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Soutien à l’AFC-M23 : l’étau se resserre autour de Joseph Kabila
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4 jours agoon
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La redaction
Les autorités de la République démocratique du Congo (RDC) ont suspendu les activités du Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD) de l’ex-président Joseph Kabila, en raison de son « activisme avéré » et le « silence complice » des autorités de ce parti face à l’agression rwandaise. Kinshasa a aussi enclenché des poursuites judiciaires contre l’ancien chef de l’Etat après l’annonce controversée de son arrivée à Goma. Longtemps soupçonné, l’ancien président voit désormais l’étau judiciaire se resserrer autour de lui. Mais cette mise en accusation peut-elle aboutir ? Certains spécialistes du droit évoquent des vices dans la procédure.
Une grande controverse entoure la question du retour, le 18 avril 2025, de Joseph Kabila via la ville occupée de Goma, chef-lieu de la province du Nord-Kivu. Plusieurs médias dont RFI ont annoncé son arrivée dans cette entité après être passé par le Rwanda. Une nouvelle qui a suscité d’abord un triomphalisme dans les rangs de ceux qui soutiennent l’ancien président, avant de déchanter et de se raviser face aux lourdes sanctions annoncées par le gouvernement. Certains partisans affirment que Joseph Kabila n’est pas arrivé à Goma. Pourtant, RFI maintient que l’ancien président était arrivé dans la ville volcanique sous contrôle rebelle depuis fin janvier.
Dans un communiqué, le ministre de la Justice, Constant Mutamba, a ordonné l’ouverture de poursuites judiciaires contre Joseph Kabila et ses complices soupçonnés de soutenir le Mouvement du 23 mars (M23). Dans la foulée, le ministre a donné instruction à l’auditeur général des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) et au procureur général près de la Cour de cassation d’engager des poursuites contre l’ex-chef de l’État. Le garde des Sceaux a aussi ordonné la saisie de l’ensemble des biens mobiliers et immobiliers appartenant à Joseph Kabila.
Parallèlement, son collègue du ministère de l’Intérieur a, dans un autre communiqué, suspendu les activités du PPRD sur l’ensemble du territoire national. Le vice-Premier ministre, ministre de l’Intérieur a accusé ce parti de Joseph Kabila d’avoir gardé un « silence complice » face à l’agression rwandaise et « des terroristes » de l’Alliance Fleuve Congo (AFC) dont le M23 est allié. Des mesures de restriction de mouvement ont été prises également à l’encontre de tous les membres et responsables du PPRD, impliqués dans cette affaire qualifiée de « haute trahison ». Ces mesures visent à empêcher toute tentative de fuite ou de dissimulation de preuves.
Un procès contre Kabila peut-il aboutir ?
Un juriste proche de l’opposition s’interroge sur la légalité de la procédure de mise en accusation. Il se pose des questions sur la base de l’injonction donnée au procureur de la Cour de cassation pour enclencher les poursuites contre l’ex-Raïs. Selon lui, dans sa qualité d’ancien président de la République, la juridiction compétente pour juger Joseph Kabila est la Cour constitutionnelle et non la Cour de cassation. Au-delà de cet aspect, fait-il remarquer, il faudrait aussi s’adresser aux deux chambres du Parlement réunies en Congrès pour autoriser ou non les poursuites contre Joseph Kabila. Une démarche qui a encore du chemin à faire.
Y a-t-il des preuves suffisantes ?
L’autre question qui taraude les esprits, c’est celle des preuves de l’implication directe ou indirecte de Joseph Kabila dans l’insurrection menée dans l’Est du pays par des rebelles soutenus par le Rwanda. Son parti nie son implication dans la rébellion, encore moins sa présence à Goma. « L’invention de la présence de Kabila à Goma est une affabulation du régime Tshisekedi », a réagi Ferdinand Kambere, secrétaire permanent adjoint du PPRD.
De son côté, le gouvernement, via Jacquemain Shabani, vante la possession d’une multitude de preuves attestant la collusion de Joseph Kabila avec la rébellion. Le vice-Premier ministre, ministre de l’Intérieur parle même des liens entre l’ancien chef de l’État congolais et l’armée rwandaise, mais aussi de plusieurs séjours au Rwanda. « Cette décision fait suite à l’activisme avéré » de M. Kabila dans « cette guerre d’agression rwandaise ainsi qu’au silence coupable voire complice » de son parti. Pour le gouvernement, Joseph Kabila a fait un « choix délibéré » de « rentrer au pays par la ville de Goma sous contrôle de l’ennemi, alors même qu’elle assure curieusement sa sécurité ».
Kabila poussé à se découvrir
À l’instar de Corneille Nangaa, coordonnateur de l’AFC et condamné à mort notamment pour insurrection, Joseph Kabila pourrait être forcé à opérer à visage découvert suite aux sanctions contre lui et son parti. Pris en étau, il sera obligé de s’afficher clairement avec les agresseurs de la RDC, n’ayant plus rien à perdre. Cette décision du gouvernement pourrait donc le radicaliser. Même ses partisans pourraient aussi se sentir coincés par la suspension de leurs activités politiques. « Si le PPRD venait à être dissout, cela n’apaiserait pas la crise, mais la rendrait encore plus complexe. De nombreuses personnes pourraient rejoindre la rébellion ou partir en exil. Je crains que cette mesure ne résolve pas directement le conflit », analyse à Radio Okapi Josaphat Musamba, doctorant en sciences politiques à l’Université de Gand (Belgique).
Heshima
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RDC : De Kasa-Vubu à Tshisekedi, l’éternel pari de l’union nationale
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5 heures agoon
avril 25, 2025By
La redaction
[PARTIE 2]
Depuis son indépendance en 1960, la République démocratique du Congo (RDC) s’appuie sur des gouvernements d’union nationale, de salut public ou de transition pour conjurer ses crises les plus graves : rébellions, effondrements économiques, pressions internationales. Ces coalitions, réunissant pouvoir et opposition, émergent comme des tentatives de stabiliser un État miné par des fractures ethniques, politiques, sociales. Mais ces gouvernements, souvent présentés comme des remèdes miracles, répondent-ils aux attentes ? Heshima Magazine, inspiré par l’annonce de Félix Tshisekedi en février 2025 et les consultations menées par Eberande Kolongele, explore cette pratique quasi rituelle, ses dynamiques, ses succès, ses échecs. La première partie, publiée le 23 avril 2025, a retracé les gouvernements d’union jusqu’aux années 1990. Cette seconde partie analyse la transition « 1+4 » de 2003 à 2006, les gouvernements de Matata Ponyo de 2014 à 2017, de Samy Badibanga de 2016 à 2017, de Bruno Tshibala de 2017 à 2019, et l’initiative actuelle de Tshisekedi, en interrogeant leur pertinence face aux défis contemporains.
Transition 1+4 sous Joseph Kabila (2003-2006)
La Seconde Guerre du Congo (1998-2002), surnommée la « guerre mondiale africaine » pour son implication de neuf pays et d’innombrables factions, laisse la RDC dans un état de désolation presque irréparable. Avec un bilan estimé entre 3 et 5 millions de morts – dus aux combats, à la famine et aux maladies –, des millions de déplacés internes et un territoire morcelé entre seigneurs de guerre, milices locales et armées étrangères, la RDC est un État en lambeaux. L’assassinat de Laurent-Désiré Kabila, le 16 janvier 2001, propulse son fils Joseph, alors âgé de 29 ans, à la tête d’un pays au bord de l’implosion. Inexpérimenté, peu connu et dépourvu d’une base politique solide, Joseph Kabila hérite d’une nation où les richesses minières – or, coltan, diamants – attisent les convoitises des puissances régionales, notamment le Rwanda et l’Ouganda, et des réseaux transnationaux, tandis que la population, épuisée par des décennies de violence et de misère, oscille entre désespoir et méfiance envers toute gouvernance.
