Grâce à l’Inspection générale des finances (IGF), les fonds de l’Etat sont aujourd’hui retracés. Même quand certains fossoyeurs croient déjà avoir réussi à les égarer. Deux dossiers ont particulièrement été épinglés, à savoir celui de l’ONIP ou des forages et lampadaires.
Le travail qu’abat l’IGF depuis ces quatre dernières années est salvateur à plus d’un titre pour les finances publiques. Plusieurs projets où l’Etat a été délibérément floué sont stoppés net par cette institution de contrôle. L’un des cas le plus récent est le dossier de délivrance de la carte d’identité nationale. L’IGF a suspendu la prestation de la société AFRITECH/IDEMIA, partenaire de l’Office national de l’identification de la population, (ONIP), chargée de la production de la carte d’identité nationale. Dans une note d’observation adressée au ministère de l’Intérieur, l’IGF a décelé un certain nombre d’irrégularités dans le contrat liant les deux parties.
Le contrat précise la hauteur du montant global pour financer le projet de production de la carte d’identité congolaise à 697 millions de dollars, avec 104 millions provenant de l’Etat congolais et 593 millions comme apport du groupe AFRITECH/IDEMIA. Sur ce total, l’Etat congolais a déjà décaissé 20 millions de dollars. Cette somme a été bloquée par l’IGF en raison d’irrégularités décelées. D’après l’IGF, ce groupe ne dispose pas de ses 593 millions.
L’autre grief reproché par l’IGF est qu’il est convenu dans le contrat que l’Etat congolais doit fournir une garantie pour permettre à la société AFRITECH/IDEMIA de lever des fonds auprès des banques commerciales. Or, cette garantie, portant sur la séquestration des avoirs de la Banque centrale du Congo (BCC) au profit de la banque prêteuse, constitue une pratique illégale, d’après l’IGF. Quant au coût de réalisation du projet, il est prévu 444 millions de dollars pour la construction des infrastructures immobilières. Pour l’IGF, il s’agit d’une surfacturation. Une autre irrégularité porte sur le partage des revenus de ce contrat de production des cartes d’identité nationale, estimés à 2 milliards en 20 ans. Selon les termes du contrat, AFRITECH doit toucher 60% de cette manne contre 20% seulement pour la partie congolaise. Les 20% restants sont destinés au remboursement de la dette ayant couvert la garantie. Une manœuvre financière qui n’a pas convaincu l’IGF. Celle-ci note que l’Etat congolais est floué dans ce deal conclu avec AFRITECH de l’homme d’affaires malien, Samba Batshily.
Dossier forages et lampadaires
Un autre dossier dont l’impact a été ressenti au sein de l’opinion est celui du projet de construction de plus de 1000 forages d’eau à travers la République et l’acquisition des lampadaires pour l’éclairage public dans trois communes de la capitale, Kinshasa. L’IGF a été la première à sonner l’alerte sur la surfacturation de ce marché et son défaut d’exécution. A sa suite, la Ligue congolaise de lutte contre la corruption (LICOCO) et l’Observatoire de la dépense publique (ODEP) avaient fait bloc pour également dénoncer les mêmes faits. La clameur publique a aussitôt fusé pour ces dossiers.
Une information judiciaire a été ensuite ouverte, en avril 2024, par le parquet général près la Cour de cassation à charge des anciens ministres des Finances, Nicolas Kazadi et du Développement rural, François Rubota, mais aussi de Guy Mikulu, le prédécesseur de ce dernier au même poste. Selon le parquet, cette interpellation est en rapport avec l’affaire du détournement présumé des fonds destinés aux forages d’eau à travers la République. En vue d’empêcher que les trois personnes accusées de détournement présumé des deniers publics puissent se soustraire des poursuites judiciaires engagées contre elles, le procureur général près cette Cour, Firmin Mvonde Mambu a enjoint, depuis le 27 avril, à la Direction générale des migrations (DGM) d’instruire tous ses services œuvrant aux postes frontaliers d’interdire à ces personnes de sortir du pays et de Kinshasa où elles sont tenues de répondre devant l’organe de la loi.
