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Les improductives alliances du pays de Lumumba

Dans un monde devenu village planétaire, les nations sont contraintes de vivre en « interdépendance ». Et en tant que telles, les alliances entre Etats se font et se défont en fonction des intérêts et des besoins et dans le cadre de la politique étrangère de chaque pays. Par pur souci d’éclairer la lanterne des uns et des autres sur cette évidence, dans son ouvrage “La politique étrangère de la République Démocratique du Congo: Continuité et ruptures”, le Professeur Mwayila Tshiyembe, spécialiste de la sociologie des conflits dans la région des Grands Lacs qui a fait un point d’honneur sur les alliés de la RDC, a mis en exergue l’évidence selon laquelle la politique étrangère constitue un instrument efficace pour la gestion de toute nation.

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Dans ce chef-d’œuvre, l’auteur révèle qu’avec ses atouts et ses vulnérabilités, la diplomatie de la RDC a été celle de la crise (1960-1965), de la porte ouverte (1965- 1990), des temps perdus (1990-1997) et de l’impuissance (1997-2006). D’où sa conclusion par cette interrogation : »Quelle diplomatie pour le 21ème siècle et l’avenir ? » En réponse à cette question posée avec acuité, Heshima Magazine tente en quelques lignes de décrypter les moments forts de l’histoire des alliances de la République Démocratique du Congo en remontant les années 1960.

En dents de scie

Colonie belge depuis 1902, le Congo a toujours été proche de la Belgique à qui il s’identifie politiquement et culturellement. Après l’accession à l’Indépendance le 30 juin 1960, les tensions naissent entre l’ancien colon et les nouveaux dirigeants de son ancienne colonie. Le Roi Baudoin 1er se sent lésé après le discours orageux de Lumumba qui a présenté la Belgique comme un tyran qui a terrifié et torturé les sauvages congolais. Les officiers belges ne parviennent plus à gérer les soldats subalternes de la Force Publique. S’ensuivent alors des émeutes dans les différentes provinces du Congo où les belges sont violées, tués et chassés. L’armée belge interviendra pour rapatrier tous ses résidants et va profiter de l’occasion pour régler des comptes à Lumumba. 

De là va naître la relation en dents de scie entre les deux pays qui n’auront presque jamais des rapports privilégiés. Si la Belgique se vante d’être le premier partenaire économique de la RDC, les congolais eux le nient. Vers les années 1980, Mobutu Sese Seko, Président de ce pays depuis 1965 à la suite d’un coup d’Etat sur Joseph Kasa-Vubu, fatigué de l’ingérence belge dans les affaires internes du Zaïre, envoie des émissaires dont Nimy Mayidika Ngimbi, Gérard Kamanda, Mpinda wa Kasenga annoncer lors d’un débat contradictoire à la télévision belge, la rupture des relations entre la Belgique et le Zaïre.

A l’avènement de Laurent-Désiré Kabila, la situation ne va pas changer. Les relations sont restées tendues entre les deux pays. Il a fallu attendre le règne de Joseph Kabila pour assister au réchauffement des relations entre Kinshasa-Bruxelles. Louis Michel qui a longtemps géré la diplomatie belge vers le début des années 2000, est même considéré comme le mentor de Joseph Kabila. Fort de ces rapports améliorés entre les deux pays, le Congo de Kabila a même invité le couple royal belge à prendre part à la célébration du cinquantenaire de l’indépendance du Congo en 2010. Une invitation qui sera sujette à polémique suite au cadeau de quelques carats de diamant de joaillerie qui sera offert à la reine Paola Ruffo di Calabria, épouse du Roi Albert II par Marie-Olive Lembe, épouse du Président Kabila. Cependant, vers la fin du mandat de Joseph Kabila, les relations diplomatiques entre la Belgique et la RD-Congo vont se ternir comme jamais auparavant avec des décisions lourdes de conséquences telles que la rupture de la coopération bilatérale, l’interdiction de voyager infligée à des responsables des deux pays, la fermeture de la maison Schengen, le rappel des ambassadeurs. Une situation que viendra changer aussitôt Félix Tshisekedi, cinquième Président du Congo. La Belgique est un pays qu’il connait très bien pour y avoir séjourné plus de deux décennies. D’ailleurs, après sa prise de fonctions, la Belgique a été le premier pays européen où il s’est rendu.

Depuis, les averses ont disparu dans le ciel de deux nations. La maison Schengen qui avait été fermée a rouvert ses portes et la coopération à l’exception de celle militaire, a repris.

 Rwanda, Ouganda, Burundi: l’histoire des amours compliqués

Partageant les mêmes frontières, le Rwanda, le Burundi et l’Ouganda ont toujours été considérés comme des pays frères de la RDC, des alliés naturels. Les années 1980 et 1990 ont scellé une solide relation d’amitié entre Juvénal Habyarimana   du Rwanda et Joseph Désiré Mobutu son voisin du Zaïre. Une amitié qui aurait pu coûter la vie aux deux Présidents en 1994 lorsque l’hélicoptère ramenant le président rwandais à Kigali a été abattu par des missiles sol-air.

« La politique étrangère de la République Démocratique du Congo: Continuité et ruptures »

Les deux hommes étaient ensemble et devraient effectuer le déplacement pour des assises africaines. Mobutu s’était désisté à la dernière minute. 

