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RDC : un bilan politique en demi-teinte en 2024

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L’année 2024 a été marquée par plusieurs événements socio-politiques en République Démocratique du Congo (RDC). En termes de gouvernance, le bilan semble mitigé. En économie, l’inflation a régné en maître. Sur le plan de la sécurité, l’Est du pays n’a pas toujours retrouvé la paix, ce qui a annihilé les efforts réalisés dans d’autres secteurs.

Dans la première moitié de l’année, le pays a d’abord connu un processus complexe d’installation de nouvelles institutions. Après les élections présidentielle et législatives de décembre 2023, l’année 2024 avait démarré par la mise en place de ces institutions issues des urnes. Le président de la République, Félix Tshisekedi, réélu avec 73 % des voix, selon les résultats définitifs proclamés par la Cour Constitutionnelle, a été investi le 20 janvier 2024. Le Parlement, également renouvelé, a élu de nouveaux dirigeants. Vital Kamerhe a retrouvé le perchoir du bureau de l’Assemblée nationale, poste qu’il avait occupé de 2006 à 2009 sous la présidence de l’ancien chef de l’État, Joseph Kabila. Ce renouvellement des institutions s’est poursuivi avec l’élection des gouverneurs de provinces. En août, Jean-Michel Sama Lukonde, après avoir quitté la Primature, a pris la tête du Sénat. Quant au gouvernement, un changement notable s’est opéré à la Primature. Judith Suminwa Tuluka, nommée le 1er avril, est devenue la première femme à occuper le poste de Premier ministre au pays. Son gouvernement a été investi par l’Assemblée nationale le 12 juin.

Un bilan mitigé

En 2024, l’installation des institutions a été lente, malgré l’écrasante majorité obtenue par l’Union sacrée lors des élections de 2023. Ce processus a pris la moitié de l’année 2024, érodant ainsi le temps d’action de Félix Tshisekedi et de son gouvernement. Lors de son investiture, le chef de l’État congolais avait présenté les grandes lignes de son second quinquennat, axé sur six engagements majeurs : la création de six millions d’emplois, la protection du pouvoir d’achat, l’amélioration de la sécurité, la diversification économique, l’accès aux services sociaux de base et l’efficacité des services publics. Pour l’année 2024, ces différents secteurs n’ont pas connu d’avancées majeures.

Protection du pouvoir d’achat

En 2024, comme bien avant, Félix Tshisekedi a fait face à une inflation galopante. Cette érosion de la monnaie nationale a absorbé des efforts économiques réalisés par le président de la République depuis son arrivée à la tête du pays. Parmi ces prouesses, il y a notamment l’accroissement du budget national, passant de 4 milliards à plus de 16 milliards de dollars. Lors de son discours bilan sur l’état de la nation en décembre, il a reconnu que l’inflation en 2024 a dépassé les prévisions. « Je reconnais cependant que l’inflation constitue une préoccupation réelle pour nos concitoyens. Elle a dépassé, au premier semestre, le seuil annuel prévu de 11,3 % », a noté Félix Tshisekedi.

Il a justifié cette situation notamment par la hausse des tarifs de transport, une hausse elle-même liée au rationnement des produits pétroliers, ainsi que l’augmentation du prix des denrées alimentaires et des boissons non alcoolisées. « Le franc congolais a également subi une dépréciation de 4,2 % par rapport au dollar américain depuis la fin décembre 2023, renchérissant le coût des biens importés et accentuant ainsi la pression inflationniste », a-t-il ajouté. Face à ce tableau, l’engagement pris dans son programme sur la protection du pouvoir d’achat des Congolais reste encore un mirage pour la majorité de la population. Pour faire face à la vie chère, due notamment à l’inflation, Félix Tshisekedi a rappelé l’instruction donnée à la Première ministre, Judith Suminwa, pour prendre des mesures sur la baisse des prix des biens de première nécessité afin d’inverser la tendance. Mais les Congolais ont passé les fêtes de fin d’année avec les prix des biens de consommation toujours en hausse. Les négociations avec les importateurs de ces produits n’ont pas abouti à la baisse des prix chez les consommateurs congolais.