Quelques jours après l’ancien ministre du Développement rural François Rubota sera arrêté à la prison de Makala, lui est l’homme d’affaires mis en cause, Mike Kasenga. Pendant ce temps, son ancien collègue des Finances, Nicolas Kazadi, a commencé par prendre la direction de Paris, en France pour des soins de santé appropriés et finalement revenir au pays au cours du mois de juillet.
Genèse du dossier
Pour rappel des faits, tout part du contrat de l’installation de 1000 forages et de construction de stations mobiles de traitement d’eau dans 1000 localités à travers la RDC. Le gouvernement congolais, représenté par le ministère du Développement rural et le consortium STEVERS Construct-sotrod Water, sont tombés d’accord en avril 2021. Le projet a été évalué à près de 400 millions de dollars américains, précisément 398.982.383USD par forage.
Deux ans après, le rapport conjoint de l’Observatoire de la dépense publique (ODEP) et la Ligue congolaise de lutte contre la corruption (LICOCO), publié le 12 avril 2024, a évoqué un possible détournement de fonds et a dénoncé la surfacturation du marché public. Ces deux structures de la société civile proposent la mise en place d’un comité de suivi de ce projet. Dans un document du 11 avril dernier, le ministre des Finances affirmait avoir obtenu la révision à la baisse du prix unitaire d’un forage, qu’il estimait très élevé.
« C’est ainsi que ledit consortium avait décidé d’augmenter le nombre de stations à livrer à l’État congolais, de 1000 à 1340 pour un coût unitaire de 297.748 dollars américains », avait expliqué le ministère des Finances. Actuellement, le dossier est désormais entre les mains de la justice qui cherche à localiser les forages d’eau fournis au Gouvernement et vérifier le vrai prix unitaire. Dans un réquisitoire prononcé le 18 avril dernier, le procureur général près la Cour de cassation, Firmin Mvonde, avait chargé le directeur général du Bureau technique de contrôle (BTC) de se rendre au siège de STEVERS pour obtenir des informations sur l’exécution dudit projet.
Le 20 avril, le consortium STEVERS Construct-sotrod Water a annoncé la livraison, au mois de juillet, de 239 stations de forage, tout en qualifiant « d’infondées» les accusations de surfacturation du projet. Mais malgré ces explications, le 27 juin 2024, l’ancien ministre du Développement rural, François Rubota, et l’entrepreneur Mike Kasenga, Dg de STEVERS Construct-Sotrod Water ont été placés en détention provisoire à la prison centrale de Makala. Ils sont soupçonnés de détournement de fonds publics.
Nicolas Kazadi, le Ponce Pilate ?
Alors qu’il est cité dans ce dossier pour avoir libéré les fonds dans ce projet, Nicolas Kazadi fait le Ponce Pilate. Au cours d’un briefing avec la presse à Kinshasa, l’ancien ministre des Finances avait affirmé que le projet relatif aux forages n’a pas débuté avec le Gouvernement dirigé par le Premier ministre, Jean-Michel Sama Lukonde, dont il faisait partie. Il remonte plutôt à l’époque du Gouvernement Sylvestre Ilunga Ilunkamba. Dans son intervention, Nicolas Kazadi a rejeté les allégations de surfacturation. Il a souligné que le paiement du prestataire a été validé sur la base de l’engagement pris par son prédécesseur, José Sele Yalaghuli, pour un montant de 80 millions de dollars réparti en cinq tranches annuelles. Il avait affirmé n’avoir pas encore versé la totalité du montant, mais trois paiements échelonnés à hauteur de 71 millions USD ont été versés, conditionnant le versement du solde après l’achèvement des livraisons correspondant aux sommes déjà versées.
Des détourneurs condamnés
Si l’IGF a dévoilé plusieurs dossiers de détournement de fonds publics dont certains sont pendants devant la justice, d’autres ont abouti par des condamnations à des longues peines de prison. C’est le cas de Michel Djamba Kaombe et Delon Kampay, respectivement inspecteur général (IG) de l’Enseignement primaire, secondaire et technique (EPST) et directeur national du Service de contrôle de la paie des enseignants (SECOPE). Ils sont tous condamnés en appel à 20 ans de prison pour détournements de deniers publics. La sentence a été prononcée en septembre 2021 par la Cour de cassation. En outre, cette instance judiciaire avait ordonné la confiscation de leurs biens selon l’équivalence des montants subtilisés. L’ouverture de leur procès faisait suite à la mission des inspecteurs de l’IGF sur le contrôle de la paie des enseignants et l’utilisation des fonds mis à la disposition du ministère de l’EPST.
