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Expansion du conflit en RDC : l’Ouganda peut-il mettre ses menaces à exécution ?

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Après la chute de Goma et de Bukavu, les rebelles du Mouvement du 23 mars (M23) vont-ils progresser en Ituri ? La question mérite d’être posée après les menaces proférées, le week-end dernier, par le général Muhoozi Kainerugaba, fils du président ougandais Yoweri Kaguta Museveni, et chef de l’armée ougandaise (UPDF). L’armée congolaise, de son côté, tente d’appeler la population de Bunia au calme.

Lundi 17 février, une psychose s’était emparée des Congolais de la ville de Bunia, chef-lieu de la province de l’Ituri, au nord-est de la République démocratique du Congo (RDC). Cette psychose était liée à la présence des militaires ougandais aperçus dans cette ville. Le week-end, le chef de l’armée ougandaise avait menacé d’attaquer la ville de Bunia sous 24 heures. « Avec l’autorité du général Yoweri Museveni, commandant suprême de l’UPDF, je donne exactement 24 heures à toutes les forces présentes à Bunia pour rendre les armes. S’ils ne le font pas, nous les considérerons comme des ennemis et les attaquerons », avait écrit Muhoozi Kainerugaba, samedi, sur son compte X.

Ce fils du président ougandais, qui a l’habitude de publier des messages provocateurs sur la politique étrangère de son pays, a déclaré avoir reçu pour cela le feu vert du chef de l’État ougandais. Cette liberté de publication contrarie Kampala. Un porte-parole de l’armée ougandaise a dit ne pas pouvoir s’exprimer sur le dossier, d’après une source kenyane.

Prendre ses menaces au sérieux

Si le patron de l’armée ougandaise a la réputation de publier des contenus parfois futiles sur l’ancien réseau à l’oiseau bleu, depuis la chute de Goma, fin janvier, ses publications doivent désormais être prises au sérieux. En décembre, l’homme avait promis d’attaquer Goma pour y neutraliser les mercenaires « blancs » qui collaboraient avec les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC). Même si les militaires ougandais n’étaient pas visibles dans les attaques des rebelles du M23 et de l’armée rwandaise (RDF) contre la ville de Goma, et même lorsque ces mercenaires se sont rendus, l’ombre de l’Ouganda plane toujours sur ce conflit armé.

Le rapport du groupe d’experts des Nations unies démontre l’implication de l’Ouganda dans l’avancée des rebelles en RDC. D’ailleurs, les rebelles et les troupes rwandaises qui avaient pris la cité de Bunagana étaient passés par l’Ouganda. Désormais, son attention se porte sur Bunia, une ville clé de l’Ituri, province déjà en proie à l’insécurité grandissante avec la présence des groupes armés tels que CODECO, mais aussi des terroristes des Forces démocratiques alliées (ADF), un groupe d’origine ougandaise et qui a fait allégeance à l’État islamique.

Les FARDC calment la population

D’après le lieutenant Jules Ngongo, porte-parole de l’armée en Ituri, la présence de l’armée ougandaise à Bunia s’inscrit dans le cadre de la coordination des opérations conjointes FARDC-UPDF pour traquer les terroristes ADF. « Nous venons d’effectuer la première réunion avec le gouverneur militaire de l’Ituri. À ses côtés, le commandant de la 32ème Région militaire et le commandant du secteur opérationnel, mais également une délégation de l’armée UPDF. C’était dans le cadre des opérations conjointes pour que nous puissions conduire les opérations de manière coordonnée et ordonnée », a déclaré, lundi, Jules Ngongo. Face à cette situation, l’armée appelle la population au calme et à vaquer librement à ses occupations. Ce porte-parole a aussi annoncé deux autres réunions qui se tiendront dans l’idée de continuer à harmoniser les opérations entre les deux armées.

Heshima

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Mutamba-Mvonde : Un bras de fer judiciaire sur fond de règlement de comptes ?

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L’Assemblée nationale de la République démocratique du Congo (RDC) a autorisé, le 29 mai 2025, l’ouverture d’une information judiciaire à l’encontre du ministre de la Justice et garde des sceaux, Constant Mutamba. Il est accusé par le procureur général près la Cour de cassation de détournement présumé des fonds liés à la construction d’une prison dans la ville de Kisangani. Une partie de l’opinion perçoit cette action en justice comme un règlement de comptes contre un homme qui aurait mis mal à l’aise d’autres acteurs politico-judiciaires.

Le ministre de la Justice, Constant Mutamba – 37 ans – est au cœur d’un dossier judiciaire qui pourrait entacher sa jeune carrière politique. Dans un réquisitoire adressé à l’Assemblée nationale, le procureur général près la Cour de cassation, Firmin Mvonde, a demandé et obtenu la levée de l’immunité du ministre de la Justice pour lui permettre de répondre à une information judiciaire concernant un présumé détournement de 19 millions de dollars, dans le cadre d’un contrat de gré-à-gré pour la construction de la prison de Kisangani, dans la province de la Tshopo.

Constant Mutamba est soupçonné d’avoir violé les règles d’attribution des marchés publics en confiant les travaux à une entreprise congolaise, Zion Construction SARL, sans attendre l’avis de non-objection de la part de la Direction générale du contrôle des marchés publics (DGCMP). Lors du débat en plénière qui a suivi la présentation du rapport de la commission spéciale sur ce dossier, le député Eliezer Ntambwe a contesté la procédure ayant conduit à la levée d’immunité de Constant Mutamba. « Le dossier n’aurait pas dû aller au pénal. Il suffisait juste d’annuler le marché », estime Eliezer Ntambwe. Une approche contestée par Me Willy Wenga, avocat au barreau de Kinshasa-Gombe. Ce juriste estime que des politiciens ont parfois des intérêts entre eux mais le dossier est bien plus sérieux qu’une simple procédure administrative dans la passation des marchés.

Mutamba-Mvonde : une rancœur personnelle ?