Pas d’amélioration de la sécurité

La sécurité au pays a constitué un des problèmes majeurs en 2024. Le bilan dans ce secteur reste très préoccupante. Dans l’Est de la République, les offensives répétées du groupe armé M23, soutenu par le Rwanda, ont aggravé une situation humanitaire déjà désastreuse au Nord-Kivu. Cette insécurité a provoqué le déplacement de près de 7 millions de Congolais, dont la plupart vivent dans des conditions précaires, dans des camps de déplacés. La rencontre entre le président congolais, Félix Tshisekedi, et son homologue rwandais, Paul Kagame, qui avait suscité un espoir de paix, le 15 décembre, a été annulée. Le cessez-le-feu, en vigueur depuis le 4 août, n’est plus respecté par les rebelles qui continuent de bénéficier du soutien militaire de l’armée rwandaise. Au cours de la même année, ces rebelles ont élargi leur zone d’influence, prenant le contrôle d’une partie du territoire de Lubero et de Walikale, après Masisi, Rutshuru et Nyiragongo. Sur ce sujet, Félix Tshisekedi a souligné les efforts des Forces armées de la RDC (FARDC) ainsi que la mission militaire de la SADC (SAMIDRC) dans les efforts de rétablissement de la paix dans cette partie du territoire national. Malgré cette volonté, la RDC fait toujours face à des défis sécuritaires majeurs. L’état de siège dans les provinces de l’Ituri et du Nord-Kivu reste un sujet de controverse, bien que des efforts soient faits pour ramener la paix, comme en témoignent les visites fréquentes de la Première ministre, Judith Suminwa, dans ces zones.

Dans d’autres parties du pays, la sécurité n’a pas non plus été totale. À Kinshasa, le banditisme urbain a atteint des proportions inquiétantes. Une journaliste de la chaîne nationale a succombé à ses blessures après une violente agression de la part de présumés bandits appelés communément « Kuluna ». La tentative de coup d’État menée par Christian Malanga, en 2024, au Palais de la Nation, a aussi révélé des failles sécuritaires. Cette insécurité n’a pas épargné les villes de Lubumbashi et Kolwezi où la sécurité des personnes et de leurs biens n’a pas été totalement garantie, avec des vols à main armée à répétition.

Création d’emplois

Après avoir pris l’engagement de créer 6 millions d’emplois lors de la campagne électorale, Félix Tshisekedi a changé son langage lors de ses meetings devant les Congolais en provinces. À Tshikapa, chef-lieu de la province du Kasaï, le chef de l’État n’est pas allé par quatre chemins pour appeler les jeunes à se débrouiller pour créer des emplois. « Débrouillez-vous pour créer de l’emploi, l’État ne peut pas en donner à tout le monde », a-t-il balancé. Une phrase qui démontre la difficulté pour son gouvernement de créer les conditions propices à la création d’emplois afin d’atteindre le chiffre de 6 millions d’emplois promis aux Congolais.

Malgré ce défi majeur sur l’emploi des jeunes, Félix Tshisekedi note cependant « des progrès notables » réalisés par le pays. Il a vanté des réalisations économiques en dépit de ce contexte économique difficile. C’est notamment le cas de la construction de la Zone économique spéciale de Maluku, où une usine de fabrication de carreaux emploie plus de 1 000 Congolais et produit environ 50 000 mètres carrés de carreaux. Cela a permis d’arrêter l’importation de ce matériau de construction. Il a aussi évoqué le cas de l’usine de Pepsi qui produit à ce jour 1,2 million de bouteilles de boisson non alcoolisée. Ce qui renforce, selon lui, le concept de « made in RDC ». Il a aussi mis en avant la mine de zinc de Kipushi, dans le Haut-Katanga, qu’il a inaugurée récemment après plus de 30 ans d’arrêt. Cette mine a la capacité de produire 45 000 tonnes de zinc.

Accès aux services sociaux de base

Le gouvernement, sous la présidence de Félix Tshisekedi, a poursuivi ses efforts pour garantir la mise en œuvre du Programme de développement local des 145 territoires (PDL-145T). La mise en œuvre de ce projet a été ralentie notamment suite à l’effort de guerre, les agences habilitées pour l’exécution de ce projet n’ont plus reçu le reste des fonds pour le financement des travaux. Ce programme permet entre autres l’accès aux services sociaux de base, tels que la santé, l’administration et l’éducation, à travers la construction des centres de santé, écoles et bureaux des territoires.

