Nation
RDC : Félix Tshisekedi, stratège ou instinctif ?
Published
2 semaines agoon
By
La redaction
Depuis son accession à la présidence de la République démocratique du Congo (RDC) en janvier 2019, Félix Tshisekedi gouverne dans un contexte d’une rare complexité, marqué par des conflits armés, des rivalités politiques internes, et des relations internationales tendues. Réélu en décembre 2023, son mandat soulève une question récurrente : Tshisekedi est-il un stratège méthodique, orchestrant ses décisions avec une vision à long terme, ou un leader instinctif, réagissant aux événements au fil des circonstances ? Ces actions relèvent-elles d’une stratégie bien pensée ou d’une adaptation spontanée ? En s’appuyant sur des faits, des analyses et des témoignages, Heshima Magazine dresse un portrait nuancé d’un président aux bonnes intentions mais confronté à des défis titanesques.
Une diplomatie audacieuse : le pari initial avec Kagame
Dès son arrivée au pouvoir, Félix Tshisekedi a surpris en tendant la main au président rwandais Paul Kagame, rompant avec l’approche distante de son prédécesseur, Joseph Kabila. Ce rapprochement, qualifié d’« inédit » par le site Africa Intelligence, s’est matérialisé par des gestes symboliques, comme l’invitation de Kagame aux obsèques d’Étienne Tshisekedi en 2019. Cette initiative semblait répondre à une logique stratégique : stabiliser la région des Grands Lacs, marquée par des tensions entre le Rwanda et l’Ouganda, tout en consolidant la position de la RDC dans les dynamiques régionales, selon le média The Africa Report.
Cependant, ce pari diplomatique s’est heurté à la résurgence du Mouvement du 23 mars (M23) en 2021, un groupe rebelle soutenu par Kigali. En 2025, les avancées fulgurantes du M23, notamment la prise des villes de Goma et Bukavu, ont exacerbé les tensions, Tshisekedi dénonçant publiquement l’implication rwandaise. Cette rupture suggère que Tshisekedi n’avait pas anticipé l’ampleur du conflit. Si le rapprochement initial était un calcul pour apaiser les relations et contrer l’influence ougandaise, la détérioration semble avoir poussé Tshisekedi à une posture plus instinctive, marquée par des discours fermes.
Au départ, cette ouverture diplomatique semblait pleine de promesses, mais la réalité sur le terrain a montré que la situation était bien plus complexe. « Tshisekedi a dû réagir de manière plus impulsive face à l’escalade du M23 », explique Léonard Mutombo, analyste politique à Kinshasa.
Cette prise de position plus directe se renforce par la reconnaissance internationale croissante de l’implication du président Kagame dans le soutien au M23. En effet, pour la première fois, la communauté internationale a officiellement désigné Kagame comme le commanditaire direct de ce groupe armé, une reconnaissance qui n’est pas sans conséquence. Elle a conduit à des sanctions ciblant son bras droit, ancien chef d’état-major et ancien ministre de la Défense, le général à la retraite James Kabarebe, actuellement ministre d’État chargé de la Coopération internationale. Cette avancée diplomatique majeure est le fruit d’un combat intense mené par Félix Tshisekedi pour faire entendre la voix de la RDC sur la scène internationale, un exploit que ses prédécesseurs n’ont pas réussi à accomplir malgré leurs tentatives.
Un tournant significatif a eu lieu en mars 2025, avec une rencontre surprise entre Tshisekedi et Kagame à Doha, où un cessez-le-feu a été évoqué, comme l’avaient révélé plusieurs médias. Cette initiative a culminé en avril 2025, lorsque le gouvernement congolais et le M23 ont annoncé un cessez-le-feu et des pourparlers de paix facilités par le Qatar. Bien que des combats sporadiques persistent, comme le note la chaîne d’informations Al Jazeera, cette trêve illustre une tentative stratégique de Tshisekedi pour reprendre l’initiative diplomatique après des revers militaires. Cependant, les échecs des trêves précédentes soulignent la fragilité de cette approche, suggérant une réponse partiellement instinctive face à une crise prolongée.
« Cette rencontre à Doha pourrait marquer un tournant si elle débouche sur une véritable paix, mais l’incertitude demeure », ajoute Éric Kapolo, spécialiste en relations internationales. « Les actions de Tshisekedi, même en réponse à un échec, montrent une détermination à trouver une solution. »
La guerre du M23 : un défi majeur pour Tshisekedi
La guerre du M23, relancée en 2021, reste l’un des défis majeurs du mandat de Tshisekedi. Il a adopté une approche combinant renforcement militaire et mobilisation diplomatique. En 2022, la RDC a rejoint la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC), une décision visant à intégrer une force régionale pour contrer les rebelles. Tshisekedi a également intensifié ses accusations contre le Rwanda, s’appuyant sur des rapports internationaux confirmant le soutien de Kigali au M23. « Le soutien de la communauté internationale est crucial pour soutenir l’effort militaire et diplomatique. Tshisekedi a compris cela dès le début », commente Thierry Kambale, expert militaire.
Cependant, les succès militaires du M23 en 2025, notamment la prise de villes stratégiques comme Goma, ont révélé les failles de cette stratégie. Tshisekedi a promis une « réponse vigoureuse », mais les revers ont poussé à des solutions externes, comme des négociations avec les États-Unis pour un soutien sécuritaire en échange de minerais stratégiques. Le cessez-le-feu d’avril 2025, bien que prometteur, reste précaire, avec des analystes comme ceux de The Guardian notant qu’il s’agit d’un pivot crucial mais risqué.
Cette approche mixte reflète une stratégie à long terme pour stabiliser l’Est, mais les résultats mitigés suggèrent une adaptation instinctive face à une crise échappant partiellement au contrôle de Tshisekedi. Les efforts diplomatiques, comme les pourparlers de Doha, montrent une volonté de gérer le conflit par des moyens non militaires, mais leur succès dépendra de la capacité à maintenir la trêve et à impliquer des acteurs régionaux.
Un leadership hybride : entre vision et pragmatisme
Félix Tshisekedi semble incarner un leadership hybride, oscillant entre stratégie à long terme et réactivité face aux crises immédiates. « Dans un pays comme la RDC, où les imprévus sont constants, un président doit savoir réagir rapidement tout en gardant une vision d’ensemble », analyse Bernard Mwepu, expert en géopolitique.
Son mandat a été marqué par des choix difficiles, comme sa gestion de la guerre du M23, ses relations avec le Rwanda et la manière dont il a navigué entre diplomatie et action militaire. À chaque étape, Tshisekedi a dû ajuster ses stratégies, se basant parfois sur son instinct tout en cherchant à poser des bases solides pour l’avenir. Mais cette dualité, entre stratégie et réaction, reste le propre d’un leader confronté à une gouvernance dans un environnement aussi complexe que la RDC.
À l’aube d’un nouveau mandat et face à des enjeux géopolitiques de plus en plus pressants, Félix Tshisekedi devra démontrer sa capacité à transformer ses décisions en résultats durables. Le cessez-le-feu avec le M23, bien que fragile, pourrait ouvrir la voie à une nouvelle dynamique de paix, mais le véritable test résidera dans la mise en œuvre de solutions concrètes à long terme.
La coalition CACH-FCC : un divorce calculé

Née des élections controversées de décembre 2018, la coalition entre le Cap pour le Changement (CACH) de Félix Tshisekedi et le Front Commun pour le Congo (FCC) de Joseph Kabila s’est imposée comme une alliance contraignante plutôt qu’un véritable projet commun. Ce mariage politique, scellé par la nécessité plutôt que par l’affinité, a rapidement montré ses limites, révélant une cohabitation marquée par les tensions, les jeux de pouvoir et des objectifs opposés.
Dès les premiers mois de ce partenariat, les désaccords ont été visibles. Le FCC, bien que battu à la présidentielle, conservait une majorité écrasante au Parlement ainsi qu’un contrôle stratégique sur les appareils judiciaires, sécuritaires et économiques. Ce déséquilibre institutionnel réduisait considérablement la marge de manœuvre de Tshisekedi, obligé de composer avec une administration dominée par les kabilistes. Un cadre du CACH se souvient : « Le président avait les clés du Palais, mais pas celles du moteur de l’État. »
Face à cette impasse politique, le chef de l’État a progressivement préparé une sortie. Le 6 décembre 2020, dans une allocution solennelle, Tshisekedi annonçait la fin de cette alliance devenue, selon ses mots, un frein aux aspirations populaires. « Je me dois de dénoncer les pesanteurs politiques qui plombent les ailes de l’espoir », avait-il déclaré, dans un ton grave mais résolu. Cette décision ne fut ni improvisée ni précipitée. Elle semblait résulter d’une lecture stratégique des rapports de force, doublée d’un calcul froid : pour gouverner efficacement, il fallait rompre avec l’ancien système.
Si certains observateurs y ont vu un pari risqué, d’autres ont salué une affirmation d’autorité. Dans les couloirs du Palais du peuple, le basculement a été perçu comme un acte de libération. Tshisekedi, jusque-là perçu comme un président sous tutelle, endossait enfin pleinement son rôle de chef d’État. L’ancien député proche du FCC, Daniel Kanku, le reconnaît avec amertume : « Nous pensions qu’il resterait sous contrôle. Il a surpris tout le monde. »
Cette rupture n’a cependant pas été sans turbulences. Des frictions ont émergé au sein même des institutions. Tshisekedi a dû manœuvrer avec habileté, recourant à une campagne de consultations nationales pour élargir sa base. C’est dans ce contexte que naît, en janvier 2021, l’Union sacrée de la nation, une nouvelle majorité parlementaire construite sur la recomposition des alliances.
La rapidité avec laquelle cette nouvelle coalition s’est formée témoigne d’un sens aigu de la tactique politique. En moins de trois mois, Tshisekedi est parvenu à renverser la majorité en sa faveur, obtenant le départ de la présidente de l’Assemblée nationale, Jeanine Mabunda, du Premier ministre Sylvestre Ilunga Ilunkamba, puis celui du Président du Sénat, Alexis Thambwe. Ce basculement du pouvoir institutionnel en sa faveur a permis à Tshisekedi d’imprimer plus librement sa marque sur la gouvernance du pays. Un politologue basé à Kinshasa, Jin Nawej, estime que « cette transition fut un moment charnière, révélant un homme d’État capable de déjouer les pièges tendus par une machine politique forgée contre lui ».