Choisi par le président de la République Félix Tshisekedi après les élections de 2023 alors qu’il était dans l’opposition, Constant Mutamba faisait fière allure au sein du gouvernement dirigé par la Première ministre Judith Suminwa. Au Palais de justice, ce garde des sceaux a multiplié des initiatives tendant à réformer une justice qualifiée de « malade » par le chef de l’Etat lui-même. Une tâche louable mais hautement risquée au regard des réseaux jugés « mafieux » enracinés dans ce secteur. Dès le départ de son mandat en juin 2024, les méthodes du nouveau ministre ont vite créé des frustrations au sein de l’appareil judiciaire. Lors des états généraux de la justice – organisés en novembre par le ministère de tutelle et réunissant plus de 3 500 participants, dont des magistrats, des avocats, des universitaires, des activistes des droits de l’homme et des experts nationaux et internationaux – des tensions étaient palpables entre les hommes en toge et leur ministre. Dans la sphère politique, Constant Mutamba n’est pas aussi apprécié de tous, certains l’accusent de « populisme ».

Toujours en novembre, Constant Mutamba annonce l’ouverture d’une enquête pour faire la lumière sur l’acquisition d’un bien immobilier à Bruxelles par Firmin Mvonde, procureur général près la Cour de cassation. L’immeuble, d’une valeur de 900 000 euros, a été révélé par le média Africa Intelligence. « À ma demande, des enquêtes seront menées par l’Inspection Générale des Finances (IGF), la Cellule Nationale des Renseignements Financiers (CENAREF) et l’Agence Nationale de Renseignements (ANR) pour éclairer l’opinion sur ces faits », annonçait-il dans un communiqué. Quelques mois plus tard, comme une réponse du berger à la bergère, Firmin Mvonde poursuit à son tour son ministre de tutelle, accusé de détournement présumé dans un dossier de 39 millions de dollars dont le premier acompte de 19 millions aurait été virés dans un compte créé 24 heures seulement avant la transaction. Ces fonds ont été puisés dans la caisse de frivao, un fonds de réparation et d’indemnisation des victimes des activités illicites de l’Ouganda en RDC. Pour le procureur, il y a présomption de détournement dans le chef du ministre d’Etat à la Justice.

Pour Mutamba, Mvonde est un « Kabiliste »

Deux jours avant d’être auditionné par la commission mise en place à l’Assemblée nationale, Constant Mutamba improvise un meeting, le 26 mai, dans l’enceinte du Palais de justice pour récuser le procureur en dehors du circuit judiciaire. Devant son administration, le garde des sceaux affirme que « celui qui fait l’objet d’enquête ne peut pas enclencher [lui-même] une action contre le ministre de la Justice », faisant allusion à cette procédure sur l’achat, par Firmin Mvonde, d’un immeuble à Bruxelles. Ce qui paraît, à ses yeux, comme une « faute disciplinaire grave » et un dépassement des prérogatives. « Ce n’est pas Firmin Mvonde qui va l’entendre au parquet. C’est un autre magistrat qui sera choisi », précise Me Willy Wenga.

Dans son offensive contre le procureur, Mutamba agite aussi la fibre politique. Pour lui, Firmin Mvonde voudrait bloquer son enquête contre l’ancien président de la République, Joseph Kabila, rappelant que son adversaire « était dans le même groupe que les Kabilistes », lesquels sont à ses yeux des « mafieux ». En clair, Constant Mutamba accuse Firmin Mvonde d’être un partisan de Kabila. Pourtant, le ministre lui-même avec son regroupement politique – DYPRO – fut un proche du Front commun pour le Congo (FCC), plateforme politique de l’ancien chef de l’Etat congolais.

Le ministre de la Justice a aussi évoqué un « détournement » au sein même de son ministère, évoquant un « circuit » qu’il aurait découvert et remonté jusqu’au fonds FRIVAO. Il se dit « serein » face à la procédure de levée de son immunité et affirme « n’avoir pas peur de la prison. », dénonçant une manœuvre pour l’humilier et porter atteinte à sa réputation.

Des frictions avec certains membres du gouvernement

Le ministre de la Justice, à travers ses méthodes, se retrouve parfois en contradiction avec ses collègues au sein du gouvernement. Début mars, lors du lancement de la campagne nationale de sensibilisation de la jeunesse congolaise à la lutte contre la corruption, il a tenu des propos qui ont semblé heurter la Première ministre, Judith Suminwa, présente à cette cérémonie. « Est-ce que vous sentez l’odeur de détournement dans cette salle comme moi je la sens ? On a détourné l’argent des FARDC », avait-il lancé dans une salle remplie d’élèves. Ce à quoi la Première ministre avait immédiatement rétorqué : « Le ministre de la Justice vient de dire qu’il sent l’odeur… Êtes-vous d’accord que, tels que nous sommes ici, parmi vous (le public), il y ait l’odeur de la corruption ? Vous trouvez ça normal ? […] Alors, il faut qu’on rejette ces propos. » Une scène qui avait fait polémique, questionnant notamment sur les méthodes jugées « sans tacts » de Constant Mutamba. Mais l’intéressé avait réagi en estimant que c’était une campagne médiatique « mensongère » basée sur un montage frauduleux de ses propos lors de cette cérémonie qui avait connu notamment la présence de la ministre de la Jeunesse, de l’Éducation ainsi que du patron de l’IGF.

Mutamba reconnait des « erreurs administratives »

Lors de la séance d’audition à la commission spéciale, Constant Mutamba a reconnu ses excuses et présenté ses excuses, d’après le récit du député André Lite, citant le rapport de cette commission. Après un débat général et le vote, la plénière a adopté « la résolution portant autorisation de l’instruction à charge » du ministre d’Etat, Constant Mutamba, d’après la conclusion de Vital Kamerhe, président de l’Assemblée nationale. Dans ce dossier, Constant Mutamba est aussi soupçonné d’avoir versé à cette société la moitié du montant des travaux, soit 19 millions de dollars, sans l’approbation de la Première ministre, Judith Suminwa.

Pour la défense du ministre, la commission spéciale a proposé que Constant Mutamba ne démissionne pas de ses fonctions. Mais Papy Niango, ancien ministre des Sports et avocat au barreau de Kinshasa-Matete, conseille au ministre d’Etat à la Justice de démissionner pour mieux pouvoir affronter la justice.