Avant la signature de l’Accord global et inclusif à Pretoria le 17 décembre 2002, la RDC est un patchwork de zones contrôlées par des factions rebelles, des milices locales et des forces étrangères, chacune poursuivant des agendas distincts, souvent liés à l’exploitation des ressources naturelles et à des rivalités ethniques ou géopolitiques. L’autorité de Kinshasa, exercée par le gouvernement de Laurent-Désiré Kabila puis de son fils, se limite principalement à l’ouest et au centre, notamment les provinces du Kasaï, du Katanga, fief historique des Kabila, du Bas-Congo et de la capitale. Même dans ces régions, le contrôle est fragile, miné par la corruption, l’absence d’infrastructures et la méfiance des populations. L’Est, riche en minerais stratégiques, est le théâtre d’une anarchie violente. Le Rassemblement Congolais pour la Démocratie (RCD-Goma), soutenu par le Rwanda, domine les provinces du Nord-Kivu, du Sud-Kivu et du Maniema, ainsi que des parties de la Province Orientale, exploitant illégalement le coltan et l’or tout en imposant une administration parallèle brutale. Le Mouvement de Libération du Congo (MLC), dirigé par Jean-Pierre Bemba et appuyé par l’Ouganda, contrôle le nord, principalement l’Équateur et des portions de la Province Orientale, comme Beni et Bunia, tirant profit du bois et des diamants. Une faction dissidente, le RCD-Kisangani/Mouvement de Libération (RCD-K/ML), soutenue également par l’Ouganda, règne sur l’Ituri, où des conflits ethniques sanglants entre Hema et Lendu font des dizaines de milliers de morts. Dans les Kivus, le Maniema et le nord du Katanga, des milices Maï-Maï, autoproclamées défenseurs des communautés locales, contrôlent des poches de territoire, alternant entre résistance et banditisme. Les Forces Démocratiques de Libération du Rwanda (FDLR), composées de Hutus rwandais réfugiés après le génocide de 1994, sont actives dans les Kivus, alimentant les tensions ethniques et servant de prétexte à l’ingérence rwandaise. Au Katanga, riche en cuivre et cobalt, le gouvernement maintient un contrôle relatif, mais des tensions séparatistes et des milices locales, comme celles de Gédéon Kyungu, menacent la stabilité.
Politiquement, l’autorité de Kinshasa est quasi inexistante dans l’Est et le Nord, où les administrations parallèles des groupes rebelles collectent des taxes, imposent leurs lois et exploitent les ressources. Économiquement, la RDC est une coquille vide : l’hyperinflation héritée de l’ère Mobutu a anéanti la monnaie, les infrastructures – routes, ponts, écoles, hôpitaux – sont en ruines, et la corruption endémique siphonne les rares ressources de l’État. Les richesses minières, qui pourraient financer la reconstruction, sont pillées par des réseaux transnationaux impliquant des compagnies étrangères, des élites locales et des armées voisines, comme le documente un rapport de l’ONU de 2001 sur le « pillage systématique ». Socialement, le tableau est dramatique : environ 3,4 millions de déplacés internes vivent dans des camps de fortune, fuyant les combats incessants dans l’Ituri, les Kivus et la Province Orientale. Les violences sexuelles, utilisées comme arme de guerre, touchent des dizaines de milliers de femmes et de filles, tandis que les massacres ethniques, comme ceux entre Hema et Lendu, laissent des communautés déchirées. Sur le plan sécuritaire, la prolifération des groupes armés rend toute pacification illusoire. La Mission des Nations unies au Congo (MONUC), déployée dès 1999 avec 8 700 Casques bleus en 2003, est débordée par l’ampleur du chaos, son mandat limité à l’observation et à la protection des civils l’empêchant d’intervenir efficacement contre les milices.
C’est dans ce contexte d’effondrement total que l’Accord global et inclusif, signé à Pretoria le 17 décembre 2002 sous la médiation de l’ONU et de l’Afrique du Sud, tente de mettre un terme officiel à la Seconde Guerre du Congo. Fruit de négociations laborieuses impliquant le gouvernement de Kinshasa, les principaux mouvements rebelles, des factions Maï-Maï, l’opposition civile et la société civile, cet accord instaure, le 30 juin 2003, un gouvernement de transition inédit, baptisé « 1+4 ». Joseph Kabila conserve la présidence, entouré de quatre vice-présidents représentant les principales forces en présence : Abdoulaye Yerodia Ndombasi, loyaliste kabiliste du PPRD ; Azarias Ruberwa, du RCD-Goma soutenu par le Rwanda ; Jean-Pierre Bemba, du MLC appuyé par l’Ouganda ; et Arthur Z’ahidi Ngoma, issu de l’opposition civile non armée. Ce gouvernement, mosaïque d’intérêts divergents, incarne une tentative audacieuse mais fragile de réunifier un pays fracturé. Sa mission est herculéenne : pacifier un territoire vaste comme l’Europe occidentale via un programme de désarmement, démobilisation et réintégration (DDR) des ex-combattants, relancer une économie exsangue, et organiser les premières élections libres depuis l’indépendance en 1960, le tout dans un délai ambitieux de deux ans.
Le « 1+4 » pose des jalons institutionnels remarquables dans un contexte chaotique. Une nouvelle constitution, adoptée par référendum en mai 2005, instaure un régime semi-présidentiel et décentralisé, visant à apaiser les tensions régionales. L’enregistrement de 25 millions d’électeurs, dans un pays où les routes sont souvent des pistes boueuses et l’électricité un luxe, est un exploit logistique orchestré avec l’appui de l’ONU et des bailleurs internationaux. Pourtant, les obstacles s’accumulent. Le programme DDR s’enlise : les ex-rebelles, méfiants envers Kinshasa, rechignent à abandonner leurs armes, et leur intégration dans les Forces Armées de la RDC (FARDC), mal entraînées et sous-équipées, ravive les rivalités, transformant l’armée en une mosaïque de loyautés conflictuelles. Dans l’Est, les violences persistent. Les milices, soutenues en sous-main par le Rwanda et l’Ouganda, exploitent les minerais et sèment la terreur. Les FDLR lancent des attaques dans les Kivus, provoquant des représailles brutales, tandis que les Maï-Maï alternent entre résistance et banditisme. En Ituri, les affrontements entre Hema et Lendu continuent, malgré l’intervention de la MONUC et d’une force européenne temporaire en 2003. La MONUC, aux moyens limités, peine à imposer une paix durable, ses Casques bleus étant parfois accusés de passivité.
Le gouvernement de transition est miné par des tensions internes. Ruberwa, représentant du RCD-Goma, menace de quitter la transition, accusant Kinshasa de marginaliser ses alliés. Bemba, charismatique mais controversé, consolide son influence dans le nord, se positionnant comme un rival direct de Kabila, souvent critiqué pour son style discret et accusé de vouloir prolonger son pouvoir. Kabila doit naviguer entre les pressions des rebelles, les attentes de l’opposition civile et les injonctions des bailleurs internationaux, qui conditionnent leur aide à des avancées démocratiques. Économiquement, la relance bute sur des obstacles structurels. L’insécurité dans l’Est empêche la réhabilitation des mines, tandis que la corruption, incarnée par des contrats opaques avec des compagnies étrangères, détourne les revenus potentiels. L’hyperinflation, bien que ralentie, ronge le pouvoir d’achat, et les infrastructures détruites rendent le commerce intérieur quasi impossible.