Impact sur la gestion des fonds
Depuis une vague d’audits initiés entre décembre 2020 et janvier 2021 par l’IGF, la gestion des finances au sein des entreprises publiques a littéralement changé. A la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS), l’IGF avait détecté une « dilapidation des ressources [de l’entreprise] par des paiements des primes et avantages, dont plusieurs illégaux, aux mandataires publics et à leurs collaborateurs immédiats, dont la hauteur est évaluée à 2.800.938 de dollars (2,3 millions d’euros) ».
Les enquêteurs avaient également pointé un déséquilibre entre les dépenses de fonctionnement et celles destinées aux prestations sociales. Pour les équipes d’Alingete, 50 % des ressources de l’entreprise étaient directement affectées à la CNSS, alors que la Conférence interafricaine de la prévoyance sociale recommande que cette part soit seulement de 15 %. A Congo Airways, l’IGF avait épinglé le détournement de 2 040 868 de dollars résultant du non reversement des recettes des ventes de billets. La mission de contrôle avait également noté le paiement de plus de 8,7 millions de dollars au titre de prestations destinées à l’Autorité de l’aviation civile (AAC) entre 2016 et 2020, « sans que (celles-ci) ne soient réelles ».
A l’Office congolais de contrôle (OCC), les hommes de Jules Alingete Key avaient découvert, au cours de la même période de contrôle, le détournement présumé des frais de fonctionnement alloués au conseil d’administration par son président de l’époque, Placide Tshisumpa Tshiakatumba. Au Fonds de promotion de l’industrie (FPI), sous la gestion de Patrice Kitebi, les enquêteurs avaient rapporté, entre autres, le paiement « d’avantages illégaux au directeur général et au directeur général adjoint en sus de ceux […] évalués à plus de 2,6 milliards de francs congolais (1 millions d’euros) pour l’exercice 2018, 2019 et 2020 ». A la Générale des carrières et des mines (Gécamines) – qui a aussi été audité fin mai 2022 – la situation de gestion n’avait pas été reluisante à l’époque. L’IGF avait constaté une série d’irrégularités ayant mené à la perte de plusieurs centaines de millions de dollars ainsi que les conditions de vente ou de cession des actifs miniers au profit des acteurs privés.
Depuis que l’IGF avait réalisé ces différents contrôles, les dirigeants de ces entreprises de l’Etat réfléchissent à deux fois avant d’engager une quelconque dépense. L’impact des précédentes missions de l’IGF influe désormais sur les mandataires. Ce qui a amélioré les recettes notamment dans les régies financières. C’est bien connu, la peur du gendarme est le commencement de la sagesse.
Le Fonds monétaire international (FMI) est en discussion avec le gouvernement congolais en vue de la conclusion de deux nouveaux programmes qui pourraient mobiliser jusqu’à 2,5 milliards de dollars. L’ancien Premier ministre, Augustin Matata Ponyo, dénonce la complaisance de cette institution financière, qui, selon lui, ne contrôle ni les critères ni l’argent qu’elle prête à la République Démocratique du Congo (RDC).
Le FMI accompagne-t-il le sous-développement en RDC ?
C’est la conviction de l’ancien Premier ministre congolais, Augustin Matata Ponyo. Il explique que cette institution ne devrait pas conclure de revues avec le gouvernement tant que tous les critères conjoncturels ne sont pas respectés. « Dans ce cas, le FMI ne pouvait pas procéder à la revue ni au décaissement des fonds, car les critères n’étaient pas respectés », a-t-il déclaré à la presse.
En 2010, rappelle Matata Ponyo, le FMI n’avait pas conclu de revue avec le gouvernement en raison d’un programme jugé non conforme à la transparence, signé par la Gécamines. Pourtant, le gouvernement de l’époque avait rempli l’ensemble des critères conjoncturels et structurels. « Mais curieusement, aujourd’hui, le FMI, tel un apprenti sorcier, se complaît à débloquer des milliards de dollars qui, malheureusement, sont en partie détournés, alors que les critères sont massivement ignorés, tant au niveau quantitatif que structurel », a-t-il dénoncé.
