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CEI-CENI : D’UN PRÉSIDENT À UN AUTRE

La période de transition a offert à la RDC, pays indépendant depuis 1960 mais qui n’a plus connu d’élection pluraliste depuis 1965, l’opportunité de se doter d’une institution d’organisation des élections libres, transparentes et démocratiques. Depuis 2004, quatre présidents se sont succédés à la tête de cet organe.

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Après une longue période de crise politique aggravée depuis 1996 par une série de conflits armés entre les forces gouvernementales et les mouvements armés, impliquant les troupes de certains pays africains, plusieurs accords politiques ont été signés, d’une part entre le gouvernement de la RDC et les pays voisins (Rwanda et Ouganda) et d’autre part entre les différentes composantes et entités au Dialogue Inter-Congolais, pour restaurer la paix, la sécurité et l’intégrité territoriales.

Abbé Apollinaire Malu-Malu Muholongu

Entre 2002 et 2003, l’abbé Malu-Malu entre en jeu en prenant part aux négociations de paix, notamment à Pretoria pour le compte de la société civile congolaise. Cet accord a consacré le partage du pouvoir entre le gouvernement et les forces belligérantes : le fameux 1+4. La création de la CENI remonte justement à l’Accord global et inclusif de Sun City. 

Dans cet Accord, la société civile de la province du Nord-Kivu s’est vue attribuer le poste de président de la CEI à créer. En 2004, l’abbé Apollinaire Malu-Malu, qui après la signature de « l’accord global et inclusif » entre les différentes parties prenantes, avait été nommé expert au service d’études stratégiques rattaché au cabinet du chef de l’État, a été choisi par sa composante pour être désigné président de la Commission électorale indépendante (CEI). 

Il lui sera confié cette lourde mission en partant de presque rien. À cette époque, rares sont les leaders RD-congolais qui croyaient réellement aux élections. «Malu-Malu n’avait pas de financement. Un de ses amis avait d’ailleurs mis à sa disposition des locaux à crédit vers l’immeuble Le Royal, équipés juste des chaises en plastique. 

Grâce à son génie, il a pu mobiliser les moyens et relever le défi d’organiser les premières élections démocratiques en RD-Congo qui naturellement n’étaient pas parfaites, étant donné que c’est une œuvre humaine», rappelle un proche de l’abbé Malu-Malu. C’est sous sa présidence, en effet, que la CEI a organisé le 30 juillet 2006 la première élection présidentielle pluraliste de l’histoire du pays. 

Au total, le prêtre catholique organisera cinq scrutins, dont trois directs, notamment les élections présidentielles à deux tours, les législatives nationales et provinciales, et deux scrutins indirects, à savoir les élections des sénateurs et des gouverneurs. Tout au long de ce processus électoral difficile, l’abbé Malu-Malu était toujours serein. Il n’était pas quelqu’un d’agité même devant de grands couacs – à l’instar du refus de la présidence de la CEI de signer le document relatif à la publication des résultats du second tour, il gardait toujours son calme. 

Corneille Nangaa, un autre président de la Commission nationale électorale indépendante (Ceni), avouera plus tard que l’abbé Malu-Malu était son « père spirituel ». Après avoir coordonné en 2007, les travaux de la conférence Amani à Goma, dans le Nord-Kivu, destinés à pacifier une fois pour toutes cette partie de la RD Congo, l’abbé Malu-Malu s’est occupé de la mobilisation des ressources financières au sein du Starec, dans le cadre de la stabilisation et de restauration des régions affectées par les conflits, créés par le président Joseph Kabila. Par ailleurs, il a également participé aux pourparlers de Kampala en 2013 « en tant qu’expert ». À l’époque, lors de ces négociations entre Kinshasa et le Mouvement du 23-Mars (M23), « il y avait d’un côté le camp de la République et de l’autre, celui des rebelles.

 Daniel Ngoy Mulunda Nyanga

De 2011 à 2013, le pasteur méthodiste de l’ECC, Ngoy Mulunda était venu du parti présidentiel d’alors, le PPRD (Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie), membre de la Majorité présidentielle «MP», pour diriger la centrale électorale. Co-fondateur du PPRD, Ngoy Mulunda était très influent dans le giron du pouvoir. Il a dirigé l’ONG Parec (Programme œcuménique de paix, transformation des conflits et réconciliation), une organisation impliquée dans le processus de paix en RDC, particulièrement dans la récupération des armes dissimulées, moyennant une contrepartie: un vélo ou 100 dollars qu’il remettait aux détenteurs desdites armes. 