En 1997, les successeurs d’Habyarimana ne sont pas en odeur de sainteté avec Mobutu qui n’est pas leur allié. Ils décident de le faire partir du pouvoir par les armes, en passant par Mzee Laurent-Désiré Kabila, ancien maquisard et ennemi de Mobutu déjà fragilisé à Kinshasa par l’opposant Etienne Tshisekedi.

 Lorsque Kabila renverse le vieux léopard de Kinshasa, le Rwanda, le Burundi et l’Ouganda font office d’alliés privilégiés. Fin mai 1997, dans un stade Kamanyola rebaptisé stade des Martyrs à moitié vide et sans le moindre diplomate, le nouveau maître de Kinshasa s’autoproclame Président de la République en prêtant serment devant ses alliés, qui, à ses yeux suffisent pour légitimer son pouvoir.

 Cependant, le mariage entre les quatre pays ne fera pas long feu. Le 02 août 1998 alors que quelques jours plus tôt, le président congolais avait annoncé la fin des relations avec le Rwanda, l’ancien allié, une guerre d’agression surgit presque dans les mêmes régions par où la marche pour la destitution de Mobutu avait commencé.

 Cette fois-ci, le Congo de Kabila n’a plus de puissance de feu, ses alliés naturels se sont mués en ennemis. C’est là qu’entrent en scène l’Angola de Dos Santos, la Namibie et le Zimbabwe, les nouveaux alliés circonstanciels qui vont repousser les agresseurs et approvisionner en aliments le Congo sous embargo international et soutenir le régime de Kinshasa jusqu’en janvier 2001, quand Laurent-Désiré Kabila est assassiné dans son bureau au Palais des marbres à Kinshasa.

 Exemple sur le continent

Hormis les démêlés avec le Rwanda, la RDC est plutôt un pays pacifique non conflictuel aux yeux des pays africains. Présente et active dans la majorité de communautés continentales où elle s’apprête à prendre les commandes de l’Union Africaine en 2021, régionales (Sadc, Ceeac) et sous-régionales (Cirgl), la RDC est un exemple de bonne coopération. Le Président Tshisekedi est très actif sur le continent tant dans la quête des solutions au conflit entre l’Ouganda, le Burundi et le Rwanda que dans la pacification d’autres pays comme l’Ethiopie en proie à des tentatives de rébellions de l’Etat de Tigre. En marge des consultations des forces vives qu’il a initiées le 02 novembre à Kinshasa en vue d’une «Union sacrée pour la nation », Félix Tshisekedi avait dépêché une mission diplomatique restreinte composée des membres de son cabinet, dans quelques capitales africaines comme Luanda, Le Caire, etc. Quelques jours après, cela s’est matérialisé par un meeting aérien des armées congolaises et angolaises dans le ciel congolais.

Dans la crise actuelle opposant le camp de Félix Tshisekedi (Cap pour le Changement) à celui de Joseph Kabila (Front commun pour le Congo), le positionnement des alliés est un élément de taille. Joseph Kabila conserverait une très bonne image en Afrique du Sud et au Zimbabwe voire au Burundi. C’est d’ailleurs auprès de deux de ces pays, à savoir Afrique du Sud et Zimbabwe que ce dernier avait aussi envoyé Kikaya Bin Karubi et She Okitundu pour réciproquer à la démarche de Tshisekedi. Quitte à savoir si les différents alliés sauront se départager en cas de crise réelle en RDC.

 Félix Tshisekedi, un chercheur d’alliances ?

Le politologue Trésor Kibangula tente d’y répondre en décryptant la politique extérieure de la RDC à partir d’une trentaine des voyages effectués par le Président Félix Tshisekedi dans une dizaine de pays. Le Chef d’État s’est rendu notamment dans les pays limitrophes de la RDC, en Occident et en Orient. Ce périple avait trois axes. Pour le premier axe, le Président est parti chercher auprès des alliés, l’aide financière afin de mettre en application son programme de gouvernement avec ses 20 piliers. Cela s’est confirmé notamment par ses contacts outre avec les politiques, mais aussi avec le Groupe d’Etudes sur le Congo (GEC), le FMI, l’Union Européenne, la Banque Mondiale et la Banque Africaine de Développement (BAD).

 Le deuxième axe a consisté au repositionnement régional de la RDC et la pacification de l’est du pays dans la perspective de rétablir un meilleur équilibre géopolitique des intérêts des uns et des autres. C’est dans ce cadre qu’il avait appelé tous les pays voisins notamment le Burundi, le Rwanda, l’Ouganda et la Tanzanie à faire partie d’un  »État-major intégré ».

Sans oublier la main tendue aux alliés traditionnels, dont la Russie, la Serbie, les USA (avec qui la RDC vient de relancer la coopération militaire) et prochainement la Chine. Le troisième axe selon Monsieur Kibangula, a visé le rééquilibrage des rapports de force à l’intérieur du pays qui sont actuellement défavorables à Félix Tshisekedi au sein de la coalition au pouvoir. Ses partenaires du FCC contrôlant l’essentiel des institutions de la République. Il a fallu donc prendre langue avec les alliés pour échanger sur la situation politique de la RDC.

 Pour tout dire, à travers ses nombreux déplacements le président avait un seul objectif, réchauffer la diplomatie, la coopération multiforme avec les alliés pour sortir un pays qui a vécu dans l’isolement pendant des nombreuses années.

Alliance avec le plus offrant, l’heure du winwin !

Considérée comme un scandale géologique suite à l’immensité de sa richesse du sol et du sous-sol, la RDC fait l’objet de toutes les convoitises. 