Heshima

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RDC : Tshisekedi et les réalisations qui pourront marquer son passage à la tête du pays

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Le président de la République démocratique du Congo (RDC) est à 3 ans et demi de la fin officielle de son mandat. Si le secteur de la sécurité continue d’être son plus grand goulot d’étranglement pour l’instant, Félix Tshisekedi a cependant des réalisations qui pourraient marquer à vie son passage à la tête du pays. Heshima Magazine fait un focus sur les projets qui auront un impact non négligeable après son passage à la tête du pays.

Le 24 janvier 2019, Félix Tshisekedi Tshilombo prête serment comme président de la RDC. Il a remplacé à ce poste Joseph Kabila qui était au pouvoir depuis 2001. En janvier 2024, le fils de l’opposant historique, Étienne Tshisekedi, rempile pour un second mandat. Mais ce nouveau bail au Palais de la Nation rencontre de graves problèmes sécuritaires. Le Mouvement du 23 mars (M23), soutenu par l’armée rwandaise, a pris le contrôle de deux villes clés des provinces du Nord-Kivu et Sud-Kivu. Cette situation sécuritaire perturbe les efforts économiques et politiques déployés durant ses 6 années au pouvoir. Mais à côté de ce problème de sécurité, Félix Tshisekedi est en passe d’accomplir certains projets majeurs qui pourraient rester mémorables dans l’histoire du pays.

Gratuité de l’enseignement de base

Sous le mandat de Félix Tshisekedi, la RDC a instauré la gratuité de l’enseignement primaire, permettant à entre 3,5 et 4 millions d’enfants d’accéder à l’école. Cette initiative a été soutenue par un financement de la Banque mondiale. Bien que consignée dans la Constitution du pays, la gratuité de l’enseignement n’était pas appliquée sous le règne du président Joseph Kabila. Sa matérialisation rapide par Félix Tshisekedi avait suscité une certaine hostilité dans le camp politique de son prédécesseur. « Quand vous écoutez qu’on parle de la gratuité de l’enseignement, sachez que c’est notre programme, le programme de Joseph Kabila. La gratuité de l’enseignement est reconnue dans la Constitution. Et la Constitution a été promulguée par Joseph Kabila », avait déclaré en octobre 2019, Emmanuel Ramazani Shadary, secrétaire permanent de l’ex-parti présidentiel.

Cette gratuité de l’enseignement de base demeure une mesure phare du gouvernement. Même si son application rencontre des défis persistants, cette mesure pourrait réduire sensiblement l’analphabétisme dans le pays. Dans la prochaine décennie, il y aura très peu de jeunes sans éducation de base. Ce qui pourrait rehausser le niveau d’alphabétisme. Près de 4 millions d’enfants ont rejoint l’école en cinq ans grâce à la gratuité, portant le nombre total d’enfants scolarisés à plus de 6 millions, selon les chiffres partagés notamment par la Banque mondiale. Cette réforme capitale a suscité d’autres besoins, notamment celui du nombre d’écoles et de salles de classe pour accueillir les nouveaux élèves de plus en plus nombreux dans des salles surchargées.

Le gouvernement a alors entrepris une extension du réseau scolaire. Le nombre d’écoles publiques prises en charge par l’État a augmenté de 55 %, passant de 41 739 à 64 889. Il s’est ensuite posé le défi de l’amélioration des salaires des enseignants. Après plusieurs travaux avec les syndicats des enseignants, le salaire moyen d’un enseignant est passé de près de 160 000 à près de 409 000 francs, soit une augmentation mensuelle de 238 %. Mais le travail reste encore à faire quant à la rémunération de ces professionnels de la craie qui estiment toujours que leurs salaires sont insuffisants et que les conditions de travail sont encore difficiles. Mais dans l’ensemble, cette réforme majeure marquera le passage de Félix Tshisekedi à la tête de ce pays, pourvu que cette gratuité de l’école soit pérennisée après son mandat.

Gratuité de la maternité, un projet à pérenniser

La gratuité de la maternité a été instaurée en septembre 2023 dans le cadre de la Couverture Santé Universelle (CSU), avec pour objectif de réduire la mortalité maternelle et infantile. Près de deux ans après son lancement, le bilan présente des avancées notables, mais aussi plusieurs défis à surmonter, notamment celui de l’accessibilité de ce service sur l’ensemble du territoire de la RDC. Cette gratuité des accouchements est désormais effective dans 13 provinces, avec une extension prévue à l’ensemble du pays d’ici fin 2025. D’après le bilan à mi-parcours de ce projet présenté par Félix Tshisekedi dans son discours sur l’état de la Nation en décembre 2024, plus de 1,3 million de femmes ont accouché gratuitement dans 4 300 établissements de santé, dont 1 155 ont été équipés pour améliorer la qualité des soins. Dans des hôpitaux qui appliquent le programme de gratuité de la maternité à Mbuji-Mayi, dans la province du Kasaï-Oriental, le nombre d’accouchements est passé de 12 en janvier à 80 en mars 2024, illustrant une demande accrue liée à la gratuité.

Le PDL-145T, un immense projet pour la postérité

Depuis l’indépendance du pays en 1960, aucun projet de développement n’a eu l’envergure du Programme de Développement Local des 145 Territoires (PDL-145T) lancé par le cinquième président de l’histoire de ce pays. Ce projet, en cours de réalisation avec un budget de 1,6 milliard de dollars, vise à améliorer le cadre de vie des populations rurales en rapprochant l’administration des administrés avec en toile de fond : construction des bureaux des administrateurs des territoires, construction des écoles publiques dans chaque territoire et construction des centres de santé. Avec ce budget d’environ 1,6 milliard de dollars, ce programme projette de sortir 25 millions de Congolais de la pauvreté et de la précarité en créant notamment des routes de desserte agricole pour permettre d’évacuer les produits vivriers partant des zones rurales vers les grands centres de consommation.