En 1997, Ngoy Mulunda avait joué un rôle dans la médiation faite par Nelson Mandela entre feux Laurent-Désiré Kabila et le président Mobutu. En 2000, alors que le pays fait face depuis près de deux ans à une nouvelle guerre, c’est lui qui convoquait les représentants de la société civile venus de tout le pays (Gbadolite, Goma, Kisangani, Bukavu, notamment) pour un forum national de sortie de crise à Kinshasa qui s’était tenu après avoir été bloqué dans un premier temps par le pouvoir en place. 

Ngoy Mulunda est aussi connu pour sa diplomatie secrète, notamment dans le rapprochement entre le facilitateur Ketumile Masire, qui a conduit les négociations politiques du dialogue inter congolais, avec Joseph Kabila. Il prend les rênes de cette institution de gestion des élections sur base de la loi organique du 28 juillet 2010. Il organisera seulement trois élections, la présidentielle, les législatives nationales et provinciales de 2012.

Abbé Apollinaire Malu-Malu, « maître » des experts électoraux congolais

De 2013 à 2019, grâce à la loi organique du 19 avril 2013, la société civile a eu le privilège de faire le choix du président de la CENI. Le 11 mai 2013, les confessions religieuses de la RD-Congo l’avaient désigné comme président de la CENI. Si les évêques de la CENCO ne l’ont pas soutenu, l’abbé Malu-Malu a cependant bénéficié du soutien de son évêque, Mgr Sikuli Paluku Melchisédech. Le prêtre prête serment le 14 juin 2015 et termine son mandat par la remise-reprise avec son prédécesseur Mulunda le 27. Pour des raisons de santé, Malu-Malu démissionne le 10 octobre 2015 et mourra le 30 juin 2016.

 Corneille Nangaa Yobeluo

Le 21 octobre 2015, les confessions religieuses portent leur choix sur le secrétaire exécutif national adjoint de la CENI, Corneille Nangaa. L’idée des chefs des confessions religieuses était d’y placer quelqu’un qui préserverait les acquis de l’abbé Malu-Malu. Sur papier, Nangaa avait le profil idéal. Économiste de formation, Corneille Nangaa maitrisait les rouages de la CEI (Commission Électorale congolaise) pour avoir travaillé, entre autres, en 2005 en son sein comme superviseur technique national alors qu’elle était dirigée par l’abbé Malu-Malu. 

Il avait ensuite été nommé secrétaire exécutif adjoint de la CENI en septembre 2013. Sa nomination à la tête de l’institution était attendue par la classe politique. Proposé par les confessions religieuses comme successeur de l’abbé Malu-Malu, Nangaa ne faisait toutefois pas l’unanimité, étant donné que l’Église catholique n’avait pas soutenu sa candidature.

 Un manque de consensus qui suscitait des inquiétudes. Selon Jean-Claude Baka, responsable de l’Association africaine de défense des droits de l’homme au Katanga « nous craignions que les élections ne soient pas crédibles et transparentes ». L’un des grands enjeux des scrutins ultérieurs serait de garantir ces préalables. « L’expertise technique » et « la probité morale » ont été des critères qui ont présidé à sa sélection. Corneille Nangaa n’est revenu à la Céni qu’en 2013, en même temps que l’ex-président, après avoir travaillé pour une organisation américaine spécialisée dans les processus électoraux au Niger et en Côte d’Ivoire. Mais l’Église catholique, poids lourd des confessions religieuses, avait annoncé s’être retirée du vote.

Car aucun débat n’avait eu lieu, selon elle. Les représentants des sept autres confessions du pays auraient pris leur décision avant. Incapable de garantir l’indépendance de ce choix ni la neutralité du candidat censé représenter toute la société civile, elle a donc choisi de se retirer, comme en 2013.

 Dénis Kadima Kazadi ou l’ambition d’organiser les élections de bonne qualité

Le choix de Denis Kadima, pour diriger la Commission électorale, malgré le veto de l’épiscopat catholique, avait planté le décor d’une crise dans le processus des élections. L’Assemblée nationale a entériné sa désignation comme président de la Ceni, après le dévolu jeté sur lui par six des huit confessions religieuses. La loi, en effet, charge les huit confessions religieuses reconnues de désigner par consensus le président de la Céni. Un choix qui doit ensuite être validé par la chambre basse du parlement avant la nomination officielle par le chef de l’État.

