RETRO POLITIQUE: Départ de Katumbi, levée de l’embargo…, des faits qui ont marqué 2022
L’année 2022 a été riche en événement politico-sécuritaire en République démocratique du Congo. De la levée du régime de notification sur l’achat d’armes et équipements militaires à destination de la RDC au départ de Moïse Katumbi de l’Union sacrée, retour sur quelques faits marquants…
En politique, la RDC avait débuté 2022 comme une année anodine. Mais au mois de mai, les choses se sont accélérées. D’abord le 10 mai, un tirage au sort à la Cour constitutionnelle fait éjecter le juge-président de cette institution, Dieudonné Kaluba Dibwa. Cependant, les membres du bureau du Président déchu de la Cour constitutionnelle avaient dénoncé ce qu’ils ont qualifié de « mascarade ». Du côté de la Haute Cour, l’on avait évoqué un tirage au sort qui est intervenu conformément aux dispositions des articles 158 alinéa 4 de la Constitution et 6 alinéa 2 de la loi organique n° 03/ 026 du 15 octobre 2013. Le juge Dieudonné Kaluba Dibwa sera remplacé plus tard – le 21 juin 2022 – par le juge Dieudonné Kamuleta Badibanga, élu par ses pairs à l’issue d’une assemblée plénière élective.
Sur le plan sécuritaire, le pays connait en mai 2022 des offensives d’envergure de la part du Mouvement du 23 mars (M23). Le 25 mai 2022, le M23 attaque le camp de Rumangabo pour la première fois avant d’y être délogé le lendemain par les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC). Le 13 juin de la même année, ce mouvement s’empare de la cité de Bunagana, provoquant ainsi des réactions internationales. Lors des nouveaux combats avec l’armée congolaise, ces rebelles vont reprendre le contrôle du camp stratégique de Rumangabo, le 29 octobre. Mais, également, ils vont contrôler la quasi-totalité du territoire de Rusthuru et le groupement de Kibumba à Nyiragongo, dans la province du Nord-Kivu, menaçant ainsi la ville de Goma. Le 16 décembre, l’ancien gouverneur de l’ex-Katanga a annoncé officiellement son départ de l’Union sacrée de la Nation, plateforme initiée par le président de la République après son divorce d’avec le Front commun pour le Congo (FCC) de Joseph Kabila.
Le retrait de Moise Katumbi de la plateforme présidentielle a entrainé le départ, du gouvernement de coalition, de quelques ministres de son parti « Ensemble pour le République ». Il s’agit du ministre d’Etat au Plan, Christian Mwando Nsimba, du ministre des Transports et Voies de communication, Chérubin Okende ainsi que de la vice-ministre de la santé, Véronique Kilumba Nkulu. Des démissions qui ont suivi également au sein du gouvernement provincial du Haut-Katanga.
Katumbi quitte Tshisekedi…
Levée de l’« embargo »…
Le 20 décembre 2022, une grande nouvelle est tombée au Conseil de sécurité des Nations Unies. La résolution 2667, votée à l’unanimité le 20 décembre, a retiré la mention qui exigeait précédemment que les pays informent le Conseil de sécurité et ses 15 membres de toute vente d’armes ou d’aide militaire à la République démocratique du Congo. Cette décision est bien accueillie par l’Etat congolais qui déplorait depuis longtemps cette exigence, estimant qu’elle créait un obstacle bureaucratique dans sa lutte contre des groupes armés. Patrick Muyaya, porte-parole du gouvernement avait fait savoir, dans un communiqué, que c’est une « injustice réparée » par le Conseil de sécurité. Depuis 2003, toutes les livraisons d’armes à la RDC devaient être approuvées par l’ONU. Les Nations unies ont toujours justifié cette décision qui, selon elles, n’était pas dirigée contre la RDC mais destinée à limiter la prolifération d’armes dans le pays. Pourtant, le M23 a été suréquipé malgré cet « embargo » déguisé contre la RDC.
