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L’an un de Judith Suminwa : un bilan économique occulté par des revers sécuritaires

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En République démocratique du Congo (RDC), un an après l’investiture du gouvernement de la Première ministre Judith Suminwa Tuluku, l’heure du bilan a sonné. Si les chiffres réalisés dans le secteur économique sont encourageants, le domaine de la sécurité particulièrement dans l’Est du pays semble apporter une part d’ombre à ces efforts. Son bilan est donc marqué par des avancées notables dans certains secteurs et des défis persistants dans d’autres. Heshima Magazine fait un focus sur les points marquant cette gouvernance.

Première femme à occuper la fonction de première ministre depuis l’indépendance du pays, Judith Suminwa a totalisé une année à la tête de l’exécutif national. Le 11 juin 2024, lors de la présentation de son ambitieux programme du gouvernement à l’Assemblée nationale, elle avait promis d’agir sur 6 piliers : création d’emplois, sécurisation du pays, pouvoir d’achat, diversification de l’économie, amélioration des services de base ainsi qu’une plus grande efficacité des services publics. Prévues à 92 milliards de dollars en cinq ans, ce programme prévoit aussi de moderniser la Police nationale congolaise (PNC). Une année après, certains paramètres économiques sont encourageants, notamment la stabilité du taux de change, une inflation maîtrisée, les recettes de l’Etat de plus en plus en hausse et un budget national en constante augmentation malgré une loi de finances rectificative due aux réalités de la guerre dans l’Est du pays.

La Première ministre, elle-même, a reconnu depuis Kolwezi où elle séjournait que cette année passée au gouvernement est « marquée malheureusement par la guerre et les urgences humanitaires diverses » dans l’Est et une partie de l’Ouest du pays. Toutefois, elle souligne que pendant cette année, le franc congolais est resté stable, maintenu autour de 2 856 CDF/USD depuis août 2024. La solde des militaires et des policiers a été doublée, le pouvoir d’achat des Congolais est protégé et la RDC retrouve son influence sur la scène diplomatique mondiale. « Les Congolais tiennent debout, unis », a-t-elle ajouté dans un post sur son compte X. Lors du 47e conseil des ministres tenu à Kolwezi, dans la province du Lualaba, elle a vanté son bilan économique, le qualifiant de « positif ».

Un cadre macro-économique stabilisé !

Au sein de l’équipe Suminwa qui comprend 54 membres figure le ministre des Finances, Doudou Fwamba. Dès sa prise de fonction, le nouveau ministre avait déclaré la guerre à la dépréciation du franc congolais face aux devises étrangères. Cette monnaie nationale, en dépit de diverses mesures prises par les autorités, continuait de s’effondrer, entraînant une hausse des prix sur les marchés, notamment des produits de première nécessité. À son arrivée, Doudou Fwamba a promis d’inverser cette tendance par la « maîtrise du cadre macro-économique » ainsi que par la « stabilité du taux de change ». Une année après, le franc congolais est bien resté stable. Avant l’équipe Suminwa, le taux d’inflation en République démocratique du Congo connaissait des fluctuations importantes, mais depuis près d’une année, il semble y avoir une tendance à la baisse. En 2023, l’inflation était de 23,8 %. D’après le gouvernement, elle a été réduite de façon significative à moins de 10 %, avec une prévision à 7,8 % d’ici décembre 2025, grâce à une gestion rigoureuse des politiques monétaires et budgétaires.

Dans le lot des points positifs, Judith Suminwa a cité aussi la fixation du SMIG à 14 500 CDF à partir de mai 2025, avec un réajustement prévu à 21 500 CDF dès janvier 2026 et l’augmentation significative des réserves de change culminant à plus de 6 milliards de dollars.

Réformes des finances publiques

Sous le gouvernement Suminwa, l’administration des finances connaît des réformes. Le ministre des Finances a simplifié le système fiscal, il s’est concentré sur la réduction du train de vie des institutions bien que toujours budgétivores. Doudou Fwamba a aussi réduit les paiements en procédure d’urgence qui sont passés de 22% à 7%, en août 2024. Comme point positif, le gouvernement a également cité l’augmentation des crédits alloués à l’investissement, notamment pour les secteurs industriels, la mise en œuvre du processus de rationalisation de la parafiscalité, la diminution du prix du carburant à la pompe, la poursuite du programme de développement à la base des 145 territoires, la mise en œuvre du programme de gratuité de la maternité et de prise en charge des nouveau-nés dans le cadre de la couverture santé universelle, la consolidation de la gratuité de l’enseignement primaire, la réforme et la modernisation de la fonction publique.
Secteur de l’emploi bouge mais sans incidence majeure

Dans le secteur de l’emploi et entrepreneuriat, le gouvernement a lancé le projet Transforme pour autonomiser les femmes et les jeunes entrepreneurs. Ce projet a un financement de 300 millions USD avec pour objectif : formaliser, renforcer et financer 25 000 entrepreneurs, avec à terme 75 000 emplois directs attendus. À côté de ce projet Transforme, le gouvernement, à travers l’ARSP, a favorisé la signature de 1 385 contrats de sous-traitance pour un montant global de 2,045 milliards de dollars au profit de 786 Petites et moyennes entreprises (PME) congolaises. Cela a généré des milliers d’emplois directs et indirects dans les secteurs productifs.

Dans le secteur industriel, l’équipe de Judith Suminwa a injecté un financement spécifique de plus de 50,9 millions de dollars répartis entre plusieurs projets. Au Sud-Kivu, près de 9 millions de dollars ont été réservés pour relancer la production du sucre. À la Tshopo, la société SOTEXKI a bénéficié de 5,6 millions de dollars pour le textile, avec 410 emplois directs et 55 000 indirects. Toujours dans cette province, NEW CIMAIKO a eu 6,7 millions de dollars pour la production de ciment. Quant à TRIOMF RDC, le gouvernement a alloué 14 millions de dollars pour la production locale d’engrais chimiques. Dans le secteur minier, le gouvernement a soutenu la relance de la production du zinc à Likasi, dans le Haut-Katanga avec 1000 emplois directs.

Mais au niveau de la classe politique, les avis restent contrastés sur ce l’an un du Gouvernement Suminwa. Si l’opposition, à travers la coalition LAMUKA, évoque un échec dans plusieurs secteurs, la société civile, quant à elle, nuance ce bilan. « Il y a des avancées sur le plan macroéconomique et diplomatique, notamment dans la stabilisation du taux de change et la lutte pour la paix. Mais, sur l’emploi et la sécurité, les résultats restent modestes », a déclaré Jonas Tshiombela, coordonnateur de la Nouvelle société civile. Selon lui, l’objectif de 6,4 millions d’emplois d’ici 2028 reste ambitieux, mais le fossé entre les chiffres et l’impact réel se fait sentir.

Financement de la Couverture santé universelle

Depuis 2023, plus de 426 000 femmes ont été prises en charge depuis le début du programme de gratuité de la maternité initié dans le cadre de la Couverture santé universelle (CSU). Le gouvernement Suminwa se vante d’avoir assuré la continuité de ce programme bien qu’après son extension dans 14 provinces du pays, le projet a semblé s’essouffler sur le plan financier. Le gouvernement injecte 200 millions de dollars par an dont 42 millions uniquement pour la ville de Kinshasa, d’après les chiffres avancés par le ministre de la Santé Samuel-Roger Kamba. Le gouvernement a continué aussi de financer la construction de certaines infrastructures sanitaires dans ce secteur.

