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APRÈS 28 MOIS DE RETARD, CENI : L’OPÉRATION MARATHON DE L’ÉQUIPE KADIMA

Formations en cascade, descente tous azimuts des membres du bureau de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) dans les provinces, actualisation de la cartographie opérationnelle, l’équipe Kadima est en sprint pour rattraper le retard du processus électoral afin d’organiser les élections à la date constitutionnelle.

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Depuis son installation, le bureau dirigé par le président Denis Kadima Kazadi n’entend pas perdre un seul instant. Le président de la centrale électorale a du mal à retrouver son bureau de Kinshasa, suite à l’intense travail de terrain qu’il a déployé depuis quelques mois. L’objectif de ce sprint est d’abord de rattraper le retard de 28 mois accumulé suite au processus de désignation des nouveaux animateurs de cette institution d’appui à la démocratie. Denis Kadima le sait. 

Les parties prenantes au processus électoral ainsi que la communauté internationale veulent avoir des élections dans le délai constitutionnel. Mais personne quasiment ne songe au retard que son équipe a accumulé avant sa mise en place. Malgré cela, le quatrième président de la CENI de l’histoire se déploie pour que ce retard n’affecte pas la date buttoir des élections en 2023. « Donc vous devez comprendre que nous avons accumulé un grand retard, et sans doute quand vous écoutez les politiciens, la société civile, les partenaires, tout le monde dit qu’on veut des élections en 2023, mais personne ne tient compte du fait qu’on est là 28 mois plus tard que la date qu’il fallait. », a-t-il déclaré lors d’un cadre des concertations tenu début mai 2022 à Gbadolite, dans la province du Nord-Ubangi. 

En dépit de ce fait, Denis Kadima ne trouve aucune excuse pour tenir les scrutins à bonne date. « Mais cela ne nous empêche pas de travailler en fonction du 2023. C’est aujourd’hui une occasion de vous dire que ceux qui ont encore des doutes et qui pensent que la CENI veut glisser qu’ils se détrompent, parce que nous travaillons en fonction de 2023. Et durant le dernier trimestre de 2023, ce pays aura ses 4èmes élections générales. Il ne faut pas qu’il y ait des doutes », a-t-il rassuré. 

Pour y parvenir, il a lancé, début avril 2022, à Kinshasa, le niveau 1 de la cascade de formations sur l’actualisation des cartographies opérationnelles en prélude de ces élections générales. Durant 7 jours, 273 cadres et agents venus de 26 provinces du pays ont bénéficié de cette formation après un atelier d’harmonisation.

Du haut de son expérience de 25 ans en matière électorale, Denis Kadima tient donc à imprimer sa marque dans ce nouveau cycle. « La Commission électorale nationale indépendante dispose d’une expertise avérée dans l’organisation des élections. Celle-ci ne suffit pas et il faut une nouvelle vision, une nouvelle image de la CENI que nous devons tous recréer », avait-il déclaré en marge du lancement de cette formation sur l’actualisation des cartographies opérationnelles.

  Feuille de route

La CENI a publié le 3 février dernier sa feuille de route pour les prochaines élections. Ce calendrier s’articule sur trois séquences principales. La première étape concerne les élections directes du président de la République, des députés nationaux, des députés provinciaux, des conseillers des communes, des secteurs et des chefferies d’ici 2023. Cette feuille de route, étalée sur 43 lignes décrivant chaque étape du processus électoral, comporte également des contraintes à surmonter. A titre illustratif, Denis Kadima est revenu sur quelques activités déjà entreprises et/ ou à réaliser dans un proche avenir.

 De novembre 2021 à février 2022, il y a eu la tenue du séminaire d’imprégnation ainsi que la production des outils de gestion du processus électoral ; entre décembre 2021 et mars 2022, la CENI a procédé à la stabilisation et consolidation de l’administration permanente d’infrastructures ; entre février et avril 2022, elle a organisé les élections des gouverneurs et vice-gouverneurs de province. La première séquence de cet agenda a trait aux élections directes, c’est-à-dire celles du président de la République, des députés nationaux, des députés provinciaux et des conseillers des communes, des secteurs, et des chefferies. Pour y arriver, il est prévu entre janvier 2022 et juillet 2023, l’organisation des opérations de cartographie des sites opérationnels, l’identification et l’enrôlement des électeurs. De juillet 2023 à septembre 2023, la CENI va organiser l’opération de réception et traitement des dossiers de candidatures aux scrutins directs. Entre septembre 2023 et décembre 2023, il y aura justement la tenue de ces scrutins directs.