Dossier politico-judiciaire
L’année 2022 a aussi vu l’exchef du parti présidentiel, Jean-Marc Kabund, récemment passé à l’opposition, être arrêté en août dernier. Il a été transféré dans la prison centrale de Makala. Il est poursuivi pour outrage au chef de l’Etat. Député et ancien vice-président de l’Assemblée nationale, Jean-Marc Kabund a d’abord été placé sous mandat d’arrêt provisoire, après un interrogatoire. Selon le réquisitoire du parquet près la Cour de cassation, Kabund est poursuivi pour « outrage au chef de l’État, imputations dommageables et diffamation ».
Elu de Kinshasa, Jean-Marc Kabund, est passé à l’opposition en juillet dernier après avoir été radié du parti présidentiel, l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), et avoir démissionné de son poste de 1er vice-président de l’Assemblée nationale congolaise. Jusqu’à ce jour, il est toujours incarcéré à la prison de Makala.
Un autre dossier politico-judiciaire qui a secoué 2022, c’est celui de Vidiye Tshimanga, l’ex-Conseiller stratégique du président Félix Tshisekedi. Cet ancien conseiller du président de la République a été placé sous mandat d’arrêt provisoire, le 21 septembre, et conduit à la prison centrale de Makala. Il a été libéré quelques jours plus tard mais son procès avait continué jusqu’à son acquittement par le tribunal de paix de Kinshasa-Gombe.
Vidiye Tshimanga était en effet au cœur d’un scandale le mêlant à une tentative de trafic d’influence auprès de supposés investisseurs dans les mines congolaises. Il avait démissionné de son poste le 16 septembre, à la suite d’une série des vidéos devenues virales sur les réseaux sociaux, où il s’entretenait avec ces supposés investisseurs. Ces derniers l’ont filmé à son insu. Et dans une vidéo publiée par le média suisse ‘’Le Temps», on l’avait montré en train de promettre à ses interlocuteurs la sécurité, leur demandant en contrepartie une commission de 20% sur les futures opérations d’investissement
Présidentielle 2023 : l’opposition va-t-elle tenir face au pouvoir ?
A près de 6 mois de la tenue des élections en République démocratique du Congo, l’opposition recherche encore ses marques. Après la coalition de quatre opposants pour mener des actions communes, la question majeure reste à savoir si elle peut faire le poids face au régime.
La République démocratique du Congo doit élire son président le 20 décembre 2023. L’actuel président Félix Tshisekedi est candidat à sa propre succession. Du côté de l’opposition, quatre candidats sont déclarés. Comment s’organise l’opposition en amont du scrutin ? Quatre opposants ont décidé, le 14 avril dernier, de s’unir « pour mener des actions communes en vue d’obtenir l’organisation dans les délais constitutionnels d’élections transparentes, impartiales, inclusives et apaisées. » Il s’agit de l’ex-candidat à la présidentielle de 2018 Martin Fayulu (EciDé, ou Engagement pour la citoyenneté et le développement), l’ex-gouverneur du Katanga Moïse Katumbi (Ensemble pour la République), l’ancien Premier ministre Augustin Matata (LGD, ou Leadership et gouvernance pour le développement) et le député national Delly Sesanga (Envol de la RDC).
Cette opposition a mobilisé la rue, le 20 mai, à Kinshasa, pour montrer qu’elle est aussi vigilante, qu’elle va aussi occuper le terrain dans cette période préélectorale. Les quatre leaders pensent qu’ils ne sont pas d’accord avec ce qui est en train de se passer. « Ils essayent de montrer qu’ils ne vont pas accepter n’importe quelle posture électorale », a récemment expliqué Bob Kabamba, professeur des Sciences politiques à l’Université de liège qui suit de près la politique dans les Grands lacs.
Mais ce quatuor de l’opposition risque d’avoir du plomb dans l’aile et ne pas tenir tête au régime comme souhaité. Les derniers événements sur l’arrestation du bras droit de Moïse Katumbi (Salomon Kalonda) laissent entrevoir un éventuel anéantissement de ce candidat président de la République.