La sécurité, principal talon d’Achille du gouvernement

Si les indicateurs macro-économiques sont bons, ceux du secteur de la sécurité n’ont pas été fameux. Malgré le début depuis novembre 2021 de l’agression de la RDC par le Rwanda en soutien aux rebelles du Mouvement du 23 mars (M23), ce problème sécuritaire s’est gravement dégradé sous le gouvernement Suminwa. En janvier et février 2025, deux capitales des provinces du Nord et Sud-Kivu sont tombées aux mains de l’armée rwandaise et des rebelles de l’AFC/M23. Les villes de Goma et Bukavu continuent d’être occupées en dépit des budgets colossaux alloués aux services de sécurité ces dernières années.

En août 2022, le gouvernement avait doté les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) d’une ordonnance-loi portant programmation militaire. Cette loi, une première dans l’histoire de l’armée congolaise, intervient dans le cadre de la réforme de l’armée. Selon le gouvernement, cette loi constitue « un acte d’engagement de toute la Nation » afin de permettre à l’armée de développer ses capacités opérationnelles. Ce qui devrait permettre à la « grande muette » de faire face à l’insécurité et aux menaces émergentes multiformes. Véritable outil légal de planification des dépenses en matière militaire pour prévoir les investissements importants, cette loi devrait

servir à redynamiser l’armée congolaise. Cette loi prévoit d’ailleurs un budget cumulatif de 1,330 milliard de dollars pour une période de cinq ans, soit 266 millions de dollars par an.
En outre, cette loi intègre la formation et l’entraînement des troupes, les opérations de maintien de la paix, l’acquisition de matériels de guerre ainsi que le recrutement de soldats. Mais près de 3 ans après, les résultats se font toujours attendre. Dans l’intervalle, le budget de l’armée est passé de plus de 350 millions de dollars par an à près de 1 milliard de dollars par an, ce qui n’a malheureusement pas permis d’endiguer les multiples conflits dans l’Est.

L’armée peine encore à déloger des groupes armés tels que la Coopérative pour le développement du Congo (CODECO) en Ituri, et la Convention révolutionnaire populaire (CRP), un nouveau groupe armé allié au M23 créé par l’ancien seigneur de guerre Thomas Lubanga.
À l’international, cette année a également été marquée par une sanction prise par la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) contre le Rwanda, accusé de soutenir militairement les rebelles du M23 dans l’Est de la RDC. Cette sanction a provoqué le retrait du Rwanda de cette organisation, le pays accusant Kinshasa de « manipulation politique ».
Du côté de l’économie, le gouvernement Suminwa a également annoncé la mise en place d’un nouveau système de gestion des finances publiques, plus transparent et plus efficace, coûtant moins cher que le précédent.

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Grand Katanga : de l’ère Katumbi à la gouvernance décentralisée

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Le Grand Katanga, région emblématique de la République démocratique du Congo (RDC), demeure au cœur des dynamiques économiques, politiques et sociales du pays. Cette vaste étendue du sud-est congolais, riche en minerais stratégiques comme le cuivre et le cobalt, a traversé des mutations majeures au fil des décennies. Deux périodes distinctes marquent son histoire récente : l’ère Moïse Katumbi (2007-2015), caractérisée par un Katanga provincial unifié sous son gouvernorat, et la période actuelle, marquée par son démembrement en quatre provinces (Haut-Katanga, Lualaba, Haut-Lomami, Tanganyika) depuis 2015. Ces entités sont sous l’autorité de gouverneurs tels que Jacques Kyabula Katwe, Fifi Masuka Saini, Christian Kitungwa et Marmont Banza. Heshima Magazine propose une analyse comparative documentée de la gouvernance et du développement du Grand Katanga sous ces deux configurations.

Secteur minier : de la centralisation à la redistribution

Le secteur minier, pilier économique du Grand Katanga, cristallise les contrastes entre l’ère centralisée de Moïse Katumbi et les dynamiques actuelles, animées par une volonté de redistribution plus équilibrée. Sous Katumbi, la gestion des ressources était fortement concentrée à Lubumbashi, privilégiant les grands projets industriels portés par des multinationales comme Glencore (via Katanga Mining et Kamoto Copper Company) ou China Molybdenum (CMOC). Selon le rapport 2014 de l’Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives (ITIE-RDC), le Katanga assurait près de 50 % des exportations nationales de cuivre et de cobalt. Cette position stratégique avait attiré d’importants capitaux étrangers, mais suscitait des critiques récurrentes sur l’opacité entourant la gestion des contrats miniers. En 2015, Jeune Afrique évoquait « une opacité manifeste », nourrie par des soupçons de favoritisme envers certains partenaires économiques proches du gouverneur.

Aujourd’hui, la RDC s’est imposée comme le premier producteur mondial de cobalt, représentant environ 70 % de la production globale en 2023, et le deuxième pour le cuivre. CMOC, exploitant ses sites de Tenke Fungurume (TFM) et Kisanfu dans le Lualaba, a extrait 55 526 tonnes de cobalt en 2023, enregistrant une hausse spectaculaire de 174 % sur un an et consolidant sa position de leader mondial. Les dix principales sociétés minières opérant en RDC, majoritairement chinoises et occidentales, ont exporté la même année environ 2,17 millions de tonnes de cuivre.

Parallèlement, l’exploitation artisanale, qui pèse pour 10 à 20 % de la production nationale, demeure un acteur économique incontournable. Pourtant, ce segment reste marginalisé : entre 200 000 et 2 millions de personnes en dépendent sans bénéficier d’un encadrement structuré, révèle une enquête de Mongabay. Le contraste est saisissant entre les zones industrielles comme Kolwezi ou Fungurume, où les bénéfices sont captés par les majors, et les localités rurales telles que Manono ou Pweto, souvent délaissées.

Entre 2024 et 2025, malgré la croissance industrielle, de nouvelles tensions ont émergé. En février 2025, confrontées à une surproduction menaçant les cours mondiaux, les autorités congolaises ont temporairement suspendu les exportations de cobalt pendant quatre mois. Simultanément, des efforts de transparence ont été initiés sous l’égide de l’ITIE-RDC. Le code minier a été révisé pour augmenter les royalties, imposer la publication des bénéficiaires effectifs, et porter à 7 milliards USD le budget destiné aux infrastructures dans le cadre du contrat sino-congolais Sicomines, doublant ainsi le montant initial.

Cependant, la réforme engagée en 2018 tarde à produire des effets tangibles pour les petits exploitants. Il a fallu attendre 2024 pour qu’une première parcelle de 425 hectares soit attribuée à l’Entreprise générale du cobalt (EGC), une réponse insuffisante aux besoins réels de centaines de milliers de creuseurs artisanaux. Sur le terrain, les coopératives manquent de financement pour se mécaniser, et les conditions de travail restent souvent précaires, avec des risques sanitaires persistants liés à l’exposition aux radioéléments.

Depuis le démembrement du Katanga, des approches plus localisées ont vu le jour. Dans le Haut-Katanga, le gouverneur Jacques Kyabula a instauré des mécanismes de répartition des taxes minières en faveur des communautés locales, comme le rapporte Actualité.cd en mars 2024. À Lualaba, Fifi Masuka Saini a lancé des programmes d’encadrement des exploitants artisanaux, avec un appui direct du gouvernement provincial, selon Radio Okapi en juillet 2024. D’après un rapport du Congo Research Group (2023), ces initiatives ont permis d’intégrer progressivement les creuseurs artisanaux, responsables d’environ 20 % de la production de cobalt. Toutefois, l’exploitation illégale persiste, tout comme les conflits fonciers, alimentés par un flou persistant sur la répartition des droits.