 Candidat des kimbanguistes, il était soutenu par six des huit confessions religieuses chargées d’avaliser le choix du président de la commission électorale. Mais son profil était jugé problématique par les leaders catholiques (réunis au sein de la Conférence épiscopale nationale du Congo, Cenco) et protestants (réunis au sein de l’Église du Christ au Congo, ECC), qui l’accusent d’être trop proche du président Félix Tshisekedi. À plusieurs reprises, le duo Cenco-ECC a dénoncé des « pressions » du pouvoir pour imposer la candidature de Kadima, sans toutefois apporter les « preuves » dont ils assurent disposer. 

À l’issue d’une ultime réunion le 2 octobre, les chefs des confessions religieuses s’étaient séparés sans parvenir à trouver un consensus. La question devait donc être tranchée à l’Assemblée nationale, à laquelle le chef de l’État avait demandé de mettre fin au blocage avant la fin de la session parlementaire. L’église catholique, dont se revendique 40% de la population congolaise et l’Église du Christ au Congo (ECC), principale fédération protestante, s’est opposée à cette nomination. Expert électoral, Denis Kadima a ainsi été confirmé, vendredi 22 octobre 2021, par le chef de l’État à la tête de la Commission électorale nationale indépendante. 

Son équipe a été mise en place après 28 mois de retard. Dès sa prise de fonctions, cette équipe a commencé par la mise en place d’ateliers de toute sorte pour mieux comprendre la structure de la CENI ellemême notamment l’atelier de planification stratégique d’où a découlé le plan stratégique de la CENI. C’était la première fois que cette institution d’appui à la démocratie s’est vue dotée d’un plan stratégique qui détaille sa vision et qui a défini 5 axes stratégiques sur base desquels elle compte exercer son travail. Ces 5 axes de l’action du bureau Kadima résument toute l’action de cette institution.

Il s’agit de créer une nouvelle image de la CENI pour renforcer sa crédibilité. En un mot, le rebranding a été incorporé dans le jargon au niveau de la CENI, à savoir redorer son image. Ensuite, il était question d’améliorer la qualité du service pour accroître l’efficacité de cette institution. Tertio, renforcer les relations avec toutes les parties prenantes pour une plus grande crédibilité. Quarto, construire une nouvelle culture d’inclusivité pour une grande adhésion et quintaux, engager une politique de mobilisation et de gestion durable et efficace des ressources pour assurer la pérennité de la CENI. 

Sur le registre des valeurs, on peut énumérer le devoir de recevabilité, la légalité, l’égalité, l’équité et l’intégrité. «Après trois cycles électoraux, il y a eu beaucoup de critiques à l’égard de la CENI et nous travaillons d’arrache-pied pour inverser la tendance. Comprenez que quelque chose est en gestation…», a déclaré Denis Kadima Kazadi lors de la journée électorale organisée par les jeunes à Kinshasa.

 Raymond OKESELEKE

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La situation sécuritaire en RDC au cœur d’un sommet de la SADC au Zimbabwe

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À un mois de l’expiration du mandat des forces de la SADC déployées dans l’Est de la République Démocratique du Congo (RDC), la situation sécuritaire du pays fait l’objet d’une évaluation ce mercredi 20 novembre 2024 à Harare, au Zimbabwe. Pourtant, sur le terrain, le statu quo persiste.

Un sommet extraordinaire des Chefs d’État et des gouvernements de la Communauté de Développement de l’Afrique Australe (SADC) s’ouvre à Harare ce 20 novembre. Il sera dirigé par le président du Zimbabwe, Emmerson Mnangagwa, également président en exercice de la SADC.

Lors de cette rencontre, les discussions porteront sur la situation sécuritaire dans la région, avec un accent particulier sur la partie Est de la République Démocratique du Congo. « Le sommet sera l’occasion de faire le point sur les progrès de la Mission de la SADC en République Démocratique du Congo (SAMIR-DRC) », indique le communiqué de la SADC.

