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Les alliances : Atout et faiblesse de la politique en RDC

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Àquand la publication de votre premier gouvernement ? Félix Tshisekedi n’échappe pas à cette question toutes les fois qu’un microphone lui est tendu. Souple face aux hommes des médias, le président congolais brandit la meilleure jurisprudence qui soit pour justifier le temps que prend ce gouvernement : la Belgique est restée près de deux ans sans gouvernement. Des sources concordantes rassurent que le gouvernement issu de la première alternance au pouvoir au Congo tarde suite à une mésentente entre les délégués CACH (Cap pour le Changement) de Félix Tshisekedi et ceux du FCC (Front commun pour le Congo) de Joseph Kabila. De Kingakati dans la banlieue-Est de Kinshasa à Mbuela dans la province du Kongo central, ces partenaires au pouvoir ne se mettent pas d’accord sur le quota pour la composition du Gouvernement.

Un pénible décollage ! 

Et alors que le principal couac semblait provenir d’une mésentente CACH-FCC, un événement survenu ces dernières heures met à nu le manque d’unanimité au sein de la plateforme de l’ancien régime. Joseph Kabila comme, dans un dribble dont il est le seul à en détenir la formule, a désigné début juillet Alexis Thambwe Mwamba comme candidat à la tête du bureau du Sénat. Une décision qui a fâché Modeste Bahati, un poids lourd au sein du FCC compte tenu du nombre important de sièges que compte son regroupement Alliances des forces démocratiques du Congo et alliés (AFDC-A) dans les assemblées législatives. 

Ce dernier a, presqu’immédiatement annoncé sa candidature au même poste, défiant ainsi le mot d’ordre de Joseph Kabila, son autorité morale. Un désamour qui a été traduit le mardi 09 juillet par un communiqué du FCC suspendant M. Bahati Lukwebo. L’occasion faisant le larron, Modeste Bahati, fin connaisseur du sérail politique congolais a profité de cette punition du FCC pour montrer ses atouts de félin, apparaissant sur une photo aux côtés de Vital Kamerhe, comme pour annoncer un rapprochement entre les deux camps.

Un tableau assez sombre qui pousse à une analyse sur la nécessité des alliances et des coalitions politiques en République démocratique du Congo.

Une Nation née des alliances !

 Autour des années 1950, le vent des indépendances a commencé à souffler sur le continent africain, ne laissant pas indifférents quelques leaders et animateurs des différents cercles culturels au Congo. Ces derniers ont senti la nécessité de se constituer en groupes de réflexion et de pression afin de solliciter l’indépendance de leur pays. Une succession des mouvements populaires qui a produit les résultats escomptés. Les leaders d’opinions congolais sont conviés à Bruxelles pour parler autour d’une table ronde avec leurs « homologues » belges. L’indépendance était dans la poche. Une date était même proposée et actée. Une formalité doit cependant être remplie : les nouveaux dirigeants du Congo doivent être élus.

C’est alors que des partis politiques, œuvrant dans la plus grande clandestinité et des regroupements connus, vont se joindre à quelques associations culturelles, voire claniques pour aller aux élections.

  L’Alliance des bakongo (Abako) que dirigent dans l’ombre l’Abbé Loya et Kasa-Vubu, celui-ci plus en vue que le premier, le Mouvement national congolais (MNC) de Lumumba, le Parti solidaire africain (PSA) d’Antoine Gizenga, etc. seront le fruit de premières alliances politiques au Congo. La première pierre devant construire l’édifice Congo, orphelin de ses belges concepteurs a été posée sur une alliance Kasa-Vubu-Lumumba (Gizenga, Bolikango et autres).


La RDC aime les alliances !

 En 2006, la République démocratique du Congo s’apprête à vivre ses premières élections générales, libres, transparentes et démocratiques. Joseph Kabila, président de la transition, est candidat à la présidentielle. Conscient des clivages sociaux existant dans ce pays-continent, quatre fois plus grand que la France, il lance son opération séduction à l’attention de quelques partis politiques aux idéologies proches de sa formation politique, le PPRD. Ainsi, au début de cette année électorale, l’Alliance pour le renouveau au Congo (ARC ) d’Olivier Kamitatu, le Mouvement social pour le renouveau (MSR) de Pierre Lumbi Okongo et d’autres partis se joignent au PPRD afin de maximiser les chances d’obtenir une majorité présidentielle. L’Alliance pour la Majorité Présidentielle (AMP) est donc lancée et c’est tambour battant qu’elle va, dès l’entame des élections, à la conquête des sièges.

Kabila arrive en tête des élections au premier tour, cependant, il n’a pas obtenu la majorité absolue, étant talonné de près par Jean-Pierre Bemba, leader du Mouvement de Libération du Congo (MLC).