Marie Kapinga, creuseuse artisanale à Kolwezi, témoigne : « Avant, on n’avait rien, juste des promesses. Aujourd’hui, avec les coopératives soutenues par le Lualaba, on reçoit des formations et un peu plus d’argent reste dans la province. Mais il faut encore plus de contrôle pour éviter les abus. »

Infrastructures : des symboles aux réseaux

L’ère Moïse Katumbi, à la tête du Katanga entre 2007 et 2015, s’était illustrée plus par des projets d’infrastructures à forte portée symbolique. « Katumbi construisait pour impressionner », observe Marie Chisela, urbaniste basée à Kalemie. « Les passerelles de Lubumbashi étaient magnifiques, mais nous, dans le Nord, nous attendions toujours l’asphaltage de nos routes principales. Cette inégalité territoriale créait des frustrations durables. » La modernisation du stade de la Kenya à Lubumbashi, les voiries rénovées dans certains quartiers centraux, ou certaines extensions de la couverture téléphonique, visaient à incarner une dynamique de modernisation. Toutefois, ces efforts restaient largement cantonnés aux centres urbains. Un rapport de la Banque mondiale publié en 2016 pointait un déséquilibre flagrant : sur plus de 225 000 kilomètres de routes recensés en RDC, seuls 3 000 sont bitumés et fonctionnels, avec une nette prédominance dans les zones métropolitaines. Les régions rurales telles que Dilolo ou Sakania demeuraient enclavées, entravant leur intégration économique régionale. S’ajoutaient des critiques récurrentes sur le manque de transparence dans l’attribution des marchés publics. En 2014, le site Voiceofcongo.net rapportait des soupçons de favoritisme et de clientélisme autour de certains contrats d’exécution.

Avec l’avènement d’une gouvernance décentralisée, la logique de développement s’est partiellement infléchie. Les investissements ont gagné en diversité et en ancrage territorial, accordant une attention accrue aux besoins locaux. Dans le Haut-Katanga, les routes secondaires reliant les zones agricoles aux centres de commerce ont été réhabilitées, facilitant l’écoulement des produits locaux. À Lualaba, l’accès à l’électricité s’est élargi grâce à l’extension du réseau de la SNEL vers des localités jusque-là marginalisées comme Fungurume. L’aéroport de Kolwezi, longtemps vétuste, a été partiellement modernisé pour améliorer la connectivité aérienne. Pendant ce temps, dans le Tanganyika, les autorités provinciales ont lancé plusieurs projets d’adduction d’eau en milieu rural, réduisant les distances parcourues quotidiennement pour l’accès à l’eau potable. Selon un rapport du PNUD publié en 2024, ces efforts ont eu un impact direct sur la qualité de vie des communautés ciblées.

Malgré ces initiatives, la coordination entre les provinces reste lacunaire. Faute de stratégie nationale cohérente, chaque entité agit selon ses priorités, au risque de créer des chevauchements ou des incohérences. « Les provinces travaillent chacune de leur côté, ce qui peut créer des doublons ou des incohérences », constate Pierre Molaj, analyste politique basé à Lubumbashi. Si les limites du système sont palpables, l’approche décentralisée offre néanmoins une souplesse et une réactivité contrastant avec la vision plus centralisée et symbolique de l’époque Katumbi.

Services sociaux : proximité et défis qualitatifs

Le démembrement provincial a profondément remodelé le paysage des services sociaux dans le Grand Katanga, touchant notamment la santé et l’éducation. Sous Moïse Katumbi, certaines infrastructures à Lubumbashi (hôpitaux et établissements scolaires) étaient visibles et partiellement modernisées, mais ces investissements peinaient à essaimer hors de la capitale provinciale. En 2013, RFI soulignait que les salaires des enseignants et du personnel soignant étaient souvent versés en retard, dégradant la qualité des services, et citait le témoignage de Thérèse Mbuyi sur le manque de personnel formé à Kamina.

Avec l’entrée en fonction des nouveaux gouverneurs, un virage vers une meilleure proximité s’est amorcé. Dans le Haut-Katanga, Jacques Kyabula a lancé en 2023 un vaste programme de recrutement d’enseignants, créant 1 500 postes supplémentaires pour répondre au besoin en personnel qualifié, une priorité relayée par Top Congo FM. À Lualaba, la gouverneure Fifi Masuka Saïni a placé le développement social au cœur de son plan quinquennal 2024–2028, doté de plus de 3 milliards USD, en multipliant les centres de santé communautaires, notamment à Mwanza Mpango où un nouvel hôpital moderne est en construction pour réduire les distances parcourues par les patients. Dans le Tanganyika, l’UNICEF, avec son partenaire Education Cannot Wait, soutient des bourses scolaires pour filles et l’aménagement d’infrastructures éducatives adaptées aux zones affectées par les conflits et les déplacements internes. Ce programme touche aujourd’hui 67 000 enfants, dont environ 32 000 filles et garçons déjà scolarisés, alors que la province compte 1,8 million d’enfants en âge de l’être.

Cette orientation marque un progrès concret, mais la qualité des services reste disparate selon les territoires. Les nouveaux établissements sont souvent dépourvus de matériel médical adéquat ou de manuels scolaires en nombre suffisant, comme le souligne le Dr Albert Tshibangu, médecin à Kalemie. Le Tanganyika illustre cette dualité : confronté à 45 % de population en insécurité alimentaire, le programme de cantines scolaires géré par le PAM et les communautés scolaires a mis en place des cultures locales (manioc, patate douce) destinées à nourrir plus de 23 700 élèves entre 2023 et 2025, mais les défis logistiques (routes, approvisionnement, recrutement d’enseignants) demeurent, note actualité cd en mai 2025.

En parallèle, au niveau national, le gouvernement a lancé en février-mars 2025 une opération de recrutement d’enseignants et directeurs scolaires à travers dix provinces (dont le Haut-Lomami), dans le cadre d’une réforme visant à professionnaliser le corps enseignant et améliorer la gouvernance des écoles publiques.

Ainsi, si des progrès palpables ont été réalisés en termes de proximité et d’effectifs, la qualité globale reste inégale, particulièrement dans les zones rurales ou fragilisées. Le principal défi des provinces réside désormais dans le renforcement des capacités logistiques, la fourniture d’un matériel adapté, et la stabilisation du personnel pour assurer un service social équitable, rompant ainsi avec l’ancien modèle centralisé de Katumbi.

Gouvernance et redevabilité : un cap exigeant

Sous Moïse Katumbi, la gouvernance, centrée sur sa figure charismatique, souffrait d’un déficit de redevabilité. Un rapport du Congo Research Group de 2015 évoquait des tensions constantes entre le gouverneur et l’Assemblée provinciale, une marginalisation de la société civile et un manque de transparence dans l’utilisation des fonds publics. Le Monde, en 2014, relayait des accusations de conflits d’intérêts liés aux affaires commerciales de Katumbi, tandis que Human Rights Watch documentait la fermeture d’espaces médiatiques et l’intimidation de voix critiques.

Depuis le démembrement, les provinces sont soumises à une exigence accrue de reddition des comptes. En 2024, dans le Haut Katanga, le gouverneur Jacques Kyabula a organisé des sessions publiques de présentation du budget provincial et rendu plus transparentes les sessions de l’Assemblée provinciale, notamment grâce au nouveau bâtiment inauguré en novembre, financé sur fonds propres. Cependant, la gestion des ressources continue de susciter des interrogations : en mars 2025, près d’une centaine d’anciens agents du gouvernorat ont saisi la justice pour réclamer des salaires et indemnités non versés depuis août 2024.

Dans la province de Haut-Lomami, le gouverneur a sollicité l’Inspection Générale des Finances (IGF) et la Cour des comptes pour auditer la gestion locale. En juillet 2024, il a invité leurs services à des contrôles réguliers et transparents lors de sa prise de fonction. Pourtant, un rapport de l’IGF datant de 2023 signalait toujours des irrégularités dans plusieurs provinces, notamment les transferts de salaires fictifs et la corruption institutionnalisée, représentant un manque à gagner estimé à ± 65 millions USD par mois selon certaines sources.

