De nature plutôt discrète, peu connu du grand public, plus par option que par fatalité ; Eustache Muhanzi Mubembe finit toujours, tôt ou tard, par aiguiser la curiosité de ceux qui, un jour, eurent l’occasion de croiser ses pas. Car, si on peut oser, dans l’aspect ordinaire de l’homme, dans sa sobriété et son humilité sans feinte clignote comme un quelque chose qui ne se laisse pas saisir au premier mouvement.
Les quatre dernières années auraient dû le faire connaître davantage du très grand public. Car, non seulement, Eustache a été Ministre d’Etat, Ministre des Ressources Hydrauliques et Electricité, au sein du Gouvernement Ilunga Ilunkamba, mais, en outre, il a été reconduit, par la même volonté du Président de la République, Chef de l’Etat, comme Ministre d’Etat, Ministre de l’Entrepreneuriat, Petites et Moyennes Entreprises, dans le Gouvernement dit des « Warriors ».
Malgré qu’il soit compté parmi les membres les plus actifs du Gouvernement de la République trois ans durant, rien n’y a pu manifestement. Sans doute parce que l’homme a toujours fait l’option pour l’essentiel. Il a toujours superbement ignoré la diversion et le superflu. Peuvent en témoigner sans doute, seuls ceux qui sont entrés dans cette manière, sienne, de concevoir le sens de la vie et le poids des responsabilités.
Or, ceux-là ne se recrutent pas dans le grand public. Mais simplement parmi ceux qui le côtoient dans le quotidien de son travail, ceux qui collaborent aux résultats qu’ils visent souvent avec opiniâtreté et rigueur, ou alors ceux qui, aux quatre coins de la République Démocratique du Congo, bénéficient des larges retombées du délicat travail auquel il dédie entièrement son effort et son génie. Et comment s’en étonner ? L’homme est un rejeton du pur fleuron des écoles d’excellence qui ont fait et qui font encore la fierté de son Sud-Kivu qui l’a vu naître il y a de cela cinquante-cinq ans déjà. Ancien du Petit Séminaire Katudwe/Cibimbi à Nyangezi, où il entreprit son cycle d’orientation, comme on l’appelait encore à l’époque ; Eustache a achevé ses études secondaires au Collège Alfajiri, qu’on ne présente plus, dans la section Chimie – biologie.
Les études secondaires terminées, Eustache commence ses études de Pharmacie à la Faculté éponyme de l’Université de Kinshasa. Rarement satisfait du minimum, l’homme fera par la suite des études de Développement et de Droit qui scelleront définitivement sa vocation toujours pressentie d’avocat et de tribun des faibles. Ainsi Eustache est-il donc Avocat au Barreau de Kinshasa/Matete après avoir été auparavant, sous le drapeau, Chef de Département Médico-Pharmaceutique à la Police Nationale congolaise, puis Directeur Général du Fonds de Promotion Culturelle, et Conseiller dans plusieurs Cabinets politiques. On peut multiplier de propos. On aurait encore rien dit si l’on ne signale ici son appartenance inconditionnelle à l’Union pour la Nation Congolaise, Parti cher à l’Honorable Vital Kamerhe, où il figure parmi ses plus proches collaborateurs.
Eustache doit entre autre à l’Honorable Président Vital Kamerhe, à qui il voue une loyauté sans faille, sa désignation depuis la création du Parti, d’abord comme Secrétaire Politique National en charge de l’Organisation, et, par la suite, celle de Coordonnateur de la Cellule électorale de l’UNC pour les Elections de 2018 qui hissèrent plus haut encore la bannière de l’UNC et de la République.
Mais puisque les mots ne nous diront jamais suffisamment qui est Eustache, contentons-nous juste d’ajouter ici qu’il est un fervent catholique et un père de famille dévoué. Tout cela, dans l’espoir d’une rencontre qui ne fera sans doute que creuser notre faim de toujours le connaître davantage.
Corneille Nangaa : « Ceux qui continuent à crier sur les élections de 2018 sont des hors-la-loi »
L’ancien président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) est revenu sur les élections de 2018. Celui qui est devenu politicien aujourd’hui ne souhaite plus aborder cette question, estimant que la Cour constitutionnelle avait déjà tranché.