Dans le volet de la santé, il a vanté la construction de 300 centres de santé, dont un à Kalemie, inauguré par lui-même après avoir été équipé. Il y a également la couverture santé universelle, dont le programme de la gratuité de la maternité couvre désormais 13 provinces dans son implémentation. Parallèlement, le gouvernement renforce l’efficacité des services publics avec les réformes au sein de la Fonction publique, notamment avec la maîtrise des effectifs des fonctionnaires et agents de l’État.

Diversification économique

Le pays dépend en majorité des ressources issues des minerais. Félix Tshisekedi s’est battu, en 2024, pour commencer à concrétiser son slogan sur la « revanche du sol sur le sous-sol » afin de diversifier l’économie nationale. En octobre 2024, dans le cadre de la coopération avec la Banque africaine de développement (BAD), la RDC avait lancé, par l’entremise du Fonds social de la RDC (FSRDC), le Programme de transformation de l’Agriculture (PTA-RDC), bénéficiant d’un financement de 6,6 milliards de dollars américains sur dix ans. « L’autosuffisance alimentaire ne doit pas demeurer un slogan. Elle doit devenir une réalité. Et nous avons les moyens », insistait Félix Tshisekedi. Il promet d’engager les moyens supplémentaires pour l’encadrement et l’accompagnement des pêcheurs et des éleveurs. Une campagne agricole 2024-2025 a été lancée au cours du même mois pour permettre d’exploiter d’autres richesses du pays, notamment ses terres arables.

Pour mieux diversifier l’économie, Félix Tshisekedi sait combien les routes sont importantes. Au cours de l’année 2024, des avancées significatives ont été constatées dans les relations sino-congolaises avec la modification du contrat chinois. Une négociation menée avec le concours de l’Inspection générale des finances (IGF). Parmi les points d’accord figure la révision à la hausse du montant d’investissement pour les infrastructures, passant de 3,2 à 7 milliards de dollars supplémentaires. Une grande partie de ce montant est affectée à la construction des routes aussi bien à Kinshasa qu’à l’intérieur du pays. Félix Tshisekedi a d’ailleurs lancé les travaux de construction des rocades dans l’Ouest de la ville de Kinshasa pour notamment mettre fin aux embouteillages grâce aux fonds issus de ce contrat renégocié.

Fayulu dresse un tableau sombre

De son côté, l’opposition peint un tableau sombre de la gestion de Félix Tshisekedi. Le leader de la coalition Lamuka, Martin Fayulu, a dressé un bilan sans complaisance en 2024. Infrastructures inexistantes, situation humanitaire dramatique et une faible diplomatie, l’ancien candidat à la présidentielle de 2018 et 2023 a accusé le régime de Félix Tshisekedi de mauvaise gestion et de complaisance face à la misère des Congolais, alors que, selon lui, le camp au pouvoir vide les caisses de l’État. « La pauvreté explose. L’éducation et la santé s’effondrent, les grèves de fonctionnaires, de médecins et d’enseignants se multiplient. La gratuité de l’enseignement demeure un mirage, le chômage est à son comble, la jeunesse abandonnée à elle-même voit son avenir compromis. », a déclaré Martin Fayulu. Il a aussi mis en garde contre un projet de changement ou de modification de la Constitution initié par Félix Tshisekedi, un débat qui a occupé la seconde moitié de l’année 2024. Pour Fayulu, « un régime incompétent peut changer la Constitution 100 fois, les mêmes maux produiront les mêmes effets ».

Sayiba dénonce des « promesses trompeuses »

Dans son message de vœux, Patient Sayiba, ancien directeur général de l’OGEFREM, paraît choqué par des promesses qu’il qualifie de « trompeuses » de la part du régime de Félix Tshisekedi. « Le peuple congolais, abandonné à son triste sort, vit au rythme des promesses trompeuses et d’une gouvernance centrée sur les intérêts personnels des dirigeants. Les conséquences de cette gestion irresponsable sont nombreuses et tragiques pour le pays et son peuple », a-t-il déclaré. Pour Patient Sayiba, la réalité démontre que la descente aux enfers continue de manière fatale et ce, sur fond d’une incompétence criante et d’un manque flagrant de vision. « Il n’est un secret pour personne que depuis 2019, la situation socio-économique, environnementale, professionnelle, sécuritaire et politique n’a cessé de se détériorer gravement. » Il cite au passage la baisse « drastique » du pouvoir d’achat des populations, des grèves répétées des enseignants et médecins, et une fracture sociale aggravée par « un tribalisme dévastateur jamais vécu dans l’histoire de notre pays. »

Sur le plan sécuritaire, ce proche de Joseph Kabila critique le traitement de faveur réservé aux mercenaires et aux armées étrangères au détriment des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC). « L’armée, jadis symbole de fierté et de cohésion nationale, est aujourd’hui humiliée, remplacée par des milices improvisées. Au moment où nos vaillants militaires survivent avec des soldes de misère, les troupes étrangères et les mercenaires du gouvernement bénéficient de traitements indécents, tels des princes dans le palais d’un roi fainéant », a-t-il dénoncé.