Au 25 mars 2025, lors d’une réunion d’évaluation présidée par le ministre des Finances, Doudou Fwamba Likunde Li-Botayi, il a été rapporté que plus de 40 % des infrastructures prévues avaient été achevées. Le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) a livré 334 écoles, 54 bâtiments administratifs et 245 centres de santé, soit un total de 631 infrastructures sur les 764 prévues. Le Bureau Central de Coordination (BCeCo) a également réalisé 190 écoles, 112 centres de santé et 16 bâtiments administratifs, atteignant un taux d’exécution de 82 %. La Cellule d’Exécution des Financements en Faveur des États Fragiles (CFEF) a également atteint un taux d’exécution de 82 %. Le gouvernement devrait se battre pour atteindre les 60 % de réalisation qui restent. Pour l’instant, des défis sécuritaires freinent également l’exécution totale de ce programme. Dans des provinces telles que l’Ituri, les travaux ont été suspendus pendant plus de trois mois en raison des conflits armés. Dans le territoire de Djugu, plusieurs infrastructures ont été détruites, retardant ainsi les projets. Dans la province de Tanganyika, bien que 77 infrastructures soient en cours de construction, des retards ont été observés, nécessitant une supervision accrue pour assurer le respect des délais. Le coût initial du programme, estimé à 1,66 milliard USD, a augmenté à 2,138 milliards USD, soit une hausse de 28,79 %, en raison de l’extension des travaux et de certaines contraintes liées à leur mise en œuvre. « Il y a beaucoup d’ouvrages qui ont été réceptionnés. Je peux dire que nous sommes à plus de 40 % des ouvrages dans leur ensemble », a résumé Doudou Fwamba, ministre des Finances, soulignant que plusieurs contraintes sur le terrain sont en voie d’être surmontées.

En 2025, le gouvernement congolais a identifié la réhabilitation de 38 000 km de routes agricoles comme une priorité dans le cadre de la deuxième phase du programme. Cette initiative vise à améliorer l’accès aux marchés pour les produits agricoles, stimulant ainsi la croissance économique locale. Ce projet, une fois qu’il crée des centres d’intérêt locaux, pourrait freiner l’exode rural aggravé par la précarité et les mauvaises conditions socio-économiques dans les milieux ruraux.

Port en eau profonde de Banana, un projet historique concrétisé

En posant la première pierre pour la construction de ce port, le 31 janvier 2022, Félix Tshisekedi a ainsi lancé la matérialisation d’un projet historique. Depuis 1863, l’idée de l’érection d’un port en eau profonde à Banana avait germé. Sous la colonisation, les Belges nourrissaient la même idée. Mais ce projet n’avait pas bénéficié de grandes avancées en termes d’études de faisabilité. En 1972, le gouvernement, sous le régime du maréchal Mobutu, mettra en place l’Organisation pour l’Équipement de Banana-Kinshasa (OEBK), un organisme pour, entre autres, assurer le développement d’un port en eau profonde à Banana, étudier la possibilité de construire un chemin de fer et un pont sur le fleuve Congo au niveau de Matadi. Mais ce port n’avait toujours pas vu le jour. Sous Joseph Kabila, l’idée de cette infrastructure avait été évoquée sans toutefois la concrétiser.

À son arrivée au pouvoir, Félix Tshisekedi a cherché des partenaires aux Émirats arabes unis pour financer ce projet. C’est DP World, une société des Émirats arabes unis, qui est à l’œuvre. Cela, pour un coût d’un peu plus d’un milliard de dollars de manière globale. Malgré la lenteur observée, les travaux de construction évoluent. Une fois réalisé, ce port sera donc une nouvelle porte d’entrée au continent africain. La première phase du projet prévoit la construction d’un quai de 600 mètres de long et d’une plateforme de stockage de 25 hectares. Celle-ci aura une capacité annuelle de plus de 300 000 conteneurs, soit plus de 1,3 million de tonnes de marchandises. DP World se chargera non seulement de la construction du port, mais aussi des zones industrielles associées.

Heshima

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Entre foi et pouvoir : l’Église catholique peut-elle encore être la conscience du Congo ?

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C’est un après-midi étouffant à Kinshasa lorsque le cardinal Fridolin Ambongo monte en chaire. La congrégation de la cathédrale Notre-Dame du Congo est suspendue à ses lèvres alors qu’il livre une critique cinglante de la gestion des récentes élections par le gouvernement. « La voix du peuple est étouffée », déclare-t-il, sa voix résonnant dans les halls sacrés. À l’extérieur, la tension est palpable ; des rumeurs de manifestations et de contre-manifestations emplissent l’air. Cette scène incarne le double rôle de l’Église catholique en République démocratique du Congo (RDC) : guide spirituel et force politique.

Depuis des siècles, l’Église est tissée dans le tissu de la société congolaise. Des écoles missionnaires qui éduquent des générations aux efforts humanitaires dans les régions déchirées par la guerre, son influence est indéniable. Pourtant, son implication dans la politique est une arme à double tranchant, suscitant à la fois louanges et critiques. Des figures comme Joseph Malula, qui défend l’africanisation, et Laurent Monsengwo, qui s’oppose à l’autoritarisme, laissent des marques indélébiles dans l’histoire du pays. Aujourd’hui, alors que l’Église navigue dans les eaux tumultueuses de la politique congolaise, elle fait face à de nouveaux défis et à d’anciens adversaires.

En 2024, l’appel de l’Église à une enquête sur les irrégularités électorales suscite l’indignation des jeunes de l’UDPS, qui menacent de s’en prendre aux symboles catholiques en représailles. Cet incident n’est que le dernier d’une série de confrontations qui mettent en lumière la relation tendue entre foi et pouvoir en RDC. Alors que la nation lutte avec des questions de justice et de gouvernance, une question demeure : l’Église catholique peut-elle encore être la conscience morale du Congo ?

Un pilier historique dans un État fragile

L’histoire de l’Église catholique en RDC remonte à la fin du XVe siècle, lorsque les missionnaires portugais convertissent le roi Nzinga Nkuvu du Royaume du Kongo. Cependant, c’est sous la colonisation belge, au XIXe siècle, que l’Église s’implante solidement, développant un réseau d’écoles, d’hôpitaux et de paroisses qui deviennent des relais essentiels du pouvoir colonial. Selon certains observateurs, 70 % des élites congolaises avant l’indépendance en 1960 sont formées dans des écoles catholiques. Ce rôle éducatif renforce son influence, mais inscrit également l’Église dans une dynamique paternaliste, souvent au détriment des traditions locales.

