Georgine SELEMANI: « Je suis fière d’avoir financé le Programme d’Entretien Routier 2021 avec un taux d’accroissement de 280 % »
Après avoir passé deux ans à la tête du Fonds d’Entretien Routier (FONER) comme Directrice Générale intérimaire, Georgine SELEMANI Tulia revient sur ses réalisations à la tête de cet établissement public. Dans un entretien exclusif accordé à Heshima Magazine, l’actuelle DGA évoque les travaux que son comité de gestion a financés mais également ses performances. Interview !
HM Depuis votre prise de fonctions en mai 2020 comme DG intérimaire du FONER, comment se porte votre entreprise ?
Le FONER se porte bien, il rayonne et ses œuvres parlent mieux que les mots aujourd’hui.
HM Pouvez-vous nous détailler les sources d’entrée de fonds que gère le FONER ?
Les ressources du FONER sont définies à l’article 16 du décret n’08/27 du 24/12/2008. Il s’agit des redevances prélevées sur les lubrifiants et les carburants terrestres, le droit de péage sur le réseau d’intérêt national, les redevances liées à la charge à l’essieu ainsi que l’exploitation de poste de pesage.
HM Dès votre arrivée, vous avez mis en place un plan stratégique de redressement du FONER qui repose sur deux piliers à savoir : la mobilisation maximale des ressources du FONER et le Financement efficient des travaux d’entretien routier. Quels sont les résultats de cette stratégie aujourd’hui ?
Les résultats ont été aussi bien positifs en termes de mobilisation mais aussi et surtout en termes de financement des travaux d’entretien routier. Les ressources mobilisées par le FONER ont été sensiblement augmentées, atteignant un taux d’accroissement de 47,7% au passage de 2020 à 2021. Le FONER a connu un accroissement des ressources mobilisées qui est passé de 113 millions de dollars en 2020 à 167 millions USD en 2022, soit un taux d’accroissement de 48%.
Pour ce qui est du financement des routes, j’ai financé le programme d’entretien routier de l’Office des routes avec un taux d’accroissement de 62,31% comparativement au financement de 2020. En ce qui concerne l’OVD, je suis intervenue dans son programme avec un taux d’accroissement de 48,47 % par rapport à 2020. Et je suis vraiment fière de moi-même d’avoir financé le Programme d’Entretien Routier (PER 2021) de l’OVDA avec un taux d’accroissement de 280,53 % comparativement à 2020.
HM Votre établissement va-t-il jouer un rôle dans le cadre du projet de développement à la base de 145 territoires de la RDC ?
A ce jour, le FONER n’est pas partie prenante au projet de développement à la base des 145 territoires de la RDC. Cependant, parce qu’il s’agit de la politique du Gouvernement sous l’impulsion du Président de la République et qu’il y a là-dedans un secteur important du désenclavement qui rejoint la mission sociale du FONER, nos actions s’entrecroiseront surement quelque part. Par ailleurs, toutes les infrastructures routières dans le cadre de ce programme seront reprises par le FONER pour leur pérennisation par l’entretien.
HM Le FONER a-t-il aussi des routes dont il finance la construction ou l’entretien dans le cadre du projet Tshilejelu ?
Les ressources du FONER sont publiques. A ce titre, le FONER a garanti le financement du projet TSHILEJELU pour le compte du Gouvernement de la République. Le remboursement de ladite garantie interviendra par l’entremise du Trésor Public et ce, par des allocations allouées à l’implémentation du projet.
HM C’est depuis des années que l’on parle de la réhabilitation ou de la construction de la route Kananga-Kalamba-Mbuji. Le Chef de l’Etat a récemment lancé les travaux de cette route. FONER est-il aussi parmi les partenaires financiers de ce projet ?
A ce stade, le FONER ne fait pas partie des partenaires financiers du projet de réhabilitation ou de construction de la route Kananga-Kalamba-Mbuji. Le Gouvernement de la République s’en charge personnellement.
HM Actuellement, quels sont les plus grands chantiers financés par le FONER à travers la République ?
Les plus grands chantiers financés actuellement par le FONER sont visibles dans l’espace Grand Equateur, un effort financier important de l’ordre de USD 2.526.036,94 a été demandé au FONER en décembre 2021. Il en est de même de l’Espace Grand Bandundu et dans le Grand Kasaï, le FONER a injecté respectivement USD 5.288.911,81 en juillet 2022 pour le premier et en décembre 2021, USD 1.769.120,66 pour le second. Nous pouvons aussi citer la province du Kongo Central où les voiries de grandes villes viennent de bénéficier d’un apport important de l’ordre de USD 2.074.965,36 et celle du Maniema où les travaux de 5 projets de désenclavement sont en cours pour un montant de USD 2.505.087,44.
