Non seulement que le besoin de renouveler la classe politique est réel, il est une nécessité, voire une urgence. L’évidence est que depuis 1960, les acteurs politiques ne font que vieillir. Devant la stagnation qui s’observe dans leur gestion sur le plan politique, économique et social, nombreux sont ceux qui souhaitent avoir une nouvelle offre politique, de nouveaux visages et de nouveaux discours. Henri Blaise Nzonza, président du cercle de réflexion de la Nouvelle Dynamique pour le Congo, dans sa tribune intitulée : De la nécessité d’une nouvelle classe politique au Congo-Brazzaville, affirme que « Nul n’ignore que le renouvèlement de la classe politique ne se décrète pas, il faut la provoquer et l’accompagner ». Ainsi, la régénération ne pouvant se faire par une sorte de « génération spontanée », certains mettent leur espoir dans la société civile, qui n’est pas aussi innocente comme on le croit. Actuellement, la société civile est politisée, piratée, noyautée notamment par les vieux « loups ». À l’instar du printemps arabe, les mouvements citoyens se sont aussi montrés limités. On en est encore à se demander : qui peut mettre en œuvre le processus de renouvellement de la classe politique ?
La politique et l’âge
La politique doit-elle toujours être liée à l’âge de ceux qui la pratiquent ? Soumaïla Cissé, chef de file de l’opposition malienne, mort à 71 ans le 25 décembre 2020 en France, pensait que tout dépend de la qualité des hommes ou des femmes, pas de leur âge. Donc, il n’est pas question de tomber dans le « jeunisme » ou de renouveler à tout prix la classe La politique doit-elle toujours être liée à l’âge de ceux qui la pratiquent ? Soumaïla Cissé, chef de file de l’opposition malienne, mort à 71 ans le 25 décembre 2020 en France, pensait que tout dépend de la qualité des hommes ou des femmes, pas de leur âge. Donc, il n’est pas question de tomber dans le « jeunisme » ou de renouveler à tout prix la classe
Les jeunes des années 60 et ceux d’aujourd’hui
À l’accession de la République démocratique du Congo à l’indépendance en 1960, les acteurs politiques de l’époque étaient jeunes : En 1960, Patrice Emery Lumumba et Antoine Gizenga étaient âgés de 35 ans, Joseph Ileo et Cyrille Adoula 39 ans, Justin Bomboko avait 32 ans et Moïse Tshombe 41 ans. Soixante ans après, les jeunes ont du mal à émerger face aux vieux, véritables ogres, qui les étouffent. Actuellement, les formations politiques pullulent de jeunes qui sont dans la trentaine ou qui frôlent cette tranche d’âge, mais, qui ne sont malheureusement que des sous-fifres propre-àrien, jouant le simple rôle de propagandistes si pas de garçons de courses.
En Afrique en cette année 2021, la moyenne d’âge est de 19 ans et celle de dirigeants d’un peu plus de 63 ans. Selon Alain Foka de RFI, l’Afrique est dirigée par des vieux dont au moins 7 présidents sont au pouvoir depuis plus de trente ans, et six depuis plus de 20 ans. Sur le continent, les ministres ayant 60 ans au gouvernement sont considérés comme des jeunes. On parle parfois de la perception que les dirigeants ont du pouvoir : certains considèrent leurs pouvoirs comme un pouvoir traditionnel qui ne prend fin qu’avec la mort. D’où, dans cette réminiscence de la monarchie, ils ne préparent pas la relève : tant que ce n’est pas eux, personne ne peut.
Alors qu’ils ont accédé jeunes au pouvoir, ces dirigeants prennent la résolution d’y demeurer le plus longtemps possible, déroutés par l’égoïsme et le souci de faire carrière en politique. Par conséquent, au lieu de servir, ils se servent du pays en s’enrichissant outrancièrement.
Au Congo, des personnalités de la société civile s’étaient réunies en 2018 autour du thème : «Renouvellement et rajeunissement de la classe politique en RDC : état des lieux et rôle des organisations de la société civile». Selon l’intervenant principal à cette rencontre, Bienvenue Karhakubwa, président du Centre Africain de Paix et Gouvernance et chercheur en paix et développement, plusieurs causes empêchent le renouvellement de la classe politique : faible engagement des jeunes à relever les défis, leur manipulation ou instrumentalisation due au chômage accru et à la pauvreté inouïe, faible ou mauvaise gouvernance des partis politiques…
Des options qui ne peuvent rien changer
Dans beaucoup de pays africains, les jeunes, quelles que soient leurs ambitions, sont classés dans la catégorie «poids plume » qu’il faut toujours chaperonner. Au Congo-Brazzaville, Denis Sassou Nguesso a amorcé ce qu’on qualifie de processus conduisant au renouvellement de la classe politique. Il a mis en exergue le conseil consultatif de la jeunesse et a nommé plusieurs jeunes aux hautes fonctions administratives et aux gouvernements qui se sont succédé depuis 2016. Paradoxalement, lui-même ne pense pas prendre sa retraite ou tirer sa révérence politique.
Par ailleurs, on pense parfois à tort que les élections permettent de renouveler la classe politique. À Butembo, au Nord-Kivu, Joseph Kabila, s’adressant à la population, avait déclaré : « 90 % des jeunes de la population de Butembo n’ont pas des cartes d’électeurs. J’aimerai que vous soyez nombreux lorsque nous allons commencer avec les opérations d’enrôlement. Cette opération va vous permettre d’aller voter et puis nous voulons renouveler notre classe politique, il y a de ceux-là qui sont dans la politique depuis 1960, il y a 56 ans ». Au regard des irrégularités qui accompagnent l’organisation des élections en Afrique, on ne peut compter sur les scrutins électoraux pour remplacer les vieux dirigeants.
Selon Bienvenu Karhakubwa, renouveler et rajeunir la classe politique signifie trois choses : amener les jeunes à se multiplier dans les institutions, amener les femmes à se hisser dans les instances de prise des décisions et amener les figures nouvelles dans les institutions pour leur rajeunissement. Pour Henri Blaise Nzonza, ce renouvellement s’impose le plus souvent par la mobilisation des jeunes pour la défense des acquis et le refus du retour en arrière.
Hubert MWIPATAYI