Déjà après les perquisitions menées, jeudi 8 juin, par les renseignements militaires dans les résidences de Katumbi et Salomon Kalonda, son parti accuse Félix Tshisekedi « d’harcèlement politique » contre son président national, dans un communiqué le même jour. « Jusqu’au moment où nous faisons cette communication, personne n’a pu nous dire de quelle infraction Moïse Katumbi est présumé l’auteur », a déclaré Dieudonné Bolengetenge, secrétaire général du parti Ensemble pour la République.
Ce dossier d’atteinte à la sureté de l’Etat dont est accusé ce proche de Katumbi et par ricochet Moïse lui-même risque de fragiliser la coalition de circonstance formée par ces quatre leaders de l’opposition. Reste à savoir comment le reste des personnalités de l’opposition vont se comporter, notamment Joseph Kabila qui mène une opposition silencieuse à Félix Tshisekedi. L’ancien Raïs aurait, selon le média Africa Intelligence, critiqué la Commission électorale nationale indépendante (CENI) et la Cour constitutionnelle, incapables à ses yeux d’organiser un scrutin crédible au mois de décembre 2023. Lui qui considère Félix Tshisekedi comme un « dictateur à vaincre » aurait saisi quelques capitales africaines pour évoquer la situation en RD. Congo.
Une autre personnalité, un outsider qui peut bouger les lignes, c’est le prix Nobel de la paix, Denis Mukwege. Mais l’homme a pris un peu de recul vis-à-vis des politiques depuis sa déclaration commune faite avec Martin Fayulu et Augustin Matata Ponyo sur la mauvaise gouvernance du pays.
Du côté du régime par contre, Félix Tshisekedi, candidat déclaré à sa succession de longue date, envisage de briguer un deuxième mandat à la tête du pays. Le 29 avril, ses partisans se sont rassemblés au stade des Martyrs de Kinshasa pour la présentation de la coalition électorale du président sortant. Celle-ci, nommée « Union sacrée de la nation », rassemble la majorité mise en place par Tshisekedi en 2020, lorsqu’il a renversé la majorité constituée autour de son prédécesseur, Joseph Kabila, après deux ans de co-gestion du pouvoir par les deux hommes.
Dossier Salomon Kalonda : le spectre se rapproche de Katumbi
Le conseiller politique de Moise Katumbi a été arrêté par l’état-major des renseignements militaires, ex-DEMIAP, depuis le 30 mai 2023. L’homme est accusé, entre autre, d’atteinte à la sureté de l’Etat. Seulement, son dossier se rapproche un peu plus de son mentor.
Les maisons de Moise Katumbi à Kinshasa ainsi que de son conseiller politique, Salomon Idi Kalonda, à Lubumbashi, ont été perquisitionnées le jeudi 8 juin en l’absence de leurs propriétaires. Cette opération a été menée par des éléments de l’état-major des renseignements militaires. « Ils sont sortis les mains vides. Ils n’ont rien trouvé, ils ont fouillé de fond en comble… L’honnêteté nous pousse à dire qu’ils n’ont rien trouvé… », a déclaré à Top Congo FM l’un des communicateurs d’Ensemble pour la République, Francis Kalombo.
Pour la résidence de Moïse Katumbi située au quartier GB, à Kinshasa, les forces de l’ordre ont pris comme témoin une voisine de l’ancien gouverneur du Katanga afin de mener cette perquisition. Pour un activiste des droits de l’homme, cette opération est « amplement irrégulière » en l’absence du propriétaire du lieu ou de son mandataire spécial.
« Les perquisitions que les agents de renseignements militaires conduisent actuellement dans les résidences de Moise Katumbi (à Kinshasa) et Salomon Idi Kalonda (à Lubumbashi) en absence de ces derniers et leurs mandataires spéciaux, sont amplement irrégulières », estime Georges Kapiamba, président de l’Association congolaise pour l’accès à la justice (ACAJ).