Trois personnalités congolaises ont adressé une lettre au FMI pour solliciter un audit des fonds décaissés au profit du gouvernement, mais l’institution n’a jamais répondu à cette demande. « Cela signifie que le FMI est complice du détournement », a-t-il conclu. Matata Ponyo affirme avoir rédigé un article où il estime que près de 1,5 milliard de dollars du FMI ont été détournés en RDC. « Le peuple congolais est conscient que le FMI est complice et qu’il accompagne les autorités congolaises dans le détournement des fonds publics », a-t-il ajouté. Selon lui, cet argent détourné aurait pu servir à financer des projets essentiels tels que des bus, des universités, des routes et des écoles.
La dette extérieure explose
Les fonds du FMI, dont une partie est octroyée sous forme de prêts, ont contribué à l’explosion de la dette extérieure du pays au cours des six dernières années. En avril, la Direction générale de la dette publique (DGDP) a rendu publics des chiffres alarmants : la dette du pays a dépassé les 10 milliards de dollars en cinq ans. En 2010, cette dette était passée de 14 à 3 milliards de dollars et était restée stable jusqu’en 2019. En clair, entre 2019 et 2024, la dette a augmenté de 7 milliards de dollars. « La dette a presque doublé. C’est grave, car cela hypothèque l’avenir de nos enfants », a dénoncé Matata Ponyo.
L’endettement continue
En octobre, le ministre des Finances, Doudou Fwamba, a poursuivi des entretiens avec le directeur du département Afrique du FMI concernant les deux nouveaux programmes : la Facilité élargie de crédit (FEC) et la Facilité pour la résilience et la durabilité (RST). À travers ces deux programmes, le gouvernement pourrait mobiliser jusqu’à 2,5 milliards de dollars, dont 1,5 milliard de dollars sur trois ans au titre de la Facilité élargie de crédit et 1 milliard de dollars pour le programme de résilience et de durabilité. Si ces nouveaux programmes sont conclus, la dette publique extérieure connaîtra une nouvelle hausse. Le gouvernement congolais, qui peine souvent à réaliser un solde budgétaire sans déficit, se mettrait ainsi dans une position encore plus fragile avec un tel niveau de dette extérieure. Pour Matata Ponyo, le FMI se complaît à soigner un malade dont la température ne cesse de monter. « Un faux médecin qui accompagne un malade dont la température ne fait qu’augmenter, c’est dramatique ! », a-t-il réagi.
Le FMI, cible des critiques en Afrique
Depuis une vingtaine d’années, le FMI est régulièrement critiqué sur le continent africain, mais aussi ailleurs. On lui reproche d’être un instrument de soumission des pays du tiers monde, de freiner leur développement, et de les aliéner politiquement et économiquement aux puissances occidentales. Les Assemblées annuelles du FMI, organisées par cette institution du système de Bretton Woods, sont devenues des tribunes de protestation pour les pays africains encore soumis à des programmes avec cette structure. Au Kenya, en juin, lors des manifestations contre une impopulaire loi financière, des manifestants ont également dénoncé le FMI, l’accusant d’être responsable d’un « esclavage des temps modernes » pour les pays du continent.
Le bilan des cent jours du gouvernement dirigé par Judith Suminwa est nuancé. Si certains ministres se sont illustrés par leur dynamisme, d’autres semblent être restés dans l’ombre, laissant des secteurs importants sans réelles avancées.
Retour sur les points forts et les faiblesses de cette période clé
Investie par l’Assemblée nationale le 12 juin, la nouvelle équipe gouvernementale a franchi le cap des 100 jours le 19 septembre 2024. L’heure est au bilan. Les attentes des Congolais étaient à la hauteur des espoirs soulevés par ce gouvernement, mais l’action menée apparaît en demi-teinte.
Certains ministres, comme Doudou Fwamba, Constant Mutamba ou encore Patrick Muyaya, ont réussi à faire bouger les lignes dans leurs secteurs respectifs.
