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Soutien à l’AFC-M23 : l’étau se resserre autour de Joseph Kabila
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2 mois agoon
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La redaction
Les autorités de la République démocratique du Congo (RDC) ont suspendu les activités du Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD) de l’ex-président Joseph Kabila, en raison de son « activisme avéré » et le « silence complice » des autorités de ce parti face à l’agression rwandaise. Kinshasa a aussi enclenché des poursuites judiciaires contre l’ancien chef de l’Etat après l’annonce controversée de son arrivée à Goma. Longtemps soupçonné, l’ancien président voit désormais l’étau judiciaire se resserrer autour de lui. Mais cette mise en accusation peut-elle aboutir ? Certains spécialistes du droit évoquent des vices dans la procédure.
Une grande controverse entoure la question du retour, le 18 avril 2025, de Joseph Kabila via la ville occupée de Goma, chef-lieu de la province du Nord-Kivu. Plusieurs médias dont RFI ont annoncé son arrivée dans cette entité après être passé par le Rwanda. Une nouvelle qui a suscité d’abord un triomphalisme dans les rangs de ceux qui soutiennent l’ancien président, avant de déchanter et de se raviser face aux lourdes sanctions annoncées par le gouvernement. Certains partisans affirment que Joseph Kabila n’est pas arrivé à Goma. Pourtant, RFI maintient que l’ancien président était arrivé dans la ville volcanique sous contrôle rebelle depuis fin janvier.
Dans un communiqué, le ministre de la Justice, Constant Mutamba, a ordonné l’ouverture de poursuites judiciaires contre Joseph Kabila et ses complices soupçonnés de soutenir le Mouvement du 23 mars (M23). Dans la foulée, le ministre a donné instruction à l’auditeur général des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) et au procureur général près de la Cour de cassation d’engager des poursuites contre l’ex-chef de l’État. Le garde des Sceaux a aussi ordonné la saisie de l’ensemble des biens mobiliers et immobiliers appartenant à Joseph Kabila.
Parallèlement, son collègue du ministère de l’Intérieur a, dans un autre communiqué, suspendu les activités du PPRD sur l’ensemble du territoire national. Le vice-Premier ministre, ministre de l’Intérieur a accusé ce parti de Joseph Kabila d’avoir gardé un « silence complice » face à l’agression rwandaise et « des terroristes » de l’Alliance Fleuve Congo (AFC) dont le M23 est allié. Des mesures de restriction de mouvement ont été prises également à l’encontre de tous les membres et responsables du PPRD, impliqués dans cette affaire qualifiée de « haute trahison ». Ces mesures visent à empêcher toute tentative de fuite ou de dissimulation de preuves.
Un procès contre Kabila peut-il aboutir ?
Un juriste proche de l’opposition s’interroge sur la légalité de la procédure de mise en accusation. Il se pose des questions sur la base de l’injonction donnée au procureur de la Cour de cassation pour enclencher les poursuites contre l’ex-Raïs. Selon lui, dans sa qualité d’ancien président de la République, la juridiction compétente pour juger Joseph Kabila est la Cour constitutionnelle et non la Cour de cassation. Au-delà de cet aspect, fait-il remarquer, il faudrait aussi s’adresser aux deux chambres du Parlement réunies en Congrès pour autoriser ou non les poursuites contre Joseph Kabila. Une démarche qui a encore du chemin à faire.
Y a-t-il des preuves suffisantes ?
L’autre question qui taraude les esprits, c’est celle des preuves de l’implication directe ou indirecte de Joseph Kabila dans l’insurrection menée dans l’Est du pays par des rebelles soutenus par le Rwanda. Son parti nie son implication dans la rébellion, encore moins sa présence à Goma. « L’invention de la présence de Kabila à Goma est une affabulation du régime Tshisekedi », a réagi Ferdinand Kambere, secrétaire permanent adjoint du PPRD.
De son côté, le gouvernement, via Jacquemain Shabani, vante la possession d’une multitude de preuves attestant la collusion de Joseph Kabila avec la rébellion. Le vice-Premier ministre, ministre de l’Intérieur parle même des liens entre l’ancien chef de l’État congolais et l’armée rwandaise, mais aussi de plusieurs séjours au Rwanda. « Cette décision fait suite à l’activisme avéré » de M. Kabila dans « cette guerre d’agression rwandaise ainsi qu’au silence coupable voire complice » de son parti. Pour le gouvernement, Joseph Kabila a fait un « choix délibéré » de « rentrer au pays par la ville de Goma sous contrôle de l’ennemi, alors même qu’elle assure curieusement sa sécurité ».