  Les deux candidats doivent remettre les gants dans un duel d’ores et déjà annoncé âpre. À ce stade, il n’est plus question de réfléchir par deux fois, les alliances s’imposent. Kabila en sait quelque chose, Bemba doit tenter le coup. Les proies sont connues: Antoine Gizenga, un des pères fondateurs de la Nation congolaise et président du Parti lumumbiste unifié (PALU) est arrivé 3ème au premier tour. Il est très populaire dans les provinces du Bandundu et de Kinshasa. Nzanga Mobutu, un des fils du Maréchal déchu en 1997 par le père de Joseph Kabila, a, quant à lui, raflé la 4ème place grâce à sa prééminence dans la province de l’Équateur nostalgique de son défunt père Mobutu Sese Seko, et enfin, Oscar Kashala, ce médecin installé aux États-Unis, surprise de ces élections est arrivé à la cinquième marche du podium.

Les jeux sont ouverts, que le meilleur gagne !

 Kabila est parvenu à enrôler Gizenga et Nzanga tandis que Bemba n’a pu avoir que Kashala et d’autres candidats ne pesant malheureusement pas sur la balance.

Le résultat est le reflet des alliances comme dans une relation de cause à effet, Kabila a remporté haut la main, le second tour.

Tout chemin mène à Rome!

 Elu en 2011 pour un deuxième mandat, son dernier tel que le prévoit la Constitution congolaise, Kabila doit quitter le pouvoir en 2016. Et les opposants politiques ne sont pas prêts à le laisser finir son mandat en paix. Des réunions et des rencontres s’organisent à Gorée au Sénégal, à Ibiza en Espagne ou encore à Paris en France.


La plus importante de ces rencontres a lieu en 2015 à Genval, une bourgade bruxelloise. Elle est présidée par Etienne Tshisekedi le légendaire opposant aux différents régimes d’après Kasa-Vubu et y prend part la quasi-totalité des opposants congolais. 

Kinshasa tremble et le camp Kabila tangue. L’AMP devenue MP quelques années auparavant va perdre quelques-uns de ses cadres, et ce ne sont guère des poids-plume. 

Olivier Kamitatu, Pierre Lumbi, Christophe Lutundula, Dany Banza, José Endundo, Muando Nsimba que rejoint le célèbre et riche homme d’affaires Moïse Katumbi, ancien gouverneur du Katanga, exilé en Belgique après des démêlés avec la Justice congolaise. Que de grands noms qui ont décidé de quitter Kabila qu’ils reprochent d’être trop silencieux au sujet de son avenir politique. Ils s’en vont créer le Groupe des sept (G7) et rejoindre l’aréopage des opposants à Kabila.

 Kabila ne dit mot et reste protégé par l’article 70 de la Constitution qui le maintient à son poste jusqu’à l’investiture d’un nouveau président.

Une disposition qui trouvera tout son sens lorsque la Commission électorale nationale indépendante (Ceni), dans un point de presse, déclarera son incapacité à organiser les élections en 2016, soit à l’expiration du dernier mandat de Kabila.

 Le Congo est trempé de la tête aux pieds dans une sorte de crise de légitimité des institutions.

Successivement deux dialogues seront organisés pour calmer le jeu, apaiser les esprits le temps que la Ceni organise les élections tant attendues.

 Un gouvernement chapeauté par l’opposant Samy Badibanga, transfuge de l’UDPS de Tshisekedi sera investi en 2016 avant d’être remplacé en 2017, juste quelques mois après par celui de Bruno Tshibala, un autre bras droit d’Etienne Tshisekedi, décédé en février 2017.

Le camp présidentiel peut souffler, l’opposition a perdu quelques-uns de ses cadres, mais n’abdique pas. Avec un Katumbi à qui certaines presses attribuent des milliards en banque, l’opposition n’arrête de rugir.

À la mi-2017, Katumbi déplace une bonne partie des opposants, ils sont venus d’Europe, d’Amérique et de Kinshasa et ont posé leurs valises à Johannesburg pour parler du Congo.

À l’issue de ce grand forum, il sera décidé la création d’une grande plateforme : Ensemble pour le changement. Cette fois-ci Katumbi ne se cache pas, c’est lui qui en est le patron. 

À Kinshasa, Kamerhe dont le parti est signataire des accords issus des dialogues de l’Union africaine et du Centre interdiocésain, n’est plus en odeur de sainteté avec Kabila. Il met un terme à leur partenariat, sans cependant convaincre ses lieutenants ayant juré fidélité à Kabila. 

Le Front commun pour le Congo !