HM Généralement, comment se fait la programmation des financements des travaux d’entretien routier ?
L’article 3 de la Loi n° 08/006- A susmentionné stipule que l’objet du FONER est la collecte des ressources, le financement de l’entretien et la protection des routes d’intérêt national et des voiries urbaines d’intérêt national, et l’affectation de la quotité réservée aux provinces en vue de l’entretien et de la protection des routes et voiries d’intérêt provincial et local.
Pour connaitre comment se font concrètement ces financements et cette affectation, on recourt au Décret n°08/27 sus-évoqué. L’article 31 de ce Décret fixe le mécanisme de financement et d’affectation des ressources du FONER de la manière suivante : La rétrocession des 40% aux Provinces se fait par le financement des projets d’entretien des routes et voiries d’intérêt provincial et local arrêtés par les Gouvernements provinciaux en concertation avec les Agences Routières et les Organisations professionnelles des entreprises locales en s’assurant qu’aucune province ne soit omise ;
La répartition des 60% des ressources affectées aux travaux se fait au prorata des routes nationales réhabilitées éligibles en s’assurant qu’aucune province n’est omise. A cet effet, le Manuel d’Opérations d’Entretien Routier ‘’M.O.E.R.’’ prévoit que chaque Agence Routière, gestionnaire du réseau routier sous sa responsabilité, élabore, sur base des prévisions des recettes lui communiquée par le FONER, son Programme d’Entretien Routier (PER) annuel.
Ce dernier est ensuite approuvé par sa Tutelle, en l’occurrence le Ministère des Infrastructures et Travaux Publics pour l’Office des Routes et l’Office des Voiries et Drainage et le Ministère du Développement Rural pour l’Office des Voies de Desserte Agricole.
Il s’ensuit des réunions techniques entre experts des Agences Routières et du FONER pour élaborer le plan de décaissement qui tient compte de sa trésorerie au cours de l’année. Les devis de travaux sont élaborés par les agences routières conformément au type de marché à bordereau des prix et non en intrants. Lesdits devis ne comportent généralement pas la rubrique imprévue pour la simple raison que chaque poste de devis est censé être quantifié pour faciliter sa prise en attachement lors de la réalisation des travaux.
HM Aujourd’hui, à quelle hauteur peut-on chiffrer le financement des travaux routiers de l’OVD et l’Office des Routes par le FONER ?
A ce jour, le FONER a déjà débloqué en faveur de l’OVD et de l’Office des Routes des financements à hauteur de USD 36.173.495,69 et USD 34.619.778,18 respectivement.
HM Il y a toujours des plaintes sur la qualité des infrastructures réhabilitées, quel mécanisme avez-vous pour notamment vérifier la qualité de la dépense liée au financement des agences routières comme l’OVD et l’Office des Routes ?
Vous voulez parler de la qualité des infrastructures entretenues et non réhabilitées car le FONER ne finance pas la réhabilitation, mais plutôt l’entretien. La meilleure manière de contrôler l’exécution budgétaire du FONER, c’est de s’assurer que le financement des travaux d’entretien routier est effectué de façon efficace et efficiente.
Le contrôle de l’exécution du budget d’investissement du FONER se fait soit pendant l’exécution des travaux soit à postériori. En effet, pendant l’exécution des travaux, le contrôle est effectué par la mission de contrôle et de surveillance et aussi par les missions d’inspection du FONER sur pied de l’article 39 du Décret n°08/27 précité. Pour la plupart des travaux financés par le FONER en 2020 et 2021, cette mission a été assumée en grande partie par le Bureau Technique de Contrôle (BTC) pour les travaux exécutés en régie par les Agences Routières. A part le BTC, pour les projets dont les travaux sont exécutés en entreprise, la mission de contrôle a été assurée par les Agences Routières elles mêmes ou par les Cabinets recrutés par elles conformément au Manuel d’Opérations de l’Entretien Routier.
Et à postériori, le contrôle est assuré par les missions d’audit. Depuis le 19 juillet 2021, le FONER a lancé le processus de recrutement des bureaux d’études/cabinets devant procéder à l’audit technique et financier des travaux qu’il a financés en 2020 et 2021.