Après l’indépendance, l’Église se repositionne comme un contre-pouvoir face aux régimes autoritaires. Dans les années 1970, elle résiste à la politique d’« authenticité » de Mobutu Sese Seko, qui cherche à nationaliser les écoles catholiques et à interdire les prénoms chrétiens. Dans les années 1990, elle joue un rôle clé dans la Conférence Nationale Souveraine (CNS), visant à démocratiser le pays. Aujourd’hui, elle gère plus de 10 000 écoles et de nombreux centres de santé, selon la Conférence Épiscopale Nationale du Congo (CENCO). Dans les zones de conflit comme le Nord-Kivu, elle soutient des millions de déplacés via des organisations comme Caritas Congo.

Un rôle politique ambivalent

Le rôle politique de l’Église est à double tranchant. Elle dénonce souvent les abus, mais ses liens avec les élites politiques suscitent des inquiétudes. En 2016, la CENCO négocie l’Accord de la Saint-Sylvestre pour apaiser les tensions électorales, mais seulement 60 % de ses clauses sont appliquées, selon Transparency International. En 2023, ses 25 000 observateurs électoraux sont salués, mais critiqués par le pouvoir pour partialité. Cette ambivalence alimente les tensions, marquées par des manifestations contre l’Église, organisées par des militants proches du pouvoir.

En 2024, la demande de la CENCO pour une enquête indépendante sur les irrégularités des élections de décembre 2023 exacerbe les tensions avec l’UDPS, le parti au pouvoir. Des jeunes de l’UDPS menacent de s’en prendre aux symboles catholiques, un écho des attaques de 2021 contre la résidence du cardinal Ambongo. Ces incidents reflètent un schéma de confrontation où l’Église est perçue comme un défi à l’autorité de l’État.

Joseph Malula : Pionnier de l’africanisation

Joseph-Albert Malula, né le 12 décembre 1917 à Léopoldville (Kinshasa), grandit dans une famille modeste sous le régime colonial belge. Formé au petit séminaire de Bolongo et au grand séminaire de Kabwe, il est ordonné prêtre en 1946, devenant le premier curé noir de la paroisse Christ-Roi à Kinshasa, un symbole d’émancipation dans une Église dominée par les Européens. En 1964, il est nommé archevêque de Kinshasa, et en 1969, le pape Paul VI le fait cardinal, une première pour un Congolais, marquant l’émergence d’une voix africaine au Vatican. Malula se distingue par son charisme et sa vision d’une Église enracinée dans la culture congolaise, rejetant l’idée d’une foi importée.

Dès les années 1960, il plaide pour une liturgie adaptée aux réalités africaines, intégrant des éléments culturels comme les tambours, les danses et les langues locales, notamment le lingala. Ce projet culmine avec le rite zaïrois, approuvé par le Vatican en 1988 après des décennies de débats. « L’Évangile doit parler notre langue », déclare-t-il lors d’une homélie en 1970, citée dans le Dictionary of African Christian Biography. Il promeut l’utilisation de noms africains, en phase avec la politique d’« authenticité » de Mobutu, mais insiste sur l’autonomie de l’Église face à l’État. Il crée des centres de formation pour les catéchistes, renforçant l’évangélisation dans les zones rurales, et soutient l’éducation des laïcs, voyant dans l’instruction un levier d’émancipation. Son approche, bien que révolutionnaire, suscite des résistances : certains missionnaires européens y voient une déviation, tandis que des fidèles conservateurs craignent une perte des traditions catholiques universelles. Malula parvient néanmoins à imposer sa vision, faisant du rite zaïrois un modèle pour d’autres Églises africaines.

Au début du régime de Mobutu, Malula soutient l’idée d’une identité nationale forte, voyant dans l’« authenticité » une opportunité d’africaniser l’Église. Cependant, les tensions éclatent rapidement. En 1971, Mobutu exige que le Mouvement Populaire de la Révolution (MPR), son parti unique, contrôle les institutions religieuses, y compris les écoles catholiques. Malula s’y oppose, dénonçant une « politisation de la foi ». En 1972, après une homélie critiquant la répression des libertés, il est accusé de « schisme » et de « subversion ». Le régime lance une campagne de diffamation, le surnommant « cardinal diabolique » dans les médias d’État. Forcé à l’exil à Rome en avril 1972, Malula y reste près d’un an. Pendant son absence, le gouvernement saisit les biens de l’Église, ferme des écoles catholiques et interdit les réunions religieuses indépendantes. À Rome, Malula plaide la cause congolaise auprès du Vatican, publiant des lettres pastorales pour encourager les fidèles à résister pacifiquement. Son exil galvanise les catholiques, qui continuent de fréquenter les messes malgré les intimidations. En 1973, une médiation du Vatican permet son retour, mais il reste sous surveillance. Malula reprend son ministère, promouvant l’éducation et l’autonomie de l’Église, mais évite les confrontations directes avec Mobutu pour protéger les fidèles.

Dans les paroisses de Kinshasa, comme Christ-Roi, il est perçu comme un héros de la résistance culturelle. « Il défendait notre foi contre Mobutu », témoigne Marie Nzuzi, fidèle de 70 ans. Le rite zaïrois, avec ses messes animées, renforce sa popularité dans les zones rurales, où l’Église est souvent la seule institution présente. À Kisangani, des fidèles se souviennent des écoles qu’il fonde, offrant une éducation gratuite aux plus démunis. Cependant, dans les milieux proches du MPR, la propagande du régime le dépeint comme un traître. À Matadi, des rumeurs l’accusent d’être « vendu à Rome » et de freiner la modernisation du pays. En avril 1972, des militants du MPR organisent des marches à Kinshasa et Lubumbashi, dénonçant l’« ingérence cléricale » de Malula. Ces manifestations, rapportées par le New York Times, mobilisent des jeunes des quartiers populaires, mais sont largement orchestrées par le pouvoir. Les slogans comme « À bas l’Église coloniale ! » visent à discréditer Malula, mais ne reflètent pas un rejet populaire massif. Cette polarisation montre la tension entre l’Église et un régime cherchant à contrôler la société. À son retour en 1973, des foules l’accueillent à Kinshasa, signe d’un soutien populaire persistant, bien que certains critiquent son exil comme une « fuite ».