 Dans un entretien avec son premier ministre Bruno Tshibala, Joseph Kabila pique ce dernier :«…maintenant que nous travaillons ensemble, devons nous continuer à se considérer comme ennemis ou nous pouvons nous associer dans une grande famille ? »

Une question qui n’a su trouver de réponse séance tenante, mais qui aura dérangé tous les rêves de Tshibala.

 2018, après de nombreuses réunions sous forme de derniers réglages, tous les opposants politiques prenant part au Gouvernement Tshibala, les José Makila, Jean-Lucien Busa, Oly Ilunga, Ingele Ifoto, Basile Olongo et autres, optent pour une alliance avec la Majorité présidentielle (MP). Un mastodonte voit le jour, c’est le Front commun pour le Congo, un ensemble des plateformes et partis politiques réunis autour de Joseph Kabila. Certains approuvent cette initiative tandis que d’autres n’y adhèrent pas. Ainsi, Lisanga Bonganga, pourtant membre du gouvernement Tshibala et Kin-Kiey Mulumba, Kabiliste invétéré ne signeront pas la charte créant le FCC. Ce dernier refusera même de soutenir Ramazani Shadary, le candidat désigné pour le compte du FCC.


Genève, un amour s’est brisé !

La Ceni a annoncé la date des élections, elle rassure, celles-ci se tiendront sans ambages en décembre 2018. L’opposition politique, a été, de manière assez étonnante, unie et solidaire depuis 2015. Les congolais sont émerveillés à l’idée que ces politiques, certains agacés par la tête de Kabila et d’autres désireux de gérer autrement le Congo, puissent désigner un candidat commun.

 La volonté de cette frange de la population tend à se réaliser lorsque Jean-Pierre Bemba, relaxé de son incarcération à la Cpi, Moïse Katumbi, Matungulu, Adolphe Muzito, Martin Fayulu, Vital Kamerhe et Félix Tshisekedi, ces grands leaders d’opinions, membres de l’Opposition se réunissent à Genève en Suisse.

Autour d’Allan Doss, ancien secrétaire général des Nations Unies et membre de la Fondation Koffi Annan, les leaders congolais vont élire le candidat unique de l’Opposition à la prochaine présidentielle.

 Le vote aura lieu entre Fayulu, Matungulu, Kamerhe et Tshisekedi, les seuls dont les dossiers de candidature ont été validés par la Cour Constitutionnelle du Congo. Et à la surprise générale, Martin Fayulu, jusque-là, pas très populaire, sera le candidat désigné.

Le monde exulte et s’étonne. Le rêve est donc devenu réalité, l’Opposition ira aux élections en étant unie. 

Une joie de courte durée, car peu après, instantanément Félix Tshisekedi et Vital Kamerhe, sommés par leurs bases politico-sociologiques ont dû retirer leurs signatures de l’accord désignant Fayulu. 

Les deux vont se retrouver quelques jours plus tard à Nairobi au Kenya, ce pays touristique de l’Est de l’Afrique pour décider, qui des deux sera candidat à la présidentielle. Ils nomment leur alliance « Cach » : Cap pour le changement.

 Avec une souplesse qui lui colle à la peau, Kamerhe a laissé tendre la main à Tshisekedi. Une décision payante puisque le 10 janvier 2019, la Ceni a déclaré Félix Tshisekedi vainqueur de la présidentielle du 30 décembre 2018. Une victoire avec un arrièregoût aigre d’autant plus que le tandem TshisekediKamerhe n’a pu remporter la majorité au Parlement. C’est le FCC de Kabila, qui a la quasi-totalité des sièges dans les deux chambres du Parlement, dans les Assemblées provinciales et même parmi les gouverneurs. Ce qui donne lieu à une coalition dans la gestion actuelle de la Rdc. Deux alliances pour ne former qu’une : FCC-CACH pour le meilleur et le pire.

Au gré des intérêts !

Les alliances se font et se défont. Cette boutade se vérifie merveilleusement bien en République démocratique du Congo dont l’histoire politique est faite d’amour et de désamour. Une question se pose: pourquoi toutes ces alliances ? La politique est l’instrument de gestion de la chose publique, mieux des intérêts du peuple. Toute gymnastique politique est avant tout pour favoriser l’intérêt général.

 En RDC, les avis divergent au sein de la population et dans différents cercles de réflexion. D’aucuns estiment que les alliances politiques se concluent davantage pour des intérêts partisans que pour le bien du peuple.

Il est de coutume de retrouver les mêmes visages, le matin dans l’opposition et dans le camp présidentiel à midi. Des âmes perdues, des litres de sang engloutis et imbibés dans le sol légué par les pères fondateurs de la Nation…la souffrance du Congolais est la seule donne inchangée depuis l’Indépendance.