Kabila poussé à se découvrir
À l’instar de Corneille Nangaa, coordonnateur de l’AFC et condamné à mort notamment pour insurrection, Joseph Kabila pourrait être forcé à opérer à visage découvert suite aux sanctions contre lui et son parti. Pris en étau, il sera obligé de s’afficher clairement avec les agresseurs de la RDC, n’ayant plus rien à perdre. Cette décision du gouvernement pourrait donc le radicaliser. Même ses partisans pourraient aussi se sentir coincés par la suspension de leurs activités politiques. « Si le PPRD venait à être dissout, cela n’apaiserait pas la crise, mais la rendrait encore plus complexe. De nombreuses personnes pourraient rejoindre la rébellion ou partir en exil. Je crains que cette mesure ne résolve pas directement le conflit », analyse à Radio Okapi Josaphat Musamba, doctorant en sciences politiques à l’Université de Gand (Belgique).
Heshima
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RDC : l’artisanat minier toujours au cœur des vives tensions
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1 heure agoon
juin 18, 2025By
La redaction
Qualifiée de scandale géologique, la République démocratique du Congo (RDC) ne capte pas encore son plein potentiel dans le secteur des mines. Si au niveau de la production industrielle les choses s’améliorent, l’artisanat reste cependant un terrain où l’anarchie règne en maître malgré la réglementation en vigueur. Dans les Kivu, les minerais sont exploités en plein conflit armé, dans certaines régions comme le grand Katanga, la concurrence avec les industriels crée souvent des tensions. Ce qui influe sur la rentabilité du secteur.
En 2024, le secteur minier a généré 4,36 milliards de dollars, selon l’agence de notation financière standard & Poor’s (S&P). Cela représente environ 41,3% des recettes courantes de la RDC, estimées à 10 milliards de dollars en 2024. « Notre pays détient 80 % des réserves mondiales de cobalt. Il représente actuellement autour de 65 % de la production mondiale, soit 95 000 tonnes par an, dont 18 000 tonnes, soit 800 millions de dollars de revenus au cours actuel, proviennent de sites miniers artisanaux », a déclaré Albert Yuma, alors président de la Gécamines, lors d’un forum en Afrique du Sud.
Dans ces recettes, boostées par la production de cobalt et de cuivre, l’artisanat représente une part non négligeable, mais le secteur reste désorganisé et marqué par des tensions quasi permanentes. Pourtant, le Code minier de 2002, révisé en 2018, consacre une section entière à l’exploitation artisanale. Cette loi impose aux mineurs artisanaux de se regrouper en coopératives agréées afin de solliciter une licence d’exploitation artisanale. L’État a aussi l’obligation de créer des Zones d’exploitation artisanale (ZEA) supervisées par des coopératives minières agréées.
Depuis un temps, dans le Lualaba et le Haut-Katanga, des milliers de coopératives se sont créées, mais beaucoup ne sont que des façades pour accéder à des licences. Peu de coopératives assurent un encadrement réel, technique ou social des creuseurs. « Certaines coopératives sont contrôlées par des élites politiques ou militaires. Elles créent des coopératives juste pour faire main basse sur les mines artisanales sans se soucier des creuseurs artisanaux », affirme Moise Kapia, un creuseur vivant à Kolwezi, chef-lieu du Lualaba.
Les creuseurs accusent également les industriels de ne pas respecter les limites de leurs sites et d’empiéter régulièrement sur les carrés miniers artisanaux. D’après un rapport de l’ONG Crisis Group publié en 2020, les industriels reprochent à leur tour aux creuseurs artisanaux d’occuper leurs mines. Par exemple, lorsque les activités industrielles ont repris à Tenke Fungurume Mining (TFM), à la fin des années 1990, le nouvel opérateur a trouvé environ 20 000 mineurs artisanaux, selon certaines estimations, sur le site pour lequel il détenait un permis. Ceci a mené à plus de vingt ans de tensions et à des violences intermittentes entre les mineurs artisanaux, l’armée et la police des mines. Cette dernière a régulièrement procédé à l’expulsion des mineurs artisanaux de certaines parties de TFM, mais n’a pas pu les empêcher de revenir sur le site de manière durable.