En 2025, Kabila veut signer un retour politique

Dans un message adressé aux Congolais, le 4 janvier, Raymond Tshibanda, coordonnateur de la cellule de crise du FCC, la plateforme politique de Joseph Kabila, a déclaré que l’ancien président de la République n’avait jamais pris sa retraite politique, mais qu’il était en « congé sabbatique », prêt à répondre à l’appel du peuple congolais afin de relever les défis de la RDC.

Face à ce qu’il qualifie de « dictature » du régime actuel, Raymond Tshibanda a indiqué que le devoir du Front Commun pour le Congo est de faire de chaque foyer, quartier et village, une « cellule de résistance » afin de rester digne des martyrs de l’indépendance. Il a assuré que l’ancien président reste encore dans le jeu politique malgré son silence. « Que ceux qui prennent le taiseux pour un muet et donnent le lion au repos pour mort se détrompent », a-t-il déclaré.

Heshima

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Joseph Kabila, le nouveau chef de file du front contre Tshisekedi ?

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L’ancien président de la République démocratique du Congo (RDC), Joseph Kabila, est revenu sur le devant de la scène politique. En décembre, l’homme a enchainé une série d’entretiens, en Ethiopie, avec divers hommes politiques congolais. En ligne de mire : créer une alliance pour contrer ce qu’il qualifie de « dictature » sous le régime de Félix Tshisekedi, notamment en empêchant un éventuel changement de la Constitution. Mais comment Joseph kabila compte-t-il s’y prendre ? Quelles sont ses véritables intentions ? Décryptage.

Un retour remarqué

Après avoir disparu des radars politiques, Joseph Kabila est revenu dans le jeu. Mi-décembre, il s’est entretenu avec l’ancien député national, Claudel Lubaya, à Addis-Abeba, capitale éthiopienne. Dans un communiqué rendu public, le 6 janvier 2025, l’ancien élu de la ville de Kananga note que Joseph Kabila et d’autres forces politiques de l’opposition s’unissent pour défendre la Constitution. « Nous nous sommes résolus à unir nos efforts et à rassembler les forces vives de la nation afin de défendre le pacte républicain et sauvegarder ainsi les acquis de notre jeune démocratie », a-t-il affirmé.

Quelles sont les intentions de Kabila ?   

Connu pour son caractère effacé et taiseux, Joseph Kabila est peu susceptible de conduire des manifestations dans les rues de Kinshasa, Lubumbashi, Kisangani ou Goma pour infléchir la position de Félix Tshisekedi au sujet du changement ou de la révision de la loi fondamentale. Alors quelles stratégies pour défendre ce pacte républicain ?

Accusé par son successeur d’être impliqué dans la rébellion dirigée par l’ancien président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), Corneille Nangaa, Joseph Kabila n’a jamais répondu à ces accusations. Pourtant, un élément intrigue certains proches du pouvoir à Kinshasa. Joseph Kabila et Claudel Lubaya figuraient parmi les personnes citées comme soutien politique de l’Alliance Fleuve Congo (AFC) de Corneille Nangaa. La rencontre d’Addis-Abeba serait-elle un complot contre la République ? Non, répondent certains proches de l’ex-Raïs. D’ailleurs, Ferdinand Kambere, Secrétaire permanent adjoint du Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD), n’a pas hésité de se lancer dans un parallélisme avec l’opposition d’avant 2018 dont l’UDPS. « Ils se sont rencontrés à l’île de Gorée, à Genval, à Bruxelles, Genève, c’était quoi ? [Ils sont sortis de là] avec leurs candidats [à la présidentielle]. Quelqu’un les a-t-il empêchés ? », s’est-il interrogé. Pour lui, le pouvoir en place devrait avoir honte d’accuser l’opposition de comploter contre la République.          