La Commission Électorale Nationale Indépendante dispose d’une expertise avérée dans l’organisation des élections. Celle-ci ne suffit pas et il faut une nouvelle vision, une nouvelle image de la CENI que nous devons tous recréer.

La deuxième séquence concerne les élections indirectes, c’est-à-dire celles des sénateurs, des gouverneurs et vice-gouverneurs, des conseillers urbains, des maires et maires adjoints, des bourgmestres, bourgmestres adjoints ainsi que des chefs de secteurs et chefs de secteurs adjoints. Enfin la troisième séquence concerne les activités de pérennisation du processus électoral. Selon Denis Kadima, la troisième séquence portera sur les activités de pérennisation du processus électoral qui iront de mars 2024 à mars 2027.

Des contraintes à surmonter…

 Au-delà de la feuille de route, le président de la CENI a saisi cette occasion pour relever certaines contraintes après une profonde analyse en interne. « Il y a plein d’activités qui sont programmées. Mais il faut toutefois noter que cette feuille de route ne peut se matérialiser que si un certain nombre de contraintes est sur monté », avait-il noté avant de préciser : « La CENI a fait une analyse de risques et une analyse faite sans complaisance. 

Et nous avons identifié un certain nombre de contraintes qui pourraient affecter négativement la mise en œuvre de cette feuille de route. » Parmi ces contraintes, il y a notamment l’indépendance financière de la CENI, la volonté politique, la production à temps des lois essentielles, la complexe mutualisation des opérations d’identification et de recensement de la population avec l’enrôlement des électeurs qui doit être faite sans lenteur pour respecter le délai constitutionnel des élections ainsi que la sécurité surtout dans la partie Est du pays.

 Après la feuille de route, l’équipe Kadima est donc plongée dans le processus électoral. Certains points inscrits dans ce canevas ont déjà été réalisés, notamment l’élection des gouverneurs et vice-gouverneurs dans les 14 provinces à problème. Pour le reste, le sprint du bureau de la CENI continue pour le rendez-vous de 2023.

Dido Nsapu

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La situation sécuritaire en RDC au cœur d’un sommet de la SADC au Zimbabwe

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À un mois de l’expiration du mandat des forces de la SADC déployées dans l’Est de la République Démocratique du Congo (RDC), la situation sécuritaire du pays fait l’objet d’une évaluation ce mercredi 20 novembre 2024 à Harare, au Zimbabwe. Pourtant, sur le terrain, le statu quo persiste.

Un sommet extraordinaire des Chefs d’État et des gouvernements de la Communauté de Développement de l’Afrique Australe (SADC) s’ouvre à Harare ce 20 novembre. Il sera dirigé par le président du Zimbabwe, Emmerson Mnangagwa, également président en exercice de la SADC.

Lors de cette rencontre, les discussions porteront sur la situation sécuritaire dans la région, avec un accent particulier sur la partie Est de la République Démocratique du Congo. « Le sommet sera l’occasion de faire le point sur les progrès de la Mission de la SADC en République Démocratique du Congo (SAMIR-DRC) », indique le communiqué de la SADC.

Le mandat de cette force expire le 15 décembre 2024. En octobre dernier, une mission de la SADC s’est rendue au Nord-Kivu pour évaluer l’opération de maintien de la paix menée en RDC (SAMIR-DRC). « Nous avons mené des opérations, mais notre mandat touche déjà à sa fin. Les autorités ont jugé urgent de procéder à une évaluation. L’objectif est de déterminer ce qui a fonctionné et ce qui n’a pas fonctionné, afin qu’en renouvelant notre mandat d’un an, nous sachions quelles mesures prendre pour plus d’efficacité », a déclaré le général-major Ibrahim Muhona, chef de la délégation envoyée par la SADC.