En 2019, note la même source, l’armée est intervenue pour expulser plus de 10 000 mineurs artisanaux qui empiétaient sur deux des plus grands sites industriels miniers dans le Haut-Katanga et au Lualaba.
Tensions communautaires entre Kasaïens et Katangais
Dans cette partie du pays, l’exploitation minière a aussi d’autres facteurs rendent ce secteur explosif. Les mines artisanales attirent également des travailleurs originaires d’autres provinces de la RDC, notamment des Kasaïens. Cela renforce le mythe selon lequel des Congolais, notamment du Kasaï, « voleraient » la richesse minérale de la région du Katanga. Cette perception exacerbe des tensions communautaires entre ces communautés présentes dans les zones minières. Le gouvernement, censé jouer un rôle d’arbitre, reste souvent éloigné de ces réalités. Ces tensions dégénèrent parfois en affrontements physiques ou verbaux. « Certains Congolais originaires du Katanga perçoivent la présence des autres Congolais venus du Kasaï comme une intrusion dans leur pré-carré », explique Eric Mukendi, creuseur originaire de l’espace Kasaï.
Les Kivu : une autre dimension de tensions
Si dans le Katanga les tensions se résument souvent par des rivalités entre industriels et artisanaux ainsi que les communautés entre elles, dans les Kivu, c’est une toute autre tension qui y règne. Les mines artisanales du Kivu, en particulier dans le Sud-Kivu, sont marquées par une exploitation majoritairement informelle. Des minerais tels que l’or, la cassitérite et le wolframite sont extraits par des creuseurs dans l’informel.
Dans le Nord-Kivu, l’exploitation minière artisanale est souvent associée à des conflits armés. Certains conflits sont alimentés par la concurrence pour l’accès aux ressources, les mauvaises conditions de travail des mineurs artisanaux et l’implication de groupes armés dans l’exploitation illicite de ces minerais sont autant des causes de ces tensions. Le site de Rubaya, qui produit 20 % du coltan mondial, dans le territoire de Masisi, au Nord-Kivu, est depuis plus d’un an entre les mains du Mouvement du 23 mars (M23), une rébellion soutenue par le Rwanda. Malgré cette instabilité, l’exploitation artisanale des mines continue dans cette zone riche en coltan (tantale), étain (cassitérite) et manganèse.
Des milliers de creuseurs artisanaux extraient chaque jour le coltan, essentiel à la fabrication des téléphones portables et d’autres outils de technologie de pointe. Rubaya est aujourd’hui un point névralgique dans la chaîne d’approvisionnement mondiale de ce métal. L’extraction minière dans cette zone est donc sujette à des tensions liées à ce conflit toujours en cours, en dépit d’un cessez-le-feu fragile entre les Forces armées de la République démocratique du Congo et les rebelles du M23 appuyés par l’armée rwandaise.
Tshisekedi veut mettre fin aux tensions dans l’artisanat
En marge de la 12ᵉ Conférence des gouverneurs organisée du 10 au 13 juin 2025 à Kolwezi, le président Félix Tshisekedi a exprimé sa préoccupation face à la précarité des creuseurs artisanaux et appelé à des mesures urgentes pour encadrer leur activité et prévenir les conflits avec les opérateurs industriels. Le chef de l’Etat congolais a épinglé les difficultés rencontrées par les creuseurs artisanaux dans l’exercice de leurs activités. Ces difficultés, Félix Tshisekedi, sont principalement liées à l’absence de zones d’exploitation artisanale clairement définies et viabilisées, obligeant ainsi les creuseurs à empiéter régulièrement sur les concessions attribuées aux entreprises industrielles. Une situation à l’origine de fréquents affrontements, d’abus, et de conflits d’intérêts. Pour mettre fin à cette situation, le chef de l’Etat a demandé au gouvernement d’élaborer « sans délai » des mesures correctives, respectueuses des lois nationales et des standards environnementaux et sociaux, afin de garantir une meilleure cohabitation entre exploitants artisanaux et opérateurs industriels.