Autour de Lualaba et du Tanganyika, la gouvernance décentralisée a aussi intégré la société civile dans le contrôle des projets miniers et de développement. En 2025, Geopolismagazine.org soulignait la participation active des ONG locales dans le suivi budgétaire et environnemental à Lualaba, même si certains observateurs pointent une persistance de la corruption à l’échelle de l’exécutif provincial.

Selon Sophie Ngalula, activiste à Lubumbashi : « La décentralisation a rapproché les décisions des citoyens, mais la corruption reste un frein. » Les efforts en matière de transparence sont indéniables, mais la faiblesse des structures de contrôle, l’absence de sanctions dissuasives et les réseaux clientélistes demeurent des obstacles majeurs.

Le passage d’une gouvernance centralisée à un modèle provincial ouvert, impliquant Assemblées, citoyens, presse et institutions de contrôle, instaure une dynamique nouvelle. Si le modèle top down de Katumbi a progressivement cédé la place à une approche plus participative, son efficacité dépend désormais de la consolidation des mécanismes de reddition de comptes et de lutte contre la corruption, au-delà de la seule volonté politique.

Développement rural : une lente émergence

Le développement rural figurait peu parmi les priorités durant l’ère Katumbi, orientée vers l’industrialisation et les centres urbains. Pourtant, dès 2008, Moïse Katumbi avait encouragé la mise en culture de terres allouées aux entreprises minières, réduisant la dépendance aux importations alimentaires de 98 % à moins de 25 % en 2015. Toutefois, selon un article de la chaine allemande Deutsche Welle en 2015, les agriculteurs locaux continuaient de dépendre de l’aide humanitaire, notamment en raison du mauvais état des routes et du manque d’intrants.

Depuis le démembrement, un changement net s’esquisse. D’après le rapport 2025 de la FAO, un soutien de 4,5 millions USD destiné à dix communautés agricoles s’est traduit par l’introduction de semences améliorées, de pratiques agroforestières et de bio-pesticides, avec une première centaine de micro-entreprises agricoles en gestation. Dans le Haut-Lomami, un projet scientifique récent souligne la voie prometteuse d’une intensification durable de la culture du manioc, visant à renforcer la sécurité alimentaire locale.

À Tanganyika et Haut-Lomami, l’insécurité alimentaire reste préoccupante : environ 25 millions de Congolais sont aujourd’hui en situation de crise ou d’urgence alimentaire, et Tanganyika est la province la plus touchée, en raison des conflits, inondations et faibles investissements ruraux. Pour y remédier, des partenariats FAO/PAM soutiennent plusieurs milliers de petits exploitants (18 000 ménages) ciblés entre Kabalo et Nyunzu dans la reconstruction des filières agricoles, via un vaste programme de résilience.

Localement, des initiatives concrètes émergent. À Lualaba, les autorités provinciales s’appuient sur la mise en place d’entrepôts communautaires destinés aux producteurs, afin de réduire les pertes post-récolte et faciliter l’accès aux marchés, comme rapporté par le site congolais Ouragan.cd en 2024. Cette mesure, associée à des pistes rurales améliorées, a permis à des agriculteurs de la région de Kolwezi de transporter leurs récoltes vers les marchés urbains sans détérioration prématurée.

Cependant, l’impact de ces projets reste freiné par un manque de coordination au-delà des frontières provinciales, limitant le développement de chaînes de valeur régionales. Les infrastructures routières et les capacités de stockage restent insuffisantes, notamment faute d’entrepôts frigorifiques, et l’intensification agricole réclame un soutien accru.

Sécurité et cohésion sociale : un équilibre précaire

La sécurité demeure un enjeu critique dans les provinces du Grand Katanga, particulièrement au Tanganyika, où les affrontements entre communautés, notamment entre Twa et Bantous, ont causé plus de 1 400 morts et 650 000 déplacés entre 2013 et 2020. Pendant l’ère Katumbi, la réponse aux tensions reposait essentiellement sur la répression centralisée : un rapport de l’ONU de 2014 pointait un recours systématique aux forces policières et militaires plutôt qu’à des mécanismes de dialogue, une approche également observée dans la gestion des conflits communautaires dans l’est de la province depuis Lubumbashi.

Aujourd’hui, le gouverneur Christian Kitungwa Muteba, élu en avril 2024, prône une approche plus participative. Il a instauré des dialogues communautaires et des consultations civiques directes, comme en octobre 2024 lorsque les citoyens de Kalemie, confrontés à l’insécurité (embuscades, attaques de routes), ont été invités à co-construire avec les autorités provinciales des stratégies de sécurité. En septembre 2024, une réunion entre la province et l’USAID à Tanganyika a confirmé l’engagement des autorités à impliquer chaque habitant dans le processus de paix.

Pourtant, la menace des groupes armés persiste. Selon un rapport de la MONUSCO, plus de cent groupes armés sont encore présents dans l’est de la RDC, et dans le Tanganyika seulement, plus de 100 civils ont été tués récemment dans des violences intercommunautaires. Les milices communautaires, souvent formées localement, continuent de défier l’État et l’armée nationale (FARDC), appuyée par des bases telles que le camp de Kimbembe, peine à assurer une protection permanente.

Ainsi, bien que l’initiative de Kitungwa marque un pas vers la cohésion sociale par le dialogue et la participation citoyenne, l’insécurité armée et les conflits ethniques continuent de fragiliser cet équilibre. Le défi principal reste de transformer une stabilisation précaire en paix durable par une action conjointe plus structurée entre autorités provinciales, gouvernement central et institutions internationales.

Une dynamique en marche, mais encore incomplète

La gouvernance décentralisée du Grand Katanga a opéré une rupture avec l’approche centralisée de Moïse Katumbi, ouvrant la voie à un développement plus structuré et inclusif. Les progrès dans les infrastructures rurales, les services sociaux et la redevabilité témoignent d’une dynamique nouvelle, bien que des défis comme la corruption et la coordination interprovinciale persistent. L’ère Katumbi, malgré ses réalisations, souffrait d’une concentration excessive des bénéfices à Lubumbashi et d’une opacité dans la gestion. Pour l’avenir, le Grand Katanga devra renforcer la coopération entre ses provinces pour maximiser son potentiel, tout en consolidant les acquis de la décentralisation.

Cependant, plus de 15 ans après la mise en œuvre de la décentralisation, le développement des provinces tarde à se concrétiser pleinement. La crise institutionnelle au niveau des provinces est devenue récurrente, et les institutions provinciales sont parfois privées des moyens nécessaires pour mettre en œuvre leurs politiques. Certains estiment que cet échec relatif est dû à la mauvaise gestion et au non-respect des principes constitutionnels.

Il est donc impératif de placer la transparence, la responsabilité et la coordination entre les différentes entités administratives au premier plan. Ce n’est qu’en renforçant ces piliers que le Grand Katanga pourra réaliser son plein potentiel et offrir à ses citoyens un développement durable et équitable.

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RDC : un développement des provinces toujours à géométrie variable

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En République démocratique du Congo (RDC), la ville de Kolwezi a reçu la 12ème Conférence des gouverneurs des provinces. Malgré l’existence des instruments juridiques pour équilibrer leur gestion, toutes les provinces ne reçoivent toujours pas le même budget pour leur fonctionnement, ce qui déséquilibre le développement de ces entités. Le Lualaba et le Haut-Katanga semblent marquer le pas, laissant derrière eux le Haut-Lomami, le Sankuru, la Mongala et tant d’autres provinces moins nanties. La caisse de péréquation, conçue pour couvrir ces écarts, ne fonctionne plus depuis le dernier découpage territorial.