Corneille Nangaa Yobeluo, 52 ans, a tourné la page de son rôle joué à la CENI en 2018. Le désormais président du parti dénommé Action pour la dignité du Congo et de son peuple (ADCP) se focalise sur ses actions politiques et les candidatures de sa formation qu’il compte déposer à tous échelons, y compris au niveau municipal. Mais au cours d’une émission en lingala sur Top Congo FM, la question des élections de 2018 et de l’accord de gouvernance entre le président Félix Tshisekedi et son prédécesseur est revenue.
Pour Corneille Nangaa, il faudrait plus lui poser des questions sur la CENI qu’il regarde désormais comme une « Egypte » qu’il a déjà quittée. Le prédécesseur de Denis Kadima pense que les politiciens qui continuent d’évoquer les résultats des scrutins de 2018 sont des hors-la-loi puisque la Cour constitutionnelle avait déjà clos le débat. « Je voudrais dire ceci aujourd’hui. Ceux qui continuent à crier nuit et jour sur les élections de 2018 sont des hors-la-loi parce que la Cour constitutionnelle a déjà tranché. Pourquoi ils ne posent pas des questions à la Cour constitutionnelle, seulement à la CENI ?», s’est-il interrogé. Nangaa a fait savoir que la CENI n’avait le pouvoir que de publier les résultats provisoires. La Cour constitutionnelle, selon lui, a des larges compétences capables de confirmer les résultats de la CENI, de les rectifier ou même de les annuler.
Au sujet de ses propos sur sa présence « aux premières loges » lors de la signature d’un accord politique entre le président sortant Joseph Kabila et son successeur, Félix Tshisekedi. Nangaa affirme qu’il avait le rôle d’arbitre. « J’étais président de la CENI, un arbitre. », a-t-il dit, évoquant un accord de gouvernance entre le FCC et le CACH.
Restaurer la dignité des Congolais
Sous son manteau de politique, Nangaa a amené une recette pour les Congolais. Il veut restaurer leur dignité. « Le Congolais n’a plus de dignité, même pour manger, il n’y a plus de dignité. Regardez comment des petits pays nous fouettent et nous pleurnichons, il n’y a plus de dignité. Même au niveau du football, vous avez vu comment les Léopards se comportent. Nous allons allés [au CHAN], nous n’avons fait qu’encaisser des buts et nous sommes rentrées, il n’y a plus de dignité », répète le président de l’ADCP.
Pour restaurer cette dignité, Corneille Nangaa apporte une vision bâtie sur des valeurs. Des valeurs de civisme ou de patriotisme. « Nous ne parvenons même pas à gérer des petits problèmes comme des embouteillages, cela veut dire que l’Etat est devenu faible. Dans d’autres parties du pays l’Etat n’existe même plus », a-t-il déclaré. Il faut changer le logiciel congolais, a-t-il ajouté. Il veut aussi faire du Congo une terre d’opportunité, une terre de business. Il prône ainsi le travailpour y arriver. « Travailler n’est pas une punition », a-t-il rappelé, avant de préconiser la modestie du faible commencement. Commencer par monter des projets, même avec un faible financement.
Quant aux éventuels appels à intégrer l’Union sacrée de la Nation, l’ancien président de la CENI s’érige en serviteur. Il dit ne pas chercher un poste mais une parcelle de pouvoir ou le pouvoir dans son ensemble afin de changer les choses. Pour le moment, Corneille Nangaa fait cavalier seul. Il souhaite d’abord consolider son parti et ratisser large. Il se dit être ni du pouvoir ni de l’opposition, il cherche à créer d’abord une « nouvelle alternative » pour améliorer ce qui ne marche pas au pays. « Le temps des alliances viendra », a-t-il promis.
En attendant, Corneille Nangaa vulgarise sa vision politique axée sur 5 objectifs majeurs. C’est notamment la refondation de l’Etat, en restaurant son autorité, l’armée, la police, l’administration et la justice. Il compte relier le pays par voie hydrographique et même par la route, nourrir les Congolais, électrifier le pays, et préserver l’environnement du Congo. Ainsi, permettre à la RDC de quitter « un Etat défaillant à un Etat moderne ».