Si certains regrettent une centralisation croissante du pouvoir, d’autres y voient une nécessaire consolidation après des années d’immobilisme. « Nous étions fatigués des guerres intestines », confie Léonie Nsimba, professeure de droit constitutionnel à l’Université de Lubumbashi. « La rupture avec le FCC a clarifié les responsabilités. Pour la première fois depuis longtemps, le Congo a un président qui gouverne sans béquilles. »
Tshisekedi lui-même a reconnu, dans des entretiens accordés à la presse internationale, que cette séparation n’a pas été sans coût. Il a parlé de « regrets », notamment quant aux blocages institutionnels ayant ralenti les réformes promises. Mais en prenant ce virage, il a également montré une capacité à s’adapter, à reconstruire une majorité sans céder à la panique ni à l’arbitraire. Loin d’une fuite en avant, la dissolution de la coalition CACH-FCC s’apparente ainsi à un repositionnement calculé, révélateur d’une certaine maturité politique.
Aujourd’hui encore, le divorce reste un sujet de débat. L’ancien président Joseph Kabila a même lié la guerre du M23 à cette rupture, dans une tribune publiée dans le Sunday Times, un journal sud-africain. Pour certains, il incarne la fin d’un cycle de compromissions et la naissance d’un pouvoir plus cohérent. Pour d’autres, il marque une rupture de l’équilibre initial du scrutin de 2018. Mais tous s’accordent à reconnaître que ce choix, à la fois risqué et nécessaire, a ouvert un nouveau chapitre du quinquennat de Tshisekedi, où les responsabilités et les attentes reposent entièrement sur ses épaules.
L’Union sacrée de la nation : une alliance pour le pouvoir

Lancée officiellement en décembre 2020, l’Union sacrée de la nation est vite devenue le cœur battant du nouveau paysage politique congolais. Sous l’impulsion de Félix Tshisekedi, cette large plateforme a rassemblé des personnalités issues de différentes familles politiques, dans une dynamique de recomposition du pouvoir. En 2024, avec environ 450 sièges sur 500 à l’Assemblée nationale, cette coalition s’est imposée comme une force parlementaire quasi hégémonique, consacrant l’autorité de Tshisekedi sur les institutions.
Des figures majeures comme Jean-Pierre Bemba, Vital Kamerhe, Modeste Bahati ou encore Christophe Mboso ont rejoint cette plateforme, contribuant à en faire un véritable carrefour d’intérêts politiques. Cette diversité, si elle élargit l’assise du pouvoir, témoigne également d’une volonté stratégique : fédérer les élites autour du leadership de Tshisekedi pour gouverner sans entrave. Comme le souligne Josiane Kipulu, analyste politique à Kinshasa, « l’Union sacrée n’est pas seulement une alliance, c’est un bouclier construit pour durer au-delà des conjonctures électorales ».
La structuration de l’Union sacrée, avec la mise en place récente d’un présidium censé équilibrer les sensibilités internes, illustre cette ambition de long terme. Le 23 janvier 2025, le site Actualite.cd rapportait la composition élargie de cette instance dirigeante, destinée à éviter les ruptures internes en distribuant les rôles entre les poids lourds de la coalition. Une initiative saluée par plusieurs ténors de la majorité, tel un député UDPS qui affirme sous anonymat : « Le président a compris qu’il ne peut pas tout centraliser. Il faut que chacun se sente respecté. »
Mais l’équilibre demeure fragile. Cette vaste mosaïque politique, formée parfois davantage par opportunisme que par adhésion idéologique, comporte des lignes de fracture. Trésor Kibangula, analyste pour Ebuteli et intervenant sur TV5Monde, le rappelait récemment : « Chacun a son agenda dans l’Union sacrée. L’unité repose sur le pouvoir, pas toujours sur un socle programmatique commun. » Ce constat renforce l’idée que la cohésion de la plateforme dépend largement de la capacité de Tshisekedi à concilier les ambitions divergentes de ses alliés.
En dépit de ces tensions latentes, l’Union sacrée permet à Tshisekedi de gouverner dans un cadre institutionnel plus fluide que celui qu’imposait l’ancienne coalition CACH-FCC. Libéré de l’influence directe de Joseph Kabila, il peut désormais orienter l’action publique sans blocages parlementaires majeurs. Le glissement d’une logique de partage vers une logique de centralisation maîtrisée témoigne d’un exercice du pouvoir plus assumé. « Il ne s’agit pas d’un repli autoritaire, mais d’une volonté d’efficacité », estime l’universitaire Léon Mavungu. « Ce que cherche Tshisekedi, c’est une gouvernance lisible et réactive. », ajoute-t-il.
En consolidant son camp, le président Félix Tshisekedi répond aussi à une opposition qui, bien que fragmentée, reste active. Les figures de Martin Fayulu et Moïse Katumbi, bien qu’éprouvées par les dernières joutes électorales, continuent de revendiquer une alternative. Dans ce contexte, le rassemblement des forces politiques autour de Tshisekedi ne relève pas uniquement d’une logique de domination, mais également de prévention : éviter les recompositions adverses et verrouiller l’espace politique jusqu’en 2028.
Pour autant, l’Union sacrée n’échappe pas aux critiques. Certains y voient un outil de clientélisme, où les nominations et les répartitions de postes primeraient sur les programmes et la compétence. D’autres dénoncent une forme de dilution idéologique, dans laquelle les anciennes lignes politiques s’effacent au profit d’un consensus de circonstance. « C’est une plateforme qui ressemble à une pyramide inversée », note une journaliste politique congolaise. « Solide en haut, mais sans fondation idéologique claire. »
Tshisekedi, de son côté, assume pleinement cette configuration mouvante. Il a déclaré, à plusieurs reprises, préférer une union fonctionnelle à une opposition de principe. Ce pragmatisme, critiqué par certains, est vu par d’autres comme une réponse réaliste à la complexité du champ politique congolais. En naviguant entre les attentes de ses alliés et les exigences de l’opinion, Tshisekedi engage une forme de gouvernance hybride, alliant calcul politique et gestion de coalition.
Si l’Union sacrée est appelée à durer, sa pérennité dépendra de la capacité de Tshisekedi à maintenir l’équilibre entre fidélité et ambition. Un exercice d’équilibriste, à la croisée des intérêts, dans un pays où les alliances se font et se défont au gré des vents politiques. Pour l’instant, l’édifice tient. Mais le véritable test viendra lorsqu’il s’agira de transformer cette machine électorale en une force cohérente de gouvernance et de réforme.
Les discours sur la Constitution : une erreur stratégique ?
En 2024, Félix Tshisekedi a déclenché une onde de choc politique en évoquant la nécessité de réformer la Constitution congolaise, adoptée en 2006. Qualifiant le texte actuel de « dépassé face aux exigences de gouvernance moderne », il a ouvert un débat aussi sensible que central dans le paysage institutionnel du pays. Si ses partisans y ont vu une volonté d’adapter l’État aux défis du XXIe siècle, ses opposants ont aussitôt dénoncé une manœuvre dissimulée pour préparer une éventuelle prolongation de mandat au-delà de 2028.
L’opposition, emmenée par des figures comme Moïse Katumbi et Martin Fayulu, a réagi avec virulence. Le terme de « coup d’Etat constitutionnel » a été lâché lors d’un meeting tenu à Mbuji-Mayi, où Fayulu a accusé Félix Tshisekedi de « vouloir marcher dans les pas de ceux qu’il prétendait combattre ». Dans la foulée, plusieurs organisations de la société civile, notamment la LUCHA et le collectif Filimbi, ont organisé des manifestations symboliques pour alerter l’opinion sur une « dérive autoritaire en préparation ». Ce discours était-il une erreur stratégique ou un test controversé ?
Face à cette levée de boucliers, Tshisekedi a modéré le ton. Lors d’un discours prononcé à l’Université de Kinshasa en février 2025, il a clarifié ses intentions : « Il ne s’agit pas de modifier la Constitution pour des ambitions personnelles, mais d’adapter notre charpente institutionnelle à une nouvelle ère politique. » Il a ensuite annoncé la mise en place d’une commission d’experts constitutionnalistes et de représentants de la société civile, chargée d’examiner les réformes possibles. Cette décision, interprétée comme une volonté d’apaisement, n’a toutefois pas suffi à faire taire les soupçons.
Derrière les discours et les déclarations, l’approche de Tshisekedi semble relever d’une tactique politique mesurée. En avançant prudemment sur le terrain miné des révisions constitutionnelles, il semble avoir voulu sonder les lignes de fracture au sein de la classe politique et tester la capacité de mobilisation de ses adversaires. « C’est un ballon d’essai », analyse le politologue Éric Mualaba. « Il a lancé le débat, observé les réactions, puis recadré son propos. C’est une méthode classique de gouvernance par signaux. »
Cependant, le calendrier et la forme de la communication présidentielle ont pu desservir la démarche. Annoncer des réformes constitutionnelles dans un contexte postélectoral encore tendu en pleine crise sécuritaire avec le M23 a nourri les soupçons les plus vifs. Certains y ont vu une tentative d’ouvrir la voie à une présidence à rallonge. D’autres, plus nuancés, estiment que la mauvaise réception du message tient surtout à un déficit de pédagogie politique. « Ce débat aurait mérité d’être introduit par une large consultation nationale, et non par une déclaration unilatérale », estime la journaliste politique Florence Ndungidi.
Malgré tout, des voix se sont élevées pour défendre la légitimité d’un débat constitutionnel. Dans une tribune publiée par Le Courrier d’Afrique, l’universitaire Théodore Kasinga souligne que « la Constitution de 2006, pensée dans un contexte post-conflit, mérite une relecture au regard des évolutions institutionnelles et sécuritaires ». Il plaide pour une réforme encadrée, sous l’égide d’un processus transparent et inclusif, à l’écart de tout soupçon de personnalisation du pouvoir.
En avril 2025, le processus apparaît en suspens. La commission annoncée n’a toujours pas rendu ses conclusions, et l’agenda des réformes semble avoir été relégué à l’arrière-plan des priorités présidentielles, dominées par les urgences sécuritaires à l’Est du pays. Ce recul apparent n’est pas un abandon, mais plutôt le signe d’une gestion pragmatique du tempo politique. « Le président a compris que forcer le pas sur ce terrain pouvait fracturer l’équilibre politique qu’il a mis cinq ans à construire », confie un conseiller de la présidence sous couvert d’anonymat.