Soutien de l’ONU

Face aux difficultés rencontrées par cette force régionale, le Conseil de sécurité des Nations Unies a ordonné à la MONUSCO d’apporter son soutien à la SADC. Lors de sa visite en RDC en septembre, Jean-Pierre Lacroix, secrétaire général adjoint de l’ONU en charge des opérations de maintien de la paix, a échangé avec le commandant de cette force pour accélérer cette collaboration, conformément à la dernière résolution de l’ONU.

La résolution 2746 autorise un soutien renforcé de la MONUSCO aux opérations de la Mission de la Communauté de Développement de l’Afrique Australe en RDC (SAMIDRC). Selon cette résolution, la force onusienne est mandatée pour fournir une assistance à la SAMIDRC, notamment à travers une meilleure coordination, un partage accru d’informations, ainsi qu’un soutien technique et logistique. Ce soutien vise à renforcer les capacités de la SAMIDRC, tout en garantissant le respect des normes internationales en matière de droit international humanitaire et de droits de l’homme.

Statu quo dans le processus de Luanda

Pendant ce temps, à Luanda, les négociations entre les deux pays n’ont pas suffisamment progressé. Le Rwanda conditionne toujours son retrait du sol congolais à la neutralisation des Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR), tandis que la ministre des Affaires étrangères de la RDC, Thérèse Kayikwamba Wagner, plaide pour un retrait simultané des forces rwandaises, en même temps que la traque des FDLR. Pour Kigali, « la levée des mesures défensives du Rwanda », une formulation politique désignant le retrait de l’armée rwandaise du sol congolais, ne pourra intervenir qu’après des résultats significatifs dans la lutte contre les FDLR, soit dans un second temps.

Sur le terrain, les rebelles du M23, soutenus par le Rwanda, poursuivent leurs combats malgré le cessez-le-feu en vigueur depuis le 4 août. Ils ont gagné du terrain dans le territoire de Walikale et continuent de progresser dans celui de Lubero, dans la province du Nord-Kivu.

Heshima

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États généraux de la justice : après 359 propositions, un long combat pour leur mise en pratique

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Les États généraux de la justice se sont conclus le 16 novembre en République Démocratique du Congo. Après dix jours de débats, un rapport contenant 359 propositions a été présenté. Comme en 2015, le combat pour la mise en œuvre de ces recommandations a commencé. Le chef de l’État, Félix Tshisekedi, a promis de les appliquer sans faille.

Les États généraux de la justice se sont conclus le 16 novembre en République Démocratique du Congo. Après dix jours de débats, un rapport contenant 359 propositions a été présenté. Comme en 2015, le combat pour la mise en œuvre de ces recommandations a commencé. Le chef de l’État, Félix Tshisekedi, a promis de les appliquer sans faille.

Trois mille participants ont pris part à ces assises sous le thème : « Pourquoi la justice congolaise est-elle qualifiée de malade ? Quelle thérapie face à cette maladie ? ». Au total, 359 propositions ont été formulées, soit neuf de plus qu’en 2015. Parmi les recommandations, les participants ont suggéré le remplacement du Conseil supérieur de la magistrature par un Conseil supérieur de la justice, où les magistrats siégeraient aux côtés du président de la République et du ministre de la Justice. Lors du dernier jour des assises, le ministre d’État en charge de la Justice, Constant Mutamba, a abordé la réforme du Conseil supérieur de la magistrature. Les participants ont proposé son remplacement par un Conseil supérieur de la justice, dans lequel les magistrats ne siègeraient plus seuls. « Les avocats, les greffiers, les huissiers, la société civile et d’autres acteurs réclament désormais de faire partie du Conseil supérieur de la justice. Il est anormal que certains juges et magistrats, d’un certain niveau, ne fassent l’objet d’aucun contrôle de leurs actes », a dénoncé Constant Mutamba.

Certaines réformes irritent les magistrats

Cette proposition de remplacement du Conseil supérieur de la magistrature irrite une partie des magistrats. Ces derniers refusent que des non-magistrats, à l’exception du président de la République en tant que magistrat suprême, siègent dans cette instance. La dépendance des parquets vis-à-vis du ministère de la Justice, ainsi que la suppression de l’avis des présidents des cours et tribunaux avant de rendre une décision, figurent parmi les réformes qui suscitent des désaccords parmi les magistrats. Selon le procureur Edmond Issofa, président du Syndicat national des magistrats, ces questions n’ont pas été tranchées durant les dix jours des États généraux et ont été soumises à l’arbitrage du président de la République. « Le rapport tel qu’il a été présenté ne reflète en rien la réalité. Il ne correspond pas aux conclusions des ateliers qui ont insisté pour que les choses restent en l’état, en attendant un arbitrage du chef de l’État », a-t-il déclaré, déplorant l’impression d’une décision préétablie.