 Entré dans une nouvelle ère politique où fils et fille clament « le Peuple d’abord », l’espoir quoiqu’infime, reste tout de même vif de voir les alliances politiques servir l’intérêt du peuple congolais.

HESHIMA

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Suspension de 13 partis d’opposition en RDC : un précédent fâcheux pour la démocratie ? 

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Fin octobre, le gouvernement congolais a annoncé la suspension des activités de treize partis politiques de l’opposition ayant participé au conclave de Nairobi autour de l’ancien président de la République démocratique du Congo (RDC), Joseph Kabila. Ce dernier a été condamné à mort par contumace – fin septembre – par la justice militaire notamment pour « trahison » et « crimes de guerre ». La décision de suspendre ces partis suscite des réactions diverses au sein de la classe politique, dans un contexte où le pays fait face à une agression dans l’Est par la rébellion du M23 soutenue par le Rwanda.

Le vendredi 31 octobre, l’État congolais a annoncé la suspension, sur l’ensemble du territoire, d’une dizaine de partis classés dans l’opposition, une décision qui a aussitôt suscité des réactions au sein de la classe politique. Selon le communiqué du ministère de l’Intérieur, ces mesures visent des formations dont les dirigeants ont pris part à une réunion à Nairobi – quelques semaines seulement après la condamnation de Joseph Kabila pour haute trahison – et qui auraient enfreint les règles régissant l’activité des partis et mis en péril la sécurité nationale. Cette décision, relayée par la RTNC, a été confirmée par le porte-parole du gouvernement, Patrick Muyaya, à l’issue du Conseil des ministres.

Selon le gouvernement, cette mesure exceptionnelle s’appuie sur des « faits avérés de troubles à l’ordre public » imputés à plusieurs structures politiques au cours des dernières semaines. Patrick Muyaya a précisé que cette suspension s’appliquait « jusqu’à nouvel ordre », en attendant les conclusions d’enquêtes initiées par les services compétents pour établir la nature des activités de ces formations et leurs éventuels liens avec des menaces à la sécurité de l’État.

Un contexte sécuritaire préoccupant

Cette décision intervient alors que la RDC traverse l’une des crises sécuritaires les plus graves de son histoire récente. L’Est du pays est le théâtre d’une agression du M23, un groupe armé dont le soutien par le Rwanda a été documenté par plusieurs rapports d’experts de l’ONU. Des millions de personnes ont été déplacées et des milliers de vies ont été perdues dans ce conflit qui menace l’intégrité territoriale du pays.

C’est dans ce contexte que Joseph Kabila a été condamné par la justice militaire pour des accusations incluant la haute trahison, les crimes de guerre et l’atteinte à la sûreté de l’État. Les attendus du jugement font état de présomptions de liens entre l’ancien président et des entités hostiles à la RDC. Quelques semaines après cette condamnation, les treize partis désormais suspendus ont choisi de participer à un conclave organisé autour de cette même personnalité, créant ainsi la plateforme « Sauvons la RDC ».

Les partis concernés et leurs réactions

Les treize partis concernés par la suspension sont le PPRD (Parti du Peuple pour la Reconstruction et la Démocratie), LGD (Leadership et Gouvernance pour le Développement), Piste pour l’Émergence (PISTE), AAP (Action Alternative du Peuple), UDA (Union des Démocrates Africains), MPCR (Mouvement du Peuple Congolais pour la République), ATD (Alliance pour la Transformation et le Développement), COFEDEC (Congrès des Fédéralistes Démocrates du Congo), PNEC (Parti National pour l’Émergence du Congo), MLP (Mouvement Lumumbiste Progressiste), UPC (Union du Peuple Congolais) et ADCP (Alliance des Démocrates Chrétiens du Peuple).

Dans les heures qui ont suivi l’annonce, plusieurs voix se sont élevées pour contester la mesure. Seth Kikuni, porte-parole du mouvement « Sauvons la RDC » et leader de « Piste pour l’émergence », a publiquement « rejeté » la décision, la qualifiant de manifestation de la peur d’un pouvoir « aux abois ». D’autres figures ont annoncé la tenue d’actions politiques pour contester la mesure.

Toutefois, d’autres observateurs soulignent le timing problématique de ce conclave de Nairobi, organisé autour d’un homme fraîchement condamné pour haute trahison, alors même que le pays fait face à une agression extérieure. Pour ces analystes, s’associer publiquement à Joseph Kabila dans ces circonstances soulève inévitablement des questions sur les intentions réelles de ces formations politiques.