Pour combler le besoin sans cesse croissant en minerais afin d’assurer la transition énergétique, le gouvernement congolais – détenteur d’une plus grande réserve de cobalt au monde – devrait prendre en compte tous les acteurs miniers, y compris les plus petits qui évoluent dans le secteur informel. Cela n’est possible qu’en organisant l’artisanat tout en travaillant à l’élimination des groupes armés mais aussi de l’influence militaire qui pèse sur ce secteur vital.
Heshima
Nation
Réseaux sociaux : nouveaux terrains de lutte politique en RDC
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8 heures agoon
juin 18, 2025By
La redaction
À Kinshasa comme à Goma, les écrans smartphones sont devenus les nouvelles arènes où se joue l’avenir politique de la République démocratique du Congo (RDC). Entre fake news à grande échelle et mobilisations citoyennes, enquête sur cette guerre digitale qui redéfinit la démocratie.
En RDC, une révolution silencieuse transforme le paysage politique depuis 2021. Si hier on falsifiait les urnes, aujourd’hui on pirate les algorithmes. Les réseaux sociaux, longtemps perçus comme des outils de divertissement, sont devenus les champs de bataille de la démocratie congolaise, où chaque like, chaque partage, chaque hashtag peut faire basculer l’opinion publique dans un sens comme dans l’autre.
Cette transformation numérique du débat politique congolais s’est accélérée avec la démocratisation des smartphones et l’amélioration de la connectivité Internet dans le pays. Avec un taux de pénétration d’Internet de 32,3% selon l’ Autorité de régulation des postes et télécommunications du Congo (ARPTC), les plateformes sociales touchent désormais des millions de Congolais, créant un nouveau rapport de force entre gouvernants et gouvernés.
Facebook et WhatsApp : la domination de Meta dans l’arène politique
Facebook règne en maître sur l’écosystème numérique congolais, avec 73% des utilisateurs kinois selon une étude du cabinet Target. Cette hégémonie de Meta se confirme avec WhatsApp, utilisé par 63% des habitants de la capitale, transformant ces plateformes en véritables centres névralgiques de l’information politique.
La période électorale de 2023 a révélé l’ampleur de cette influence. Selon l’étude Internews-LARSICOM, 54% des Congolais utilisent Internet principalement pour se connecter à WhatsApp, faisant de cette plateforme le canal privilégié de diffusion des informations politiques. Cette prédominance s’explique par la culture du « bouche-à-oreille numérique » qui caractérise la société congolaise, où les groupes WhatsApp familiaux, politiques et communautaires deviennent des relais d’opinion puissants.
« Les jeunes croient tout ce qui circule sur WhatsApp. Nous avons créé 100 groupes pour contre-attaquer », confie Marie-Jeanne Kandolo, membre de l’ONG La vie sacrée. Cette stratégie illustre comment les mouvements citoyens s’adaptent aux nouveaux codes de la communication politique digitale.
Les partis politiques ont rapidement compris l’enjeu. L’UDPS du président Félix Tshisekedi et les formations de l’opposition développent désormais des « stratégies de communication électronique dense reposant sur le développement de sites, de blogs et la présence sur les réseaux numériques ». Un like vaut un coup de machette dans cette guerre médiatique où l’audience se mesure en millions de vues et de partages.
TikTok : la nouvelle arme de propagande des partis
L’émergence de TikTok bouleverse les codes établis de la communication politique congolaise. Avec 4,44 millions d’utilisateurs en RDC en 2024, la plateforme chinoise devient rapidement le deuxième réseau social le plus utilisé en Afrique subsaharienne, dépassant Instagram et X (anciennement Twitter).
Cette croissance fulgurante transforme TikTok en terrain de conquête pour les formations politiques. Les courtes vidéos, les défis viraux et les danses deviennent autant d’outils pour toucher une jeunesse congolaise avide de nouveauté. « L’UDPS a digitalisé la machine propagandiste héritée du mobutisme », analyse Sarah Kambembe, politologue à l’Université de Kinshasa.
La récente suspension de TikTok lors des tensions à Goma en février 2025 témoigne de l’importance stratégique accordée à cette plateforme par les autorités. Cette censure, qui a touchée également X, révèle la crainte du gouvernement face au pouvoir de mobilisation de ces nouveaux médias, à la désinformation et à la propagande des actions du M23 et leurs alliés.
Les autorités congolaises critiquent ouvertement TikTok pour son « défaut de contrôle des contenus », selon les déclarations. Cette tension illustre le défi posé par une plateforme échappant largement au contrôle étatique traditionnel exercé sur les médias classiques.