Seize ans après la décentralisation, les provinces ne sont pas toutes logées à la même enseigne. Lors de l’ouverture de la 12ème Conférence des gouverneurs, le 10 juin 2025 à Kolwezi, chef-lieu de la province du Lualaba, les gouverneurs ont adressé un mémorandum dans lequel ils insistent pour la mise en application de la Caisse nationale de péréquation. Si certaines provinces telles que le Lualaba et le Haut-Katanga ont hérité d’une activité minière florissante, d’autres parties du pays ne connaissent pas une attractivité économique susceptible de soutenir le développement de ces entités, bien qu’elles soient également dotées de ressources naturelles.

Pour essayer de renforcer le développement à la base, le président de la République, Félix Tshisekedi, avait initié le programme de développement local de 145 territoires (PDL-145T). Ce projet vise à améliorer le cadre de vie des populations rurales et à réduire la pauvreté et les inégalités sociales. Financé à hauteur d’environ 1,6 milliard de dollars, ce programme ambitieux vise à autonomiser les 145 territoires répartis dans les 26 provinces. Le gouvernement travaille également à renforcer la gouvernance locale et la planification du développement dans les provinces, avec l’appui du PNUD et d’autres partenaires locaux. Mais ce programme – encore inachevé – rencontre des défis notamment de financement. Lors de leurs précédentes résolutions, les gouverneurs ont notamment plaidé pour la rétrocession des 40 % dus aux provinces.

Etat des lieux des précédentes résolutions

Lors de la 11ème Conférence des gouverneurs organisée à Kalemie, dans la province du Tanganyika, ces responsables de provinces avaient formulé 68 recommandations. Elles visaient à améliorer la gestion publique dans leurs entités, à construire ou améliorer les infrastructures, à renforcer le financement et la fiscalité des provinces, à mieux gérer les risques locaux, à stabiliser les institutions provinciales et à accroître l’implication des exécutifs provinciaux dans le PDL-145T. Les gouverneurs avaient aussi recommandé de revoir le mode de scrutin pour l’élection des gouverneurs et des députés provinciaux, modifier les critères d’accession au pouvoir des administrateurs de territoires et des animateurs des entités territoriales décentralisées, assurer le paiement régulier des salaires des responsables politiques et des frais de fonctionnement des exécutifs provinciaux, et enfin achever les chantiers d’infrastructures du projet PDL-145T. Très peu de ces recommandations ont été mises en œuvre aussi bien du côté des gouverneurs que du gouvernement central. Félix Tshisekedi, lors de la clôture de ces assises, avait demandé au Secrétariat permanent de la Conférence des gouverneurs de province d’en assurer le suivi permanent.

Les gouverneurs insistent sur la Caisse de péréquation

Véritable outil d’équilibre entre les provinces nanties et les moins nanties, la Caisse nationale de péréquation (CNP) n’est toujours pas opérationnelle. Pourtant, la péréquation vise à atténuer les disparités de ressources entre provinces afin de favoriser une répartition plus équitable des charges et de garantir un niveau minimum de services publics, créant une solidarité nationale. Cette caisse était censée disposer d’un budget alimenté par le trésor public à concurrence de dix pour cent (10 %) de la totalité des recettes nationales revenant à l’État chaque année.
Prévue par la Constitution (article 181), la Caisse nationale de péréquation a été légalement créée en 2018 (Ordonnance n°18/037 du 24 novembre 2018), soit 10 ans après la promulgation de la Constitution. Malgré sa mise en œuvre, son fonctionnement continue à poser problème. Certains responsables provinciaux accusent le gouvernement central d’être à la base de ces retards et blocages politiques. « Le gouvernement central ne manifeste aucune volonté politique pour rendre opérationnelle la Caisse nationale de péréquation. C’est inadmissible que des provinces comme le Sankuru et le Maï-Ndombe continuent toujours de présenter un visage moyenâgeux alors qu’il y a une possibilité de suppléer ce manque de moyens », estime un élu provincial de Maï-Ndombe.
Lors de l’investiture du gouvernement de la Première ministre Judith Suminwa en 2024, les députés nationaux Ngoyi Kasanji et Paul Tshilumbu avaient dénoncé les difficultés de fonctionnement que connaissait la Caisse nationale de péréquation. Quelques jours plus tard, le président de l’Assemblée nationale, Vital Kamarhe, avait tenté de résoudre le problème en invitant le comité de gestion de la CNP à l’Assemblée nationale. « La Caisse ne bénéficie d’aucun financement du gouvernement », avait tranché le président de son conseil d’administration, Izato Nzege, ainsi que le Directeur général Coco-Jacques Mulongo Nzemba. Il était prévu que cette structure soit relancée dans le cadre du budget de l’exercice 2025. Mais ce budget a été voté, mais les gouverneurs ne voient toujours rien tomber dans leur escarcelle.

En juillet 2023, le Centre des recherches en finances publiques et développement local (CREFDL) avait dénoncé des « intérêts obscurs » qui freinaient le fonctionnement de cette caisse. Cette structure notait qu’après analyse technique de plus d’une centaine de documents relatifs à l’opérationnalisation de cette caisse, le bilan reste catastrophique, y compris sous le président Félix Tshisekedi. « Le bilan reste catastrophique. La CNP n’a jamais été redynamisée malgré la nomination de nouveaux animateurs. Sur 4,1 milliards USD alignés dans la loi de Finances (2019-2023) pour financer les investissements des provinces et ETD, le Trésor public n’a décaissé que 76 millions USD, soit 2,7 % », dénonçait CREFDL. Cette insuffisance de financement des provinces moins nanties combinée avec les difficultés de rétrocession de 40 % des recettes nationales aux provinces constitue des obstacles majeurs pour l’autonomie financière de ces entités.

Un développement à géométrie variable

L’absence de la Caisse nationale de péréquation et la rétrocession de 40 % effectuée à « dent de scie » ne permettent pas aux provinces d’avoir un même rythme de développement. Le Lualaba, qui a accueilli cette 12ème Conférence, a présenté 14 nouvelles infrastructures inaugurées par le chef de l’Etat, Félix Tshisekedi. Il s’agit de l’échangeur routier, de l’aérogare internationale de Kolwezi, une caserne anti-incendie, une salle de congrès de 1 500 places, des écoles publiques, des routes…

Avec une superficie bâtie de près de 10 000 mètres carrés, cette aérogare à 2 niveaux symbolise l’ouverture de Kolwezi au monde, selon Fifi Masuka, gouverneure du Lualaba. L’ouvrage intègre 2 ailes distinctes pour les vols domestiques, internationaux, des salons VIP, 2 bras satellitaires ainsi que d’autres commodités. Ce projet est conforme au standard de l’organisation de l’aviation civile internationale, précise Fifi Masuka, qui note également que ledit projet s’inscrit dans le cadre du programme d’investissement prioritaire 2024-2028 au travers du pilier 4 relatif aux infrastructures et à l’aménagement du territoire, sous l’axe 1 : infrastructure des transports.

Mais face à ce boom immobilier, d’autres chefs-lieux de provinces manquent même une simple piste d’aérodrome. A Lodja, dans le Sankuru, ce qui est présenté comme un aéroport laisse à désirer. L’ombre sous le feuillage des arbres est utilisée comme un lieu d’embarquement avec une piste presque en terre battue. Il y a un sérieux hiatus entre ce qui se fait à Kolwezi et ce qui s’observe à Lodja ou à Inongo. A Kinshasa, malgré l’avantage d’être une province-capitale, l’exécutif provincial peine aussi à mobiliser les ressources et se fait souvent assister financièrement par le gouvernement central. Lors de la première journée de la 12ème conférence des gouverneurs, le gouverneur Daniel Bumba a dressé un tableau contrasté de son propre programme « Kinshasa Ezo Bonga », un plan de développement chiffré à 10 milliards de dollars, aligné sur les trois initiatives et six engagements du quinquennat du président de la République. Il a vanté un plan global d’assainissement de la ville, la reconstruction de la voirie urbaine avec notamment la réhabilitation de 60 kilomètres de routes sur les 170 initialement prévus pour sortir Kinshasa de ses nombreux embouteillages.