Tshisekedi semble donc avoir opté pour une stratégie de temporisation. En gardant le débat ouvert sans l’imposer, il évite une cristallisation des tensions tout en maintenant une marge de manœuvre pour l’avenir. Cette posture, bien qu’âprement critiquée, révèle une certaine lucidité politique : gouverner, c’est aussi savoir reculer pour mieux avancer. D’autant que l’enjeu constitutionnel pourrait ressurgir avec plus de maturité politique, si les conditions s’y prêtent.
Le débat sur la réforme constitutionnelle, loin d’être clos, pourrait bien se révéler comme un révélateur de ses capacités à manier les équilibres et à construire un consensus dans un pays où la méfiance reste tenace. Pour l’heure, Félix Tshisekedi reste dans une posture d’observation active, à l’écoute des signaux, naviguant entre vision long terme et adaptation aux réalités mouvantes d’une démocratie encore fragile.
L’adhésion à l’EAC : un pari régional ambitieux

L’adhésion de la RDC à l’EAC, officialisée en mars 2022, a surpris plus d’un observateur. Ce basculement stratégique vers l’Est du continent, alors que la RDC était historiquement tournée vers l’Afrique centrale et l’espace francophone, marque une inflexion importante de la diplomatie congolaise sous Tshisekedi. Le choix, mûri dans un contexte de tensions accrues avec le Rwanda, visait à renforcer l’intégration économique régionale tout en élargissant le spectre des appuis sécuritaires.
« C’est un pari audacieux qui témoigne d’une volonté de repositionner la RDC au cœur des dynamiques économiques de l’Afrique de l’Est », analyse Rosalie Ntumba, chercheuse à l’Institut congolais des relations internationales. En effet, l’EAC, avec des économies dynamiques comme celles du Kenya, de l’Ouganda ou de la Tanzanie, représente un marché régional de plus de 300 millions d’habitants. Pour Kinshasa, l’enjeu est double : s’arrimer à cette croissance et peser davantage dans les négociations régionales, notamment sur les dossiers sécuritaires.
Dans les mois qui ont suivi l’adhésion, les retombées économiques ont été perceptibles. Le commerce avec le Kenya, notamment via le port de Mombasa, s’est intensifié, facilitant l’importation de biens stratégiques et l’exportation de minerais vers l’Asie. Le think tank américain Center for Strategic and International Studies (CSIS) notait en 2023 « une augmentation significative des flux commerciaux RDC-Kenya, stimulée par des accords de facilitation douanière ». Des zones économiques conjointes ont même été envisagées, notamment autour de Goma et Bunia.
Mais au-delà des chiffres, les réalités géopolitiques ont vite rattrapé l’élan initial. L’un des objectifs implicites de cette adhésion était de bénéficier d’un soutien régional plus fort face aux incursions du M23, que Kinshasa accuse d’être soutenu par Kigali. En théorie, la force régionale de l’EAC, déployée en 2022, devait permettre un rééquilibrage sur le terrain. En pratique, les résultats ont été très décevants. Les contingents kenyans, burundais et ougandais se sont heurtés à des contraintes logistiques, des rivalités de mandats et une ambiguïté persistante dans leurs règles d’engagement. L’armée congolaise, elle-même, s’est retrouvée en porte-à-faux avec certains de ces partenaires.
Cette situation a nourri un malaise grandissant dans l’opinion. « On attendait une solidarité sécuritaire régionale. On a eu une cohabitation compliquée entre intérêts divergents », déplore Dieudonné Nawej, commerçant à Lubumbashi. Des voix, même au sein de l’Union sacrée, ont exprimé leur scepticisme sur l’efficacité de cette alliance. Tshisekedi, conscient des limites du dispositif, n’a pas hésité à remettre en question le rôle de certaines troupes et à appeler à une réévaluation des termes de leur présence.
Pour autant, cette manœuvre diplomatique n’a pas été vaine. Elle a permis à la RDC de briser un certain isolement régional et de diversifier ses partenariats. Le Kenya, en particulier, s’est affirmé comme un interlocuteur économique de poids. Les rencontres régulières entre Félix Tshisekedi et son homologue kényan William Ruto ont consolidé une relation bilatérale fondée sur les investissements, l’énergie et les télécommunications. Des entreprises kényanes, comme Safaricom, ont même investi dans la téléphonie mobile en RDC, ouvrant de nouveaux marchés.
Cette diplomatie économique volontariste contraste avec la prudence observée sur le front sécuritaire. Si l’adhésion à l’EAC s’inscrit clairement dans une stratégie à long terme, elle révèle aussi les ajustements tactiques auxquels Tshisekedi doit se plier face aux contradictions internes de l’organisation. L’influence rwandaise, bien réelle dans certaines instances de l’EAC, complique la tâche de Kinshasa, en particulier lorsqu’il s’agit de faire valoir ses griefs sur le dossier du M23.
« Le président a su faire preuve d’audace en s’ouvrant à un espace régional historiquement perçu comme hostile. Il faut maintenant transformer cette ouverture en levier de souveraineté », estime le politologue Jules Kawaya. Le défi est d’autant plus grand que la RDC reste perçue comme un acteur marginal au sein de l’EAC, encore peu intégré dans les mécanismes décisionnels. Des efforts sont en cours pour renforcer sa diplomatie parlementaire et aligner sa législation sur les normes communautaires, mais le chemin est long.
En définitive, l’adhésion à l’EAC reflète une double posture du chef de l’État : une vision de repositionnement régional ambitieuse, couplée à une gestion pragmatique des rapports de force. Si la promesse d’intégration économique commence à porter ses fruits, les tensions sécuritaires non résolues rappellent que la paix ne se décrète pas par des traités, mais se construit sur le terrain, jour après jour.
Tshisekedi a lancé un pari. Son issue dépendra de sa capacité à imposer les intérêts congolais dans un espace régional où la solidarité rime souvent avec compétition. Pour l’heure, la RDC avance, avec prudence mais détermination, dans une communauté qui pourrait à terme redéfinir son ancrage géopolitique.
Négociations avec Washington : un deal géopolitique

Février 2025 marque un tournant discret mais potentiellement décisif dans la diplomatie congolaise. Lors d’une rencontre avec des responsables américains à Washington, le président Félix Tshisekedi aurait formulé une proposition inédite : accorder aux États-Unis un accès privilégié aux minerais stratégiques congolais, notamment le cobalt, en échange d’un soutien accru sur le plan sécuritaire. À travers cette offre audacieuse, Kinshasa espère renforcer son positionnement géopolitique tout en répondant aux menaces pressantes à l’Est, incarnées par la rébellion du M23 soutenue, selon les autorités congolaises, par le Rwanda.
Cette initiative s’inscrit dans une logique claire : briser la dépendance vis-à-vis de la Chine, qui contrôle encore aujourd’hui une part écrasante des chaînes d’approvisionnement en minerais critiques, tout en rééquilibrant les alliances stratégiques de la RDC. « C’est une tentative de repositionner la RDC comme acteur incontournable dans la transition énergétique mondiale, tout en attirant des appuis militaires occidentaux dans une crise sécuritaire de plus en plus internationale », explique Ernest Makuta, chercheur en géopolitique des ressources à l’Université de Lubumbashi.
Si aucun accord formel n’a encore été signé, les discussions sont jugées sérieuses et portées au plus haut niveau. Tshisekedi a multiplié les rencontres bilatérales, notamment avec des sénateurs influents, des représentants du département d’État et des dirigeants d’entreprises minières américaines. Dans les coulisses, plusieurs sources évoquent un intérêt manifeste du Pentagone pour les minerais congolais, perçus comme cruciaux dans la course mondiale aux technologies vertes.
Mais cette démarche n’est pas sans risques. En misant sur un rapprochement avec Washington, Kinshasa prend le risque de tendre davantage ses relations avec Pékin, premier investisseur minier en RDC. Le quotidien South China Morning Post, dans une édition de mars 2025, rapporte que des officiels chinois auraient « exprimé leur inquiétude » quant à l’émergence d’une concurrence américaine directe dans un secteur jusque-là largement dominé par leurs entreprises. Certains projets chinois de développement d’infrastructures en RDC pourraient en subir les conséquences, et une reconfiguration des alliances économiques n’est pas à exclure.
Sur le terrain politique congolais, la démarche suscite des réactions contrastées. Les partisans du chef de l’État y voient un coup de maître géopolitique. « Il fallait sortir de la dépendance à un seul partenaire. Ce virage vers les États-Unis peut renforcer notre marge de manœuvre », défend Janvier Kabeya, député membre de l’Union sacrée. À l’inverse, des voix critiques s’élèvent pour dénoncer une possible mise sous tutelle des ressources nationales. L’activiste Mina Kabeya, de la coalition citoyenne Congo Vert, s’inquiète : « Nos minerais ne doivent pas devenir des monnaies d’échange sans garanties claires pour le peuple congolais. »
Au-delà des symboles, cette ouverture vers Washington est aussi motivée par l’urgence. La situation sécuritaire dans l’Est du pays continue de se détériorer, avec des milliers de déplacés, des attaques récurrentes et une armée congolaise confrontée à des groupes rebelles bien organisés. En sollicitant une aide sécuritaire directe, logistique, formation, voire déploiement de forces spéciales en appui technique, Tshisekedi joue une carte diplomatique à fort enjeu. « Il n’a plus le luxe du temps. Il doit produire des résultats visibles avant 2028 », estime Josué Mfumupasa, éditorialiste politique à Kin24.
Cette offre aux Américains n’est donc pas un simple acte de séduction diplomatique, mais bien une manœuvre calculée face à des pressions multiples : sécuritaires, économiques et politiques. Elle illustre la capacité de Tshisekedi à anticiper les repositionnements géostratégiques mondiaux, mais aussi son pragmatisme face aux rapports de force. Pour certains analystes, comme ceux du Brookings Institution, « cette initiative pourrait redéfinir les contours de l’influence américaine en Afrique centrale, longtemps négligée au profit de la Corne de l’Afrique ou du Sahel ».
Cependant, l’issue de cette proposition dépendra moins de la volonté congolaise que de l’agenda de Washington. Les États-Unis, en pleine reconfiguration de leurs priorités africaines, hésitent encore sur la nature de leur engagement militaire direct en RDC. Le spectre de la rivalité sino-américaine rend toute implication délicate, et la Maison Blanche reste prudente face aux complexités du terrain congolais. Le risque d’un engrenage dans un conflit régional mal maîtrisé freine les ardeurs, même si l’attrait du cobalt et du lithium reste un facteur décisif.