Condamnation de l’agression rwandaise en RDC : Voici pourquoi Macron hésite…
Acculé par la presse congolaise, le 4 mars, pour son absence de condamnation claire du Rwanda dans son agression contre la République démocratique du Congo, le président français a eu la langue lourde pour le faire. Il y a bien des raisons à cette habitude. Heshima en évoque certaines…
Depuis la résurgence du Mouvement du 23 mars (M23), la France est à la traine pour condamner ces rebelles qui bénéficient d’un soutien clair de la part du Rwanda. Paris était parmi les derniers à condamner ce mouvement sans toutefois nommer ses parrains dont notamment le président rwandais, Paul Kagame.
Le président français a, au cours de la conférence de presse tenue samedi 4 mars 2023, en marge de sa tournée africaine qui l’a conduite en RDC, esquivé de condamner le Rwanda dans cette agression contre la RDC via le M23. Emmanuel Macron a même tenté de le justifier en estimant qu’au sein du M23 – qui bénéficie du soutien des puissances étrangères – ily a aussi des Congolais. Acculé par la presse locale, il finira par le faire de façon moins audible. « J’ai été très clair sur la condamnation du M23 et tous ceux qui le soutiennent, y compris le Rwanda. Donc, je ne peux pas être plus clair que ça », a déclaré le président français à l’insistante question de la presse congolaise au Palais de la Nation, le 4 mars.
Sur ce sujet, Emmanuel Macron a toujours eu la langue lourde. Et c’est pour deux raisons majeures. Premièrement, la France a eu un passé sombre dans l’histoire du génocide rwandais de 1994. Kigali accusait sans cesse la France d’avoir participé dans le génocide qui a fait 800 mille morts au Rwanda dont en majorité des Tutsi. Paul Kagame faisait chanter Paris sur ce sujet. Et Emmanuel Macron a tourné la page de l’histoire, en 2021, en réparant avec le Rwanda.
Dans un discours prononcé, fin mai 2021, au Mémorial du génocide de Kigali, où reposent les restes de 250 000 des plus de 800 000 victimes, le président français a reconnules« responsabilités » de la France dans le génocide de 1994 et a demandé pardon. La France « n’a pas été complice », mais elle a fait « trop longtemps prévaloir le silence sur l’examen de la vérité », avait-il déclaré, en ajoutant que « seuls ceux qui ont traversé la nuit peuvent peut-être pardonner, nous faire le don de nous pardonner ».
Selon Macron, « la France a un rôle, une histoire et une responsabilité politique au Rwanda ». Paris est resté « de fait aux côtés d’un régime génocidaire » mais « n’a pas été complice », avait-il expliqué au Mémorial de Kigali, vingt-sept ans après le génocide de 1994. Devant une telle réparation avec l’histoire rwandaise, Emmanuel Macron ne veut plus se brouiller avec le Rwanda, et Paul Kagame le sait. « Kagame se croit tout permis car Macron a déjà cédé plusieurs fois à ses caprices. Sans une pression internationale forte exercée sur le Rwanda, la déstabilisation de l’Est de la République démocratique du Congo continuera ! », a écrit le 3 mars 2023, l’eurodéputé Thierry Mariani.
La deuxième raison majeure, c’est que la France sous-traite l’armée rwandaise pour la protection de ses intérêts économiques au Mozambique. Le Conseil de l’Union européenne – avec le soutien pressant de la France – a octroyé un montant supplémentaire de 20 millions d’euros au Rwanda destinés à l’aide à la poursuite du déploiement des troupes rwandaises au Mozambique. Une décision qui avait suscité la colère du prix Nobel de la paix Denis Mukwege.
Le célèbre gynécologue congolais s’était dit scandalisé « d’apprendre que l’UE débloque 20 millions € pour les RDF, une armée à la base de l’agression de la RDC, d’une crise humanitaire dramatique et auteure de graves violations des Droits de l’Homme et du Droit International Humanitaire ».
Même des ONG des droits de l’homme étaient abasourdies de ce soutien de l’Europe à une armée qui venait de participer aux massacres d’au moins 131 civils congolais dans les villages de Kishishe et Bambo, dans le territoire de Rutshuru, au Nord-Kivu, selon l’enquête du Bureau conjoint des Nations Unies aux droits de l’Homme (BCNUDH). « En finançant l’armée rwandaise, l’UE (comme les États Unis et d’autres pays avant elle) cautionne, voire soutient indirectement le conflit armé dans l’Est de la RDC, qui a des conséquences humanitaires et de droits humains absolument dramatiques. Scandaleux. Immoral. Insensé », avait, pour sa part, déclaré Jean-Mobert Senga d’Amnesty international.
