC, les grandes puissances comme l’Union européenne, les États-Unis, la Chine et la Grande-Bretagne n’ont pas mis en place de solutions durables. Au contraire, de nombreuses voix accusent ces pays de soutenir indirectement le Rwanda, qui profite du pillage des ressources congolaises pour alimenter ses exportations. Le géant américain Apple a d’ailleurs été poursuivi en justice par le gouvernement congolais pour l’achat de minerais issus des conflits via Kigali.

La Chine, partenaire économique majeur de la RDC, préfère quant à elle garder une position neutre. Lors de la session publique d’urgence demandée par la RDC au Conseil de sécurité des Nations unies le 26 janvier 2025, la Chine s’est abstenue de prendre position, appelant simplement à la désescalade et à la reprise des négociations. Une attitude qui traduit la difficulté pour la RDC d’obtenir un soutien international face aux ingérences étrangères qui nourrissent les conflits sur son territoire.

Pistes de solutions : vers une sortie de crise durable ?

Face aux enjeux stratégiques de chaque acteur impliqué, il serait illusoire de croire que des sanctions internationales suffiraient à dissuader Paul Kagame de soutenir le M23-AFC. L’histoire récente a montré que les condamnations diplomatiques ont rarement eu un impact décisif sur les dynamiques des conflits en RDC.

Pour mettre un terme à ce cycle de violences, le gouvernement congolais doit poursuivre ses efforts de renforcement des capacités militaires tout en ouvrant un dialogue interne autour des revendications politiques de certains dissidents. L’instabilité de la région ne pourra être endiguée sans une armée aguerrie et une politique de défense proactive, capable de répondre efficacement aux agressions extérieures.

Dans les relations internationales, les décisions ne sont pas dictées par la gravité des crimes commis, mais par le poids géopolitique de ceux qui les perpètrent ou les subissent. C’est pourquoi la RDC doit impérativement nouer des alliances stratégiques avec des puissances influentes, capables de faire contrepoids aux appuis extérieurs du M23-AFC. Le développement de liens diplomatiques solides et d’une armée professionnelle et modernisée représente la meilleure voie pour sortir de ce bourbier qui étouffe le pays depuis trois décennies.

Heshima Magazine

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