Tant que la Caisse de péréquation et la rétrocession de 40 % ne seront pas totalement opérationnelles, le développement des provinces en RDC restera à géométrie variable. Plusieurs éléments confirment cette triste réalité, notamment les disparités économiques, l’inégalité des infrastructures, et les différences dans l’accès aux services sociaux de base, tels que les routes, les aéroports, les hôpitaux et les écoles publiques ou privées. Pour corriger cette situation, des politiques plus équitables de redistribution des ressources,

une véritable décentralisation, et des investissements ciblés dans les zones marginalisées seraient nécessaires.

Heshima

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Procès ou justice spectacle : retour sur les grands procès politiques et leurs implications judiciaires

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L’histoire de la République démocratique du Congo (RDC) est marquée par plusieurs procès politiques, souvent utilisés par les pouvoirs en place pour écarter des opposants, asseoir leur autorité ou répondre à des crises politiques. De Patrice Emery Lumumba à Moïse Katumbi ou Vital Kamerhe, les cas de politiciens poursuivis ou jugés sont nombreux. Retour sur des procès jugés politiques et leurs implications judiciaires.

Dans l’arène politique congolaise depuis l’indépendance, la justice est souvent utilisée pour régler des comptes à des adversaires politiques. Mais elle est aussi brandie par certains politiques comme un prétexte pour se soustraire à leurs obligations judiciaires après un abus ou une infraction, notamment de détournement des deniers publics. Depuis plus d’un mois, l’opinion congolaise assiste à un nouveau dossier impliquant le ministre d’Etat à la Justice et garde des Sceaux, Constant Mutamba. Ce dernier est soupçonné par le procureur général près la Cour de cassation, Firmin Mvonde, d’avoir détourné 19 millions de dollars destinés à la construction d’une prison à Kisangani, une ville du nord-est de la RDC. Mais, rapidement, le ministre de la Justice l’a perçu comme un procès politique, rejetant toute accusation de détournements. Constant Mutamba parle d’« acharnement » et de « complot politique ». Dans une correspondance consultée par Heshima Magazine, le ministre de la Justice annonce la récusation du procureur général près la Cour de cassation, Firmin Mvonde, qui le poursuit pour détournement. Il récuse également les magistrats placés sous son autorité. Pour l’heure, le procureur attend la réponse sur la demande d’autorisation des poursuites adressée à l’Assemblée nationale.

Dans l’histoire du pays, la justice et la politique sont longtemps perçues comme intimement liées. La justice semble influencée par le pouvoir politique. En effet, plusieurs politiciens ont été confrontés à la justice. Certains des procès ont été qualifiés de politiques car motivés par le souci d’écarter un adversaire gênant ou carrément de liquider des potentiels concurrents.

Procès non tenu de Patrice Lumumba (1960-1961)

Après l’indépendance en juin 1960, Patrice Emery Lumumba, premier Premier ministre du Congo indépendant, entre en conflit avec le président Joseph Kasa-Vubu et le chef de l’armée, Joseph-Désiré Mobutu. Après avoir échappé à la résidence surveillée et espérant rejoindre Stanleyville (actuelle Kisangani), son fief politique, Lumumba est battu par des soldats au camp militaire Hardy de Thysville (actuelle Mbanza-Ngungu) avant d’être transféré à Élisabethville (actuelle Lubumbashi) au Katanga, où il a été assassiné le 17 janvier 1961. Cette exécution extrajudiciaire sera perçue comme un assassinat politique. En 2021, le média belge RTBF n’hésite pas à qualifier cet assassinat de « crime politique avec des responsabilités belges ». L’élimination politique d’un dirigeant nationaliste orchestrée avec la complicité belge et américaine.

Procès du groupe de Pierre Mulele (1964-1968)

Pierre Mulele, ancien ministre de l’Éducation sous Patrice Lumumba, mène une insurrection maoïste, également appelée rébellion Simba ou muleliste. Plusieurs de ses partisans sont arrêtés et exécutés parfois sans procès. En exil, Mulele lui-même est trompé en revenant au pays en 1968. Il sera arrêté et torturé puis exécuté sans procès équitable. En réalité, il n’a même pas eu droit à un procès juridique au sens traditionnel du terme, mais plutôt à un procès politique suivi d’une exécution sommaire. Sa mort sera suivie d’une répression brutale d’une opposition idéologique au régime de Mobutu.

Procès des « Martyrs de la Pentecôte » (1966)

La pendaison en public de quatre acteurs politiques en 1966 sur ordre du président Mobutu fait partie des sentences et crimes judiciaires des plus inoubliables. Il s’agit de Jérôme Anany, ministre de la Défense dans le gouvernement de Cyrille Adoula ; Emmanuel Bamba, sénateur et dignitaire de l’Église kimbanguiste ; Évariste Kimba, Premier ministre jusqu’en novembre 1965 et Alexandre Mahamba, ministre des Affaires foncières dans le gouvernement de Cyrille Adoula. Les quatre acteurs étaient accusés de préparer un plan de destitution du président Mobutu et de son Premier ministre, le général Mulamba. Mobutu va signer le 30 juin une ordonnance-loi créant un tribunal militaire d’exception pour juger les quatre politiciens pour complot contre les institutions de l’Etat. Le jury est composé de trois officiers : le colonel Pierre Ingila, président, le colonel Ferdinand Malila, juge et le colonel Honoré Nkulufa, juge. Plus de 20 000 personnes sont conviées à assister à ce procès de visu où les quatre accusés comparaîtront ligotés et pieds nus. Dans un procès déséquilibré et dont le sort était déjà connu d’avance, les quatre « conjurés » vont être pendus en public sur le terrain où sera érigé plus tard le stade Kamanyola, débaptisé ensuite stade des Martyrs de la Pentecôte en référence à ces quatre martyrs. De nombreux observateurs ont vu dans ce procès une instrumentalisation de la justice pour consolider le pouvoir de Mobutu.

Le procès de Jean Nguza Karl-i-Bond (1977) : une purge sous Mobutu

En 1977, Jean Nguza Karl-i-Bond, ministre des Affaires étrangères et figure influente du régime de Mobutu Sese Seko, devient la cible d’un procès retentissant. Accusé de haute trahison pour son prétendu rôle dans l’invasion du Shaba par les gendarmes katangais et d’avoir tenté de séduire la première dame, il est arrêté en août 1977. Ces charges, largement considérées comme politiquement motivées, visent à neutraliser un rival perçu comme un possible successeur de Mobutu. Le 13 septembre 1977, un tribunal à Kinshasa, dans une mise en scène de justice spectacle, le condamne à mort. Deux jours plus tard, Mobutu commue sa peine en prison à vie, une décision qui reflète la stratégie du régime : punir pour intimider, mais préserver pour manipuler. Libéré en juillet 1978, Nguza est réintégré comme ministre des Affaires étrangères en 1979, puis nommé Premier ministre à deux reprises (1980-1981, 1991-1992), illustrant la volatilité des alliances sous Mobutu.
Durant son incarcération, Nguza subit des tortures brutales, y compris des sévices sexuels, qui le laissent physiquement diminué, selon des témoignages d’époque (Der Spiegel, 1977). Ce procès met en lumière l’instrumentalisation de la justice par Mobutu pour maintenir son emprise, éliminant les rivaux tout en renforçant son image de maître absolu. « C’était une leçon pour tous : Mobutu pouvait détruire ou gracier à sa guise », confie un ancien diplomate congolais. Ce cas, emblématique de l’arbitraire judiciaire, souligne les tensions ethniques – Nguza étant Lunda – et les luttes internes au sein de l’élite zaïroise. Il incarne une justice au service du pouvoir, une pratique récurrente dans l’histoire congolaise, où les tribunaux deviennent des arènes de règlements de comptes politiques.