Entre manipulation et contre-offensive
La campagne électorale de 2023 a marqué un tournant dans l’utilisation stratégique de la désinformation sur les réseaux sociaux congolais. Des analyses informatiques ont révélé « des achats massifs de faux followers et de faux likes sur les comptes Twitter » de plusieurs candidats de l’opposition, notamment Denis Mukwege, Moïse Katumbi et Martin Fayulu, a révélé le site d’informations 7sur7.cd en novembre 2023.
Cette manipulation numérique ne se limite pas à l’opposition. Le phénomène touche l’ensemble de la classe politique congolaise, créant un écosystème où la vérité se noie dans un flot constant de fausses informations. « On assiste à un nombre croissant de fausses nouvelles en RDC, qui, dans la plupart des cas, sont diffusées à dessein par tel ou tel camp », confirme Patrick Maki, rédacteur en chef d’Actualité.CD.
Les techniques de désinformation se sophistiquent. Vidéos sorties de leur contexte, images retouchées, citations inventées : l’arsenal de la manipulation numérique ne cesse de s’enrichir. Un exemple frappant : la diffusion d’une ancienne vidéo de Joseph Kabila, présentée à tort comme un message de félicitations adressé à Félix Tshisekedi pour sa réélection en 2023, alors qu’elle remonte en réalité à 2019.
La Commission électorale nationale indépendante (CENI) reconnaît avoir été dépassée par cette « désinformation organisée » qui a « régulièrement affaibli l’efficacité de sa communication ». En réponse, l’institution a développé une stratégie de « veille permanente en ligne pour repérer et contrer les fausses informations en temps réel ».
Cyberactivistes congolais : entre résistance et répression
Les réseaux sociaux ont donné naissance à une nouvelle génération d’activistes numériques qui défient le pouvoir par écrans interposés. Les hashtags comme #TouchePasÀMaConstitution, #Telema ou #ByeByeKabila sont devenus « des marqueurs qui ont rythmé la vie politique congolaise », selon le politologue Jean-Claude Mputu.
Cette cyberactivisme s’organise autour de mouvements comme la Lucha, qui utilise « Twitter, Facebook comme des outils importants dans la mobilisation citoyenne ». Fred Bauma, membre du mouvement, explique comment les réseaux sociaux permettent de « faire passer des messages » malgré les restrictions gouvernementales.
Cependant, cette liberté d’expression numérique a un prix. « Sur Twitter, je risque la prison à chaque tweet. Mais c’est notre seule arme contre la désinformation d’État », témoigne Parfait Mbayo, cyberactiviste de Lubumbashi. Cette réalité reflète la répression croissante contre les voix dissidentes en ligne.
L’enlèvement de Gloria Sengha en mai 2024, activiste et membre de la campagne Tolembi Pasi, illustre les dangers auxquels s’exposent les cyberactivistes congolais. Human Rights Watch dénonce une « vague de répression exercée par les autorités congolaises qui auraient restreint les droits des activistes ».
La riposte étatique : censure et régulation du cyberespace
Face à cette montée en puissance des réseaux sociaux dans le débat politique, l’État congolais a développé une stratégie de contrôle multiforme : blocage des réseaux sociaux.
Le cadre juridique se durcit avec l’adoption de l’ordonnance-loi n°23/010 relative au Code du numérique en mars 2023. Ce texte criminalise « la diffamation, les insultes et l’incitation à la haine, la diffusion de fausses informations (fake news), les menaces et les incitations à la violence via les réseaux sociaux ».
L’ARPTC s’est vue confier des pouvoirs étendus pour réguler l’espace numérique. Cette concentration des prérogatives dans une seule institution suscite des interrogations sur l’équilibre entre sécurité et liberté d’expression.
Les organisations internationales de défense de la liberté d’expression dénoncent régulièrement ces pratiques. Reporters Sans Frontières condamne une « stratégie de censure liberticide et contre-productive ». Internet Sans Frontières et Amnesty International pointent du doigt ces restrictions qui « violent les règles de la dignité et du respect de l’être humain ».