D’aucuns la considèrent comme un patrimoine mondial où tous les autres pays peuvent venir piocher. Et pourtant, comme le signalent quelques politologues, la Belgique a encore la mainmise sur l’économie de la RDC. Elle est une sorte de carte de validation. C’est elle qui donnait un avis de non-objection avant que Joseph Kabila vienne tout battre en brèche en 2006 lorsqu’il est élu président du Congo. Il tourne le dos au bloc occidental pour remettre le sort économique de son pays à la Chine en échange de quelques milliards de dollars américains. Un coup de massue dont ne se relèvent pas encore les Occidentaux qui ont vu la Chine déjà sérieuse concurrente, gagner du terrain. 

Dix ans durant, la RDC s’est laissée entre les mains de la Chine, ne laissant que du menu fretin aux Américains, Français et autres. De cette alliance avec la Chine, quelques ouvrages sont sortis de terre, et ce dans plusieurs domaines de la vie, parmi lesquels la santé, l’enseignement, les infrastructures. La transformation de Kinshasa et de quelques provinces est l’œuvre de cette coopération polémique suite à la signature d’un contrat dont les rouages ne seront presque jamais maitrisés. En deux quinquennats placés sous les thèmes de « Cinq chantiers » pour le premier et « Révolution de la modernité » pour le second, l’alliance RDC-CHINE a produit : l’hôpital du cinquantenaire de Kinshasa ; près de mille écoles à travers le Congo ; la tribune en face du Palais du Peuple sur le boulevard triomphal ; la place des évolués, la place de la Gare dans la commune de la Gombe ; le pont Loange dans le Kasaï ; de milliers de kilomètres de routes de dessertes agricoles reliant plusieurs provinces ; le Musée national à Kinshasa ; le centre culturel en pleine construction, etc. 

Ce qui paraît insignifiant aux yeux de plus d’une personne au vu des richesses insoupçonnées et surtout non contrôlées qui sortiraient de la RDC via ce partenariat. De l’avis de plusieurs analystes politiques, l’alliance entre la RDC et la Chine a été défavorable aux partenaires et alliés traditionnels du Congo, majoritairement occidentaux.

Avant de partir du pouvoir en 2019, Joseph Kabila place des garde-fous pour son allié chinois, il promulgue le nouveau code minier, un ensemble des mesures qui étranglent les partenaires occidentaux qui exercent dans le secteur des mines.

 Le camp Kabila majoritaire dans les différentes institutions de l’Etat, il est presque impossible de voir ces clauses libératoires sauter. A ce jour, les Etats-Unis ont un nouveau Président en la personne de Joe Biden, un démocrate. Une situation qui ouvre la porte à une vague de questions sur la nouvelle configuration des relations entre Kinshasa et Washington, étant donné que l’actuel président américain est présenté proche de Kabila contrairement à son prédécesseur Donald Trump qui se voulait plutôt pro Tshisekedi, même si les deux hommes ne se sont jamais rencontrés en deux ans de pouvoir du président congolais. Les choses ne pouvaient pas si mal arriver sachant que la RDC connaît un tournant de son histoire. 

Après l’alternance pacifique historique entre Joseph Kabila et son successeur Félix Tshisekedi, les deux hommes ont levé l’option de travailler ensemble pour le bien des congolais, dans une sorte de coalition au pouvoir. Deux années se sont passées, les noces entre ces deux ennemis d’hier n’ont pas débouché sur le bonheur tant attendu. Une alliance sur le plan national qui échoue au point que les congolais se posent des questions sur la nature de ces arrangements entre politiques. En soixante ans d’indépendance, les alliances entre la RDC et des pays étrangers ou encore celles conclues entre les congolais ont davantage contribué à régresser le niveau du Congo qu’à autre chose.

 Ce pays immensément riche est toujours classé parmi les derniers de la liste des pays les plus pauvres, son armée demeure parmi les moins puissantes incapable de pacifier totalement le territoire national, son élite toujours mise en doute à l’étranger dans les mêmes pays alliés où elle est obligée d’être rétrogradée… à quoi servent ces alliances si la RDC ne sait pas en tirer profit. Il est certes impossible de se suffire tout seul, cependant il existe des pays quoiqu’en alliance avec d’autres, parviennent à se développer essentiellement avec leurs propres moyens, les alliances n’étant qu’une obligation relationnelle pour faire joli. Avec son potentiel, la RDC doit-elle toujours sa survie aux alliances ? Qu’en tire le peuple ? Des questions auxquelles les lignes précédentes ont peut-être répondu ou pas. Les jours à venir sauront mieux situer cette question des alliances. 

Heshima Magazine

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RDC : le dilemme du Présidium de l’Union sacrée face au projet de changement de la constitution

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Le projet de changement constitutionnel initié par Félix Tshisekedi place les membres du présidium de l’Union sacrée face à un dilemme politique crucial. Les prises de position ou le silence de figures clés comme Augustin Kabuya, Jean-Pierre Bemba, Vital Kamerhe, Sama Lukonde, Bahati Lukwebo et Christophe Mboso révèlent les tensions internes et les stratégies variées qui façonnent cette coalition, chacune poursuivant ses propres ambitions politiques.

Augustin Kabuya : le chantre du changement constitutionnel

Augustin Kabuya, Secrétaire général de l’UDPS et membre influent du présidium de l’Union sacrée, est l’un des plus fervents partisans du projet de changement de la Constitution porté par Félix Tshisekedi. En tant que défenseur principal de cette initiative, il a rapidement pris une position centrale, lançant des actions concrètes pour mobiliser l’opinion publique en faveur d’une réforme majeure de la Constitution.