Ce processus est à l’étape de l’attribution du marché et attend l’avis de non objection de la DGCMP sur le rapport de la Sous-Commission d’Analyse qui a fait la proposition d’attribution. Il sied cependant de relever la pertinence de ces audits au regard de la nature de nos routes qui sont pour la plupart des routes en terre et sur lesquelles les traces des travaux sont difficiles à retrouver après une année avec la forte pluviométrie que connait notre pays. Pour votre gouverne, en février 2022 seize (16) Consultants Ingénieurs Routiers ont été recrutés par le FONER afin d’effectuer les missions de suivi des travaux d’entretien routier financés par le FONER en 2021 dans toutes les 26 provinces et ce, en attendant l’aboutissement de processus de recrutement des Cabinets d’Audit technique et financier devant couvrir la période de 2020 à 2021.
Les résolutions de ces missions ont été rapportées à la Tutelle ainsi qu’aux Agences Routières et au BTC en vue de l’amélioration et de la mise en œuvre de prochains PER.
HM Les routes Isiro-Kisangani, celle qui mène vers Bandundu Ville, voire celle du Sankuru sont en très mauvais état. Figurent-elles dans vos projets de financement ?
Toutes ces routes font partie du réseau des routes d’intérêt général sous la gestion de l’Office des Routes qui les a programmés comme cela d’habitude en entretien mécanisé dans le cadre du PER 2022 pour leur prise en charge sur financement du FONER. Elles figurent toujours dans la priorité n°1 de l’Office des Routes.
Grâce Kaumba aux femmes: « Se cultiver, même en ligne, est la clé de la réussite »
Gardienne de l’image de marque de plusieurs artistes, productrice et propriétaire de GK Projects, Grâce Kaumba est une femme qui réussit dans son monde de management. Dans un entretien accordé à Heshima Magazine, elle explique son métier et encourage les femmes à se cultiver, même par des voies numériques. Interview.
Heshima Magazine : Madame Grâce Kaumba, les traits caractéristiques de votre portrait vous présentent comme une entrepreneure aux goûts éclectiques. Pourriez-vous nous parler de votre propre personne ?
Grâce Kaumba : Je suis manager d’artistes et productrice, propriétaire de GK Projects, une entreprise dédiée au brand management.
HM: D’où vous vient votre créativité et votre passion pour l’événementiel ?
J’ai constamment des idées novatrices et je n’aime pas la monotonie. La naissance de mon premier événement a été motivée par le fait que je voulais faire quelque chose de différent. Les événements sont liés à l’expérience vécue par les personnes qui y participent. J’aime influencer la façon dont les gens vivent une expérience.
HM :Vous êtes le CEO de votre propre entreprise. Quel est le but poursuivi par celle-ci ?
Le » brand » management. Nous développons des marques humaines et des concepts et créons des partenariats entre elles et les entreprises.
HM: Quels souvenirs gardez-vous de vos premiers pas dans l’entrepreneuriat, et quelles sont les difficultés auxquelles vous avez dû faire face ?
J’ai été victime de malversations à plusieurs reprises… et les difficultés que j’ai rencontrées étaient liées au manque de moyens financiers, en particulier lorsque personne ne comprenait ma vision et ne pouvait donc la soutenir.
HM :Les festivals, les concerts, les différentes productions sont des activités nocturnes. En tant que femme, comment gérez-vous le show-biz?
J’ai perdu la notion du jour et de la nuit. Je travaille tout au long de la journée et de la nuit. On peut se sentir très seul, mais si l’on est entouré des bonnes personnes, le voyage est plus facile, et j’ai une équipe formidable !
HM: La plupart de vos collaborateurs sont des hommes et les activités sont exécutées ou représentées par ceux-ci. Quel est votre secret pour vous affirmer dans votre travail ?
Bonnes compétences en communication et environnement de travail à caractère familial.
HM: D’après vous, quelle est la problématique la plus significative à résoudre au regard de la culture congolaise de plus en plus défavorisée ? Comment y remédier ?
Notre art et notre culture réclament davantage de soutien de la part du ministère. Ils ont besoin d’une promotion nationale et internationale ainsi que d’un soutien financier. Il nous faut planifier et mettre en œuvre des politiques culturelles.