Malula meurt le 14 juin 1989 à Louvain, en Belgique. Son héritage perdure à travers le rite congolais, toujours pratiqué, et les institutions éducatives qu’il a développées. En 2010, le président Joseph Kabila le déclare « héros national », un geste perçu comme une tentative de réconciliation avec l’Église. Dans les campagnes, il reste une icône, mais à Kinshasa, certains jeunes urbains lui reprochent d’avoir cédé face à Mobutu après son retour. « Malula est un visionnaire, mais il n’a pas assez défié le pouvoir », commente Pierre Moke, chauffeur de taxi, dans un entretien avec Jeune Afrique. Son legs illustre le défi d’une Église cherchant à concilier foi et politique.

Cardinal Frédéric Etsou : Une conscience morale face à la tourmente politique

Frédéric Etsou Nzabi Bamungwabi, né le 3 décembre 1930 à Mazalaga, dans la province de l’Équateur, grandit dans une région rurale marquée par l’influence des missions catholiques. Issu d’une famille modeste, il est formé dès son enfance dans des écoles missionnaires, où il se distingue par son intelligence et sa piété. Il fréquente l’école primaire à la mission catholique de Boyange, puis le petit séminaire Notre-Dame-de-Grâces de Bolongo, avant de poursuivre ses études théologiques au grand séminaire de Kabwe. Ordonné prêtre en 1958 au sein de la Congrégation du Cœur Immaculé de Marie (CICM), il se consacre à l’évangélisation dans les zones rurales de l’Équateur. En 1977, il est nommé archevêque de Mbandaka-Bikoro, un diocèse vaste et difficile d’accès, où il développe des initiatives éducatives et sociales, gagnant le respect des communautés locales. En 1990, il devient archevêque de Kinshasa, une position stratégique dans la capitale politique et économique du pays. En 1991, le pape Jean-Paul II le crée cardinal, faisant de lui l’un des principaux représentants de l’Église congolaise sur la scène internationale. Etsou est reconnu pour son érudition, son charisme discret, et son engagement envers les pauvres, mais aussi pour son franc-parler face aux abus politiques, qui le place rapidement au cœur des tensions entre l’Église et l’État.

Le cardinal Etsou s’impose comme une voix morale dans un pays en proie à l’instabilité politique. Son ministère coïncide avec des périodes critiques : la fin du régime de Mobutu, la deuxième guerre du Congo (1998-2003), et la transition sous Joseph Kabila. Dès son arrivée à Kinshasa, il critique les dérives autoritaires et la corruption, s’inscrivant dans la tradition de l’Église comme contre-pouvoir. En 1999, lors d’une messe solennelle au stade des Martyrs, devant des milliers de fidèles, il appelle à « bannir le tribalisme et le régionalisme » pour reconstruire une nation unie, un message perçu comme une critique implicite du régime de Laurent-Désiré Kabila. Cette homélie, prononcée en présence de 300 prêtres et d’une dizaine d’évêques, renforce son image de leader spirituel engagé dans les questions sociales.

Son implication politique atteint un pic en 2006, lors des premières élections pluralistes depuis l’indépendance. Etsou, en tant qu’archevêque de Kinshasa, dénonce des irrégularités dans le processus électoral organisé par la Commission Électorale Indépendante (CEI), dirigée par l’abbé Apollinaire Malumalu. Il accuse la CEI de partialité en faveur de Joseph Kabila, suggérant que des « forces internationales » manipulent les résultats pour assurer sa victoire. Ses déclarations, relayées par Le Monde, sont interprétées comme un soutien implicite à l’opposant Jean-Pierre Bemba, ce qui divise l’opinion et l’Église elle-même. Etsou organise des messes pour appeler à la transparence, attirant des milliers de fidèles dans les paroisses de Kinshasa.

Les critiques d’Etsou en 2006 provoquent une vive réaction du gouvernement de Kabila. Les médias proches du pouvoir l’accusent de « s’immiscer dans les affaires politiques » et de « semer la discorde ». Malumalu, en tant que président de la CEI, qualifie les propos de « dangereux » et « irresponsables », arguant qu’ils risquent de déstabiliser un pays encore fragile après la guerre. Cette confrontation publique entre deux figures catholiques met en lumière les divisions au sein de l’Église. Le gouvernement exploite cette fracture pour discréditer l’Église, accusant Etsou de soutenir l’opposition et de favoriser Bemba, originaire de l’Équateur comme lui.

Sous Laurent-Désiré Kabila, Etsou a déjà des frictions avec le pouvoir. En 1998, il critique la répression des opposants et l’exploitation des ressources minières par des puissances étrangères, lui valant des menaces implicites. En 2006, ses accusations de fraude électorale amplifient ces tensions. Bien que le pouvoir n’ose pas l’attaquer directement, des campagnes médiatiques le dépeignent comme un « cardinal politicien ».

Etsou jouit d’un immense respect parmi les fidèles, particulièrement à Kinshasa, où il est vu comme une boussole morale. Ses critiques des élections de 2006 résonnent auprès des Congolais frustrés par les irrégularités. « Etsou dit la vérité : Kabila n’a pas gagné honnêtement », témoigne Esther Mbuyi, commerçante à Kinshasa. Ses messes attirent des foules, et dans l’Équateur, il est célébré pour ses écoles.

Etsou meurt le 6 janvier 2007 à Louvain, laissant un héritage complexe. Son courage en 2006 renforce l’image de l’Église comme gardienne de la justice. « Etsou est la voix des sans-voix », écrit Vatican News. « Etsou est un grand homme, mais il a créé des divisions », commente Grace Ntumba à Heshima Magazine.