La double nationalité

Lors de la cérémonie de clôture au Palais du Peuple, Aimé Kilolo, rapporteur général des assises, a détaillé les recommandations retenues par les participants. Certaines de ces propositions nécessitent une modification de la Constitution. Par exemple, les participants ont recommandé une révision de l’article 10 de la Constitution pour permettre l’adoption de la double nationalité en RDC, tout en instaurant des mécanismes de déchéance de la nationalité congolaise en cas de haute trahison. Cette proposition a été formulée pour répondre aux attentes de la diaspora congolaise. D’autres recommandations phares ont également été retenues.

Jules Alingete recommande la création d’un parquet financier

Dans son intervention, Jules Alingete, inspecteur général et chef de l’Inspection générale des Finances (IGF), a vivement recommandé la création d’un parquet financier chargé de lutter contre les criminels économiques. Il a également plaidé pour l’adaptation du code pénal congolais aux nouvelles formes de criminalité financière. « Je ne suis pas juriste, mais il est évident que notre code pénal ne prévoit pas certaines infractions spécifiques à la criminalité financière moderne. Cela fait qu’au niveau du parquet, des faits manifestement constitutifs de corruption ou de détournement ne sont pas clairement définis, ce qui mène à des échecs judiciaires », a expliqué Jules Alingete. Il a aussi critiqué les immunités des députés et ministres qui, selon lui, rendent la justice et les organes de contrôle « impuissants ». Pour lutter contre la corruption, des pistes de solutions ont été proposées, notamment la création d’un Parquet financier, la formation des magistrats en matière financière, le renforcement des conditions financières des magistrats, et la révision du régime des immunités des membres du gouvernement responsables de gestion publique. Le renforcement des contrôles préventifs des finances publiques, avec la création d’une « patrouille financière », a aussi été évoqué.

La CENCO s’oppose à un changement de Constitution

Lors de la cinquième journée des États généraux de la justice, Monseigneur Donatien Nshole, s’exprimant au nom de la CENCO, a fermement conseillé le maintien de l’actuelle loi fondamentale. Il a souligné que la Constitution actuelle constitue un « pacte républicain » qui, si elle est appliquée correctement, pourrait éviter au pays une situation chaotique. En réponse aux discussions sur un éventuel référendum constitutionnel, il a mis en garde contre un tel projet, soulignant le coût financier élevé des élections dans un contexte où des investissements importants sont nécessaires pour améliorer les conditions de vie des Congolais. « Il serait irresponsable de chercher à changer la Constitution par référendum. Aujourd’hui, nous avons besoin de ressources pour améliorer les conditions sociales de la population », a-t-il déclaré. Selon le secrétaire général de la CENCO, la Constitution actuelle, en tant que « pacte républicain », a permis d’instaurer une stabilité sécuritaire dans le pays. Les problèmes actuels de la RDC ne découlent pas du texte constitutionnel, mais de son application. « Si les textes étaient appliqués, le pays ne serait pas dans cette situation », a-t-il ajouté.