Kabuya soutient que cette modification, loin d’être un simple changement formel, offrirait des perspectives de stabilité politique et renforcerait la gouvernance en RDC. Il a qualifié l’actuelle Constitution de « malédiction », précisant à tort qu’elle évoque la possibilité de céder une partie du territoire national à des Etats voisins pour favoriser l’unité africaine, un aspect qu’il défend particulièrement.

À travers des interventions médiatiques et des déplacements à travers le pays, il répond aux critiques de l’opposition et de certaines factions internes de l’Union sacrée, les accusant de freiner le progrès national par des intérêts partisans. Son rôle de « porte-voix » de Félix Tshisekedi lui confère une visibilité accrue, consolidant son statut de défenseur du changement constitutionnel.

Ce soutien pourrait permettre à Kabuya de renforcer sa position politique, avec l’espoir d’obtenir des responsabilités ministérielles et de consolider sa base au sein de l’UDPS. Cependant, son engagement comporte des risques. Il s’expose à des critiques internes et externes, notamment de l’opposition qui voit ce projet de changement de constitution comme une tentative de prolonger le pouvoir de Tshisekedi. Des dissensions internes à l’Union sacrée pourraient aussi fragiliser sa position et celle du camp présidentiel.

Ainsi, bien que Kabuya ait tout à gagner en soutenant la réforme, il court également le risque de s’isoler politiquement, surtout si la réforme échoue ou si des divisions irréparables apparaissent au sein du gouvernement. La réussite de ce projet pourrait décider de son avenir politique, tandis que son échec pourrait entacher sa crédibilité et sceller son destin politique.

Jean-Pierre Bemba : entre prudence et ambitions politiques

Vice-premier ministre en charge des Transports, voies de communication et désenclavement, Jean-Pierre Bemba est une figure majeure de la politique congolaise. Ancien chef de guerre, ancien Vice-président de la République et ex-candidat à la présidence, Bemba reste un acteur clé, avec une forte base électorale dans l’ouest du pays.

Face au projet de modification constitutionnelle, Bemba adopte une posture prudente. S’il soutenait ouvertement une telle initiative, il risquerait d’aliéner une partie de son électorat, sensible aux questions de respect des principes démocratiques. Toutefois, son ambition personnelle de revenir sur le devant de la scène politique pourrait le pousser à négocier des garanties bien plus importantes avec Tshisekedi en échange de son soutien.

Bemba pourrait utiliser son influence pour réclamer des concessions, telles qu’un renforcement de son portefeuille ministériel ou des garanties sur son rôle futur dans le dispositif gouvernemental. En cas de refus ou de marginalisation, il pourrait également se rapprocher des opposants au projet, renforçant ainsi son image d’homme politique indépendant et défenseur de la démocratie.

Vital Kamerhe : entre loyauté et revanche 

Vital Kamerhe, président actuel de l’Assemblée nationale, est aussi une figure clé de l’Union sacrée de la nation et un acteur incontournable de la politique congolaise. Son parcours politique au sein du régime actuel est marqué par une alliance stratégique avec Félix Tshisekedi, scellée par l’accord de Nairobi en 2018. Cet accord prévoyait non seulement une collaboration électorale, mais également une alternance concertée des ambitions présidentielles.

Cependant, cet accord a rapidement été mis à mal. Après la victoire de Tshisekedi en 2018, Kamerhe, qui s’attendait à être nommé Premier ministre, s’est vu attribuer le poste de directeur de cabinet, limitant ainsi son influence et contrarié dans ses aspirations. La situation s’est aggravée avec son arrestation et sa condamnation pour détournement de fonds dans l’ « affaire des 100 jours ». Condamné à 20 ans de prison en première instance, une peine réduite à 13 ans en appel, il a passé un an et demi en prison avant d’être acquitté par la Cour de Cassation. Ce passage en détention a terni durablement son image publique, une humiliation que certains estiment qu’il n’a jamais complètement pardonnée à son allié Tshisekedi. Des slogans hostiles tels que « Kamerhe moyibi » (« Kamerhe voleur ») résonnaient encore dans des vidéos virales même durant la campagne de 2023, illustrant les stigmates persistants de cette épreuve. Peut-être nourrit-il un esprit de vengeance qu’il a enfoui et qu’il pourrait ressortir au moment opportun.

Après son acquittement, Kamerhe a entrepris de reconstruire sa carrière politique. Il occupa brièvement le poste de Vice-premier ministre de l’Économie avant de s’imposer, en 2023, comme président de l’Assemblée nationale. Mais ce succès a été précédé d’une compétition interne ardue. Pour être désigné candidat officiel de l’Union sacrée à ce poste, il a été contraint de participer à des primaires internes face à deux poids lourds : Christophe Mboso, président sortant, et Bahati Lukwebo, ancien président du Sénat. Cette exigence, imposée par la coalition, a été perçue par certains comme un moyen de freiner son ascension.

Kamerhe a dû mobiliser toutes ses ressources stratégiques pour sortir vainqueur de cette épreuve. Cette étape a probablement laissé des traces. A-t-il bien digéré le fait qu’on lui ait imposé de passer par des primaires, alors qu’il est l’un des piliers de l’Union sacrée ? Certains analystes y voient une volonté de Tshisekedi de limiter l’influence de son ancien allié, voire une preuve manifeste d’un manque de confiance. Cette situation nourrit des interrogations sur la sincérité de leurs relations et pourrait influencer le choix de Kamerhe face au projet de changement constitutionnel.