Initialement prévues pour juin 2005, les élections sont repoussées à juillet 2006, un retard symptomatique des défis logistiques et des tensions politiques. Financé à hauteur de 500 millions de dollars par la communauté internationale, le scrutin, le premier véritablement démocratique depuis 1960, se déroule dans une relative transparence, malgré des violences sporadiques dans l’Est et des accusations de fraude. Au premier tour, Kabila arrive en tête avec environ 44 % des voix, suivi de Bemba avec 20 %, tandis que Ruberwa et Z’ahidi Ngoma s’effacent. Au second tour, Kabila l’emporte avec 58 % des voix, un résultat contesté par Bemba, qui dénonce des irrégularités. Investi le 6 décembre 2006, Kabila met fin à la transition « 1+4 », marquant un tournant dans l’histoire de la RDC. Cependant, la victoire ne scelle pas la réconciliation. En mars 2007, des affrontements meurtriers éclatent à Kinshasa entre les forces loyalistes et les miliciens de Bemba, faisant des centaines de morts et forçant ce dernier à s’exiler. Dans l’Est, la paix reste un mirage : des groupes comme le Congrès National pour la Défense du Peuple (CNDP), dirigé par Laurent Nkunda, émergent dans le Nord-Kivu, prolongeant un cycle de violence alimenté par les ingérences rwandaises et les luttes pour les minerais.
La transition « 1+4 » laisse un héritage profondément ambivalent. D’un côté, elle pose les bases d’une démocratie naissante : une constitution, des élections historiques et des institutions embryonnaires voient le jour, un exploit dans un pays où l’État central avait presque disparu. L’enregistrement de millions d’électeurs et la tenue d’un scrutin national témoignent d’une résilience remarquable, soutenue par la communauté internationale. De l’autre, elle échoue à panser les plaies béantes de la guerre. L’Est – Nord-Kivu, Sud-Kivu, Ituri – demeure un foyer d’instabilité, où les ingérences étrangères, les luttes pour les ressources et les tensions ethniques alimentent des conflits insolubles. Les institutions, bien que formellement en place, restent fragiles, minées par la corruption, les rivalités factionnelles et l’incapacité des FARDC à imposer un monopole de la violence légitime. Les élections de 2006, saluées comme un pas historique, ne suffisent pas à unifier une nation hantée par ses divisions ethniques, régionales et politiques. La transition « 1+4 » marque la fin officielle de la Seconde Guerre du Congo, mais n’offre qu’une paix précaire, un répit temporaire dans une histoire marquée par la résilience face à un chaos structurel.
Gouvernement de cohésion nationale de Matata Ponyo (2014-2017)
Au tournant des années 2010, la RDC s’enlise dans une crise multidimensionnelle, conjuguant instabilité politique, insécurité chronique et délitement économique. À l’est, les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu restent des foyers de violence, où des groupes armés comme les ADF-Nalu, les FDLR ou les résidus du M23 défait en 2013 prospèrent dans un climat d’impunité, souvent avec le soutien implicite de puissances régionales. Ces milices, exploitant les richesses minières comme le coltan et l’or, alimentent un cycle de massacres et de déplacements massifs, plongeant des millions de civils dans la précarité. À l’échelle nationale, la population subit les stigmates de décennies de conflits : routes impraticables, écoles et hôpitaux en ruine, et une pauvreté endémique touchant près de 70 % des Congolais. L’État, rongé par une corruption institutionnalisée, peine à asseoir son autorité au-delà de Kinshasa, où les élites s’accrochent à des privilèges indécents. Joseph Kabila, réélu en novembre 2011 dans un scrutin entaché de fraudes massives, dénoncées par l’opposition, les observateurs internationaux et même le Centre Carter, voit sa légitimité contestée. Étienne Tshisekedi, leader charismatique de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), rejette les résultats et se proclame président légitime. Le 23 décembre 2011, dans un geste de défi, il prête serment depuis sa résidence à Limete, encerclée par des forces de sécurité qui l’isolent de ses partisans. Cet acte symbolique, entouré d’une poignée de fidèles, galvanise l’opposition mais attise les tensions, déclenchant des manifestations violemment réprimées à Kinshasa, Lubumbashi et Goma.
C’est dans ce contexte explosif que Kabila initie, en 2013, les Concertations nationales, un forum censé apaiser les fractures politiques et restaurer une cohésion nationale. Ouvertes le 7 septembre 2013 au Palais du Peuple à Kinshasa, ces assises sont placées sous la co-direction d’Aubin Minaku, président de l’Assemblée nationale, et de Léon Kengo wa Dondo, président du Sénat. Prévues initialement pour 500 délégués, elles réunissent finalement près de 900 participants, issus de la majorité, d’une partie de l’opposition, de la société civile et des autorités traditionnelles. Parmi les partis d’opposition ayant accepté de participer, on note le Mouvement de libération du Congo (MLC) de Jean-Pierre Bemba, représenté par Thomas Luhaka, alors Secrétaire général, contre l’avis de son parti, ainsi que des formations mineures comme l’Union des forces du changement (UFC) de Léon Kengo et certains dissidents de l’UDPS, bien que le parti de Tshisekedi boycotte officiellement l’événement, dénonçant une entreprise de légitimation du régime. Des personnalités comme François Muamba, ancien cadre du MLC, ou encore Philippe Biyoya, proche de Kengo, jouent un rôle actif dans les débats. Cependant, des poids lourds de l’opposition, comme l’UDPS, l’Union pour la nation congolaise (UNC) de Vital Kamerhe et les Forces acquises au changement (FAC) de Martin Fayulu, refusent catégoriquement de s’associer à ce qu’ils qualifient de « dialogue unilatéral » orchestré par le pouvoir. Organisées autour de cinq thématiques : gouvernance, économie, désarmement, conflits communautaires, et décentralisation , les Concertations aboutissent, le 5 octobre 2013, à un rapport final contenant 641 recommandations adressées à Kabila, incluant des appels à une ouverture politique, à la réforme électorale et à la pacification de l’Est.
Ces pourparlers ouvrent la voie à la formation d’un gouvernement de cohésion nationale, présenté comme l’incarnation des résolutions des Concertations. Ce gouvernement, censé fédérer les forces vives du pays, intègre des figures de l’opposition, des partis politiques, de la société civile et même d’anciens rebelles, dans une tentative de projeter une image d’unité. Pour Kabila, l’objectif est clair : consolider un pouvoir fragilisé par les contestations post-électorales, apaiser les critiques internationales et préparer le terrain pour les élections de 2016, tout en neutralisant ses adversaires par leur inclusion. Augustin Matata Ponyo, Premier ministre depuis 2012 et technocrate, est reconduit à la tête de ce gouvernement. Fidèle à Kabila, il doit naviguer dans un gouvernement hétéroclite où cohabitent des poids lourds comme Évariste Boshab, nommé vice-Premier ministre, et des opposants ralliés, tels que Thomas Luhaka du MLC, qui hérite du ministère des Postes, Télécommunications et Nouvelles technologies. D’autres figures, issues de la société civile ou de courants modérés, complètent cet attelage, censé incarner un consensus national fragile.