L’évolution des réseaux sociaux en RDC révèle une transformation profonde de l’exercice démocratique dans le pays. Entre manipulation et mobilisation, censure et résistance, ces plateformes redessinent les contours du débat public congolais. Si la technologie offre de nouveaux outils d’expression citoyenne, elle génère aussi de nouveaux défis pour la démocratie. L’enjeu désormais est de trouver l’équilibre entre régulation nécessaire et préservation des libertés fondamentales dans cet espace numérique en constante évolution.
Heshima Magazine
Nation
Les femmes congolaises face à la guerre : victimes silencieuses d’un conflit sanglant
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1 jour agoon
juin 17, 2025By
La redaction
Elles ont payé le prix le plus lourd de trois décennies de conflits. Violées, déplacées, enlevées, tuées, abandonnées : les femmes de l’Est congolais incarnent l’héroïsme silencieux d’une région en crise permanente. Selon le Fonds des Nations Unies pour la population, 35 000 cas de violences sexuelles liées aux conflits ont été enregistrés rien qu’en 2023 dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri. Un chiffre qui ne représente que la partie visible de l’iceberg, comme l’a confié une survivante : « Ici, chaque femme porte en elle une histoire qui ferait pleurer les pierres. »
Dans l’Est de la RDC, le viol est une arme plus redoutable que la kalachnikov. Utilisée par des groupes armés comme le M23, la CODECO, les ADF et d’autres milices, la violence sexuelle vise à détruire le tissu social congolais. Selon un rapport de Physicians for Human Rights publié en octobre 2024, plus de 113 000 cas de violences sexuelles liées aux conflits ont été enregistrés en 2023 dans toutes les zones où sévissent les conflits armés, un nombre qui a plus que doublé au premier semestre 2024 par rapport à la même période en 2023. ActionAid rapporte une augmentation de près de 700 % des cas signalés entre février et mars 2025, avec 381 cas enregistrés en seulement deux mois dans le Nord et le Sud-Kivu.
Particulièrement alarmant, le ciblage des petites filles a atteint des niveaux sans précédent. Selon l’UNICEF, jusqu’à 45 % des près de 10 000 cas de violences sexuelles signalés en janvier et février 2025 concernaient des enfants, certains aussi jeunes que trois ans. Le Dr Denis Mukwege, lauréat du prix Nobel de la paix 2018, a dénoncé cette situation lors d’un discours au Parlement européen en mai 2025 : « Nous avons eu 10 000 cas de violence sexuelle, dont 30 à 35 % concernent des enfants. Attaquer des enfants, c’est franchir toutes les lignes rouges imaginables. »
Les témoignages des survivantes révèlent l’ampleur du traumatisme. « Je n’oublierai jamais cette nuit où les miliciens sont entrés dans notre village. Ils ont violé ma fille de 14 ans devant moi, puis m’ont forcée à regarder pendant qu’ils la tuaient. Je suis maintenant dans un camp de déplacés, mais je ne me sens pas en sécurité. Chaque jour, je crains pour ma vie et celle de mes autres enfants, » confie une survivante de Masisi sous couvert d’anonymat. Une autre survivante, toujours anonyme, raconte : « Ils m’ont enlevée et forcée à devenir leur ‘épouse’. J’ai donné naissance à un enfant de mon bourreau, et je vis avec cette douleur tous les jours. »
Les conséquences sont dévastatrices : infections sexuellement transmissibles, grossesses non désirées, traumatismes psychologiques comme le stress post-traumatique, et stigmatisation sociale. « Ces violences ne sont pas des dommages collatéraux, mais une stratégie délibérée pour détruire le tissu social congolais, » explique Dr Saley Kanyamibwa, psychologue spécialisé dans les traumatismes de guerre.
Camps de déplacés : l’enfer au féminin
Le conflit a forcé des millions de personnes à fuir leur foyer. En 2025, la RDC compte 7,3 millions de personnes déplacées à l’intérieur du pays, dont environ 52 % sont des femmes, soit près de 3,8 millions, et 49,6 % sont des enfants, dont la moitié sont des filles, soit environ 1,8 million selon le Le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés. Les provinces du Nord-Kivu, Sud-Kivu et Ituri concentrent la majorité de ces déplacés, avec 5,5 millions dans ces régions précise l’Organisation internationale pour les migrations.