En contrepartie de son soutien, Kamerhe accepterait-il une nouvelle promesse de Tshisekedi, comme un poste de Premier ministre ? Mais une telle promesse serait-elle crédible, alors que l’accord de Nairobi, qui devait déjà le hisser à cette position, a été bafoué ?

Le projet de modification de la Constitution, qui ouvrirait la voie à un possible troisième mandat pour Tshisekedi, place Kamerhe dans une position délicate. En tant que Président de l’Assemblée nationale, institution centrale dans ce processus, il occupe un poste clé. S’il décide de soutenir cette initiative, ce serait en échange de garanties solides. Cependant, une telle posture risque de l’exposer à des critiques, notamment de ses partisans qui pourraient voir en lui un acteur trop conciliant et incapable de défendre ses ambitions. À l’inverse, s’il s’y oppose, Kamerhe pourrait renforcer sa crédibilité en tant qu’alternative politique, mais il risquerait également de s’isoler au sein de l’Union sacrée, et de perdre le perchoir de l’Assemblée nationale.

Les frustrations accumulées, qu’il s’agisse de l’humiliation publique liée à son procès aussi populaire qu’un match de foot, du non-respect de l’accord de Nairobi, ou de l’obligation de passer par des primaires pour décrocher un poste qui semblait lui être promis, constituent autant de raisons qui pourraient le pousser à adopter une posture plus indépendante vis-à-vis de Tshisekedi. Kamerhe, en fin stratège, devra peser chaque choix avec soin, car il sait que ces décisions détermineront non seulement son avenir politique, mais aussi les dynamiques de pouvoir au sein de l’Union sacrée.

Sama Lukonde : allié stratégique ou acteur ambigu

Président du Sénat, Sama Lukonde se retrouve dans un poste stratégique à un moment où le débat sur le changement constitutionnel prend de l’ampleur. Souvent perçu comme un technocrate discret plutôt qu’un politicien ambitieux, son parcours récent démontre pourtant une capacité à manœuvrer habilement dans des contextes complexes. Sa présence au sein du présidium de l’Union sacrée de la nation est liée au poste de Premier ministre qu’il occupait lors de la création de cette coalition. Mais son ascension à la tête du Sénat n’a pas été un long fleuve tranquille.

La désignation de Sama Lukonde pour briguer la présidence du Sénat a suscité de vives contestations, même au sein de l’UDPS. Certains élus, notamment ceux du Grand Katanga issus de l’UDPS, auraient préféré un autre candidat de leur parti. Face à ces résistances, Sama Lukonde n’est pas resté passif. Il a su mobiliser des soutiens influents au sein de l’Union sacrée. Des personnalités de poids, comme Danny Banza, se sont impliquées activement pour défendre sa candidature, utilisant parfois des discours au ton ferme afin de garantir sa désignation. Cela a été interprété par certains comme des mises en garde et chantages indirectes à l’attention du Président de la République.

Ces interventions, combinées à un lobbying visiblement efficace, ont permis à Lukonde de surmonter les oppositions internes et de s’imposer comme président du Sénat.

Sama Lukonde pourrait jouer un rôle clé dans le projet de changement constitutionnel. En soutenant cette initiative, il consoliderait sa position auprès de Tshisekedi et renforcerait son influence au sein de l’Union sacrée, tout en se solidifiant dans son fief du Grand Katanga, où il reste respecté mais contesté.

Cependant, un alignement trop marqué sur Tshisekedi pourrait affaiblir son indépendance politique, notamment dans une région où le président ne fait pas l’unanimité. Cette proximité pourrait aussi être exploitée par ses adversaires pour remettre en question sa légitimité locale.

Sama Lukonde devra donc trouver un équilibre entre fidélité au pouvoir et maintien de ses appuis régionaux. Son habileté politique, déjà démontrée, sera mise à l’épreuve dans cette phase délicate.

Bahati Lukwebo : nouvelle opportunité ?

Bahati Lukwebo, leader de l’AFDC-A (Alliance des Forces Démocratiques du Congo et Alliés) et deuxième Vice-président du Sénat, demeure une figure complexe dans la politique congolaise. Sa position au sein du présidium de l’Union sacrée de la nation est marquée par des alliances stratégiques, mais aussi par des tensions internes, particulièrement liées à la répartition des rôles au sein du gouvernement. Après la réélection de Félix Tshisekedi, il a déclaré que son regroupement AFDC-A est marginalisé, n’obtenant que peu de ministères, sans accès aux portefeuilles clés, ce qui a alimenté un sentiment de frustration au sein de son regroupement.

Bahati a exprimé son mécontentement concernant la gestion de la coalition, soulignant que les sacrifices de l’AFDC-A lors des élections de 2023 n’avaient pas été reconnus. Il a dénoncé ce qu’il appelle « l’acharnement politique » et a réclamé une place plus importante pour son regroupement dans les institutions du pays. Ce sentiment de marginalisation a renforcé les tensions au sein de l’Union sacrée.

Le soutien à cette révision pourrait lui permettre de renforcer ses relations avec le pouvoir en place, mais cela comporte également des risques. En s’alignant sur ce projet, Modeste Bahati pourrait espérer obtenir des garanties concernant des postes clés, compensant ainsi les marges réduites de son groupe. Ce serait peut-être pour lui l’occasion de revenir finalement en force, lui qui dirigeait encore récemment le Sénat, occupe aujourd’hui la place de troisième personnalité au sein de la même institution.