Procès de Jean-Bertrand Ewanga (2014)

A l’époque, secrétaire général de l’Union pour la nation congolaise (UNC), la troisième force de l’opposition représentée au Parlement, Jean-Bertrand Ewanga avait été brutalement arrêté au lendemain d’un rassemblement de l’opposition tenu à la place Sainte Thérèse de N’djili, dans l’Est de Kinshasa. Il sera condamné à un an de prison ferme pour « outrage au chef de l’État », mais aussi au président du Sénat, de l’Assemblée nationale et du Premier ministre sans possibilité de faire appel. L’opposant se savait condamné d’avance dans ce procès que ses avocats qualifiaient déjà de politique et d’arbitraire. Avant la sentence, Jean-Bertrand Ewanaga savait déjà ce qui l’attendait. Dans sa prise de parole, il déclarera laconiquement aux juges : « Faites ce que vous devez faire et envoyez-moi à Makala, mais je ne cautionne pas cette parodie de justice ». Des ONG des droits de l’homme dénonceront également un « procès politique » intenté contre un opposant qui dérange.

Procès Katumbi, sous l’ère Joseph Kabila (2016-2019)

Après son départ de la majorité présidentielle fin 2014, Moïse Katumbi devient l’un de plus grands opposants au président de la République, Joseph Kabila. Il se positionne aussi comme un challenger politique pour la présidentielle qui devrait se tenir en 2016. L’homme sera poursuivi dans deux affaires différentes : spoliation d’un immeuble d’un sujet grec et recrutement des mercenaires étrangers. Dans le dossier des mercenaires, il était donc poursuivi pour « atteinte à la sûreté intérieure de l’Etat » avec six autres co-accusés dont un Américain. A Lubumbashi, ses partisans vont dénoncer un « procès politique » et un « acharnement » contre leur leader. Mais l’ancien gouverneur du Katanga sera contraint à l’exil. Officiellement, le procureur l’autorisera à quitter le pays pour aller se faire soigner à l’étranger. Dans l’entre-temps, Moise Katumbi sera condamné à 3 ans de prison ferme dans le premier dossier lié à la spoliation d’un immeuble appartenant à Alexandros Stoupis, un sujet grec. En exil à Bruxelles depuis plus de deux ans, l’ex-gouverneur du Katanga avait décidé en 2018 de revenir au pays pour déposer sa candidature à la présidentielle entre le 24 juillet et le 8 août 2018. En RDC, les autorités politiques préviennent qu’il doit toujours répondre de sa condamnation à trois ans de prison dans cette affaire d’immeuble dont il contestait d’ailleurs tout fondement. D’ailleurs, plus tard, après l’accession de Félix Tshisekedi au pouvoir, il a été innocenté dans les deux affaires. Ces procès ont été jugés comme « politiquement motivés » par de nombreuses ONG et organisations internationales. Selon ces organisations dont la Voix de sans voix (VSV), ces manœuvres judiciaires étaient une tentative d’écarter un opposant majeur avant les élections de 2018. Katumbi tentera un forcing en essayant de rentrer au pays par la frontière de la Zambie, sans succès.

Ernest Kyaviro, 17 mois de prison pour des infractions politiques (2015)

Cadre du RCD/KML, parti d’Antipas Mbusa Nyamwisi, l’ancien député Ernest Kyaviro avait purgé 17 mois de prison au Centre pénitencier et de rééducation de Makala à Kinshasa. Il avait été arrêté à Goma, au cours d’une manifestation initiée par l’opposition le 22 janvier 2015 contre le pouvoir de Joseph Kabila. Après son arrestation, il avait été transféré à Kinshasa, avant d’être condamné à 3 ans de prison pour « incitation à la désobéissance civile ». En appel, sa peine avait été réduite à 17 mois. En avril 2016, lors d’un constat du reporteur de Radio Okapi, l’homme purgeait sa peine dans l’hôpital pénitencier de Makala où il était retenu pour des raisons de santé. Il clamait toujours que son arrestation était politique. Dans un rapport publié quelques mois après, Dans un rapport publié jeudi 26 novembre, Amnesty International dénonce la répression qui l’ONG Amnesty International dénonçait une répression qui « s’abat sur la société civile et l’opposition en République démocratique du Congo ». Cette organisation de lutte pour les droits de l’homme critiquait une justice congolaise « instrumentalisée pour « réduire au silence ceux qui sont en désaccord avec l’idée d’un troisième mandat pour le président Kabila ».

Jean-Claude Muyambo, condamné pour « abus de confiance » (2015)

Arrêté en janvier 2015 dans la foulée des manifestations contre la modification de la loi électorale, l’ancien bâtonnier Jean-Claude Muyambo a été condamné à 5 ans de prison. Mais curieusement, lors du procès, les faits pour lesquels il a été arrêté ne seront pas évoqués. Le tribunal brandit plutôt un dossier d’abus de confiance et de stellionat dans le cadre d’une affaire d’immeuble appartenant toujours au même sujet grec (Alexandros Stoupis) qui avait fait condamner Moise Katumbi. Depuis son incarcération à la prison de Makala, il se plaignait de l’état de son pied gauche tuméfié à la suite du traitement qu’il aurait subi lors de son arrestation. Jean-Claude Muyambo sera finalement gracié après l’arrivée de Félix Tshisekedi au pouvoir en 2019, soit une année avant la fin de sa peine.

Christopher Ngoyi, un activiste derrière les barreaux (2015)

Militant de la société civile, Christopher Ngoyi Mutamba faisait partie des personnalités arrêtées en janvier 2015 lors des manifestations contre la modification de la loi électorale qui conditionnait l’organisation des élections de 2016 au recensement général de la population. Pour plusieurs de ses proches, Christopher Ngoyi n’était rien d’autre qu’un « prisonnier d’opinion ». Il sera libéré plus d’une année après au même moment que Fred Bauma et Yves Makwambala, deux activistes du mouvement citoyen Lutte pour le changement (LUCHA). Ils avaient été relâchés sur décision de la Cour Suprême de Justice, bénéficiant d’une « liberté provisoire » après 18 mois et 15 jours de détention sans procès. Officiellement, Christopher Ngoyi était accusé d’incendie volontaire, actes de pillage et incitation à la haine raciale.

Procès Franck Diongo (2016)

Jugé en procédure de flagrance pour séquestration de trois militaires de la Garde républicaine en marge d’une manifestation populaire contre le maintien de Joseph Kabila au pouvoir, l’opposant Franck Diongo a été condamné le 28 décembre 2016 à cinq ans de prison ferme. Les sympathisants du leader du Mouvement lumumbiste progressiste (MLP) avaient déployé devant la Cour suprême de justice à Kinshasa plusieurs banderoles avec ces inscriptions : « Libérez Franck Diongo », « Franck Diongo innocent », « Franck Diongo héros vivant », rapportait RFI lors du procès en révision de sa condamnation. Même des journalistes ont été interdits d’accéder dans la salle d’audience le jour de ce procès en révision de sa peine. Mais Franck Diongo ne sera libéré qu’en mars 2019 après la prise de pouvoir par Félix Tshisekedi.