Les camps de déplacés, comme ceux autour de Goma, sont des environnements hostiles. Une enquête de Médecins Sans Frontières menée en avril 2024 révèle que plus de 10 % des femmes âgées de 20 à 44 ans dans quatre camps près de Goma ont subi des violences sexuelles en seulement cinq mois. « Dans le camp, nous n’avons pas assez de nourriture ni d’eau. Les femmes doivent sortir pour chercher du bois ou de la nourriture, et c’est là qu’elles sont souvent attaquées. J’ai été violée deux fois en allant chercher de l’eau. Il n’y a pas de protection ici », témoigne Marie Kambale, une déplacée à Goma.
Les femmes déplacées sont également confrontées à la perte de moyens de subsistance. « J’avais un petit commerce avant de fuir. Maintenant, je n’ai rien, et je ne peux pas nourrir mes enfants correctement », explique Esther, une déplacée au camp de Lushagala aux agents humanitaires. Les camps manquent d’infrastructures de base, et les attaques contre les sites de déplacés aggravent la situation, avec des bombardements d’artillerie lourde signalés en 2025 par Global Centre for R2P.
Accès limité aux soins et à l’éducation
L’effondrement des infrastructures de santé dans les zones de conflit prive les femmes et les filles de soins essentiels. Selon l’Association humanitaire de solidarité internationale, plus de 8,9 millions de personnes, dont 50,6 % de femmes, n’ont pas accès à des services médicaux vitaux, en particulier dans les zones reculées. Les soins maternels sont particulièrement affectés, avec des taux élevés de mortalité maternelle et infantile dus à l’absence de personnel qualifié et d’équipements. « Je suis enceinte de huit mois, mais je n’ai pas vu de médecin depuis le début de ma grossesse. L’hôpital le plus proche est à des kilomètres, et la route est dangereuse. J’ai peur d’accoucher sans assistance », confie Amina Salama, déplacée dans l’Ituri.
L’accès à l’éducation est tout aussi critique. Selon l’UNICEF, entre janvier 2022 et mars 2023, l’éducation de 750 000 enfants a été perturbée dans le Nord-Kivu et l’Ituri, avec 2 100 écoles fermées en raison de l’insécurité ou utilisées comme abris pour les déplacés. Les filles sont particulièrement touchées, car les familles craignent pour leur sécurité. « Ma fille de 10 ans ne va plus à l’école depuis que nous avons fui notre village. Il n’y a pas d’école dans le camp, et même s’il y en avait, je ne sais pas si je pourrais l’envoyer, car elle pourrait être en danger » confie Fatuma Sadiki, une mère déplacée.
Femmes médecins : ces héroïnes qui pansent les plaies de la guerre
Malgré ces défis, les femmes congolaises jouent un rôle central dans la résilience communautaire. Des initiatives locales, soutenues par des organisations internationales, permettent aux femmes de s’organiser pour promouvoir la paix et lutter contre les violences. Par exemple, l’Association des Femmes pour la Promotion et le Développement Endogène, soutenue par le Fonds pour les Femmes en Paix et Humanitaire, renforce les capacités des associations de femmes pour combattre les violences basées sur le genre dans les territoires d’Uvira, Fizi et Walungu. De même, le projet de l’agence de coopération internationale allemande pour le développement dans le Nord et le Sud-Kivu soutient des initiatives sensibles au genre pour promouvoir la stabilité.
« Chaque nuit, nous formons des chaînes de solidarité pour protéger nos filles des miliciens », raconte sœur Angélique, une religieuse de Goma. Ces efforts communautaires, souvent menés par des femmes, incluent des espaces sûrs pour les survivantes et des programmes de formation pour l’autonomisation économique. « Les femmes sont les piliers de la société congolaise. Leur résilience et leur courage face à l’adversité sont remarquables. En les soutenant et en les impliquant dans les processus de paix, nous pouvons espérer un avenir meilleur pour la RDC », déclare Dr Saley Kanyamibwa.
Le temps d’agir
Derrière chaque statistique se cache un drame qui aurait dû faire La Une à travers les médias du monde entier. Les femmes et les filles de l’Est de la RDC vivent dans un climat de peur et de précarité, mais leur force et leur détermination à reconstruire leurs communautés sont une source d’inspiration. La communauté internationale doit intensifier son soutien aux initiatives locales, renforcer l’accès aux services essentiels et mettre fin à l’impunité des auteurs de violences. Seule une action concertée peut offrir un avenir plus sûr et plus juste aux Congolaises.
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