Arrêté sur le tarmac de l’aéroport international de N’djili, le 30 mai à Kinshasa, Salomon KalondaDella est toujours détenu par les services de renseignements militaires. D’après le lieutenant-colonel Kangoli Ngoli Patrick, conseiller juridique de l’état-major des renseignements militaires, le conseiller politique de Moïse Katumbi était porteur d’une arme à feu lors d’une manifestation de l’opposition. Il est également accusé d’être en relation avec le M23 et le commandement militaire rwandais. Dans un message sur Twitter, le 7 juin, Augustin Matata Ponyo a revendiqué l’arme attribuée « faussement » à Salomon Kalonda. Pour cet ancien Premier ministre passé à l’opposition, le « pistolet Jéricho » appartient à son garde du corps qui l’a perdu lors du sit-in du 25 mai organisé par l’opposition sur le Boulevard du 30 juin.
Cette revendication n’a pas épargné le camp Katumbidont les résidences du leader et de son bras droit viennent d’être perquisitionnées. Les renseignements militaires visent-ils Moïse Katumbi dont Salomon Kalonda n’est qu’un homme à tout faire ? A l’approche des élections, plusieurs analyses se penchent vers l’hypothèse d’une arrestation « politique ». Car le spectre du dossier de Salomon Kalonda ne fait que monter vers son leader, Moïse Katumbi, candidat déclaré à la présidentielle du 20 décembre 2023.
Si pour ce processus électoral Moïse Katumbi a pu passer le cap de l’enrôlement, le chemin vers la présidentielle de décembre semble encore parsemer d’embuches.
Martin Fayulu, Delly Sesanga, Moïse Katumbi, Matata Ponyo, y compris Joseph Kabila n’accordent toujours pas de crédit au processus électoral en cours. Si la caravane électorale a suffisamment évolué avec la Commission électorale nationale indépendante (CENI), le péché originel reproché par l’opposition reste d’actualité. Selon Africa Intelligence, ces dernières semaines, Joseph Kabila a dépêché une poignée d’émissaires dans plusieurs présidences africaines pour évoquer l’élection de 2023. L’ex Raïs continue de pointer du doigt la CENI de même que la Cour constitutionnelle, incapables, selon lui, d’organiser le scrutin et de garantir un processus équitable.
Ce reproche d’ordre général, le reste de l’opposition le fait aussi. Mais au regard de l’évolution du processus électoral, Martin Fayulu et les autres opposants adaptent leurs revendications à l’avancée de ce processus électoral. En l’occurrence, la Loi sur la répartition des sièges votée par plus de trois cents députés ayant pris part à cette séance plénière du 5 juin. Bien avant ce vote, Fayulu avait prévenu les élus. L’ancien candidat à la présidentielle du 30 décembre 2018 a appelé l’Assemblée nationale à s’abstenir de voter ce projet de loi portant répartition des sièges par circonscription électorale pour les élections législatives et provinciales.
« J’exhorte l’Assemblée nationale de la RDC à s’abstenir de voter la loi sur la répartition des sièges, basée sur un fichier fabriqué par M. Kadima. Les élections doivent se faire sur base d’un fichier fiable. Il n’est jamais trop tard pour bien faire. Il ne faut pas jouer avec le feu », avait lancé Martin Fayulu. Ce dernier reproche à cette loi d’être bâtie sur un fichier électoral non fiable. Le président de l’ECiDé pense que ce fichier doit être revu et audité par une institution internationale réputée avant son adoption par les députés nationaux.
Il en est de même pour les autres leaders de l’opposition qui exigent des correctifs pour adapter le processus aux exigences constitutionnelles et légales de transparence, d’impartialité, de liberté et d’inclusivité. Ce projet de loi adopté est actuellement au Sénat pour seconde lecture. Dans le même temps, du côté de la CENI, les choses s’accélèrent. Cette institution d’appui à la démocratie a lancé la formation des agents pour être affectés aux bureaux de réception et de traitement des candidatures.