Imposer un dialogue à Tshisekedi

Lors de la rencontre entre Joseph Kabila et l’opposant Moise Katumbi, toujours à Addis-Abeba, les deux hommes ont appelé toutes les forces politiques et sociales du pays à « unir leurs efforts contre la dictature » instaurée par Félix Tshisekedi. Cette coalition de l’opposition se veut sans exclusive. Mais quelle pourrait être la finalité d’un tel rassemblement ? Certains membres de l’opposition parlent d’une pression pour imposer un dialogue à Félix Tshisekedi. D’autres, comme Olivier Kamitatu, un proche de l’opposant Moïse Katumbi, évoquent plutôt des actions visiblement pour infléchir la position du régime par rapport à la dictature ou à la volonté de vouloir changer la Constitution. « [Kabila et Katumbi] vont se revoir pour établir des actions concrètes. Cette fois, place à l’action », a-t-il promis.

Pourtant, Joseph Kabila lui-même ne semble pas croire en l’efficacité d’un dialogue, surtout après la rupture et l’échec de la coalition FCC-CACH. L’homme avait estimé que Felix Tshisekedi n’avait pas respecté les engagements pris dans le cadre de cette alliance, renforçant ainsi ses réticences à tout nouvel engagement politique avec son successeur.     

L’ironie de l’article 64 

Lors de son second et dernier mandat à la tête de la RDC, Joseph Kabila avait été constamment menacé par l’application de l’article 64 de la Constitution. L’opposition de l’époque l’utilisait pour dénoncer la confiscation du pouvoir par le régime Kabila après la fin du délai constitutionnel de son dernier mandant en 2016.Ironie du sort, l’ancien président évoque aujourd’hui la même disposition pour s’opposer à Félix Tshisekedi. Mais comment compte-t-il faire appliquer une telle disposition alors qu’il n’a jamais mobilisé la masse en RDC ? Le même article 64 qui stipule que « tout Congolais a le devoir de faire échec à tout individu ou groupe d’individus qui prend le pouvoir par la force ou qui l’exerce en violation des dispositions de la Constitution » empêche en même temps le renversement d’un « régime constitutionnel ». Ce qui laisse penser que Joseph Kabila ne peut pas soutenir la Constitution et en même temps s’appuyer sur une rébellion pour déstabiliser le « pouvoir constitutionnel » de Félix Tshisekedi.

D’ailleurs, au sujet de la rébellion du M23, Joseph Kabila et Claudel Lubaya ont critiqué la gestion de cette crise sécuritaire. Une gestion qui, selon eux, manque de lisibilité et d’efficacité. Pour eux, « les choix et décisions hasardeux, les tâtonnements et les essai-erreurs sont à la base de l’impasse actuelle » entre Kinshasa et Kigali.

Heshima

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Kabila-Katumbi : Un message plein d’ambiguïtés sur le M23

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L’ancien président de la République, Joseph Kabila, et l’ancien gouverneur de l’ex-province du Katanga, Moïse Katumbi, président du parti politique Ensemble pour la République, se sont rencontrés à Addis-Abeba, en Éthiopie, à la veille du réveillon de Noël. Accusés par Kinshasa de collusion avec les rebelles pro-rwandais du Mouvement du 23 mars (M23) et l’Alliance Fleuve Congo (AFC) de Corneille Nangaa, les deux personnalités ont publié un communiqué surprenant encourageant les facilitateurs de la crise sécuritaire congolaise à rester « attentifs aux revendications » de cette rébellion.

Entre les lignes de ce communiqué, rédigé à la suite de la rencontre entre ces deux opposants au régime de Félix Tshisekedi, beaucoup de zones d’ombre subsistent. Ce document, signé par Olivier Kamitatu, détaille les objectifs communs poursuivis par Kabila et Katumbi. Bien que les deux hommes appellent toutes les forces politiques et sociales de la République démocratique du Congo (RDC) à s’unir contre ce qu’ils qualifient de « dictature » du président Félix Tshisekedi, ils omettent cependant de condamner explicitement l’agression rwandaise opérée sous couvert de l’AFC-M23.

Au contraire, ils sollicitent des facilitateurs une « attention » particulière aux revendications des « parties en présence », alors même que Kinshasa refuse tout dialogue avec ces rebelles. Mais qui désignent-ils par « parties en présence » ? Est-ce Kigali, engagé dans des pourparlers avec Kinshasa à Luanda ?