Des ministres en action
Doudou Fwamba, ministre des Finances, s’est distingué par sa gestion rigoureuse des dépenses publiques, qu’il a réduites de plus de moitié en seulement 100 jours. Les dépenses sont ainsi passées de 33 % en février à 12 % fin août, tandis que le pays enregistrait un excédent de trésorerie de 164 milliards de francs congolais en juillet-août. Les recettes ont également augmenté, atteignant 6 714 milliards de francs congolais entre juin et août, stabilisant ainsi le cadre macroéconomique.
Quant à l’inflation, elle a été maitrisée depuis plus de six semaines. La transparence dans la gestion des finances publiques a permis de rendre le jour de la paie des fonctionnaires plus prévisible, un changement salué par de nombreux observateurs.
Le ministre d’État à la Justice et Garde des sceaux, Constant Mutamba, a également marqué cette période par des réformes majeures dans le secteur de la justice. La bancarisation des frais de justice, la remise des véhicules de fonction à la police judiciaire, le désengorgement des prisons et la lutte contre la corruption parmi les magistrats véreux sont quelques-unes des actions ayant rythmé ses 100 premiers jours.
Patrick Muyaya, ministre de la Communication, Médias, porte-parole du gouvernement, reconduit dans ses fonctions, a quant à lui réussi à moderniser la communication gouvernementale. Il a réorganisé les médias publics et instauré des briefings réguliers pour ses collègues ministres, témoignant de son implication continue.
Des ministres amorphes
Si certains membres du gouvernement ont brillé, d’autres sont restés amorphes, à l’instar des ministres en charge de l’Agriculture et Sécurité alimentaire, de la Jeunesse et des Affaires sociales. Ces secteurs clés, pourtant essentiels pour améliorer le quotidien des Congolais, n’ont connu que peu de progrès.
Les attentes restent donc immenses, notamment sur des questions cruciales comme l’emploi, le pouvoir d’achat ou la sécurité.
Les rapports des vacances parlementaires des députés nationaux et sénateurs confirment d’ailleurs cette inaction. Nombreux sont les députés qui, de retour de leurs circonscriptions, signalent l’absence de réalisations concrètes du gouvernement.
Ainsi, deux députés, Crispin Mbindule et Gary Sakata, ont adressé des questions, orale et écrite, à la Première ministre, Judith Suminwa, sur la mise en œuvre effective du programme gouvernemental. Dans sa question écrite, Gary Sakata s’interroge notamment sur l’évaluation des six piliers de ce programme et sur les réalisations concrètes dans des domaines comme la sécurité et la gouvernance électorale.
De son côté, Crispin Mbindule demande combien d’emplois sur les 1 500 000 promis ont déjà été créés et quelles actions phares ont été entreprises pour améliorer l’accès à l’eau, à l’électricité, à la santé et à l’éducation.
Ce que pense l’opposition…
L’opposition ne manque pas de formuler des critiques sévères. Diomi Ndongala, ancien ministre des Mines, exprime son « désespoir » face à l’absence de pragmatisme de l’exécutif. Il reproche au gouvernement Suminwa d’avoir passé ces trois premiers mois à organiser des séminaires, des ateliers et des états généraux, sans apporter de solutions concrètes aux défis majeurs tels que l’inflation, la dépréciation de la monnaie et la cherté de la vie.
Certes, la monnaie s’est stabilisée depuis l’arrivée de ce gouvernement, mais cette stabilité est jugée conjoncturelle plutôt que structurelle.
Hervé Diakese, porte-parole de Ensemble pour la République, estime que les membres de l’Union sacrée de la nation se partagent simplement les avantages du pouvoir comme un butin de guerre, alors que la population continue de souffrir.
Jonas Tshiombela, coordonnateur de la Nouvelle société civile du Congo (NSCC), dénonce quant à lui une « impuissance » du gouvernement face aux défis diplomatiques, notamment en ce qui concerne la guerre à l’Est. Selon lui, il n’y a rien de concret à relever.
Malgré l’énergie dépensée par certains ministres, le bilan des 100 jours aurait pu être bien plus favorable si l’ensemble du gouvernement avait fait preuve de la même motivation et d’un engagement plus large.
Les Congolais attendent désormais des actions concrètes et tangibles pour améliorer leur quotidien.
Dans les rayons des marchés, le panier de la ménagère continue de subir les effets de l’inflation. Le gouvernement avait annoncé son intention de supprimer certaines taxes afin de soulager les consommateurs. Cependant, face aux préoccupations exprimées par la FEC (Fédération des entreprises du Congo) et les producteurs locaux concernant une concurrence déloyale, l’exécutif hésite désormais à passer à l’action.