Tshisekedi avance donc sur une ligne de crête. D’un côté, il propose une ouverture stratégique capable de repositionner la RDC sur l’échiquier mondial. De l’autre, il doit veiller à ne pas dilapider un capital de souveraineté déjà fragilisé par la dépendance extractive. Pour l’heure, aucun contrat n’a été signé, mais les discussions se poursuivent, dans une atmosphère où la géopolitique des ressources croise celle des alliances militaires.
En définitive, cette démarche révèle un chef de l’État qui, au-delà des slogans, tente de transformer le poids géologique de la RDC en levier diplomatique majeur. Ce pari, encore incertain, pourrait faire de Kinshasa un épicentre stratégique entre Washington, Pékin et les autres acteurs de la compétition mondiale pour les ressources critiques. Mais il impose aussi une exigence de transparence, de lucidité et de fermeté, tant les marges de manœuvre sont minces dans un monde où rien ne se donne sans contrepartie.
Kamerhe : la neutralisation progressive d’un allié trop ambitieux
L’accord politique conclu à Nairobi en 2018 entre Félix Tshisekedi et Vital Kamerhe devait organiser l’alternance au sein de la coalition CACH : un mandat pour l’un, un mandat pour l’autre. Mais dès les premiers mois de gouvernance, cet arrangement a été vidé de sa substance par les réalités du pouvoir. La mainmise du FCC de Joseph Kabila sur l’Assemblée nationale empêchait toute nomination de Kamerhe à la primature, poste promis par l’accord. Il sera relégué à la direction de cabinet, influent, certes, mais subalterne.
Quand Tshisekedi parvient à retourner la majorité en sa faveur fin 2020, ouvrant la voie à l’Union sacrée, le blocage juridique disparaît. Kamerhe aurait pu être Premier ministre. Mais c’est Sama Lukonde, un profil moins charismatique, qui est nommé. Une décision qui, déjà, trahit la volonté de Tshisekedi de contenir un partenaire dont les ambitions rivalisent avec les siennes. Visiblement, Tshisekedi ne veut pas d’un Premier ministre qui pourrait demain revendiquer la succession ou dénoncer un accord trahi. Car Kamerhe, à la primature, aurait été difficile à révoquer, et potentiellement ingérable.
En 2024, la nomination de Judith Suminwa à la tête du gouvernement confirme cette ligne. Technocrate discrète, sans assise politique, elle ne menace pas l’architecture du pouvoir. À l’inverse, un Kamerhe Premier ministre aurait cumulé visibilité, moyens et réseau. Trop risqué pour un chef de l’État qui, manifestement, ne souhaite pas le désigner comme son dauphin.
Même la présidence de l’Assemblée nationale, que Kamerhe finit par décrocher en 2024, a été un champ de manœuvre. En l’obligeant à se mesurer à Bahati Lukwebo et Christophe Mboso lors de primaires internes à l’Union sacrée, le pouvoir le pousse à s’exposer. En cas d’échec, sa stature aurait été affaiblie. Sa victoire, bien qu’indiscutable, reste encadrée : Tshisekedi conserve la main sur l’ensemble du dispositif.
Le précédent de 2009 hante les mémoires. Cette année-là, Kamerhe, président de l’Assemblée nationale, se retourne contre Kabila, amorçant sa mue en opposant majeur. Tshisekedi, prudent, évite de lui offrir une tribune gouvernementale qui pourrait devenir une rampe de lancement présidentielle pour 2028.
En intégrant Kamerhe tout en l’éloignant des postes exécutifs stratégiques, Tshisekedi orchestre une forme de containment politique. Il préserve l’équilibre de l’Union sacrée sans donner les clés à un potentiel rival. Pour l’instant, la stratégie est efficace. Mais si Kamerhe décide de remettre en cause cette mise à l’écart, l’équation du pouvoir congolais pourrait rapidement se complexifier.
Les poids lourds politiques : un équilibre précaire
En s’alliant à des figures de poids comme Jean-Pierre Bemba et Vital Kamerhe, Tshisekedi a consolidé sa position à la tête de l’Union sacrée. Bemba, fort de son influence dans l’Ouest, et Kamerhe, incontournable dans l’Est, lui apportent une légitimité régionale et une capacité à mobiliser. Cette stratégie vise à unifier des forces disparates pour renforcer son leadership, tout en mettant en lumière la fragmentation de l’opposition, incarnée principalement par Martin Fayulu et Moïse Katumbi.
Cependant, cette alliance repose sur un équilibre fragile. Les ambitions personnelles de ces leaders peuvent menacer la stabilité de la coalition, comme l’a souligné Trésor Kibangula sur TV5Monde. Si Tshisekedi a clairement opté pour des alliances larges, la gestion des ego et des projets divergents demeure complexe. Les tensions internes, notamment autour des nominations et des primaires au sein de l’Union sacrée, révèlent la difficulté d’un leadership qui doit constamment composer avec des rivalités internes, demandant une gestion prudente aussi réactive que stratégique.
Politiques économiques : une vision à long terme sous contrainte
Dès le début de son mandat, Félix Tshisekedi a clairement placé le développement économique au cœur de ses priorités, visant à diversifier une économie congolaise qui reste fortement dépendante des exportations de minerais. L’attraction des investissements étrangers, essentielle pour cette transformation, a été soutenue par des projets significatifs, tels que le Programme d’Appui au Développement des Micro, Petites et Moyennes Entreprises (PADMPME), qui a permis de formaliser 3 700 entreprises et de créer près de 17 000 emplois, selon les chiffres avancés par la Banque mondiale en 2024. Ces réalisations témoignent d’une volonté politique claire de créer un environnement plus favorable aux investisseurs, comme l’a souligné le Département d’État américain, notant des progrès notables dans la gouvernance et la lutte contre la corruption.
Cependant, malgré ces succès, les défis structurels demeurent nombreux. Les conséquences de l’insécurité persistante dans l’Est du pays, des infrastructures souvent inadaptées, et la dépendance continue aux matières premières minérales limitent l’impact de ces réformes. Bien que la croissance économique ait atteint un impressionnant 8,6 % en 2024, la pauvreté reste une réalité tragique pour environ 73 % de la population, comme l’indique un rapport de la Banque mondiale. Des analystes, notamment ceux du think tank ISS Africa, estiment que pour réaliser une véritable croissance inclusive, Tshisekedi doit accélérer la mise en œuvre des réformes, malgré des contraintes qui semblent bien souvent dictées par les circonstances.
« Les initiatives lancées par Tshisekedi sont un pas dans la bonne direction », affirme Emmanuel Biyoyo, analyste économique à Kinshasa. « Mais pour sortir véritablement de la dépendance aux minerais, il faut des réformes institutionnelles plus profondes et des investissements massifs dans les infrastructures. »
En parallèle, Tshisekedi a également cherché à renégocier les contrats miniers, notamment avec la Chine, afin d’augmenter les revenus de l’État et mieux gérer les ressources naturelles du pays. Bien que cette démarche s’inscrive dans une logique de maximisation des bénéfices nationaux, elle a toutefois suscité des tensions avec Pékin, soulignant les risques inhérents à une politique économique aussi ambitieuse dans un contexte géopolitique complexe. La proposition d’un accord miniers-sécurité avec les États-Unis en 2025, visant à diversifier les partenariats, a été perçue comme une tentative de sortir de l’ombre de la Chine, mais aussi comme une réponse instinctive à des pressions sécuritaires croissantes dans l’Est du pays.
En effet, comme le note Pierre Iyeleza, expert en relations internationales, « la géopolitique actuelle pousse Tshisekedi à multiplier les partenariats tout en jonglant avec les attentes internationales. C’est une manière de peser sur les enjeux mondiaux, mais l’urgence sécuritaire impose parfois des décisions plus instinctives. »
Initiatives sociales : des engagements limités par les crises
Sur le plan social, Tshisekedi a pris des engagements ambitieux pour améliorer l’accès à l’éducation, à la santé et à la protection sociale, des priorités soutenues par des bailleurs de fonds internationaux. L’un des grands projets, la gratuité de l’enseignement primaire, lancé en 2019, a permis d’augmenter de manière significative les inscriptions scolaires, notamment dans les zones rurales. Toutefois, cette initiative a été entravée par des grèves récurrentes d’enseignants et des problèmes chroniques de financement, comme le souligne un rapport de la Banque mondiale. En matière de santé, la gestion des crises sanitaires, telles que la propagation de la variole du singe en 2024, a été jugée insuffisante par plusieurs experts, notamment en raison d’infrastructures médicales surchargées.
« Le programme d’éducation gratuit est louable, mais il est mis à mal par le manque de moyens logistiques et humains », explique Maman Ndombe, responsable d’une ONG de développement à Kinshasa. « Les défis sont immenses, et malgré les bonnes intentions, le pays manque encore d’infrastructures de base pour répondre à ces besoins urgents. »
Ces initiatives sociales traduisent néanmoins une vision à long terme pour améliorer les conditions de vie des Congolais, mais leur mise en œuvre se heurte à des obstacles majeurs. Les ressources limitées de l’État, associées aux crises permanentes que connaît le pays, compliquent considérablement la réalisation de ces objectifs. Tshisekedi a souvent dû réagir de manière instinctive, promettant des réformes sociales sans disposer des moyens nécessaires pour les concrétiser pleinement. Cette tension entre ambition et réalité se fait particulièrement sentir lorsqu’il s’agit de répondre à des demandes sociales pressantes tout en maintenant une stabilité politique fragile.
« Il est évident que Tshisekedi fait de son mieux pour répondre aux attentes sociales », déclare Claude Tumba, professeur en sciences politiques à l’Université de Kinshasa. « Mais la conjoncture du pays et les crises incessantes rendent la tâche particulièrement ardue. Il est parfois contraint d’adopter des solutions réactives, ce qui peut nuire à la vision de long terme. »
Ainsi, bien que la vision de Tshisekedi en matière de politique économique et sociale soit clairement définie, sa mise en œuvre reste conditionnée par des défis immenses. Entre ambitions à long terme et nécessité de répondre instantanément à des crises multiples, Tshisekedi navigue dans des eaux troubles, où chaque décision est une danse délicate entre stratégie et réactivité. La réussite de son mandat dépendra probablement de sa capacité à faire face à ces tensions, tout en consolidant les bases d’une croissance inclusive et durable pour la RDC.