Jean-Jacques Lumumba :« L’un des principaux problèmes reste la justice au Congo »
Lanceur d’alerte et militant anti-corruption, l’ancien banquier congolais JeanJacques Lumumba est revenu sur les problèmes de corruption qui gangrènent la République démocratique du Congo. Dans un entretien exclusif accordé à Heshima Magazine, le petit-neveu de Patrice Emery Lumumba fait l’autopsie de ce fléau et pointe notamment du doigt la faiblesse de la justice. Interview !
Heshima Magazine : Monsieur JeanJacques Lumumba, on ne parle plus que de l’IGF au pays. Où sont passés les mouvements citoyens et les lanceurs d’alerte pour mener la lutte contre la corruption et dénoncer d’autres actes de megestion ?
Jean-Jacques Lumumba : Je pense que dire qu’on ne parle plus que de l’IGF n’est pas vrai parce que les ONG travaillent et continuent de dénoncer des faits de corruption. La plupart des faits de corruption ne sont pas dénoncés que par l’IGF. Je pense que l’IGF est une institution publique et pour que les faits de corruption soient rendus possibles, il y a des lanceurs d’alerte. Malheureusement pour le cas du Congo, ces lanceurs d’alerte, pour beaucoup, doivent accepter de rester anonymes. Pour que vous puissiez entendre qu’ici et là il y a des dossiers de corruption, il y a des lanceurs d’alerte. L’IGF n’est pas une institution de magiciens pour deviner des faits ou des cas de corruption. Seulement qu’aujourd’hui ou par exemple hier, sous le règne de monsieur [Joseph] Kabila, cette institution était quasiment mise dans un tiroir. Mais les ONG, les lanceurs d’alerte et les activistes continuent à dénoncer des faits de corruption. La plupart des faits de corruption que nous connaissons et que nous avons mis à la place publique… Donc, les lanceurs d’alerte et les ONG ne croisent pas les bras parce qu’il y a des cas de corruption qui continuent à être révélés.
L’Inspection générale des finances a rendu publics des rapports explosifs sur la SODIMICO SA et la COMINIERE.SA dans lesquels le patrimoine minier de l’Etat a été bradé et dont les actifs miniers ont été cédés aux privés. D’après vous, que doit-on faire après ce rapport de l’IGF ?
Je crois que je ne cesse de le dire. Je l’ai dit tout récemment lors de mon passage à la Voix de l’Amérique (VOA). Le problème n’est pas l’IGF, le problème se trouve dans le mécanisme de lutte contre la corruption en RDC. L’un des principaux problèmes reste la justice au Congo. Je crois que si on doit parler d’échec dans la lutte contre la corruption en RDC, cela se situe au niveau de la justice. L’IGF n’est pas la justice, l’IGF ne peut que faire des rapports, l’IGF ne peut que dire tel ou tel autre fait n’a pas marché correctement, c’est comme un organe de contrôle dans une entreprise. Moi ça ne me surprend pas, il y a de cela plusieurs années que nous étions en train de crier que les entreprises minières sont bradées et elles sont bradées avec la complicité des hommes politiques, elles sont bradées au détriment du peuple congolais. Et maintenant ce qui doit être fait, c’est le travail de la justice. Mais malheureusement, s’il n’y a pas de parquet financier, s’il n’y a pas une justice suffisamment financée p o u r per – mettre à ce que ces faits répréhensibles soient condamnés par la loi et que ces faits ne trouvent des responsables qui répondent devant la justice, malheureusement ça sera un rapport de plus qui ira dormir dans les tiroirs de la justice.
Qu’est-ce qui rend inefficace la lutte contre la corruption en RDC ?