Le mandat de cette force expire le 15 décembre 2024. En octobre dernier, une mission de la SADC s’est rendue au Nord-Kivu pour évaluer l’opération de maintien de la paix menée en RDC (SAMIR-DRC). « Nous avons mené des opérations, mais notre mandat touche déjà à sa fin. Les autorités ont jugé urgent de procéder à une évaluation. L’objectif est de déterminer ce qui a fonctionné et ce qui n’a pas fonctionné, afin qu’en renouvelant notre mandat d’un an, nous sachions quelles mesures prendre pour plus d’efficacité », a déclaré le général-major Ibrahim Muhona, chef de la délégation envoyée par la SADC.

Soutien de l’ONU

Face aux difficultés rencontrées par cette force régionale, le Conseil de sécurité des Nations Unies a ordonné à la MONUSCO d’apporter son soutien à la SADC. Lors de sa visite en RDC en septembre, Jean-Pierre Lacroix, secrétaire général adjoint de l’ONU en charge des opérations de maintien de la paix, a échangé avec le commandant de cette force pour accélérer cette collaboration, conformément à la dernière résolution de l’ONU.

La résolution 2746 autorise un soutien renforcé de la MONUSCO aux opérations de la Mission de la Communauté de Développement de l’Afrique Australe en RDC (SAMIDRC). Selon cette résolution, la force onusienne est mandatée pour fournir une assistance à la SAMIDRC, notamment à travers une meilleure coordination, un partage accru d’informations, ainsi qu’un soutien technique et logistique. Ce soutien vise à renforcer les capacités de la SAMIDRC, tout en garantissant le respect des normes internationales en matière de droit international humanitaire et de droits de l’homme.

Statu quo dans le processus de Luanda

Pendant ce temps, à Luanda, les négociations entre les deux pays n’ont pas suffisamment progressé. Le Rwanda conditionne toujours son retrait du sol congolais à la neutralisation des Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR), tandis que la ministre des Affaires étrangères de la RDC, Thérèse Kayikwamba Wagner, plaide pour un retrait simultané des forces rwandaises, en même temps que la traque des FDLR. Pour Kigali, « la levée des mesures défensives du Rwanda », une formulation politique désignant le retrait de l’armée rwandaise du sol congolais, ne pourra intervenir qu’après des résultats significatifs dans la lutte contre les FDLR, soit dans un second temps.

Sur le terrain, les rebelles du M23, soutenus par le Rwanda, poursuivent leurs combats malgré le cessez-le-feu en vigueur depuis le 4 août. Ils ont gagné du terrain dans le territoire de Walikale et continuent de progresser dans celui de Lubero, dans la province du Nord-Kivu.

Heshima

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États généraux de la justice : après 359 propositions, un long combat pour leur mise en pratique

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Les États généraux de la justice se sont conclus le 16 novembre en République Démocratique du Congo. Après dix jours de débats, un rapport contenant 359 propositions a été présenté. Comme en 2015, le combat pour la mise en œuvre de ces recommandations a commencé. Le chef de l’État, Félix Tshisekedi, a promis de les appliquer sans faille.

Les États généraux de la justice se sont conclus le 16 novembre en République Démocratique du Congo. Après dix jours de débats, un rapport contenant 359 propositions a été présenté. Comme en 2015, le combat pour la mise en œuvre de ces recommandations a commencé. Le chef de l’État, Félix Tshisekedi, a promis de les appliquer sans faille.

Trois mille participants ont pris part à ces assises sous le thème : « Pourquoi la justice congolaise est-elle qualifiée de malade ? Quelle thérapie face à cette maladie ? ». Au total, 359 propositions ont été formulées, soit neuf de plus qu’en 2015. Parmi les recommandations, les participants ont suggéré le remplacement du Conseil supérieur de la magistrature par un Conseil supérieur de la justice, où les magistrats siégeraient aux côtés du président de la République et du ministre de la Justice. Lors du dernier jour des assises, le ministre d’État en charge de la Justice, Constant Mutamba, a abordé la réforme du Conseil supérieur de la magistrature. Les participants ont proposé son remplacement par un Conseil supérieur de la justice, dans lequel les magistrats ne siègeraient plus seuls. « Les avocats, les greffiers, les huissiers, la société civile et d’autres acteurs réclament désormais de faire partie du Conseil supérieur de la justice. Il est anormal que certains juges et magistrats, d’un certain niveau, ne fassent l’objet d’aucun contrôle de leurs actes », a dénoncé Constant Mutamba.