Droits humains : un bilan contrasté
Depuis son accession à la présidence, Félix Tshisekedi a promis de renforcer la protection des droits humains en RDC. Dans son programme, il s’est engagé à lutter contre l’impunité, à élargir l’espace civique et à améliorer le climat des droits fondamentaux. Ce positionnement, bien que louable, se heurte à des réalités complexes sur le terrain. En 2024, des organisations internationales comme Amnesty International ont rapporté des progrès jugés insuffisants, soulignant des violations persistantes commises par les forces de sécurité, ainsi que des restrictions de plus en plus marquées à la liberté d’expression.
« Le président Tshisekedi a bien l’intention de faire évoluer la situation, mais la violence reste omniprésente, notamment dans l’Est du pays. Les abus des forces de sécurité sont récurrents, et cela ne fait qu’alimenter la méfiance des citoyens », explique Sophie Mbuyi, militante des droits de l’homme à Kinshasa. « Même si des promesses ont été faites, il est encore trop tôt pour parler de changement tangible. »
L’état de siège imposé en 2021 dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri, bien qu’ayant pour objectif de renforcer la sécurité et de lutter contre les groupes armés, a paradoxalement exacerbé la situation des droits humains. Le Global Center for the Responsibility to Protect a rapporté de nombreux abus sous cette mesure, avec des exactions commises par les militaires et des restrictions drastiques à la liberté de mouvement des civils. « Tshisekedi a certes renforcé son autorité, mais en matière de protection des droits humains, des lacunes notables subsistent », observe le rapport annuel de cette organisation.
Toutefois, Tshisekedi n’est pas resté sans réponse face à ces critiques. Il a, par exemple, libéré certains prisonniers politiques dans une tentative de démontrer son engagement à améliorer la situation des droits humains en RDC. Mais malgré ces actions, les défis structurels restent colossaux. Comme le souligne Bernard Luyeye, analyste politique à Kolwezi pour qui « les réformes que Tshisekedi essaie d’imposer sont souvent freinées par des résistances internes au sein de l’appareil sécuritaire et par la pression de groupes armés toujours aussi actifs. »
Ce bilan contrasté suggère une gestion des droits humains à double vitesse : d’un côté, une approche calculée pour répondre aux attentes internationales et améliorer l’image du pays sur la scène mondiale ; de l’autre, une approche réactive face aux pressions internes et aux critiques des ONG. Tshisekedi semble donc naviguer entre des engagements visant à apaiser la communauté internationale et les nécessités politiques internes qui exigent une gestion immédiate des crises.
Stratégies de sécurité : une gestion complexe
Tshisekedi hérite d’une situation sécuritaire particulièrement dégradée, marquée par la présence de multiples groupes armés dans l’Est du pays, dont le M23, les Forces Démocratiques Alliées (ADF) et diverses milices locales. Cette situation l’a contraint à adopter une stratégie de sécurité renforcée dès 2021, avec la déclaration de l’état de siège dans les régions du Nord-Kivu et de l’Ituri. Bien que cette décision ait permis de remplacer des chefs militaires jugés proches de l’ancien président Kabila, consolidant ainsi son autorité, les violences armées continuent de ravager les populations locales.
« Le défi est immense. Tshisekedi fait face à des groupes armés multiples et à une complexité géopolitique régionale qui échappe parfois à son contrôle », analyse Michel Ndombasi, chercheur en sciences politiques à Kinshasa. « Il faut reconnaître qu’il a pris des décisions difficiles, mais le chemin est semé d’embûches. »
Au-delà des mesures de sécurité, Tshisekedi a entrepris d’importantes réformes dans le secteur militaire. Sous son mandat, l’armée congolaise a reçu un soutien accru des partenaires internationaux, comme les États-Unis et l’Union européenne, pour moderniser ses équipements et améliorer ses capacités opérationnelles. Ces efforts illustrent une vision à long terme de sa part, visant à doter la RDC d’une armée capable de faire face aux défis contemporains. Toutefois, ces réformes sont freinées par des difficultés majeures, dont un manque de financement adéquat et la persistance de la corruption au sein des institutions publiques.
Comme le soulignent les analystes de l’organisation Democracy in Africa, les réformes sécuritaires de Tshisekedi se heurtent à la réalité d’une gestion complexe des conflits, où l’insécurité demeure un problème majeur. « Les défis restent nombreux, notamment au niveau du financement et de la gestion des ressources humaines. La RDC a besoin d’une refonte systématique du secteur de la sécurité, mais ce processus est loin d’être simple« , explique la chercheuse Jeanine Mbongo. Selon elle, « Malgré ces obstacles, Tshisekedi a réussi à maintenir une forme de stabilité, même si la situation reste fragile. »
Cette complexité se manifeste également dans les relations avec les pays voisins, notamment le Rwanda et l’Ouganda, qui ont un impact direct sur la situation sécuritaire en RDC. Tshisekedi a essayé d’apaiser les tensions avec ces pays par le biais de la diplomatie, mais les affrontements sur le terrain, alimentés par des milices et des intérêts géopolitiques divergents, continuent de compliquer cette démarche.
En dépit des résultats encore insuffisants, il est évident que Tshisekedi met en place une stratégie sécuritaire ambitieuse, mais qui ne peut se concrétiser qu’à moyen ou long terme. La persistance des violences dans l’Est du pays met à l’épreuve sa capacité à traduire ses ambitions en résultats tangibles. Comme le rappelle l’analyste Pierre Madi, « l’un des plus grands défis de Tshisekedi est de parvenir à une stabilisation durable, tout en équilibrant les attentes des partenaires internationaux et les réalités du terrain. »
Le bilan de Félix Tshisekedi en matière de droits humains et de sécurité reste mitigé, mais les efforts entrepris ne sont pas sans mérite. Son engagement à réformer le secteur de la sécurité et à répondre aux critiques internationales, bien qu’incomplets, montre qu’il tente de faire face à un héritage complexe tout en tentant d’inscrire la RDC dans une dynamique de stabilité. À l’avenir, la réussite de ses politiques dépendra de sa capacité à résoudre ces contradictions et à concilier les impératifs sécuritaires avec les exigences de la communauté internationale en matière de droits humains.
Une gouvernance entre vision et adaptation
L’analyse des décisions de Félix Tshisekedi, président de la RDC, révèle une gouvernance marquée par une dualité entre stratégie et instinct. Depuis son arrivée au pouvoir, il a montré une volonté constante de réformer le pays tout en cherchant à s’adapter aux défis quotidiens. Parmi ses initiatives les plus notables figurent l’adhésion de la RDC à la Communauté de l’Afrique de l’Est (EAC), ses négociations avec Washington, la création de l’Union sacrée de la nation, ses réformes économiques ambitieuses et ses engagements sociaux. Ces décisions témoignent d’une réelle volonté de consolider son pouvoir et de positionner la RDC comme un acteur régional et international incontournable.
Ces choix, souvent audacieux, révèlent une vision stratégique à long terme. L’entrée de la RDC dans l’EAC, par exemple, est perçue par certains analystes comme un tournant majeur pour la diplomatie congolaise. « Tshisekedi a su saisir l’opportunité de réorienter la RDC vers l’Est, et c’est un coup stratégique qui peut avoir de réelles retombées économiques », explique Jean-Pierre Mbala, expert en relations internationales à Kinshasa. Toutefois, ces décisions, malgré leur ambition, ont été entravées par des défis imprévus. Les tensions géopolitiques, la crise sécuritaire persistante à l’Est du pays, et les crises internes liées à la gestion de la corruption et des réformes sociales ont limité l’impact de ces choix.
Face aux crises multiples, comme la guerre du M23, les tensions avec son prédécesseur Joseph Kabila, ou les pressions internationales sur les droits humains, Tshisekedi a tout de même su faire preuve d’une adaptabilité remarquable. Il a ajusté ses priorités en fonction des circonstances changeantes, bien que cela ait parfois été perçu comme une gestion instinctive. Cette capacité à réagir rapidement, même si elle a parfois pris une forme improvisée, a permis de maintenir une relative stabilité politique dans un contexte particulièrement très volatile.
Pour l’analyste politique Lucien Ndinga, « Les décisions de Tshisekedi, notamment la création de l’Union sacrée, montrent une véritable volonté de rassembler le pays. Cependant, sa gestion de certaines crises, comme le M23 ou la pression internationale sur les droits humains, semble manquer parfois de vision à long terme, et c’est là que la dualité entre stratégie et instinct devient évidente. »
Les critiques sont partagées. Certains, comme ceux du Center for Strategic and International Studies (CSIS), saluent la vision stratégique de Tshisekedi pour intégrer la RDC dans des cadres régionaux et mondiaux, notamment via l’EAC et les partenariats avec les États-Unis. « Ce sont des choix stratégiques qui, à long terme, pourraient rendre la RDC plus stable et mieux insérée dans le concert des nations », commente Rose Mukalay, analyste au CSIS. Mais d’autres, comme ceux de l’organisation Democracy in Africa, estiment que ses réponses aux crises oscillent trop souvent entre action militaire et diplomatie sans plan clair, suggérant une gestion instinctive plus que stratégique. « Les réactions de Tshisekedi, bien qu’efficaces dans l’immédiat, laissent parfois à désirer lorsqu’il s’agit de planifier une vision à plus long terme », ajoute Omar Kambale, chercheur en gouvernance à Kalemie.
Cette dualité, entre stratégie affirmée et gestion réactive, illustre la complexité de gouverner la RDC. Dans un pays où les crises sont omniprésentes et où les impératifs internes et externes sont souvent contradictoires, la capacité à alterner entre planification stratégique et réponse immédiate est une compétence essentielle. Tshisekedi semble comprendre que la RDC, avec son histoire mouvementée, nécessite un leadership capable de jongler entre ces deux aspects pour maintenir un équilibre fragile.
Un leader hybride face à l’avenir
Félix Tshisekedi se trouve confronté à des défis titanesques : conflits armés persistants, rivalités politiques internes, pressions internationales croissantes, et des attentes sociales qui ne cessent d’augmenter. Dans ce contexte, il est contraint d’adopter une combinaison de stratégies long terme et d’adaptations immédiates aux crises. Ses succès, comme la consolidation de l’Union sacrée de la nation, l’ouverture vers la Communauté de l’Afrique de l’Est, les réformes économiques et les efforts diplomatiques tels que le cessez-le-feu avec le M23, témoignent de sa capacité à penser à long terme.