Je crois qu’au-delà de l’absence de la justice, il y a un manque de volonté politique. Je crois que pour changer la justice, ça dépend des hommes. L’impulsion doit souvent venir d’en haut. Je crois qu’à un moment donné, les politiciens ou ceux qui gèrent la question de la politique en RDC doivent se poser la question si le secteur judiciaire au Congo est une réussite ou un échec ? Mais il faut dire la vérité, ça doit être un échec parce que sans une justice efficace, on ne peut pas parler de lutte contre la corruption.
Pensez-vous qu’un parquet financier est nécessaire ?
Aujourd’hui, je ne cesse de conseiller et de me battre pour l’arrivée d’un parquet financier. Je ne cesserai de me battre pour qu’il y ait beaucoup de moyens pour que la Cour des comptes fasse bien son travail. Bravo, les juges ont prêté serment ! Mais ce n’est pas du tout suffisant ! Ils ont besoin de travailler. Ce n’est pas normal aujourd’hui que nous puissions nous rendre dans un tribunal, sans moyens suffisants pour faire l’administration ! Les juges n’ont pas de moyens pour avoir des papiers duplicateurs, même pour imprimer, c’est tout un problème. Vous pouvez avoir un problème au niveau de la justice, on vous demande du papier, on vous demande de l’encre pour pouvoir monter votre dossier… Aujourd’hui, on parle de l’accroissement du budget, moi je pense que si le budget est en train de monter et que cela ne sert qu’à nourrir la classe politique et à nourrir les politiques, je crois qu’à un moment donné il faut se poser pas mal de questions. Je crois qu’aujourd’hui l’enjeu n’est pas de dire que les recettes publiques sont en train d’augmenter, à un moment donné on doit se dire : ça augmente mais ça sert à quoi et cela alimente qui finalement ? Tout l’enjeu se trouve à ce niveau. Je crois qu’il y a lieu de mettre énormément des moyens pour pouvoir rendre justice. Aujourd’hui, les gens se plaignent qu’il n’y a pas assez d’investissements, si la question de la justice n’est pas réglée, quel est cet investisseur qui acceptera de placer ses moyens en RDC tout en sachant que demain il n’y aura pas une justice qui peut l’aider à rentrer dans ses droits ? C’est un problème […] Vous savez pourquoi nous parlons de parquet financier ? C’est parce que bien évidement les questions de corruption demandent une expertise toute autre, une expertise beaucoup affinée que la justice courante. Parce que les gens qui volent ou qui détournent de l’argent trouvent des mécanismes et ces mécanismes sont souvent transnationaux qui vont au-delà du Congo. Il faut à la fois un mécanisme interne qui permette à la fois le fonctionnement, le suivi dans les mécanismes internationaux. Exemple le plus récent, vous avez appris des affaires de corruption et des perquisitions sur la Coupe du monde au Qatar. Et vous avez des perquisitions qui se font en Belgique, donc vous comprenez que la lutte contre la corruption doit se baser sur une justice efficace à l’international. Par exemple ceux qui volent de l’argent au Congo ne vont sans doute pas le garder au Congo. Il faut qu’il y ait une justice efficace qui sera à même de collaborer avec une justice internationale pour traduire en justice le corrupteur et le corrompu.
Le chef de l’Etat a, dans son discours sur l’état de la Nation, annoncé que les cinq mille magistrats recrutés seront pris en charge par les budgets 2023-2024 en raison de 2500 magistrats par année. Cela peut-il résoudre le problème de justice en RDC ?
J’ai eu à entendre beaucoup de plaintes par rapport au recrutement de ces magistrats. Il y a des bouches et des voix qui s’élèvent pour parler de la politisation de ce processus. Ce qui est quelque chose à condamner. Deuxièmement, je vais dire une chose : ces magistrats seront nommés évidemment mais quels sont les moyens dont disposent-ils pour bien faire leur travail ? Et quels sont les moyens de coercition qui ont été mis pour punir ces magistrats lorsqu’ils s’écarteront de la voie normale et légale ? Parce que pour pouvoir rendre justice équitable, il ne suffit pas seulement de recruter les magistrats, il suffit aussi de voir quels sont les moyens qui seront mis à leur disposition pour travailler et quelles sont les lois qui pourront les contraindre à bien faire leur travail… Il faut travailler sur le secteur de la réforme de la justice, parce que nous comprenons que ce qui s’est passé dans notre système judiciaire depuis l’indépendance est un fait criant. Le Congo est le lit de l’impunité depuis les indépendances […] Je pense que le critère d’exemplarité a été pris en compte dans le recrutement de ces magistrats. […] Je pense qu’il aura suffisamment des moyens pour les rémunérer et des moyens pour les contraindre à bien travailler.