Laurent Monsengwo Pasinya : Une voix contre l’autoritarisme

Né le 7 octobre 1939 à Mongobele, dans la province de Mai-Ndombe, Laurent Monsengwo Pasinya est issu d’une famille influente de l’ethnie Sakata. Éduqué dans des écoles missionnaires, il excelle académiquement. Il entre au séminaire de Kabwe, puis obtient un doctorat en théologie biblique à l’Institut Biblique Pontifical de Rome en 1971, devenant le premier Africain à recevoir cette distinction. Ordonné prêtre en 1963, il est nommé évêque auxiliaire d’Inongo en 1980, archevêque de Kisangani en 1988, archevêque de Kinshasa en 2007, et cardinal en 2010. Sa réputation de théologien et de médiateur le propulse sur la scène internationale.

Monsengwo se distingue sous Mobutu par son opposition aux dérives autoritaires. En 1991, il préside la Conférence Nationale Souveraine (CNS), une assemblée visant à démocratiser le pays. La CNS propose des réformes, mais Mobutu suspend ses travaux. En février 1992, l’Église organise une « marche des chrétiens » à Kinshasa pour exiger la réouverture de la CNS. Cette manifestation, réunissant des milliers de fidèles, est réprimée dans le sang : les forces de sécurité tuent entre 13 et 32 personnes, selon les estimations rapportées par plusieurs médias. Monsengwo condamne ce « massacre » dans une lettre pastorale, qualifiant le régime de « tyrannique ». Mobutu l’accuse de « propos injurieux », mais n’ose pas l’arrêter, craignant une révolte populaire. Cet épisode renforce l’image de l’Église comme rempart contre l’oppression, mais expose les fidèles à des représailles.

Sous Laurent-Désiré Kabila, Monsengwo dénonce la concentration du pouvoir. Pendant la deuxième guerre du Congo (1998-2003), il critique l’occupation de Kisangani par les troupes rwandaises, appelant à une juridiction internationale. Avec Joseph Kabila, il rejette les résultats des élections de 2011, entachées de fraudes, et en 2017, appelle à chasser « les médiocres » du pouvoir, un slogan repris par les mouvements citoyens. En 2016, il contribue à l’Accord de la Saint-Sylvestre, sous la supervision de la CENCO.

Monsengwo est largement admiré, surtout dans les zones rurales. À Kisangani, Esther Mbuyi, commerçante, le décrit comme un « prophète » pour avoir dénoncé l’occupation rwandaise. À Kinshasa, ses appels galvanisent les jeunes, qui participent aux marches du Comité Laïc de Coordination (CLC) en 2017-2018. Cependant, dans les milieux pro-PPRD, il est vu comme un agitateur à la solde de l’opposition politique. En 2018, des jeunes du PPRD, surnommés les « bérets rouges », envahissent la cathédrale Notre-Dame du Congo, accusant les prêtres de « semer le chaos ». Ces actions, orchestrées par le régime de Kabila, visent à intimider l’Église. Les « bérets rouges » s’en prennent aux paroisses pour faire taire les appels à la démocratie, perçus comme une menace directe au pouvoir de Kabila, qui lutte pour prolonger son mandat face à une opposition croissante.

Apollinaire Malumalu : L’architecte électoral controversé

Né le 22 juillet 1961 à Muhangi, dans le Nord-Kivu, Apollinaire Malumalu Muholongu grandit dans une région marquée par l’instabilité ethnique. Issu d’une famille catholique, il entre au petit séminaire de Musienene, puis étudie la théologie à Kinshasa et les sciences politiques à l’Université Pontificale Grégorienne de Rome. Ordonné prêtre en 1988, il dirige l’Université Catholique du Graben à Butembo, où il promeut l’éducation comme outil de paix. Sa réputation d’intellectuel pragmatique le rend apte à naviguer dans les complexités de la politique congolaise. Malumalu se distingue par sa capacité à dialoguer avec des acteurs divers, des chefs traditionnels aux diplomates, ce qui lui vaut d’être choisi pour des rôles de médiation.

En 2005, Malumalu est nommé président de la Commission Électorale Indépendante (CEI) pour organiser les premières élections pluralistes depuis 1960. Après la deuxième guerre du Congo (1998-2003), qui fait des millions de morts, la RDC est fracturée. Malumalu doit acheminer du matériel électoral dans des zones sans infrastructures, former des agents sous la menace des milices, et apaiser les tensions entre candidats comme Joseph Kabila et Jean-Pierre Bemba. Le scrutin de 2006, financé par la communauté internationale, aboutit à la victoire de Kabila avec 58 % des voix au second tour. Malumalu est salué par l’ONU et l’Union européenne pour avoir tenu un calendrier serré dans un contexte chaotique. « Ces élections sont une victoire pour le peuple congolais », déclare-t-il lors d’une conférence de presse en 2006. Cependant, des irrégularités sont signalées : bourrages d’urnes dans l’est, intimidations dans les bureaux de vote, et retards dans les résultats. Le cardinal Frédéric Etsou, archevêque de Kinshasa, dénonce une « victoire volée ». Malumalu défend le processus, arguant que « les imperfections sont inévitables dans un pays en reconstruction ». Ces accusations marquent une fracture entre Malumalu et une partie de l’Église, qui craint que son rôle ne compromette la neutralité de l’institution.

En 2013, Malumalu est reconduit à la tête de la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI), malgré les objections de l’opposition et de la CENCO. Cette nomination ravive les soupçons de partialité. L’opposition, menée par Étienne Tshisekedi, l’accuse de travailler pour prolonger le mandat de Kabila, surtout après le report des élections prévues en 2016. Des allégations, non authentifiées, font état de réunions secrètes avec des proches du président. Malumalu nie ces accusations, affirmant son « engagement pour la démocratie ». La CENCO, dans un communiqué de 2013, exprime des réserves sur son retour à la tête de la centrale électorale. Cette désapprobation publique accentue les tensions. En 2015, Malumalu démissionne, officiellement pour raisons de santé, souffrant d’une tumeur au cerveau, et meurt en 2016 aux États-Unis. Son décès suscite des hommages mitigés : l’ONU loue son rôle en 2006, mais l’opposition le qualifie de « serviteur du régime ». Les journaux kinois titrent « Malumalu : le prêtre qui divise la nation », reflétant son héritage controversé.