« Ce que Tshisekedi réussit à faire, c’est de concilier des objectifs de développement à long terme avec les impératifs de stabilité immédiate », explique Jean-Luc Mwepu, spécialiste en stratégie politique. « Son agilité politique et sa capacité à s’adapter aux crises sont des qualités essentielles dans un pays comme la RDC. »
Cependant, ses ajustements face aux crises ont parfois été perçus comme des réactions plus instinctives que stratégiques. La rupture avec le président rwandais Paul Kagame, la prudence vis-à-vis de son ancien allié Vital Kamerhe, ou encore ses réponses face aux critiques internationales sur les droits humains montrent une capacité à ajuster ses positions avec une certaine approche pragmatique. Ces décisions, bien que parfois motivées par des impératifs immédiats, révèlent aussi une agilité politique rare dans des contextes aussi complexes que ceux rencontrés par la RDC. Mais ces ajustements ne sont pas toujours synonymes de succès. En particulier, la gestion de la crise à l’Est, qui dure depuis des années, continue de poser des questions sur la capacité de Tshisekedi à traduire ses ambitions en résultats concrets.
« Il est évident que Tshisekedi veut réformer la RDC, mais la mise en œuvre des réformes sociales et sécuritaires reste le grand défi », souligne Sylvia Vola, experte en géopolitique. « Sa gestion des crises n’est pas toujours optimale, et cela a des répercussions sur sa popularité et son efficacité. »
À l’heure où la RDC fait face à des défis croissants, notamment la persistance des conflits dans l’Est, les tensions géopolitiques avec ses voisins, et les attentes d’une population en quête de progrès, Tshisekedi devra transformer ses initiatives en résultats tangibles. Les efforts pour maintenir l’attention internationale sur ses actions seront cruciaux, à la fois pour renforcer sa légitimité et préparer son héritage. En dépit des critiques, il apparaît clairement que le président congolais incarne un leadership hybride, capable de naviguer entre stratégie à long terme et gestion instinctive des crises. Dans un des environnements politiques les plus exigeants au monde, cette combinaison semble être une nécessité, bien plus qu’une option.
Heshima Magazine
You may like
Nation
RDC : les mouvements citoyens LUCHA et Filimbi sont-ils en perte de vitesse ?
Published
14 heures agoon
mai 15, 2025By
La redaction
Véritables porte-étendards des manifestations citoyennes lors de la dernière décennie en République démocratique du Congo (RDC), les mouvements Lutte pour le changement (LUCHA) et Filimbi, qui signifie « coup de sifflet » en swahili, semblent perdre leur cadence depuis le changement de régime politique à la tête du pays. Pourtant, malgré le départ de Joseph Kabila du pouvoir, les défis sociaux et sécuritaires demeurent. L’occupation de certaines villes du pays par les rebelles du Mouvement du 23 mars (M23) a affecté les activités de ces mouvements.
Engagés pour la démocratie, la justice sociale et la bonne gouvernance, les deux mouvements se sont montrés comme des acteurs influents de la société civile lors de la dernière décennie. Fondée en 2012, la LUCHA rassemble plusieurs centaines de jeunes à travers le pays, mais le mouvement a beaucoup fait parler de lui dans les villes de Goma, Beni, Butembo, Lubero et Kinshasa. Malgré les défis sécuritaires et politiques, leur présence et leur action témoignent de leur résilience et de leur détermination à défendre les droits des Congolais.
Cependant, il faut reconnaître que depuis la fin du régime de l’ancien président de la République Joseph Kabila, les actions de ces mouvements ont baissé d’intensité. « Ils avaient focalisé leurs actions notamment sur le départ du pouvoir de Joseph Kabila. Après avoir atteint cet objectif, le reste des actions de la LUCHA et Filimbi n’a pas eu un grand impact », explique un analyste sur les dynamiques politiques en RDC.
LUCHA : un engagement constant pour la démocratie
La LUCHA continue de défendre la dignité humaine, la justice sociale et la démocratie par des actions non violentes. Le mouvement reste actif dans plusieurs provinces, notamment au Nord-Kivu, où il soutient les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) et dénonce les violations des droits humains commises par les groupes armés, y compris le M23 soutenu par le Rwanda. Elle n’hésite pas également à critiquer la gouvernance du président Félix Tshisekedi, l’accusant de renforcer un système autoritaire et de ne pas améliorer les conditions de vie des Congolais.
Dialogue entre Kinshasa et AFC/M23, la LUCHA se positionne
Pour continuer à marquer sa présence dans le débat public, la LUCHA a livré sa position au sujet du dialogue entre le gouvernement congolais et les rebelles de l’AFC/M23, qui se tient à Doha, capitale du Qatar. « Nous tenons à mettre en garde contre des ‘‘accords de paix’’ récompensant les criminels au détriment des victimes, démantelant davantage les services de sécurité et compromettant les principes démocratiques », peut-on lire dans sa déclaration du 24 avril 2025. Ce mouvement se dit donc prêt à s’opposer à tout accord de paix qui viendrait consacrer « une amnistie générale » pour tous les responsables des crimes graves, une « intégration collective » des rebelles au sein de l’armée nationale ainsi qu’une représentation des rebelles au sein des instances politiques du pays.
Filimbi, un mouvement né de la colère socio-politique
Le mouvement citoyen Filimbi, dont le nom signifie « coup de sifflet » en swahili, est né le 15 mars 2015 à Kinshasa. Cette structure a été fondée par des jeunes Congolais issus de divers horizons professionnels, dont Floribert Anzuluni, un banquier, Franck Otete, un médecin, et Yangu Kiakwama Kia Kizi, un licencié en droit. Le lancement officiel a été marqué par une conférence de presse à laquelle ont assisté des représentants de mouvements tels que « Y’en a marre » (Sénégal), « Balai Citoyen » (Burkina Faso) et La Lucha (RDC). Trois des fondateurs de ce mouvement ont été exilés en Europe, après s’être cachés pendant plusieurs semaines à Kinshasa pour fuir la répression organisée par le régime de Joseph Kabila. Parmi eux figurait Floribert Anzuluni. Le jour même de son lancement, une quarantaine de personnes présentes à la conférence ont été enlevées par des militaires, dont certaines ne seront libérées que dix-huit mois plus tard. Les fondateurs ont été accusés de « terrorisme » et de vouloir préparer une insurrection violente, bien qu’ils se revendiquent résolument de la non-violence et du respect du cadre légal.
Cofondé par Carbone Beni, Filimbi agit comme un des acteurs clés de la société civile. Ce mouvement se positionne comme une structure non partisane et non violente, visant à stimuler la participation citoyenne, en particulier des jeunes, afin d’améliorer les conditions de vie en influençant les décisions des autorités. Le nom « Filimbi » symbolise un appel à la mobilisation et à la vigilance face aux injustices.
Fred Bauma et Yves Makwambala, des visages devenus iconiques
Toujours en 2015, le jour du lancement de ce mouvement, Fred Bauma et Yves Makwambala, membres de Filimbi, ont été arrêtés lors d’un atelier organisé pour le lancement du mouvement. Ils ont été inculpés de complot contre le chef de l’État et de tentative de destruction ou de changement du régime constitutionnel. Un rapport d’enquête parlementaire a conclu que les militants de Filimbi n’avaient aucune visée terroriste. Malgré cette intervention du parlement, leur procès s’est finalement ouvert le 26 juin de la même année. La justice a repris les mêmes griefs, notamment celui d’avoir comploté contre la vie ou contre la personne du chef de l’État ; d’avoir tenté de détruire ou de changer le régime constitutionnel ; ou d’avoir incité des personnes à s’armer contre l’autorité de l’État. Les autorités ont aussi accusé Fred Bauma d’avoir troublé l’ordre public, et Yves d’avoir publiquement offensé le chef de l’État.
En décembre 2016, Carbone Beni, un des leaders du mouvement, a été arrêté lors de la mobilisation contre le maintien au pouvoir de Joseph Kabila après la fin de son mandat constitutionnel en décembre 2016. Il a été détenu pendant plus de neuf mois avant d’être condamné à douze mois de prison pour « atteinte à la sûreté intérieure de l’État », « offense au chef de l’État » et « publication et distribution d’écrits subversifs ».
Tshisekedi réchauffe ces mouvements avec le débat sur la Constitution
Comme la LUCHA, Filimbi va perdre son influence après la fin de ce combat politique, consacré par le départ du pouvoir de Joseph Kabila le 24 janvier 2019. Mais Félix Tshisekedi va redonner de l’eau au moulin de ces mouvements en relançant le débat sur la modification ou le changement de la Constitution en octobre 2024. En décembre de la même année, le mouvement s’est opposé fermement à toute modification de la Constitution, dénonçant une tentative de coup d’État masqué et appelant le gouvernement à se concentrer sur les priorités urgentes telles que la sécurité et le bien-être des Congolais. « Nous ne nous laisserons pas faire. Nous sommes prêts à défendre notre Constitution, qui est le fruit de longues luttes et de nombreux sacrifices », avait déclaré Christophe Muyisa, cadre de Filimbi à Goma.
Depuis l’occupation de Goma et de Bukavu par les rebelles du M23, les deux mouvements font face à des menaces, notamment à Goma, où la LUCHA a été explicitement menacée par des partisans de l’AFC/M23, soulignant la pression exercée sur les voix critiques par ces rebelles.
Depuis l’alternance pacifique, Filimbi mène diverses actions, telles que des campagnes de sensibilisation contre l’incivisme, des initiatives d’assainissement urbain, des formations sur la gestion de l’environnement et des mobilisations contre les dépenses publiques excessives. Ce mouvement se consacre maintenant à un autre combat : celui de la réduction significative des dépenses publiques, estimant que 70 % du budget national est consacré au fonctionnement des institutions, au détriment des secteurs essentiels comme l’éducation, la santé et la sécurité. Le mouvement organise des formations pour sensibiliser la jeunesse à la gestion de l’environnement, illustrant ainsi son engagement pour un développement durable.
Heshima
Nation
La Cour constitutionnelle en RDC : arbitre impartial ou relais du pouvoir ?
Published
19 heures agoon
mai 15, 2025By
La redaction
Dans une République démocratique du Congo (RDC) encore hantée par ses démons institutionnels, la Cour constitutionnelle cristallise à la fois les espoirs d’une démocratie en construction et les soupçons persistants d’un pouvoir sans contrepoids. Théoriquement investie du rôle de gardienne de la Constitution et d’arbitre des contentieux électoraux, cette haute juridiction se trouve au cœur d’une interrogation essentielle : défend-elle réellement l’État de droit ou s’est-elle muée, avec le temps, en auxiliaire de l’exécutif ?