Les enquêtes menées par l’IGF à la Présidence de la République et au Sénat n’ont pas été rendues publiques. Votre réaction ?
Je pense que ça reste quand même une affaire assez triste. Ne pas rendre public le rapport, je pourrais comprendre mais lorsqu’il y a des faits répréhensibles, cela doit être rapidement sanctionné. Lorsque l’IGF mène des enquêtes, elle les mène de fois avec beaucoup de communication, je ne sais pas pourquoi pour la Présidence et le Sénat rien n’a été dit. Alors que nous savons que les chiffres ne trompent pas. Sur plusieurs rapports concernant la reddition des comptes, la Présidence accuse un dépassement budgétaire. Il y a lieu de savoir qu’est-ce qui occasionne ce dépassement budgétaire. Savoir comment les dépenses au niveau de la Présidence, sont gérées. Le problème aujourd’hui en R.D. Congo, c’est aussi la surbudgétisation et la surconsommation du budget par les institutions politiques. Ce qui fait qu’il y a très peu de dépenses enregistrées dans le pays. Donc, quel que soit l’embelli des chiffres, cela n’influence que le train de vie des animateurs des institutions. Ces chiffres n’influencent pas le train de vie du citoyen congolais.
Dans une année, il va y avoir des élections générales. Quels sont vos souhaits ?
Je pense que je ne suis pas hésitant pour faire de la politique mais je continue à dire une chose : la politique, on ne la fait pas par opportunisme. Je n’ai pas pris une position à un moment donné dans ma vie pour combattre le mal pour forcément finir en politique. Je ne l’ai pas fait pour me dire demain je vais finir en politique.
Après votre dénonciation sur des fonds publics à la BGFIBank, d’autres lanceurs d’alertes sont sortis des autres institutions financières de la RDC. En quoi vos dénonciations sont utiles au système bancaire congolais ?
Je crois que beaucoup de gens doivent prendre conscience que nous sommes responsables du malheur ou du bonheur de ce pays. Et je crois que d’autres lanceurs d’alerte doivent sortir. Malheureusement je déplore aujourd’hui que mes compatriotes Navy Malela et Gradi Koko soient condamnés à mort pour avoir dénoncé la corruption au sein de la banque dans laquelle ils étaient. Et cette condamnation à mort est arrivée sous le règne du président Tshisekedi.
Pensez-vous qu’on arrivera à mettre fin aux mauvaises pratiques dans les institutions bancaires de la RDC ?
Je crois que les choses doivent être faites au niveau réglementaire. Il y a beaucoup de réformes à mener sur le plan bancaire. Il y a la centrale de risque qui doit fonctionner normalement. Il y a l’identification de la population qui doit aussi aider à faire fonctionner les choses. Il y a des responsabilités du point de vue de l’Etat, il y a aussi des réformes au niveau de la Banque centrale du Congo. Pour mettre fin à ces pratiques, parce que si l’autorité de régulation n’arrive pas à frapper, malheureusement vous constaterez que cela a un impact sur le reste de l’économie du pays. Avec des réformes bien structurées et réfléchies, cela pourra rapidement prendre fin.
Aujourd’hui, les réserves de la Banque centrale du Congo ont atteint des plafonds inédits. Que pensez-vous du nouveau management de la BCC ?
Je pense qu’il y a lieu de faire la différence entre les réserves de changes et la gestion de la Banque centrale. Les réserves de change ne sont qu’un indicateur. Cet indicateur est à comparer avec beaucoup d’autres indicateurs. Je crois qu’aujourd’hui, il y a lieu de comparer le niveau de la dette publique intérieure par exemple. On n’en parle pas assez. Comparer le niveau de la dette publique intérieure et extérieure, tout cela est à mettre en phase avec les réserves de change. Puisque seules les réserves en elles-mêmes ne peuvent justifier la bonne santé financière d’un Etat. Je crois qu’il y a aussi les obligations, les engagements, les endettements d’un Etat qui doivent être mis ensemble. Parce que si derrière, la dette intérieure ne fait que s’accroitre, sachez que l’Etat est un mauvais payeur. Vous voyez que les réserves de change ne peuvent en elles-mêmes exprimer la bonne santé financière d’un Etat. Tous les indicateurs en économie doivent être jugés les uns par rapport aux autres.