Malumalu divise les Congolais. Dans le Nord-Kivu, il est vu comme un héros local. « Grâce à lui, nous votons pour la première fois », témoigne Jean-Paul Bahati, agriculteur à Goma. À Kinshasa, il est perçu comme un pion du pouvoir. En 2013, des manifestations éclatent dans la capitale, organisées par des mouvements citoyens comme Filimbi et Lucha. Des jeunes scandent : « Malumalu, valet de Kabila ! », accusant l’Église de ne pas avoir désavoué un prêtre jugé partial. Dans les quartiers comme N’Djili, des graffitis dénoncent « l’Église à deux visages », reflétant une frustration face à son rôle ambigu. Ces actes, bien que limités, illustrent un mécontentement urbain. Dans les zones rurales, son image reste positive, et des messes sont célébrées en son honneur après sa mort. Cette fracture reflète la tension entre l’admiration pour son travail organisationnel et les soupçons de compromission politique.

Malumalu laisse un legs ambivalent. Les élections de 2006 sont une étape clé vers la démocratie, mais son rôle en 2013 ternit son image. Dans le Nord-Kivu, des écoles portent son nom, mais à Kinshasa, il est associé à la consolidation du pouvoir de Kabila. « Malumalu fait avancer la démocratie, mais à quel prix ? », s’interroge Popol Mukeni, activiste des droits de l’homme.

Fridolin Ambongo Besungu : Une voix critique contemporaine

Né le 24 janvier 1960 à Boto, Fridolin Ambongo rejoint les Capucins et est ordonné prêtre en 1988. Évêque de Bokungu-Ikela en 2004, archevêque de Mbandaka-Bikoro en 2016, il devient archevêque de Kinshasa en 2018 et cardinal en 2019. Connu pour son franc-parler, il est une figure influente au Vatican.

En 2018, Ambongo qualifie les élections de « mascarade », dénonçant les fraudes. Sous Félix Tshisekedi, il critique la corruption et la crise à l’est, où le M23 intensifie ses attaques en 2024. En 2025, il s’oppose à une révision constitutionnelle, provoquant des tensions avec l’UDPS. En 2024, la demande de la CENCO pour une enquête sur les irrégularités électorales de décembre 2023 attise la colère des jeunes de l’UDPS, qui menacent de s’en prendre aux églises et aux symboles catholiques, percevant l’Église comme un obstacle à la légitimité de Tshisekedi. Ces tensions s’inscrivent dans un contexte où l’Église critique la gestion de la crise sécuritaire à l’est et les initiatives de paix, comme les discussions avec le M23 en 2025, jugées par l’UDPS comme une ingérence.

Dans l’est, Ambongo est admiré pour son soutien aux déplacés. À Goma, Christine Furaha, déplacée, le voit comme un « défenseur ». À Kinshasa, il divise : certains le soutiennent, d’autres l’accusent de partialité. En 2021, sa résidence est attaquée, un incident condamné par la CENCO. En 2018, des jeunes du PPRD envahissent la paroisse Notre-Dame de Fatima, séquestrant des prêtres, en réaction aux marches du CLC pour la démocratie.

Ambongo siège au Conseil des cardinaux, influençant les débats mondiaux. Sa critique de l’exploitation des ressources congolaises le rend populaire, mais controversé. Ses rencontres avec des figures de l’opposition, comme Moïse Katumbi à Bruxelles en 2017 ou les discussions prévues en 2025 avec des leaders de l’opposition, alimentent les accusations de partialité. De plus, des dons présumés, comme un véhicule offert par le PPRD au début du mandat de Tshisekedi en 2019, et d’autres contributions financières de politiciens, y compris de l’opposition, soulèvent des questions sur l’indépendance de l’Église, bien que ces allégations manquent de preuves concrètes.

Une influence ambivalente

L’Église catholique soutient des millions de déplacés, notamment via Caritas Congo. À Beni, la paroisse Sainte-Thérèse est un refuge pour les déplacés. Pourtant, son rôle politique reste controversé. Les visites de représentants de l’Église à des figures comme Katumbi, perçues comme un soutien à l’opposition, et les dons présumés de politiciens, du PPRD comme de l’opposition, jettent une ombre sur sa neutralité. Ces gestes, qu’ils soient motivés par la realpolitik ou la nécessité de financer ses œuvres sociales, compromettent son image de boussole morale.

Les tensions avec l’UDPS en 2024 et les actions des « bérets rouges » du PPRD en 2018 illustrent la fragilité de la position de l’Église. Les menaces des jeunes de l’UDPS, bien que non documentées précisément en 2024, s’inscrivent dans un climat de méfiance où l’Église est accusée de défier l’autorité de l’État. Les « bérets rouges », en envahissant les églises, cherchent à réprimer une institution perçue comme un catalyseur de dissidence. Ces incidents, combinés aux liens ambigus avec les élites politiques, soulignent les défis auxquels l’Église fait face pour maintenir son autorité morale.

Entre foi et pouvoir : un équilibre fragile

L’Église catholique en RDC reste un pilier, mais son rôle politique divise. Les figures de Malula, Etsou, Monsengwo, Malumalu, et Ambongo incarnent cette tension, entre soutien populaire et critiques urbaines. Malula africanise la foi, mais doit naviguer sous Mobutu. Etsou dénonce les fraudes, mais divise l’Église. Monsengwo résiste à l’autoritarisme, mais est accusé de partialité. Malumalu organise des élections historiques, mais est perçu comme un pion du pouvoir. Ambongo, aujourd’hui, marche sur une corde raide, critiquant la corruption tout en étant accusé de compromission.

L’Église peut-elle encore être la conscience du Congo ? Dans les campagnes, où elle est souvent la seule institution présente, la réponse est un oui retentissant. À Goma, les déplacés trouvent refuge dans ses paroisses. Mais à Kinshasa, les graffitis sur les murs des églises et les menaces des militants racontent une autre histoire. Les dons politiques et les rencontres avec l’opposition brouillent son message, tandis que ses critiques du pouvoir la placent dans la ligne de mire. Dans un pays où la justice est un cri étouffé, l’Église demeure une voix puissante, mais son équilibre entre foi et politique reste précaire.

Heshima Magazine

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