L’ambition de ce gouvernement est de restaurer l’autorité de l’État, relancer une économie asphyxiée, promouvoir le développement social et organiser des élections transparentes en 2016, conformément à la Constitution, qui interdit à Kabila un troisième mandat. Sur le plan sécuritaire, la tâche est colossale. Les FARDC, minées par la corruption et un manque chronique de moyens, luttent difficilement contre les groupes armés dans l’Est, où les massacres, comme ceux de Beni (2014-2016), font des centaines de victimes. La MONUSCO, avec ses 20 000 Casques bleus, apporte un appui logistique mais reste critiquée pour son inefficacité face à la complexité des conflits. Économiquement, Matata mise sur la stabilisation macroéconomique, un succès relatif, avec une inflation contenue et une croissance de 7 à 9 % portée par le boom minier mais les contrats opaques avec des firmes étrangères limitent les retombées pour la population. Les richesses du sous-sol, notamment le cuivre et le cobalt, continuent d’alimenter des réseaux mafieux plutôt que le Trésor public.
Malgré son caractère voulu inclusif, le gouvernement s’enlise dans des contradictions internes. Les tensions entre les caciques du régime et les nouveaux entrants, issus de l’opposition, éclatent rapidement, avec des accusations croisées de corruption, d’incompétence et de sabotage. Luhaka, par exemple, peine à imposer son autorité dans un ministère stratégique, tandis que Boshab, pilier du PPRD, est perçu comme un gardien des intérêts de Kabila. Sur le terrain, l’insécurité persiste : les opérations militaires, bien que soutenues par la MONUSCO, ne parviennent pas à démanteler les milices, et les tensions ethniques s’aggravent dans le Kasaï et l’Ituri. Socialement, la grogne monte. Les fonctionnaires, les enseignants et les étudiants, confrontés à des salaires impayés et à des conditions de vie indignes haussent le ton.
Le dossier électoral, censé sceller la réconciliation nationale, devient un catalyseur de crise. Dès 2015, des rumeurs de « glissement » – un report des élections pour prolonger le mandat de Kabila circulent, alimentées par les déclarations ambiguës du pouvoir et un projet de loi controversé présenté par le Ministre de l’intérieur Evariste Boshab. La Commission électorale nationale indépendante (CENI), accusée de partialité, invoque des contraintes logistiques pour justifier des retards, repoussant le scrutin de novembre 2016 à 2018. Cette stratégie attise la colère populaire. À Kinshasa, Goma et Bukavu, des manifestations éclatent, portées par une jeunesse exaspérée et une opposition revigorée , désormais rejointe par Moïse Katumbi, ancien allié de Kabila passé dans le camp adverse. En septembre et décembre 2016, des heurts sanglants dans la capitale font des dizaines de morts, tandis que l’Union européenne, les États-Unis, l’ONU, accentuent la pression, imposant des sanctions contre des proches du régime.
Le bilan du gouvernement de cohésion nationale est mitigé, oscillant entre espoirs déçus et avancées fragiles. D’un côté, il maintient un semblant de dialogue, intégrant des opposants et stabilisant temporairement le front politique. Les efforts économiques de Matata Ponyo, notamment la discipline budgétaire, permettent une croissance enviable, bien que peu inclusive. De l’autre, les échecs s’accumulent. L’insécurité dans l’Est s’enracine, alimentée par des complicités internes et des ingérences étrangères. La crise électorale, amplifiée par les reports, transforme le gouvernement en un symbole d’immobilisme et de calculs politiciens. Les 641 recommandations des Concertations nationales, bien que louables sur le papier, peinent à se traduire en actions concrètes, reléguées au rang de vœux pieux. En novembre 2016, Matata Ponyo cède sa place à Samy Badibanga dans un climat de crise.
Gouvernement de transition issu de l’accord de la Cité de l’OUA de Samy Badibanga (2016-2017)
À l’approche de décembre 2016, le pays s’enfonce dans une crise politique d’une rare intensité, alors que le second mandat de Joseph Kabila, au pouvoir depuis 2001, arrive à son terme sans qu’aucune élection ne soit en vue. La Constitution, qui limite le président à deux mandats, devient un point de fracture : l’absence de scrutin programmé attise les soupçons d’une volonté de Kabila de s’accrocher au pouvoir. Cette impasse déclenche une vague de protestations populaires, particulièrement à Kinshasa, Goma et Lubumbashi, où des dizaines de manifestants entre 50 et 100 selon les rapports de l’ONU, sont tués lors de répressions brutales par les forces de l’ordre en septembre et décembre 2016. L’opposition, rassemblée sous la bannière du Rassemblement des forces politiques et sociales acquises au changement, coalise des figures de poids comme Félix Tshisekedi, héritier de UDPS, et Moïse Katumbi, ancien gouverneur du Katanga passé dans l’opposition. Cette coalition exige le départ immédiat de Kabila, accusé de manipuler les institutions pour prolonger son règne. Sur le plan économique, la chute des cours mondiaux des minerais, notamment du cuivre et du cobalt, plonge l’État dans une crise budgétaire aiguë, aggravant une pauvreté touchant plus de 70 % de la population. Les investissements étrangers, déjà timides, se tarissent face à l’incertitude politique, tandis que l’inflation galopante érode le pouvoir d’achat. Dans l’Est, les groupes armés ADF, FDLR, milices Maï-Maï défient l’autorité de Kinshasa, malgré les 17 000 Casques bleus de la MONUSCO, dont le mandat reste limité face à la complexité des conflits. Au Kasaï, une nouvelle crise éclate, marquée par des violences ethniques et l’émergence de la milice Kamuina Nsapu, faisant des milliers de morts et des centaines de milliers de déplacés en quelques mois.
Dans ce climat explosif, l’Accord de la Cité de l’OUA, signé le 18 octobre 2016 à Kinshasa sous la médiation de l’Union africaine et de son émissaire Edem Kodjo, cherche à désamorcer la crise. Fruit de négociations laborieuses réunissant la Majorité présidentielle (MP), des partis d’opposition mineurs et des acteurs de la société civile, cet accord reste bancal. Il prévoit la formation d’un gouvernement de transition chargé d’organiser des élections d’ici avril 2018, tout en maintenant Kabila au pouvoir jusqu’au scrutin. Cependant, le texte est rejeté par le Rassemblement, qui le juge trop conciliant envers le régime et dépourvu de garanties fermes sur le départ du président. Parmi les signataires de l’opposition, on trouve des figures comme Vital Kamerhe, président de l’UNC, qui espère tirer parti du dialogue pour renforcer sa stature, ou encore l’opposition républicaine de Kengo. Mais l’absence de l’UDPS et des principaux ténors du Rassemblement prive l’accord d’une assise populaire. Le 17 novembre 2016, après des mois de blocage, Augustin Matata Ponyo, remet sa démission. Contre toute attente, Kabila nomme Samy Badibanga, un dissident de l’UDPS, au poste de Premier ministre. Cette décision sidère l’opposition, notamment Kamerhe, qui s’attendait à un rôle plus central après son implication dans les pourparlers. Badibanga, perçu comme un pion du régime, incarne un compromis fragile, destiné à apaiser les tensions tout en préservant l’emprise de Kabila.