Cependant, cette position pourrait également fragiliser son image auprès de ses partisans et des autres factions de l’Union sacrée qui s’opposent au changement de la Constitution. Le soutien à ce projet pourrait être vu comme une trahison des principes démocratiques, compromettant ainsi ses aspirations à long terme.

Ainsi, Bahati Lukwebo se trouve dans une position délicate, où il devra naviguer entre ses intérêts personnels, les attentes de ses partisans et ses alliances stratégiques. Le soutien ou non au changement de la Constitution sera déterminant pour son avenir politique. Mais le natif de Kabare a annoncé ses couleurs en marge des états généraux de la Justice. Pour lui, la RDC n’a pas un problème de textes mais plutôt des hommes. 

Christophe Mboso : entre adaptation politique et opportunisme

Christophe Mboso, actuel deuxième Vice-président de l’Assemblée nationale, s’est hissé au sommet du régime Tshisekedi grâce à une succession d’opportunités politiques plutôt qu’à un réel poids électoral ou une ambition personnelle marquée. Sa trajectoire politique au sein du pouvoir de Tshisekedi, marquée par des retournements de situation, illustre sa capacité à s’adapter aux évolutions du paysage politique congolais.

Lors des tensions politiques entre le CACH (Cap pour le Changement) et le FCC (Front Commun pour le Congo) qui ont débouché sur la rupture entre les deux alliances, Mboso, alors simple député national de la troisième législature, était un soutien affiché de Jeanine Mabunda, présidente de l’Assemblée nationale pour le compte du FCC de Joseph Kabila. Pendant cette période, il s’opposait fermement aux velléités des députés pro-Tshisekedi de destituer Mabunda. On se souvient de son apparition publique, brandissant une feuille où l’on pouvait lire « Ne touche pas à Mabunda, ne touche pas à mon bureau ». Ironiquement, la chute de Mabunda deviendra le tremplin qui le propulsera sur le devant de la scène.

Après la destitution du ureau Mabunda, Christophe Mboso fut désigné président du bureau provisoire en raison de son statut de doyen d’âge parmi les députés. Cette position transitoire lui a permis de superviser l’élection du bureau définitif, dans laquelle il se porta candidat et fut soutenu par l’UDPS, le parti présidentiel. Il fut élu président de l’Assemblée nationale, un poste qu’il occupa jusqu’aux élections générales de 2023.

Ces élections marqueront un nouveau tournant. Désigné une fois de plus président du bureau provisoire grâce à son âge, il organisa les élections du bureau définitif, où il se porta à nouveau candidat à la présidence de l’Assemblée nationale. Cette fois, il affronta deux poids lourds de l’Union sacrée, Vital Kamerhe et Bahati Lukwebo, dans une élection primaire interne. Christophe Mboso perdit face à Kamerhe, plébiscité candidat président de l’Assemblée nationale. Refusant de se laisser éclipser, Mboso manœuvra pour conserver une place au bureau, acceptant le poste de deuxième vice-président, une position bien inférieure à celle de speaker qu’il occupait précédemment.

Son inclusion dans le présidium de l’Union sacrée de la nation s’explique davantage par sa fonction de président de l’Assemblée nationale au moment de sa création que par un véritable poids politique ou une base électorale. Mboso, loin de nourrir des ambitions présidentielles, semble surtout motivé par le désir de maintenir une position confortable dans le régime en place.

Face au projet de changement de la Constitution, Mboso a, jusqu’à présent, gardé un silence prudent. Cependant, son historique capacité d’adaptation et de fidélité au pouvoir laisse peu de doute sur son positionnement futur. Il est fort probable qu’il soutiendra sans réserve ce projet de changement de constitution, dès lors qu’il y trouvera une garantie de maintien dans l’appareil étatique. Mboso incarne un pragmatisme politique poussé à l’extrême, prêt à s’aligner sur toute initiative qui lui assure une place au soleil dans la configuration du pouvoir.

Une alliance sous tensions croissantes

L’attitude des membres du présidium face au projet de modification constitutionnelle met en lumière les tensions internes de l’Union sacrée. Bien qu’ils partagent une alliance de circonstance, leurs ambitions personnelles et leurs calculs politiques risquent de fracturer cette plateforme à mesure que le débat avance.

Le président Félix Tshisekedi devra déployer une stratégie habile pour rallier ces figures influentes sans accentuer les divisions. Ce projet controversé pourrait soit consolider le pouvoir actuel, soit révéler des fissures profondes qui fragiliseront l’Union sacrée à l’approche des élections de 2028.

Heshima

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La situation sécuritaire en RDC au cœur d’un sommet de la SADC au Zimbabwe

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À un mois de l’expiration du mandat des forces de la SADC déployées dans l’Est de la République Démocratique du Congo (RDC), la situation sécuritaire du pays fait l’objet d’une évaluation ce mercredi 20 novembre 2024 à Harare, au Zimbabwe. Pourtant, sur le terrain, le statu quo persiste.

Un sommet extraordinaire des Chefs d’État et des gouvernements de la Communauté de Développement de l’Afrique Australe (SADC) s’ouvre à Harare ce 20 novembre. Il sera dirigé par le président du Zimbabwe, Emmerson Mnangagwa, également président en exercice de la SADC.