Les résolutions de 2015 en souffrance

Ces États généraux se tiennent neuf ans après la première édition de ces assises de 2015. Parmi les centaines de recommandations formulées à l’époque, une vingtaine seulement ont été mises en œuvre. Dans son discours lors de ces nouveaux États généraux, le président de la Cour constitutionnelle et président du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), Dieudonné Kamuleta, a demandé aux participants d’évaluer sérieusement l’exécution des recommandations des États généraux de 2015. Il a rappelé que les travaux de 2015 avaient produit des conclusions et recommandations « riches » touchant aux réformes structurelles et systémiques du système judiciaire congolais. Les objectifs à l’époque étaient de poser un diagnostic sur le fonctionnement de l’appareil judiciaire, d’évaluer les réformes déjà entreprises, et de formuler des recommandations pour les réformes et actions prioritaires à mettre en œuvre. Au total, 350 recommandations avaient été retenues, abordant des questions telles que l’indépendance du pouvoir judiciaire, la lutte contre l’impunité, l’accès à la justice, et la sécurité des investissements. Les résolutions des États généraux de 2015 sont pour la plupart restées sans suite. « Seules 21 résolutions des États généraux de 2015 ont été appliquées à ce jour », a précisé un juge lors des travaux de 2024. Alexis Thambwe Muamba, ministre de la Justice à l’époque, avait prédit que les États généraux de 2015 permettraient de résoudre des problèmes majeurs du secteur judiciaire, tels que l’incurie, le clientélisme, la corruption et l’impunité. Ces assises avaient recommandé un point essentiel : « favoriser l’accès à la justice pour tous, qu’ils soient indigents ou nantis, villageois ou citadins ». Mais à ce jour, cette recommandation fondamentale est restée lettre morte.

Pour ces nouveaux États généraux, le président de la République a promis, lors de la clôture, de mettre en œuvre sans tarder les recommandations issues de ces assises. Elles doivent, selon lui, permettre la renaissance de l’appareil judiciaire congolais. Il a promis que le gouvernement recevra des directives claires pour déployer les ressources nécessaires à la réussite des réformes proposées. Toutefois, entre la fin des travaux et la réalisation concrète des réformes, il reste un long chemin à parcourir.

Heshima

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Changement de la Constitution : Tshisekedi fonce, tête baissée…

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Le week-end dernier, le Président de la République, Félix Tshisekedi, a affirmé, sur un ton martial, sa détermination à réviser ou changer la Constitution. Cependant, son argumentation en faveur de cette modification de la loi fondamentale est vivement contestée par l’opposition.

En République Démocratique du Congo (RDC), le débat autour de la modification de la Constitution prend de l’ampleur. Lors d’une visite dans le Haut-Katanga, à Lubumbashi et Kipushi, Félix Tshisekedi a réaffirmé sa ferme volonté d’intervenir sur la loi fondamentale. « Qui est celui qui va m’interdire, moi, le garant de la Nation, de le faire ? », s’est-il interrogé. Il a ensuite précisé qu’il y avait eu une malentendu concernant des propos qu’il avait tenus à Kisangani. « Ce que j’avais dit n’avait rien à voir avec un quelconque troisième mandat », a-t-il ajouté.

Si la quête d’un troisième mandat ne semble pas être sa motivation principale, le président Félix Tshisekedi avance un argument controversé concernant l’article 217 de la Constitution. Selon lui, cette disposition consacre la cession de la souveraineté de la RDC à certains États africains. Il estime que le pays est en danger, un danger qui viendrait de l’extérieur, avec une complicité interne de ceux qui ont échoué aux élections et de ceux qui n’ont pas participé aux scrutins. Le Président a indiqué que les propositions de la commission multidisciplinaire qui sera chargée de travailler sur la révision constitutionnelle l’an prochain seront soumises aux élus du peuple. Et si nécessaire, a-t-il ajouté, ces conclusions seront soumises directement au souverain primaire, « pour qu’il décide de lui-même s’il doit se limiter à la révision ou aller jusqu’au changement de la Constitution ». Et Félix Tshisekedi d’ajouter : « Personne ne changera mon avis sur cette question ».

Interprétation erronée de l’article 217

Suivant ses déclarations, l’article 217 est l’une des principales raisons qui motivent la démarche de Félix Tshisekedi. Ce texte, repris dans les constitutions de plusieurs États africains, est perçu au sein de l’UDPS, le parti présidentiel, comme un facteur pouvant conduire à la balkanisation de la RDC. « On veut nous obliger à abandonner une part de notre souveraineté à des États voisins. Et on nous dit que nous n’avons pas le droit de revoir cela », a déclaré Tshisekedi lors d’un meeting à la place de la Poste de Lubumbashi. Augustin Kabuya, secrétaire général de l’UDPS, a même évoqué le Rwanda en déclarant que l’occupation rwandaise des territoires congolais serait en grande partie rendue possible grâce à cette disposition constitutionnelle.

