Le gouvernement congolais ambitionne de porter les recettes de l’État à près de 13 milliards de dollars pour l’année budgétaire 2026. Dans cette perspective, les ministères du Budget et des Finances ont réuni, le 19 août 2025, la Direction générale des impôts (DGI) ainsi que d’autres régies financières. Objectif : renforcer la mobilisation des ressources publiques afin de financer les infrastructures et les services sociaux de base.
La République démocratique du Congo se projette déjà vers l’exercice 2026, avec un enjeu stratégique : assurer la stabilité et stimuler le développement économique. Le gouvernement vise un doublement des recettes fiscales, avec 13 milliards de dollars attendus. Pour concrétiser cette ambition, le directeur général de la DGI, Barnabé Muakadi Muamba, a pris part à une réunion présidée par le nouveau vice-premier ministre et ministre du Budget, Adolphe Muzito, aux côtés du ministre des Finances, Doudou Fwamba.
D’après Rolly Lengo, directeur de la Direction générale de politique et programmation budgétaires (DGPPB), la séance de travail du 19 août s’inscrivait dans le cadre du bouclage des projections de recettes pour 2026, à la suite des conférences budgétaires tenues fin juillet et début août.
« Le vice-Premier ministre veut doubler le budget comme annoncé, conformément à la vision du chef de l’État, mise en œuvre par le Gouvernement. Pour y parvenir, il s’appuie sur les recettes courantes, déjà projetées à 9,9 milliards USD dans la loi de finances rectificative. Pour 2026, il vise les 13 milliards USD. La réunion a tourné autour de cette ambition », a expliqué Rolly Lengo.
Le gouvernement se projette ainsi au-delà d’un budget 2025 rectifié sous l’effet conjugué de la guerre dans l’Est et de la baisse des cours du cobalt. Pour 2026, Adolphe Muzito affiche une ambition supérieure : 13 milliards USD de recettes, contre 11 milliards proposés par les administrations financières lors des conférences budgétaires et 11,7 milliards inscrits dans le cadre budgétaire à moyen terme adopté en juillet.
La DGI et ses performances dans la collecte des recettes
Habituée à des résultats inédits depuis l’arrivée du comité de gestion dirigé par le directeur général des impôts, Barnabé Muakadi Muamba, la DGI dispose d’atouts pour relever le défi de l’élargissement de l’assiette fiscale. Malgré le contexte de la guerre dans l’Est du pays, la régie a mobilisé 3.270 milliards de francs congolais, soit 97 % de ses assignations mensuelles fixées à 3.500 milliards. Elle a ainsi battu son record d’avril 2024, lorsque 3.182,4 milliards avaient été collectés sur des assignations initiales de 2.709,6 milliards.
Privée des recettes issues d’une grande partie du Nord et du Sud-Kivu, la DGI continue néanmoins d’afficher des performances remarquées. À la clôture de l’échéance fiscale du 30 avril dernier, obligation majeure pour toutes les catégories de contribuables relevant de sa compétence, le ministre des Finances, Doudou Fwamba, avait salué les résultats obtenus. Pour marquer sa satisfaction, l’argentier national s’était rendu le 1er mai au siège de la DGI, où se clôturait l’échéance de l’Impôt sur les bénéfices et profits (IBP) à Kinshasa.
« La tendance est positive : nous avons déjà mobilisé plus de 2 milliards 700 millions de FC, sur les 3 milliards attendus », avait déclaré le ministre, exhortant ses collaborateurs à poursuivre leurs efforts pour consolider un environnement fiscal stable et équitable.
Veiller sur des exonérations qui plombent les recettes
Selon un rapport de la Banque mondiale intitulé « Réévaluer les incitations fiscales – Loin de la croissance et de l’équité promises », publié fin juillet 2025, les exonérations fiscales freinent la mobilisation des recettes publiques. Les régies financières, déjà confrontées au manque de culture fiscale, voient ainsi le peu d’entreprises et d’opérateurs économiques appelés à contribuer aux recettes parfois dispensés de certaines taxes ou impôts par le gouvernement.
Dans le secteur pétrolier, par exemple, ces exonérations obligent l’État à dépenser des fonds pour compenser les pertes. « Ces dépenses proviennent principalement des exonérations de l’Impôt sur les Sociétés (IS) et de la TVA, fortement concentrées dans les secteurs industriel, minier et pétrolier qui, à eux seuls, représentent plus de 75 % du manque à gagner en termes de recettes publiques », souligne la Banque mondiale.
En 2023, ce manque à gagner a été estimé à 1,6 % du PIB pour le secteur minier, 1,5 % pour le pétrole et 0,7 % pour l’industrie. Si les données liées aux secteurs extractifs et industriels sont bien documentées, celles relatives aux exonérations à vocation sociale ou non lucrative restent beaucoup plus difficiles à quantifier, note l’institution financière internationale.
D’où la nécessité pour le gouvernement de mieux encadrer ces exonérations afin de ne pas perturber l’assiette fiscale et le travail des régies financières.
Une embellie économique qui fait rêver…
Malgré les difficultés, notamment sécuritaires, l’économie congolaise affiche une embellie. Après le choc provoqué par la COVID-19 et la guerre en Ukraine, la reprise a replacé la croissance sur une trajectoire ascendante : 1,7 % en 2020, 6,2 % en 2021, puis 8,9 % en 2022. En 2023, dans le cadre de la mise en œuvre d’un programme formel avec le Fonds monétaire international (FMI) au titre de la Facilité élargie de crédit, la croissance a été évaluée à 8,6 %, selon le document de travail du Cadre budgétaire à moyen terme 2026-2028.
En 2024, l’activité a fléchi à 6,7 % en raison du comportement de certains produits miniers et de l’évolution de leurs cours. Malgré ce recul, les finances publiques ont enregistré une amélioration des recettes domestiques. De 7,8 % en 2020, puis 10,5 % en 2021, la pression fiscale est montée à 13,2 % entre 2022 et 2024, grâce aux réformes fiscales et douanières ainsi qu’au renforcement des contrôles.
Face au défi lié à la hausse des recettes du budget 2026, le gouvernement devrait poursuivre les réformes pour consolider les ressources publiques. La facture normalisée, désormais obligatoire pour les entreprises assujetties à la TVA, constitue un instrument clé. Elle vise à garantir l’authenticité des transactions, lutter contre la sous-déclaration et assurer une traçabilité immédiate des flux. Pour le directeur général des Impôts, Barnabé Muakadi, cette mesure devrait accroître significativement les recettes, notamment celles de la TVA, sans modifier les taux d’imposition.
Heshima