Dans ce communiqué, le terme « facilitateurs » est employé au pluriel. Cela suggère que Joseph Kabila et Moïse Katumbi s’adressent aussi bien à João Lourenço, président angolais et facilitateur désigné par l’Union africaine dans ce conflit, qu’à Uhuru Kenyatta, ancien président du Kenya, facilitateur mandaté pour le processus de paix de Nairobi. Ce dernier avait d’ailleurs inclus le M23 dans les discussions avant que le mouvement ne quitte la table des négociations pour reprendre les armes.

Une prise de position ambiguë

« Dans cette perspective de résolution pacifique de la crise, ils [Joseph Kabila et Moïse Katumbi] encouragent les facilitateurs à demeurer attentifs aux revendications des parties en présence », peut-on lire dans le communiqué. Si ce passage n’est pas un plaidoyer explicite en faveur du M23 ou de l’AFC, il semble au minimum ouvert aux revendications rwandaises, Kigali étant également considéré comme l’une des « parties en présence » dans le cadre de ce conflit. Une telle position risque de renforcer les soupçons du gouvernement congolais quant à un possible soutien de Kabila et Katumbi à cette rébellion.

Le président Félix Tshisekedi, lors d’une interview en Belgique, n’avait pas hésité à accuser ouvertement son prédécesseur d’avoir « boycotté les élections » et de préparer une insurrection. « L’AFC, c’est lui », avait-il affirmé, faisant allusion à Joseph Kabila.

Dans leur communiqué commun, Kabila et Katumbi se sont limités à dénoncer la dégradation de la situation sécuritaire en RDC. Sans nommer directement les troupes rwandaises, ils se sont contentés de condamner la « présence de forces armées illégales, y compris des mercenaires et [des] troupes étrangères ». Par ailleurs, ils ont réitéré leur opposition ferme à toute réforme constitutionnelle dans un tel contexte.

Une alliance inattendue

Jadis adversaires politiques acharnés, Joseph Kabila et Moïse Katumbi se rapprochent aujourd’hui dans leur opposition commune au président Félix Tshisekedi. Leur dernière rencontre publique remontait à mai 2022, lors du Forum pour la réconciliation des leaders katangais, organisé à Lubumbashi par Mgr Fulgence Muteba, archevêque de Lubumbashi et président de la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO). Pourtant, avant cette période, les deux hommes se vouaient une hostilité mutuelle.

À la veille des élections de 2018, Joseph Kabila, connu pour sa discrétion, n’avait pas mâché ses mots en évoquant son ancien collaborateur. « Katumbi me rappelle Judas », avait-il lâché. Cette animosité était telle que l’ancien président avait pratiquement rendu apatride l’ancien gouverneur du Katanga. Contraint à l’exil après deux procès intentés contre lui, Moïse Katumbi avait vu son unique passeport désactivé dans le système congolais. La migration vers un passeport semi-biométrique avait ensuite laissé Katumbi sans papier officiel, bloqué hors du pays.

Heshima

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Grand Kasaï : Félix Tshisekedi confronté à ses propres promesses

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Les Congolais du Kasaï Central, au centre de la République démocratique du Congo, attendaient le président de la République de pied ferme pour lui rappeler ses promesses formulées pendant la campagne électorale, ainsi que celles faites bien avant le début de son second quinquennat. Devant Félix Tshisekedi, le 24 décembre 2024, à la Place de l’Indépendance, à Kananga, ils ont évoqué les promesses liées à l’accès à l’eau potable, à l’électricité, ainsi qu’aux infrastructures routières.

Le chef de l’État congolais, Félix Tshisekedi, est en itinérance dans le Grand Kasaï. Le 24 décembre, il a débuté son périple à Kananga, chef-lieu de la province du Kasaï Central. Lors de son discours à la population, celle-ci a rappelé de nombreux projets encore non concrétisés, notamment celui de la fourniture d’eau potable et d’électricité, ainsi que la construction de la route Kananga-Kalamba Mbuji. Ce tronçon, qui mène à la frontière avec l’Angola, est considéré comme vital pour désenclaver la région du Kasaï.