L’origine de la Cour remonte à un tournant historique : l’adoption de la Constitution du 18 février 2006, fruit des accords de paix de Pretoria qui mirent un terme à la seconde guerre du Congo. Plus de cinq millions de morts, des institutions à rebâtir, et la promesse d’un nouvel ordre constitutionnel. L’article 157 crée alors une Cour constitutionnelle distincte, censée rompre avec les pratiques d’une justice inféodée, héritée de l’époque coloniale et prolongée sous le régime Mobutu.
À cette époque, le contrôle de constitutionnalité était confié à la Cour suprême, perçue comme une simple caisse de résonance du pouvoir en place. « Sous Mobutu, elle ne faisait qu’entériner les décisions de l’exécutif », résume Me Thierry Nlandu, avocat et constitutionnaliste. L’effondrement du régime en 1997, suivi d’une transition chaotique, met en lumière la nécessité d’un véritable contre-pouvoir judiciaire.
Mais il faudra attendre sept longues années pour que la Cour devienne réellement opérationnelle. Ce n’est qu’en 2013 qu’elle commence à exercer ses fonctions, révélant les résistances politiques à sa mise en œuvre. « Ce délai anormal témoigne de la méfiance des élites politiques face à toute forme de contrôle institutionnel », analyse le politologue Christian Moleka. Entre-temps, la Cour suprême a continué de trancher les litiges électoraux, notamment en 2006 et 2011 dans un climat de fortes contestations.
Alors que le pays s’avance vers de nouvelles échéances électorales, la Cour demeure sous étroite surveillance. Sur le papier, elle incarne l’équilibre des pouvoirs. Dans les faits, son indépendance continue de diviser.
Un mandat taillé pour l’exécutif ?
Neuf juges, neuf ans de mandat, un renouvellement par tiers tous les trois ans : la Cour constitutionnelle de la République démocratique du Congo affiche, sur le papier, tous les attributs d’une institution indépendante et pérenne. Sa composition tripartite, trois membres nommés par le président de la République, trois par le Parlement en Congrès, trois par le Conseil supérieur de la magistrature, semble garantir un savant équilibre des pouvoirs. La Constitution renforce cette exigence d’expertise en imposant que six des neuf juges soient des juristes chevronnés, dotés d’au moins quinze ans d’expérience.
Pourtant, derrière cette architecture juridique soigneusement calibrée, la réalité institutionnelle révèle des fissures préoccupantes. « Le système congolais de nomination des juges constitutionnels présente une faille majeure : le président conserve un pouvoir de validation finale excessif », analyse Bob Kabamba, professeur de sciences politiques à l’Université de Liège. Un constat partagé par de nombreux observateurs dans un pays où l’exécutif exerce traditionnellement une influence déterminante sur le législatif et où le Conseil supérieur de la magistrature peine à affirmer son autonomie.
Les nominations controversées de 2020 ont mis en lumière ces fragilités structurelles. Quand le président Félix Tshisekedi désigne 3 nouveaux juges Dieudonné Kaluba Dibwa, ancien avocat de la République auprès de la CPI, Alphonsine Kalume Asengo Cheusi et Kamula Badibanga, la réaction ne se fait pas attendre. L’opposition dénonce une « mainmise déguisée » sur l’institution, tandis que des manifestations spontanées, bien que très minimes, éclatent dans la capitale. « Ces nominations respectent strictement la Constitution », se défend l’entourage présidentiel. Un argument qui peine à convaincre sur le terrain politique, tant Kaluba est soupçonné d’être proche de Tshisekedi.
Le piège du renouvellement échelonné
Le système de renouvellement par tiers, conçu pour assurer une sage continuité, révèle ses limites dans la pratique. Retards chroniques dans les remplacements, marchandages politiques opaques, sièges laissés vacants : chaque cycle de nomination devient l’occasion de nouvelles batailles d’influence qui grèvent la crédibilité de l’institution.
Des contentieux électoraux aux décisions controversées
L’ère pré-Constitutionnelle de la justice électorale en RDC reste marquée par des décisions qui continuent de hanter la mémoire collective. Avant l’opérationnalisation de la Cour constitutionnelle, c’est la Cour suprême de justice qui endossait le rôle d’arbitre électoral, avec des verdicts lourds de conséquences.
L’élection présidentielle de 2006, censée tourner la page des conflits, a révélé les failles du système. Lorsque Joseph Kabila est déclaré vainqueur face à Jean-Pierre Bemba avec 58% des voix, les contestations éclatent immédiatement. Le challenger dénonce des irrégularités massives dans le processus de dépouillement. Pourtant, la Cour suprême valide les résultats en un temps record, sans véritable examen des preuves avancées. « C’était une mascarade judiciaire », confie encore aujourd’hui un ancien collaborateur de Bemba, sous couvert d’anonymat.
Cinq ans plus tard, le scénario se répète avec une intensité accrue. Le face-à-face entre Kabila et Étienne Tshisekedi donne lieu à l’un des scrutins les plus controversés de l’histoire du pays. Malgré les rapports accablants des observateurs internationaux, l’Union européenne parlant de résultats « non crédibles », le Centre Carter dénonçant un processus « dépourvu de transparence », la Cour suprême confirme une nouvelle fois la victoire du sortant. Les violences qui s’ensuivent à Kinshasa et dans d’autres régions marquent durablement les esprits et sonnent le glas de la crédibilité de l’institution.
Ces épisodes douloureux ont pesé comme une chape de plomb sur les épaules de la nouvelle Cour constitutionnelle lors de sa mise en service en 2013. « Nous héritions d’une défiance systémique envers la justice électorale », reconnaît un ancien membre de l’institution. La tâche était immense : il fallait à la fois se démarquer des pratiques passées et imposer une nouvelle culture de l’indépendance judiciaire dans un paysage politique encore marqué par les réflexes autoritaires.
2018 : La Cour constitutionnelle face au test décisif
L’élection présidentielle de décembre 2018 devint le banc d’essai tant redouté pour la jeune Cour constitutionnelle. Après des années de reports sous Joseph Kabila, ce scrutin historique opposait trois figures emblématiques : Félix Tshisekedi, héritier politique de l’opposant historique Étienne Tshisekedi ; Martin Fayulu, candidat d’une coalition hétéroclite ; et Emmanuel Shadary, dauphin de Kabila.
La proclamation des résultats par la CENI le 10 janvier 2019 déclencha une onde de choc. Alors que Tshisekedi est annoncé vainqueur avec 38,57% des voix, des fuites publiées par le Financial Times révèlent des chiffres radicalement différents, allant jusqu’à attribuer près de 60% des suffrages à Fayulu.
Fayulu saisit immédiatement la Cour constitutionnelle, dénonçant un « coup d’État électoral » et exigeant un recomptage complet. Le 20 janvier, après dix jours d’audiences tendues, la Cour rendit sa décision. D’une voix ferme, elle rejeta toutes les requêtes de Fayulu, validant l’élection de Tshisekedi. Le verdict, rédigé dans un jargon juridique impeccable, ne parvint pas à masquer le malaise ambiant. Dans les coulisses, des sources judiciaires confièrent à Jeune Afrique que plusieurs juges avaient exprimé des réserves, mais s’étaient finalement rangés à l’avis majoritaire.
Bien qu’il y ait eu des scènes de liesse parmi la population congolaise à la suite de la confirmation de la victoire de Félix Tshisekedi, l’onde de choc de cette décision s’est propagée bien au-delà des frontières congolaises. Tandis que Fayulu qualifiait la Cour d’« instrument de légitimation d’une mascarade », certains partenaires internationaux ont adopté une position ambiguë, reconnaissant officiellement la victoire de Tshisekedi tout en exprimant des « préoccupations sérieuses ».
L’ombre de 2018 continue de planer sur la Cour constitutionnelle. Si l’institution a depuis rendu d’autres arrêts notables, c’est bien ce jugement qui reste gravé dans la mémoire collective comme son heure de vérité, ou son occasion manquée. Alors que le pays s’achemine vers de nouvelles échéances électorales, nombreux sont ceux qui s’interrogent : la Cour saura-t-elle tirer les leçons de ce passé récent, ou reproduira-t-elle les mêmes schémas qui ont entaché sa crédibilité ?
2023 : La Cour constitutionnelle face au paradoxe de la légitimité
Le dernier scrutin présidentiel de décembre 2023 a placé la Cour constitutionnelle face à un dilemme familier. La réélection de Félix Tshisekedi, avec un score sans appel (73,47 %) face à Moïse Katumbi (18 %) et Martin Fayulu (4,9 %), a ravivé le débat sur le rôle de l’institution dans la validation des processus électoraux.
Le jour du scrutin, certains bureaux de vote n’ont pas ouvert à l’heure et de nombreux électeurs ont peiné à retrouver leurs noms sur les listes. En réponse, la CENI a prolongé le vote sur plusieurs jours dans certaines circonscriptions, une décision vivement critiquée par des missions d’observation.
Félix Tshisekedi est déclaré vainqueur de l’élection présidentielle avec plus de 73 % des suffrages, distançant largement ses principaux concurrents, Moïse Katumbi et Martin Fayulu.
Lorsque Théodore Ngoy, un candidat marginal, dépose un recours détaillant des irrégularités, la Cour adopte une position nuancée. Tout en reconnaissant la réalité de certaines anomalies, elle estime dans son arrêt du 9 janvier 2024 que celles-ci n’étaient pas « d’une ampleur susceptible d’influer sur l’issue globale du scrutin ».
Cette décision en demi-teinte n’a pas convaincu l’opposition. Le boycott judiciaire de Katumbi témoigne de la défiance ambiante : « Plutôt que de recourir à une Cour complice, nous choisissons de dénoncer par d’autres moyens », déclare-t-il à RFI, dans un cinglant désaveu de l’institution.
Cependant, contrairement à 2018, la Cour a fait des efforts notables de transparence. Son jugement de 2023 s’appuie sur un dispositif argumenté détaillant méthodiquement chaque grief, citant les rapports d’observation et fournissant des analyses statistiques. « C’est une évolution positive dans la forme, même si le fond reste discutable », admet un expert électoral sous couvert d’anonymat.
Toutefois, cette victoire écrasante, bien que marquée par des irrégularités localisées relevées par les observateurs, n’a pas suscité de contestation majeure quant à la légitimité du résultat final. Les missions d’observation, tant nationales qu’internationales, y compris le monitoring conjoint de la CENCO et de l’ECC, ont certes signalé des cas de bourrages d’urnes et des dysfonctionnements organisationnels, mais sans remettre en cause l’issue globale du scrutin. Aucune institution internationale ni capitale étrangère n’a émis de doute sérieux sur la proclamation du vainqueur, ni avancé de résultats alternatifs, confirmant ainsi une acceptation générale du verdict des urnes malgré les imperfections du processus.