Badibanga forme un gouvernement de transition le 19 décembre 2016, intégrant une trentaine de ministres issus de la MP, de l’opposition signataire de l’accord et de la société civile. Parmi les nominations, on note des figures comme José Makila, de l’opposition modérée, au ministère des Transports, ou encore Emmanuel Ramazani Shadary, un fidèle de Kabila, à l’Intérieur. Cependant, l’absence de représentants du Rassemblement : Félix Tshisekedi, Katumbi ou leurs alliés, prive ce gouvernement de toute légitimité aux yeux de l’opposition radicale et d’une large frange de la population. Des partis mineurs, comme l’Alliance des démocrates pour le renouveau (ADR) ou des dissidents de l’UDPS ralliés à Badibanga, occupent des strapontins, mais leur poids politique reste marginal. La mission du gouvernement est pourtant ambitieuse : stabiliser un pays au bord de l’implosion, organiser des élections crédibles d’ici décembre 2017, relancer une économie asphyxiée et restaurer une cohésion politique dans un climat de défiance généralisée. Badibanga, fort de son expérience de député et de ses réseaux internationaux, promet des réformes rapides, mais son passé controversé et son alignement perçu sur Kabila sapent sa crédibilité.
Les obstacles s’accumulent dès les premières semaines. Le Rassemblement intensifie sa mobilisation, appelant à des journées « villes mortes » et organisant des manifestations, souvent interdites et dispersées par une répression brutale. En janvier 2017, des heurts à Kinshasa et Kananga font une dizaine de morts, accentuant la fracture entre le pouvoir et la rue. Sur le plan électoral, les préparatifs patinent : la Commission électorale nationale indépendante (CENI), accusée de partialité, évoque des défis logistiques, recensement des 45 millions d’électeurs, financement du scrutin pour justifier des retards. Des désaccords sur la mise à jour des listes électorales et les conditions d’un vote transparent paralysent les discussions. Dans l’Est, les violences armées redoublent d’intensité : tandis que la crise du Kasaï s’aggrave, avec des exactions attribuées à la milice Kamuina Nsapu et aux forces de l’ordre, provoquant une catastrophe humanitaire. Économiquement, la dégringolade du franc congolais, qui perd 30 % de sa valeur en quelques mois, et l’effondrement des revenus miniers plongent l’État dans une impasse budgétaire.
Au sein du gouvernement, les tensions éclatent rapidement. Les ministres issus de l’opposition, marginalisés dans les décisions clés, dénoncent l’hégémonie de la MP et l’absence de volonté réelle pour organiser les élections. Badibanga, coincé entre les exigences de Kabila et les pressions internationales, peine à imposer une ligne cohérente. Son gouvernement, qualifié de « patchwork » par les analystes, manque de vision et d’autorité, tandis que la société civile, relayée par l’Église catholique, accuse le régime de jouer la montre. Après seulement deux mois, l’échec du gouvernement devient patent. Un nouveau dialogue, impulsé par la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO), s’ouvre fin 2016 pour pallier les lacunes de l’Accord de la Cité de l’OUA. Plus inclusif, il réunit le Rassemblement, la MP et la société civile, aboutissant à l’Accord de la Saint-Sylvestre, signé le 31 décembre 2016. Ce texte, plus ambitieux, exige des élections avant fin 2017 et interdit à Kabila de briguer un troisième mandat. Il scelle le sort de Badibanga, jugé incapable de porter cette nouvelle dynamique. Le 6 avril 2017, Bruno Tshibala, autre dissident de l’UDPS, lui succède, mettant fin à un mandat de moins de cinq mois, aussi éphémère qu’inefficace.
Gouvernement de transition de Bruno Tshibala issu du dialogue de la CENCO (2017-2019)
L’Accord de la Saint-Sylvestre, signé le 31 décembre 2016 sous la médiation de la CENCO, ambitionne de conjurer le chaos en traçant une feuille de route ambitieuse : organiser des élections crédibles avant décembre 2017, garantir une transition sans troisième mandat pour Joseph Kabila, et former un gouvernement inclusif réunissant la Majorité présidentielle (MP) et l’opposition. Ce texte, négocié au prix de concessions ardues entre la MP, le Rassemblement des forces politiques et sociales acquises au changement (mené par Félix Tshisekedi et Moïse Katumbi), et des acteurs de la société civile, incarne un espoir fragile dans un pays où la défiance envers les institutions atteint des sommets. Pourtant, sa mise en œuvre s’enlise rapidement. Les désaccords sur le partage des postes et le calendrier électoral exacerbent les tensions, tandis que des manifestations, portées par une jeunesse exaspérée et relayées par le Rassemblement, sont réprimées dans le sang. Entre janvier et avril 2017, des dizaines de morts environ 40 selon Human Rights Watch sont recensés à Kinshasa, Goma et Kananga, renforçant l’image d’un régime aux abois. Le 7 avril 2017, dans un geste controversé, Kabila nomme Bruno Tshibala, Secrétaire Général de l’UDPS, au poste de Premier ministre. Âgé de 61 ans, Tshibala, est perçu comme un pion du pouvoir, un choix destiné à donner une façade d’opposition au gouvernement tout en marginalisant les ténors du Rassemblement. La CENCO, pourtant architecte de l’accord, critique cette nomination unilatérale, déplorant l’absence de consensus, tandis que Félix Tshisekedi et Katumbi la rejettent catégoriquement, dénonçant une trahison des principes de la Saint-Sylvestre.
Tshibala dévoile son gouvernement le 9 mai 2017, un gouvernement pléthorique de 54 ministres et vice-ministres, mêlant des figures de la MP, des partis d’opposition signataires de l’accord, et des représentants de la société civile. Parmi les nominations marquantes, Jean-Pierre Lisanga Bonganga, transfuge de la Coalition des alliés d’Étienne Tshisekedi (CAET) et proche de l’opposition modérée, devient ministre d’État chargé des Relations avec le Parlement. D’autres figures, comme José Makila Sumanda, ex-membre du Mouvement de libération du Congo (MLC), nommé vice-Premier ministre des Transports, ou encore Emmanuel Ramazani Shadary, fidèle de Kabila, reconduit à l’Intérieur, illustrent la tentative d’équilibre entre factions. Cependant, l’absence des poids lourds du Rassemblement UDPS, UNC de Vital Kamerhe, G7 de Katumbi, ou encore les Forces acquises au changement (FAC) de Martin Fayulu, prive le gouvernement de toute représentativité. Des partis mineurs, comme l’Alliance pour le renouveau du Congo (ARC) ou des dissidents de l’UDPS ralliés à Tshibala, occupent des postes secondaires, mais leur influence reste limitée. À sa formation, la RDC est un pays en lambeaux : politiquement, l’hypothèse d’un troisième mandat de Kabila, bien que constitutionnellement interdit, alimente les spéculations et la méfiance ; économiquement, la chute des prix des minerais (cuivre, cobalt) et une dévaluation du franc congolais de près de 40 % en 2017 aggravent une pauvreté touchant 73 % de la population, selon la Banque mondiale.