Certaines réformes irritent les magistrats

Cette proposition de remplacement du Conseil supérieur de la magistrature irrite une partie des magistrats. Ces derniers refusent que des non-magistrats, à l’exception du président de la République en tant que magistrat suprême, siègent dans cette instance. La dépendance des parquets vis-à-vis du ministère de la Justice, ainsi que la suppression de l’avis des présidents des cours et tribunaux avant de rendre une décision, figurent parmi les réformes qui suscitent des désaccords parmi les magistrats. Selon le procureur Edmond Issofa, président du Syndicat national des magistrats, ces questions n’ont pas été tranchées durant les dix jours des États généraux et ont été soumises à l’arbitrage du président de la République. « Le rapport tel qu’il a été présenté ne reflète en rien la réalité. Il ne correspond pas aux conclusions des ateliers qui ont insisté pour que les choses restent en l’état, en attendant un arbitrage du chef de l’État », a-t-il déclaré, déplorant l’impression d’une décision préétablie.

La double nationalité

Lors de la cérémonie de clôture au Palais du Peuple, Aimé Kilolo, rapporteur général des assises, a détaillé les recommandations retenues par les participants. Certaines de ces propositions nécessitent une modification de la Constitution. Par exemple, les participants ont recommandé une révision de l’article 10 de la Constitution pour permettre l’adoption de la double nationalité en RDC, tout en instaurant des mécanismes de déchéance de la nationalité congolaise en cas de haute trahison. Cette proposition a été formulée pour répondre aux attentes de la diaspora congolaise. D’autres recommandations phares ont également été retenues.

Jules Alingete recommande la création d’un parquet financier

Dans son intervention, Jules Alingete, inspecteur général et chef de l’Inspection générale des Finances (IGF), a vivement recommandé la création d’un parquet financier chargé de lutter contre les criminels économiques. Il a également plaidé pour l’adaptation du code pénal congolais aux nouvelles formes de criminalité financière. « Je ne suis pas juriste, mais il est évident que notre code pénal ne prévoit pas certaines infractions spécifiques à la criminalité financière moderne. Cela fait qu’au niveau du parquet, des faits manifestement constitutifs de corruption ou de détournement ne sont pas clairement définis, ce qui mène à des échecs judiciaires », a expliqué Jules Alingete. Il a aussi critiqué les immunités des députés et ministres qui, selon lui, rendent la justice et les organes de contrôle « impuissants ». Pour lutter contre la corruption, des pistes de solutions ont été proposées, notamment la création d’un Parquet financier, la formation des magistrats en matière financière, le renforcement des conditions financières des magistrats, et la révision du régime des immunités des membres du gouvernement responsables de gestion publique. Le renforcement des contrôles préventifs des finances publiques, avec la création d’une « patrouille financière », a aussi été évoqué.

La CENCO s’oppose à un changement de Constitution

Lors de la cinquième journée des États généraux de la justice, Monseigneur Donatien Nshole, s’exprimant au nom de la CENCO, a fermement conseillé le maintien de l’actuelle loi fondamentale. Il a souligné que la Constitution actuelle constitue un « pacte républicain » qui, si elle est appliquée correctement, pourrait éviter au pays une situation chaotique. En réponse aux discussions sur un éventuel référendum constitutionnel, il a mis en garde contre un tel projet, soulignant le coût financier élevé des élections dans un contexte où des investissements importants sont nécessaires pour améliorer les conditions de vie des Congolais. « Il serait irresponsable de chercher à changer la Constitution par référendum. Aujourd’hui, nous avons besoin de ressources pour améliorer les conditions sociales de la population », a-t-il déclaré. Selon le secrétaire général de la CENCO, la Constitution actuelle, en tant que « pacte républicain », a permis d’instaurer une stabilité sécuritaire dans le pays. Les problèmes actuels de la RDC ne découlent pas du texte constitutionnel, mais de son application. « Si les textes étaient appliqués, le pays ne serait pas dans cette situation », a-t-il ajouté.