Face à ces rappels, Félix Tshisekedi a promis d’achever la construction de cette route avant la fin de son mandat, le dernier selon la Constitution. « La route Kananga-Kalamba Mbuji me préoccupe profondément. Cette route est un salut pour le reste du pays, notamment pour les provinces du Kwilu et du Kwango. Mon mandat ne se terminera pas sans que ce projet se réalise », a-t-il déclaré en tshiluba, l’une des quatre langues nationales du pays. Par ailleurs, il a critiqué le régime précédent, qu’il accuse de n’avoir rien accompli durant 18 années au pouvoir. « Ils n’ont rien fait pour la gratuité de l’enseignement, la maternité gratuite ou encore les 145 territoires [du pays] », a-t-il ajouté, soulignant les réformes déjà engagées sous son mandat dans les secteurs de la santé et de l’éducation.

Après plusieurs interruptions, le ministre d’État chargé des Infrastructures et des Travaux publics, Alexis Gisaro, avait relancé en juillet dernier les travaux de construction de cette route. Lors de ce lancement, il avait promis que rien n’entraverait l’achèvement de ce projet, dont le coût total est estimé à 300 millions de dollars pour une distance de 230 kilomètres. Une avance de 40 millions de dollars sur ce montant était déjà disponible, selon le ministre.

Concernant l’approvisionnement en eau potable, Félix Tshisekedi a passé la parole au directeur général de la REGIDESO pour répondre à la foule. En ce qui concerne l’électricité, il a accusé les chefs coutumiers de la région de bloquer le projet du barrage de Katende. Il a rappelé qu’à sa dernière visite sur le site, ils avaient été attaqués par des abeilles, appelant les chefs coutumiers à bénir le projet. Pourtant, depuis 2022, Félix Tshisekedi avait ordonné la reprise des travaux de ce barrage sans délai. Il avait également promis son achèvement dans un « délai raisonnable », mais peu de progrès ont été constatés. La construction de la centrale hydroélectrique de Katende, confiée à l’entreprise indienne Angelic, reste toujours en suspens.

Dossier sur la révision de la Constitution

Lors de son meeting, il a aussi abordé la question controversée de la modification ou de la révision de la Constitution. Cette fois, Tshisekedi a déclaré que le peuple pouvait également s’opposer à tout changement. « Nous sommes à votre service. Si vous voulez changer la Constitution, nous la changerons. Si vous voulez la modifier, nous la modifierons. Si vous voulez la garder telle quelle, nous la garderons telle quelle », a-t-il assuré. Il a annoncé qu’une commission multidisciplinaire serait nommée l’année prochaine pour étudier cette question.

50 millions pour la MIBA à Mbuji-Mayi

Après Kananga, Félix Tshisekedi est arrivé, le 26 décembre 2024, à Mbuji-Mayi, chef-lieu de la province du Kasaï Oriental, deuxième étape de sa mission d’itinérance dans l’espace Grand Kasaï. Lors de son meeting devant la population, il a affirmé avoir apporté 50 millions de dollars pour le redressement de la Minière de Bakwanga (MIBA). Le redressement de cette ancienne pierre angulaire de l’économie nationale faisait partie de ses promesses de campagne. Six ans après, la MIBA demeure une entreprise publique en grande difficulté, et la population attend toujours la concrétisation des promesses liées à sa relance.

Sécurité à l’Est

Le président a également rappelé ses six engagements pris après sa réélection, notamment celui portant sur la sécurité. Il a évoqué la rencontre avortée avec Paul Kagame, prévue dans le cadre de la tripartite de Luanda le 15 décembre. Selon lui, l’absence du président rwandais reflète une volonté d’échapper à un accord de paix qui aurait mis fin aux déstabilisations de l’Est de la RDC. « [Paul Kagame] savait que notre déplacement à Luanda visait à signer un accord de paix. Il a préféré fuir, conscient que cela aurait mis fin à ses stratégies de déstabilisation de l’Est de notre pays, de pillage de nos ressources et d’assassinats de nos compatriotes », a-t-il déclaré.

Félix Tshisekedi poursuivra son itinérance en lançant, le 27 décembre, le programme de gratuité de la maternité dans la province du Kasaï Oriental. Contrairement au gouverneur du Kasaï Central, Joseph-Moïse Kambulu, qui a décrit sans détour la précarité de sa province (manque d’eau, d’électricité et de voiries), son homologue du Kasaï Oriental, Jean-Paul Mbwembwe, a salué les routes urbaines réalisées depuis l’arrivée de Tshisekedi au pouvoir.

Cependant, la population locale reste en attente de la concrétisation de plusieurs projets, en particulier ceux du Programme accéléré de lutte contre la pauvreté, qui incluent des travaux de réhabilitation d’écoles publiques toujours inachevés.

Heshima

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