Le gouvernement Tshibala doit préparer des élections transparentes pour décembre 2017 (reportées à 2018 par l’accord), stabiliser l’Est, relancer l’économie, et restaurer une cohésion nationale dans un climat de défiance généralisée. Dès son entrée en fonction, Tshibala met l’accent sur le processus électoral, renforçant la CENI, dirigée par Corneille Nangaa, avec un budget de 1,2 milliard de dollars. En novembre 2017, il dépose un projet de loi électorale, adopté dans la controverse après des amendements favorisant la majorité, notamment sur le seuil de représentativité des partis. La CENI lance un recensement électoral chaotique, enregistrant 46 millions d’électeurs dans un pays où les infrastructures sont quasi inexistantes, mais l’introduction des « machines à voter », des tablettes électroniques controversées fournies par une firme sud-coréenne, divise profondément. L’opposition y voit un outil de fraude, tandis que la majorité défend leur utilité logistique. Sur le plan sécuritaire, Tshibala annonce des offensives contre les groupes armés, avec l’appui de la MONUSCO et des FARDC, mais les résultats sont maigres : les ADF massacrent plus de 200 civils à Beni entre 2017 et 2018, et le Kasaï reste un foyer de violence, malgré une accalmie relative fin 2017. Économiquement, le gouvernement tente des mesures d’austérité : réduction des dépenses publiques, contrôle de la masse monétaire, mais l’inflation persiste, et les revenus miniers, grevés par des contrats opaques, profitent peu à l’État.
Les tensions internes au gouvernement éclatent rapidement. Tshibala, critiqué pour son manque de charisme et sa dépendance envers Kabila, peine à fédérer son gouvernement. La société civile, portée par des mouvements comme LUCHA et Filimbi, intensifie la pression, organisant des marches interdites, souvent dispersées par des gaz lacrymogènes et des arrestations. La CENCO, déçue par l’inaction du gouvernement, menace de se retirer du processus, tandis que l’opposition, galvanisée par le retour de Katumbi (bloqué à la frontière en août 2018) et la candidature de Fayulu, accuse Tshibala de complicité dans une stratégie de « glissement » électoral. Les élections, repoussées à plusieurs reprises, se tiennent finalement le 30 décembre 2018, dans un climat de chaos logistique : bureaux de vote fermés à Beni et Butembo pour des raisons sécuritaires, retards dans le dépouillement, et soupçons de manipulations. Le 10 janvier 2019, la CENI proclame Félix Tshisekedi vainqueur avec 38,5 % des voix, devant Martin Fayulu (34,8 %) et Emmanuel Ramazani Shadary, dauphin de Kabila (23,8 %). Ce résultat, entériné par la Cour constitutionnelle, est dénoncé comme frauduleux par Fayulu, Katumbi, l’Église catholique qui revendique 200 000 observateurs et des rapports internationaux, dont celui de l’Union africaine. Des fuites, comme les « données Piratox », suggèrent que Fayulu aurait remporté plus de 59 % des suffrages. Pourtant, contre toute attente, la transition s’opère sans violence majeure, marquant la première alternance pacifique depuis l’indépendance en 1960.
Tshibala remet sa démission en juin 2019, cédant la place à Sylvestre Ilunga Ilunkamba après des négociations entre Tshisekedi et Kabila, dont la coalition FCC-CACH domine le Parlement. Son mandat de deux ans, bien que ponctué par l’organisation des élections, laisse un héritage controversé. D’un côté, le scrutin, malgré ses irrégularités, met fin à 18 ans de présidence Kabila, un jalon historique dans un pays où le pouvoir s’est souvent transmis par la force. L’instabilité dans l’Est, où plus de 1 000 civils sont tués en 2018, et la crise du Kasaï, qui laisse des cicatrices profondes, témoignent de l’échec sécuritaire. Économiquement, la pauvreté s’aggrave, avec une inflation frôlant 30 % fin 2018, et les libertés presse, manifestations restent sous pression, avec des dizaines de journalistes arrêtés. Le gouvernement Tshibala illustre les limites des compromis politiques sans ancrage populaire, révélant la difficulté de réconcilier une nation fracturée par des décennies de crises. Il laisse une RDC à la croisée des chemins, entre l’espoir d’une nouvelle ère sous Tshisekedi et les défis colossaux hérités d’un système miné par la corruption et la violence.
Une nouvelle union nationale à l’épreuve de l’histoire ?
L’annonce de Félix Tshisekedi, le 22 février 2025, devant les cadres de l’Union Sacrée de la Nation, marque un tournant dans sa présidence. Face à la guerre dans l’Est, où le M23, soutenu par des acteurs extérieurs, contrôle de vastes territoires et menace Goma, Tshisekedi appelle à un gouvernement d’union nationale pour rassembler les Congolais. Cette initiative, mûrie dans un contexte de tensions régionales et de défis internes, insécurité, pauvreté, contestations politiques s’appuie sur des consultations confiées à Eberande Kolongele. Du 24 mars au 8 avril 2025, ce dernier rencontre des leaders politiques, des chefs traditionnels, des acteurs de la société civile, et même des voix critiques de l’opposition, dans une démarche visant à forger un consensus inédit.
Ces consultations, menées avec une discrétion remarquée, ont permis de cartographier les attentes et les divergences des forces en présence. Des figures comme Jean-Pierre Bemba, ou Vital Kamerhe, piliers de la scène politique, ont été approchées, tout comme des représentants des provinces de l’Est, où la crise sécuritaire exacerbe les frustrations. Les discussions ont révélé un défi majeur : comment inclure des opposants sans diluer l’autorité de la majorité, tout en répondant aux aspirations d’une population épuisée par des décennies de crises ? Si les détails de la composition du futur gouvernement restent flous à l’heure actuelle, l’ambition est claire : créer une coalition capable de mobiliser les ressources nationales contre l’agression externe, tout en renforçant la cohésion interne.
Cette démarche s’inscrit dans une longue lignée de gouvernements d’union nationale, mais dans un contexte inédit. La RDC de 2025, bien que toujours marquée par ses fractures, est plus connectée, avec une société civile dynamique et une jeunesse impatiente de changement. Pourtant, l’histoire invite à la prudence. Le gouvernement d’Adoula a stoppé les sécessions, mais n’a pas empêché les rébellions. Les mandats de Tshisekedi en 1991 et 1992 ont succombé à l’obstruction de Mobutu. Birindwa a offert un sursis éphémère à un régime mourant, tandis que Badibanga a échoué à surmonter les divisions. Le « 1+4 » de Kabila a permis des élections, mais laissé l’Est en proie au chaos. Tshibala, malgré une alternance historique, a été terni par des fraudes.
Cette récurrence des gouvernements d’union nationale reflète une réalité brutale : l’incapacité chronique de la RDC à forger un consensus durable dans un État miné par les divisions ethniques, les luttes de pouvoir, et les ingérences étrangères. Chaque coalition, née dans l’urgence, a tenté de panser les blessures d’un pays trop vaste, trop riche, et trop convoité. Mais les succès : réunification sous Adoula, alternance sous Tshibala sont souvent éclipsés par des échecs plus profonds : l’absence de réformes structurelles, la persistance des inégalités, et l’incapacité à pacifier l’Est, un défi qui hante toujours Kinshasa.
Alors que Kolongele a achevé ses consultations, l’initiative de Tshisekedi soulève une question cruciale : ce gouvernement d’union nationale parviendra-t-il à transcender les pièges du passé ? Peut-il mobiliser les Congolais autour d’un projet commun, non seulement contre le M23, mais pour une refonte profonde de l’État ? Ou deviendra-t-il un énième épisode dans une saga de coalitions fragiles, incapables de guérir un pays fracturé ? L’histoire, avec ses leçons amères, suggère que l’unité nationale, si séduisante soit-elle, reste un défi herculéen dans une RDC où les ambitions politiques personnelles et les intérêts étrangers continuent de peser lourd.