La question juridique : entre légalité et sécurité nationale

La suspension « jusqu’à nouvel ordre » de ces partis tels qu’indiqué par le porte-parole du gouvernement n’est effectivement pas reprise dans la loi n° 04/002 du 15 mars 2004 portant organisation et fonctionnement des partis politiques. L’article 29 de cette loi stipule que lorsque l’activité d’un parti politique menace ou porte atteinte à l’unité et à l’indépendance nationales, à l’intégrité du territoire de la République, à la souveraineté de l’État congolais, à l’ordre institutionnel démocratique, ou trouble gravement l’ordre public, l’autorité territoriale du ressort décide la suspension immédiate des activités du parti incriminé dans sa juridiction par décision motivée, pour une durée qui ne peut excéder 15 jours.

Au regard de cette disposition, le gouvernement aurait dû procéder comme ce fut le cas initialement pour le PPRD qui était suspendu 15 jours au départ avant de soumettre son cas à la justice. Même dans le cas où la justice intervient, le juge peut prolonger la suspension, mais elle ne peut excéder 30 jours selon le texte de loi.

Cependant, certains juristes font valoir que cette loi a été conçue en 2004, dans un contexte différent, et n’envisageait pas une situation où des partis politiques pourraient s’organiser autour d’une personnalité condamnée pour haute trahison en temps de crise sécuritaire majeure. La gravité exceptionnelle des accusations portées contre Joseph Kabila – notamment la trahison envers la nation – et le contexte d’agression extérieure que subit le pays pourraient justifier, selon cette interprétation, une approche plus ferme de l’État.

Un précédent historique dans un contexte inédit

Cette suspension de 13 partis politiques marque un fait inédit depuis l’instauration du multipartisme en 1990 par le maréchal Mobutu Sese Seko. Jamais, depuis cette ouverture démocratique, un aussi grand nombre de partis d’opposition n’avait été suspendu simultanément.

Mais le contexte actuel est lui-même sans précédent. La RDC fait face à une menace existentielle avec l’agression du M23 soutenu par le Rwanda, qui contrôle désormais des portions importantes du territoire de l’Est. Dans ce contexte, l’organisation d’un conclave politique autour d’un homme condamné pour haute trahison pose la question de la responsabilité de l’État dans la protection de sa souveraineté.

Le poids de l’histoire : trois décennies de déstabilisation

L’histoire récente de la RDC est marquée par une série de trahisons politiques qui ont coûté cher au pays. Depuis les années 1990, plusieurs personnalités politiques congolaises ont choisi de s’allier à des rébellions soutenues par des pays voisins, notamment le Rwanda et l’Ouganda, en échange de promesses de pouvoir. Ces alliances ont maintenu le pays dans un cycle de violences qui a causé des millions de morts.

Le gouvernement semble vouloir rompre avec cette dynamique en envoyant un signal fort : dans un contexte d’agression extérieure, toute association avec des forces ou des personnalités accusées de liens avec l’ennemi sera considérée comme une menace à la sécurité nationale. Cette approche, bien que controversée sur le plan des libertés démocratiques, trouve un certain écho auprès d’une population lassée des trahisons politiques répétées.

Entre défense de la démocratie et protection de la souveraineté

Pour Seth Kikuni, le gouvernement congolais a franchi un seuil « dangereux » en suspendant les 13 partis. « Par sa décision de suspendre nos partis et de saisir le Conseil d’État pour les dissoudre, le gouvernement Tshisekedi a franchi un seuil dangereux. Il a démontré ses limites, sa peur d’une opposition responsable, qui lui indique la voie à suivre », a-t-il écrit le 4 novembre sur son compte X.

Tout en rejetant ces décisions qu’il qualifie de « puériles », Seth Kikuni interpelle sur la création d’un « précédent fâcheux » pour l’histoire. Le mouvement « Sauvons la RDC » estime qu’il s’agit d’un acte de guerre contre le pluralisme politique, l’État de droit et la liberté d’association et de réunion, qualifiant ces mesures d’« arbitraires et disproportionnées ».

Néanmoins, d’autres voix dans la société congolaise se demandent s’il est raisonnable, en temps de guerre, de permettre à des formations politiques de s’organiser autour d’une personne accusée de complicité avec les forces qui agressent le pays. Ces voix rappellent que dans plusieurs démocraties occidentales, des mesures exceptionnelles ont été prises contre des formations politiques jugées menaçantes pour la sécurité nationale, notamment en temps de conflit.

Le dilemme gouvernemental

Le président Tshisekedi se trouve face à un dilemme complexe : maintenir les libertés démocratiques tout en protégeant l’État d’une menace qu’il juge existentielle. Certains observateurs notent que le gouvernement est placé dans une position délicate où toute inaction pourrait être interprétée comme une faiblesse face à des forces qui déstabilisent le pays depuis trois décennies.