Un faux bruit, selon Sesanga

L’opposant Delly Sesanga n’a pas tardé à réagir après ce discours de Tshisekedi. Il a qualifié de « faux bruit » certaines des affirmations du chef de l’État. Selon lui, l’interprétation faite par Félix Tshisekedi de l’article 217 de la Constitution est               « iconoclaste ». « La manipulation, c’est lorsque vous faites croire que cet article expose le Congo à céder des territoires à des États voisins », a-t-il dénoncé dans une vidéo.

Delly Sesanga a ensuite averti le Chef de l’État qu’il devra faire face aux Congolais patriotes : « Les menaces et les mensonges ne feront nullement reculer le peuple congolais. Et vous aurez face à vous tous les Congolais qui veulent que le Congo devienne une République véritable et un État au service de l’intérêt général. »

Un projet désastreux, selon Fayulu

Martin Fayulu, leader de l’ECIDé, a estimé que Félix Tshisekedi faisait une interprétation « grossièrement erronée » de l’article 217, dont la clarté ne nécessiterait même pas l’avis d’un expert en droit constitutionnel. Selon Fayulu, ce qui importe avant tout, c’est la préservation de l’intégrité territoriale de la RDC et l’amélioration des conditions de vie de la population. Ce ne sont pas les dispositions de la Constitution qui légitiment, selon lui, le pillage des fonds publics ou l’inertie d’un gouvernement issu d’un « simulacre » d’élections.

Martin Fayulu rappelle, par ailleurs, qu’il demeure le seul président légitimement élu depuis 2018. « Je m’opposerai fermement, aux côtés du peuple, à ce projet désastreux de modification constitutionnelle », a-t-il écrit sur son compte X (anciennement Twitter).

Katumbi : Tshisekedi risque de finir seul

Le durcissement du ton de Félix Tshisekedi fait également réagir Moïse Katumbi. Le leader d’Ensemble pour la République estime que le Président Tshisekedi profane la mémoire de ceux qui sont morts pour défendre la Constitution. « Hier, il appelait ces héros à sacrifier leur vie pour préserver la loi fondamentale. Aujourd’hui, il piétine leur sang pour assouvir sa soif de pouvoir », a-t-il dénoncé sur son compte X. À ce rythme, constate Katumbi, « un dictateur risque de finir seul, chassé et abandonné, laissant derrière lui un peuple en révolte ». Katumbi interprète ainsi la posture de Tshisekedi comme celle d’un homme qui « assume avec une grande fierté son statut de dictateur ». Deux jours plus tôt, lors de l’interpellation brutale de Delly Sesanga sur ce même sujet, Katumbi dénonçait déjà une « criminalisation » de la défense de la Constitution par le régime de Félix Tshisekedi.

L’article 217 comporte-t-il un danger ?

Félix Tshisekedi et son UDPS ont-ils réellement perçu une menace pour l’intégrité territoriale de la RDC ? Certains observateurs estiment que les ennemis de l’unité nationale tenteraient d’utiliser cette disposition constitutionnelle pour balkaniser le pays. L’article 217 mentionne en effet la possibilité de céder une partie de la souveraineté du pays, tandis que l’article 214 prévoit un référendum pour concrétiser une cession de territoire.

En avril dernier, le président rwandais, Paul Kagame, a officiellement remis en cause les frontières de la RDC lors d’une visite à Cotonou, au Bénin. « Les frontières tracées durant la période coloniale ont découpé nos pays en morceaux. Une grande partie du Rwanda a été laissée en dehors, dans l’est du Congo, dans le sud-ouest de l’Ouganda », avait-il déclaré lors d’une conférence de presse conjointe avec son homologue béninois, Patrice Talon.

Lors d’une leçon publique en hommage à Laurent-Désiré Kabila, en janvier 2023, le professeur Michel Bisa Kibul a souligné que la balkanisation de la RDC pourrait se produire avec ou sans l’implication de la population. Selon lui, il existe d’autres dimensions de cette menace, telles que l’occupation des terres par des étrangers qui, un jour, pourraient revendiquer l’autonomie d’une entité. Le grand remplacement des populations dans les zones occupées par des rebellions pro-rwandaises, comme le M23, pourrait à terme déclencher ce mécanisme. Dans cette optique, l’article 214 de la Constitution pourrait être perçu comme un piège.

Heshima

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