Lors de cette rencontre, les discussions porteront sur la situation sécuritaire dans la région, avec un accent particulier sur la partie Est de la République Démocratique du Congo. « Le sommet sera l’occasion de faire le point sur les progrès de la Mission de la SADC en République Démocratique du Congo (SAMIR-DRC) », indique le communiqué de la SADC.

Le mandat de cette force expire le 15 décembre 2024. En octobre dernier, une mission de la SADC s’est rendue au Nord-Kivu pour évaluer l’opération de maintien de la paix menée en RDC (SAMIR-DRC). « Nous avons mené des opérations, mais notre mandat touche déjà à sa fin. Les autorités ont jugé urgent de procéder à une évaluation. L’objectif est de déterminer ce qui a fonctionné et ce qui n’a pas fonctionné, afin qu’en renouvelant notre mandat d’un an, nous sachions quelles mesures prendre pour plus d’efficacité », a déclaré le général-major Ibrahim Muhona, chef de la délégation envoyée par la SADC.

Soutien de l’ONU

Face aux difficultés rencontrées par cette force régionale, le Conseil de sécurité des Nations Unies a ordonné à la MONUSCO d’apporter son soutien à la SADC. Lors de sa visite en RDC en septembre, Jean-Pierre Lacroix, secrétaire général adjoint de l’ONU en charge des opérations de maintien de la paix, a échangé avec le commandant de cette force pour accélérer cette collaboration, conformément à la dernière résolution de l’ONU.

La résolution 2746 autorise un soutien renforcé de la MONUSCO aux opérations de la Mission de la Communauté de Développement de l’Afrique Australe en RDC (SAMIDRC). Selon cette résolution, la force onusienne est mandatée pour fournir une assistance à la SAMIDRC, notamment à travers une meilleure coordination, un partage accru d’informations, ainsi qu’un soutien technique et logistique. Ce soutien vise à renforcer les capacités de la SAMIDRC, tout en garantissant le respect des normes internationales en matière de droit international humanitaire et de droits de l’homme.

Statu quo dans le processus de Luanda

Pendant ce temps, à Luanda, les négociations entre les deux pays n’ont pas suffisamment progressé. Le Rwanda conditionne toujours son retrait du sol congolais à la neutralisation des Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR), tandis que la ministre des Affaires étrangères de la RDC, Thérèse Kayikwamba Wagner, plaide pour un retrait simultané des forces rwandaises, en même temps que la traque des FDLR. Pour Kigali, « la levée des mesures défensives du Rwanda », une formulation politique désignant le retrait de l’armée rwandaise du sol congolais, ne pourra intervenir qu’après des résultats significatifs dans la lutte contre les FDLR, soit dans un second temps.

Sur le terrain, les rebelles du M23, soutenus par le Rwanda, poursuivent leurs combats malgré le cessez-le-feu en vigueur depuis le 4 août. Ils ont gagné du terrain dans le territoire de Walikale et continuent de progresser dans celui de Lubero, dans la province du Nord-Kivu.

Heshima

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Nation

États généraux de la justice : après 359 propositions, un long combat pour leur mise en pratique

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Les États généraux de la justice se sont conclus le 16 novembre en République Démocratique du Congo. Après dix jours de débats, un rapport contenant 359 propositions a été présenté. Comme en 2015, le combat pour la mise en œuvre de ces recommandations a commencé. Le chef de l’État, Félix Tshisekedi, a promis de les appliquer sans faille.

Les États généraux de la justice se sont conclus le 16 novembre en République Démocratique du Congo. Après dix jours de débats, un rapport contenant 359 propositions a été présenté. Comme en 2015, le combat pour la mise en œuvre de ces recommandations a commencé. Le chef de l’État, Félix Tshisekedi, a promis de les appliquer sans faille.

Trois mille participants ont pris part à ces assises sous le thème : « Pourquoi la justice congolaise est-elle qualifiée de malade ? Quelle thérapie face à cette maladie ? ». Au total, 359 propositions ont été formulées, soit neuf de plus qu’en 2015. Parmi les recommandations, les participants ont suggéré le remplacement du Conseil supérieur de la magistrature par un Conseil supérieur de la justice, où les magistrats siégeraient aux côtés du président de la République et du ministre de la Justice. Lors du dernier jour des assises, le ministre d’État en charge de la Justice, Constant Mutamba, a abordé la réforme du Conseil supérieur de la magistrature. Les participants ont proposé son remplacement par un Conseil supérieur de la justice, dans lequel les magistrats ne siègeraient plus seuls. « Les avocats, les greffiers, les huissiers, la société civile et d’autres acteurs réclament désormais de faire partie du Conseil supérieur de la justice. Il est anormal que certains juges et magistrats, d’un certain niveau, ne fassent l’objet d’aucun contrôle de leurs actes », a dénoncé Constant Mutamba.

Certaines réformes irritent les magistrats

Cette proposition de remplacement du Conseil supérieur de la magistrature irrite une partie des magistrats. Ces derniers refusent que des non-magistrats, à l’exception du président de la République en tant que magistrat suprême, siègent dans cette instance. La dépendance des parquets vis-à-vis du ministère de la Justice, ainsi que la suppression de l’avis des présidents des cours et tribunaux avant de rendre une décision, figurent parmi les réformes qui suscitent des désaccords parmi les magistrats. Selon le procureur Edmond Issofa, président du Syndicat national des magistrats, ces questions n’ont pas été tranchées durant les dix jours des États généraux et ont été soumises à l’arbitrage du président de la République. « Le rapport tel qu’il a été présenté ne reflète en rien la réalité. Il ne correspond pas aux conclusions des ateliers qui ont insisté pour que les choses restent en l’état, en attendant un arbitrage du chef de l’État », a-t-il déclaré, déplorant l’impression d’une décision préétablie.