Le président de l’Association africaine des droits de l’Homme (ASADHO) a alerté sur les risques de cette approche : « La stratégie du régime Tshisekedi d’asphyxier les partis politiques de l’opposition, en leur privant de l’espace démocratique, va les pousser à agir en clandestinité et à recourir aux moyens illégaux pour résister et pour accéder au pouvoir. »

Cependant, le gouvernement semble parier sur un autre calcul : que l’affirmation de fermeté dans la défense de la souveraineté nationale découragera d’autres formations politiques de s’allier, directement ou indirectement, aux forces hostiles au pays. Dans cette logique, le risque de voir ces partis basculer dans la clandestinité serait moins dangereux que de les laisser opérer librement tout en étant associés à un homme condamné pour trahison.

Une décision qui divise, dans un pays qui cherche sa stabilité

Cette suspension suscite donc des débats passionnés sur la place de la démocratie en temps de crise sécuritaire. Pour ses détracteurs, il s’agit d’une dérive autoritaire qui établit un précédent dangereux. Pour d’autres, c’est une mesure de sauvegarde nécessaire dans un contexte où la survie même de l’État est menacée.

Ce qui est certain, c’est que cette décision reflète les tensions profondes qui traversent la société congolaise : entre aspiration démocratique et besoin de sécurité, entre liberté politique et protection de la souveraineté nationale, entre respect de la loi et réponse à une menace jugée existentielle.

L’avenir dira si cette mesure exceptionnelle aura contribué à stabiliser le pays ou si elle aura, au contraire, radicalisé une opposition déjà marginalisée au Parlement. Une chose est sûre : dans un pays qui a trop souffert de l’instabilité et des trahisons politiques, la question de la loyauté envers la nation est devenue un enjeu central du débat politique.

Heshima

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Tshisekedi-Kagame-AFC/M23 : un novembre décisif pour la crise congolaise ?

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Ce début novembre pourrait s’avérer déterminant dans la crise sécuritaire qui secoue l’Est de la République démocratique du Congo (RDC) depuis quatre ans. Sauf revirement, le gouvernement congolais et les rebelles de l’Alliance Fleuve Congo/Mouvement du 23 mars (AFC/M23) doivent signer un accord cette semaine. Toujours en novembre, le président américain Donald Trump prévoit de réunir à Washington le chef de l’État congolais Félix Tshisekedi et son homologue rwandais Paul Kagame afin d’entériner deux accords de paix : ceux de Doha et de Washington.

Un compromis entre le gouvernement congolais et l’AFC/M23 est en cours de négociation à Doha, avec le soutien des États-Unis. Le président congolais Félix Tshisekedi l’a confirmé le 2 novembre au Caire, lors d’un échange avec la communauté congolaise vivant en Égypte. Il a également indiqué que la conclusion de l’accord de Doha ouvrirait la voie à une rencontre à Washington avec son homologue rwandais. « Ce n’est qu’après cela que Washington, qui attend la conclusion de cet accord, convoquera le président rwandais et moi-même pour que nous nous rendions auprès du président Donald Trump afin d’entériner les deux accords : Doha et Washington », a-t-il expliqué à la diaspora congolaise en Égypte.

Malgré la main tendue à Paul Kagame pour faire « la paix des braves » lors du forum économique Global Gateway, le chef de l’État congolais ne cache pas ses critiques vis-à-vis des intentions de son voisin rwandais : « Ses intentions sont belliqueuses et hégémoniques. Son objectif est de scinder notre pays et d’occuper, voire d’annexer la partie Est, terre très riche en ressources minérales et agricoles. »

Au-delà de ces divergences, les deux dirigeants sont contraints de faire la paix. Et malgré les combats qui se poursuivent sur le terrain en violation du cessez-le-feu, les discussions progressent.

Entre Washington et Doha, Paris trouve son créneau…

Face au processus de résolution de la crise mené par Washington et Doha, Paris manquait de leadership. Emmanuel Macron a finalement trouvé son créneau : pallier l’arrêt du financement humanitaire dans l’Est de la RDC consécutif à la suppression par Donald Trump de l’agence américaine USAID. Organisée le 30 octobre à Paris, la conférence « de soutien à la paix et à la prospérité » devait permettre de débloquer plusieurs dossiers liés à la situation dans la région. Le président Emmanuel Macron a annoncé la mobilisation de plus de 1,5 milliard d’euros en faveur des populations les plus vulnérables de la région des Grands Lacs.