Heshima Magazine
Nation
RDC : Kaniama Kasese à l’heure de la modernité grâce au Service national
Published
1 jour agoon
avril 24, 2025By
La redaction
Après avoir passé des années de léthargie depuis l’assassinat en 2001 de son initiateur, Laurent-Désiré Kabila, le Service national a repris du poil de la bête depuis l’arrivée au pouvoir de Félix Tshisekedi. De 2019 à ce jour, l’entité décentralisée qui abrite le site principal de ce service subit une transformation sans précédent. Un hôpital ultramoderne est en cours de construction mais aussi une aérogare, des routes et des écoles.
Le commandant du Service national (SN), le lieutenant-général Jean-Pierre Kasongo Kabwik, a entamé des travaux de grande envergure du site principal de ce service rattaché à la présidence de la République, situé à Kaniama Kasese, dans la province du Haut-Lomami. Cette entité, malgré l’arrivée de la décentralisation, n’a toujours pas connu des infrastructures viables pour son développement. Mais grâce au Service national, le territoire de Kaniama connaît des progrès en matière d’infrastructures.
Le lieutenant-général Jean-Pierre Kasongo ambitionne d’avoir un hôpital ultramoderne pour épauler l’armée dans le service d’orthopédie pour les blessés de guerre et soigner également les civils de cette contrée qui ne dispose pas toujours d’un centre de santé de haut standing. « Nous allons nous spécialiser dans l’orthopédie. Il y a plusieurs accidents de travail ici, nous avons des bâtisseurs ici, les gens se blessent, ainsi de suite […] Nous, nous disons nous voudrions donner la chance à ceux de nos compatriotes qui servent sous le drapeau qui ont été blessés sur le champ de bataille, nous voudrions les accompagner, nous les soignons, après nous les réinsérons, nous leurs donnons de semences et de terres », a expliqué le lieutenant-général Jean-Pierre Kasongo.
L’hôpital n’est pas l’unique projet majeur du Service national. Cette structure paramilitaire contre aussi une nouvelle aérogare pour permettre aux avions de se poser dans ce territoire longtemps resté sans développement. Sur place, l’aérogare baptisée du nom de Denis Kalume, le tout premier commandant du Service national sous Laurent-Désiré Kabila, est déjà presque fonctionnelle avec un salon VIP digne de ce nom. À côté de ces infrastructures, d’autres routes qui mènent jusqu’au site du service sont en construction. Le commandant de ce service a prévu également des écoles pour les enfants des bâtisseurs mais aussi pour le reste du territoire. Ces infrastructures constituent un premier pas vers la modernisation de cette entité, jusqu’alors moins exploitée.
La province du Haut-Lomami pourra connaître son essor grâce notamment aux efforts du Service national qui a son principal site dans cette entité.
En 2023, un cheptel bovin de 5 000 têtes était prévu pour être développé sur 18 mois d’élevage. « Et sur 5 ans, nous aurons 20 ou 30 000 têtes. », avait ambitionné son commandant, le général Jean-Pierre Kasongo Kabwik. Cet élevage des bovins en pleine expansion dans cette partie du pays vise à concrétiser la promesse faite par le président de la République aux unités des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) et de la Police nationale congolaise (PNC), d’approvisionner leurs cantines également en viande fraîche.
Un service d’encadrement de la jeunesse
Le Service national détient désormais le record du plus grand site agricole de la RDC. En mars 2025, ce service de la Présidence de la République a révélé l’ambition de produire 25 000 tonnes de maïs pour cette saison agricole. La saison précédente, le Service national avait récolté 16 000 tonnes de maïs. Selon le lieutenant-général Kasongo Kabwik, cette production a permis de répondre à la demande dans les zones en crise, évitant ainsi une pénurie de maïs dans les régions du Grand Katanga et du Grand Kasaï, grâce à la ferme agricole de Kaniama Kasese.
Au-delà de l’agriculture, l’élevage est devenu l’autre point fort de cette structure. En 2023, un cheptel bovin de 5 000 têtes était envisagé en 18 mois d’élevage. « Et sur 5 ans, nous aurons 20 ou 30 000 têtes. », avait ambitionné son commandant, le général Jean-Pierre Kasongo Kabwik. Cet élevage des bovins en pleine expansion dans cette partie du pays vise à concrétiser la promesse faite par le président de la République aux unités des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) et de la Police nationale congolaise (PNC), d’approvisionner leurs cantines également en viande fraîche.
Connu aujourd’hui pour sa rééducation des bandits urbains appelés « Kuluna », le Service national est un service paramilitaire créé par le Décret-loi 032 du 15 octobre 1997. Cette loi le définit comme un service paramilitaire d’éducation, d’encadrement et de mobilisation des actions civiques et patriotiques en vue de la reconstruction du pays. Comme service paramilitaire, le Service national est une institution qui combine des aspects civils et militaires, selon Jean-Pierre Kasongo. « En 1997, lorsque feu le président Laurent-Désiré Kabila prend le pouvoir, il trouve que le pays avait besoin d’être reconstruit, c’est ainsi qu’il va créer un service qui va s’occuper de la mobilisation de toutes les forces, toutes les énergies des fils et filles du pays en vue de contribuer à la reconstruction », avait-il expliqué à Heshima Magazine.
Parmi les missions du Service national, il y a aussi celle de contribuer à la constitution d’une réserve stratégique dans plusieurs domaines et, principalement, dans le domaine de l’autosuffisance alimentaire. « Il y a une nécessité de constituer des réserves stratégiques, un stock qu’on met à part, en cas de besoin, en cas de crise, en cas de pénurie, on peut aller récupérer quelque chose pour servir la nation », avait-il indiqué.
Après 7 années passées à la tête de ce service, le général Jean-Pierre Kasongo Kabwik a réalisé plusieurs œuvres. Il a multiplié par milliers la production agricole du Service national. Il a ouvert un nouveau site agricole à Lovo, dans la province du Kongo Central. Il a permis l’encadrement des milliers de jeunes désœuvrés appelés « Kuluna » en faisant d’eux des bâtisseurs de la République. À ce jour, certains de ces jeunes modernisent la Maternité de Kintambo, dont les travaux ont été lancés en avril 2024 par le président de la République, Félix Tshisekedi. Ces jeunes sont également dans la fabrication des bancs pour les écoles et universités publiques du pays.
Heshima
Nation
L’AFC-M23 quitte les négociations à Doha, Washington appelle le Rwanda à retirer ses troupes de la RDC
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2 jours agoon
avril 23, 2025By
La redaction
Les rebelles du Mouvement du 23 mars (M23), affiliés à l’Alliance Fleuve Congo (AFC), ont mis fin, le 22 avril 2025, à leur participation aux discussions directes avec le gouvernement congolais au Qatar. Il y a eu plusieurs points de désaccord, notamment les éléments à inscrire dans le communiqué conjoint sanctionnant ce premier round des pourparlers. Une impasse qui risque de relancer les hostilités sur le terrain. Cinq jours avant l’arrêt de ces discussions, soit le 17 avril 2025, Massad Boulos, conseiller spécial du président américain pour l’Afrique, a lancé un appel ferme au Rwanda, exhortant Kigali à mettre fin à tout soutien militaire à ce groupe rebelle et à retirer immédiatement ses troupes de l’Est de la République démocratique du Congo (RDC).