HM: Pensez-vous pouvoir mener vos projets d’avenir à terme sans pouvoir bénéficier de l’appui financier du gouvernement ?
J’ai commencé sans financement du gouvernement. Je ne doute pas de pouvoir réussir sans leur aide, mais un soutien financier stimulerait mon entreprise de manière à ce que nous puissions nous développer plus rapidement.
HM: On parle souvent de la carrière des artistes et de la réussite de leurs événements mais pas assez des personnes qui boostent leur succès. Pourriez-vous faire état de votre rôle de manager ? Comment pouvez-vous résumer votre journée en tant que manager ?
Je gère 4 artistes actuellement Rebo (Management) ; Pson (brand management) ; Ariel Mr Lover (Production & Management) et une artiste disc-jockey Ninikah (Management). Mes tâches quotidiennes consistent à gérer leurs calendriers, à recevoir des bookings, à conclure des contrats et à réfléchir à des moyens innovants pour développer leurs marques.
HM :Un mot à toutes les femmes qui nous lisent à l’occasion de ce mois de la femme ?
Vous êtes suffisante, croyez en votre vision et ne vous contentez pas d’être une rêveuse… Se cultiver, même en ligne, est la clé de la réussite.
Kasongo Anne-Emilie: « J’ai créé BBS pour renforcer la solidarité entre les femmes »
Banquière et femme engagée dans le social, Anne-Emilie Kasongo s’emploie avec son association « Bring Back Sisterhood » (BBS) à renforcer les liens entre les femmes. Dans les colonnes d’Heshima Magazine, elle évoque des actions de sa structure qui touchent particulièrement les jeunes femmes.
Mon nom est Kasongo Yooto Anne-Emilie, je suis banquière dans l’une des plus grandes institutions financières du pays où j’évolue depuis maintenant 10 ans. Je suis une femme de carrière et engagée dans le social depuis 2017.
Vous êtes banquière. Mais en 2017, vous avez décidé de créer une association sans but lucratif dénommée : « Bring Back Sisterhood » (BBS). Qu’est-ce qui vous a motivé à créer une telle association ?
J’ai créé BBS pour renforcer la solidarité entre les femmes. Mais aussi pousser les femmes à prendre pleinement conscience de leurs potentiels en brisant les stéréotypes placés par notre société.
Comment fonctionne BBS, quelles sont les activités en faveur des jeunes femmes que vous avez déjà réalisées depuis près de 6 ans d’existence ?
Depuis 6 ans, nous travaillons avec plusieurs associations des jeunes filles. Au fil du temps, BBS a vraiment voulu se focaliser sur la jeune femme écolière et estudiantine. A travers des “girls talk”, des petites sessions d’échange, nous mettons à leur disposition des femmes avec un parcours incroyable qui partagent leurs expériences. Ce que nous souhaitons faire, c’est de les encadrer du mieux que nous pouvons et les accompagner plus. Quelle est la nature des femmes membres ?
Quel profil faut-il avoir pour intégrer BBS ?
Nos membres sont des femmes complètement indépendantes. Ce sont des femmes fortes qui, dans le secteur dans lequel elles évoluent, se sont imposées par leur courage et leur réussite. Les femmes qui veulent intégrer BBS sont des femmes qui sont prêtes à briser les stéréotypes. BBS c’est aussi un endroit où les femmes peuvent exprimer leurs inquiétudes, leurs rêves et objectif sans être jugées. Parmi vos activités, figure aussi le mentoring des jeunes femmes en voie d’entamer une carrière professionnelle.
Cela veut dire que toutes les femmes qui sortent des formations universitaires peuvent solliciter l’accompagnement de BBS ?
Absolument. Du mieux que nous pouvons, nous allons les accompagner, dans la mesure du possible et dépendamment de leurs attentes.
Quel est le rayon de vos actions ?
Par exemple, en ce qui concerne l’accès à l’éducation de la jeune fille vulnérable, notre premier objectif est de pousser les jeunes filles à penser différemment, à changer la mentalité et cela se fera que si nous allons au contact de la jeune fille vulnérable. Il n’y a aucune raison pour que la jeune fille vulnérable ne devrait pas recevoir le même encadrement que celle dans le milieu rural.
Pour ce mois de mars, quelles sont les activités que vous avez réalisées ou celles que vous projetez de faire ?