Cette rencontre, qui a réuni plusieurs dizaines de pays et d’organisations internationales, visait à relancer les efforts diplomatiques et humanitaires dans une région en proie à des décennies de conflits. Mais ces chiffres avancés par Emmanuel Macron méritent d’être nuancés. Sur ce montant, environ 500 millions d’euros avaient déjà été engagés cette année, et une partie correspond à des promesses anciennes, réaffirmées à l’occasion du sommet. Le plan de 1,2 milliard d’euros prévu pour la région n’est couvert pour l’heure qu’à hauteur de 14 %. L’accroissement des financements s’avère donc nécessaire dans un contexte d’aggravation de la crise humanitaire. L’an dernier, 70 % de l’aide provenait des États-Unis, tandis que la France n’a couvert que 0,5 % des besoins, selon Oxfam.

Dans la foulée de ces promesses, Félix Tshisekedi a également évoqué un plan de reconstruction des provinces du Nord et du Sud-Kivu une fois les rebelles partis. Ce plan est chiffré à 5 milliards de dollars, sans toutefois préciser comment il compte réunir cette somme.

Aéroport de Goma, une réouverture qui énerve le Rwanda   

Autre annonce d’Emmanuel Macron : la réouverture de l’aéroport de Goma pour des vols humanitaires. Cette décision a provoqué de vives réactions du côté du Rwanda et de l’AFC/M23. Présent à Paris, le ministre rwandais des Affaires étrangères, Olivier Nduhungirehe, n’a pas tardé à contester cette décision. Pour le chef de la diplomatie rwandaise, l’aéroport étant situé sur un territoire contrôlé par l’AFC/M23, sa réouverture doit être discutée avec les rebelles dans le cadre des négociations de Doha, aux côtés des autorités congolaises et du médiateur qatari. Il a ajouté que « ce n’est pas à Paris qu’on va décider de la réouverture de l’aéroport de Goma » et que « cette réouverture ne peut se faire dans le contexte sécuritaire actuel ».

Une position confirmée par l’AFC/M23 dans la soirée. Pour Corneille Nangaa, coordonnateur de l’AFC/M23, dont le mouvement n’a pas été invité à la conférence de Paris, la décision est « inopportune, déconnectée de la réalité du terrain et prise sans consultation préalable ». Ce dernier met au défi le gouvernement congolais d’ouvrir l’aéroport sans consulter la rébellion, démontrant ainsi qu’il sera difficile de rouvrir l’accès d’un coup de baguette magique.

Le porte-parole du gouvernement, Patrick Muyaya, affirme pour sa part que l’aéroport a été fermé par le gouvernement et qu’il lui revient de décider de sa réouverture partielle, uniquement pour des vols humanitaires.

Dans cette conférence de Paris, le dernier volet abordé était diplomatique. L’idée pour Paris est de faire avancer la paix et renouer la confiance entre tous les acteurs. La mobilisation de la communauté mondiale est importante face à l’urgence humanitaire dans l’Est de la RDC, la présence de différents pays africains peut renforcer et soutenir la médiation en cours menée par les États-Unis et le Qatar dans le conflit entre Kinshasa, Kigali et l’AFC/M23.
Parallèlement au processus de Washington qui a débouché sur un accord de paix entre la RDC et le Rwanda en juin dernier, des négociations sont en cours depuis plusieurs mois entre Kinshasa et l’AFC/M23 sous médiation du Qatar. En juillet, les deux parties ont signé une déclaration de principes en faveur d’un cessez-le-feu qui n’a pas non plus mis fin aux affrontements, même si le front s’est stabilisé. Plus de 80 % des structures de santé connaissent des ruptures de stocks, alors que les blessés continuent à « affluer » dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, a alerté le Comité international de la Croix-Rouge.
Ce conflit, qui a démarré en 2021 avec la résurgence du M23 soutenu par le Rwanda, a atteint des proportions inégalées en 2025 avec l’occupation de la ville de Goma et de Bukavu par les troupes rwandaises en appui aux rebelles. Depuis le début des discussions à Washington ou à Doha, les progrès sont minimes. L’accord de Washington renvoie aux dispositions d’un concept d’opérations (Conops) signé par les deux parties fin octobre 2024. Ce dernier prévoyait dans un court délai de trois mois la « levée des mesures défensives du Rwanda », c’est-à-dire le retrait des soldats rwandais de la RDC, ainsi que la neutralisation par Kinshasa des FDLR, un groupe de rebelles rwandais accusé par Kigali de menacer sa sécurité depuis l’Est de la RDC. Sur le terrain, la neutralisation de ces rebelles se fait attendre malgré l’appel de l’armée congolaise à leur reddition volontaire. Résiduel, ce groupe armé n’a pas la capacité d’opération pouvant inquiéter le Rwanda d’après plusieurs rapports. Ses éléments – moins d’un millier – étaient en majorité dans la zone occupée actuellement par l’armée rwandaise et les rebelles du M23. Ces divergences d’approche sur la présence de ces rebelles ainsi que la présence des troupes rwandaises continuent de brouiller le signal de la paix dans l’Est de la RDC. Mais Washington continue d’espérer à un retour de la paix, peu importe le temps. « La paix, c’est un processus, pas un interrupteur qu’on allume ou qu’on éteint », a déclaré Massad Boulos, conseiller spécial pour l’Afrique de Donald Trump.  