Lors du conseil des ministres du 9 août, le gouvernement a adopté la suppression des taxes sur l’importation des produits de première nécessité tels que le poisson, la viande, la volaille, le lait en poudre, le riz, l’huile végétale et le sucre. De plus,
certaines barrières illicites, qui augmentent les coûts de transport de ces produits devaient être levées. Pourtant, l’application de ces mesures tarde, et les prix des produits de première nécessité continuent d’augmenter. Le sac de riz, en particulier, connaît une hausse vertigineuse. Au total, 24 produits sont concernés par des réductions de taxes allant de 5 à 50 %. Le Vice-Premier ministre, ministre de l’Économie nationale, Daniel Mukoko Samba, avait précisé face aux médias que ces mesures, combinées aux efforts pour stabiliser la monnaie nationale par rapport au dollar américain, devraient alléger le coût de la vie pour les ménages. Toutefois, malgré ces annonces, la situation économico-sociale reste intenable pour de nombreux foyers.
Inquiétude des producteurs locaux
Le verre est-il à moitié vide ou à moitié plein ? Après les secousses de l’inflation, le gouvernement congolais semble naviguer dans un environnement incertain. D’un côté, les consommateurs accueillent favorablement la suppression des taxes, mais de l’autre, les producteurs locaux s’inquiètent des répercussions sur leurs activités. Ils appellent ainsi le gouvernement à reconsidérer cette mesure. Selon Jérôme Sekana Pene-Papa, coordinateur du réseau des journalistes économiques « Toile d’araignée », la suppression des taxes pourrait entraîner des conséquences graves, notamment la perte de milliers d’emplois et la faillite de certains producteurs locaux tels que PalmCo, PHC, ou Marsavco, qui se retrouveraient confrontés à une concurrence déloyale avec des produits importés vendus à bas prix.
La filière de l’huile de palme, qui représente 40% de la production agro-industrielle de la RDC, avec plus de 450 000 tonnes produites par an et environ 500 000 emplois créés, est particulièrement menacée.
Jérôme Sekana Pene-Papa a ainsi appelé à retirer l’huile de palme de la liste des produits bénéficiant de la suppression des taxes afin de préserver l’emploi local et protéger l’industrie nationale.
« En favorisant les importations, on privilégie les producteurs étrangers, notamment de Malaisie, Indonésie, Thaïlande, et Inde, au détriment des producteurs locaux. Cette politique pourrait appauvrir davantage le pays en freinant l’émergence économique et en intensifiant la pauvreté dans les régions rurales. Pour éviter cela, l’autosuffisance alimentaire doit rester une priorité nationale, soutenue par des politiques cohérentes et orientées vers la production locale », a-t-il averti lors d’un point de presse tenu le samedi 31 août à Kinshasa.
Décret non signé
Depuis l’annonce de la suppression des taxes et redevances, plus d’un mois s’est écoulé sans que le décret correspondant ne soit signé par la Première ministre. Le ministre de l’économie nationale, Daniel Mukoko Samba, avait pourtant insisté sur l’urgence de cette mesure: « Un décret de madame la Première ministre est attendu le plus vite possible pour l’entrée en vigueur de ces mesures. Il va être contraignant pour tous les établissements publics », avait-il déclaré.
Des recommandations de la FEC
Lors d’une réunion tenue le 5 septembre, une délégation de la FEC, dirigée par son Administrateur délégué, Kimona Bononge, a présenté sept recommandations au patron de l’Économie nationale. Ces recommandations visaient à garantir une application harmonieuse des mesures annoncées tout en évitant les distorsions de marché. Parmi ces recommandations, figuraient la suppression totale des droits de douane sur les produits concernés, la possibilité pour les producteurs locaux d’importer de l’huile de palme brute sous quota, et la mise en place de mesures pour prévenir les importations frauduleuses.
Ces recommandations, jugées « pertinentes » par certains producteurs locaux, semblent freiner la signature du décret. Le gouvernement se trouve donc confronté à un véritable dilemme : supprimer les taxes pour soulager les consommateurs ou protéger la production locale et préserver les emplois.