Conduite par son coordonnateur adjoint, Bertrand Bisimwa, la délégation de l’AFC-M23 a claqué la porte à Doha pour retourner à Goma, siège de leur rébellion. Après près de 3 semaines d’échanges, la délégation de Kinshasa et celle de l’AFC-M23 n’ont pas réussi à trouver un compromis. Des préalables fixés de part et d’autre n’ont pas permis de conclure ce premier round par un communiqué conjoint pouvant jeter les bases d’une prochaine rencontre pour entamer les discussions de fond. L’AFC-M23 refuse de voir le nom de Paul Kagame être mentionné dans le communiqué conjoint.
Selon des sources de Radio Okapi, les représentants du gouvernement congolais auraient insisté pour que le communiqué de Doha mentionne explicitement qu’il faisait suite à la rencontre entre les présidents Félix Tshisekedi et Paul Kagame. Mais l’AFC-M23 aurait rejeté cette requête, estimant que le différend entre Kinshasa et Kigali ne les concernait pas, la rébellion ayant ses propres revendications et motivations. D’après certains observateurs, cette exigence de Kinshasa viserait à cristalliser les liens qui existent déjà entre Kigali et cette rébellion. « Kinshasa veut garder des traces écrites au sujet de ces liens entre Paul Kagame et les rebelles de l’AFC-M23 », estime un analyste qui fait remarquer que cela pourrait aider à des actions futures.
L’AFC-M23 a aussi rejeté l’idée d’encourager les groupes armés à déposer les armes comme l’aurait souhaité la délégation de Kinshasa. De son côté, la délégation de Bertrand Bisimwa voudrait aussi que le gouvernement accède à leur demande de libérer les prisonniers soupçonnés d’appartenir à cette rébellion. Par ailleurs, l’AFC-M23 aurait également exigé le retrait des militaires des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) et de leurs partenaires, les combattants Wazalendo, de Walikale, un territoire réoccupé par l’armée après le retrait des rebelles sous pression de Washington.
Washington maintient la pression sur Kigali
Le 17 avril 2025, Massad Boulos, conseiller spécial du président américain pour l’Afrique, a lancé un appel ferme au Rwanda, exhortant Kigali à mettre fin à tout soutien militaire au groupe rebelle M23 et à retirer immédiatement ses troupes de l’Est de la RDC. Cette déclaration, prononcée lors d’un point de presse numérique depuis Washington, marque un tournant dans la position des États-Unis face à la crise qui ravage l’Est congolais depuis des décennies.
L’Est de la RDC, région riche en minerais stratégiques comme l’or, l’étain et le coltan, est en proie à des violences incessantes depuis plus de trente ans. Le M23, un groupe armé soutenu par le Rwanda, a intensifié ses opérations depuis novembre 2021, s’emparant notamment des villes de Goma (janvier 2025) et Bukavu (février 2025), chefs-lieux respectives des provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu. Ces offensives ont causé des milliers de morts et forcé des centaines de millions de personnes à fuir leurs foyers, aggravant une crise humanitaire déjà chronique.
Le Rwanda est accusé par la communauté internationale et des experts des Nations unies de déployer environ 4 000 soldats pour appuyer le M23. Kigali justifie ses actions par des préoccupations sécuritaires, notamment la menace posée par les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), un groupe armé fondé par d’anciens Hutus impliqués dans le génocide de 1994, bien que son influence ait diminué.
Une position américaine plus affirmée
Lors de son intervention, Massad Boulos a réitéré la position des États-Unis : « Le M23 doit déposer les armes, et le Rwanda doit cesser tout soutien militaire à ce groupe tout en retirant ses troupes du territoire congolais. » Cette prise de position, appuyée par Corina Sanders, sous-secrétaire adjointe aux affaires africaines, contraste avec la retenue dont Washington avait fait preuve par le passé. En effet, le 8 avril à Kigali, Boulos avait évité de commenter directement le rôle du Rwanda, déclarant que les États-Unis « n’étaient pas impliqués dans ces détails ».
Ce changement de ton intervient après une série de rencontres diplomatiques avec les présidents congolais Félix Tshisekedi et rwandais Paul Kagame. Boulos a indiqué avoir abordé la question des FDLR avec Kagame, reconnaissant qu’il s’agit d’un « élément clé » pour Kigali. Toutefois, il a insisté sur la nécessité de mettre fin à un conflit qui « dure depuis trop longtemps » et d’utiliser « tous les moyens économiques et diplomatiques » pour promouvoir la paix.
Réactions et implications
La déclaration de Boulos a été largement relayée et saluée en RDC. Sur X (anciennement Twitter), plusieurs utilisateurs, dont le compte du site Média Congo @mediacongo et @cpgrdc, ont souligné la fermeté de la position américaine, y voyant un signal fort adressé à Kigali. Certains, comme @BadibangaTreso6, ont même évoqué des risques de sanctions contre le Rwanda si ce dernier ne se conforme pas aux exigences de Washington.
Cependant, les appels de la communauté internationale, y compris ceux des Nations unies, de l’Union européenne et de l’Union africaine, n’ont jusqu’à présent pas réussi à infléchir la position du Rwanda. Des tentatives de médiation, comme celle menée par l’Angola et le Kenya, ont échoué, le M23 poursuivant ses offensives. L’initiative surprise du Qatar en mars 2025 quant à elle a permis une rencontre en tête-à-tête entre Félix Tshisekedi et Paul Kagame. Doha a même démarré des discussions directes entre les délégations du M23 et de Kinshasa, avant que celles-ci ne tournent court le 22 avril.
Sanctions et pressions internationales
Washington a déjà pris des mesures contre les acteurs impliqués dans le conflit. En février 2025, les États-Unis ont imposé des sanctions financières contre James Kabarebe, ministre rwandais de l’intégration régionale, accusé d’« orchestrer le soutien » de l’armée rwandaise au M23. L’Union européenne a également sanctionné des chefs militaires rwandais et des dirigeants du M23 en mars, des mesures limitées qui, bien que saluées, n’ont pas encore freiné l’avancée du M23, qui continue de consolider son emprise sur les territoires conquis, mettant en place une administration parallèle. L’ONU, par la voix de son envoyé spécial Huang Xia, a récemment averti que le risque d’un « embrasement régional » était plus réel que jamais, une crainte partagée par de nombreux observateurs.
Vers une solution diplomatique ?
Malgré les échecs répétés des initiatives de paix, Massad Boulos a réaffirmé l’engagement des États-Unis à soutenir une solution diplomatique. Washington travaille en étroite collaboration avec la RDC pour renforcer les efforts de paix, comme en témoigne l’accord de partenariat stratégique évoqué lors des discussions entre Tshisekedi et l’administration américaine. Cet accord, qui inclut des volets économiques et sécuritaires, vise à stabiliser l’Est congolais tout en contrant l’influence rwandaise.
Le président togolais Faure Gnassingbé, nommé médiateur de l’Union africaine en avril 2025, pourrait également jouer un rôle clé, bien que l’UA soit critiquée pour son refus de désigner explicitement le Rwanda comme soutien du M23.
Entre pression internationale et immobilisme régional
L’appel de Massad Boulos reflète une volonté accrue des États-Unis de s’impliquer pleinement dans la résolution du conflit en RDC, mais son impact reste incertain face à l’intransigeance du Rwanda et à la complexité des dynamiques régionales. Alors que la crise humanitaire s’aggrave, avec des millions de déplacés et des violations massives des droits humains, la pression internationale sur Kigali devra s’accompagner de mesures concrètes pour espérer ramener la paix dans l’est de la RDC.
Heshima Magazine
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