Proche de Tshisekedi, Kamerhe devant la barre (2020)

A l’époque directeur de cabinet du président de la République, Félix Tshisekedi, Vital Kamarhe a été arrêté et emprisonné pour détournement de fonds publics dans le cadre du programme des “100 jours”. Ce programme d’urgence a été présenté comme une initiative visant à répondre aux besoins de la population et à apporter des changements positifs dès l’entame du mandat du président Félix Tshisekedi en 2019. Cependant, des accusations d’irrégularités, de corruption et d’utilisation abusive du pouvoir ont été formulées. Pour la première fois depuis l’indépendance du pays, un directeur de cabinet du chef de l’Etat en fonction est non seulement mis en cause par la justice mais aussi condamné. Certains y ont vu un signal fort contre la corruption, d’autres une lutte de pouvoir interne. Avec la mort soudaine du juge Raphaël Yanyi qui dirigeait l’affaire, ce procès a été perçu comme un règlement de comptes politique contre Vital Kamerhe par certaines personnes dans l’entourage de Félix Tshisekedi. Condamné à 20 ans de prison en 2020, la peine sera réduite à 13 ans après un second jugement en appel.

Arrêté le 8 avril 2020, Vital Kamerhe sera « totalement acquitté » le 23 juin 2020. « Il n’y a pas de preuve contre lui. C’en est définitivement fini avec cette affaire », avait clamé son avocat, Jean-Marie Kabengela. La Cour de cassation a cassé la condamnation à treize ans de prison prise par la Cour d’appel, demandant à celle-ci, constituée d’autres juges, de rejuger l’affaire. Mais le dossier n’a plus jamais été rejugé. En décembre 2021, cette haute juridiction avait déjà accordé une libération conditionnelle à Vital Kamerhe pour raisons de santé, lui permettant d’effectuer un déplacement en France.

Condamné dans le même procès, l’homme d’affaires libanais Samir Jammal avait également été « acquitté par la cour d’appel de Kinshasa/Gombe », selon son avocat, Tshitsha Bokolombe. Dans l’entretemps, les maisons préfabriquées pour lesquelles ces personnes avaient été arrêtées n’ont jamais été rendues totalement à l’Etat congolais qui avait déboursé 57 millions de dollars pour ce volet du programme de « 100 jours ».

Jean-Marc Kabund : un ancien chef du parti présidentiel en procès (2022)

Fin 2021, l’ancien président intérimaire de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) Jean-Marc Kabund commence à prendre des positions contraires à la ligne de son parti, dénonçant notamment une « justice à deux vitesses ». En 2022, Kabund s’en prend directement au chef de l’État, Félix Tshisekedi, l’accusant d’« incompétence notoire » et de « dérive monarchique ». Le 18 juillet 2022, lors d’une conférence de presse pour le lancement de son nouveau parti, l’Alliance pour le changement, il indique que Félix Tshisekedi est un « danger au sommet de l’État » et qu’il fallait s’en débarrasser. C’était visiblement des mots de trop adressés contre le régime en place. Arrêté en août 2022, Kabund a été condamné, en septembre 2023, à une peine de sept ans de prison par la Cour de cassation. Cette condamnation faisait suite à une série d’accusations, notamment « d’outrage au chef de l’Etat », « offense aux institutions de la République » et « propagation de faux bruits ».

Pilier du parti présidentiel, l’homme était tombé en disgrâce en janvier 2022. Passé dans l’opposition après sa mise à l’écart de l’UDPS et son éviction de son poste de premier vice-président de l’Assemblée nationale, il avait progressivement radicalisé son discours vis-à-vis des autorités congolaises. En 2025, il sera finalement libéré de la prison. Des rumeurs évoquent une grâce présidentielle accordée par Félix Tshisekedi. Mais son entourage se défend. « Dans le cadre d’un recours extraordinaire introduit par le biais d’une procédure en révision, la Cour de cassation a rendu son arrêt d’acquittement en faveur du Président Jean-Marc Kabund le 21 février. Ainsi, les infractions retenues dans le précédent arrêt de sa condamnation sont effacées et son casier judiciaire devient désormais vierge », avait déclaré en février Me Emmanuelli Kahaya, un de ses avocats.

Procès Salomon Kalonda (2023)

Accusé par l’Auditorat militaire supérieur d’être en intelligence avec quelques officiers rwandais dans un contexte d’agression rwandaise contre la RDC, Salomon Kalonda, conseiller politique de l’opposant Moise Katumbi avait été arrêté le 30 mai 2023 à l’aéroport de N’djili, à Kinshasa. Plusieurs fois, ses avocats contestaient les accusations portées contre leur client et remettaient en question la légalité de la procédure ayant conduit à sa détention. Salomon Kalonda était aussi accusé de détention d’arme à feu. Mais cette prévention avait été élaguée car l’arme appartenait au garde du corps de l’ancien Premier ministre, Augustin Matata Ponyo. Des accusations de collusion avec des officiers rwandais ont été aussi rejetées par le parti de Katumbi. Son secrétaire général, Dieudonné Bolengetenge avait qualifié de « mensonges et des affabulations » ces accusations « fantaisistes » criant à un procès politique visant à affaiblir Moise Katumbi avant les élections de décembre 2023. Plus tard, élu député provincial du Maniema puis sénateur du Haut-Katanga sans battre campagne, Salomon Kalonda sera relâché par la justice militaire après la validation de son mandat de sénateur au Sénat. Il sera d’abord autorisé à aller se faire soigner en Belgique, avant de revenir siéger au Sénat.

Condamné à 10 ans de travaux forcés, Matata évoque un procès politique

Premier ministre de 2012 à 2016 sous le régime du président Joseph Kabila, Augustin Matata Ponyo a été condamné, le 20 mai 2025, à 10 ans de travaux forcés. La Cour constitutionnelle l’a reconnu coupable de détournements de fonds publics d’un montant de 247 millions de dollars, selon le président de la haute cour, Dieudonné Kamuleta. Ces fonds étaient destinés au projet du parc agro-industriel de Bukanga-Lonzo, un projet pilote à 250 kilomètres au sud-est de Kinshasa.

Tout avait commencé en novembre 2020, lorsque l’inspection générale des finances (IGF) avait conclu dans un rapport que 205 millions de dollars, sur 285 millions décaissés par le Trésor public pour ce projet avaient été égarés.

Matata Ponyo, qui clamait son innocence, avait cessé de participer aux audiences, accusant la justice de n’avoir pas sollicité la levée de ses immunités à l’Assemblée nationale. De son côté, la Cour affirme l’avoir déjà fait pendant que l’incriminé était sénateur. Mais l’ancien chef du gouvernement ne l’entend pas de cette oreille et accuse la cour de lui intenter un procès politique parce qu’il aurait refusé de choisir l’Union sacrée de la nation, plateforme politique de la majorité au pouvoir. Actuellement député et président du parti d’opposition Leadership et gouvernance pour le développement (LGD), Matata Ponyo est porté disparu depuis ce verdict rendu par la Cour constitutionnelle. D’après Laurent Onyemba, son avocat, par sa « décision inique » de condamnation de Matata, la « Cour a démontré que c’est une affaire politique ».

Dans l’histoire de la justice congolaise, d’autres personnalités politiques ont eu à crier au « procès politique » à tort ou à raison. C’est le cas de l’ancien ministre des Mines, Eugène Diomi Ndongala arrêté en 2013 après une période de clandestinité. Devenu opposant à Joseph Kabila, il avait été condamné le 26 mars 2014 par la Cour suprême de justice à 10 ans de servitude pénale principale pour viol avec violence, exposition d’enfants à la pornographie, détention d’enfants et tentative de viol d’enfants. Lors de sa libération conditionnelle en 2019, le ministre de la Justice avait interdit à l’intéressé de pénétrer dans un rayon de 500 mètres d’une école de filles. Il y a également le cas du procès de François Beya, conseiller spécial en matière de sécurité du président Félix Tshisekedi. Accusé de complot contre la sûreté de l’État, son procès avait été critiqué pour son opacité et son caractère politique. L’affaire était perçue comme un règlement de compte interne au sein du pouvoir.

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