Les défis dans le contexte des élections
Le rôle de la Cour constitutionnelle est central dans le traitement des recours électoraux. Pourtant, cette fonction se révèle problématique, notamment à cause des délais prolongés dans la prise de décision, de l’absence de transparence dans les délibérations, et du manque d’explications détaillées concernant les jugements rendus. Par exemple, lors des élections de 2011 et 2018, la Cour a été accusée de ne pas avoir pris en compte les préoccupations relatives aux fraudes électorales et aux irrégularités constatées durant le scrutin.
De plus, la Cour constitutionnelle est souvent accusée de manquer de l’indépendance nécessaire pour garantir une justice équitable. L’absence de diversité dans la composition de ses membres, et l’influence perçue du pouvoir exécutif, sont autant de facteurs qui renforcent la perception d’une institution partiellement alignée sur les intérêts politiques en place. Dans un contexte aussi chargé politiquement, les décisions de la Cour doivent impérativement être perçues comme transparentes et crédibles pour que la démocratie puisse se renforcer.
Nécessité d’une réforme
Face à ces multiples critiques, une réforme de la Cour constitutionnelle s’avère essentielle pour redonner confiance au peuple congolais. Plusieurs réformes sont envisagées pour renforcer l’indépendance et la transparence de cette institution. Parmi celles-ci, le renouvellement du mode de nomination des juges semble crucial. Actuellement, les membres de la Cour sont nommés par le Président de la République, ce qui suscite des inquiétudes quant à leur impartialité. Un processus de nomination plus inclusif, impliquant plusieurs institutions et acteurs de la société civile, pourrait garantir une plus grande légitimité.
Il est également nécessaire de revoir les processus décisionnels au sein de la Cour. La transparence des délibérations et la publication des motifs des décisions sont des mesures qui pourraient aider à apaiser les tensions et à renforcer la confiance du public. Lorsque la Cour rend une décision sur un recours électoral, il est crucial que celle-ci soit accompagnée d’explications claires et détaillées afin que la population comprenne les raisons qui ont conduit à un jugement spécifique, surtout lorsqu’il s’agit de résultats électoraux hautement contestés.
Rôle crucial dans la stabilité politique
Le rôle de la Cour constitutionnelle va au-delà de la simple validation des élections. Elle incarne également un gage de stabilité politique en période postélectorale, lorsque les tensions sont exacerbées et que les résultats sont remis en cause. Si la Cour prend des décisions éclairées et justifiées, elle peut contribuer à apaiser les tensions politiques et à éviter les dérives violentes qui ont marqué le passé du pays.
Cependant, cette fonction de régulateur de la vie politique n’est possible que si la Cour joue pleinement son rôle d’arbitre impartial. Si les décisions rendues sont perçues comme étant motivées par des intérêts politiques, cela risque d’aggraver les conflits et de déstabiliser davantage le pays. En ce sens, une réforme de la Cour constitutionnelle est une condition sine qua non pour renforcer l’état de droit en RDC et garantir un climat politique apaisé.
Vers une réforme nécessaire
La Cour constitutionnelle de la RDC doit se réinventer pour répondre aux attentes des Congolais et garantir le bon fonctionnement de la démocratie. Les réformes envisagées, tant au niveau de la composition de l’institution que de son fonctionnement interne, doivent permettre de restaurer sa crédibilité et son indépendance. Le renforcement de la transparence dans ses décisions et la promotion de l’intégrité de ses juges seront des éléments-clés pour assurer une justice électorale fiable.
En fin de compte, la confiance en la Cour constitutionnelle est essentielle pour la consolidation de la démocratie en RDC. C’est en garantissant l’indépendance de cette institution et en redonnant à ses décisions une légitimité incontestée que la RDC pourra espérer avancer sur la voie de la stabilité politique et du progrès démocratique. Les réformes de la Cour ne sont pas seulement une question de politique intérieure, mais une nécessité pour l’avenir du pays.
Heshima Magazine
Nation
Entre vitrine internationale et réalités locales, le pari risqué de « Visit DRC »
Published
2 jours agoon
mai 14, 2025By
La redaction
La République démocratique du Congo (RDC) cherche à renforcer sa visibilité internationale en s’associant à un club de football européen reconnu. L’affichage du nom de la RDC sur les maillots de l’AS Monaco lors des matchs officiels constitue un vecteur de promotion touristique et culturelle. Cependant, le pays de Félix Tshisekedi peine à réunir les prérequis pour un meilleur accueil des touristes. L’état des services aéroportuaires, le manque de sécurité, l’état impraticable du réseau routier et surtout l’insalubrité constituent des problèmes à résoudre avant de lancer un tel partenariat.
Le 10 mai, le ministre des Sports et Loisirs, Didier Budimbu, a signé un protocole d’accord avec Thiago Scuro, directeur général de l’AS Monaco, portant sur la promotion du football congolais et du tourisme. Ce contrat, d’une valeur de 1,6 million de dollars par saison, devrait concerner le développement du football congolais, avec un accent particulier sur le football. Il s’agit notamment de la formation d’entraîneurs, l’exécution de programmes de développement des jeunes talents, l’amélioration des infrastructures sportives et le renforcement des ligues locales. Une part du contrat est consacrée à la visibilité de la RDC à travers ce club de la principauté. Un autre aspect de cet accord est la contribution financière additionnelle de 200 000 euros prévue pour couvrir les frais de déplacement et de coordination de l’AS Monaco dans le cadre de ses interventions en RDC.
Sur le plan de la visibilité, le gouvernement tente d’imiter la politique rwandaise dur le tourisme avec Visit Rwanda. Une stratégie jugée mimétique par certains observateurs congolais, qui y voient une copie mal adaptée du modèle rwandais. « Ils veulent ‘‘Visit Congo’’ pendant qu’ici, routes, sécurité et aéroport sont à l’agonie. On vend une vitrine sans boutique, un rêve sans socle. Avant d’acheter des slogans, qu’on construise un pays. Sinon, c’est inviter au festin dans une maison en feu », a réagi un Congolais sur X. Beaucoup voient dans ce mimétisme du gouvernement une volonté de mettre la charrue avant les bœufs. « Ces touristes qu’on invite vont atterrir à l’aéroport de N’djili avec toutes les tracasseries qui caractérisent cette frontière ? Un travail d’image du pays devrait être fait en amont avant de signer de tels partenariats », a déclaré Sylvestre Kabongo, un analyste sportif. « Nous serons témoins de l’échec de ce partenariat. », ajoute un autre Congolais, estimant que le gouvernement devrait commencer par rendre le pays attractif avant d’inciter les touristes à venir visiter la RDC. L’insalubrité persistante, la corruption endémique et les embouteillages chroniques sont autant d’obstacles évoqués à ce projet de soft power.
De son côté, le gouvernement tente de tempérer. « Il ne s’agit pas forcément d’un contrat de visibilité mais plutôt d’un contrat de transfert de compétences pour l’amélioration du football en RDC et non Visit DRC », a déclaré une source citée par 7SUR7.CD.
Entre coopération sportive et image de marque

Ce partenariat s’inscrit dans une volonté de renforcer les relations entre la RDC et la France, en particulier dans le domaine du sport. Il ouvre la voie à de futures collaborations dans d’autres secteurs tels que l’éducation, la santé et la culture. Le succès de ce partenariat, selon certains, pourrait inciter d’autres clubs européens à collaborer avec la RDC, favorisant ainsi une diplomatie sportive active. Certaines sources au sein du ministère des Sports évoquent déjà des contacts avec des clubs espagnols majeurs comme le Real Madrid et le FC Barcelone. Avec ce partenariat, il est envisagé d’étendre ce type de projets sportifs à d’autres provinces de la RDC et de pérenniser les événements sportifs organisés.
Cette collaboration a été initiée par l’ancien international congolais Distel Zola, un ancien joueur de l’AS Monaco et fondateur de la Fondation « Bana Zola », qui œuvre en faveur des enfants défavorisés en RDC. En 2022, l’AS Monaco avait soutenu un tournoi de football organisé à Kinshasa, fournissant des tenues de match et du matériel sportif. Cet événement, soutenu par le Programme Alimentaire Mondial (PAM), visait à sensibiliser les jeunes à l’importance d’une alimentation équilibrée tout en leur offrant un moment d’évasion à travers le sport.
Une stratégie de marketing du Rwanda
Le Rwanda a établi des partenariats stratégiques avec plusieurs clubs de football européens dans le cadre de sa campagne de promotion touristique « Visit Rwanda ». Ces accords visent à renforcer la visibilité internationale du pays et à stimuler son secteur touristique. Depuis 2018, le Rwanda est le premier sponsor de la manche du maillot d’Arsenal, avec un contrat d’une valeur de 10 millions de livres sterling par an. Ce partenariat a été prolongé en 2021 pour quatre années supplémentaires. Il en est de même pour le club français du Paris Saint-Germain (PSG).
En août 2023, Kigali a signé un partenariat de cinq ans avec le Bayern Munich, axé sur le développement du football des jeunes et la promotion du tourisme. Ce partenariat comprend la création d’une académie de football FC Bayern au Rwanda. Début mai 2025, Kigali a conquis aussi l’Atletico Madrid, troisième club espagnol au classement actuel de la Liga.
Heshima
Trending
-
Nation3 semaines ago
RDC-USA : Kinshasa signe un accord historique pour la sécurité de ses minerais
-
International3 semaines ago
Élection du nouveau Pape : quelles chances pour les cardinaux africains ?
-
Nation1 semaine ago
RDC : qui est Christophe Bitasimwa, le nouveau visage de l’Inspection générale des finances ?
-
Nation4 semaines ago
De l’élite à la rébellion : le paradoxe congolais
-
International3 semaines ago
Conflits RDC-Rwanda : le dessous des cartes d’une désescalade rapide
-
Nation2 semaines ago
Deal RDC–USA : l’IGF, levier clé de la transparence exigée par Washington ?
-
Nation3 semaines ago
RDC : De Kasa-Vubu à Tshisekedi, l’éternel pari de l’union nationale
-
Nation3 semaines ago
L’AFC-M23 quitte les négociations à Doha, Washington appelle le Rwanda à retirer ses troupes de la RDC