BBS organise sa grande rencontre de fin d’année sur un sujet que nous préférons pour l’instant ne pas dévoiler. Cependant, elle a été conviée à participer à un grand événement organisé par la coordination estudiantine de l’IFASIC que nous remercions vivement. BBS en français veut dire renforcer la solidarité entre les femmes.
Mais il est difficile de voir des femmes se serrer les coudes entre elles, comment faites-vous pour changer cela ?
Encore une fois tout est question de mentalité. C’est ce qui justifie notre premier champ de bataille. Il n’y a rien de mieux que des exemples concrets. Les femmes BBS soutiennent les activités des autres femmes de plusieurs manières. Nous montrons des exemples concrets avec des femmes qui s’unissent à d’autres pour accomplir des projets.
Quel discours tenez-vous face à ces femmes pour briser les stéréotypes liés parfois au poids de la tradition ?
Qu’il n’est jamais trop tard pour devenir la personne que l’on veut être. Bénéficiez-vous de l’appui des autres femmes qui ont déjà fait leurs preuves sur le plan professionnel ?
Affirmatif, je pense ici à l’Honorable Marie-Ange Mushobekwa et à Madame Marceline Kaozi de Plur’ielles qui accompagnent BBS et croient en sa vision. Puis, à mesdames Ndaywel Katalayi Isabelle, Madame Mamie Kabongolo, Dorcas Kinsala, Madame Sharufa Melissa, etc.
Avez-vous un conseil pour à les femmes qui pensent devenir autonomes ?
Que personne ne vous empêche d’être ce que vous avez envie d’être.
Tisya Mukuna: « Je veux que ‘‘La Kinoise’’ soit une marque puissante et incontournable »
Jeune, dynamique et intelligente, la patronne de la société de production de café La Kinoise ne tarit pas d’ambitions pour son entreprise. Alors que sa société continue de progresser en République démocratique du Congo, Tisya Mukuna, qui vient de remporter le trophée des « Agriculteurs du monde » à Paris, veut la voir au-delà des frontières nationales. Interview.
Heshima Magazine : Vous êtes née au Congo et avez grandi en France, comment vous est née l’idée de revenir en RDC pour y investir ?
Tisya Mukuna : Revenir au Congo était naturel pour moi. Si j’ai fait mes études en France jusqu’au master et mon MBA en Chine, c’est pour pouvoir mettre ces connaissances à profit dans mon pays d’origine, là où je suis née. Je ne concevais pas d’aller vivre ailleurs alors que mon pays le Congo a besoin de tous ses fils et filles pour son développement.
Depuis quelques mois, vous avez pu achever votre projet de montage d’une usine de café. A ce jour, vous êtes la première jeune femme propriétaire d’une usine de production de café.
Qu’est-ce que cela représente pour vous ?
C’est un grand accomplissement. Un travail de longue haleine enfin concrétisé ; l’inauguration en présence du ministre d’Etat, ministre des PME et Entrepreneuriat mais aussi du ministre du Commerce extérieur traduit l’ambition de notre marque : être une Entreprise performante qui exporte le Made in Congo au-delà de nos frontières. J’aimerais que La « Kinoise » soit connue partout dans le monde, qu’un jour un des lecteurs d’Heshima Magazine qui lit cette interview soit surpris de retrouver La Kinoise en France ou en Chine. Avoir mon usine est un pari pour l’avenir, mais aussi j’espère que cela motive les jeunes et les femmes à avoir de l’ambition, et surtout à pousser l’agro-transformation ; car une agriculture sans industrie n’est plus envisageable aujourd’hui dans ce contexte de mondialisation. Le Congo doit connaitre sa révolution industrielle.
Le café La Kinoise est aujourd’hui vendu dans 4 villes du pays, ambitionnez-vous devenir un café national ?
Nous voulons être une marque nationale et même internationale, porter haut les couleurs de la République et on l’espère, faire la fierté du pays.
Vous êtes une jeune femme entrepreneure, quel regard la gent masculine porte sur vous ?
Des gens croient vraiment que c’est vous qui êtes à la tête de l’usine ? Le milieu de l’agro-industrie est un milieu d’homme. Quand j’ai débuté, on me prenait souvent pour l’assistante. J’entre dans une pièce, on voit surtout une femme qui a une fleur dans les cheveux et qui est jeune. Personne ne se doute de prime abord que je sois une femme d’affaires chevronnée.