Les résolutions de 2015 en souffrance

Ces États généraux se tiennent neuf ans après la première édition de ces assises de 2015. Parmi les centaines de recommandations formulées à l’époque, une vingtaine seulement ont été mises en œuvre. Dans son discours lors de ces nouveaux États généraux, le président de la Cour constitutionnelle et président du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), Dieudonné Kamuleta, a demandé aux participants d’évaluer sérieusement l’exécution des recommandations des États généraux de 2015. Il a rappelé que les travaux de 2015 avaient produit des conclusions et recommandations « riches » touchant aux réformes structurelles et systémiques du système judiciaire congolais. Les objectifs à l’époque étaient de poser un diagnostic sur le fonctionnement de l’appareil judiciaire, d’évaluer les réformes déjà entreprises, et de formuler des recommandations pour les réformes et actions prioritaires à mettre en œuvre. Au total, 350 recommandations avaient été retenues, abordant des questions telles que l’indépendance du pouvoir judiciaire, la lutte contre l’impunité, l’accès à la justice, et la sécurité des investissements. Les résolutions des États généraux de 2015 sont pour la plupart restées sans suite. « Seules 21 résolutions des États généraux de 2015 ont été appliquées à ce jour », a précisé un juge lors des travaux de 2024. Alexis Thambwe Muamba, ministre de la Justice à l’époque, avait prédit que les États généraux de 2015 permettraient de résoudre des problèmes majeurs du secteur judiciaire, tels que l’incurie, le clientélisme, la corruption et l’impunité. Ces assises avaient recommandé un point essentiel : « favoriser l’accès à la justice pour tous, qu’ils soient indigents ou nantis, villageois ou citadins ». Mais à ce jour, cette recommandation fondamentale est restée lettre morte.

Pour ces nouveaux États généraux, le président de la République a promis, lors de la clôture, de mettre en œuvre sans tarder les recommandations issues de ces assises. Elles doivent, selon lui, permettre la renaissance de l’appareil judiciaire congolais. Il a promis que le gouvernement recevra des directives claires pour déployer les ressources nécessaires à la réussite des réformes proposées. Toutefois, entre la fin des travaux et la réalisation concrète des réformes, il reste un long chemin à parcourir.

Heshima

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Changement de la Constitution : Tshisekedi fonce, tête baissée…

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Le week-end dernier, le Président de la République, Félix Tshisekedi, a affirmé, sur un ton martial, sa détermination à réviser ou changer la Constitution. Cependant, son argumentation en faveur de cette modification de la loi fondamentale est vivement contestée par l’opposition.

En République Démocratique du Congo (RDC), le débat autour de la modification de la Constitution prend de l’ampleur. Lors d’une visite dans le Haut-Katanga, à Lubumbashi et Kipushi, Félix Tshisekedi a réaffirmé sa ferme volonté d’intervenir sur la loi fondamentale. « Qui est celui qui va m’interdire, moi, le garant de la Nation, de le faire ? », s’est-il interrogé. Il a ensuite précisé qu’il y avait eu une malentendu concernant des propos qu’il avait tenus à Kisangani. « Ce que j’avais dit n’avait rien à voir avec un quelconque troisième mandat », a-t-il ajouté.

Si la quête d’un troisième mandat ne semble pas être sa motivation principale, le président Félix Tshisekedi avance un argument controversé concernant l’article 217 de la Constitution. Selon lui, cette disposition consacre la cession de la souveraineté de la RDC à certains États africains. Il estime que le pays est en danger, un danger qui viendrait de l’extérieur, avec une complicité interne de ceux qui ont échoué aux élections et de ceux qui n’ont pas participé aux scrutins. Le Président a indiqué que les propositions de la commission multidisciplinaire qui sera chargée de travailler sur la révision constitutionnelle l’an prochain seront soumises aux élus du peuple. Et si nécessaire, a-t-il ajouté, ces conclusions seront soumises directement au souverain primaire, « pour qu’il décide de lui-même s’il doit se limiter à la révision ou aller jusqu’au changement de la Constitution ». Et Félix Tshisekedi d’ajouter : « Personne ne changera mon avis sur cette question ».

Interprétation erronée de l’article 217

Suivant ses déclarations, l’article 217 est l’une des principales raisons qui motivent la démarche de Félix Tshisekedi. Ce texte, repris dans les constitutions de plusieurs États africains, est perçu au sein de l’UDPS, le parti présidentiel, comme un facteur pouvant conduire à la balkanisation de la RDC. « On veut nous obliger à abandonner une part de notre souveraineté à des États voisins. Et on nous dit que nous n’avons pas le droit de revoir cela », a déclaré Tshisekedi lors d’un meeting à la place de la Poste de Lubumbashi. Augustin Kabuya, secrétaire général de l’UDPS, a même évoqué le Rwanda en déclarant que l’occupation rwandaise des territoires congolais serait en grande partie rendue possible grâce à cette disposition constitutionnelle.