Pourquoi n’y a-t-il pas de Congolais aujourd’hui propriétaires des banques ?
Est-ce que le Congo a permis de développer une classe moyenne ? Quand il n’y a pas de classe moyenne, sachez derrière il n y a pas de vrais riches. Aujourd’hui, pourquoi plusieurs jeunes sont tentés de faire de la politique au Congo ? Parce que l’entrepreneuriat au Congo ne paie plus. C’est parce que des gens ont du mal à entreprendre et à gagner de l’argent sans être tracassés. Très peu d’investisseurs, très peu de Congolais sont capables de créer une banque parce que pour créer une banque il faut des capitaux, il faut un environnement propice à développer cette banque. Et si les Congolais eux-mêmes n’ont suffisamment pas de moyens pour pouvoir se développer et développer leurs affaires, je ne vois pas comment ça peut faciliter la création d’une banque par des Congolais. Ça dépend de beaucoup de critères. C’est vrai qu’il y avait des Dokolo et Kindwelo à un moment donné, mais c’est le passé. C’était la structure de l’Etat à l’époque qui permettait à ce que les Congolais puissent se développer, croitre financièrement, avoir de l’argent, faire des affaires, et il y avait moins des tracasseries qu’aujourd’hui. Même si la libéralisation de notre économie n’a pas commencé aujourd’hui. Mais cela explique la mauvaise santé financière du Congolais aujourd’hui. Et la mauvaise structuration de notre économie qui ne permet pas à des gens de se développer. Parce que si vous êtes dans un environnement où il y a trop de tracasseries, où l’informel domine sur le formel, où l’Etat n’a pas assez de loi pour réguler les affaires, pour développer et permettre aux citoyens d’entreprendre et ne pas demain se retrouver dans une situation où il peut perdre tout son argent… Très peu d’entreprise en Europe ont connu des problèmes pendant le Covid-19. C’est vrai qu’il y a eu des casses dans le cadre du Covid, mais les casses en Afrique et surtout en RDC, les gens ont perdu de l’argent parce que derrière l’Etat ne sait pas venir en aide à ces gens là… Tant que l’Etat ne saura pas être en mesure de soutenir l’entrepreneuriat sur le plan des assurances, des lois…il sera difficile de créer une classe moyenne… Les gens se focalisent tous à vouloir faire de la politique parce qu’ils pensent que c’est là qu’il faut gagner de l’argent…
En ce qui concerne les finances publiques, le budget 2023 se chiffre à 16,8 milliards de dollars. Quelles sont vos impressions ?
Je dis que la hausse est toujours une bonne chose… Mais la finalité c’est quoi ? Est-ce que ce budget va aider demain à faire plus de recrutement ? Lorsque vous regardez la structure de ce budget, malheureusement, il est concentré vers les politiques. Le train de vie de l’Etat, des politiques. Il est à 60% tourné vers la rémunération des politiques. Est-ce que ce budget focalise les dépenses sur l’armée ? Est-ce qu’on sent que l’éducation est prioritaire ? Ce n’est pas le montant mais la structure du budget. Il faut de moins en moins payer les politiciens. Nous sommes en train d’évoquer la question des millionnaires congolais ou des nantis congolais qui peuvent demain créer des banques, est-ce que ce budget prévoit une part, un fonds de garantie pour soutenir l’entrepreneuriat ? Je ne le pense pas ! Est-ce que ce budget met un accent particulier sur l’éducation, dans les domaines clé de l’ingénierie ? Est-ce que ce budget va tripler la paie de nos militaires ? Je ne crois pas. Est-ce que ce budget va prendre en compte la vie des veuves militaires, des orphelins militaires ? Je ne le crois pas ! […] Il faut aller vers un budget qui prend en compte la vie du plus grand nombre. Le social, c’est aller vers des projets d’investissement, aller vers des projets à caractère social, aller vers ce qui aura intérêt pour la plus grande partie de la population et non rémunérer des gens qui font de la politique.