Parfois la gent masculine pense même qu’il y a derrière moi un homme qui me guide. Mais une fois que je parle, mes idées, mes compétences et mon assurance donnent le ton. Au final, on se souvient de mon passage et les hommes me trouvent très forte de faire ce que je fais. D’ailleurs, ma famille m’appelle « Petit Piment ». Aujourd’hui, vous avez petit à petit une notoriété qui monte. Forbes a parlé de vous et récemment vous avez remporté le trophée des « Agriculteurs du monde » au salon inter – national de l’Agriculture 2023 de Paris.
Quel sentiment avez-vous sur ces succès ?
C’est un honneur immense. J’arrive à peine à y croire. On voit à travers ces marques de reconnaissance que le café que je propose est bon, que son intensité et son arôme sont remarquables et que sa qualité parle d’elle- même. C’est aussi une marque de reconnaissance personnelle : mon management, les stratégies que je mets en place. Mais vous savez, je ne fais pas mon travail pour la gloire ou les trophées mais pour mettre en avant le terroir congolais avec un café d’exception et de qualité. Je veux que La Kinoise soit une marque puissante et incontournable. J’ai de grandes ambitions pour mon entre – prise, pour le Congo.
Aujourd’hui, un sujet revient de manière récurrente, c’est l’autonomisation des femmes. Qu’est-ce que cela représente pour vous ?
Ma grand-mère et ma mère m’ont toujours dit qu’une femme devait être autonome et indépendante. C’est important pour l’épanouissement personnel mais aussi cela la place dans la société et non à côté.
En RDC, on compte 53% de femmes, c’est plus de la moitié de la population. Comment peut-on bâtir un pays et développer son économie en écartant plus de la moitié de la population ?
S’autonomiser, c’est devenir actrice et non plus spectatrice.
En tant que jeune femme entrepreneure, quelles difficulté rencontrez-vous dans le milieu des affaires au Congo ?
Être une femme entrepreneur n’est pas chose aisée, notre crédibilité est souvent remise en doute. Soit les gens aiment nous infantiliser en essayant non pas de donner des conseils mais de leçons de management en permanence (alors que j’ai un MBA en négociation des affaires); soit ils pensent que je suis le parapluie d’une autre personne. Les gens se disent qu’il y a derrière moi un mari, un père, un frère ou un oncle.
En tant que femme, on doit toujours prouver que nous sommes capables et performantes en permanence. La femme n’a pas le droit à l’erreur sinon on la juge incompétente ; or l’essence même de l’entrepreneuriat est une succession d’échecs et de réussite. Personnellement ces difficultés me rendent plus forte.
Ma crédibilité et mon professionnalisme représentent ma carte de visite. Comment trouvez-vous l’environnement des affaires au pays en tant que femme congolaise ?
Faire de l’entrepreneuriat c’est comme si vous demandez au meilleur footballeur du monde (disons Messi ou Ronaldo) de jouer au foot avec une balle de golf sur un terrain de basketball. C’est quasiment impossible. En somme, notre écosystème est difficile et l’environnement des affaires étouffe beaucoup de business en empêchant leur émergence. Cela s’améliore mais ça reste timide ; et dans un monde compétitif et mondialisé, il y a urgence.
Bénéficiez-vous de l’appui ou du soutien du gouvernement dans le sens de booster vos initiatives entrepreneuriales ? Je ne peux pas parler de mon entreprise sans parler du concours de plan d’affaires que j’ai remporté et pour lequel j’ai été l’égérie : COPA, coordonné par le PADPME. Cela m’a permis de finaliser mon usine, ça été un grand coup de boost pour ma société. J’ai également remporté le Challenge Entreprise 2022 de la Fédération des Entreprises du Congo (FEC). Les deux programmes étant sous le haut patronage du ministère des PME.
Avez-vous un conseil à donner à d’autres femmes qui pensent devenir autonomes ?
Le premier des conseils et le plus important pour moi : mesdames, prenez un cahier, un stylo et notez ! Notez votre idée, vos concurrents, la valeur ajoutée de votre offre, les moyens nécessaires pour y arriver : est-ce que vous avez besoin des machines ? Où pouvez-vous les trouver ? Combien coûtent-elles ? Qui va travailler dessus ? Enfin, identifiez vos clients : qui sont-ils ? Où habitent-ils ? Quelles sont leurs habitudes ? Combien sont-ils capables de payer pour bénéficier de l’offre que vous proposez ? Visualisez votre projet par écrit, puis lancez-vous ! Il n’y a rien que vous ne puissiez pas faire. Courage!