Un faux bruit, selon Sesanga

L’opposant Delly Sesanga n’a pas tardé à réagir après ce discours de Tshisekedi. Il a qualifié de « faux bruit » certaines des affirmations du chef de l’État. Selon lui, l’interprétation faite par Félix Tshisekedi de l’article 217 de la Constitution est               « iconoclaste ». « La manipulation, c’est lorsque vous faites croire que cet article expose le Congo à céder des territoires à des États voisins », a-t-il dénoncé dans une vidéo.

Delly Sesanga a ensuite averti le Chef de l’État qu’il devra faire face aux Congolais patriotes : « Les menaces et les mensonges ne feront nullement reculer le peuple congolais. Et vous aurez face à vous tous les Congolais qui veulent que le Congo devienne une République véritable et un État au service de l’intérêt général. »

Un projet désastreux, selon Fayulu

Martin Fayulu, leader de l’ECIDé, a estimé que Félix Tshisekedi faisait une interprétation « grossièrement erronée » de l’article 217, dont la clarté ne nécessiterait même pas l’avis d’un expert en droit constitutionnel. Selon Fayulu, ce qui importe avant tout, c’est la préservation de l’intégrité territoriale de la RDC et l’amélioration des conditions de vie de la population. Ce ne sont pas les dispositions de la Constitution qui légitiment, selon lui, le pillage des fonds publics ou l’inertie d’un gouvernement issu d’un « simulacre » d’élections.

Martin Fayulu rappelle, par ailleurs, qu’il demeure le seul président légitimement élu depuis 2018. « Je m’opposerai fermement, aux côtés du peuple, à ce projet désastreux de modification constitutionnelle », a-t-il écrit sur son compte X (anciennement Twitter).

Katumbi : Tshisekedi risque de finir seul

Le durcissement du ton de Félix Tshisekedi fait également réagir Moïse Katumbi. Le leader d’Ensemble pour la République estime que le Président Tshisekedi profane la mémoire de ceux qui sont morts pour défendre la Constitution. « Hier, il appelait ces héros à sacrifier leur vie pour préserver la loi fondamentale. Aujourd’hui, il piétine leur sang pour assouvir sa soif de pouvoir », a-t-il dénoncé sur son compte X. À ce rythme, constate Katumbi, « un dictateur risque de finir seul, chassé et abandonné, laissant derrière lui un peuple en révolte ». Katumbi interprète ainsi la posture de Tshisekedi comme celle d’un homme qui « assume avec une grande fierté son statut de dictateur ». Deux jours plus tôt, lors de l’interpellation brutale de Delly Sesanga sur ce même sujet, Katumbi dénonçait déjà une « criminalisation » de la défense de la Constitution par le régime de Félix Tshisekedi.

L’article 217 comporte-t-il un danger ?

Félix Tshisekedi et son UDPS ont-ils réellement perçu une menace pour l’intégrité territoriale de la RDC ? Certains observateurs estiment que les ennemis de l’unité nationale tenteraient d’utiliser cette disposition constitutionnelle pour balkaniser le pays. L’article 217 mentionne en effet la possibilité de céder une partie de la souveraineté du pays, tandis que l’article 214 prévoit un référendum pour concrétiser une cession de territoire.

En avril dernier, le président rwandais, Paul Kagame, a officiellement remis en cause les frontières de la RDC lors d’une visite à Cotonou, au Bénin. « Les frontières tracées durant la période coloniale ont découpé nos pays en morceaux. Une grande partie du Rwanda a été laissée en dehors, dans l’est du Congo, dans le sud-ouest de l’Ouganda », avait-il déclaré lors d’une conférence de presse conjointe avec son homologue béninois, Patrice Talon.

Lors d’une leçon publique en hommage à Laurent-Désiré Kabila, en janvier 2023, le professeur Michel Bisa Kibul a souligné que la balkanisation de la RDC pourrait se produire avec ou sans l’implication de la population. Selon lui, il existe d’autres dimensions de cette menace, telles que l’occupation des terres par des étrangers qui, un jour, pourraient revendiquer l’autonomie d’une entité. Le grand remplacement des populations dans les zones occupées par des rebellions pro-rwandaises, comme le M23, pourrait à terme déclencher ce mécanisme. Dans cette optique, l’article 214 de la Constitution pourrait être perçu comme un piège.

Heshima

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