La double nationalité

Lors de la cérémonie de clôture au Palais du Peuple, Aimé Kilolo, rapporteur général des assises, a détaillé les recommandations retenues par les participants. Certaines de ces propositions nécessitent une modification de la Constitution. Par exemple, les participants ont recommandé une révision de l’article 10 de la Constitution pour permettre l’adoption de la double nationalité en RDC, tout en instaurant des mécanismes de déchéance de la nationalité congolaise en cas de haute trahison. Cette proposition a été formulée pour répondre aux attentes de la diaspora congolaise. D’autres recommandations phares ont également été retenues.

Jules Alingete recommande la création d’un parquet financier

Dans son intervention, Jules Alingete, inspecteur général et chef de l’Inspection générale des Finances (IGF), a vivement recommandé la création d’un parquet financier chargé de lutter contre les criminels économiques. Il a également plaidé pour l’adaptation du code pénal congolais aux nouvelles formes de criminalité financière. « Je ne suis pas juriste, mais il est évident que notre code pénal ne prévoit pas certaines infractions spécifiques à la criminalité financière moderne. Cela fait qu’au niveau du parquet, des faits manifestement constitutifs de corruption ou de détournement ne sont pas clairement définis, ce qui mène à des échecs judiciaires », a expliqué Jules Alingete. Il a aussi critiqué les immunités des députés et ministres qui, selon lui, rendent la justice et les organes de contrôle « impuissants ». Pour lutter contre la corruption, des pistes de solutions ont été proposées, notamment la création d’un Parquet financier, la formation des magistrats en matière financière, le renforcement des conditions financières des magistrats, et la révision du régime des immunités des membres du gouvernement responsables de gestion publique. Le renforcement des contrôles préventifs des finances publiques, avec la création d’une « patrouille financière », a aussi été évoqué.

La CENCO s’oppose à un changement de Constitution

Lors de la cinquième journée des États généraux de la justice, Monseigneur Donatien Nshole, s’exprimant au nom de la CENCO, a fermement conseillé le maintien de l’actuelle loi fondamentale. Il a souligné que la Constitution actuelle constitue un « pacte républicain » qui, si elle est appliquée correctement, pourrait éviter au pays une situation chaotique. En réponse aux discussions sur un éventuel référendum constitutionnel, il a mis en garde contre un tel projet, soulignant le coût financier élevé des élections dans un contexte où des investissements importants sont nécessaires pour améliorer les conditions de vie des Congolais. « Il serait irresponsable de chercher à changer la Constitution par référendum. Aujourd’hui, nous avons besoin de ressources pour améliorer les conditions sociales de la population », a-t-il déclaré. Selon le secrétaire général de la CENCO, la Constitution actuelle, en tant que « pacte républicain », a permis d’instaurer une stabilité sécuritaire dans le pays. Les problèmes actuels de la RDC ne découlent pas du texte constitutionnel, mais de son application. « Si les textes étaient appliqués, le pays ne serait pas dans cette situation », a-t-il ajouté.

Les résolutions de 2015 en souffrance

Ces États généraux se tiennent neuf ans après la première édition de ces assises de 2015. Parmi les centaines de recommandations formulées à l’époque, une vingtaine seulement ont été mises en œuvre. Dans son discours lors de ces nouveaux États généraux, le président de la Cour constitutionnelle et président du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), Dieudonné Kamuleta, a demandé aux participants d’évaluer sérieusement l’exécution des recommandations des États généraux de 2015. Il a rappelé que les travaux de 2015 avaient produit des conclusions et recommandations « riches » touchant aux réformes structurelles et systémiques du système judiciaire congolais. Les objectifs à l’époque étaient de poser un diagnostic sur le fonctionnement de l’appareil judiciaire, d’évaluer les réformes déjà entreprises, et de formuler des recommandations pour les réformes et actions prioritaires à mettre en œuvre. Au total, 350 recommandations avaient été retenues, abordant des questions telles que l’indépendance du pouvoir judiciaire, la lutte contre l’impunité, l’accès à la justice, et la sécurité des investissements. Les résolutions des États généraux de 2015 sont pour la plupart restées sans suite. « Seules 21 résolutions des États généraux de 2015 ont été appliquées à ce jour », a précisé un juge lors des travaux de 2024. Alexis Thambwe Muamba, ministre de la Justice à l’époque, avait prédit que les États généraux de 2015 permettraient de résoudre des problèmes majeurs du secteur judiciaire, tels que l’incurie, le clientélisme, la corruption et l’impunité. Ces assises avaient recommandé un point essentiel : « favoriser l’accès à la justice pour tous, qu’ils soient indigents ou nantis, villageois ou citadins ». Mais à ce jour, cette recommandation fondamentale est restée lettre morte.

Pour ces nouveaux États généraux, le président de la République a promis, lors de la clôture, de mettre en œuvre sans tarder les recommandations issues de ces assises. Elles doivent, selon lui, permettre la renaissance de l’appareil judiciaire congolais. Il a promis que le gouvernement recevra des directives claires pour déployer les ressources nécessaires à la réussite des réformes proposées. Toutefois, entre la fin des travaux et la réalisation concrète des réformes, il reste un long chemin à parcourir.

Heshima

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