Heshima

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Politique

FORMATION DU PROCHAIN GOUVERNEMENT UNE BOITE DE PANDORE ?

Au terme de la mission d’informateur d’Augustin Kabuya, il ne sera probablement pas facile, au sein de l’Union sacrée de la nation, de trouver un compromis autour du Premier ministre et de la formation du gouvernement. De quelle province sera originaire le Premier ministre et quelles seront ses priorités ? Avec qui devra-t-il composer ? Analyse.

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Tout porte à croire que l’informateur Augustin Kabuya n’aura pas besoin de voir son mandat prorogé pour boucler le travail qui lui a été confié par le chef de l’Etat, d’autant plus qu’il l’avait déjà commencé en coulisses. Comme l’a dit Vital Kamerhe avec qui ils se sont rencontrés dans le cadre de ces consultations, la majorité est bel et bien effective et il suffit simplement de la comptabiliser et la consigner sur papier.

En examinant bien le contexte, le rapport du secrétaire général de l’UDPS devait normalement atterrir sur la table du chef de l’Etat dans les dix premiers jours de mars – sa nomination étant intervenue le 7 février.

A qui la Primature ?

En tout état de cause, la gestion des ambitions ne sera pas aisée avec 44 regroupements politiques dont deux grandes forces parmi eux, à savoir l’UDPS et sa mosaïque (140 sièges), et le Pacte Républicain pour un Congo Retrouvé (PCR) de Kamerhe et consorts qui compte environ 115 députés nationaux – sans oublier la plateforme de Jean-Michel Sama Lukonde et celle de Bahati Lukwebo. L’UDPS arrive en tête selon les résultats provisoires des législatives nationales du 20 décembre 2023 et ce décompte lui donne automatiquement droit au poste de Premier ministre, mais il faut quelqu’un d’une autre province que le Kasaï. L’informateur, dans sa peau de secrétaire général du parti présidentiel, a toutefois annoncé le 10 mars que le poste de Premier ministre reviendra à l’UDPS.

On se doit ainsi de désigner une personne compétente et en tenant compte de sa province d’origine, conformément au principe de la représentativité nationale consacré dans la Constitution. Les deux précédents chefs du gouvernement, Ilunga Ilunkamba et Sama Lukonde, ayant été originaire du Grand Katanga, les autres provinces veulent aussi voir leurs fils accéder à cette fonction prestigieuse. Sans attendre, des chefs coutumiers du Kasaï central demandent que la Primature et quatre ministères leurs soient accordés. Sur ce point, Kabuya a été aussi clair: la primature reviendra à l’UDPS mais pas à un originaire du Kasaï.

Un partage difficile en vue

Mais, il n’y a pas que la Primature que la classe politique brigue. Parce que les partis ayant remporté les plus grands scores aimeront se taper la part du lion, la tâche de répartition des ministères s’avère délicate et requiert du tact. Le nœud du problème se pose surtout autour des quotas. Or, pour avoir soutenu la candidature de Félix Tshisekedi, tout le monde estime avoir voix au chapitre. Comment donc faire pour que tous les partis, les regroupements et les personnalités politiques de l’Union sacrée trouvent chacun son compte ? Telle est la pertinente interrogation. Seulement, s’il faille considérer l’exigence de la formation d’un gouvernement resserré, la frustration ne manquera pas, particulièrement du côté des poids plumes.

Dans ce lot, il ne faudra pas négliger non plus ceux de l’USN qui ont atteint le seuil de représentativité lors des dernières élections, mais qui n’alignent pas d’élus dans les assemblées délibérantes. Faisant partie de cette catégorie, l’Alliance des partis politiques extraparlementaires de l’Union sacré de la nation réclame d’être associée à la gouvernance. Peut-être que certains ne pourront trouver leurs comptes que lorsque la question de la répartition des postes dans les entreprises publiques, à la Banque centrale du Congo (BCC)… fera l’objet de négociations.

lDans tous les cas, dès sa formation, le prochain gouvernement aura véritablement du pain sur la planche. Il devrait s’occuper le plus rapidement et prioritairement de la guerre que le Rwanda impose à la RD Congo dans sa partie Est et aussi de la situation socioéconomique alarmante de la population.

Hubert MWIPATAYI

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